Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), audition commune de M. Éric Debarbieux, professeur émérite de sciences de l’éducation, Mme Diane-Sophie Girin, docteure en sociologie, et M. Pierre Merle, professeur émérite de sociologie 2
– Présences en réunion..............................13
Mercredi
7 mai 2025
Séance de 11 heures
Compte rendu n° 71
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Frédérique Meunier, Vice-présidente
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La séance est ouverte à onze heures cinq.
(Présidence de Mme Frédérique Meunier, vice-présidente)
La commission auditionne, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), M. Éric Debarbieux, professeur émérite de sciences de l’éducation, Mme Diane-Sophie Girin, docteure en sociologie, et M. Pierre Merle, professeur émérite de sociologie.
Mme Frédérique Meunier, présidente. Nous poursuivons nos travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, en recevant Mme Diane-Sophie Girin, docteure en sociologie, spécialiste de l’enseignement privé, présente parmi nous, et M. Pierre Merle, sociologue, professeur émérite à l’Université de Bretagne occidentale, ainsi que M. Éric Debarbieux, professeur émérite de sciences de l’éducation à l’Université Paris-Est Créteil, qui participent à notre réunion par visioconférence.
Après avoir entendu des victimes, des acteurs et des responsables politiques ou administratifs, des magistrats et des journalistes, il nous semblait essentiel d’échanger avec des chercheurs susceptibles d’apporter un regard précis et éclairé par le temps long sur les questions qui nous préoccupent.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées dans le cadre de travaux d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Diane-Sophie Girin, M. Pierre Merle et M. Éric Debarbieux prêtent successivement serment.)
Que nous apprennent les travaux de recherche quant à l’ampleur, dans une perspective historique de long terme, des violences exercées par des adultes sur des enfants en milieu scolaire ?
Est-il possible de distinguer des spécificités en fonction de la nature des établissements, qui peuvent être publics ou privés, sous contrat ou hors contrat, membres ou non d’un réseau confessionnel ?
M. Pierre Merle, professeur émérite de sociologie à l’Université de Bretagne occidentale. Oui, c’est possible. Plusieurs études nous éclairent à ce sujet, comme le rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qui mentionne l’existence de violences sexuelles envers les élèves, particulièrement dans les établissements privés hors contrat. Je pense aussi aux travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). Dans les années 1950 et 1960, ces abus ont été commis à une très forte fréquence, notamment dans les établissements catholiques et spécifiquement dans ceux pourvus d’internats. Selon le rapport de l’Inserm et de l’EHESS, ces violences sexuelles ont sensiblement diminué, grâce, entre autres, à la réduction du nombre de prêtres. De telles violences ne sont pas relevées dans les établissements publics, même si elles ont dû y exister ; nous n’avons pas de données statistiques en la matière.
Les données sont peu nombreuses pour le secteur du hors contrat, dont les établissements se sont beaucoup développés ces dix dernières années. Dans certains d’entre eux, notamment dans ceux dits de la Tradition, où l’internat est fréquent, il est probable que ce type de déviances existe, bien qu’il soit difficile de l’affirmer en l’absence d’enquêtes et de données statistiques.
M. Éric Debarbieux, professeur émérite de sciences de l’éducation à l’Université Paris-Est Créteil. Je suis à l’origine des principales enquêtes de victimation en milieu scolaire. Concernant la période la plus récente, l’enseignement catholique s’est associé aux études menées de façon relativement régulière par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp). Ces enquêtes comportent des questions très précises, qu’il faudrait néanmoins retravailler. Ces travaux montraient que les adultes étaient de possibles auteurs de châtiments et de baisers forcés.
D’un point de vue historique, nous avons des chiffres assez précis sur les châtiments corporels. Pour l’enseignement public, de grandes enquêtes ont été menées, comme celle que Bernard Douet a conduite dans les années 1980 dans les écoles primaires, qui montrait la rémanence du châtiment corporel – gifles et fessées. Environ 60 % des élèves disaient avoir vu leur enseignant frapper d’autres élèves. En 1996, j’ai publié des entretiens avec des enseignants de l’école publique des années 1960, 1970 et 1980, qui avouaient avoir eux-mêmes frappé des élèves.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vous remercie de votre présence à tous les trois pour éclairer ces violences systémiques, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles, qui se produisent dans les établissements scolaires depuis les années 1950. Ces violences vous paraissent-elles appartenir à une époque révolue ? Certaines écoles sont-elles encore exposées à un risque de violences systémiques ou connaissent-elles encore de telles faits ? Le silence qui entoure les violences infligées aux enfants en milieu scolaire prévaut-il toujours ?
