Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Dans le cadre des travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), audition commune de M. Patrick Allal, M. Roger Vrand, Mmes Françoise Boutet-Waïss et Annie Dyckmans-Rozinski et M. Bruno Jeauffroy, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche, chargés de l’enquête administrative au collège Stanislas de 2023              2

– Présences en réunion..............................34

 

 

 

 

 


Mercredi
21 mai 2025

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 82

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


  1 

La séance est ouverte à onze heures cinq.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission auditionne, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958), M. Patrick Allal, M. Roger Vrand, Mmes Françoise BoutetWaïss et Annie Dyckmans-Rozinski et M. Bruno Jeauffroy, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche, chargés de l’enquête administrative au collège Stanislas de 2023.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous accueillons M. Patrick Allal, M. Roger Vrand, Mme Françoise Boutet-Waïss, Mme Annie Dyckmans-Rozinski et M. Bruno Jeauffroy, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche, chargés de l’enquête administrative au collège Stanislas de 2023.

Je précise que M. Jeauffroy, qui est actuellement en mission dans les académies de Toulouse et de Bordeaux, participe à cette réunion par visioconférence.

M. Vrand, qui a exercé la fonction de pilote de cette enquête administrative, nous rappellera certainement le contexte et les conditions dans lesquels elle s’est déroulée. Par ailleurs, j’ai reçu il y a quelques semaines des courriers de Mmes Boutet-Waïss et Dyckmans-Rozinski, en réponse à une sollicitation de la cheffe du service de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) à la suite de son audition devant notre commission le 8 avril.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Patrick Allal, M. Roger Vrand, Mme Françoise Boutet-Waïss, Mme Annie Dyckmans-Rozinski et, M. Bruno Jeauffroy prêtent successivement serment.)

Pouvez-vous nous indiquer comment les inspecteurs généraux sont désignés pour une mission : par une décision hiérarchique par exemple, ou par un appel à candidatures interne ? Le processus de désignation diffère-t-il pour les enquêtes administratives ?

M. Patrick Allal, ancien inspecteur général de léducation, du sport et de la recherche. Les membres de la mission sont désignés par la cheffe de l’Inspection suite à un appel à candidatures. Les candidatures sont examinées en comité de direction, et l’on choisit les membres de la mission en fonction, tout d’abord, d’un équilibre hommes-femmes – c’est le principe de base, les missions sont toujours paritaires – et aussi de l’apport que peuvent fournir certaines personnes, parce qu’elles connaissent le domaine, tout en faisant très attention à ne pas être en situation de conflit d’intérêts. Je ne vous cacherai pas que pour certaines missions, il y a beaucoup de candidats ; pour d’autres, il y en a moins – dans ce cas, on peut être amené à solliciter telle ou telle personne, mais le principe de base est l’appel à candidatures et la parité.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Ce fonctionnement vaut-il pour tout type d’inspection, ou les enquêtes administratives sont-elles spécifiques ?

M. Patrick Allal. Je parlerai uniquement des enquêtes administratives. Elles font l’objet d’un protocole particulier, résumé dans le vade-mecum des enquêtes administratives que nous avons écrit dans les années 2015 et que nous mettons à jour pratiquement chaque année. Il y a donc un protocole très strict, très juridique, car nous sommes très attachés à la rigueur des enquêtes administratives. Il y a beaucoup plus d’exigence pour ce type de mission que pour une mission de contrôle – c’est-à-dire quand il n’y a pas a priori de suspicion de faute disciplinaire, de mauvaise gouvernance, voire d’infraction pénale – et que pour une enquête d’évaluation, où la procédure est plus « légère ». La procédure en matière d’enquête administrative est la plus lourde au sein de l’Inspection générale. Cela dit, pour l’ensemble des enquêtes, le principe est l’appel à candidatures.

Mme Françoise Boutet-Waïss, ancienne inspectrice générale de léducation, du sport et de la recherche. Le principe est l’appel à candidatures, mais lorsqu’il y a urgence, le comité de direction, composé des responsables des collèges métiers et des responsables des pôles transversaux, peut désigner les membres de la mission et le pilote. La cheffe de service peut aussi le faire en cas d’extrême urgence, quand il faut partir le lendemain : dans ce cas, il n’y a pas d’appel à candidatures.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. L’établissement Stanislas nous préoccupe particulièrement : c’est un cas d’école d’inspection complexe, sur un sujet tout aussi complexe et médiatique. Chacun d’entre vous peut-il nous indiquer précisément pourquoi il a été membre de cette équipe ? Avez-vous candidaté ? Y avez-vous été incités ? À quel titre avez-vous été retenus, selon vous : votre parcours ou des missions comparables que vous avez effectuées ont-ils pu peser dans le choix ?

M. Patrick Allal. Je dois préciser qu’au tout début, j’étais le pilote, mais que j’ai très vite dû abandonner la mission car nous avions une affaire urgente, le suicide d’un enseignant accusé d’avoir eu des propos islamophobes. C’était une enquête très sensible sur laquelle la cheffe de service m’a demandé d’aller en priorité. M. Vrand, qui était par ailleurs membre de la mission Stanislas, en est devenu pilote. J’y suis tout de même resté comme référent, en tant que responsable du pôle affaires juridiques et contrôle de l’Inspection générale et au titre de mon expérience sur l’enseignement privé, puisque j’ai été pendant plusieurs années sous-directeur de l’enseignement privé au ministère.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Le pilote est-il désigné de la même façon que les membres du collège d’inspecteurs qui se rend dans un établissement ? De quelle façon êtes-vous devenu pilote de cette mission ?

