Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), table ronde réunissant des représentants des organisations représentatives des personnels de direction de l’enseignement privé : M. Jérémy Torresan, président du Syndicat national des chefs d’établissement de l’enseignement libre (SNCEEL) et Mme Catherine Redon, première vice-présidente, Mme Virginie Bécourt, présidente du Synadec, et M. Ronan Lessard, vice-président, M. Bertrand Van Nedervelde, président du Synadic, et Mme Anne Valetoux, première vice-présidente, Mme Laurence Gourdon, vice-présidente de l’Union nationale de l’enseignement technique privé (UNETP), et M. Jean-Philippe Thoiry, directeur général               2

– Présences en réunion..............................13

 

 

 

 

 


Mercredi
30 avril 2025

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 64

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


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La séance est ouverte à quinze heures quinze.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission auditionne sous la forme d’une table ronde, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), des représentants des organisations représentatives des personnels de direction de l’enseignement privé : M. Jérémy Torresan, président du Syndicat national des chefs d’établissement de l’enseignement libre (SNCEEL) et Mme Catherine Redon, première vice-présidente ; Mme Virginie Bécourt, présidente du Synadec, et M. Ronan Lessard, vice-président ; M. Bertrand Van Nedervelde, président du Synadic, et Mme Anne Valetoux, première vice-présidente ; Mme Laurence Gourdon, vice-présidente de l’Union nationale de l’enseignement technique privé (UNETP), et M. Jean-Philippe Thoiry, directeur général.

 

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous poursuivons nos travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires en accueillant des représentants de syndicats représentatifs des personnels de direction de l’enseignement privé.

Cette table ronde nous permettra de connaître le rôle de vos organisations respectives dans la prévention des différentes formes de violences, qu’elles soient physiques, psychologiques, sexuelles, ou liées aux discriminations à l’école. Par ailleurs, vous nous direz si la formation dispensée aux personnels enseignants et non-enseignants des établissements privés vous semble suffire au repérage des violences et aux actions nécessaires à leur traitement et, dans le cas contraire, quelles seraient vos recommandations.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées dans le cadre de travaux d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mmes Redon, Bécourt, Valetoux et Gourdon, MM. Torresan, Lessard, Van Nedervelde et Thoiry prêtent successivement serment.)

M. Jérémy Torresan, président du Syndicat national des chefs d’établissement de l’enseignement libre (SNCEEL). Le SNCEEL compte 2 500 adhérents, ce qui correspond à un réseau d’établissements accueillant plus d’un million d’élèves. Fondé en 1925, le SNCEEL est la plus ancienne organisation professionnelle du secteur ; elle représente principalement des chefs d’établissements catholiques, mais également d’autres confessions, ainsi que d’établissements laïcs de l’enseignement privé sous contrat.

Notre syndicat est un acteur majeur de la formation continue des chefs d’établissement en matière de prévention des violences. Notre centre de formation continue forme chaque année environ 500 chefs d’établissement sur diverses problématiques, notamment la protection des mineurs et les règlements intérieurs. Nous considérons la jeunesse comme la priorité absolue de notre pays, et la protection des enfants comme un sujet transpartisan. Il concerne de manière égale les établissements publics et privés, et il convient de se munir de procédures identiques.

Sans doute la formation des personnels, qu’ils soient de droit privé, enseignants ou de direction, n’est-elle pas suffisante, particulièrement au niveau de la formation initiale. Considérant que deux ou trois élèves par classe sont potentiellement susceptibles d’être victimes d’agissements répréhensibles, nous avons encore beaucoup de progrès à faire. La formation initiale étant trop courte pour aborder en profondeur les questions relatives aux violences et à la protection des enfants, la formation continue s’avère indispensable pour progresser dans ce combat qui concerne l’ensemble de la communauté éducative. En outre, la formation continue permet de suivre les constantes évolutions réglementaires, puisque de nouvelles circulaires et procédures sont régulièrement mises en place.

Mme Virginie Bécourt, présidente du Synadec. Créé en 1985, le Synadec est également une organisation professionnelle de chefs d’établissement. Nous représentons 1 547 écoles du premier degré accueillant environ 302 000 élèves, et je dois dire que nous sommes profondément touchés par les révélations récentes sur des faits de violence en milieu scolaire.