M. Pierre Merle. Selon le rapport de l’Inserm et de l’EHESS, l’ampleur des violences dans les établissements catholiques a baissé, en raison de la réduction du nombre de prêtres enseignants. Cependant, de nouvelles formes de violences sont apparues, notamment par le biais des réseaux sociaux. Une note d’information a été publiée hier par la Depp, selon laquelle les harcèlements de ce type constituent 11 % des incidents graves.
Structurellement, ces violences perdurent parce que les contre-pouvoirs, qu’ils soient internes ou externes aux institutions scolaires, sont restés globalement les mêmes.
En ce qui concerne les contre-pouvoirs internes, les parents d’élèves des établissements catholiques, réunis dans l’Association des parents de l’enseignement libre (Apel), rencontrent des difficultés à remettre en cause l’établissement qu’ils ont sélectionné pour leur enfant, car c’est un choix d’aller dans un établissement catholique. Il existe donc un principe de solidarité.
Dans le cas de Bétharram, un parent, dont l’enfant avait été violemment frappé et avait perdu 40 % de la capacité d’audition d’une oreille, a tenté de faire reconnaître ce dysfonctionnement grave au sein de l’Apel. N’étant pas parvenu à se faire entendre, il a fait appel à la justice, qui n’a pas véritablement joué son rôle puisque la peine a été relativement légère – condamnation, en 1995, a une amende de 5 000 francs avec sursis –et que le surveillant a continué d’exercer son métier. L’absence de résultat des procédures lancées par certains parents incite les autres à se taire et à ne pas porter plainte, contribuant ainsi au maintien des violences.
Les rapports d’inspection ne sont pas toujours à la hauteur non plus. Ainsi, le rapport rendu sur Notre-Dame de Bétharram mentionnait qu’un surveillant devait revoir sa conception pédagogique et concluait à un bon climat de travail, ce qui était contraire à la réalité ; en 1996, tout le monde savait, parmi les élèves, que des châtiments corporels étaient perpétrés.
Le contrat des personnels enseignants de l’enseignement catholique est de droit privé et ceux-ci peuvent être licenciés. Selon la loi du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat, dite Censi, ils sont reconnus comme des agents publics mais ils sont soumis à une autorité privée. Ils n’ont donc pas de garantie d’emploi, ce qui limite leur liberté de parole. Tous ces éléments suggèrent que cette époque n’est pas révolue.
J’ai écouté avec intérêt l’audition du secrétaire général de l’enseignement catholique le 2 avril dernier : le courrier qu’il a adressé à la direction des affaires financières (DAF) du ministère de l’éducation nationale en 2024 est symptomatique d’une résistance, pour ne pas dire d’un refus, de l’enseignement catholique face aux contrôles. Dans ce contexte, une forme d’impunité prospère.
Mme Frédérique Meunier, présidente. M. Debarbieux vient de nous indiquer par message qu’il ne pouvait plus participer à l’audition en raison d’une connexion internet défectueuse.
Mme Diane-Sophie Girin, docteure en sociologie. Dans l’enseignement privé, notamment sous contrat, les enseignants doivent respecter le caractère propre des établissements. Les tribunaux ont déjà tranché en faveur de cette idée : le devoir de réserve des enseignants s’impose quant aux spécificités, notamment idéologiques, de l’établissement. Cette réserve peut aussi expliquer le silence de ces enseignants ou leurs difficultés à communiquer sur les violences.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Les enfants connaissent-ils suffisamment leurs droits ainsi que la nature des violences qu’ils pourraient subir en milieu scolaire ? Peuvent-ils plus qu’avant libérer leur parole ? Observe-t-on des différences en fonction du type d’établissement ?
M. Pierre Merle. Des textes juridiques portant sur le droit des élèves existent depuis longtemps : ils constituaient des droits des élèves de façon indirecte puisqu’ils limitaient le pouvoir de sanction des professeurs. L’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant a été un moment important car elle a offert l’occasion de modifier la législation française pour garantir aux élèves des droits d’expression plus étendus.
Selon les recherches menées, le bilan est mitigé quant à la participation des élèves et à la possibilité pour eux de prendre parole, pour plusieurs raisons. D’abord, l’engagement des élèves dans les instances de participation n’est pas valorisé par les institutions. De plus, il est difficile pour eux d’exercer leur droit à la parole compte tenu de leurs capacités argumentaires, qui sont moindres que celles des chefs d’établissement et des professeurs. Par ailleurs, si certains professeurs sont très ouverts à la parole des élèves, d’autres le sont moins. Cette différence de position aboutit souvent à un statu quo préjudiciable aux élèves. Au sein des instances de participation, l’inégalité statutaire limite les possibilités de prise de parole.
De plus, des questions restent taboues, comme celle des sanctions, dont certaines peuvent ne pas être réglementaires, et celle des violences physiques, verbales et sexuelles, notamment perpétrées entre élèves. Par ailleurs, pour les chefs d’établissement, les instances de participation ont pour but de déployer le projet d’établissement : dans ce cadre, les questions matérielles, comme celle de toilettes qui ferment mal, ne sont pas forcément considérées comme légitimes et sont déléguées aux proviseurs adjoints.