M. Patrick Allal. L’enseignement privé est un peu compliqué par rapport au public, il a certaines spécificités. Généralement, quand il y a une mission sur l’enseignement privé, on fait appel à moi, et je propose moi-même à la cheffe de service de faire partie de la mission. En l’occurrence, j’ai été désigné comme pilote au titre de mon expérience.

Il y a des candidatures pour faire partie de la mission ; ensuite, quand on désigne le pilote en comité de direction, c’est en fonction du parcours de l’intéressé, de son expérience – le fait, par exemple, qu’il ait déjà piloté des missions, qu’il ait une certaine habitude des enquêtes administratives. Nous avons des enquêtes administratives extrêmement nombreuses par rapport aux autres Inspections générales, entre quarante et cinquante par an ; cela dit, c’est une petite moitié de l’activité de l’Inspection générale. Le choix du pilote se fait essentiellement sur des critères d’expérience et de compétence, au vu de ce qu’il peut apporter de plus à la mission.

M. Roger Vrand, ancien inspecteur général de léducation, du sport et de la recherche. Pour ce qui me concerne, j’ai candidaté à la suite de l’appel à candidatures. Cette mission m’intéressait parce qu’elle portait sur un gros établissement et parce qu’elle concernait un établissement de l’enseignement privé sous contrat. Je concevais qu’il pouvait y avoir des spécificités, et j’étais intéressé de voir comment cette opération pouvait se conduire. De mémoire, je ne sais pas si l’on précise qu’on veut être pilote ou simple membre, mais j’ai candidaté en tant que simple membre.

Pour entrer dans le détail, je n’ai pas été désigné initialement. Je ne faisais pas partie de la première équipe de quatre inspecteurs généraux initialement désignés, mais très rapidement – une question de jours, sinon d’heures – un des collègues s’est désisté et je suis entré dans la mission, pour des raisons que j’ignore, probablement de disponibilité. Nous étions début mars 2023, je pense, la lettre de saisine du directeur de cabinet du ministre datant de fin février. Plus tard, à la suite du départ de mon collègue, comme il vient de le dire, vers la mi-mai, j’ai pris le relais du pilotage, dont je ne dirais pas précisément que c’est une fonction ; c’est un rôle, une tâche.

Mme Françoise Boutet-Waïss. J’ai candidaté. J’ai appelé la responsable du pôle, Cristelle Gillard, pour avoir des renseignements sur la mission – j’aime bien m’intéresser avant de candidater et de confirmer. Cela me paraissait très intéressant : il est extrêmement rare qu’il y ait une enquête administrative ou même un contrôle d’un établissement privé à l’Inspection générale. Je pense que j’avais vraiment les compétences, puisque j’ai fait une longue carrière à l’Inspection générale. J’ai fait plusieurs enquêtes administratives ; on doit se former régulièrement au fameux guide des enquêtes administratives. Je pense donc que j’avais vraiment les connaissances, et j’ai une très bonne connaissance des établissements scolaires.

Mme Annie Dyckmans-Rozinski, ancienne inspectrice générale de léducation, du sport et de la recherche. De la même façon, j’ai candidaté pour cette enquête administrative. En peu de temps, j’avais enchaîné des enquêtes et je dirais presque que je me suis prise de passion pour le rôle qui est le nôtre dans ce type de mission. Ma candidature a été retenue.

M. Bruno Jeauffroy, inspecteur général de léducation, du sport et de la recherche. Tout d’abord, je tenais à vous remercier d’avoir accepté de m’entendre en visioconférence. Je participe à une mission sur la série technologique STL qui connaît quelques difficultés, et il était vraiment important que je puisse venir aider dans cet établissement, le lycée Albert-Camus à Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques.

Comme les collègues, j’ai candidaté à cette mission. Je n’ai pas été retenu dans un premier temps : sans doute y avait-il un peu trop de candidats. Lorsque M. Allal a quitté l’équipe et a été remplacé comme pilote par M. Vrand, il manquait quelqu’un et on a fait appel à moi, sans doute parce que j’avais déjà fait plusieurs enquêtes administratives – jamais dans le privé, mais c’était sans doute une expertise intéressante pour être nommé sur cette mission.

M. Paul Vannier, rapporteur. De pilote, vous êtes devenu coréférent, monsieur Allal. Pouvez-vous préciser ce rôle de coréférent ?

M. Patrick Allal. Depuis la professionnalisation, qui remonte grosso modo à 2015 et à l’affaire Villefontaine, il y a eu une bascule pour l’Inspection générale. Auparavant, comme la plupart des inspections générales, nous n’avions que trois ou quatre enquêtes administratives par an, qui ne répondaient pas à un protocole précis. En 2015, l’affaire de Villefontaine, épouvantable, a donné lieu à une grosse enquête. Cela a coïncidé avec le moment où le cabinet a commencé à nous saisir de plus en plus en cas de dysfonctionnement. On a souhaité « muscler » cette fonction de contrôle, avec une approche assez juridique qui m’est en partie imputable puisque d’origine, je suis magistrat administratif, très attaché à un certain formalisme qui garantisse notamment l’expression du contradictoire et à une certaine rigueur.

