Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur (n° 1009) (M. Pierre Henriet et Mme Constance Le Grip, rapporteurs)              2

– Présences en réunion..............................40

 

 

 

 

 


Mercredi
30 avril 2025

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 62

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur (n° 1009) (M. Pierre Henriet et Mme Constance Le Grip, rapporteurs).

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cette proposition de loi (PPL) est transpartisane. Déposée à l’initiative de nos collègues sénateurs Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, elle a été adoptée à l’unanimité par le Sénat le 20 février dernier. Ce moment revêt une certaine gravité, tant cette proposition de loi – courte, dense et composée de quatre articles – va bien au-delà d’un texte législatif. Elle est un véritable appel à défendre l’essence même de notre pacte républicain, cet universalisme républicain nourri de l’esprit des Lumières, assoiffé de raison, de savoir, de connaissance, d’ouverture, en un mot : cet humanisme.

L’universalisme républicain est aux prises avec un mal ancien, un poison insidieux, que plusieurs générations – dont la mienne – pensaient relégué aux heures les plus sombres de notre histoire. Je veux parler du poison de l’antisémitisme. Selon un sondage de l’Ifop réalisé en septembre 2023 pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), 91 % des étudiants de confession juive ont été victimes d’un acte antisémite, allant de la lourde blague antisémite à la menace verbale ou l’agression physique, en passant par les insultes, les remarques pleines de préjugés et de stéréotypes. Les signaux d’alarme étaient donc déjà allumés : l’antisémitisme était devenu le quotidien des étudiants juifs.

Depuis, ils ont peur de venir à l’université. Certains assistent uniquement aux travaux dirigés (TD) et désertent les cours en amphithéâtre. D’autres se cachent, dissimulent leur identité ou abandonnent carrément leurs études. La peur, l’isolement et le sentiment d’abandon les habitent.

Depuis le 7 octobre 2023, les actes antisémites se sont dramatiquement multipliés dans notre pays. Comme l’a dit récemment la ministre déléguée Aurore Bergé, « ce qui se dresse devant nous, ce n’est pas une vague, c’est une lame de fond », laquelle n’épargne pas l’université. Ce constat ô combien navrant a conduit le Sénat à installer, dans un premier temps, une mission d’information sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, confiée aux sénateurs Levi et Fialaire, dont les conclusions ont été adoptées à l’unanimité.

S’est ensuivie la présente PPL, qui repose sur trois piliers : éducation, prévention, sanction. Les dispositifs proposés s’inscrivent dans le cadre législatif existant sur la lutte contre le racisme et d’autres formes de discriminations, de violence et de haine. Cette démarche se situe dans la lignée des plans nationaux de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et autres formes de discriminations liées à l’origine qui caractérisent notre république. Je rappelle que l’actuel plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine – le Prado – couvre la période 2023-2026 et correspond à la rédaction de nombreuses dispositions de notre code pénal.

Les sénateurs ont voulu reconnaître une place singulière à la lutte contre l’antisémitisme – une forme particulière d’hostilité identitaire – dans le débat concernant le racisme, les discriminations, les violences et la haine, en l’inscrivant pleinement dans le champ des dispositions déjà existantes. Cette démarche, que nous avons faite nôtre, allie ainsi préservation, voire renforcement de l’existant et mise en visibilité du combat contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur.

L’article 1er vise à inscrire dans le code de l’éducation la formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine parmi les missions des établissements assurant le service public de l’enseignement – établissements d’enseignement supérieur, écoles, collèges, lycées, instituts nationaux supérieurs du professorat et d’éducation (Inspé). L’objectif est de créer une véritable chaîne de formation tout au long du parcours éducatif. Étonnamment, en effet, les objectifs de lutte contre les discriminations de toute nature, en particulier celles à caractère raciste, antisémite, ethnique ou religieux, ne figurent pas dans la partie législative du code de l’éducation.

L’article 2 porte sur les dispositifs de lutte et de signalement dans les établissements d’enseignement supérieur et dans les universités, dont il vise à rationaliser le fondement législatif, actuellement limité à la création d’une mission dédiée à l’égalité femmes-hommes – l’une des dispositions importantes de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso, de 2013. En pratique, de nombreux établissements se sont progressivement dotés de missions « égalité et diversité », dont le périmètre d’action est plus large que celui fixé par cette loi. Bien des établissements ont également déjà désigné des référents compétents pour la prévention et le traitement des actes antisémites et racistes et des violences sexuelles et sexistes.

En l’absence d’obligation unifiée figurant dans la loi de la République, de grandes disparités existent entre les établissements. Est également posé le sujet de la visibilité des dispositifs existants et de l’identification des référents. La PPL propose donc de généraliser les missions « égalité et diversité », en étendant leur champ d’intervention à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. En outre, est proposée la désignation systématique, en leur sein, d’un référent spécialisé dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Elles auront également l’obligation de déployer un dispositif de signalement garantissant l’anonymat des victimes et des témoins.

J’insiste sur l’importance de ce texte, au regard des situations absolument intolérables et extrêmement douloureuses que vivent beaucoup trop d’étudiants de confession juive dans les établissements d’enseignement supérieur et dans les universités, censés être des lieux de savoir et de transmission de la connaissance : ils doivent être préservés de ce fléau.

M. Pierre Henriet, rapporteur. « Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas » écrivait Jean Zay, ministre de l’éducation nationale et des beaux-arts, dans sa circulaire adressée aux recteurs le 31 décembre 1936. Ces mots, qui résonnent aujourd’hui avec une force singulière, nous rappellent que l’école comme l’université sont bien plus que de simples institutions : elles sont les sanctuaires de la raison, les phares qui éclairent les consciences et forgent les esprits libres.

Si l’antisémitisme a, hélas, traversé l’histoire de la France et de l’Europe, en adoptant des visages toujours renouvelés, les attaques du 7 octobre 2023 ont contribué à libérer, au sein de l’université, une parole et des comportements antisémites, jusqu’alors contenus ou tus. Depuis cette date, soixante-sept actes antisémites ont été recensés dans les universités et les grandes écoles françaises, soit le double de l’année universitaire précédente. Ces chiffres officiels ne révèlent qu’une partie de la réalité. Je le rappelle, selon une enquête de l’Ifop pour l’UEJF, 91 % des étudiants juifs déclarent avoir déjà été victimes d’actes ou de remarques antisémites à l’université, 45 % d’entre eux ayant subi des injures et 7 % été physiquement agressés. Au-delà des actes recensés, un antisémitisme d’atmosphère s’installe sur de nombreux campus : harcèlement insidieux, blagues répétées sur les Juifs ou la Shoah, tags anonymes ou menaces à peine voilées.

Face à ce constat, il est de notre responsabilité politique et morale de franchir une nouvelle étape. Il ne suffit plus de réaffirmer les valeurs de la République. Il faut donner les moyens aux acteurs et aux victimes de transformer l’indignation en action, de briser le silence et l’isolement, et d’opposer à chaque manifestation de haine une riposte ferme, concrète et immédiate.

Ce texte est le fruit d’un travail minutieux. J’ai l’honneur de rapporter pour la commission l’article 3, qui prévoit l’adaptation de la procédure disciplinaire à la poursuite des faits d’antisémitisme, de racisme, de violence, de discrimination, en complétant la liste des faits permettant de déclencher et de renforcer les pouvoirs d’investigation des établissements, ainsi que l’article 4, qui vise à assurer cette application outre-mer.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Roger Chudeau (RN). En prenant connaissance de cette proposition de loi sénatoriale, je n’ai pu m’empêcher de penser à l’audition des présidents et dirigeants d’université l’année dernière : nous avions pu constater un parfait déni du phénomène d’antisémitisme à l’université, par les responsables de celle-ci. Les choses ont changé : depuis l’épisode de Sciences Po Paris, nous assistons à une saine réaction. Mieux vaut tard que jamais.

L’antisémitisme est un délit réprimé par le code pénal. L’université ne dispose en la matière d’aucune franchise universitaire. Combien y a-t-il eu de saisines au titre de l’article 40 du code de procédure pénale pour antisémitisme à l’université ces dernières années ? M. le rapporteur vient d’évoquer le chiffre de soixante-sept signalements de faits antisémites, pour combien de poursuites et de condamnations ? Poser la question, c’est y répondre : il existe seulement six procédures disciplinaires et quatorze signalements au procureur de la République. On peut donc s’interroger quant à la volonté des gouvernements macronistes et des présidents d’université de sévir en la matière.

Cette anomie gangrène littéralement l’université. Les présidents d’université et le gouvernement portent une part de responsabilité dans la dégradation de la situation. En effet, neuf étudiants juifs sur dix déclarent avoir été victimes d’actes antisémites. La peur s’est installée chez les étudiants juifs de France. L’islamo-fascisme a désormais droit de cité dans nos universités. Chacun se souvient de la prise de contrôle de Sciences Po Paris par des éléments pro-Hamas l’an dernier. Le dernier incident est à cet égard particulièrement significatif : à l’université de Lyon-II, un professeur qui avait résisté à l’islamisation de l’espace universitaire a récemment été agressé par une quinzaine d’individus, courageusement cagoulés. Pire, la présidente de l’université, loin de porter secours à son collègue agressé, l’a accablé de reproches, en l’accusant d’islamophobie.

Le groupe Rassemblement national proposera quelques amendements et votera cette proposition de loi, qui constitue un progrès indéniable. Nous considérons toutefois qu’elle reste très en deçà de ce qu’il conviendrait de faire pour lutter effectivement contre cette plaie honteuse qu’est l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Elle traite en effet uniquement des conséquences de la montée de l’antisémitisme, non de ses causes.

L’antisémitisme qui se répand dans la société française et à l’université trouve ses origines dans deux phénomènes intimement liés : une entreprise de prise de contrôle religieux et politique des musulmans en France par l’islamisme radical frériste ; la récupération et l’instrumentalisation politique électorale par la gauche et l’extrême gauche.

M. Christophe Marion (EPR). Alors que nous étions rassemblés dimanche, partout en France, pour rendre hommage aux victimes et au héros de la déportation, que nous prenons connaissance depuis lundi des conclusions des assises dédiées à la lutte contre l’antisémitisme, le hasard du calendrier nous offre l’opportunité de réaffirmer et de mieux protéger nos valeurs fondamentales. Lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement, pilier de notre société, est un combat complexe qui nous oppose à un ennemi insidieux, diffus, millénaire, qui semble ne jamais vouloir déposer les armes. Il faut pourtant le combattre sans relâche car, comme le disait Brecht, « celui qui n’a pas pris part au combat partagera la défaite ». Nous ne la connaissons que trop bien, notre pays a la mémoire tachée et sait à quoi conduit un antisémitisme déchaîné.

À l’heure où le nombre d’actes antisémites augmente dans l’enseignement supérieur, il est de notre responsabilité de nous munir des meilleurs boucliers. Certains sont en cours de déploiement par le gouvernement : je pense au lancement d’un programme de recherche spécifique sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur et d’une mission dédiée à la sécurité au sein des établissements, ainsi qu’à la transmission, en janvier dernier, d’une circulaire de politique pénale favorisant la prise en compte des signalements faits par les universités. D’autres sont à venir, notamment par la mise en œuvre des recommandations des assises, tels que le transfert des discours haineux dans le droit pénal général.

Cet arsenal défensif pourrait donc être utilement complété par l’adoption de cette proposition de loi. L’article 1er présente l’avantage de rendre obligatoire et de pérenniser la sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme. Si celle-ci fait, en pratique, déjà partie des missions des établissements, cet article permet de renforcer l’outil le plus efficace pour lutter contre l’antisémitisme : l’éducation. Votre rapport dresse en effet le constat de l’insuffisance des sensibilisations actuelles. Cet article prévoit aussi une formation des enseignants, essentielle tant ils peuvent se sentir démunis et craindre d’être exposés.

L’article 2 impose l’installation de missions Égalité et diversité disposant de référents dédiés à l’antisémitisme dans les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que de dispositifs de signalement. Cet article généralise des procédures jusque-là inégalement déployées : les étudiants ne seront plus isolés et disposeront d’un interlocuteur adapté et formé, qui recevra leur témoignage. Notre connaissance de l’état de l’antisémitisme au sein de l’enseignement supérieur sera meilleure et moins minorée, ce qui favorisera notre vigilance et l’adaptabilité de notre stratégie de lutte.

Enfin, l’article 3 donne les moyens aux établissements d’enseignement supérieur de déclencher des procédures disciplinaires pour des faits d’antisémitisme. Il renforce aussi le droit d’information des victimes sur les suites engagées à l’encontre de l’auteur des faits.

Si cette PPL a le mérite de conforter la lutte contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine, elle permet également de garantir que nos établissements d’enseignement supérieur soient des lieux de respect et d’apprentissage, de débat et de libres expressions. Le groupe Ensemble pour la République votera donc ce texte avec enthousiasme.

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Le racisme, s’il n’avait jamais disparu, se réaffirme à tous les étages, ici même avec l’arrivée en nombre de députés d’extrême droite, des micros tendus à des multirécidivistes en la matière, sur des chaînes d’information en continu, jusqu’au gouvernement qui leur déroule le tapis rouge. Cette situation a inévitablement des répercussions dans nos facultés, avec la montée du racisme et de l’antisémitisme : des personnes juives sont assimilées à la politique de l’État d’Israël ; avec les attaques contre le voile, l’islamophobie vise des jeunes femmes musulmanes.