Selon les chiffres de la Depp, les atteintes à la laïcité comptent pour 3 % des incidents graves et les abus sexuels pour 5 %. La politique menée ces dernières années a pour objectif de lutter contre les atteintes à la laïcité, notamment par le biais de référents académiques et d’actions de formation des professeurs. Quelle politique est conduite contre les abus sexuels ? Dans notre système, une atteinte à la laïcité – par exemple une jeune fille qui porte un foulard dans un établissement – et une atteinte sexuelle – par exemple une jeune fille agressée sexuellement – sont placées au même niveau, alors que le second type d’incident est plus fréquent et ne fait pas l’objet d’une politique publique particulière. De plus, le port du foulard dans un établissement confessionnel n’est pas considéré comme une atteinte à la laïcité. Le système de valeurs est donc variable, mais aussi contestable dans ses priorités.
Mme Frédérique Meunier, présidente. Ces chiffres relatifs aux violences sexuelles concernent-ils des violences entre enfants ou entre adultes et enfants ?
M. Pierre Merle. Ces statistiques, publiées hier, s’appuient sur l’enregistrement de faits graves, dont on ne connaît pas forcément les auteurs. Il s’agit sans doute le plus souvent d’atteintes entre enfants.
M. Paul Vannier, rapporteur. Ces premiers éléments sont précieux pour la compréhension de ces phénomènes de violence et de leur persistance, et nous permettent de commencer à différencier les contextes en fonction du statut des établissements.
J’en viens à la question du contrôle, en particulier dans les établissements privés sous contrat, où il apparaît défaillant, voire inexistant. Il ne s’agit pas ici d’évoquer le contrôle pédagogique ni le contrôle financier, qui reste inexistant selon la Cour des comptes, mais le contrôle administratif, panoramique, qui permet de déployer une approche transversale de la vie des établissements et qui semble le plus à même de déceler des phénomènes de violence. Pourtant, ce contrôle paraît absent : de 2017 à 2023, dans l’académie de Nantes, dont près de la moitié des établissements sont privés sous contrat, un seul contrôle administratif a eu lieu. Comment expliquer cette situation ?
Mme Diane-Sophie Girin. La question du contrôle des établissements sous contrat fait partie de celle, plus globale, de la gestion de l’enseignement privé sous contrat par l’État et des différences que ce dernier opère entre les réseaux, qu’il s’agisse de l’attribution et du retrait des contrats, de la collaboration quotidienne avec les réseaux ou des contrôles.
Dès 1959, l’Église catholique s’est montrée très méfiante à l’égard de ces contrôles. L’idée selon laquelle ce serait plutôt aux établissements d’employer les enseignants et de les contrôler a prévalu. Dès les premiers temps, une cristallisation s’est opérée sur le sujet.
Les contrôles ont été effectués de manière différente selon les réseaux. Du côté de l’enseignement catholique, peu de contrôles ont lieu, dans l’idée que le système fonctionne. Depuis les années 1980, le principe de l’existence d’un secteur privé financé par l’État est de plus en plus accepté et, en quelque sorte, le camp laïque a perdu la bataille. Les familles sont de plus en plus nombreuses à avoir recours à l’enseignement privé sous contrat et, aujourd’hui, près d’une famille sur deux y inscrit au moins un de ses enfants à un moment de sa scolarité.
Très peu de moyens sont consacrés aux contrôles, qui semblent constituer un impensé, même si la situation a évolué pour l’enseignement hors contrat après les attentats de 2015 : il faut contrôler l’enseignement privé musulman, qui s’était développé et devenait un objet politique de premier plan. En 2023, le rapport de la Cour des comptes a révélé l’absence de contrôle des établissements catholiques.
Concernant l’enseignement juif, l’absence de contrôle a longtemps été revendiquée, pour des raisons historiques liées au passé vichyste. L’idée prévalait qu’on ne pouvait pas inspecter ces institutions, qu’il serait trop délicat de faire fermer en cas de problème. La recherche a bien documenté ce phénomène. La situation a aussi évolué après les attentats, selon les propos qui m’ont été tenus au ministère de l’éducation nationale : il s’agissait de saisir l’occasion pour contrôler tout le monde.
Bien que des évolutions se soient produites, la survenue d’atteintes graves aux conditions posées par le contrat, comme celles observées récemment à Stanislas à Paris et à l’Immaculée conception à Pau, ne débouche pas systématiquement sur une rupture du contrat ou sur une fermeture, mais plutôt sur des sanctions individuelles, lesquelles ont été annulées, à Pau, par le tribunal administratif.