Le rôle du Synadec consiste à accompagner, former et soutenir nos chefs d’établissement afin qu’ils soient en mesure d’encadrer plus efficacement l’ensemble de la communauté éducative. Son action porte avant tout sur l’échange et le conseil.

Nous estimons que la formation n’est jamais suffisante. Un module spécifique sur la protection des mineurs existe pour les chefs d’établissement, abordant notamment la création d’un climat scolaire propice à l’apprentissage de tous et l’importance de piloter l’organisation dans un cadre éthique et porteur de sens. Au Synadec, nous accordons une grande importance à la prévention, au-delà de la gestion des incidents, et nous nous efforçons de mettre en place des stratégies permettant d’éviter que ces situations ne se reproduisent.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Pourriez-vous préciser les actions concrètes mises en place par le Synadec en termes de prévention des différentes formes de violences ?

Mme Virginie Bécourt. Le Synadec est également un organisme de formation, qui s’appuie sur un réseau de délégués départementaux et académiques assurant sa présence dans l’ensemble du territoire. Ce maillage permet de compter sur des retours d’expérience, et d’adapter les formations aux besoins spécifiques de chaque région.

M. Bertrand Van Nedervelde, président du Synadic. Je tiens en préambule à souligner combien nous avons également été touchés et choqués par toutes les horreurs révélées par les affaires récentes. Ces faits appellent une réaction forte.

Le Synadic a vocation à contribuer à la formation des chefs d’établissement et, à ce titre, il mène sur le sujet de la prévention de la violence en milieu scolaire des actions de sensibilisation des communautés éducatives, tout en contribuant, au sein des instances de l’enseignement catholique et auprès des instances territoriales, aux réflexions et à l’accompagnement sur ce sujet.

Les événements récents ont certainement généré une prise de conscience quant au caractère perfectible de la formation des personnels. Sur ce terrain, nous pouvons à l’évidence faire plus et mieux. Un certain nombre d’actions sont déployées depuis plusieurs années au niveau national sous l’impulsion du Secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec), notamment le plan particulier de prévention des risques pour les jeunes, l’accueil des publics fragiles et l’inclusion scolaire. Nous donnons corps à ces actions au sein de nos communautés à la faveur de rencontres annuelles thématiques.

Nous attendons beaucoup des travaux menés par votre commission, et des pistes de recommandations qui en seront issues. À cet égard, j’attire particulièrement son attention sur le redéploiement de la médecine scolaire et des capacités d’accueil, parce que nos réseaux en sont fortement démunis.

Mme Laurence Gourdon, vice-présidente de l’Union nationale de l’enseignement technique privé (UNETP). L’UNETP, union confessionnelle et non-confessionnelle, représente 900 établissements accueillant 170 000 élèves, lycéens et apprentis. La forte proportion d’apprentis, issus d’une population présentant de grandes fragilités, est une particularité de notre réseau qui, comme ses homologues, s’appuie sur un maillage territorial.

Nous proposons des sessions de formation continue sous différentes formes, notamment des journées thématiques, en mettant l’accent sur les publics les plus fragiles. Nous réalisons également un accompagnement spécifique de conseil et de soutien individuels pour les cadres de direction de nos établissements, en particulier lorsqu’ils nous sollicitent à propos de situations de violence repérées dans les établissements.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je remercie l’ensemble des intervenants pour ces éléments introductifs, et j’aimerais aborder d’abord le sujet de la formation. À tous, il vous paraît que la formation initiale et continue des personnels de direction semble insuffisante concernant la détection et le traitement des phénomènes de violence. Étant donné que de nombreuses organisations professionnelles assument elles-mêmes la formation de leurs membres, pourriez-vous détailler ces formations relatives aux violences perpétrées par des adultes en position d’autorité sur des enfants ou des élèves, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles ? Si de telles formations n’existent pas, notamment en raison des compétences spécifiques qu’elles requièrent, je vous remercie de nous l’indiquer.