Heureusement, notre jeunesse ne vous a pas attendu pour se mobiliser face à de telles injustices : à Rouen, les étudiants s’indignent et se révoltent face au racisme subi par l’un des leurs, à cause d’un professeur ; face au génocide à Gaza, ils font vivre contre vents et marées la solidarité internationale. En retour, l’extrême droite veut faire taire violemment les mobilisations, comme aux États-Unis, où Donald Trump contribue à aggraver la situation, notamment en insultant la prestigieuse université d’Harvard et en la qualifiant d’« institution antisémite ». Nous avons connu cette instrumentalisation par des antisémites de la première heure en France, particulièrement après le 7 octobre 2023, pour protéger coûte que coûte la politique génocidaire du gouvernement suprémaciste israélien.

La PPL s’inscrit dans ce contexte. Elle émane d’un gouvernement que l’on a rarement vu dans les mobilisations antiracistes. Les organisations étudiantes font pourtant état de la situation dans les facultés depuis des années. Si les missions dédiées à l’égalité déjà existantes ne traitent pas toutes de la question du racisme, elles manquent cependant toutes de moyens. Cette PPL constitue un bel effet d’annonce, alors que vous enchaînez les coupes budgétaires qui ne permettent pas aux universités de lutter efficacement contre ces phénomènes. Votre mépris à l’égard des mobilisations étudiantes, des professeurs et des présidences d’université en dit long sur vos réelles intentions. La lutte antiraciste est un combat sérieux, qui ne doit pas être instrumentalisé à des fins politiciennes et qui demande des moyens conséquents.

Ce texte réussit l’exploit de parler d’antisémitisme sans aborder une seule fois le déferlement de saluts nazis et de diatribes antisémites qui ont eu lieu ces derniers mois à Lille, à Caen, à Toulouse ou encore à Strasbourg. Vous parlez de racisme, sans nommer l’islamophobie, au moment où, jusqu’au plus haut sommet de l’État, les musulmans sont ciblés comme ennemis de l’intérieur et méprisés, même lorsqu’ils sont victimes d’attentats racistes. Cette PPL pourrait traduire la volonté de lutter contre tous les racismes et formes de discrimination, dont l’antisémitisme, si elle n’était pas entachée de l’instrumentalisation raciste de cette question. À l’heure où Trump attaque violemment les universités, ses chercheurs et ses étudiants, il est plus qu’urgent de protéger les libertés académiques, de réunion et d’association sur nos campus. C’est pourquoi nous serons particulièrement vigilants, afin de garantir un enseignement supérieur émancipateur et l’héritage français des libertés universitaires dans notre pays.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Cette PPL nous offre l’occasion de rappeler notre engagement sans faille à lutter contre l’antisémitisme, le racisme et toutes les discriminations, dans l’enseignement supérieur et partout dans la société. Il est heureux que les rapporteurs aient choisi une approche qui ne s’applique pas uniquement à la lutte contre l’antisémitisme, ce qui permettra de faire évoluer quelques points qui posent question.

Par ailleurs, le groupe Socialistes et apparentés n’est pas convaincu de l’apport d’un arsenal juridique supplémentaire par ce texte, pour lutter efficacement contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, s’agissant notamment de l’application du droit existant et des moyens qui y sont affectés. Jaurès avait à cet égard une très belle formule : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. » Notre droit comporte des éléments extrêmement puissants pour lutter contre l’antisémitisme, d’ores et déjà illégal, comme le sont toutes les formes de racisme. Il nous faut traiter des raisons pour lesquelles certains étudiants se sentent menacés, alors qu’il existe déjà des sanctions. Deuxièmement, quels moyens permettent d’assurer le suivi des plaintes des victimes de discrimination ou de formes de racisme, en particulier antisémite ?

Il est quelque peu artificiel de vouloir renforcer la loi parce que nous n’assurons pas sa bonne application actuellement. Si nous pouvons empiler autant de textes qui ne seraient que des rappels de principe de notre droit, le risque d’une déception est immense. Le législateur prend lui-même le risque d’être complice d’une passivité de réactivité sociétale, sur l’antisémitisme et sur toutes les formes de racisme. La situation des étudiants risque de ne pas être concrètement améliorée. Interrogeons-nous aussi sur l’efficacité de la loi.

M. Alexandre Portier (DR). L’antisémitisme prolifère jusque dans nos universités, un lieu qui devrait pourtant par essence être consacré au savoir et aux débats respectueux. Soutenir cette proposition de loi, c’est rappeler qu’en France, la haine des Juifs n’a pas sa place, dans la rue ou dans les amphithéâtres. C’est une question d’honneur national. Il s’agit aussi de défendre le pacte républicain, qui unit tous les Français. Prévenir, identifier et sanctionner, telle est la logique de cette PPL. Nous soutenons cette initiative, avec exigence.

Une loi n’est évidemment utile que si elle est claire, efficace et, surtout, appliquée. Je défendrai à cet égard des amendements visant à nous faire regarder en face le vrai visage de l’antisémitisme contemporain, notamment celui qui se dissimule derrière l’antisionisme, proposant que les contenus de formation restent neutres, scientifiques et républicains, sans dérives idéologiques, que chaque université rende des comptes précis sur l’antisémitisme aux parlementaires et aux Français, pour assurer la plus grande rigueur des procédures disciplinaires.

Enfin, cette proposition de loi doit revêtir un message d’autorité. La République doit rester maîtresse chez elle, dans nos universités. Nous refusons que les activistes installent la peur ou le sectarisme, que l’impunité continue à miner la parole républicaine. Lutter contre l’antisémitisme, ce n’est pas céder à la mode des slogans mais restaurer, par des actes, l’ordre, le respect et la fierté d’être français. Nous voterons donc ce texte, en veillant à ce qu’il reste digne et à la hauteur de la gravité de l’enjeu.

M. Steevy Gustave (EcoS). Depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, la résurgence du conflit israélo-palestinien s’est accompagnée d’une augmentation alarmante d’actes antisémites. Comme toutes les formes de haine, l’antisémitisme blesse les consciences, divise nos sociétés et fragilise nos idéaux communs. L’enseignement supérieur n’est pas épargné, faisant office de caisse de résonance des tensions géopolitiques. Depuis le 7 octobre, France Universités a recensé plus de soixante-sept actes antisémites dans nos universités, autant d’actes de trop.

L’enseignement supérieur est un haut lieu de savoir, d’émancipation, de liberté, où se forgent les esprits libres de demain. Aucun étudiant ne devrait craindre de s’y rendre, quelle que soit son origine, sa foi ou son identité. Le groupe Écologiste et social soutient cette proposition de loi, en ce qu’elle renforce les mesures de sensibilisation et de formation à la lutte contre le racisme et contre toutes les formes de discrimination, qui n’ont pas leur place dans nos universités.

Cependant, la lutte contre l’antisémitisme ne peut se faire au détriment des libertés académiques dont jouissent nos étudiants. L’article 3 brouille le message de ce texte. La volonté délibérée de professionnaliser la justice disciplinaire des étudiants par le recours à un juge administratif revient à rompre avec l’autonomie universitaire, principe fondateur de notre enseignement supérieur. Ce texte précise les types de sanctions disciplinaires à l’encontre des étudiants plus qu’il n’instaure de mesures concrètes prévenant l’antisémitisme. Nous refusons ces sanctions, dont la plupart sont répressives et liberticides : elles ouvrent grand la porte et les fenêtres à l’instrumentalisation et à la répression des libertés académiques.

Si nous discutons de l’enseignement supérieur, nous nous taisons sur un sujet essentiel : son sous-financement. Depuis plus de deux ans, nos établissements affrontent des baisses budgétaires lourdes. Nos étudiants, nos enseignants manquent de tout, y compris de moyens financiers pour lutter contre le racisme et toutes les formes de discrimination. Si l’accent est mis sur la lutte contre l’antisémitisme, ne perdons jamais de vue qu’il faut combattre le racisme dans son essentialité, y compris l’islamophobie, fléau bien présent au sein de nos universités, qu’il ne faut pas invisibiliser. C’est en refusant de hiérarchiser les formes de racisme et en combattant toutes les discriminations avec la même conviction que nous serons dignes de la confiance que la jeunesse place en nous. Notre groupe défendra donc des amendements visant à renforcer les mesures de sensibilisation et de formation pour lutter contre l’antisémitisme, et à garantir l’autonomie de l’université et la protection des libertés académiques.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Je remercie les rapporteurs et les sénateurs Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire pour la qualité de leurs travaux. Depuis le 7 octobre 2023, la France fait face à une recrudescence préoccupante des agressions physiques et verbales à l’encontre des personnes de confession juive. Nos universités ne sont malheureusement pas épargnées par ce fléau. Selon un sondage déjà évoqué de l’Ifop de septembre 2023, neuf étudiants de confession juive sur dix ont été confrontés à un acte antisémite. Ces chiffres sont probablement sous-estimés, tant il est difficile de mesurer l’ampleur réelle de ces phénomènes.

Un tel constat est inacceptable : l’université doit rester un lieu d’apprentissage, de liberté d’expression et de débat. Cette liberté ne saurait s’exercer sans respect de l’autre. La haine n’a pas sa place dans nos établissements. Aucun étudiant en France ne devrait craindre pour sa sécurité sur les bancs de l’université. La France, patrie de la laïcité, a le devoir de protéger chacun de ses citoyens, quelle que soit sa confession. Cette proposition de loi répond à cet objectif, avec l’inscription de la sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme et au racisme parmi les missions de formation des établissements assurant le service public d’enseignement supérieur.

Toutefois, nous le savons, la sensibilisation ne suffit plus. Il est indispensable de doter les universités de moyens renforcés pour lutter contre l’antisémitisme. À cet égard, la généralisation des missions Égalité et diversité et la désignation en leur sein d’un référent dédié à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme constitue une avancée. S’il existe une personne en charge de l’égalité dans la totalité des établissements, seuls 55 % d’entre eux disposent d’une structure dédiée à l’égalité et à la lutte contre les discriminations. L’article 2 vise à corriger ces disparités.

D’autre part, le renforcement de la procédure disciplinaire est nécessaire. Comme l’a rappelé le nouveau directeur de Sciences Po Paris – Luis Vassy – lors de son audition au Sénat, en décembre dernier, les procédures disciplinaires restent trop longues et les actes antisémites sont encore trop rarement sanctionnés. Les dispositions de cette PPL comportent à cet égard plusieurs avancées significatives que le groupe Les Démocrates salue : les actes d’antisémitisme et de racisme figureront désormais parmi les motifs permettant d’engager une procédure disciplinaire ; les présidents d’université seront dotés de pouvoirs d’investigation ; une section disciplinaire commune à plusieurs établissements d’une même région académique sera créée, afin d’assurer un traitement plus serein des dossiers sensibles. Le groupe Les Démocrates apporte donc son plein soutien à ce texte. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire : le rapport remis au gouvernement à l’issue des assises de la lutte contre l’antisémitisme formule de nombreuses recommandations, dont nous gagnerions à nous saisir.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). En m’abstenant de faire de la politique politicienne, je veux dire que j’ai été scandalisé par les propos du collègue du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire. Vos propos, cher collègue, ont été scandaleux. Pendant trois minutes, vous vous êtes abstenu de dénoncer l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur et vous avez mélangé, dans une sorte de confusion géante, des sujets importants, comme l’islamophobie et le combat contre la haine, témoignant ainsi de votre incapacité permanente à nommer les choses et à porter un combat. Vous n’êtes pas capable de voir que l’antisionisme est le nouveau visage de l’antisémitisme.

Je donnerai trois exemples, qui montrent que vous êtes complice de ce qui se passe dans nos universités. À Strasbourg, quand des étudiants s’en prennent à des étudiants juifs, ils les traitent de « fascistes » et de « sionistes ». À Tolbiac, l’inscription « à mort Israël » a été retrouvée sur le local de l’UEJF. À Sciences Po, les étudiants s’en prennent à des étudiants juifs et non pas israéliens, en les traitant de « fascistes » et de « sionistes ». Tant que vous n’admettrez pas l’antisionisme est le nouveau visage des antisémites dans notre pays, vous aurez du mal à participer au combat qui doit tous nous réunir.

Le poison de l’antisémitisme qui se déverse dans notre société doit être éradiqué de notre République, en particulier dans nos établissements d’enseignement supérieur. Nous ne pouvons accepter que des étudiants de confession juive soient stigmatisés, ostracisés, attaqués, voire interdits d’accès à un amphithéâtre. Comment accepter que certains étudiants juifs de France renoncent à franchir les murs de nos campus ? Comment tolérer que des étudiants juifs aient peur et se sentent abandonnés ? Un chiffre devrait nous alerter et nous mobiliser : 91 % des étudiants juifs disent avoir été victimes d’antisémitisme à l’université. Ce chiffre est une plaie, une meurtrissure pour notre République.

Cette proposition de loi n’est pas la solution miracle, elle ne résoudra pas tout. Elle apporte néanmoins des avancées importantes, que les députés du groupe Horizons°&°indépendants soutiendront, avec la détermination et la fermeté qu’exige la lutte contre l’antisémitisme. Elle permet de rappeler que la République se tient aux côtés des étudiants juifs de France, comme de l’ensemble des étudiants victimes de la haine, du racisme et des discriminations.

M. Joël Bruneau (LIOT). Cette proposition de loi part du constat alarmant de la montée en puissance de ces actes intolérables d’antisémitisme, en particulier depuis le 7 octobre 2023, même si ce poison existait sans doute déjà de manière latente depuis plusieurs années avant cette date fatidique. Les élus du groupe LIOT soutiendront cette PPL, bien que l’antisémitisme, comme cela a déjà été rappelé, soit déjà puni par la loi – penser qu’il suffit de légiférer pour résoudre un problème devrait faire réfléchir le législateur que nous sommes.

Le texte comporte certaines avancées intéressantes, mais la lutte contre l’antisémitisme doit évidemment se faire dans un cadre plus large de lutte contre toutes les formes de racisme, de discrimination ou de haine, qui sont d’ailleurs déjà réprimées par la loi. Il permettra d’inscrire explicitement une mission de sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme dans tout le parcours éducatif – reste à savoir sous quelle forme.

