Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), audition de M. François Sauvadet, président de Départements de France, président du conseil départemental de la Côte-d’Or, Mme Florence Dabin, vice-présidente de Départements de France et présidente du groupe de travail « Enfance », présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, et Mme Anne-Sophie Abgrall, directrice générale adjointe du conseil départemental de Maine-et-Loire 2
– Présences en réunion..............................16
Mercredi
7 mai 2025
Séance de 16 heures
Compte rendu n° 73
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Graziella Melchior, Secrétaire
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La séance est ouverte à seize heures cinq.
(Présidence de Mme Graziella Melchior, secrétaire)
La commission auditionne, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), M. François Sauvadet, président de Départements de France, président du conseil départemental de la Côte-d’Or, Mme Florence Dabin, vice-présidente de Départements de France et présidente du groupe de travail « Enfance », présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, et Mme Anne-Sophie Abgrall, directrice générale adjointe du conseil départemental de Maine-et-Loire.
Mme la présidente Graziella Melchior. Nous poursuivons nos travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires en recevant les représentants de Départements de France : M. François Sauvadet, son président, Mme Florence Dabin, sa vice-présidente, présidente du groupe de travail « Enfance » et présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, et Mme Anne-Sophie Abgrall, directrice générale adjointe du conseil départemental de Maine-et-Loire.
Vous êtes accompagnés de M. Yves Le Breton, directeur général de Départements de France, M. Paul-Etienne Kauffmann, conseiller éducation, M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement et M. Steven Pruneta, membre du cabinet de Mme Dabin.
Cette audition nous permettra de mieux appréhender le rôle des départements, d’une part, en faveur des collèges privés et, d’autre part, en matière de protection de l’enfance, singulièrement lorsque les enfants concernés sont des élèves subissant, en milieu scolaire, des violences de toutes natures de la part d’adultes ayant autorité.
Sur ce second point, notre travail s’inscrit dans la continuité de celui mené par la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, qui a récemment publié ses conclusions.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. François Sauvadet, Mme Florence Dabin et Mme Anne-Sophie Abgrall prêtent serment.)
Mme la présidente Graziella Melchior. Je vous poserai trois questions d’ordre général avant de céder la parole à nos rapporteurs.
Pourriez-vous rappeler les grandes lignes du rôle des départements en matière de protection de l’enfance ?
Existe-t-il des spécificités concernant la protection apportée aux enfants en leur qualité d’élèves, dès lors qu’ils subiraient des violences en milieu scolaire de la part d’adultes ?
Enfin, pour l’année scolaire en cours, quel est le montant global des subventions versées par les départements aux établissements scolaires relevant de leur champ de compétences ?
M. François Sauvadet, président de Départements de France, président du conseil départemental de la Côte-d’Or. Bien que les violences au sein des établissements scolaires ne relèvent pas strictement des compétences départementales, permettez-moi d’exprimer ma profonde compassion envers toutes les victimes de ces violences. Nous sommes pleinement conscients des traumatismes durables qu’elles engendrent. L’engagement du Parlement, parallèlement aux enquêtes judiciaires, pour faire la lumière sur ces faits et prévenir leur récurrence est crucial. Départements de France, qui assume par ailleurs la responsabilité de la protection de l’enfance, souhaitait participer avec beaucoup d’engagement à cette commission d’enquête. Ces drames, qui touchent les plus vulnérables, sont inacceptables. Ils sont d’autant plus choquants lorsque les auteurs sont des adultes censés protéger et accompagner les enfants.
La protection de l’enfance est un sujet lancinant et complexe. Nous avons d’ailleurs participé avec beaucoup d’engagement à la commission d’enquête parlementaire sur cette question. Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas d’une compétence comme une autre. Elle représente une préoccupation constante et une mission exigeante qui obligent l’ensemble des acteurs de la justice, de la santé et de l’éducation nationale. Face à l’augmentation des violences à l’égard de nos enfants, cette problématique est devenue un véritable sujet de société, pour lequel nous devons agir collectivement, dans le respect des compétences de chacun, en tenant compte du contexte de montée de la précarité, de fracture sociale, de problématiques de santé mentale et de violences juvéniles.
Concernant les données dont nous disposons, je tiens à préciser que Départements de France, en tant qu’association, recueille et porte la parole des départements. Nous ne possédons pas toutes les informations. Si certaines questions nécessitent des recherches complémentaires, je m’engage à ce que nos services vous transmettent les réponses dans les plus brefs délais.
Les départements ont la charge des collèges sur le plan strictement fonctionnel. Cela comprend la gestion du bâti scolaire, du personnel technique et de la restauration, à l’exception des établissements privés.
Depuis la loi Falloux, le financement des établissements privés sous contrat est une obligation. Certains départements vont au-delà de cette obligation, toujours dans le respect de la loi, en finançant non seulement le fonctionnement de l’établissement, mais aussi des projets de rénovation et d’investissement, dans la limite de 10 %. Cette pratique n’est cependant pas généralisée et relève de la liberté des départements, dans le respect des limites fixées par la loi.
Nos relations avec les collèges, qu’ils soient publics ou privés, sont donc essentiellement budgétaires, financières ou relatives à de l’équipement. Pour les collèges publics, nous gérons également des équipements parallèles, notamment informatiques, en collaboration avec les rectorats et les directions départementales.