Nous avons donc mis en place un contrôle qualité qui passe notamment par le fait que les missions peuvent faire appel à tout moment à un référent, quand elles le souhaitent. Le référent n’est pas systématiquement présent. C’est en cas de difficulté que la mission fait appel à lui : « J’ai un problème, qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce que tu en penses ? » On échange avec la mission, et après elle poursuit son travail. L’intervention du référent est ponctuelle, à la demande de la mission, dans le cadre du contrôle qualité. Il est très important qu’on ne laisse pas une mission seule, surtout si elle travaille sur l’enseignement privé, qui présente quelques spécificités un petit peu compliquées. En général, le référent est quelqu’un qui connaît un peu, voire beaucoup le domaine, pour pouvoir apporter cette aide.

M. Paul Vannier, rapporteur. L’intervention ponctuelle du référent se fait-elle à la demande de n’importe quel membre de la mission, ou du pilote ? Pour cette mission, êtes-vous fréquemment intervenu auprès de l’ensemble des membres ou auprès du seul pilote ?

M. Patrick Allal. Le principe est que le pilote assure la coordination de la mission. C’est donc lui qui saisit le référent, sachant que pratiquement toutes les réunions ont eu lieu en présence du pilote et des membres de la mission. Je suis peut-être un peu plus intervenu que dans d’autres missions – où cela se fait plutôt à la fin, en relecture, pour s’assurer de la cohérence du rapport – parce que juridiquement, la mission était confrontée à des questions : est-ce qu’on peut faire ça ? Est-ce qu’on est sur le caractère propre de l’enseignement privé ou sur le champ du contrôle possible ? Mes interventions s’expliquent essentiellement par des questions juridiques qui m’ont été posées.

M. Paul Vannier, rapporteur. Pourriez-vous détailler ces questions juridiques ? Par ailleurs, vous avez indiqué que vous pouviez être appelé à relire le rapport. Pouvez-vous préciser cet aspect ? Le référent est-il aussi chargé de relire le rapport ?

M. Patrick Allal. Oui, tout à fait.

Les questions qui étaient posées tournaient essentiellement autour du caractère propre : concrètement, quel regard peut porter la mission sur l’activité pastorale ? Peut-elle faire des observations sur l’organisation de l’établissement ou pas ? C’est à ce type de questions très précises que je me suis efforcé de répondre de la manière la plus exacte et la plus juridique. À certains moments, il y a eu des discussions avec la mission. Il y a des zones grises, sur la vie scolaire par exemple, entre le caractère propre et ce qui relève de l’activité pédagogique : quelquefois, la frontière est très ténue.

La relecture des rapports par une personne tierce est systématique, quelles que soient les enquêtes administratives. Cela fait partie de nos procédures de contrôle qualité. Mais il n’est pas question que le référent ou le relecteur, quel qu’il soit, modifie le rapport. Cela fait l’objet d’une réunion avec la mission. Si l’on a des doutes, on demande : « Vous avez écrit ça, qu’est-ce qui vous permet de l’écrire, quels sont les éléments ? » Il peut aussi y avoir des raisons juridiques : « Là, vous avez mis ça, mais vous ne pouvez pas l’écrire pour des raisons juridiques que je vous expose. » À la fin, il y a un consensus sur l’écriture du rapport.

J’insiste beaucoup sur le fait que de toute façon, si la mission ne souhaite pas suivre l’avis du référent, elle est totalement libre. Comprenez bien, l’approche du référent est celle du contrôle qualité. On n’est pas du tout dans une logique de relecture où l’on dirait : « Ça, attention, ça risque de ne pas plaire au cabinet. » Ce n’est pas du tout la finalité de la relecture – on insiste d’ailleurs beaucoup dans les formations auprès des collègues : c’est un contrôle qualité, un échange entre le référent et la mission pour s’assurer qu’il n’y a rien qui dépasse et qu’au plan juridique ou technique, on ne risque pas de se faire attaquer. Voilà le rôle du référent et relecteur du rapport.

M. Paul Vannier, rapporteur. Pour bien comprendre comment l’équipe a été installée, il y a donc eu deux lettres de désignation, l’une datant du 7 mars 2023 – M. Allal étant alors pilote et M. Jeauffroy n’étant pas encore membre de l’équipe – et l’autre datant du 12 mai 2023 – M. Allal devenant coréférent, M. Vrand devenant pilote et M. Jeauffroy rejoignant l’équipe. Monsieur Allal, vous avez indiqué que cette modification était intervenue après que la cheffe de service vous a demandé d’intervenir dans le cadre d’une autre affaire, urgente. Est-ce la seule raison de ce qui peut apparaître comme un déplacement dans le dispositif de la mission ? En évoquant la spécificité des enquêtes administratives, vous avez souligné la rigueur et l’exigence de ce type de mission. Or vos responsabilités antérieures, votre connaissance personnelle de certains acteurs de l’enseignement catholique parisien et les liens que vous entreteniez avec eux – se manifestant, dans les premières semaines de la mission, par le fait que vous les tutoyiez – pouvaient poser question au regard des critères de rigueur et d’exigence. Est-ce une explication de votre déplacement dans le dispositif de la mission ?