D’autre part, ce dispositif obligatoire et systématique de prévention, de détection et de signalement peut laisser espérer que les faits seront considérés d’une manière égale d’un établissement à l’autre et qu’il n’y aura pas de grandes disparités entre universités. Les présidents d’établissement, qui sont en première ligne, doivent sans doute être mieux accompagnés, et il n’est du reste pas très normal qu’il n’y ait pas vraiment de suivi ou qu’ils n’y soient pas associés lorsqu’ils procèdent à un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.

Le texte prévoit un nouveau cadre disciplinaire, avec des sections disciplinaires communes et un élargissement des motifs constituant des fautes disciplinaires. Je pense qu’une très grande majorité de notre groupe soutiendra cette PPL, mais aucun texte ni aucune affectation de moyens budgétaires supplémentaires ne remplacera la vigilance rigoureuse de tous – présidents d’université, bien sûr, mais aussi enseignants et étudiants, qui doivent faire bloc face à ceux qui instillent ce poison de l’antisémitisme en s’abritant constamment derrière l’antisionisme, comme vient de le démontrer M. Patrier-Leitus.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Les communistes, héritiers de la Résistance et de la lutte contre le nazisme, ont toujours participé aux luttes contre l’antisémitisme et toute forme de racisme. Nous portons cet engagement dans notre histoire, dans notre ADN politique et humain. Une proposition de loi portant en son titre l’objectif de lutter contre l’antisémitisme suscite donc bien évidemment chez nous un a priori positif, car il est évident que la lutte contre l’antisémitisme doit rester une priorité, à l’université comme ailleurs.

Cependant, à la lecture du texte, cet a priori pose question. Tout d’abord, en se concentrant exclusivement sur l’antisémitisme, la proposition de loi passe sous silence les autres formes de racisme et de discrimination qui gangrènent malheureusement encore l’enseignement supérieur. Si les spécificités historiques de l’antisémitisme doivent être reconnues, les dissocier des autres formes de haine présente un risque. En isolant l’antisémitisme du combat universel contre toutes les formes de racisme, on fragmente les solidarités indispensables et on affaiblit l’efficacité collective de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Cette première observation suffit à ébranler l’a priori positif que nous pouvions avoir à l’égard de ce texte. Fidèles à notre exigence d’une lutte sans faille contre l’antisémitisme et soucieux d’éviter toute ambiguïté, nous déposerons donc des amendements aux articles 1er et 2, afin de défendre une approche plus universelle de ce combat.

À l’article 3, nous ne voyons ni objectif louable ni simple différence d’approche. Sous couvert d’améliorer la réponse disciplinaire face aux actes discriminatoires, cet article introduit une transformation profonde des procédures, prévoyant la création de sections disciplinaires régionales présidées par un membre de la juridiction administrative, en lieu et place des sections actuelles, composées d’élus universitaires. Ce glissement vers une judiciarisation et une verticalisation des procédures rompt avec un modèle fondé sur la proximité, l’apaisement et le caractère éducatif de la sanction. C’est briser l’équilibre essentiel de la vie universitaire et ouvrir la porte à une conflictualisation permanente du campus. En outre, cet article inscrit dans la loi une définition vague et dangereuse des fautes disciplinaires. Sanctionner des faits portant atteinte à l’ordre et au fonctionnement de l’établissement revient à criminaliser des mobilisations universitaires et des mouvements étudiants, et à menacer la liberté d’expression et de manifestation. Nous donnons donc l’alerte : sous prétexte de lutte contre l’antisémitisme, cet article porte atteinte aux libertés fondamentales. S’il n’est pas supprimé ou profondément réécrit, nous ne pourrons malheureusement pas voter le texte.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Le racisme n’a pas sa place dans la République, ni ceux qui l’entretiennent. La lutte contre l’antisémitisme mérite mieux que des réponses confuses, symboliques ou instrumentalisées. Or je crains, notamment à la lecture du rapport, que l’article 3 de cette proposition de loi n’ouvre la voie à une répression grave des luttes étudiantes sous prétexte de renforcer les procédures disciplinaires. Les mobilisations contre le génocide perpétré par le gouvernement Netanyahou à Gaza ou les occupations contre l’austérité sont ainsi visées par cet article ; or elles me semblent légitimes et indispensables. Quelles autres causes seront frappées demain ?

Avec cette proposition de loi, les présidents auront des pouvoirs d’investigation allant jusqu’à pouvoir fouiller la téléphonie des étudiants et sanctionner tous les faits jugés nuisibles à la réputation de l’université, en interne comme en dehors des campus. Des formulations vagues, subjectives et dangereuses laisseront une place à l’arbitraire et aux abus.

Enfin, le dernier mot en matière de sanction reviendra aux recteurs, nommés par le ministre de l’éducation nationale et le président de la République, c’est-à-dire par l’exécutif, pour des faits internes à des universités pourtant déclarées autonome par la loi et compétentes pour ce qui les concerne. La communauté académique, quant à elle, tient au principe de justice par les pairs.

Mme Frédérique Meunier (DR). L’antisémitisme est un délit et il est de la responsabilité des chefs d’établissement et des présidents d’université de prendre des mesures disciplinaires. Quelles garanties seront mises en place dans l’application de ces procédures disciplinaires pour éviter toute dérive ?

Je m’interroge également sur le coût de certains dispositifs prévus. L’article 2 impose aux établissements d’enseignement supérieur l’obligation de mettre en place des missions Égalité et diversité, avec un référent dédié à l’antisémitisme et au racisme, ainsi qu’un dispositif de signalement. Comment les établissements pourront-ils remplir ces obligations, notamment pour ce qui est des ressources humaines et financières ?

M. Alexis Corbière (EcoS). Il faut, bien sûr, lutter contre l’antisémitisme à l’université, comme il faut y lutter contre le racisme et contre l’homophobie, mais nous pouvons juger de ce texte notamment par son article 3, qui prévoit des motifs de sanctions renforcées pour la perturbation du « bon déroulement des activités qui y sont organisées. » Or, parmi les traditions politiques de la France, le monde universitaire et étudiant a honoré notre pays lorsque les étudiants se sont mobilisés contre la guerre d’Algérie, comme ils l’ont fait contre la guerre du Vietnam et contre la guerre du Golfe. Quiconque est allé à l’université sait que la formation des étudiants passe par les cours, transmis par les enseignants, mais également par l’ambiance politique qui y règne et dont on apprend aussi : grâce aux débats organisés et à la possibilité d’un fait syndical à l’université, on s’émancipe, on s’ouvre, on s’agrandit. Est-ce perturber un cours que de prendre la parole au début de celui-ci pour dénoncer une situation internationale ? Avec votre texte, Daniel Cohn-Bendit serait remis en cause ! Je constate aussi, de la part de certains ici, un grand silence quant aux actes antisémites de l’UNI – Union nationale interuniversitaire – à l’université.

M. Eric Liégeon (DR). « Ne la laissez pas entrer, c’est une sioniste ! » C’est ainsi que, le 12 mars 2024, des militants propalestiniens ont interdit à une étudiante juive l’accès à un amphithéâtre à Sciences Po. Depuis le 7 octobre 2023, on observe une recrudescence significative des actes antisémites dans notre pays, en particulier dans les établissements d’enseignement supérieur. Ces actes sont inacceptables et intolérables. L’antisémitisme est un délit puni par la loi et nous avons le devoir de le combattre collectivement sans relâche, en particulier au sein de nos universités. Je salue donc l’initiative de nos collègues qui ont déposé cette proposition de loi.

Le texte prévoit notamment que tout membre du personnel ayant connaissance d’actes ou de violences visant des personnes juives devra en informer la présidence de l’université. Des sanctions sont-elles envisagées en cas de non-dénonciation de tels faits ?

M. Pierre Henriet, rapporteur. Il me semble unanimement reconnu que cette proposition de loi, dans la rédaction issue de travaux du Sénat, vise à lutter non seulement contre l’antisémitisme, mais également contre l’ensemble des formes de racisme, de haine et de violence. C’est pourquoi, lors de l’examen des amendements, nous reprendrons certains points soulevés par nos collègues pour que la rédaction et les titres du texte correspondent à son objet réel.

L’article 3, à propos duquel des inquiétudes ont été exprimées, prévoit une réforme permettant de mieux lutter contre les faits de violence, d’antisémitisme et de racisme et, surtout, de prendre en compte le sérieux de ces faits, avec l’appui d’experts indépendants spécialisés dans les procédures judiciaires. Il s’agit ainsi de renforcer ce cadre et de permettre à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur et de recherche de disposer de ces moyens tout en garantissant leur liberté de ne les saisir que si le président de l’établissement le souhaite. Si nous voulons renforcer l’autorité et nous assurer que cette loi ne soit pas seulement une loi bavarde qui change des mots, mais qu’elle change les procédures et fasse appliquer le droit, il faut mieux outiller l’ensemble du corps universitaire en lui permettant de s’appuyer sur ces expertises.

Je précise à l’intention particulière de mes collègues de gauche que je ne pense pas que la lecture de l’article 3 révèle une volonté d’empêcher les luttes étudiantes, et encore moins un caractère arbitraire. Au contraire, le dispositif sera appuyé sur une expertise indépendante lorsque les présidents d’université le souhaiteront, pour éviter les conflits d’intérêts ou une trop grande proximité entre l’expertise et les personnes faisant l’objet d’une instruction en section disciplinaire. Pour éviter l’arbitraire, il est donc important de soutenir cet article 3.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Les interventions que nous avons entendues sont éclairantes et je remercie celles et ceux de nos collègues qui ont apporté leur soutien à ce texte, comprenant qu’il n’a pas vocation à régler la question éminemment douloureuse et alarmante de la recrudescence des actes et propos antisémites dans l’enseignement supérieur, mais qu’il apporte quelques pierres à l’édifice et témoigne d’une prise de conscience de ce que c’est dans le dur de la loi, dans le texte même du code de l’éducation, que doivent être affirmés des missions et des objectifs exprimant une ambition forte d’appliquer une tolérance zéro et de lutter fermement et avec détermination contre toutes les discriminations et tous les racismes. De fait, comme l’a souligné hier encore le ministre Philippe Baptiste dans la conférence de presse où il présentait un programme de recherche du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche destiné à mieux comprendre, analyser, mesurer et décrypter les ressorts de l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur et la recherche, la progression de l’antisémitisme depuis plusieurs années est un signal d’alerte qui préoccupe les pouvoirs publics.

Pour ce qui concerne les garanties et les financements, que nous avons évoqués durant les nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé et sur lesquels les sénateurs s’étaient également penchés, ce n’est pas dans le cadre de cette proposition de loi que nous pourrons apporter des réponses, et il appartiendra notamment à vos rapporteurs pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche de se mobiliser à ce propos dans le cadre des débats budgétaires à venir et d’interroger l’exécutif. Du reste, de très nombreux établissements ont déjà mis en place les missions « égalité et diversité » et désigné des référents racisme et antisémitisme. Le dispositif existe et fonctionne donc déjà, même s’il n’est pas assez efficace ni assez visible pour les étudiants ou les personnels qui pourraient en avoir besoin. Les établissements qui ont déjà affecté à ces missions les ressources humaines et les moyens nécessaires au titre de l’autonomie des universités sont tout à fait disposés, comme nous le confirment les présidences d’université par l’intermédiaire de France Universités, à prendre le sujet à bras-le-corps et à le traiter avec beaucoup de responsabilité et de gravité, compte tenu de l’impératif politique affirmé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et par le législateur que nous sommes.

 

Avant l’article 1er

Amendements identiques AC82 de Mme Constance Le Grip et AC52 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Constance Le Grip, rapporteure. L’amendement AC82 vise à insérer dans le titre du chapitre Ier de la proposition de loi, après le mot « antisémitisme », les mots : « , le racisme, les discriminations, les violences et la haine ». Il s’agit, je le répète, de mettre en correspondance ce titre avec le contenu même de l’article 1er et des dispositions votées par les sénateurs. Le combat contre l’antisémitisme s’inscrit en effet dans le combat général contre les racismes, les discriminations, les violences et la haine. Cet universalisme républicain et cette mobilisation universelle sont la marque de fabrique des politiques publiques menées par la puissance publique et les différents acteurs. Les plans nationaux de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les discriminations liées à l’origine se situent clairement dans cet universalisme républicain.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Je ne puis que me féliciter de ce que la rapporteure ait repris notre amendement, qui rend les titres apparaissant dans la proposition de loi plus adéquats à son contenu.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous soutiendrons cet amendement au nom du combat universaliste que vous avez rappelé, madame la rapporteure, mais, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue communiste, pour lutter efficacement contre l’antisémitisme, il faut aussi tenir compte de ses spécificités et de son histoire particulière. Il faut donc, bien entendu, des réponses universelles et un combat universel contre tous les types de haine, mais il ne faudrait pas que ce changement de titre nie ou remette en cause les spécificités de l’antisémitisme dans le contexte d’un antisionisme galopant.

M. Roger Chudeau (RN). Il existe en effet un léger risque d’invisibiliser ou d’atténuer l’objet central de cette PPL, qui est l’antisémitisme. Il faut, bien sûr, lutter contre tous les racismes – la question ne se pose même pas –, mais nous examinons ici une PPL relative à l’antisémitisme, qui n’est pas un racisme ordinaire, car c’est celui de la Shoah. Je crains donc que cet amendement n’affaiblisse la portée du texte. Nous nous abstiendrons.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet amendement. L’antisémitisme a certes des spécificités, mais comme toutes les formes de racisme. Ainsi, le fait que la négrophobie ait des origines spécifiques, comme l’esclavage et la colonisation, ne nous empêche pas d’inclure, par cohérence, la lutte contre ce racisme. Par ailleurs, notre collègue d’extrême droite a parlé de l’antisémitisme lié à la Shoah mais, en Europe et dans le monde, l’antisémitisme a une histoire qui remonte très loin. Il existe en effet un antisémitisme lié à la chrétienté et, malgré des conversions forcées de personnes juives, ces dernières sont restées juives, victimes d’un processus de racialisation qui est une forme spécifique de racisme. Il ne faudrait donc pas raconter n’importe quoi sur les spécificités ! Toutes les formes de racisme ont des spécificités, mais elles s’intègrent dans un combat commun.