Par ailleurs, nous sommes chargés du suivi de la santé des enfants, et ce, dès avant la naissance. Nos services de protection maternelle et infantile (PMI) accompagnent les femmes enceintes et les jeunes mères, prenant en charge les problématiques spécifiques qu’elles peuvent rencontrer. Nos services de PMI assurent également le suivi des enfants jusqu’à l’âge de 6 ans. Dans mon département, par exemple, tous les enfants de moins de 6 ans bénéficient d’au moins une consultation avec un médecin ou une infirmière, afin de prévenir d’éventuels problèmes et d’apporter un soutien à la parentalité.
Dans le domaine de la protection de l’enfance, il est crucial de comprendre la coexistence d’une autorité administrative et d’une autorité judiciaire, notamment incarnée par les juges pour enfants. J’ai eu l’occasion d’exposer ce point devant la commission d’enquête parlementaire. Il faut souligner que 75 % des placements d’enfants en situation de danger sont actuellement décidés par des juges. Ces placements prennent diverses formes : accompagnements au sein du domicile, accueils familiaux ou placements en établissements de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Il est primordial de rappeler que, sauf en cas de défaillance où l’autorité parentale est alors assumée par les départements, le premier protecteur de l’enfant est le parent. Ainsi, si un enfant subit des violences au sein d’un établissement scolaire, c’est en premier lieu au détenteur de l’autorité parentale qu’incombe la responsabilité de le protéger.
Je tiens à préciser que les violences faisant l’objet de cette commission d’enquête ne relèvent pas de la compétence des départements. Nous n’exerçons en effet aucune autorité sur les enfants – qui ont des parents – ni sur les personnels des établissements, à l’exception des personnels techniques ou de restauration dans les établissements publics. À ce sujet, nous avons d’ailleurs obtenu, grâce à la loi dite 3DS (loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale), une autorité fonctionnelle que nous n’avions pas auparavant, bien que cette disposition ne soit pas encore généralisée.
Naturellement, lorsque des violences du type de celles faisant l’objet de cette commission d’enquête sont portées à notre connaissance, notamment via les cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip), nous ne laissons jamais une situation de violences graves sans réponse.
Concernant le fonctionnement des Crip, tous les départements se sont organisés, depuis la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, pour structurer le recueil, la centralisation et le traitement des informations préoccupantes. En Côte-d’Or, par exemple, notre Crip compte neuf personnes, principalement des travailleurs sociaux, des psychologues et des secrétaires. Le rôle de la Crip est de recevoir, centraliser et filtrer les informations préoccupantes. Après une première analyse, nous transmettons les informations aux équipes chargées des évaluations. Un premier traitement a lieu sous 48 heures en cas de danger grave et immédiat relevant d’un fait à caractère pénal, avec signalement directement adressé au parquet.
Une information préoccupante est une alerte posée dans l’intérêt de l’enfant, nécessitant une évaluation dans son environnement familial. Elle peut aboutir à un signalement si la famille refuse l’évaluation.
En Côte-d’Or, nous avons reçu 3 279 informations entrantes en 2022, dont 2 450 ont été qualifiées de préoccupantes, aboutissant à 491 signalements après évaluation.
Lorsqu’une alerte survient dans un établissement scolaire, la Crip oriente l’appelant vers les autorités de l’éducation nationale et conseille d’en informer les parents, qui doivent agir en tant que premiers protecteurs de l’enfant. Dans le cas spécifique où un enfant de l’ASE serait victime, l’autorité parentale étant exercée par le président du conseil départemental, nous sommes amenés à porter plainte.
Il est essentiel de comprendre que le département n’est concerné que si l’enfant est en danger au sein de sa famille. Les violences commises dans un établissement scolaire par une personne ayant autorité relèvent de la compétence de l’éducation nationale. Celle-ci est habilitée à adresser directement un signalement à l’autorité judiciaire, avec copie au président du département en sa qualité de chef de file de la protection de l’enfance. Le département peut ainsi regarder si l’auteur des faits est déjà connu de ses services. Le suivi des signalements relève de la justice.
Nous constatons actuellement une hausse significative des informations préoccupantes reçues par les Crip et du nombre d’enfants à protéger, reflétant sans doute une prise de conscience salvatrice, mais nécessitant une réponse plus adaptée.
L’éducation nationale est devenue, selon les départements, le premier pourvoyeur d’informations préoccupantes. Une sensibilisation a été effectuée s’agissant de situations de danger au sein des familles. Des protocoles locaux ont été signés dans certains départements, facilitant les échanges avec l’éducation nationale.
Lorsque le signalement est transmis à l’autorité judiciaire, il nous arrive, en tant que départements, de découvrir des situations a posteriori via l’autorité judiciaire. Il faudrait que nous soyons informés préalablement et, en tout cas, concomitamment.
En outre, un plus grand nombre de documents nous est transmis à l’approche des vacances scolaires, ce qui peut engendrer du temps perdu pour l’enfant. La commission devra investiguer sur ce sujet, signalé aux services de l’éducation nationale.