M. Patrick Allal. La réponse est clairement non. Ma connaissance du secteur résulte, d’une part, de mon passage en tant que sous-directeur de l’enseignement privé – fonction que j’ai quittée plus de dix ans avant la mission d’enquête. D’autre part, il se trouve que le directeur diocésain et moi siégeons ensemble au conseil d’administration de la Fondation Eugène Napoléon, où je représente le ministère. Nous avons l’occasion de nous croiser, et quand on se croise, dans le monde de l’éducation, on se tutoie assez facilement. C’est moins le cas dans d’autres ministères. Si le fait de tutoyer une personne m’interdisait d’exercer des fonctions de contrôle à quelque titre que ce soit, je serais très embarrassé, parce que j’aurais dû démissionner de mes fonctions. Il n’y avait pas du tout de conflit d’intérêts.

Vous me demanderez en quoi l’autre mission était urgente, au point qu’on me sorte de l’enquête sur Stanislas. Cela prouve deux choses. La première est que l’enquête sur Stanislas était vécue par la cheffe de service comme une mission « normale », qui ne justifiait pas d’avoir à sa tête le responsable du pôle rapports et ancien sous-directeur de l’enseignement privé. Deuxièmement, la mission sur laquelle j’ai été mandaté n’est pas sortie dans la presse mais si cela avait été le cas – un prof qui se suicide parce qu’on l’accuse d’islamophobie et qu’il « faisait la chasse » aux élèves qui portaient le voile dans son établissement –, cela aurait fait du bruit. On comprend que la priorité était de voir ce qui s’était passé exactement, et si les faits tels qu’ils étaient rapportés étaient exacts. C’est tout simplement pour cette raison que j’ai quitté la mission Stanislas – ce qui, encore une fois, prouve que la cheffe de service estimait que l’autre mission sensible, qui risquait de déboucher sur un gros battage médiatique, était la priorité par rapport à Stanislas, qui était une mission somme toute assez courante.

M. Paul Vannier, rapporteur. Plusieurs d’entre vous ont tout de même décrit le caractère assez exceptionnel de la mission Stanislas, tout d’abord parce qu’il s’agissait d’une enquête administrative, ensuite parce qu’elle portait sur un établissement privé sous contrat, ce qui est très rare, et enfin en raison de la très grande attention médiatique. Le fait qu’un très grand nombre d’inspecteurs généraux se soient portés candidats signale probablement ce caractère exceptionnel. Monsieur Allal, pourrez-vous nous transmettre la lettre de mission qui vous a mobilisé sur l’affaire urgente que vous avez évoquée ?

Je me permets par ailleurs un commentaire : dans un cadre officiel et singulier qui appelle, comme vous l’avez souligné, de la rigueur et de l’exigence, vous assumez le recours au tutoiement. Cela me paraît en décalage, d’autant que le tutoiement témoigne de votre connaissance du secteur, le directeur diocésain et vous étant membres d’une même association. À plusieurs titres, en raison de votre carrière professionnelle passée et de votre engagement au sein de cette association, vous aviez des relations personnelles avec une partie de ceux qui étaient directement impliqués par l’enquête administrative.

M. Patrick Allal. Vous évoquez mes relations avec M. Canteneur, le directeur diocésain de Paris. Je précise, d’une part, que ce qui était en cause était Stanislas, et pas la direction diocésaine. D’autre part, pour le ministère, le directeur diocésain est un peu l’équivalent, pour l’enseignement privé sous contrat, du Dasen (directeur académique des services de l’éducation nationale) ou du recteur pour le public. Concrètement, c’est l’autorité de tutelle de l’établissement avec laquelle on travaille régulièrement. D’ailleurs, dans les suites de la mission, un groupe de travail a été constitué avec le rectorat, l’Inspection générale et le directeur diocésain.

Il n’y avait pas de conflit d’intérêts. Je connais le directeur diocésain au titre de mes fonctions, dans lesquelles je représente le ministère, au sein du conseil d’administration de la Fondation. De toute façon, nous savions que nous serions amenés à travailler avec le directeur diocésain pour la mise en œuvre des recommandations du rapport, y compris – et c’est là tout l’intérêt des relations avec lui – dans des domaines où, en théorie, l’État n’a pas à intervenir, comme l’organisation de l’établissement et son mode de management. Cela ne figure pas dans le rapport, alors que la mission les a étudiés et a fait des observations, pour une raison simple : à ma demande, ces points ont été retirés du rapport – mais pas retirés tout court car on les a gardés pour les échanges avec le directeur diocésain. Nous lui avons dit que certes, du fait du caractère propre, l’organisation ne nous regarde pas, mais que nous avons quand même remarqué un certain nombre de problèmes sur lesquels il faudrait qu’on puisse travailler ensemble.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. J’aimerais demander à l’équipe qui a réalisé le rapport dans quelle ambiance et de quelle façon s’est déroulée la mission. Vous êtes-vous toujours accordés sur les restitutions des auditions des élèves et des enseignants, sur les observations et sur les conclusions ? À défaut, sur quels éléments vos désaccords ont-ils porté ?