Par ailleurs, plusieurs procureurs de la République que nous avons auditionnés nous ont indiqué que des réunions annuelles sont organisées à l’approche de la rentrée scolaire entre le parquet et les chefs d’établissement de l’enseignement public, et parfois de l’enseignement privé sous contrat. Les membres de vos réseaux sont-ils régulièrement associés à ces réunions de rentrée, qui sont l’occasion de rappeler notamment les procédures de signalement et celles relatives à l’article 40 du code de procédure pénale ? Vos personnels sont-ils conscients de leur obligation de signaler au procureur tout délit ou crime dont ils auraient connaissance ?

M. Jérémy Torresan. Je dois reconnaître qu’en vingt ans d’exercice en tant que chef d’établissement, je n’ai jamais eu l’occasion de participer à des réunions organisées par le parquet. Nous serions pourtant vivement intéressés par de tels échanges, car les procédures de signalement d’informations préoccupantes ou au procureur font malheureusement partie de notre pratique courante.

À cet égard, il importe de souligner que si les chefs d’établissement sont généralement bien informés de ces procédures, ce n’est pas toujours le cas pour l’ensemble du personnel. En tant que chefs d’établissement, nous sommes souvent les principaux initiateurs des signalements, mais nous agissons fréquemment sur la base de témoignages indirects, puisque ce sont nos équipes éducatives et enseignantes, en première ligne, qui nous alertent lorsqu’elles sont confrontées à des situations problématiques. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de sensibiliser l’ensemble du personnel à l’application de l’article 40.

À titre d’exemple, quatre informations préoccupantes ont été transmises cette année dans mon établissement à la suite de témoignages directs d’enseignants. Nous avons également effectué un signalement au procureur et, au préalable, nous avons bénéficié de l’aide de la cellule départementale du Conseil général afin de déterminer s’il convenait ou non de s’adresser au procureur.

Mme Catherine Redon, première vice-présidente du SNCEEL. Responsable de la commission formation du SNCEEL, il m’appartient d’organiser la formation et la gestion pédagogique de notre organisme de formation, certifié Qualiopi depuis juin 2021. L’élaboration de notre catalogue bénéficie de l’expertise de quatre juristes assurant une veille juridique constante, et nous effectuons nous-mêmes une veille pédagogique et éducative approfondie.

Ces deux dernières années, nous avons constaté un besoin accru de formation pour nos collègues, ce qui nous a conduits à élargir notre offre. Au-delà des formations traditionnelles sur les responsabilités des chefs d’établissement, nous avons particulièrement développé notre proposition concernant les violences faites aux enfants. Depuis 2023, notre catalogue inclut des formations spécifiques sur l’accompagnement des élèves victimes de violences, ainsi que sur l’assertivité des chefs d’établissement, visant à renforcer leur posture professionnelle et leur capacité d’écoute. Nous proposons également des formations sur les processus et les protocoles à suivre en cas de situation critique.

Parallèlement à notre offre de formation, nous avons mis en place une communication mensuelle qui fournit aux chefs d’établissement des éléments de réflexion, présente les formations à venir pour encourager les inscriptions, et met en lumière l’actualité et les besoins du terrain. Nos formations sont élaborées avec nos juristes et des formateurs externes, et s’appuient sur la force du SNCEEL, à savoir l’accompagnement et la formation par les pairs, favorisant ainsi le tutorat et le soutien mutuel.

En complément de ce dispositif de formation, nous offrons une assistance juridique permanente d’accompagnement, d’écoute et de soutien aux chefs d’établissement dans la mise en place de tout dispositif nécessaire pour venir en aide à un enfant dans le besoin.

Mme Virginie Bécourt. En tant que chef d’établissement, j’ai participé à des réunions au niveau du rectorat où nous avons notamment été formés sur le recueil des informations préoccupantes et sur les dispositifs d’accompagnement mis en place par l’État. Cependant, il convient de noter que la fréquence et la qualité de ces échanges varient considérablement selon les territoires. Une généralisation de ces pratiques serait bénéfique, car les chefs d’établissement sont particulièrement demandeurs de telles opportunités.