M. Steevy Gustave (EcoS). Le terme de « racisme » englobe toutes ces spécificités que sont l’homophobie, la négrophobie et l’antisémitisme. Selon moi, le titre qui conviendrait inscrirait donc d’abord le mot de « racisme », puis celui d’« antisémitisme ».

M. Alexandre Portier (DR). Malgré une bonne intention, cet amendement risque de diluer ce qui était la force et la singularité de cette proposition de loi, qui visait une action ciblée sur l’antisémitisme, mal qui prend aujourd’hui un nouveau visage. Nous nous abstiendrons donc.

Mme Caroline Yadan (EPR). La spécificité de l’antisémitisme repose sur deux choses : la nature et le nombre. La nature, c’est que, depuis quinze ans – depuis l’enlèvement d’Ilan Halimi –, on tue des Juifs en France parce qu’ils sont juifs. Quant au nombre, je rappelle que les actes antisémites représentent plus de 60 % de l’ensemble des actes racistes, alors que la communauté juive représente moins de 1 % de la population française. Il y a donc bien une spécificité. Cela ne signifie nullement que les autres formes de racisme ne sont pas condamnables, mais ne pas voir cette spécificité relève du déni.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je soutiendrai cet amendement, qui vise à ajouter des mots très importants. En effet, mettre l’antisémitisme à part créerait une hiérarchisation entre les discriminations et enverrait le message terrible que certaines souffrances seraient plus graves que d’autres.

La commission adopte les amendements.

Article 1er : Sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine tout au long du parcours éducatif

Amendements AC13 de Mme Marie Mesmeur, AC73 de M. Steevy Gustave, AC10 de Mme Soumya Bourouaha et AC90 de Mme Constance Le Grip (discussion commune)

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Le racisme se transforme, adopte de nouvelles formes et évolue avec le temps et la société. Mal définir le terme d’antisémitisme pourrait avoir un impact délétère sur la véritable lutte contre ces formes de racisme. La définition du code pénal permet de rendre cette proposition de loi durable et efficace dans le temps, et de clarifier la portée du texte afin de n’oublier aucune forme de discrimination. Elle seule permet en effet de sanctionner ces actes racistes. Or les termes intégrés dans l’article 1er ne sont pas définis par la loi, ce qui induit une confusion et un risque d’arbitraire, puisque cette définition est mouvante dans l’histoire.

M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement vise à éviter toutes les formes de hiérarchisation des discriminations et à rappeler l’essence même du texte : la lutte contre toutes les formes de racisme dans l’enseignement supérieur. Chaque racisme a sa spécificité – l’antisémitisme et l’islamophobie en sont des formes – et la lutte contre l’antisémitisme doit s’inscrire dans une démarche globale de lutte contre toutes les formes de racisme.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’amendement AC10 vise à substituer aux mots : « l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine » les mots : « toutes les formes de racisme et de discrimination ».

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Mon amendement AC90 est rédactionnel.

Je formule un avis défavorable aux autres amendements, qui invisibiliseraient l’antisémitisme en retirant la référence expresse à celui-ci pour l’englober plus largement dans le terme de « racisme ». Cette hostilité identitaire très particulière et très ancienne qu’est l’antisémitisme a une singularité et n’est pas un racisme comme les autres – je renvoie à ce propos à de très nombreux travaux historiques, à commencer par le récent rapport du groupe de travail demandé par les ministres Aurore Bergé et Élisabeth Borne dans le cadre des assises de lutte contre l’antisémitisme. Le mot : « antisémitisme » doit rester.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Chère collègue du groupe LFI, vous nous dites qu’un mouvement politique réactionnaire redéfinit l’antisionisme comme un antisémitisme et citez la ministre Aurore Bergé, pour qui « l’antisionisme et la haine décomplexée d’Israël sont devenus les masques modernes de la haine antijuive », puis vous nous expliquez noir sur blanc, dans l’exposé sommaire de votre amendement, qu’il s’agit là d’un dévoiement de la lutte contre l’antisémitisme. Pourquoi ne pouvez-vous pas accepter que l’antisionisme soit le nouveau visage de l’antisémitisme ? J’ai cité les exemples de Strasbourg, de Sciences Po Paris et de Tolbiac : c’est, chaque fois, de l’antisionisme qui conduit à de l’antisémitisme et à des actes de violence contre les Juifs. Avec des tags employant le mot « sioniste » et des insultes traitant les gens de « fascistes sionistes », le nouvel antisémitisme est malheureusement, que vous le vouliez ou non, un antisionisme.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). J’espère que nous ne jouerons pas à ce ping-pong chaque fois qu’un député LFI s’adressera à vous. Je me suis référée à la définition du code pénal, mais je peux aussi vous inviter à lire la définition de l’antisémitisme qui figure dans la déclaration de Jérusalem. Cela pourrait faire réfléchir et faire avancer nos travaux.

M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre ces amendements, car nous considérons, comme Mme la rapporteure, qu’ils relèvent d’une tentative d’invisibilisation du sujet central de cette PPL, qui est l’antisémitisme. Introduire, par exemple, le concept frériste d’islamophobie, qui n’a rien à voir dans l’affaire, nous semble être une pente dangereuse.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Parmi les antisionistes, il y a des antisémites, mais toutes les personnes qui remettent en cause les politiques menées actuellement par l’État d’Israël ne sont pas antisémites. Il existe en la matière une certaine confusion permanente, que recherchent notamment les personnes qui défendent la politique de l’État d’Israël, et c’est bien cela qu’il nous faut clarifier, posément et tranquillement. Notre mobilisation est totale contre l’antisémitisme, mais lutter contre cette confusion permet d’y voir plus clair.

Le mot : « antisémitisme » étant maintenu dans le titre du chapitre, il n’est pas du tout question de l’invisibiliser – nous avons d’ailleurs voté l’amendement d’élargissement du titre proposé par Mme la rapporteure. Ces amendements vont dans le bon sens pour éviter de hiérarchiser les formes de racisme.

Mme Caroline Yadan (EPR). La définition opérationnelle de l’antisémitisme fixée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste et adoptée par l’Assemblée nationale en 2019 rappelle notamment que la comparaison entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis est susceptible de constituer un discours antisémite. Selon cette définition, la critique de tout gouvernement, et en particulier de celui d’une grande démocratie comme Israël, est bienvenue – et elle a lieu tous les jours –, mais la remise en cause de l’existence de cet État s’apparente, quant à elle, à de l’antisémitisme. De fait, aucun pays au monde ne voit la critique prendre la forme d’un appel à sa destruction. Enfin, on tue des Juifs en France au nom de la haine d’Israël.

La commission rejette successivement les amendements AC13, AC73 et AC10.

Elle adopte l’amendement AC90.

Amendement AC76 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier (DR). L’antisémitisme actuel ne se limite plus à l’extrême droite classique. Il est temps de sortir du déni et d’actualiser les grilles de lecture du passé. Selon le rapport 2023 du Service de protection de la communauté juive (SPCJ), plus de 1 200 actes antisémites ont été recensés en France en 2023, ce qui représente une hausse de plus de 284 % après les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre. La majorité de ces actes ont été perpétrés dans des contextes mêlant antisionisme radical, islamisme et activisme extrême. Ignorer cette évolution, c’est manquer la cible et fermer les yeux sur la réalité des phénomènes dont nous parlons. L’amendement vise donc à assurer que la formation propose aux étudiants un panorama exhaustif des différentes formes d’antisémitisme. La haine des Juifs est une forme de racisme et aucun motif politique ou religieux ne peut la justifier.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je partage l’esprit que vous avez voulu insuffler à cet amendement, et je comprends l’importance que vous accordez au contenu de la formation à la lutte contre l’antisémitisme et toutes les autres formes de racisme, dont nous souhaitons faire une des missions essentielles des établissements assurant le service public de l’enseignement. Il importe en effet que cette formation soit dense, ajustée, appropriée, adéquate, pertinente, et clairement ciblée tant sur l’histoire – ce besoin est souligné dans le rapport remis ce lundi par le groupe de travail « éducation » formé dans le cadre des assises de lutte contre l’antisémitisme – que sur la sociologie.

Je crains toutefois qu’il soit difficile d’inscrire dans le dur de la loi des considérations quant au contenu des formations, qui relève du domaine réglementaire. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Alexandre Portier (DR). Je le maintiens, d’autant que nous donnerions ainsi un appui supplémentaire aux politiques, mais aussi aux présidents d’université. S’il faut certes, dans bien des cas, éviter que la loi bavarde, nous devons aussi donner des outils et fixer une ligne politique claire, au plus haut niveau, sur des éléments qui sont loin d’être purement symboliques, afin de rééquilibrer les débats.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC37 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (EPR). Le rapport du Sénat sur la proposition de loi met l’accent sur le risque de dérives antisémites au sein des universités, précisant « qu’un climat d’antisémitisme à bas bruit [tend] à s’y enraciner, sous l’effet d’une certaine banalisation des discours antisémites », climat qui « se traduit notamment par la récurrence d’actes anonymes au quotidien, telles que des inscriptions dans les espaces communs, et par une certaine institutionnalisation des thématiques antisionistes, portées par des listes élues de représentants étudiants ».

Je propose donc de prévoir que le suivi de la formation à la lutte contre l’antisémitisme conditionne la participation des élus aux instances au sein desquelles ils sont amenés à siéger, afin de garantir que tous les membres de ces organes représentatifs comprennent et respectent les valeurs républicaines auxquelles nous sommes attachés.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Vous prétendez, dans l’exposé sommaire de votre amendement, que les conseils d’administration seraient « instrumentalisés pour relayer des prises de position de haine, de rejet et d’essentialisation des Juifs ». C’est faux. De nombreux établissements d’enseignement supérieur ont simplement pris position contre les crimes de guerre commis à Gaza, à l’image de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui a déploré la souffrance inacceptable causée au peuple palestinien par l’intervention de l’armée israélienne, tout en rappelant la nécessité de veiller à ce qu’aucune forme de discrimination, de racisme ou d’antisémitisme ne s’exprime en son sein.

Je vous mets au défi de citer la moindre formule douteuse qui figurerait dans une motion adoptée par le conseil d’administration d’une université. En réalité, cet amendement montre l’intention à peine voilée de cette proposition de loi : porter atteinte à la liberté d’expression au sein de l’enseignement supérieur. Vous utilisez exactement les mêmes arguments que ceux avancés par Trump pour justifier la suppression des financements publics à des universités comme Harvard ou l’interdiction de l’accueil des étudiants étrangers.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. L’amendement est intéressant, car la formation est au cœur des débats qui nous occupent. Tout ce qui concourt au renforcement des instruments de savoir, de formation et de sensibilisation doit être examiné avec attention.

Dans sa rédaction actuelle, il me semble néanmoins contrevenir aux principes qui régissent la présentation à une élection. Je vous propose donc de le retirer et de le retravailler en vue de l’examen en séance.

Mme Caroline Yadan (EPR). L’alinéa 7 prévoit que les élus bénéficient d’une formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine., ce qui est une bonne chose. Je souhaite simplement que cette formation soit préalable à l’exercice du mandat. Je maintiens donc mon amendement, même si nous pourrons effectivement en rediscuter d’ici à l’examen en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC75 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier (DR). Si la généralisation des formations à la lutte contre l’antisémitisme constitue une évolution positive, il est impératif de garantir leur rigueur et leur neutralité. Le rapport de la mission d’information du Sénat consacrée à l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, remis le 26 juin dernier, a mis en évidence des dérives idéologiques au cours de certaines interventions d’associations, parfois totalement déconnectées des réalités universitaires. Dans plusieurs établissements parisiens, des formations ont ainsi donné lieu à des accusations de partialité ou de militantisme excessif.

Alors qu’on assiste à des dérives hallucinantes, il est essentiel que les formations soient prodiguées par des personnes compétentes, objectives et non militantes, pour limiter les biais idéologiques. Mon amendement se veut, là encore, un outil mis à la disposition des présidents d’université et du politique, pour que le cadre de formation soit le plus républicain possible.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je comprends parfaitement votre souhait de conforter le contenu des différentes formations et de l’asseoir sur un certain nombre de principes, à commencer par le respect des valeurs de la République. Si certaines formations sont dispensées ou cornaquées par la Dilcrah – délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT –, dont l’autorité en la matière est incontestable et ne saurait faire l’objet du moindre soupçon, il est vrai que cette dernière ne pourra pas toutes les assurer si elles venaient à être généralisées comme le prévoit le texte, et qu’il faudra donc veiller au pilotage de tous les organismes, associations ou instances impliqués.

La volonté de mentionner explicitement que ces formations doivent être élaborées sous l’autorité de la puissance publique et respecter les valeurs de la République peut donc s’entendre. Je vous propose toutefois de retirer votre amendement afin d’aboutir, d’ici à la discussion en séance publique, à une rédaction resserrée, plus conforme à la sobriété voulue par nos collègues sénateurs.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Cet amendement me paraît délicat, car il suggère que certaines des formations proposées par la Dilcrah ne respectent pas les principes de neutralité et d’objectivité scientifique, ce qui ne me semble pas être le cas – à moins que vous ayez des exemples précis à nous soumettre. J’émets donc un avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il faut toujours avoir la main qui tremble quand on entend permettre à l’exécutif de s’immiscer dans la vie des universités. D’autres gouvernements, bien plus malveillants que vous ne l’êtes – même si votre politique en la matière est éminemment critiquable –, pourraient vouloir prendre des décisions contre les universités. Sur ces questions, il faut agir avec précaution.