Enfin, je souhaite attirer votre attention sur l’extrême fragilité de la médecine scolaire en France, qui constitue une faiblesse dans le cycle de prévention et de suivi de la santé des enfants. Cette problématique mérite une attention particulière, notamment à la lumière des événements tragiques récents survenus à Nantes, où un lycéen a poignardé des camarades. La santé mentale, en particulier des jeunes, constitue une préoccupation constante. Je note que seuls 18 % des élèves de sixième ont bénéficié de la visite de dépistage infirmier, pourtant obligatoire à 12 ans. La situation est d’autant plus alarmante que 30 % des départements français se trouvent aujourd’hui dépourvus de pédopsychiatres sur leur territoire. Ce constat révèle l’ampleur de la crise que nous traversons en matière de santé mentale.
L’école, en tant que service public fréquenté quotidiennement par les enfants, joue un rôle crucial dans le repérage et le signalement des situations préoccupantes. Il est donc impératif de renforcer les liens avec tous les partenaires, notamment l’éducation nationale. Chaque acteur doit assumer ses responsabilités. Nous ne pouvons pas nous substituer à celles des parents dans l’enceinte des établissements scolaires. Il appartient donc au ministère de l’éducation nationale de prendre les mesures nécessaires, notamment en saisissant le parquet en cas de violences avérées ou identifiées.
Bien que les relations avec les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen) soient généralement fluides et efficaces, il est primordial qu’ils nous informent systématiquement des actes commis au sein des établissements, ce qui n’est pas toujours le cas actuellement. Nous devons encourager des échanges encore plus fluides, notamment en ce qui concerne les procédures de signalement auprès du parquet.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous indiquez que les Dasen ne vous informent pas systématiquement d’actes commis au sein des établissements. Pouvez-vous clarifier si cela inclurait également des cas de violences intrafamiliales aux abords des établissements ? Ou faites-vous référence à des violences perpétrées par des adultes ayant autorité au sein de l’établissement envers un enfant ?
M. François Sauvadet. Je tiens à préciser que, lorsque des violences sont commises au sein de l’établissement, les services de l’éducation nationale sont chargés de saisir l’autorité judiciaire si nécessaire et de nous informer de cette transmission. Cette communication est essentielle pour que nous puissions examiner l’aspect social, notamment si l’auteur présumé des faits relève d’un accompagnement ou a des antécédents. Il s’agit simplement d’un échange d’informations. Je souligne qu’il arrive que nous soyons informés par l’autorité judiciaire de faits commis, alors que nous devrions être avisés beaucoup plus tôt, dès que ces faits se produisent.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nos visites sur le terrain ont révélé de graves dysfonctionnements du contrôle de l’État dans son ensemble. En entrant dans le détail des signalements et des échanges d’informations que vous évoquez, nous sommes tombés sur plusieurs dysfonctionnements de ces transferts d’informations, qui ne mettent pas forcément en cause ce partage des responsabilités que vous évoquez, mais qui posent question sur la pratique.
Nous souhaitons nous concentrer sur ces cas où cela n’a pas fonctionné, non pas pour jeter l’opprobre sur les départements, mais pour identifier les points d’amélioration, par le biais d’une circulaire ou d’un texte législatif.
Vous avez expliqué que, normalement, un enseignant recueillant le témoignage d’un enfant victime de violences de la part d’un cadre éducatif ou d’un enseignant devrait en référer à sa hiérarchie ou effectuer lui-même un signalement au titre de l’article 40, sans saisir directement le département. Le Dasen devrait ensuite informer la protection de l’enfance lorsqu’il saisit l’autorité judiciaire.
Cependant, nos auditions ont révélé que ce processus est souvent mal compris par les enseignants, avec des pratiques variables selon les territoires. La distinction entre les situations nécessitant un recours à l’article 40, une information préoccupante ou les deux n’est pas toujours claire pour ceux qui recueillent la parole de l’enfant.
Lorsqu’au lieu de faire un signalement au titre de l’article 40 ou d’informer sa hiérarchie, un enseignant envoie une information préoccupante à la Crip concernant une agression sexuelle commise par l’un de ses collègues, les témoignages indiquent que le processus est long et ne permet pas forcément d’obtenir un retour. Lorsqu’une information préoccupante parvient à la Crip, renvoyez-vous l’information vers l’éducation nationale ? Saisissez-vous le Dasen afin qu’il effectue un signalement au titre de l’article 40 ? Effectuez-vous vous-même un signalement au titre de l’article 40 pour sécuriser la situation ? Ou ces actions sont-elles aléatoires ?
Mme Florence Dabin, vice-présidente de Départements de France, présidente du groupe de travail « Enfance », présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire. Je rejoins pleinement votre constat, madame la rapporteure, concernant la nécessité de mieux informer et sécuriser les enseignants, tant dans le premier que dans le second degré. L’accompagnement diffère en effet selon les niveaux, les professeurs du second degré bénéficiant généralement d’un accompagnement de la part de professionnels dédiés.
Au regard de mon expérience personnelle de vingt ans d’enseignement dans le premier degré, je peux témoigner de l’existence d’une faille. J’ai d’ailleurs récemment évoqué, lors d’une rencontre avec la ministre d’État Élisabeth Borne, le besoin spécifique des enseignants du premier degré d’être formés et acculturés aux procédures relatives aux informations préoccupantes. Il est crucial qu’ils sachent précisément comment agir, vers qui se tourner et quelles sont les conséquences de leurs actions. Cette formation permettrait notamment d’éviter l’afflux d’informations préoccupantes en fin d’année scolaire. L’objectif n’est pas d’ajouter une pression supplémentaire sur nos professionnels dans les départements, mais bien d’assurer un meilleur accompagnement des enfants.