M. Roger Vrand. Le travail se fait dans le cadre de la collégialité. Il va de soi que l’on n’est pas forcément d’accord tout du long – c’est aussi pour cela qu’il y a de la collégialité. En revanche, quand on est arrivé au bout du processus, au mois de juillet, on est tombé d’accord sur une rédaction finale, qui a fait l’objet de beaucoup d’échanges et de réflexions sous différentes formes. Le souci qui m’a guidé en tant que pilote – cela fait partie des tâches que l’on attend de lui – était d’être le garant du processus qualité de la mission, aussi bien dans l’organisation de l’enquête que dans la phase de rédaction. Compte tenu de l’aspect particulier de cette mission, dans un établissement privé et avec le cadre juridique du caractère propre, j’ai été particulièrement soucieux, à plusieurs moments, de savoir comment se situer par rapport à ce qu’il nous était donné d’apprécier ou de constater.

Je citerai deux exemples. La question de l’article 40 du code de procédure pénale s’est posée une fois pour un parent bénévole catéchiste. En amont s’était aussi posée la question de l’appréciation de l’atteinte à la liberté de conscience, la mission ayant constaté que la catéchèse n’était pas facultative, comme elle devait l’être en application de la loi et du contrat d’association, mais obligatoire.

Sur ce dernier point, nous n’avions pas forcément, lors de la phase de réflexion, la même approche. Fallait-il conclure presque automatiquement à une atteinte à la liberté de conscience, sachant que les témoignages étaient contrastés, ou avions-nous une plus grande marge d’appréciation ? Là encore, j’étais soucieux d’identifier le cadre juridique dans lequel nous pouvions nous inscrire. J’avais pour référence le contrat d’engagement républicain que signent les associations qui perçoivent des subventions publiques : il stipule qu’il faut considérer comme une atteinte à la liberté de conscience ce qui relève d’un prosélytisme abusif. Cela pouvait éclairer notre approche de ce passage qui, d’une part, constatait le caractère obligatoire de la catéchèse, et d’autre part relatait des témoignages contrastés concernant la perception de celle-ci par les élèves, voire par les parents. Quant à l’article 40, peut-être y reviendrons-nous ultérieurement.

Mme Françoise Boutet-Waïss. Comme l’a dit M. Vrand, les membres d’une mission ne sont pas forcément d’accord sur tout ; ils ont des approches différentes. C’est pourquoi nous travaillons de manière collégiale, pratiquons des relectures croisées et sollicitons un tiers pour une relecture d’ensemble. En l’espèce, M. Allal a joué ce rôle de relecteur, qui est habituellement confié à une personne autre que le référent. Ce travail, sur pièces, argumenté – tout doit être prouvé –, aboutit à un consensus sur le rapport.

Néanmoins, il est vrai que nous avons connu, au cours de cette mission, des moments de tension. Compte tenu de mes compétences, je souhaitais étudier le volet budgétaire et financier de l’établissement, et ce pour deux raisons. D’abord, lors d’une enquête administrative, d’un contrôle ou d’un audit, on caractérise, dans les grandes lignes, la structure dans laquelle intervient l’Inspection générale. Le rapport comporte quelques éléments qui permettent de s’en faire une idée : superficie, effectifs et indice de positionnement social des élèves… Mais il aurait été intéressant de connaître les masses financières, le budget de Stanislas – qui compte tout de même 3 600 élèves – et la part qu’y prennent les différentes collectivités territoriales – la région Île-de-France, la ville de Paris pour le premier degré – et l’État.

J’ai demandé d’abord au premier pilote, M. Allal, si je pouvais mentionner ces informations. Il m’a répondu que ce n’était pas ce que demandait le ministre, dont la saisine était focalisée sur des articles de presse comportant des accusations d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme. Mais cela me paraissait vraiment logique et je suis revenue à la charge – je suis quelqu’un de déterminé – auprès de M. Vrand, le 26 mai, soit dix jours après qu’il avait été désigné pilote de la mission – la seconde lettre de désignation datant, je crois, du 15 mai. Nous avons eu un échange très rapide en sortant de Stanislas, lors de la pause déjeuner. Je lui ai indiqué que ces éléments seraient intéressants, qu’il ne s’agissait pas d’effectuer un contrôle exhaustif. Il m’a répondu : « Non, nous en avons déjà parlé. »

L’après-midi, alors que j’étais à Stanislas pour la suite des auditions, j’ai reçu un SMS de M. Vrand qui ne m’était manifestement pas destiné, dans lequel il écrivait : « C’est intenable. Elle parle encore du budget. » Cela a provoqué un clash, dont mes collègues de la mission ont été témoins : je ne pouvais pas accepter cela. À compter de ce moment, j’ai eu le sentiment que nous étions sous surveillance – c’est très désagréable. Je n’avais jamais connu une telle situation.

Second point de tension : l’article 40. Les trois membres de la mission étaient tout à fait favorables, compte tenu de la gravité, de l’énormité des faits, à un signalement, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, des propos tenus par un catéchiste qui enseignait la catéchèse à des adolescents depuis trois ans dans l’établissement – nous aurons l’occasion d’y revenir, il s’agit d’homophobie et autres propos terrifiants. Mais le pilote y était opposé ; je n’ai pas compris pourquoi. Elle nous a demandé de confirmer notre point de vue, que j’ai étayé par des arguments, parce que j’estimais que les faits étaient extrêmement graves. Nous avons fait remonter nos positions – j’avais développé un peu plus longuement la mienne car j’avais travaillé sur ce volet du rapport.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Lorsque vous dites « elle », de qui parlez-vous ?