Les différents acteurs ne sont pas toujours d’accord entre eux. Ainsi, des décisions prises par le préfet peuvent ne pas être soutenues par la DAF et des décisions de la DAF peuvent être retoquées par les tribunaux administratifs. Il y a des enjeux de pouvoir et l’enseignement catholique possède des relais très puissants à tous les niveaux de l’État. Cette forte influence vise à rendre plus difficiles les contrôles et les changements législatifs, au nom d’une possible relance de la guerre scolaire. Il existe une véritable réticence à modifier les modalités de contrôle et d’ouverture. Mme Najat Vallaud-Belkacem avait essayé de modifier la loi sur l’ouverture des établissements privés hors contrat. La proposition n’est pas passée et, au sein du cabinet, on avait compris qu’il y avait eu une opposition de l’enseignement catholique, qui se pose en défenseur de la liberté d’enseignement.
La loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d'enseignement privés, dite Debré, a été conçue pour l’enseignement catholique, avant d’être étendue, avec des spécificités, à l’enseignement juif. Les musulmans sont les derniers arrivés sur le marché confessionnel de l’enseignement et leurs établissements sont sur-inspectés.
J’ai demandé à la DAF pourquoi il était possible de ne pas respecter le socle commun dans des établissements juifs, pourquoi ces derniers n’étaient pas contrôlés et pourquoi aucun contrôle ne donnait lieu à une mise en demeure. On m’a répondu que les Juifs n’étaient pas prosélytes et ne posaient pas de bombes. Selon ce discours, nous n’avons donc pas de problème avec l’orthodoxie juive, qui vit dans un entre-soi choisi et au sein de laquelle les parents choisiraient ces établissements en sachant où ils inscrivent leurs enfants, ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait le cas. Depuis le 7 octobre, beaucoup de familles fuient l’enseignement public, par crainte de l’antisémitisme, et se tournent vers l’enseignement juif, sans toujours connaître le caractère propre de ces établissements.
Quant à l’argument sur le fait de ne pas poser de bombes, il s’inverse pour soutenir le contrôle des établissements privés musulmans en raison du terrorisme islamiste. Pourtant, le lien entre ces établissements et les attentats n’est pas démontré. Lors des inspections de ces institutions, on découvre des problèmes en matière de pédagogie et non de radicalisation.
Le régime de contrôle varie donc selon la confession. Les arguments peuvent être inversés : l’entre-soi des musulmans deviendrait du communautarisme, lequel exigerait une vigilance particulière dans le cadre de la lutte contre la radicalisation et le séparatisme.
Mme Frédérique Meunier, présidente. Quand ils choisissent un milieu scolaire, les parents favorisent-ils des critères comme ceux de la sécurité ou de l’honorabilité du nom, au-delà de ce que peuvent subir les enfants en matière de violence ? Ainsi, dans le cas de Bétharram, les violences étaient connues depuis les années 1990 mais l’établissement restait celui où il fallait inscrire ses enfants.
Mme Diane-Sophie Girin. Oui. Les parents ne connaissent pas toujours les projets d’établissement, lesquels peuvent entretenir un lien très étroit avec des valeurs religieuses. On dit souvent que les familles ne choisissent plus l’enseignement catholique pour des questions de religion mais, depuis une dizaine d’années, la mission d’évangélisation a été remise au cœur des projets d’établissement par l’enseignement catholique et l’épiscopat français. Les parents ne sont pas toujours parfaitement informés de ces aspects. En outre, les réseaux d’établissements peuvent octroyer des facilités financières pour les familles dans le besoin.
M. Pierre Merle. Sous l’Ancien Régime, puis selon les lois sur l’instruction primaire de 1833, dite loi Guizot, et relative à l’enseignement de 1850, dite loi Falloux, c’étaient les prêtres qui surveillaient les instituteurs. Sous Vichy, des subventions très élevées ont été accordées à l’enseignement privé, sans aucun contrôle de leur emploi. Ces subventions ont été supprimées à la Libération. À cette époque, l’enseignement catholique a rencontré d’importantes difficultés de financement, notamment parce que le nombre de prêtres pouvant enseigner diminuait et que le salaire des laïcs était supérieur au leur. La loi Debré, qui constitue un compromis discutable, a inversé la responsabilité, puisqu’elle confie à l’État la charge de contrôler l’enseignement catholique. Un tel bouleversement ne s’opère pas sans opposition.
J’en viens au développement du caractère propre, qui a été mal défini dans la loi de 1959. Depuis, il s’est élargi, sans être mieux défini. La loi du 25 novembre 1977 relative à la liberté de l’enseignement, dite loi Guermeur, qui modifie la loi Debré, oblige les enseignants à respecter le caractère propre, sans que l’on sache exactement de quoi il s’agit. Ce texte a aussi prévu une formation des professeurs, financée par l’État et placée sous la responsabilité de l’enseignement catholique, qui doit transmettre le caractère propre. Je ne sais rien de ce qui est enseigné au cours de cette formation.