Cette sensibilisation sur les informations préoccupantes devrait faire partie du bloc de formation des enseignants, tant dans le public que dans le privé. Elle permettrait de les sécuriser dans leur rôle, de les préparer à faire face aux regards potentiellement critiques de la communauté locale et de les familiariser avec les interventions des forces de l’ordre visant à accompagner un enfant vers une unité d’accueil pédiatrique spécialisée dans la prise en charge des enfants en danger. Il est essentiel que les personnels de l’éducation nationale sentent, par le biais de cette formation, qu’ils ne sont pas seuls.
La question du lien se pose également. Que se passe-t-il après un signalement, qu’il s’agisse d’une information préoccupante ou d’un appel au 119 ? Pour y répondre, nous allons mettre en place dans le département de Maine-et-Loire, que j’ai l’honneur de présider, des sessions d’information spontanées ouvertes à tous les enseignants, du premier comme du second degré, qui viseront à présenter les différents métiers impliqués dans le traitement des informations préoccupantes et à expliquer le parcours d’un signalement. L’objectif est de clarifier, simplifier et sécuriser le processus, afin de montrer que la responsabilité est partagée entre tous les partenaires.
Concernant le dysfonctionnement évoqué, où une information préoccupante n’aurait pas été traitée dans les délais par la Crip, il faut rappeler que le délai légal est de trois mois. Cependant, chacun a une conscience professionnelle, ainsi qu’une responsabilité politique et pénale, qui oblige à agir immédiatement en cas de danger grave et imminent. Dans ces situations, nous signalons immédiatement au parquet, avec une information auprès de l’éducation nationale.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Si je comprends bien, lorsqu’une information préoccupante est transmise à la Crip, sans qu’un article 40 ait été déclenché au sein de l’éducation nationale, le conseil départemental procède systématiquement à un signalement au titre de l’article 40 pour ne pas renvoyer la responsabilité à l’éducation nationale. Pensez-vous que cette pratique est généralisée dans tous les départements ou est-ce plutôt un idéal à atteindre ?
Mme Florence Dabin. Il s’agit effectivement d’un idéal à atteindre. Malgré le recrutement massif de professionnels dans tous les départements, le système n’est pas parfait, notamment en raison de l’affluence d’informations préoccupantes reçues. Nous devons faire preuve d’humilité sur ce sujet. Néanmoins, l’objectif reste de signaler immédiatement.
M. François Sauvadet. Concernant les actes délictueux ou criminels commis par un enseignant ou un personnel de l’éducation nationale, la responsabilité incombe au chef d’établissement.
Il est important de rappeler que, jusqu’à récemment, nous n’exercions pas d’autorité fonctionnelle sur l’ensemble de nos personnels – ceux chargés de la restauration et de l’entretien, alors que nous les rémunérions. J’ai mené un combat au nom de Départements de France pour obtenir un amendement dans la loi dite 3DS, qui s’est concrétisé par un décret d’application aux contours extrêmement limités. Nous avons dû engager une négociation syndicale pour obtenir un partage de l’autorité fonctionnelle sur les agents relevant de notre responsabilité.
Bien que nos relations avec l’éducation nationale soient assez fluides, il est crucial de rappeler à cette institution son devoir de formation afin qu’elle s’assure que son personnel se comporte de manière digne.
Les faits délictueux commis par le personnel de l’éducation nationale à l’égard des enfants ne relèvent pas de la compétence des départements. Notre responsabilité intervient une fois que le parquet est saisi, la responsabilité initiale incombant à l’éducation nationale.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Lorsqu’un enseignant fait une information préoccupante concernant un délit commis par un autre enseignant, tel qu’un viol ou une agression sexuelle, quelle est la procédure suivie par la Crip ? Cette procédure est-elle clairement codifiée ?
Mme Anne-Sophie Abgrall, directrice générale adjointe du conseil départemental de Maine-et-Loire. Le schéma théorique, bien qu’il ne soit pas systématiquement appliqué dans 100 % des cas, prévoit que l’éducation nationale est responsable de saisir l’autorité judiciaire. Cependant, en tant que fonctionnaires départementaux chargés de la protection de l’enfance, nous sommes tenus, au titre de l’article 40, de signaler au parquet toute information dont nous avons connaissance.
Toutes les informations reçues par la Crip sont lues quotidiennement pour identifier les urgences. Un cas de viol est évidemment considéré comme une urgence, particulièrement si l’enfant est toujours en contact avec l’agresseur présumé. Dans ces situations, nous agissons dans un délai de 24 heures en saisissant le parquet. Le professionnel qui reçoit l’information contacte immédiatement l’éducation nationale pour proposer son aide dans la formalisation du signalement, si nécessaire. Si l’enseignant ne se sent pas capable de faire le signalement lui-même, nous nous substituons à lui pour effectuer un signalement au titre de l’article 40, tout en informant le Dasen de notre démarche.
M. François Sauvadet. Dans cette hypothèse, nous établissons un dialogue avec le Dasen pour vérifier l’authenticité des faits, nous assurer qu’il en a connaissance et prendre les mesures judiciaires nécessaires.