Si elles sont bienvenues, ces formations sont avant tout un aveu d’échec, car c’est en réalité l’école républicaine qui devrait former nos concitoyens à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et le sexisme. Seulement, elle n’en a pas les moyens, pas plus que l’université n’aura les moyens d’assurer ces formations, puisque leur budget a baissé de près de 1,5 milliard d’euros depuis votre dernière utilisation de l’article 49.3 de la Constitution. Il est question ici de formations qui ne pourront peut-être pas être dispensées, faute de moyens, et qui ne sont nécessaires que parce que vous n’avez pas permis à l’école de remplir ses missions, le tout pour favoriser des interventions de l’exécutif dans un domaine qui devrait en être protégé. Vous êtes en pleine dérive !

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je rappelle qu’il est des endroits, en France, où on ne peut pas enseigner la Shoah. Les formations, indispensables, notamment en matière historique, sont bien prévues. Seulement, on ne peut pas les assurer partout. Chaque année, on nous signale des perturbations dans des établissements scolaires au moment d’enseigner la Shoah. Ce phénomène existe, vous ne pouvez pas le nier !

Je salue la proposition de la rapporteure de retravailler cet amendement, car la formation est un enjeu central. Comme le rappelait notre collègue Yadan, les élus qui représentent les étudiants dans les conseils d’administration des établissements d’enseignement supérieur sont formés. Prévoir qu’ils le soient aussi à la lutte contre la haine, les discriminations et l’antisémitisme ne paraît pas totalement absurde.

M. Roger Chudeau (RN). Nous comprenons et partageons le souci de notre collègue d’assurer que les formations soient conçues par les ministères compétents, mais il nous semble que rien ne s’oppose à ce que les deux ministres produisent des arrêtés en définissant le contenu. En outre, l’amendement prévoit que ces contenus seront élaborés « sous l’autorité conjointe des ministres de l’éducation et de l’enseignement supérieur et validés par les ministères ». Je ne crois pas que les ministères valident la production politique des ministres : il y a là, me semble-t-il, un problème rédactionnel.

Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement s’il devait être maintenu.

M. Alexandre Portier (DR). Notre collègue Boyard semble découvrir que former est la première mission de l’université. Qu’il se rassure : les universités sont parfaitement capables d’élaborer des programmes de formation et elles disposent de budgets pour cela. En tout état de cause, élaborer des cadres de formation et défendre des principes républicains n’est pas tant une question de moyens que de volonté et de courage politique – même si nous n’avons visiblement pas tous la même définition de ces notions. Enfin, définir des programmes est précisément la vocation du ministère de l’éducation nationale, qui s’y emploie, sur proposition du Conseil supérieur des programmes (CSP). Nous sommes tout à fait capables de le faire.

J’ai cependant bien entendu les remarques des rapporteurs et retire donc mon amendement, que je retravaillerai d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

Avant l’article 2

Amendements identiques AC83 de Mme Constance Le Grip et AC53 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit de faire concorder le titre du chapitre II avec le contenu de la proposition de loi issue des travaux du Sénat, en ajoutant, après le mot « antisémites », les mots « racistes, discriminatoires, de violence et de haine ».

La commission adopte les amendements.

Article 2 : Prévention, détection et signalement des actes racistes et antisémites, de discrimination, de violence et de haine, survenant dans les établissements publics d’enseignement supérieur

Amendement AC84 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Nous souhaitons simplifier la rédaction de l’alinéa 4 en faisant clairement référence à l’article L. 719-10 du code de l’éducation qui crée la mission dite Égalité et diversité, en prévoyant que le président de l’université présente chaque année au conseil d’administration un rapport d’activité de ladite mission, incluant un compte rendu spécifique aux actions de lutte contre l’antisémitisme et le racisme, et en rétablissant une disposition supprimée par une réécriture sénatoriale.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AC2, AC14, AC74, AC 26 et AC27 tombent.

Amendement AC107 de M. Roger Chudeau

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement qui tend à remplacer le mot « diversité » par le mot « fraternité » en divers endroits de l’article 2. L’expression « égalité et diversité » existe déjà depuis de nombreuses années. Pour le coup, nous nous contentons de reprendre fidèlement les termes de nos collègues sénateurs.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Voilà un amendement trumpiste par excellence, puisqu’il vise à lutter contre les politiques de promotion de la diversité, et même tout simplement à nier cette notion. Le bilan des cent premiers jours de M. Trump ne peut qu’amener chacun à prendre conscience de la dangerosité de son projet, que vous soutenez même si vous tentez de vous en dissocier.

M. Roger Chudeau (RN). Trump n’a rien à voir dans l’affaire, chère collègue : vous êtes complètement hors sujet. Par ailleurs, accoler le concept de fraternité à celui d’égalité aurait été un beau geste. La diversité renvoie en effet à des assignations diverses et variées, alors que la République ne connaît que des citoyens.

Mon amendement était tout à fait défendable. Vous m’avez donné l’occasion de le faire. Je vous en remercie.

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Cet amendement révèle tout le ridicule de la position du Rassemblement national sur cette proposition de loi : à l’évidence, il ne se soucie guère de l’antisémitisme, qui fait partie intégrante de son histoire comme de son actualité politique. La seule chose que lui inspire le texte, c’est une critique de prétendues dérives wokistes : voilà qui montre bien le niveau de l’argumentation !

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement AC91, rédactionnel, de Mme Constance Le Grip, rapporteure.

Amendement AC3 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). Nous estimons que la mission « égalité et diversité » doit être placée sous l’autorité directe du président de l’université ou de l’établissement : symboliquement, cela aurait beaucoup plus de force.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Avis défavorable. La loi charge le président d’installer la mission, mais son positionnement est laissé à la libre appréciation des équipes dirigeantes. En accord avec France Universités, nous souhaitons conserver cette souplesse dans l’organisation.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). En voulant donner encore plus de pouvoirs à une personne déjà surchargée et qui en centralise déjà trop, vous promouvez une logique qui va à l’encontre de ce qui fonde l’université, à savoir le fonctionnement collégial, la pluralité des voix et la démocratie. La promotion de l’égalité et de l’antiracisme, la lutte contre l’antisémitisme reposent sur la légitimité, l’indépendance et le lien avec la communauté universitaire, et non sur une autorité verticale. Il faut donc confier cette tâche à un membre de la communauté élu et qualifié.

Pour notre part, nous défendons, de façon beaucoup plus cohérente, la création d’une vice-présidence spécifique – une fonction identifiée, visible, dotée des moyens nécessaires, et non une carte de plus dans le portefeuille d’un président déjà à bout de souffle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC30 de Mme Marie Mesmeur

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous sommes habitués aux effets d’annonce de la Macronie. Il est aisé de se déclarer opposé à l’antisémitisme, au racisme, aux discriminations. Ce qui importe, toutefois, ce sont les actes. En l’occurrence, il suffit d’observer le budget pour 2025 : avec 1,5 milliard d’euros de coupes budgétaires, l’enseignement supérieur est le troisième secteur le plus touché par les baisses. C’est dire l’importance que vous accordez à l’éducation !

Comment les missions Égalité et diversité pourraient-elles fonctionner dans ces conditions ? C’est ce que vous demande l’Union étudiante. Comble du cynisme, vous entendez financer ces missions en piochant dans la CVEC, la contribution de vie étudiante et de campus, c’est-à-dire dans l’argent des étudiants. Ce dévoiement est absolument inacceptable.

C’est pourquoi nous entendons inscrire dans la loi que « la nation se fixe pour objectif de donner aux universités les moyens humains et financiers nécessaires à la mise en œuvre des missions Égalité et diversité ».

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Avis défavorable. Ne mélangeons pas les débats : ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi que de traiter du financement des universités ou de créer une ligne budgétaire spécifique aux missions « égalité et diversité ».

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes tous mobilisés pour lutter contre l’antisémitisme, mais chacun sait que cela nécessite des moyens. Alors que l’université est en grande difficulté – les présidents d’établissement nous en alertent régulièrement –, nous lui demandons de faire vivre une structure supplémentaire, en lui assignant des ambitions fortes, tout en niant le fait qu’elle ne sera pas capable, financièrement, de faire face à cette nouvelle obligation. Il y aurait une forme d’hypocrisie à ne pas soulever ce problème essentiel.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). D’après mes informations, Mme Soudais a signé il y a quelques jours une tribune critiquant cette proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat. Elle y accuse le gouvernement, par le biais des présidents d’université, de mener une politique de répression majeure et massive contre les mobilisations d’étudiants. Je ne crois pas qu’en France, on ait empêché des étudiants de manifester. Je ne crois pas non plus que les présidents d’université soient les bras armés du président de la République ou du gouvernement – respectez-les donc.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC29 de Mme Marie Mesmeur

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). On ne lutte pas efficacement contre l’antisémitisme avec de grandes déclarations tout en saignant les budgets de l’enseignement supérieur. Depuis des années, à coups d’article 49.3, les gouvernements successifs imposent à l’université un régime d’austérité. Résultat : le budget de l’enseignement supérieur est au plus bas depuis vingt ans, amputé de 1,5 milliard d’euros rien que pour le dernier exercice.

Pendant qu’on impose une nouvelle obligation aux universités, on refuse de leur donner les moyens de s’y conformer, ce qui est à la fois irresponsable et hypocrite. L’Union étudiante l’a dit clairement : sans financements publics, les missions Égalité et diversité sont condamnées à l’impuissance. Il n’est pas acceptable de détourner l’argent de la CVEC, donc des étudiants, pour pallier la défaillance de l’État.

Vous voulez écrire une loi dans le vide, sans vous donner les moyens de la faire appliquer. Nous devons imposer au ministère de l’enseignement supérieur de financer les mesures dont il exige le déploiement, sinon tout cela restera de l’affichage. Déjà, pour la période 2018-2020, Édouard Philippe avait lancé un grand plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, sans y associer les moyens correspondants, suivi en cela par Élisabeth Borne pour la période 2023-2026. Voyez où nous en sommes !

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Avis défavorable. Encore une fois, ne mélangeons pas les questions budgétaires et le débat de fond sur un sujet aussi grave que le combat contre l’antisémitisme. Surtout, votre amendement méconnaît le principe d’autonomie budgétaire des établissements publics d’enseignement supérieur : la dotation allouée par l’État aux universités n’a pas vocation à être fléchée.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Si le vecteur n’est effectivement pas le bon, il est très important d’évoquer cette question. On pourrait faussement croire qu’il n’y a pas de lien évident entre les moyens budgétaires et la lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, mais, en réalité, cet enjeu est au cœur de tous les programmes de prévention. La preuve en est qu’il existe déjà des référents de lutte contre l’antisémitisme et le racisme, mais sans qu’aucune quotité horaire ou disponibilité soient prévues pour leur permettre d’agir. Rien, dans le texte qui nous est proposé, ne permettra de régler ce problème si nous n’y attachons pas les moyens nécessaires. Cet amendement est l’occasion de soulever ce problème. Nous devrons nous en souvenir au moment d’entamer les discussions budgétaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC85 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit de clarifier le fait que les référents sont spécialisés dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AC48, AC49, AC50 et AC61 de M. Steevy Gustave tombent.

Amendement AC38 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (EPR). Je propose de prévoir que le référent devra bénéficier d’une formation « incluant les formes renouvelées d’antisémitisme telles que définies par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste » et établira « un rapport annuel d’activité qui rend compte de l’ensemble des actions menées par l’établissement durant l’année écoulée et des signalements recueillis ».

Le fait de bénéficier d’une formation incluant la définition de l’Ihra permettra de mieux qualifier certains propos tenus dans des universités, à Sciences Po ou dans d’autres écoles. Je vous livre un témoignage qui m’a été transmis : « à peine arrivée sur le campus, un étudiant qui me qualifiait de “sioniste colonisatrice” m’a étranglée par-derrière en me disant : “ici, on va te faire comme on leur fait à Gaza” ». Voilà un cas couvert par la définition de l’Ihra.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Le second alinéa de votre amendement, relatif au rapport annuel d’activité, est satisfait par l’adoption de l’amendement AC84, lequel prévoit que le président de l’université présente, chaque année, au conseil d’administration, un rapport qui porte notamment sur l’activité de la mission « égalité et diversité » et inclut un compte rendu spécifique des actions menées par l’université pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme. Ce rapport sera, de fait, public.

Quant à la formation qui doit être dispensée au référent qualifié, il ne me paraît pas opportun de la détailler dans la loi.

Je vous suggère donc de retirer l’amendement.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Puisqu’il est fait référence, dans l’amendement, à la définition de l’antisémitisme par l’Ihra, je tiens à rappeler que, selon la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme – qui se veut une réponse à cette définition et compte parmi ses signataires des chercheurs et chercheuses du monde entier dont les études portent sur l’antisémitisme et des sujets connexes –, sept des onze exemples contemporains d’antisémitisme cités dans la définition de l’Ihra ont essentiellement trait à l’État d’Israël. J’invite tous ceux qui ont pour ambition de lutter contre l’antisémitisme à lire cette déclaration, qui comporte notamment quinze recommandations.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. La définition de l’Ihra a été adoptée par le Parlement européen, en 2017, ainsi que par la quasi-totalité des pays européens, par l’Assemblée nationale, à la suite d’un débat assez vif sur une proposition de résolution, en 2019, par le Sénat, à une très large majorité, en 2021, et elle a été officiellement retenue par le chef de l’État. Par ailleurs, il est clairement indiqué dans le rapport issu des assises de la lutte contre l’antisémitisme que cette définition opérationnelle devra être déclinée, notamment dans des circulaires et des modules de formation.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame Yadan, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Caroline Yadan (EPR). Je vais y retravailler d’ici à l’examen en séance publique. Autant je suis d’accord avec Mme la rapporteure sur le rapport, autant il me paraît absolument nécessaire de prendre en compte la définition de l’Ihra dans la formation du référent, car elle couvre la quasi-intégralité des propos et des actes antisémites actuels.