Il faut aussi mentionner la grève de 1984, pendant laquelle une mobilisation très forte a lieu en faveur du privé. Depuis, on entend continuellement l’argument selon lequel il ne faut pas réveiller la guerre scolaire.
Le caractère propre s’est étendu de façon continue : dès 1962, l’épiscopat français a demandé qu’une prière ait lieu en début et en fin de classe dans les établissements catholiques, ce qui est tout à fait contraire aux principes de la loi Debré. Une partie de l’enseignement catholique n’a donc pas accepté les principes fondamentaux de cette loi, qui laissent pourtant une liberté assez grande à l’enseignement privé.
Dans la présentation du collège parisien Stanislas, on peut lire que « le choix de Stanislas comme établissement d’éducation suppose la connaissance de son projet de formation chrétienne et l’adhésion à ses principes et ses fondements. » Cette formulation est contraire à la loi Debré, qui précise que la liberté de conscience des élèves doit être pleinement respectée. La suite me semble plus étonnante encore : « Lors des cérémonies, des messes, des grands événements, des lectures de notes, les élèves doivent porter le polo de Stan avec un pantalon, ou une jupe pour les jeunes filles, de couleur sombre. » Il s’agit d’une règle sexo-spécifique, contraire au principe d’égalité entre les filles et les garçons ; en quoi le caractère propre, qui renvoie à la dimension confessionnelle de l’établissement, peut-il permettre d’aller à l’encontre d’une loi de la République ? Le caractère propre semble s’étendre sans fin, faute de définition.
Enfin, il faut évoquer la sociologie des élèves. Depuis 2000, on observe un très fort embourgeoisement de l’enseignement catholique, aussi bien dans les collèges que dans les lycées. Dans les cinq plus grandes villes de France, parmi les 30 % des lycées publics et privés les plus favorisés, 75 % sont privés à Toulouse, 80 % à Lyon, 83 % à Paris, 90 % à Marseille et 100 % à Nice. Les élites politiques, économiques et, de façon plus large, les cadres et les professions intellectuelles supérieures sont largement formés dans les établissements privés. Il leur est sans doute plus difficile de remettre en cause un enseignement catholique qui a contribué à leur réussite et à leur reconnaissance sociale. La proportion d’anciens ministres ayant reçu une formation dans le privé est croissante. La stratégie de l’enseignement catholique, qui forme de plus en plus les élites, a pour conséquence de limiter l’opposition à l’extension de son caractère propre et de laisser passer outre au respect de certains principes de la République comme l’égalité entre les filles et les garçons.
M. Paul Vannier, rapporteur. Madame Girin, vous avez indiqué que l’enseignement catholique disposait de relais à tous les niveaux de l’administration publique. Comment apparaissent-ils et se manifestent-ils ? À quels blocages peuvent-ils conduire en matière de contrôle ?
Mme Diane-Sophie Girin. On m’a expliqué ce qui s’est passé lorsque Mme Najat Vallaud-Belkacem a tenté de modifier le régime d’ouverture des établissements hors contrat, en remplaçant le système de déclaration par un système d’autorisation. La proposition est allée jusqu’au Conseil constitutionnel et a été censurée, apparemment à cause de la mobilisation des réseaux de l’enseignement catholique, jusqu’au niveau du Conseil. Le Secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec) a joué un rôle de médiation important entre le ministère et les réseaux des établissements, qui se sont mobilisés.
Votre enquête a mis en avant des courriers échangés entre le Sgec et la DAF, qui montrent que le traitement diffère en fonction des réseaux. Le Sgec se présente lui-même comme l’arbitre suprême des mouvements d’emplois au sein de l’éducation nationale. En effet, on lui délègue en partie le redéploiement des postes au sein de son réseau, en cas de fermetures de classes. Ces usages ne sont pas prévus par la loi Debré, qui ne reconnaît pas les réseaux. Pourtant, par commodité, le ministère s’appuie beaucoup sur eux. Le réseau juif et le réseau laïque disposent également d’une certaine marge de manœuvre pour faire des propositions en matière de déploiement des équivalents temps plein (ETP) qui leur sont attribués.
Ces libéralités n’existent pas pour les musulmans. Quand la Fédération nationale de l’enseignement privé musulman (Fnem) a été créée en 2014, on lui a sous-traité un travail de surveillance. Il s’agissait notamment d’identifier les établissements présentant un risque en matière de radicalisation, en particulier les établissements salafistes. L’élection d’Emmanuel Macron et l’arrivée au ministère de l’éducation nationale de Jean-Michel Blanquer ont modifié la situation. Le dialogue a été rompu et ce réseau a été jugé illégitime par les services du ministère, qui ne lui demandent plus d’effectuer cette tâche. Il y a donc une confessionnalisation du travail délégué par l’État : le pouvoir attribué varie en fonction du poids numérique mais également de la légitimité ou de l’illégitimité supposée des réseaux.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous avez évoqué le rôle d’« arbitre suprême des mouvements d’emplois » au sein du ministère de l’éducation nationale du Sgec. Pour autant, aucun cadre légal n’organise les relations entre le ministère et le Sgec. Comment qualifier le statut de ce réseau très singulier ? Comment expliquer qu’il joue un rôle aussi central alors qu’il n’est reconnu par aucun texte ?