Notre organisation diffuse régulièrement des lettres d’information à ses adhérents, soulignant l’importance des mesures préventives dans la vie scolaire et le rôle crucial des chefs d’établissement dans la protection des enfants. En outre, nous mettons également en œuvre le programme de prévention des publics fragiles, dit programme 3PF, spécifique à l’enseignement catholique. Enfin, de nombreuses directions diocésaines proposent des formations à destination du personnel, qu’il s’agisse des salariés du Sgec ou des enseignants, afin que chacun puisse développer les réflexes appropriés face à une situation préoccupante.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Si je comprends bien, il n’existe pas de formation obligatoire pour les chefs d’établissement concernant les procédures telles que le recours à l’article 40 ou la transmission d’une information préoccupante. Vous mentionnez des lettres d’information, ce qui suggère une sensibilisation plutôt qu’une formation systématique et uniforme.

Mme Virginie Bécourt. La formation initiale des chefs d’établissement inclut un module sur la protection des mineurs. En revanche, les chefs d’établissement plus expérimentés sont plutôt sensibilisés à ce sujet dans le cadre de la formation continue dispensée par les organisations professionnelles.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Cette formation n’est donc pas uniforme.

Mme Virginie Bécourt. En effet, elle ne l’est pas.

M. Ronan Lessard, vice-président du Synadec. Je tiens à souligner que le chef d’établissement n’est pas seul dans sa gestion des situations difficiles. Il reçoit le soutien de l’inspecteur de l’éducation nationale (IEN) et se trouve également en liaison constante avec le rectorat. À titre personnel, je n’hésite pas, en tant que chef d’établissement, à solliciter l’IEN de circonscription afin d’obtenir des conseils à propos de cas spécifiques.

Les chiffres de l’étude de novembre 2024 sur le harcèlement scolaire sont éloquents : 5 % des écoliers du CE2 au CM2, 6 % des collégiens et 4 % des lycéens sont concernés. Ces chiffres nous interpellent, et le questionnaire envoyé par l’État a été rempli en classe, ce qui nous a permis d’analyser les résultats en équipe et d’ajuster notre vigilance en conséquence.

J’ai eu l’opportunité, dans le département dans lequel j’exerçais précédemment, de participer à une réunion plénière avec tous les chefs d’établissement et le procureur. Cette rencontre a été extrêmement instructive, détaillant étape par étape les points d’action et la manière dont nous devions nous aligner sur le fonctionnement de l’État, en nous appropriant les textes et directives du ministère de l’éducation nationale. Nous veillons à adapter ces textes à nos protocoles de prévention et de gestion des violences. Le plan « Brisons le silence, agissons ensemble » est mis en avant, avec l’affichage des numéros d’urgence partout dans l’établissement.

Je souhaite également faire part de mon expérience positive avec l’outil Faits établissement, auquel j’ai eu recours l’année dernière, en concertation avec mon inspecteur de circonscription. Contrairement aux signalements ou aux informations préoccupantes classiques, où le suivi est souvent limité, cet outil m’a permis d’être impliqué du début à la fin de la procédure, ce qui s’est avéré particulièrement utile pour faciliter le rétablissement du dialogue avec la famille concernée et d’identifier précisément la problématique.

M. Bertrand Van Nedervelde. Je voudrais insister sur le fait que nous sommes partenaires du service public de l’éducation, et régulièrement en relation avec ses instances. Nos chefs d’établissement, au même titre que les personnels, reçoivent des propositions de formation au bien-être à l’école, aux compétences psychosociales, à l’appréhension des phénomènes de harcèlement, ou encore à la protection des mineurs.

Avec les partenaires sociaux, nous avons mis en œuvre des dispositifs fonctionnels, notamment des contrats de qualification professionnels (CQP) qui permettent de former l’ensemble des personnels d’éducation souhaitant prendre davantage de responsabilités ou entrant dans le métier. Des modules de sensibilisation ont été introduits dans le cadre de ces CQP, qui sont donc reconnus par la branche et le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Les chefs d’établissement, ayant souvent été eux-mêmes enseignants, peuvent organiser des formations avec l’ensemble des personnels des établissements afin de sensibiliser sur les questions de harcèlement, de violence et d’amélioration du climat scolaire.

Mme Laurence Gourdon. Les adhérents de l’UNETP sont régulièrement en contact avec les procureurs, mais aussi avec certains commissariats qui, une fois par an, proposent un temps d’échange avec les chefs d’établissement et les équipes de vie scolaire.