L’amendement est retiré.

Amendement AC79 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier (DR). L’extension du champ d’action des missions « égalité et diversité » est une bonne nouvelle pour la lutte contre l’antisémitisme. Mais il nous semble utile de clarifier leur cadre et leurs objectifs afin d’éviter qu’elles ne deviennent des outils de propagande idéologique qui contrediraient leur vocation initiale. Pour qu’elles ne servent pas de relais à des revendications communautaires mais demeurent un vecteur de la cohésion républicaine, nous proposons de préciser que la « mission “égalité et diversité” agit dans le respect des principes de laïcité, de neutralité et des valeurs de la République ».

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il est déjà précisé, à l’article L. 141-6 du code de l’éducation, que le service public de l’enseignement supérieur est « indépendant de toute emprise politique […] ou idéologique ».

Par ailleurs, il est difficile de sous-entendre que certains des membres des équipes dirigeantes des universités, qui piloteront les missions « égalité et diversité », ne respecteraient pas les principes républicains, notamment la laïcité. Sagesse.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Actuellement, ce sont souvent les vice-présidents chargés du conseil académique qui sont responsables de la mission Égalité et diversité, pour laquelle travaillent des agents de l’État. Or vous laissez entendre par votre amendement que ces agents ou ces élus – qui, je vous l’assure, ne sont pas d’extrême gauche, comme vous semblez le penser – auraient des revendications communautaires. Cet amendement risque de frapper de suspicion des instances essentielles, voire de jeter l’opprobre sur des fonctionnaires qui font très bien leur travail.

M. Alexandre Portier (DR). Si vous lisez bien l’amendement, il ne jette l’opprobre sur personne. Il vise simplement à rappeler des évidences que l’on oublie parfois, hélas. Le respect de la loi ne va plus de soi partout.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC86 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cet amendement est purement rédactionnel.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Puisque son adoption risque de faire tomber mon amendement AC28, qui porte sur le même alinéa, je tiens à préciser qu’il me paraît important que les personnes chargées de recueillir les signalements disposent d’une qualification, d’une formation et d’une expertise. Ces conditions doivent être cumulatives.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. L’amendement AC28 ne tombera pas, car il ne porte pas sur la même phrase de l’alinéa 12.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC28 de Mme Marie Mesmeur

Mme Constance Le Grip, rapporteure. L’amendement tend à imposer aux personnels des missions « égalité et diversité » de disposer et d’une formation et d’une expertise. Or ces conditions cumulatives me paraissent très restrictives. On peut être formé sans avoir pour autant acquis une expertise, qui est souvent le fruit de plusieurs années d’expérience. Avis défavorable.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Si l’on exige uniquement des personnels de cette mission prestigieuse qu’ils suivent une formation sans se préoccuper de savoir s’ils sont sensibles à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, on limite l’ambition de la proposition de loi ; d’autant que l’université française emploie des chercheurs hyperqualifiés qui ont une véritable expertise en matière de lutte contre les discriminations, de diversité ou en matière pénale. Ce sont des profils de ce type qui doivent être recherchés.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC102 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.

En conséquence, l’amendement AC22 de M. Raphaël Arnault tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC101 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.

Amendement AC62 de M. Arnaud Bonnet

Mme Eva Sas (EcoS). En préambule, je tiens à souligner que la proposition de loi a pour mérite de mettre en lumière la recrudescence des actes antisémites à l’université, recrudescence qui s’inscrit dans un contexte plus large de montée de l’antisémitisme – dont témoigne l’augmentation de 284 % du nombre des actes antisémites, selon le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) – et des discriminations à raison de la religion. Face à ce phénomène, nous devons être aux côtés de la communauté éducative, la soutenir et non la contrôler, car il faut préserver l’indépendance, les moyens des universités et la liberté académique.

J’en viens à l’amendement. L’alinéa 12 prévoit que les signalements recueillis par la mission « égalité et diversité » font l’objet d’un traitement statistique, sans plus de précisions. Or notre groupe est particulièrement vigilant quant aux statistiques portant sur la couleur de la peau, l’orientation sexuelle, les origines ou les croyances religieuses, réelles ou supposées. Afin d’éviter toute dérive, nous proposons de préciser que ce traitement statistique vise à dresser un état des lieux des discriminations et à éclairer les actions de prévention et de médiation de la mission Égalité et diversité.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il ne me paraît pas judicieux de limiter l’objet du traitement statistique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC63 de M. Arnaud Bonnet

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’obligation faite aux membres du personnel de signaler les actes « affectant le fonctionnement de l’établissement » contribue à diluer l’objet du texte. À quels actes pense-t-on ? Aux mobilisations d’étudiants ou de personnels contre la réforme des retraites ou pour l’augmentation des budgets ? Nous proposons de supprimer les mots : « ou affectant son fonctionnement ».

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Avis défavorable. Nous souhaitons rester fidèles à l’esprit et à la lettre du texte issu des travaux, excellents et très consensuels, de nos collègues sénateurs.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je crois que nous devons rechercher le consensus au sein de notre commission. Or ces termes, parmi d’autres éléments de la proposition, y font obstacle. En effet, nous ne souhaitons pas que les dispositions de ce texte, qui traite d’une question grave, soient utilisées à d’autres fins que la lutte contre l’antisémitisme et permettent, par exemple, d’empêcher des mouvements sociaux au sein de l’université. Ce serait un dévoiement grave. J’appelle donc l’attention des rapporteurs sur nos amendements, dont l’adoption nous permettrait de parvenir à un consensus.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC77 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier (DR). Nous proposons qu’un rapport annuel présentant le bilan quantitatif et qualitatif du dispositif de signalement soit transmis au Parlement. La transparence est en effet essentielle en la matière. Or, selon une enquête du ministère de l’enseignement supérieur de 2023, seuls 21 % des établissements ont publié un rapport sur les violences ou discriminations internes. L’absence de données nationales nuit à l’évaluation de l’efficacité des dispositifs.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. De manière générale, je ne suis pas favorable aux demandes de rapport. Par ailleurs, nous avons adopté l’amendement AC84, qui prévoit que le président de l’université présente, chaque, année, au conseil d’administration un rapport d’activité incluant un compte rendu des actions menées pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme, rapport qui sera transmis, après son approbation, au ministère.

Il est vrai qu’il est difficile d’avoir une photographie exacte du phénomène dont nous parlons. Mais la proposition de loi permettra de mieux le mesurer, et je suis certaine que le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui partage en partie votre constat, rendra compte à la représentation nationale de l’état des lieux qui lui aura été transmis.

M. Alexandre Portier (DR). Je ne doute pas de votre bonne volonté ni de celle du ministre de l’enseignement supérieur. Du reste, après l’adoption de l’amendement AC84, j’étais près de retirer celui que nous examinons. J’ai finalement décidé de le maintenir car, si le rapport n’est pas validé par le conseil d’administration de l’université, les phénomènes qui nous occupent resteront dans l’obscurité. Or, nous sommes tous d’accord sur un point, les universités ont un devoir de transparence vis-à-vis du Parlement.

M. Roger Chudeau (RN). Je ne comprends pas les réticences de Mme la rapporteure. Il est nécessaire que le Parlement soit tenu informé annuellement de la situation dans les universités. Certes, leurs présidents seront tenus de présenter un rapport. Encore faut-il qu’il soit transmis au ministre et que celui-ci nous le communique à son tour. Cet amendement est donc nécessaire au contrôle démocratique de l’action publique dans l’enseignement supérieur. C’est pourquoi nous le soutiendrons.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Une fois n’est pas coutume, je ne voterai pas contre l’amendement de M. Portier. Il serait en effet pertinent que nous disposions de données concernant la lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans les universités, dont l’objet est de réaliser des recherches, de collecter des données et de les analyser.

Par ailleurs, je ne crois pas que les conseils d’administration refuseront d’approuver le rapport présenté par les présidents d’université. En revanche, du fait de leur autonomie, les universités sont libres de choisir les données qui seront recueillies et de les traiter comme elles l’entendent. Il serait donc intéressant de définir une sorte de canevas commun afin que toutes les universités recueillent les mêmes données.

Mme Caroline Yadan (EPR). J’abonde dans le sens de M. Portier. Lorsque nous les avons auditionnés, les responsables de France Universités nous ont bien indiqué que le nombre des actes antisémites – soixante-sept – était largement sous-estimé, comme le confirme un sondage de l’Ifop selon lequel neuf étudiants sur dix ont déjà été confrontés à un acte antisémite. L’existence d’un rapport peut inciter les étudiants à faire un signalement et contribuer à lutter contre la sous-déclaration.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC92 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.

Amendement AC39 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (EPR). Il s’agit de préciser que l’information relative au dispositif de signalement détaille l’ensemble des étapes de la procédure et rappelle les actions en justice et voies de recours possibles, sur le modèle de la plateforme consacrée aux violences sexistes et sexuelles. En effet, l’usage des dispositifs de signalement actuels demeure limité par une méconnaissance des procédures, internes et externes. De nombreux étudiants victimes ou témoins de faits d’antisémitisme graves n’osent pas engager des démarches formelles, par peur ou faute d’information sur leurs droits et les suites possibles.

Il s’agit donc de renforcer l’efficacité et l’accessibilité du dispositif de signalement tout en favorisant l’information diffusée au sein des établissements.

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Même s’il nous faut veiller à ne pas trop alourdir la loi, qui ne doit pas forcément descendre à ce niveau de détail, je comprends l’intérêt de l’amendement, auquel je suis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement légistique AC87 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.

Amendement AC88 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit d’étendre les missions « égalité et diversité » aux établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (Eespig), lesquels concourent aux missions de service public de l’enseignement supérieur. On estime à un quart de la population estudiantine les étudiants inscrits dans ces établissements.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement de cohérence AC89 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.

La commission adopte l’article 2 modifié.

 

La réunion est suspendue de onze heures cinquante à onze heures cinquante-cinq.

 

Article 3 : Adaptation de la procédure disciplinaire à la poursuite des faits d’antisémitisme, de racisme, de violence et de discrimination

Amendements de suppression AC6 de Mme Soumya Bourouaha et AC17 de M. Raphaël Arnault

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’article 3 remet en cause le principe d’autonomie des universités en instaurant une nouvelle section disciplinaire régionale présidée par un membre de la juridiction administrative. Ce faisant il crée, de fait, une juridiction administrative intermédiaire qui affaiblira le rôle des instances universitaires et sera redondante avec le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, seul organe de recours légitime en matière de discipline. Cette disposition marquerait donc une véritable rupture avec le droit actuel.

En outre, cet article tend à inscrire dans la loi une liste de fautes disciplinaires dont le libellé est parfois vague et déconnecté de l’objet de la proposition de loi. Je pense, par exemple, aux « faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’établissement ». Une telle imprécision risque d’ouvrir la voie à une utilisation répressive du dispositif contre les mobilisations étudiantes et de menacer gravement la liberté d’expression, d’opinion et de manifestation.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Les démocraties ne sont pas infaillibles ; il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis pour le comprendre. Le chantage aux subventions qu’exerce Donald Trump auprès des universités américaines est condamnable, tout comme celui auquel s’est livrée Valérie Pécresse à l’encontre de Sciences Po. Or l’article 3 va plus loin que les mesures prises par Donald Trump !

De fait, il tend à autoriser les recteurs, placés sous l’autorité du gouvernement, à convoquer une commission disciplinaire en dehors du cadre de l’université, commission dont la composition sera définie par décret, donc par le gouvernement, et qui sera compétente pour examiner des faits qui se sont déroulés hors de l’université. Autrement dit, il s’agit de donner au pouvoir exécutif la possibilité de sanctionner des étudiants, voire de les exclure. Même Donald Trump ne va pas jusque-là ! Cette dérive est si grave qu’elle fait sortir les universités du champ de la démocratie.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Avis évidemment défavorable. La proposition de loi vise à lutter contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme ; elle doit donc, pour être efficace, prévoir des sanctions appropriées.

Ainsi les rapporteurs du Sénat ont-ils souhaité que les modalités de formation des membres de la section disciplinaire à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme soient précisées, que l’ensemble des sanctions soient inscrites dans le code de l’éducation et que soit créée une section disciplinaire commune qui puisse faire valoir une expertise en dehors des établissements universitaires.

Vous évoquez une remise en cause du principe d’autonomie des établissements universitaires et une possible immixtion de l’État dans les sections disciplinaires. C’est totalement faux et j’aimerais savoir ce qui, à l’article 3, vous conduit à le penser. C’est le président de l’établissement qui peut faire appel à la section disciplinaire commune. Actuellement, lorsqu’une personne est appelée à comparaître devant une section disciplinaire, elle fait appel à un avocat pour se défendre. La section disciplinaire, elle, est composée d’usagers et d’enseignants qui ne sont pas forcément formés à la procédure judiciaire. C’est pourquoi, dans certains cas graves ou juridiquement complexes, il peut être intéressant de s’appuyer sur une expertise extérieure. D’ailleurs, il existe déjà une possibilité de déport des sections disciplinaires vers d’autres établissements, en cas de conflit d’intérêts ou de pressions locales de nature à dévoyer leur jugement. J’ajoute qu’il n’y a aucune volonté de l’État de s’immiscer dans les affaires des universités : au contraire, le texte leur accorde des moyens techniques puisqu’il prévoit, à l’alinéa 9, que la nouvelle section disciplinaire commune sera présidée par un membre de la juridiction administrative – c’est-à-dire en dehors du champ ministériel. Avis défavorable.