M. Pierre Merle. Il est très difficile de répondre à cette question, qui montre que les usages finissent par l’emporter sur les textes législatifs. Le Sgec a d’abord existé sous la forme du Secrétariat général de l’enseignement libre et s’est très rapidement imposé comme interlocuteur de l’État. Pour discuter de la loi Debré, deux associations étaient présentes : une association parlementaire pour l’enseignement libre et le Sgec. Pour obtenir un appui électoral, des parlementaires avaient signé un accord, selon lequel ils suivraient les préconisations de l’association lorsque la question du statut de l’enseignement privé serait discutée à l’Assemblée nationale. Ce lobbying a continué d’exister par la suite.
Quand les lois Guermeur et Censi ont été débattues, le Sgec s’est toujours imposé comme interlocuteur, sans doute parce qu’il est commode pour le ministère de n’en avoir qu’un. En effet, pour appliquer la loi Debré, il faudrait que les rectorats discutent avec chaque établissement, ce qui demanderait de mobiliser un personnel nombreux. Le ministère a donc opéré une sorte de délégation auprès du Sgec, qui gère l’ensemble des établissements catholiques. Selon une expression, le Sgec et son représentant sont devenus, de fait, « un ministère de l’éducation bis », le ministère de l’enseignement catholique. C’est ainsi que s’organise actuellement notre système éducatif. Il est contraire à la loi mais il tient à deux volontés qui se sont rencontrées : celle du Sgec, qui souhaite garder toute son autonomie par rapport à l’État, et celle du ministère, qui a trouvé confortable de pouvoir déléguer ses fonctions administratives.
Ce double système a donné une grande liberté d’action à l’enseignement catholique, lequel reçoit une énorme somme de l’État et en fait à peu près ce qu’il veut. Le rapport de la Cour des comptes indique que des postes sont accordés selon un fléchage particulier, celui de la mixité sociale, mais le ministère ignore si ces postes sont vraiment utilisés à cette fin.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous avez évoqué un usage qui s’est imposé à la loi et la constitution d’un ministère bis : il s’agit d’éléments de diagnostic forts, sur lesquels il nous faudra revenir.
Madame Girin, vous avez indiqué que les contrôles sont effectués de façon différente en fonction des réseaux. Quel type de contrôles sont à l’œuvre dans les établissements musulmans ? À quelle fréquence ont-ils lieu ? À quelles conclusions ont-ils abouti ? Comment expliquer le regard si méticuleux que les services de l’État – pas seulement ceux du ministère de l’éducation nationale – posent sur ces établissements, qui sont très peu nombreux dans notre pays ?
Mme Diane-Sophie Girin. En effet, il existe 70 groupes scolaires privés musulmans en France, ce qui est très peu. Ils regroupent environ 120 établissements, parmi lesquels seuls dix sont sous contrat. Ce chiffre passera même à huit à la rentrée prochaine puisque le groupe Al-Kindi a perdu trois contrats et que le groupe Averroès en retrouvera un. Il s’agit donc d’un secteur très minoritaire.
En ce qui concerne les contrôles, la situation de l’enseignement privé musulman illustre bien les contradictions de ce qu’on appelle la « nouvelle laïcité ». Les établissements privés musulmans ont d’abord été imaginés par les parlementaires comme une solution au « problème » des filles voilées dans l’école publique. Il s’agissait d’adopter une loi d’interdiction des signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, qui ne s’appliquerait pas dans l’enseignement privé, afin de s’assurer du respect de la liberté de conscience des élèves musulmanes, condition essentielle à l’aboutissement de la procédure législative. Néanmoins, il n’en existait que trois à l’époque.
Ce qui constituait une solution est peu à peu devenu un nouveau problème à résoudre pour l’État. Pour ce dernier, ces établissements ont incarné le communautarisme, puis la radicalisation après les attentats et, depuis 2021, le séparatisme. Avant les attentats, quand prévalait la rhétorique du communautarisme, on a voulu récompenser « les bons élèves » comme Al-Kindi et Averroès, en souhaitant que leurs établissements passent sous contrat. Ils ont obtenu des contrats de façon exceptionnelle et, de façon tout aussi exceptionnelle, on les contrôle massivement. Lorsqu’Averroès a retrouvé son contrat après une décision judiciaire, un nouveau contrôle fiscal a été annoncé, probablement pour permettre de trouver des éléments en vue de l’appel.