Mme Anne-Sophie Abgrall. Nous nous assurons également que les parents de l’enfant sont informés et sont en mesure de porter plainte. Notre rôle est d’accompagner à la fois les parents et le professionnel qui nous a alertés.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Concernant les pratiques que vous décrivez, dont l’application dépend de la formation et de la bonne connaissance des procédures, nous savons que des progrès restent à faire, tant dans les collectivités territoriales qu’à l’éducation nationale.
Dans le cas spécifique d’une information préoccupante concernant un fait qui devrait relever de l’éducation nationale, parfois transmise par des enseignants souhaitant éviter de passer par une hiérarchie potentiellement complaisante face à certaines violences systémiques, avez-vous connaissance de telles situations ? L’association des Départements de France effectue-t-elle un suivi national des relations avec l’éducation nationale sur la question des violences en milieu scolaire, faisant apparaître que ce type de procédure est trop fréquemment utilisé, nécessitant des mesures correctives ? Ou ce type de situation reste-t-il à la marge, avec un processus globalement bien maîtrisé ?
M. François Sauvadet. Un dialogue constant a lieu avec l’éducation nationale afin d’améliorer les processus au fur et à mesure, notamment concernant les retards de communication de la plainte. De manière générale, le nombre de signalements, en augmentation, témoigne d’une vraie sensibilisation au sein de l’éducation nationale. Dans la très grande majorité des cas, l’échange d’informations et de responsabilités se fait de façon satisfaisante. Toutefois, une sensibilisation doit être effectuée sur les procédures dans le contexte de violences que nous rencontrons dans notre société.
Nous partageons avec le ministère de l’éducation nationale la responsabilité concernant l’extérieur des établissements. De manière partagée avec les principaux de collège qui ont un rôle d’autorité, y compris sur les phénomènes d’intrusion et de protection, nous prenons des mesures de protection classiques à l’extérieur des collèges, comme l’installation de caméras. Nous adaptons, grâce à un dialogue constant, les mesures de protection relatives à des agressions externes ou internes nécessitant des fermetures de classes et des procédures d’alerte. Une harmonisation de l’alerte en cas d’intrusion dans un collège ou de drame à l’intérieur nécessitant des fermetures automatiques des portes serait d’ailleurs nécessaire.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je reviens sur le cas d’un signalement d’une violence commise par un adulte ayant autorité sur un élève qui emprunte un canal qui n’est pas prévu pour cela, à savoir celui de l’information préoccupante. Lorsque cette information vous est transmise, vous faites un signalement au titre de l’article 40, avec un appel immédiat au Dasen et à l’inspection académique. Vous informez en outre les parents de façon à vous assurer qu’ils sont en mesure d’engager une éventuelle procédure judiciaire. Comment cette information aux parents est-elle organisée ? Concerne-t-elle uniquement les parents de l’élève qui est évoqué dans le cadre du signalement ou concerne-t-elle tous les parents de la classe de l’adulte ayant autorité concerné par le signalement ?
Mme Anne-Sophie Abgrall. Nous demandons plutôt à la personne qui a effectué le signalement si les parents sont déjà au courant, parce qu’il ne nous revient pas d’informer les parents. Après, quand un signalement est fait à l’autorité judiciaire, le parquet ouvrira une enquête. C’est ainsi souvent par le biais de l’enquête que les parents seront informés. Nous n’avons pas la responsabilité d’informer les parents si un enfant a été maltraité ou violenté dans un établissement scolaire. La situation est évidemment différente si l’enfant est confié à l’ASE.
M. Paul Vannier, rapporteur. Si l’enseignant qui a fait l’information préoccupante vous indique que les parents ne sont pas informés, me confirmez-vous que vous espérez que la justice, parallèlement saisie via un article 40, se charge de cette information ?
Mme Anne-Sophie Abgrall. Nous ne pouvons pas intervenir comme ça dans l’enquête pénale. Nous informons la justice, qui doit ensuite mener son enquête.
M. Paul Vannier, rapporteur. Dans l’hypothèse où un conseil départemental serait informé, au moment où sa commission permanente va discuter de ces subventions, de faits de violences commises par un enseignant ou un adulte ayant autorité au sein d’un établissement privé sous contrat, comment la question du financement, notamment facultatif, est-elle généralement appréciée ? Cet élément est-il pris en compte dans le cadre du débat au sein du conseil départemental avant le vote de la subvention à l’investissement d’un établissement ?
M. François Sauvadet. Si nous étions informés de telles accusations, nous appellerions le directeur afin qu’il s’enquière de ce qu’il se passe dans l’établissement. Nous entretenons en effet un dialogue fluide avec les services de l’éducation nationale. Chacun doit bien mesurer que la responsabilité est propre à l’établissement. Il nous est déjà difficile d’avoir une autorité fonctionnelle sur nos propres personnels, en dehors des établissements privés sous contrat.
Quant au financement des établissements privés sous contrat, nous respectons la loi en versant le forfait d’externat obligatoire. Certains départements, dont le mien, accompagnent également l’investissement dans le respect du cadre légal. Je n’ai jamais eu connaissance, en tant que président de département depuis 2008 et président de Départements de France, d’une situation où des allégations de violences auraient été évoquées lors d’une commission permanente. Nous appliquons la loi sans considération d’opportunité, sans juger de la qualité ou des résultats des établissements que nous subventionnons.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous évoquez les subventions à l’investissement, qui sont effectivement distinctes du forfait obligatoire. Prenons l’exemple de l’établissement privé sous contrat Notre-Dame de Bétharram, aujourd’hui appelé Le Beau Rameau, qui est visé par 200 plaintes. Si un établissement de ce type, visé par autant de plaintes, sollicitait une subvention à l’investissement, le conseil départemental ferait-il de cette situation un élément d’appréciation au moment de statuer sur le versement de cette subvention facultative ?