Mme Françoise Boutet-Waïss. Excusez-moi : il nous a demandé, voulais-je dire, de confirmer notre position sur l’article 40.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Qui vous a fait cette demande ?

Mme Françoise Boutet-Waïss. C’est M. Vrand. Il nous a demandé de confirmer, par e-mail, notre position sur cette question, alors que les choses auraient pu se régler oralement si nous avions tous été d’accord.

Enfin, il est tout à fait courant que la lettre de transmission du rapport, rédigée par le pilote, soit partagée avec les autres membres de la mission, qui peuvent proposer des modifications. Or je ne la voyais pas arriver, ce qui ne me semblait pas normal : ayant moi-même été pilote d’autres missions, je connais bien la procédure. Je l’ai réclamée trois fois avant de l’obtenir. Je n’ai été amenée à faire aucune observation sur la lettre qui m’a été transmise. J’étais d’accord : elle résumait bien le rapport. Il faut savoir, en effet, que cette lettre est très importante pour l’enquête administrative, dans la mesure où elle fait office de synthèse et de conclusion du rapport – laquelle ne figure pas dans le rapport.

Je pourrais évoquer d’autres tensions, mais elles sont survenues après la mission.

Mme Annie Dyckmans-Rozinski. Il est intéressant que les membres d’une mission aient des points de vue divergents, une approche différente de certaines questions : cette pluralité de regards permet de débattre et d’argumenter. Ces discussions aboutissent toujours à un consensus. Les deux maîtres-mots d’une mission sont échange et confiance. Les échanges ont lieu à chacune des nombreuses étapes de la mission : choix des personnes à auditionner, rédaction du rapport, lettre de transmission… J’ai toujours travaillé ainsi, sans problème.

Lors de cette mission, nous avons eu quelques points de divergence. Le premier, ma collègue l’a évoqué – j’ai été témoin de l’altercation, à l’heure du déjeuner –, portait sur le volet financier et budgétaire. Je n’y reviens pas.

Le deuxième, M. Allal l’a évoqué, concernait les paragraphes que j’avais rédigés sur le fonctionnement et l’organisation du collège, paragraphes qui ont été supprimés au nom du caractère propre. Lors des échanges que nous avons eus en visioconférence, je me suis inclinée, car M. Allal est beaucoup plus fin juriste que moi, si bien que je ne souhaitais pas entrer dans ces arguties juridiques. À ce propos, peut-être y reviendrons-nous, je pense que la notion de caractère propre pose un certain nombre de problèmes : j’ai le sentiment qu’il en existe autant de lectures que de situations.

Mon objectif n’était pas de décrire l’organisation du collège – préfets, sous-préfets, peu importe leurs titres – car on attend de nous que nous fournissions des analyses. Il s’agissait pour moi de démontrer que, dans cette organisation pyramidale, l’information – je parle d’incidents graves – a du mal à circuler : elle reste bloquée au niveau le plus bas, celui des préfets, sans remonter toujours jusqu’au censeur-directeur, qui lui-même ne la transmet pas au directeur. De la même façon, elle ne redescend pas toujours : lorsque le directeur prend une décision – je pense à l’exclusion d’une élève, pourtant troisième de sa classe et lauréate d’un prix d’excellence –, les enseignants n’en sont pas informés. Du fait de ce cloisonnement, de ce fonctionnement en îlots, le traitement des incidents est très individualisé – de sorte que les sanctions peuvent varier selon les préfets et leurs convictions – et il est impossible d’avoir une vision un peu systémique du climat scolaire et, précisément, du traitement des incidents. J’ignore si cela relève ou non du caractère propre – je me pose encore la question. J’ai fait confiance à M. Allal, qui est beaucoup plus à même que moi d’en juger. J’ai donc accepté de supprimer mon paragraphe sans discuter.

Le troisième point de désaccord fut véritablement difficile : il s’agit de l’article 40. Ma collègue l’a dit, nous avons recueilli des témoignages terribles, dont vous disposez probablement. Les trois membres de la mission ont demandé l’application de l’article 40, car nous étions directement concernés, en tant que fonctionnaires, par cette procédure de signalement. Le pilote ayant exprimé des réticences, pour dire le moins, j’ai demandé qu’une visioconférence soit organisée avec les deux référents, M. Allal et Mme Gillard, afin que le problème soit posé sur la table. Cette visioconférence a eu lieu, mais je n’ai toujours pas compris ce désaccord, tant ce signalement me paraissait évident.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Que sont devenus les paragraphes relatifs à l’organisation pyramidale du collège que vous avez retirés du rapport ? Ils sont tout de même très utiles.

Mme Annie Dyckmans-Rozinski. Ils ont été repris sous une forme abrégée dans la lettre de transmission, comme nous en étions convenus lors de la visioconférence avec Cristelle Gillard, Patrick Allal, Roger Vrand, Bruno Jeauffroy et Françoise Boutet-Waïss. Mais il est évident que la coupe sombre qui les a réduits à deux paragraphes les a privés de leur substantifique moelle.