Le caractère méticuleux du regard varie en fonction des évolutions politiques. C’est la même famille politique qui a signé des contrats pour récompenser ceux qui venaient à la table de la République pour faire l’islam de France et qui, aujourd’hui, punit ces mêmes groupes, parce qu’ils incarnent le communautarisme, la radicalisation et le séparatisme. Lors des débats parlementaires, quand on évoque le contrôle des établissements hors contrat, on comprend bien que les établissements musulmans sont ciblés : les membres du gouvernement n’hésitent pas à faire référence aux attentats de manière claire pour justifier la modification des règles et la nécessité de mener des contrôles. Il s’agit d’un changement politique avant tout.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Pour que les citoyens et les parents d’élèves aient confiance dans la qualité des contrôles, l’indépendance de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) doit en être garantie. Ce thème devra figurer dans notre rapport, car votre intervention suscite des questions sur la formation des inspecteurs, les critères et les contours des missions, le traitement des rapports de mission par les rectorats et le ministère, en un mot l’ensemble du contrôle de l’État et son lien avec les responsables politiques
Quels seraient les leviers les plus efficaces pour mieux prévenir les violences commises par des adultes dans les établissements scolaires et mieux leur faire face quand elles surviennent ?
Mme Diane-Sophie Girin. Il faudrait contrôler tout le monde de la même manière. Je ne dis pas qu’il ne faut pas contrôler les établissements privés musulmans. Ces contrôles font ressortir de grandes lacunes pédagogiques et de l’amateurisme, que l’on retrouve dans d’autres secteurs de l’enseignement privé, notamment hors contrat. De la même manière, dans les établissements privés sous contrat, quand on cherche, on trouve de nombreux éléments posant problème, comme l’a montré le cas Stanislas. Il faut donc contrôler. Les moyens de l’État se sont beaucoup concentrés sur les écoles musulmanes, mais que fait-on des autres enfants ? En matière de prévention, la première chose est de s’assurer que les enfants puissent identifier des adultes de confiance.
M. Pierre Merle. Il faut renforcer les contrôles. Pour les établissements hors contrat, chaque inspecteur doit, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat, dite Gatel, suivre un vade-mecum. Celui-ci précise ce qu’il faut contrôler, en matière de sécurité, d’hygiène et de manquements : ces établissements doivent respecter l’ensemble des enseignements du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Les inspecteurs doivent signaler l’ensemble des manquements. Lors des contrôles, ils peuvent parler avec la direction, le personnel enseignant et non enseignant et les élèves. J’ai travaillé sur 170 rapports d’inspection d’établissements privés hors contrat : ce qui frappe, ce sont les manquements importants, notamment dans le respect du socle commun.
À la suite du contrôle, des recommandations sont formulées. Ces contrôles ne sont pas suffisamment nombreux et les recommandations ne sont pas forcément suivies d’effet. Le problème se pose aussi pour les établissements privés sous contrat, pour lesquels un suivi serait nécessaire.
Selon le vade-mecum, les inspecteurs peuvent parler avec les enfants. Cependant, dans certains établissements, la direction souhaite que ces échanges aient lieu en présence d’un adulte de l’établissement, ce qui limite voire empêche la possibilité pour l’enfant d’évoquer les maltraitances dont il aurait pu être témoin. Dans tous les établissements, les inspecteurs doivent avoir le droit indiscutable de parler avec les enfants sans la présence de membres de l’institution. Il faut un texte juridique pour prévoir cette disposition. Un renforcement des contre-pouvoirs internes et externes est nécessaire.
Il conviendrait également d’avoir accès à des données statistiques plus complètes, plus stables et de meilleure qualité. La Depp effectue un travail statistique remarquable, cependant, j’ai été surpris de découvrir, dans les chiffres publiés hier sur les incidents graves signalés pour 1 000 élèves, une différence opérée pour la première fois entre le public et le privé. En 2024, dans les collèges et lycées publics, on recense 20 incidents graves pour 1 000 élèves, quand ce chiffre n’atteint que 5 dans le privé sous contrat. En considérant une telle donnée, on peut se dire qu’il y a beaucoup de violences dans le public et utiliser ce constat à des fins de publicité. Cependant, cette statistique est très contestable. En effet, les atteintes à la laïcité sont prises en compte alors qu’elles n'existent pas ou moins dans le privé. De plus, il existe un effet de structure très important. Les incidents graves sont beaucoup plus fréquents dans les établissements au recrutement populaire. Or la sociologie de l’enseignement privé est telle qu’il compte très peu d’établissements populaires. Ainsi, sur les 10 % des collèges les plus défavorisés, on compte moins de 1 % de collèges privés. Cet élément est indispensable pour mettre en perspective les chiffres publiés. Il nous faut des données statistiques fiables sur la question des incidents graves.