J’aimerais revenir un instant sur le recours à l’article 40 pour compléter les propos de Mme Bécourt. Il est évident que nombre de chefs d’établissement expérimentés sont moins familiers de l’article 40 que les plus jeunes, en dépit des formations que nous leur proposons. En d’autres termes, la connaissance de l’article 40 varie sensiblement selon les établissements, comme elle varie selon les territoires, en fonction de l’implication des procureurs ou des commissariats en matière de prévention.

M. Jean-Philippe Thoiry, directeur général de l’UNETP. J’aimerais en premier lieu avoir une pensée pour Lorraine, cette jeune lycéenne décédée ce jeudi à Nantes, et ses camarades blessés, et saluer le travail de la communauté éducative et du chef d’établissement, ainsi que la qualité de l’intervention de l’État lors de ce drame.

L’établissement dans lequel j’exerce se trouve en Loire-Atlantique, où nous scolarisons 40 % des jeunes, ce qui induit des moyens sans doute plus importants que dans d’autres territoires, ainsi qu’un accompagnement plus dense des chefs d’établissement et des équipes, notamment à la faveur des services mis à leur disposition par la direction diocésaine de l’enseignement catholique (DDEC), en particulier un service psychologique au sein de tous les établissements.

L’UNETP regroupe principalement des lycées professionnels, des lycées technologiques, des centres de formation, et une attention particulière est portée à la formation des enseignants. La formation initiale existe à travers l’école des cadres missionnés de l’enseignement catholique (ECM). En revanche, la formation continue est à l’évidence perfectible. La densité de notre réseau en Loire-Atlantique et dans les Pays de la Loire permet à différents acteurs, aux organisations professionnelles, dont l’UNETP, ou à la DDEC, de participer à des démarches de formation sous la forme d’organisations apprenantes et de partage entre pairs. Cette densité confère sans doute à notre territoire une spécificité dans la mesure où des rencontres régulières ont lieu avec le procureur et avec les services de l’État.

M. Paul Vannier, rapporteur. J’ai bien entendu vos remarques sur les carences de la formation, en dépit des initiatives et des plans mis en œuvre. J’aimerais savoir, de manière très concrète, comment procède un chef d’établissement lorsqu’il est saisi d’un fait de violence sur un élève. À qui s’adresse-t-il ? Recourt-il systématiquement à l’article 40 ? Saisit-il automatiquement le procureur de la République ? Sollicite-t-il les services de l’éducation nationale, l’inspection académique, le rectorat ? Alerte-t-il dans tous les cas sa tutelle congrégationniste ou diocésaine ?

M. Jérémy Torresan. Notre procédure de signalement en cas de témoignage concernant un élève implique de contacter systématiquement soit la cellule du Conseil général pour une information préoccupante, soit le procureur de la République pour un signalement. En cas de doute sur la qualification des faits, nous sollicitons l’aide des services de l’éducation nationale pour nous orienter.

Cependant, nous nous heurtons à une difficulté majeure, à savoir le manque de retour d’information sur le traitement de nos signalements. En outre, nous manquons cruellement d’un numéro d’urgence pour les situations critiques.

Mme Virginie Bécourt. J’ajoute que nous sollicitons également la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (CRIP). En outre, lorsqu’une situation préoccupante implique un enseignant, nous travaillons en étroite collaboration avec les IEN.

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous privilégiez toujours un échange préalable avec l’IEN avant d’envisager une saisine directe des autorités judiciaires ?

Mme Virginie Bécourt. Concernant les enseignants, notre procédure est claire. Dans le cadre de l’article 40, nous effectuons simultanément un signalement au procureur et une information à notre IEN. Cette démarche souligne la relation privilégiée et l’écoute attentive dont nous bénéficions généralement de la part des inspecteurs.

Mme Anne Valetoux, vice-présidente du Synadic. Nous mettons l’accent sur la formation de notre personnel à l’écoute sans jugement lors du recueil de la parole. Mais pour répondre concrètement à votre question, monsieur le rapporteur, je dirais que, selon la nature des informations recueillies, solliciter l’ensemble de nos interlocuteurs c’est-à-dire le procureur, le rectorat et notre tutelle, semble être la meilleure solution.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Dans l’hypothèse où vous avez connaissance d’un acte de violence présumé commis par un enseignant ou un encadrant de votre établissement sur un enfant, réalisez-vous une information préoccupante ?