M. Paul Vannier, rapporteur. Pouvez-vous décrire les faits, qualifiés de très graves, qui vous ont conduits à estimer qu’un signalement sur le fondement de l’article 40 était nécessaire ?

Mme Françoise Boutet-Waïss. Nous avons rencontré un élève de troisième et sa mère, que nous avons auditionnés séparément à l’Inspection générale. Cet élève souhaitait témoigner car il avait été très choqué par l’intervention d’un catéchiste, au mois de janvier je crois, ou avant Noël. Ce dernier a d’ailleurs récidivé durant la mission ; j’évoquerai donc également les propos qu’il a tenus au mois de mai.

Il a parlé de pornographie, d’homosexualité. Selon lui, si une fille était enceinte à la suite d’un viol, elle ne devait surtout pas avorter. Si on est homosexuel, on peut attraper le sida, à cause de la sodomie. Si l’on devient homosexuel d’ailleurs, c’est parce que papa ou maman a trompé l’autre et que l’enfant a ressenti un traumatisme prénatal. Mais on peut se soigner, dans des structures au Canada ! C’était carrément une défense des thérapies de conversion. Je n’avais jamais entendu des propos pareils. J’ai été aussi très choquée d’entendre qu’un enfant mort-né devait être baptisé pour être sauvé, etc.

Face à ces propos très graves, un adulte peut réagir. Mais ils sont tenus devant des adolescents qui sont en pleine construction de leur sexualité et peuvent se poser des questions très lourdes, dont ils n’oseront même pas parler à leurs parents. Si l’on se dit qu’on est homosexuel parce que papa a trompé maman ou que maman a trompé papa, on ne va pas leur en parler ! J’ai trouvé cela inadmissible. Stanislas s’est défendu en prétendant avoir réglé le problème avant notre inspection. C’est faux, je suis affirmative, puisque ce catéchiste a récidivé pendant la mission, au mois de mai. Si l’on s’interrogeait – ce qui n’était pas mon cas – sur le premier incident relaté par cet élève de troisième, le doute n’était plus permis.

C’est nous qui avons réglé le problème après sa récidive, le 26 mai je crois. Nous avons eu la confirmation des témoignages, nous avons réinterrogé la préfète du niveau et entendu l’abbé, que nous avions auparavant hésité à auditionner en raison du caractère propre de l’établissement. C’est donc nous qui avons mis un terme à une dérive qui durait depuis trois ans.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vais rappeler ma question, à l’intention de M. Jeauffroy : vous êtes-vous toujours accordés sur les observations et les conclusions ? Si tel n’est pas le cas, sur quels points portaient vos désaccords ?

J’ajouterai deux précisions. Nous ne sommes pas là pour régler les problèmes entre les personnes mais pour entendre vos témoignages sur la manière dont sont conduites les inspections lorsqu’un problème est signalé. On peut considérer que les faits relatés entrent dans la catégorie des violences sexuelles, psychologiques et physiques commises sur des enfants auxquelles notre commission s’intéresse.

Madame Dyckmans-Rozinski, si vous vous interrogez sur ce qui relève du caractère propre sur le plan juridique, il ne fait aucun doute en revanche que l’impossibilité de faire remonter la parole d’un enfant concernant un incident ou des violences survenues au sein d’un établissement scolaire est au cœur de l’objet de notre enquête.

M. Bruno Jeauffroy. S’agissant des aspects juridiques du caractère propre, j’avoue être plus en difficulté encore que mes collègues, car j’étais en quelque sorte le pédagogue de l’équipe. C’est un domaine dans lequel l’ancien professeur de physique-chimie – je crois être le seul d’entre nous à avoir enseigné – et l’ancien inspecteur général de l’éducation nationale que je suis n’est pas très à l’aise.

Cela dit, nous avons fini par tous nous accorder sur la nécessité de faire un signalement sur le fondement de l’article 40, sachant qu’en l’absence d’accord, chacun d’entre nous – moi le premier – aurait pu faire ce signalement à titre individuel. Mieux vaut que cette démarche soit collective, car elle a alors, je suppose, plus de poids, mais, s’il l’avait fallu, nous serions intervenus individuellement pour signaler le comportement tout à fait inacceptable de ce catéchiste.

Pour le reste, le rapport final est évidemment le fruit d’échanges et de compromis, de petites difficultés, ou grandes au départ. Je considère, quant à moi, que nous étions d’accord – en tout cas, je l’étais – sur la rédaction finale, sachant que tout ce qui concerne la lettre de transmission nous a été étranger.

M. Paul Vannier, rapporteur. Nous reviendrons sur la lettre de transmission du rapport. Je propose que nous poursuivions sur les désaccords entre les membres de la mission.

Monsieur Vrand, trois d’entre vous estimaient qu’un signalement sur le fondement de l’article 40 était nécessaire et nous disent que vous vous êtes opposé à sa transmission au procureur de la République. Comment expliquez-vous cette situation ?