En ce qui concerne les leviers, il faut évoquer la question de la formation initiale et continue des professeurs, laquelle reste absente des débats. J’ai enseigné dans des instituts de formation, où j’évoquais notamment les sanctions, les violences scolaires ou les droits des élèves. Ces enseignements varient dans le temps et ils peuvent même disparaître, notamment pour des raisons de ressources. Quand il était ministre, Jean-Michel Blanquer a institué six heures d’enseignement obligatoire sur la laïcité : j’aurais préféré que ces heures soient consacrées à des sujets plus essentiels comme les violences physiques et sexuelles, mais cela démontre qu’il est possible de centrer la formation sur certaines questions importantes.
Il ne faut pas oublier les violences liées aux processus d’éducation et d’évaluation. Quand un professeur rend les copies publiquement et dit pour la dernière copie : « Et la copie la plus nulle, c’est pour le gros lard », il s’agit d’une humiliation terrifiante pour l’élève. Cette violence verbale ressort comme la plus courante dans les données statistiques : elle contribue à détruire les élèves et à réduire leur estime de soi. Il faut parler de cette violence, qui heurte à la fois l’élève et l’enfant, et la placer au centre de la formation initiale et continue. La loi Guermeur de 1977 ouvre aux professeurs des établissements privés la possibilité de bénéficier de sessions de formation : bien que financées par l’État, nous n’avons aucune connaissance de leur nature alors qu’environ 20 % des professeurs les suivent.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). J’ai travaillé au ministère de l’éducation nationale pendant sept ans et je voudrais faire part de mon étonnement renseigné quant à l’organisation de l’IGESR, qui dépend du ministre. Les inspecteurs, nommés par ce dernier, lui doivent leur carrière. En outre, les rapports lui sont adressés directement et ne sont publiés que s’il le souhaite. Dans le cas de Bétharram, nous avons observé des dysfonctionnements flagrants quant à la saisine du bon niveau d’inspection et, une fois le processus enclenché, quant au sérieux de ce rapport d’inspection académique, établi en quatre heures et qui fait plusieurs fois référence à une enseignante que l’inspecteur n’a pas interrogée. Plus récemment, la saisine de l’IGESR n’est intervenue que plusieurs mois après la révélation des scandales dans la presse et la saisine de l’inspection académique. Une réforme de l’Inspection générale est-elle possible et souhaitable ?
Mme Diane-Sophie Girin. La clé est d’augmenter les moyens dédiés à ces inspections. On m’a souvent dit que le nombre d’inspecteurs formés était insuffisant.
M. Pierre Merle. Pour la sécurité nucléaire, une autorité indépendante mène des inspections et publie ses rapports. Le système, tout à fait différent pour l’IGESR, crée des dysfonctionnements, qui ne disparaîtront pas tant que l’autorité politique restera au-dessus de l’inspection. Les inspecteurs généraux doivent leur carrière au ministre ; en outre, leur statut a changé, dans le sens d’une indépendance encore plus réduite. En tant que chercheur, j’ai toujours regretté que tous les rapports de l’inspection générale ne soient pas systématiquement publiés. De nombreux documents du ministère ne sont pas publics, notamment les rapports sur les établissements hors contrat : pour les obtenir, il faut effectuer de nombreuses démarches, ce qui est tout à fait anormal.
Compte tenu de l’importance de la lutte contre les violences scolaires et contre certaines dérives en matière de gestion des établissements et d’application des programmes – dont des pans entiers disparaissent dans certains établissements hors contrat, notamment en histoire et en biologie –, il serait logique qu’un corps d’inspection indépendant existe. N’oublions pas que 12 millions d’élèves sont potentiellement concernés. Cette structure pourrait établir un programme propre d’évaluation et d’inspection des établissements, publics et privés. Il faudrait une volonté politique très forte pour assurer une telle autonomie, seule à même d’éviter que des saisines et des inspections soient enterrées et que des rapports soient tronqués et édulcorés : tout cela s’est souvent produit dans le passé et, sans l’instauration d’une inspection totalement indépendante, il n’y a aucune raison que cela ne se reproduise pas.
La séance est levée à douze heures vingt.
Présents. – M. Philippe Ballard, M. Arnaud Bonnet, Mme Ayda Hadizadeh, M. Pierre Henriet, Mme Céline Hervieu, Mme Frédérique Meunier, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, M. Christophe Proença, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier
Excusés. – Mme Farida Amrani, M. Xavier Breton, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, M. Sacha Houlié, Mme Tiffany Joncour, Mme Delphine Lingemann, M. Frédéric Maillot, M. Maxime Michelet, M. Julien Odoul, Mme Nicole Sanquer, M. Mikaele Seo, M. Bertrand Sorre
Assistait également à la réunion. – Mme Béatrice Bellamy