M. Bertrand Van Nedervelde. Non, dans un tel cas nous alertons directement le procureur de la République ainsi que le rectorat. Nous informons également notre tutelle, qui est en liaison avec les services du rectorat et peut échanger avec eux si nécessaire, et nous prenons une mesure conservatoire à l’égard de la personne concernée.

Je voudrais souligner par ailleurs la réactivité remarquable des services du rectorat et de leur cellule de crise, qui permet une prise en charge immédiate des situations d’urgence.

Mme Laurence Gourdon. Je partage le point de vue de mes collègues, même si je serais moins élogieuse à propos de la réactivité des rectorats et de leur cellule de crise.

Lorsqu’un fait grave est signalé, nous contactons le procureur en priorité, puis le rectorat. Nous encourageons nos chefs d’établissement à ne jamais prendre de décision isolément. Dans les grands établissements, notamment les lycées, nous bénéficions généralement de la présence de psychologues scolaires, d’infirmières et de membres de la vie scolaire, ce qui permet de prendre des décisions concertées dans des délais très courts, ce qui constitue un véritable défi.

J’aimerais insister, puisque cela a déjà été évoqué, sur la difficulté majeure que constitue l’absence de retour consécutif à nos déclarations, que ce soit de la part du procureur ou des services de police. Cette situation est particulièrement problématique lorsque nous avons pris des mesures conservatoires, isolant parfois une personne ou un groupe.

M. Jean-Philippe Thoiry. En complément, je précise qu’en Loire-Atlantique, la cellule psychologique de la direction diocésaine est systématiquement informée en cas d’incident grave. Elle nous accompagne dans notre réflexion pour déterminer s’il convient d’informer la famille, en fonction des situations et en coordination avec le rectorat, le procureur et le Conseil général.

M. Paul Vannier, rapporteur. La problématique du suivi des articles 40 ou des signalements dépasse largement le cadre de l’enseignement privé sous contrat. Cette situation est identique dans l’enseignement public et pour tous ceux qui effectuent des signalements. Il s’agit d’une préoccupation majeure à laquelle il nous appartient d’apporter une réponse adéquate.

J’aimerais à présent évoquer la position particulière des chefs d’établissement de l’enseignement privé. Ceux-ci sont choisis par la tutelle diocésaine ou congréganiste, tout en étant salariés de l’Organisme de gestion de l’enseignement catholique (Ogec). Cette situation singulière a-t-elle déjà placé certains membres de vos organisations professionnelles dans des situations délicates, notamment lorsqu’ils étaient confrontés à des faits de violence impliquant des adultes en position d’autorité sur des élèves ? Ont-ils été soumis à des pressions de leur tutelle, les incitant à dissimuler ces violences, créant ainsi un potentiel conflit de loyauté ? Avez-vous personnellement rencontré de telles situations ou avez-vous été sollicités par des membres de vos réseaux pour les conseiller et les protéger dans ces moments difficiles ?

M. Jérémy Torresan. Notre statut est en effet particulier, puisque notre employeur est une association de gestion telle que l’Ogec, et dans les établissements catholiques nous sommes généralement nommés par la tutelle. À ma connaissance, nous ne disposons pas d’informations relatives à des pressions exercées par la tutelle sur les chefs d’établissement. Il importe de souligner que le rôle de la tutelle n’est pas de diriger l’établissement à la place du chef d’établissement.

Je tiens à réaffirmer que les procédures de protection de l’enfance devraient être identiques dans l’enseignement public et privé. Nous accueillons tous des enfants, et leur protection doit être assurée de manière uniforme, indépendamment de l’établissement qu’ils fréquentent. Nous sommes liés par un contrat de scolarisation avec les parents et nous appliquons scrupuleusement la politique du rectorat, respectant ainsi ces procédures essentielles.

Mme Virginie Bécourt. En tant que chef d’établissement depuis vingt-six ans, je n’ai jamais eu connaissance de cas où des chefs d’établissement auraient subi des pressions de la part de leur tutelle lors du signalement de faits graves.

M. Bertrand Van Nedervelde. Je ne peux qu’ajouter mon témoignage à ceux de mes collègues, n’ayant pas eu non plus connaissance de pressions exercées par la tutelle sur les chefs d’établissement à propos de faits de violence ou de maltraitance impliquant un membre du personnel.