M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre cet amendement de suppression de l’article, car il serait absurde d’adopter une loi visant à lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur sans l’assortir d’un dispositif de sanctions académiques. N’oubliez pas que l’allégorie de la justice a les yeux bandés et porte un glaive.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Nos débats se sont déroulés jusqu’à présent dans un climat constructif, et nous pouvons nous en réjouir. Toutefois, l’article 3 ne concerne plus directement la lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme : il soulève la question d’une possible ingérence dans l’appréciation des cas relevant de la procédure disciplinaire. D’ailleurs, la rédaction de l’article a évolué, ce qui suscite le doute quant à l’utilisation détournée qui pourrait en être faite pour porter atteinte à la liberté d’expression, notamment des mouvements étudiants – c’est pourquoi il suscite un fort émoi au sein des organisations de jeunesse, qui sont elles-mêmes pleinement engagées dans la lutte contre l’antisémitisme et contre le racisme. Nous souhaitons donc rétablir la rédaction initiale adoptée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation du Sénat et voterons en faveur des amendements de suppression.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Vos propos sont injustifiés. C’est dans un souci d’harmonisation que les groupes socialiste et communiste du Sénat ont voté l’article 3 : celui-ci ne fait qu’autoriser le président d’établissement à déporter, s’il le souhaite, l’instruction de la section disciplinaire à une chambre experte en la matière, puisqu’elle s’appuie sur la juridiction administrative.

La commission rejette les amendements.

Amendement AC59 de M. Emmanuel Grégoire

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Cet amendement vise à renouer avec l’esprit initial de l’article 3 qui avait été adopté à l’unanimité en commission au Sénat, mais dont la rédaction a évolué en séance publique, dans des conditions de débat moins sereines. Nous répondrions ainsi à l’émoi suscité et éviterions de gâcher ce très beau texte par un dispositif législatif qui crée le doute et fait peser une menace sur la liberté d’expression dans les universités.

M. Pierre Henriet, rapporteur. La rédaction que nous examinons est celle votée par le Sénat, lequel a voulu transcrire dans la loi l’ensemble des sanctions qui relevaient du domaine réglementaire et mentionner explicitement les actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d’incitation à la haine. Restons-en à l’esprit qui a permis d’obtenir un vote à l’unanimité au Sénat, en espérant qu’il recueillera une majorité de suffrages dans notre commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC60 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à lever le frein à l’action disciplinaire, en ouvrant la possibilité de saisir une section disciplinaire aux usagers ou aux membres du personnel des services publics d’enseignement supérieur ou de recherche, ainsi qu’aux organisations syndicales et aux associations étudiantes. Leur accorder cette prérogative, jusqu’ici réservée aux présidents d’université, avec un caractère arbitraire, permettra de traiter plus efficacement et plus rapidement les cas de discriminations.

M. Pierre Henriet, rapporteur. L’esprit de l’article 3 est que le président d’un établissement puisse s’appuyer sur une expertise externe ayant la qualité de juridiction administrative. Reproduire le modèle actuel des sections disciplinaires reviendrait à annihiler la disposition introduite par l’article. Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Une question reste posée : quelle est l’autorité compétente qui pourra saisir la section disciplinaire commune, comme évoqué à l’alinéa 10 ? Est-ce le recteur d’académie ? Il est indiqué, à l’alinéa 11, qu’« un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article ». Vous nous dites par ailleurs que ces dispositions ne concernent que les actes antisémites. Pourtant, aux alinéas 15, 16, 17 et 18, il est fait référence à « la méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires ou du règlement intérieur de l’établissement » ou encore aux « faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement de l’établissement ou au bon déroulement des activités qui y sont organisées ». Ces précisions n’ont-elles pas pour objet de réprimer également les mobilisations étudiantes ?

M. Pierre Henriet, rapporteur. Je n’ai jamais dit que la procédure disciplinaire ne concernait que les actes d’antisémitisme ou de racisme. La procédure créée par le texte doit conserver un caractère général.

La commission rejette l’amendement.

Amendement rédactionnel AC96 de M. Pierre Henriet

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Imaginez un monde dystopique, dans lequel M. Chudeau serait chargé de prendre des décrets. En adoptant l’article 3, vous lui donneriez la possibilité de modifier la composition et l’autorité compétente de la section disciplinaire commune ; vous donneriez ainsi les pleins pouvoirs au gouvernement pour convoquer une commission disciplinaire et exclure des étudiants. Si je comprends la bonne volonté sous-jacente, je considère que nous devons légiférer avec la main qui tremble, en particulier lorsqu’il s’agit de la liberté d’expression dans les universités. C’est pourquoi nous nous opposons à cet article, que vous ne pouvez pas soutenir en l’état.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AC15 de Mme Marie Mesmeur et AC72 de M. Steevy Gustave (discussion commune)

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Utiliser le mot « antisémitisme » sans le définir clairement, c’est ouvrir la voie à l’arbitraire. C’est pourquoi nous proposons de retenir la définition, très large, du code pénal, qui condamne toute provocation à la haine ou à la discrimination en raison d’une appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion. Le racisme et la haine ont changé de forme et le droit doit rester en mesure d’y répondre, pour jouer son rôle de garde-fou. Par cet amendement nous réaffirmons donc notre approche universelle de la lutte contre toutes les formes de racisme – islamophobie, antitsiganisme, négrophobie, antisémitisme –, ce qui n’est pas le cas de la proposition de loi. Fidèles à l’esprit républicain, nous restons fermes contre toutes les haines, qui ne doivent pas servir d’armes politiques.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Cet amendement ne vise en réalité qu’à invisibiliser l’antisémitisme et je tiens à le dénoncer : vous ne voulez plus en faire mention, alors même que la proposition de loi a pour objet de lutter contre les actes antisémites, qui sont en constante augmentation. Avis défavorable.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je m’inscris en faux contre votre réponse. S’il est vrai que les chiffres relatifs aux actes antisémites sont graves, la proposition de loi vise à lutter contre toutes les formes de racisme et j’espère que vous voulez lutter également contre l’islamophobie, la négrophobie, la sinophobie, etc. La définition du code pénal englobe toutes ces formes, dont l’antisémitisme. Permettez-moi de citer une phrase d’Aurore Bergé, lors des questions au gouvernement hier : « Notre République est universaliste. [Elle] protège l’ensemble des Français. C’est cet universalisme qui doit nous faire tenir : la République, toute la République, rien que la République. » Par conséquent, appliquons le code pénal pour lutter contre tous les racismes et défendre l’ensemble des Français !

Mme Caroline Yadan (EPR). Je m’inscris à mon tour en faux contre les propos de Mme Mesmeur. La France insoumise est dans le déni, alors même que la proposition de loi est issue des travaux d’une mission d’information du Sénat, menés à la suite de l’explosion du nombre d’incidents survenus depuis le 7 octobre 2023 : les étudiants juifs ne se sentent plus les bienvenus à l’université, où ils sont insultés – neuf étudiants sur dix se disent victimes d’actes antisémites. Le code pénal prévoit des sanctions contre toutes les formes de haine. Arrêtons le déni et mettons fin à cette haine des Juifs !

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Notre discussion est orwellienne. Nous vous proposons de retenir la définition du code pénal pour donner à ce texte particulièrement flou une plus grande rigueur juridique et vous nous répondez que le code pénal est antisémite ! Grâce à l’article 3, n’importe quel gouvernement pourra exclure, par décret, un étudiant, sur des fondements juridiques inexistants. Comment ne pas voir que ce texte instrumentalise l’antisémitisme pour réprimer les mouvements étudiants qui luttent contre les massacres perpétrés à Gaza ? Comment ne pas faire le lien avec ce que Donald Trump fait aux États-Unis ? Vous allez même plus loin que lui.

M. Erwan Balanant (Dem). Ce qui est orwellien, c’est que vous mélangez tout. Il nous faut avancer rapidement sur ce texte, tant l’explosion des actes antisémites est indéniable. Votre proposition de se fonder sur le code pénal me semble pertinente – nous pourrions retenir cette base en miroir, comme cela a déjà été fait pour le code de l’éducation ou du travail par exemple. Néanmoins, ne nous livrons pas à un gloubi-boulga intellectuel et prenons le temps d’y réfléchir d’ici à l’examen en séance. Nous avons besoin d’un texte fort et puissant pour lutter contre l’antisémitisme. Cependant, le mettre en regard des politiques absurdes menées par M. Trump n’a aucun sens. N’essayez pas de nous faire passer pour des trumpistes ; vous vous ridiculisez vous-même !

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Il n’est pas possible de maintenir un article aussi flou dans ses intentions et si facile à modifier par voie réglementaire. Sans remettre en cause l’absolue nécessité de soutenir la proposition de loi, vous pouvez profiter des amendements déposés par la gauche pour en limiter les éventuels effets de bord. Permettez-moi de prendre un autre exemple : la lutte contre les LGBTphobies. À quel moment ce texte permet-il de la déployer ? Dans quelle mesure un pouvoir réglementaire pourrait-il décider de faire de tel ou tel type de discrimination une priorité nationale ? Le flou est l’ennemi du bien et nous devons approfondir la réflexion d’ici à la séance publique.

M. Roger Chudeau (RN). Avec cet amendement La France insoumise montre son vrai visage : elle va jusqu’à effacer le terme d’antisémitisme d’un texte qui a précisément pour objet de lutter contre des actes de cette nature. Vous n’avez aucune honte et votre déni systématique ne vise qu’à plaire à vos amis du Hamas et des Frères musulmans !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je ne répondrai pas à l’intervention de M. Chudeau, qui est particulièrement indigne. L’article 3 nous fait craindre le pire, si une situation analogue à celle que vivent les Américains survenait – cela nous pend au nez malheureusement. Personne ne dit que les rapporteurs sont des Trump en puissance. Néanmoins, nous sommes inquiets à l’idée d’adopter des dispositions qui pourraient ensuite être instrumentalisées pour lutter contre les mouvements sociaux et la liberté académique. Ne soyons pas naïfs : c’est déjà à l’œuvre de l’autre côté de l’océan Atlantique. Ne faisons donc pas comme si cette menace n’existait pas. Par sa portée trop générale, le texte est dangereux et nous appelons les rapporteurs à y retravailler d’ici à l’examen en séance.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Quel meilleur moyen que le code pénal, qui réprime toute provocation à la haine ou à la discrimination en raison d’une appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation ou une religion, pour combattre l’antisémitisme ? Croyez-vous vraiment que le code pénal est antisémite parce que ce mot n’y figure pas ? Comme l’a souligné M. Balanant, bien des propositions de loi se fondent sur le code pénal. Ce qui compte, c’est d’avoir une approche universaliste pour lutter contre toutes les formes de racisme et toutes les formes de discrimination, non d’opposer une religion à une autre. Notre République est foncièrement universaliste.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Je rappelle que ces amendements visent à modifier l’alinéa 3, qui porte sur les modalités de formation des membres de la section disciplinaire. La volonté des rapporteurs du Sénat était de reprendre la définition inscrite aux articles 1 et 2 du texte – définition que nous avons également reprise dans le titre de la proposition de loi, grâce à un amendement de M. Grégoire. Le but était donc d’harmoniser les termes dans l’ensemble du texte, et en aucun cas de hiérarchiser les discriminations. Il reviendra à la section disciplinaire commune de conserver l’esprit des lois de la République, qui sont universelles.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AC66 de M. Arnaud Bonnet

M. Alexis Corbière (EcoS). Il a été fait référence, tout à l’heure, à un sondage de l’Ifop, commandé par l’UEJF et réalisé en septembre 2023, selon lequel 90 % des étudiants juifs auraient été agressés à l’université, alors que ce ne sont en réalité que 7 % – chiffre déjà terrible et considérable.

Mme Caroline Yadan (EPR). J’ai indiqué que neuf étudiants sur dix avaient été confrontés à un acte antisémite.

M. Alexis Corbière (EcoS). Dans ce sondage, 67 % des étudiants juifs interrogés – qui sont sensibles, fort heureusement, à toutes les discriminations – ont déclaré avoir constaté des actes racistes à l’université. Si le sondage doit retenir l’attention au vu de la gravité des chiffres, ne l’instrumentalisons pas et ne lui faisons pas dire ce qu’il ne dit pas !

Je souscris à toutes les critiques formulées sur l’article 3, qui risque d’avoir des conséquences terribles. Pour en revenir à mon amendement, il vise à informer de l’état d’avancement de la procédure, non seulement la personne qui a saisi la section disciplinaire, mais aussi celle qui est visée. Ne laissons pas s’engager des procédures contre des personnes sans qu’elles aient la moindre information sur les faits qui leur sont reprochés, donc sans qu’elles puissent y répondre alors même qu’elles encourent de graves sanctions.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Cet amendement vise à élargir aux tiers la saisine de la section disciplinaire et à prévoir une information pour les mis en cause. Sur le premier point, je suis défavorable à un tel élargissement, qui romprait avec l’absence actuellement de saisine directe de la section disciplinaire par une victime ou un tiers. Le second point est satisfait, puisque le mis en cause est déjà associé à la procédure. Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous aimerions, monsieur le rapporteur, comprendre ce qui relèvera ou non du décret : qui pourra saisir la section disciplinaire commune et sur quels fondements pourra-t-elle décider des sanctions ? La rédaction actuelle de l’article 3 est dangereuse, car nous donnons au gouvernement la possibilité d’exclure des étudiants – je ne sais si telle est votre volonté politique. L’amendement présenté par M. Corbière est pertinent et il est difficile de savoir s’il sera satisfait puisque les modalités seront fixées par décret. Rien ne garantit que les futurs gouvernements resteront dans la même ligne politique que vous, que je suppose de bonne foi. C’est pourquoi je souhaiterais connaître votre opinion sur le sujet.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC95 de M. Pierre Henriet, rapporteur.