M. François Sauvadet. Non, il n’y a pas de lien. Si un tel sujet était porté à ma connaissance, j’en informerais immédiatement le rectorat et les autorités de tutelle de l’établissement, à savoir le diocèse ou le rectorat. Il n’existe aucun lien de cause à effet.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous suggérez donc qu’un établissement qui verrait s’accumuler des plaintes visant des personnels en position d’autorité qui auraient pu commettre des crimes et délits très nombreux sur des élèves ne serait pas nécessairement exclu des procédures de subventionnement facultatif par un département ?
M. François Sauvadet. Il incombe aux services de l’éducation nationale et aux autorités judiciaires de mener les enquêtes nécessaires. Je pourrais d’ailleurs être poursuivi si je ne respectais pas les règles concernant ces établissements.
Concernant les subventions facultatives, il n’existe aucun lien de cause à effet. Je ne comprends même pas cette question. Chaque département est libre d’investir facultativement dans l’entretien et les investissements. Personnellement, je ne fais pas de choix d’opportunité. J’ai pris la décision, dans mon département, d’investir. Par conséquent, cette question ne se pose absolument pas en ces termes, que ce soit en ma qualité de président de Départements de France ou de président du conseil départemental de la Côte-d’Or.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je ne remets nullement en question cette liberté des administrations et des collectivités. Cependant, puisque vous disposez de cette liberté de choix, je vous demande quelle serait votre décision dans l’hypothèse que j’ai décrite : un établissement visé par des dizaines de plaintes portant sur des faits potentiellement qualifiés de crimes serait-il traité de façon singulière au moment où il sollicite une subvention facultative ?
M. François Sauvadet. Je suis dans l’incapacité de répondre à cette question. Je peux simplement vous dire que si, dans mon département, j’étais alerté sur des faits de violence impliquant plusieurs personnes, je saisirais immédiatement les services de l’éducation nationale et les autorités diocésaines. Il leur appartiendrait ensuite de mener les procédures qui s’imposent, car le droit ne permettrait pas d’agir autrement. Si les faits étaient avérés après une procédure judiciaire, la situation de l’établissement pourrait être remise en question, avec une éventuelle fermeture, auquel cas le problème de subvention ne se poserait plus. Cependant, je ne peux pas prendre de décision relative à un investissement sur la base de rumeurs. Les faits ne sont absolument pas liés.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je ne fais évidemment pas référence à des rumeurs, mais à des plaintes. Certes, ces plaintes ne préjugent pas d’une décision de justice, mais, dans le cas évoqué, il y en a plus de 200.
Ces subventions facultatives sont au cœur des prérogatives du département. Vous avez une maîtrise totale de la décision d’accorder ou non cette subvention, ainsi que d’intégrer ces éléments de contexte, tels que l’accumulation de plaintes visant le fonctionnement d’un établissement, au débat qui précède le vote de la subvention.
M. François Sauvadet. À titre personnel, en tant que président de mon département, je n’engagerai pas un débat sur des faits qui n’ont pas été tranchés par l’autorité judiciaire et qui relèvent de la rumeur. Je ne suis pas dans un département pour évoquer des rumeurs. Si des problématiques étaient soulevées, en tant que républicain respectueux du droit, je saisirais les autorités. Ce n’est pas l’objet d’un débat à avoir dans une assemblée. Pour l’instant, j’ai décidé — et mon assemblée a voté — d’aider à l’investissement dans l’établissement sous contrat. Je maintiens cette position tant que l’autorité judiciaire n’a pas rendu ses conclusions. Si des décisions judiciaires étaient prises, j’adopterais alors les dispositions qui s’imposent. Ces éléments ne sont absolument pas liés. Dans mon département, j’interdirais un débat basé sur des rumeurs, en rappelant que cela relève des autorités diocésaines et de l’éducation nationale. Si certains souhaitent saisir le parquet, qu’ils le fassent. Je ne me substitue ni au juge ni au procureur.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les faits que nous évoquons sont souvent couverts par la prescription, rendant les poursuites judiciaires impossibles et empêchant toute condamnation pénale. Je reformule donc ma question. Nous abordons un sujet extrêmement sensible et délicat, qui interroge de nombreux principes fondamentaux. La question est de trouver la réponse la plus équilibrée. Votre position semble catégorique. Vous récusez catégoriquement l’idée qu’une accumulation de plaintes, même portant sur des faits prescrits comme des violences sexuelles, puisse vous amener à traiter de façon particulière un dossier de subvention concernant un établissement visé par ces plaintes ?