Mme Laurence Gourdon. Forte de mes quinze années d’expérience au sein de l’UNETP, je peux affirmer qu’aucune remontée de ce type ne nous est parvenue. Comme l’a justement mentionné le président du SNCEEL, nous opérons dans le cadre d’une relation tripartite avec la tutelle et l’État. Les DDEC nous accompagnent certes dans notre mission de chef d’établissement, mais la responsabilité et le pilotage de la direction incombent pleinement à ces derniers, signataires des contrats d’association avec l’État. Bien que les directions diocésaines proposent un ensemble de services, il revient au chef d’établissement de prendre les décisions finales, en concertation avec son équipe et la tutelle ou la congrégation.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Les inspections et les contrôles de vos établissements constituent un sujet central de nos travaux d’enquête. La révélation de plusieurs scandales a entraîné de nombreuses évolutions. Le plan « Brisons le silence, agissons ensemble » a notamment permis d’étendre l’utilisation de l’application Faits établissement à l’ensemble des établissements privés, alors que certains y avaient déjà recours de manière ponctuelle. Il a également instauré un questionnaire destiné aux élèves et intensifié les contrôles.

Notre commission s’interroge également sur l’étendue du champ des contrôles. Le Sgec et la Conférence des évêques de France, que nous avons auditionnés, considèrent qu’il convient d’inclure la vie scolaire dans le périmètre des inspections, tout en respectant le caractère propre de chaque établissement, et que les questions relatives au climat scolaire et aux violences doivent faire partie intégrante de ces inspections.

J’aimerais savoir comment vous appréhendez cette augmentation des contrôles. Vos syndicats respectifs ont-ils organisé des réunions depuis ces annonces ? Travaillez-vous sur la question de l’accueil des inspections et de l’établissement de plans de contrôle par territoire ? Quelles actions ont-elles été entreprises depuis le début de l’année sur ce sujet ?

M. Jérémy Torresan. Les premiers retours de nos adhérents ayant fait l’objet de contrôles sont plutôt positifs. Au SNCEEL, et je pense que ce sentiment est partagé, nous considérons ces contrôles comme bénéfiques en ce qu’ils permettront de dissiper certaines idées reçues, parfois erronées, sur l’enseignement privé. Nous avons mis en place des formations pour y préparer nos collègues, en nous basant sur les premières informations reçues concernant les modalités de contrôle.

Notre principale préoccupation se rapporte à la clarification du fonctionnement particulier des établissements privés. Nos règlements intérieurs sont en effet sensiblement moins codifiés que dans l’enseignement public et varient considérablement d’un établissement à l’autre. Un règlement intérieur de lycée hôtelier diffère grandement de celui d’un collège. Il est par conséquent essentiel que les évaluateurs ou les inspecteurs soient conscients de ces spécificités. Nous avons également demandé qu’ils prennent en compte nos calendriers, car les premières informations indiquaient que les contrôles pouvaient survenir à tout moment, y compris lors des examens. Or la vérification du bon fonctionnement de nos établissements ne saurait s’effectuer au prix d’une perturbation de la scolarité de nos élèves. Nous avons quelques remarques à formuler de cet ordre, mais de manière générale nous ne voyons aucun inconvénient au principe des contrôles.

Mme Catherine Redon. Nous avons communiqué clairement auprès de nos adhérents dès l’annonce de ces contrôles. Nous y sommes tout à fait favorables et avons expliqué comment s’y préparer au mieux, en rappelant les éléments fondamentaux du contrat d’association.

Par ailleurs, nous avons organisé le 21 janvier une session animée par nos juristes et par des chefs d’établissement expérimentés, avec une centaine de personnes. Le 28 mars, nous avons mis en place une formation pour préciser à nouveau les contours de ces contrôles. Nous poursuivrons ces actions d’information et de formation tant que nécessaire.