Amendement AC71 de M. Arnaud Bonnet

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Le manque d’accompagnement et de formation des membres des sections disciplinaires explique diverses lacunes dans le traitement des procédures disciplinaires. Au-delà de la formation à la lutte contre les discriminations, il est nécessaire de les former à leur mission, en particulier sur le plan juridique. Nous proposons d’inscrire cette formation dans le code de l’éducation.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Nous sommes tous attachés au principe d’autonomie des universités, et il ne revient pas au législateur de préciser les contenus des formations. En outre, il ne paraît pas opportun de limiter la formation aux procédures disciplinaires. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel d’harmonisation AC105 de M. Pierre Henriet, rapporteur.

Amendements AC68 de M. Arnaud Bonnet et AC8 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)

M. Pierre Henriet, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer les sections disciplinaires régionales. Il convient plutôt de munir les sections disciplinaires d’expertises plus approfondies, car en l’état, le rapport de force est totalement biaisé lors des instructions : les accusés peuvent recourir à une expertise juridique et à un avocat, tandis que les membres de la section ne peuvent s’appuyer que sur leur propre expérience, alors qu’ils ne sont pas nécessairement juristes. Cela induit une forme d’insécurité. C’est pourquoi les rapporteurs du Sénat, avec l’aval des groupes communiste et socialiste, ont introduit la possibilité de dépayser certaines procédures vers la section régionale lorsque les présidents de l’université et de la section disciplinaire le souhaitent. La section régionale constitue donc un outil complémentaire de la section disciplinaire.

Si l’on ne veut pas de section disciplinaire, si l’on ne veut pas sanctionner et combattre efficacement les faits d’antisémitisme, continuons de priver les enseignants-chercheurs des moyens suffisants ! Je ne crois pas que ce soit votre intention.

La commission adopte l’amendement AC68.

En conséquence, l’amendement AC8 tombe, de même que les amendements AC5 de M. Roger Chudeau, AC42 de M. Steevy Gustave, AC7 de Mme Soumya Bourouaha et AC45 de M. Steevy Gustave.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC93 de M. Pierre Henriet, rapporteur.

Contre l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement AC69 de M. Arnaud Bonnet.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC94 de M. Pierre Henriet, rapporteur.

Amendement AC21 de M. Raphaël Arnault

M. Pierre Henriet, rapporteur. Vous souhaitez introduire un nouveau motif de sanction relatif aux actes ou faits qui contestent l’existence des crimes contre l’humanité ou qui en font l’apologie. L’intention est parfaitement louable, mais l’amendement est satisfait par l’article 3, qui prévoit que la section disciplinaire puisse sanctionner ces actes. Avis défavorable.

Mme Caroline Yadan (EPR). Il faut apprendre à lire, monsieur Corbière : dans l’étude de l’Ifop que vous avez citée, 91 % des étudiants juifs disent avoir été victimes d’au moins un acte antisémite dans le cadre de leur vie étudiante.

Je regrette par ailleurs que cet amendement ne mentionne pas l’apologie du terrorisme parmi les motifs de sanction. Peut-être est-ce parce que nos collègues de La France insoumise ont déposé une proposition de loi visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme dans le code pénal.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC9 de Mme Soumya Bourouaha, amendements identiques AC18 de Mme Marie Mesmeur, AC43 de M. Steevy Gustave et AC70 de M. Arnaud Bonnet (discussion commune)

M. Pierre Henriet, rapporteur. Notre objectif est de consolider la procédure en inscrivant dans le code de l’éducation des dispositions explicites relatives aux faits d’antisémitisme, de racisme, de discrimination et d’incitation à la haine ou à la violence. Il n’y a pas lieu de retirer de la liste des faits incriminés ceux qui sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement de l’établissement ou au bon déroulement des activités, pas plus que les faits commis en dehors de l’établissement, comme le proposent les amendements, car ces dispositions confortent l’intention de la proposition de loi. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement AC9.

En conséquence, les amendements AC18, AC43 et AC70 tombent, de même que les amendements AC44 de M. Steevy Gustave, AC19 de M. Raphaël Arnault, AC47 de M. Steevy Gustave, AC23 de M. Raphaël Arnault et AC1 de Mme Justine Gruet.

Amendement AC25 de M. Raphaël Arnault

M. Pierre Henriet, rapporteur. L’auteur de l’amendement souhaite compléter l’alinéa 20 relatif aux faits commis en dehors de l’établissement, afin de garantir l’exercice de la liberté d’expression, de réunion et de manifestation des étudiants.

La liberté de manifestation et de réunion des étudiants n’est pas remise en cause. Elle doit s’exercer dans le respect des exigences de sécurité dont le président de l’établissement est garant. L’amendement est donc satisfait ; avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC106 de M. Pierre Henriet

M. Pierre Henriet, rapporteur. Il s’agit d’assurer la protection des personnes visées par des faits de violence ou de haine, ainsi que la sécurité de l’établissement en cas de risque de trouble à l’ordre public. Notez que cet amendement va dans le sens de celui que M. Arnault vient de défendre.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC20 de Mme Marie Mesmeur

M. Pierre Henriet, rapporteur. Vous ne souhaitez pas que la définition des pouvoirs d’investigation du président ou du directeur d’établissement soit renvoyée à un décret en Conseil d’État. Or je ne doute pas que les services de l’État qui rédigeront ce décret sauront associer les partenaires de l’enseignement supérieur, notamment les exécutifs des établissements mais aussi les syndicats étudiants, pour prévoir toutes les garanties nécessaires. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AC97 et AC99 de M. Pierre Henriet tombent.

Amendement AC40 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (EPR). Il s’agit d’imposer aux présidents d’université de retirer les messages racistes, antisémites ou incitant à la haine, à la violence ou à la discrimination dans un délai de soixante-douze heures.

Ces dernières années, et plus encore depuis le 7 octobre, un grand nombre d’inscriptions murales, de tracts et autres affiches incitant à la haine ou faisant l’apologie du terrorisme apparaissent dans les établissements : « Mort aux Juifs » orné d’une croix gammée, « Sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes », « Intifada étudiante », « Gloire au Hamas », etc. Ces messages contribuent à une atmosphère antisémite : les étudiants juifs ne se sentent pas bienvenus à l’université. La présence prolongée de ces inscriptions peut heurter la communauté universitaire.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Si l’intention est parfaitement louable, je crains que cette mesure soit peu opérationnelle, voire contre-productive, car elle pourrait inciter les fauteurs de troubles à multiplier les inscriptions. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Caroline Yadan (EPR). C’est donc parce qu’on a peur que les inscriptions se multiplient qu’on ne veut pas imposer un délai pour les retirer ! Je ne comprends pas ce raisonnement ; il va à l’encontre d’une lutte véritable, qui passe par la responsabilisation des chefs d’établissement.

M. Pierre Henriet, rapporteur. Nous devrions pouvoir trouver une rédaction permettant de lutter efficacement contre ces inscriptions et de les retirer le plus rapidement possible. Peut-être faut-il s’appuyer sur l’expertise des présidents d’université et de France Universités. Je reste persuadé qu’en l’état, la disposition que vous proposez ne serait pas un gage d’efficacité. Je comprends néanmoins votre intention, ce qui m’incite finalement à m’en remettre à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC41 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (EPR). Je souhaite préciser que l’exercice de la liberté d’information et d’expression des usagers du service public de l’enseignement supérieur ne saurait provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées.

Au-delà de la recrudescence des discours antisémites, plusieurs situations récentes ont mis en lumière les limites du droit en vigueur. Je pense à des conférences universitaires, organisées avec l’appui de La France insoumise, invitant Mariam Abu Daqqa, l’une des cheffes de file du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), mouvement terroriste ; je pense aussi à la diffusion du film Fedayin à la gloire de Georges Ibrahim Abdallah, terroriste condamné à perpétuité pour complicité d’assassinat, ou encore à la projection d’un film négationniste dont un protagoniste affirme « Longue vie au 7 octobre ». Les dirigeants d’université doivent avoir davantage de moyens pour interdire ce genre de manifestations.

M. Pierre Henriet, rapporteur. L’université n’est pas un sanctuaire, et la liberté académique n’exonère pas du respect de la loi de 1881 sur la liberté de la presse ni du code pénal qui encadre la liberté d’expression. Votre amendement est donc satisfait. Je vous demande de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Caroline Yadan (EPR). Mon amendement permettrait d’élargir les fondements juridiques qui encadrent la liberté d’expression, et surtout d’introduire explicitement les notions de provocation à la haine ou à la violence à l’égard de certaines personnes. Cette disposition serait plus protectrice et permettrait aux chefs d’établissement d’agir plus efficacement.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 3.

Après l’article 3

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement AC46 de M. Steevy Gustave.

Article 4 : Application outre-mer

Amendements AC16 de Mme Marie Mesmeur et AC98 de M. Pierre Henriet (discussion commune)

M. Pierre Henriet, rapporteur. Mon amendement vise à mettre en cohérence l’article 4 avec le nouvel intitulé de la loi. J’appelle l’attention de nos collègues socialistes, qui ont voté un amendement de modification du titre n’allant pas dans le sens de la rédaction actuelle.

Je suis par ailleurs défavorable à l’amendement AC16.

Mme Caroline Yadan (EPR). L’amendement de Mme Mesmeur tend à invisibiliser l’antisémitisme, alors qu’il est précisément l’objet de la proposition de loi. Vous niez une fois de plus la souffrance absolue d’étudiants victimes de tags anonymes, de messages insultants sur les groupes de conversation en ligne et d’un ostracisme qui les prive de tout contact avec leurs camarades. Vous déposez un amendement pour dire que cela n’existe pas ! Comment pouvez-vous agir de la sorte ? Cela vous ressemble bien, cela dit.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je précise que par cohérence avec ce qui a été voté précédemment, il est utile de voter l’amendement AC98.

La commission rejette l’amendement AC16.

Elle adopte l’amendement AC98.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels et de coordination AC80, AC104 et AC103 de M. Pierre Henriet, rapporteur.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement AC31 de Mme Marie Mesmeur

M. Pierre Henriet, rapporteur. Vous sollicitez un rapport du gouvernement évaluant le financement des missions Égalité et diversité. Nous avons eu ce débat : il revient au Parlement, notamment à la commission des finances, d’effectuer ce contrôle – qui aura de surcroît le mérite d’être indépendant. Avis très défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC32 de Mme Marie Mesmeur

M. Pierre Henriet, rapporteur. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme Caroline Yadan (EPR). Cet amendement témoigne encore une fois du déni de la haine des Juifs de la part de l’extrême gauche, puisqu’il sollicite un rapport « évaluant les stratégies d’influence et d’implantation des idées racistes, identitaires et néonazies dans l’enseignement supérieur et la recherche ». Hop ! la haine des Juifs a subrepticement disparu. Hop ! l’antisémitisme a disparu. On gomme le mot qui fâche. C’est dommage, car nous devons continuer à identifier les situations de harcèlement et d’ostracisation des étudiants juifs : bousculades répétées dans les couloirs, changements de place dans les salles de cours, blagues reposant sur des clichés antisémites, isolement lors de la constitution de groupes de travail… Je ne fais là que citer le rapport du Sénat.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC33 de M. Raphaël Arnault

M. Pierre Henriet, rapporteur. Vous demandez un rapport d’évaluation sur les moyens que les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel consacrent à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre toutes les formes de racisme. C’est au Parlement qu’il revient d’effectuer ce contrôle en toute indépendance, dans le cadre des lois de finances ou du Printemps de l’évaluation, par exemple. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Contre les avis du rapporteur, elle adopte successivement les amendements AC34 de M. Raphaël Arnault et AC35 de Mme Danièle Obono.

Titre

Amendement AC12 de M. Raphaël Arnault

M. Pierre Henriet, rapporteur. Nous devons assurer une cohérence et une unité entre le titre de la proposition de loi et son contenu. Avis très défavorable.

Mme Caroline Yadan (EPR). Encore un amendement qui illustre la volonté de nier l’antisémitisme en effaçant purement et simplement ce mot ! Venant de LFI, cela ne m’étonne absolument pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AC81 de Mme Constance Le Grip et AC51 de M. Emmanuel Grégoire, amendement AC64 de M. Arnaud Bonnet (discussion commune)

Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit de mettre en cohérence l’intitulé de la proposition de loi avec les titres de ses chapitres.

L’amendement AC64 est retiré.

La commission adopte les amendements AC81 et AC51.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

La séance est levée à treize heures cinq.


Présences en réunion

Présents.  Mme Nadège Abomangoli, M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. José Beaurain, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Bruno Bilde, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Xavier Breton, M. Joël Bruneau, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Aymeric Caron, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Bruno Clavet, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, Mme Julie Delpech, M. Aly Diouara, Mme Virginie Duby-Muller, M. José Gonzalez, M. Emmanuel Grégoire, M. Frantz Gumbs, M. Steevy Gustave, M. Pierre Henriet, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Céline Hervieu, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, Mme Constance Le Grip, Mme Murielle Lepvraud, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, Mme Caroline Parmentier, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, M. Alexandre Portier, M. Christophe Proença, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot, M. Paul Vannier, Mme Caroline Yadan

Excusés.  Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Sacha Houlié, Mme Tiffany Joncour, M. Bartolomé Lenoir, M. Frédéric Maillot, Mme Nicole Sanquer

Assistaient également à la réunion.  M. Louis Boyard, Mme Danièle Obono, Mme Eva Sas, Mme Ersilia Soudais