M. François Sauvadet. Je n’ai pas dit que je récusais cette idée. J’ai simplement affirmé que, dans le cas de rumeurs persistantes, je saisirais les autorités diocésaines et de l’éducation nationale, leur laissant la responsabilité de saisir le parquet. Concernant les responsabilités qui sont les miennes en tant que protecteur de l’enfance, je serais saisi soit par la famille soit par les autorités, auquel cas je ne reviens pas sur le propos que nous avons tenu précédemment. Je ne récuse donc pas. Il appartient au législateur de déterminer jusqu’à quel moment une sanction pénale sur des faits avérés antérieurement doit être levée. Or, je ne suis plus législateur à ce jour.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Dans de nombreux cas d’attribution ou de non-attribution de subventions, des contestations surviennent, mais la conclusion reste invariablement la même : c’est le pouvoir souverain de la collectivité territoriale de choisir ses critères et de subventionner. Il est très rare qu’une subvention puisse être contestée. Nous voyons, avec la force de votre affirmation, que vous séparez complètement des faits qui ne seraient pas liés à l’investissement et au bâtiment pour décider ou non d’attribuer le maximum de 10 % d’aide à un établissement privé sous contrat.
Cependant, lors de notre visite sur place et sur pièces dans les locaux du département, à Pau, nous avons appris que, dans le cadre d’une inspection générale de l’éducation nationale au sein de l’établissement Immaculée Conception, le conseil départemental avait décidé de suspendre sa subvention annuelle en raison de faits graves, reprochés notamment à un enseignant, dans l’attente des décisions de l’éducation nationale et de la justice.
Vous êtes président de Départements de France…
M. François Sauvadet. Je me suis exprimé en tant que président de département.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. … nous voyons que certains présidents de département ont décidé, pour certaines affaires, de suspendre la subvention facultative qui est entre leurs mains. Certains vont même plus loin : dans le cas du lycée Averroès, qui fait actuellement l’objet d’une procédure judiciaire, un président de région assume ne pas verser une subvention obligatoire. On constate donc que certains présidents d’exécutifs de collectivités territoriales, liés par leurs obligations ou libres de verser jusqu’à 10 % de subventions facultatives pour les bâtiments, prennent parfois des décisions contraires à la position que vous exprimez aujourd’hui. Quelle réflexion cela vous inspire-t-il ?
M. François Sauvadet. En tant que président de Départements de France, je n’ai aucune réflexion à formuler sur ce sujet. Je ne m’exprimais pas sur la question que vous m’avez posée en cette qualité. Il appartient à chaque département de décider s’il souhaite ou non accorder des subventions facultatives. Vous m’avez parlé de départements où une procédure judiciaire était en cours, avec des faits suffisamment graves et concordants.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je ne sais plus quelle était la situation exacte en mars 2025, au moment de la suspension de la subvention pour l’Immaculée Conception. Je ne saurais affirmer si l’affaire était déjà dans sa phase judiciaire ou relevait uniquement de l’éducation nationale. Néanmoins, il y avait, au minimum, une inspection générale de l’éducation nationale en cours, qui a peut-être abouti à un dépôt de plainte.
M. François Sauvadet. À titre personnel, en tant que président du département, en cas de procédure judiciaire, j’adapterais évidemment ma position en fonction de la gravité des faits. Ma démarche s’inscrit dans le respect du droit, et non sur la base de rumeurs. Chaque département conserve sa liberté d’action. Il appartient à chacun d’évaluer la pertinence du maintien du caractère optionnel des subventions en fonction de la gravité de la situation. Je ne peux pas vous répondre d’une manière théorique sur ce point. Je crois beaucoup au droit, à la présomption d’innocence et aux mesures de protection. Cependant, tous les élus sont aujourd’hui victimes de rumeurs. Ce point est distinct de cette affaire, que je n’évoque pas ici. La présomption d’innocence est dans mes gènes. Face à des faits avérés, je saisirai les autorités en mesure d’enquêter sur la véracité des faits, que ces derniers concernent un établissement public ou privé sous contrat. Il leur appartiendra ensuite de saisir l’autorité judiciaire. S’agissant de faits impliquant des enfants, j’exercerais pleinement ma compétence, sans aucune hésitation. Après, je tiens à souligner que je ne supprimerais pas une subvention sur la base de simples présomptions et rumeurs ou d’une inspection en cours. Cette position est la mienne en tant que citoyen et président de département. Je rappelle néanmoins que certains départements refusent de financer l’investissement dans les établissements sous contrat.
M. Paul Vannier, rapporteur. Il s’agit de votre parfaite liberté en tant que président de conseil départemental, qu’il n’est pas question, pour nous, de remettre en cause. Cependant, permettez-moi d’exprimer une réserve quant à l’utilisation du terme « rumeur » eu égard aux faits que nous évoquons et aux plaintes des victimes, qui méritent, à mon sens, une qualification plus appropriée.
M. François Sauvadet. Lorsque j’ai évoqué les rumeurs, j’ai expressément précisé que je ne faisais pas référence à cette affaire spécifique.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je vous ai interrogé, monsieur le président, sur l’attitude qui serait la vôtre, y compris dans l’hypothèse du financement de l’établissement Notre-Dame de Bétharram, où 200 plaintes ont été déposées. Il ne s’agit pas ici de rumeurs. Je crois que vous avez répondu que, dans ce cas, vous n’auriez pas suspendu le versement de la subvention.
M. François Sauvadet. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
M. Paul Vannier, rapporteur. Si ma compréhension est erronée, vous aurez l’occasion de préciser votre propos.
Vous avez mentionné l’hypothèse de l’ouverture d’une procédure judiciaire. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez exactement par là ? L’ouverture d’une procédure judiciaire diffère de sa conclusion. En tant que président du conseil départemental de la Côte-d’Or, à quel stade de la procédure judiciaire estimez-vous qu’une suspension de subvention à l’investissement puisse être envisagée ?