Mme Virginie Bécourt. Nous sommes résolument favorables à ces contrôles qui, ainsi que l’a souligné M. Torresan, permettent de démystifier notre fonctionnement et de réaffirmer le cadre dans nos établissements, ce qui est extrêmement positif. D’après les premiers retours, les contrôles se sont généralement bien déroulés. Nous accompagnons nos adhérents de la même manière que le SCNEEL, en proposant des formations et en diffusant des lettres d’information expliquant les raisons et le contenu de ces contrôles, ainsi que l’utilisation de l’application Faits établissement. Nous estimons qu’une procédure unique est une excellente initiative et nous y adhérons pleinement.

M. Bertrand Van Nedervelde. Je souscris aux propos de mes collègues. Nous sommes tout à fait favorables à ce qui concourt à briser le silence, à nous faire mieux connaître, et donc reconnaître comme partenaires du service public d’éducation. C’est un point sur lequel nous insistons particulièrement.

Toutefois, il convient de soulever la question de la multiplication des visites, des évaluations et des contrôles. Nous sommes déjà très souvent contrôlés par des inspecteurs qui, lorsqu’ils visitent nos établissements, s’entretiennent avec les équipes pédagogiques, les enseignants et les chefs d’établissement. Nous n’avons par conséquent aucune objection à formuler contre ces contrôles supplémentaires, sinon que nous devons rester vigilants quant à la fréquence et au calendrier de ces contrôles, afin d’éviter toute surcharge.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Vous mentionnez, monsieur Van Nedervelde, la multiplicité des contrôles existants, notamment les visites d’inspecteurs dans vos établissements. Je m’en étonne puisque, nous l’avons rappelé ici, il n’existe actuellement pas de contrôle global des établissements privés. Certes, vous entretenez des relations de proximité et de confiance avec les inspecteurs, mais le contrôle global, s’étendant sur un ou deux jours et couvrant la pédagogie, les aspects financiers et la vie scolaire, est une nouveauté. Pourriez-vous nous éclairer quant à cette multitude de contrôles que vous dites subir ?

M. Bertrand Van Nedervelde. Je me suis mal exprimé, madame la rapporteure, je vous prie de m’en excuser. Ma position rejoint entièrement celle exprimée par M. Torresan. J’ajoute que les visites d’inspecteurs à des fins d’évaluation des enseignants leur permettent d’entendre et parfois de réunir les équipes pédagogiques pour discuter en l’absence du chef d’établissement sur des thématiques diverses. Ces moments peuvent aussi constituer des opportunités de libérer la parole.

Mme Laurence Gourdon. L’UNETP accueille très favorablement ces contrôles. Certains de nos adhérents en ont déjà fait l’expérience, et les premiers retours nous permettent d’organiser des échanges de pratiques et d’expériences afin d’accompagner nos adhérents dans la préparation de ces contrôles.

Je souhaite cependant attirer votre attention sur deux points. Premièrement, pour que ces contrôles soient constructifs, il est important que les établissements puissent se préparer dans de bonnes conditions. Cela implique de lui laisser suffisamment de temps pour s’organiser et de s’assurer que la date du contrôle est compatible avec le calendrier scolaire.

Deuxièmement, nous constatons, d’après les premiers retours du terrain, qu’il semble exister des variations dans les types de contrôles selon les territoires. Une harmonisation au niveau national serait souhaitable pour garantir une équité de traitement entre tous les établissements.

M. Jean-Philippe Thoiry. Je souhaite mettre l’accent sur les rendez-vous de carrière avec les chefs d’établissement, instaurés en 2017. Ces échanges avec les inspecteurs nous ont permis d’établir un regard critique constructif sur nos méthodes de fonctionnement. L’évaluation des établissements mise en place en 2019 a également favorisé un partage de perspectives pertinent, contribuant à l’acculturation des différents acteurs.

Enfin, nous pratiquons dans notre réseau ce que nous nommons une « visite de tutelle », qui constitue une forme supplémentaire d’examen critique et de contrôle de nos processus. Nous sommes par ailleurs soumis à un contrôle financier effectué par un commissaire aux comptes.

 

La séance est levée à seize heures dix.


Présences en réunion

Présents.  Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Anne Sicard, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier

Excusés.  Mme Nadège Abomangoli, M. Arnaud Bonnet, M. Xavier Breton, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, M. Sacha Houlié, Mme Tiffany Joncour, M. Bartolomé Lenoir, M. Frédéric Maillot, Mme Nicole Sanquer, Mme Caroline Yadan