M. François Sauvadet. Je ne souhaite pas revenir sur cette question, estimant y avoir déjà répondu.
Je suis scandalisé par la façon dont vous avez essayé de me faire dire que je parlais de « rumeurs » concernant une affaire, dont j’ai dit, depuis le début, qu’elle nous avait tous bouleversés. Je l’ai dit en tant que parent, président du conseil départemental de la Côte-d’Or et président de Départements de France. J’ai répondu en toute transparence à toutes les questions, expliquant ce que je ferais, au nom de la présomption d’innocence, si je devais faire face à une situation en Côte-d’Or. Je n’ai pas évoqué le cas de Notre-Dame de Bétharram ni indiqué quelle serait ma réaction dans ce contexte précis. Je réfute catégoriquement cette allégation.
La commission d’enquête est désormais suffisamment informée sur ma position. Si des circonstances similaires, que je ne souhaite évidemment pas pour mon pays, venaient à se produire, vous pourriez alors m’interroger sur les actions que j’envisagerais.
Mme Florence Dabin. En tant que présidente du Maine-et-Loire, je souhaite apporter mon témoignage sur cette question. Dès l’ouverture d’une enquête et dès que nous avons connaissance d’une information, chacun doit assumer son rôle et ses responsabilités.
Concernant les subventions optionnelles, nous disposons d’une totale liberté politique, ce qui peut susciter des débats au sein des instances départementales. Nous avons également la liberté de définir nos critères. Dans le Maine-et-Loire, nous accordons une attention au fonctionnement et à l’investissement. Toutefois, nous avons également la liberté de mettre en œuvre des actions et, depuis bientôt quatre ans, nous mettons un accent très fort sur la lutte contre le harcèlement et le soutien aux familles en difficulté financière, afin de garantir l’accès à la restauration scolaire. Nous mettons en outre en place des actions concrètes de sensibilisation pour accompagner le développement personnel des jeunes.
En cas d’ouverture d’une enquête, je préconise personnellement la suspension des subventions d’investissement et de fonctionnement. Cependant, je souhaiterais protéger certaines actions que je juge importantes, car j’estime que la cause peut permettre de sensibiliser le travail de la prévention auprès des collégiens et des professionnels. Ces actions visent à les sécuriser et à les alerter sur des pratiques inadaptées, inqualifiables et impardonnables, pour lesquelles la justice doit intervenir. Cette position serait adoptée dès l’ouverture d’une information judiciaire, sans attendre le jugement final. Cela permettrait une réponse graduée et précise sur la partie que nous maintenons. Nous ne pouvons pas travailler la prévention et l’accompagnement des jeunes, des familles et des professionnels sans accompagner financièrement cette typologie d’actions. Ce point relève de la liberté d’appréciation de chaque président.
M. Paul Vannier, rapporteur. Pourriez-vous nous décrire la procédure de vérification de l’honorabilité des personnels techniques relevant des conseils départementaux lors de leur recrutement ? Disposez-vous des moyens nécessaires pour actualiser cette vérification au cours de la carrière de ces personnels ? Le cas échéant, avez-vous des suggestions à formuler à notre commission d’enquête pour faire évoluer les conditions, permettant un meilleur suivi de l’honorabilité de vos agents ?
Mme Florence Dabin. Au-delà d’une simplification de la procédure qui sécuriserait la capacité de témoigner, il est impératif de clarifier, car nous manquons cruellement de retours immédiats. Bien que nous ayons amélioré notre gestion des données, la forte rotation du personnel pose un défi majeur, particulièrement lorsque nous avons un besoin urgent de ces professionnels. Il est capital d’obtenir ces retours rapidement afin d’identifier toute faille, car ces personnes n’ont rien à faire dans le système scolaire. Ce dispositif s’étend également à nos maisons d’enfants à caractère social (Mecs) et à toutes les maisonnées. Ainsi, il est important que cette question devienne une priorité, dans l’optique de renforcer, à un niveau national, notre capacité à protéger les jeunes. Ces derniers, dans le cadre de leur développement, doivent pouvoir accorder leur confiance aux adultes.
M. Paul Vannier, rapporteur. Comment y parvenir ?
Mme Florence Dabin. Quant à la méthode pour y parvenir, ce n’est pas cet après-midi que je pourrais vous apporter une réponse clé en main. Il existe des personnes bien plus compétentes que moi sur ce sujet. Néanmoins, une chose est certaine : nous attendons avec impatience des mesures pour garantir que les professionnels que nous recrutons soient dignes de confiance et de cette honorabilité.
Mme la présidente Graziella Melchior. Je tiens à tous vous remercier pour la vivacité et la conviction dont vous avez fait preuve dans vos échanges. Nous œuvrons dans le cadre d’une commission d’enquête importante, avec en ligne de mire la protection des victimes. À ce titre, il était essentiel que chacun ait pu s’exprimer de la façon dont il le souhaitait.
La séance est levée à dix-sept heures dix.
Présences en réunion
Présents. – Mme Graziella Melchior, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier
Excusés. – Mme Farida Amrani, M. Xavier Breton, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, M. Sacha Houlié, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Delphine Lingemann, M. Frédéric Maillot, M. Maxime Michelet, M. Julien Odoul, Mme Claudia Rouaux, Mme Nicole Sanquer, M. Mikaele Seo