M. Roger Vrand. Je n’ai pas le même souvenir de ce processus. J’avais des réserves, oui. J’ai suspendu mon jugement, comme disaient des philosophes antiques, en attendant que la question soit évoquée lors de la réunion avec les référents. Mes réserves ne portaient pas sur le fond. Je comprends bien qu’il va m’être difficile de faire entendre mon point de vue et le souci de la rigueur que j’ai pu avoir à ce moment-là, au regard de ce qui vient d’être dit, mais encore une fois, mes scrupules ne portaient pas sur le fond et sur le caractère intolérable des propos qui avaient été tenus. Ils portaient là encore – pardon – sur ce que pouvait impliquer le contexte dans lequel ils ont été prononcés, à savoir la catéchèse. Je ne suis pas juriste – c’est sans doute un défaut, dans le cadre de cette opération – mais il pouvait apparaître que les faits n’étaient pas, comme l’a écrit ma collègue, manifestement délictuels, quel que soit le caractère choquant des propos. On pouvait en effet penser que ces derniers, tenus pendant la catéchèse, n’étaient peut-être pas publics, auquel cas ils relèvent de la contravention et non pas du délit.

Je rappelle que nous sommes, à ce moment-là, au mois de juillet. Le parent bénévole catéchiste ayant été exclu de la catéchèse, il n’y a pas d’urgence. Dans la plupart des cas – je fais ici écho à ce qu’a dit Bruno Jeauffroy –, c’est la cheffe du service qui fait le signalement au procureur de la République, sur proposition de la mission. Si le désaccord avait été patent, comme on semble vouloir le laisser entendre, un ou une de mes collègues aurait fait un signalement à titre personnel.

Me suis-je posé trop de questions ? Je vous en laisse juge. Mais, je le répète, la situation n’avait rien d’urgent et la question du caractère délictuel et relevant de l’article 40 des propos tenus dans le cadre de la catéchèse pouvait se poser.

Je suis très étonné que l’on semble dire que j’ai voulu faire obstacle à l’évocation de cette question lors de la réunion avec la référente et le relecteur. Au contraire, j’ai renvoyé la discussion à cette réunion, pour que nous l’examinions ensemble. Lors de cette réunion, qui s’est tenue le 20 juillet, il a été acté que l’on ferait un signalement sur le fondement de l’article 40, mais que, compte tenu du contexte, ce ne serait pas mentionné dans le rapport.

Par ailleurs, cela présente peu d’intérêt pour vous, mais c’est moi qui ai préparé le dossier du signalement et qui l’ai transmis, car c’est au pilote qu’incombe cette charge. J’ai rédigé un projet de lettre au procureur – en tant que pilote, je n’élabore que des projets – en m’appuyant sur les constats de la mission. J’ai cité le passage du rapport ainsi que le nom des quatre membres de la mission, dont le mien, donc.

Voilà pour le contexte. En laissant de côté le caractère choquant des propos qui nous avaient été rapportés, j’ai voulu m’efforcer, la situation n’ayant pas un caractère d’urgence, de border, comme on dit familièrement, de sécuriser, de maîtriser le risque. Telle était ma préoccupation.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je perçois dans vos propos une forme d’autocensure. Il est interdit de prôner les thérapies de conversion ; qu’on le fasse en public ou dans un cadre privé, c’est un délit. Avez-vous pris cette dimension en compte lorsque vous avez plutôt refusé un signalement sur le fondement de l’article 40, estimant que ces propos n’étaient pas publics ?

M. Roger Vrand. Je le redis, je n’ai pas refusé de faire un signalement sur le fondement de l’article 40, je récuse ce terme. J’ai demandé que l’on réfléchisse et garantisse la sécurité de la procédure. Je peux me tromper – Paul Valéry disait : « Un homme compétent est un homme qui se trompe selon les règles » – mais il ne s’agit pas d’autocensure. Il s’agit de sécuriser le processus, sur un sujet sensible qui exige, pour ne pas fragiliser le rapport et les conclusions de l’enquête, que l’on s’entoure de toutes les garanties. C’est tout. C’était une affaire de quelques jours, de quelques heures, en attendant la réunion avec le référent et le relecteur. Je le répète, à aucun moment je n’ai refusé de faire un article 40.

M. Paul Vannier, rapporteur. Pour récapituler, le témoignage d’un élève ainsi que des constats établis durant la mission concernant l’attitude d’un catéchiste ont conduit les membres de la mission à s’interroger sur un signalement sur le fondement de l’article 40. La majorité de ces membres a considéré que ce signalement était impératif. Une discussion s’est engagée, qui a conduit à solliciter l’avis des référents et, au nom d’une lecture du caractère propre, à faire ce signalement sans le mentionner dans le rapport. Pour que les choses soient claires, pouvez-vous confirmer qu’un signalement a bien été fait auprès du procureur de la République ?

M. Roger Vrand. Tout à fait, et dans les temps : le signalement est parti en même temps que le rapport, le 31 juillet ou le 1er août.

M. Paul Vannier, rapporteur. Qu’est-ce qui vous a conduits à séparer, parce que les faits en cause relèveraient du caractère propre, cette démarche de votre mission et de la rédaction du rapport, si bien qu’elle n’apparaît pas dans ce dernier ? Je crois que vous avez joué un rôle important dans cette décision, monsieur Allal.

M. Patrick Allal. Je rappelle que le rapport est extrêmement sévère pour Stanislas, et qu’il n’a pas été particulièrement bien accueilli par le chef d’établissement.

Pardonnez nos excès de rigueur juridique, mais il nous importait que ce rapport ne puisse pas être contesté, en particulier qu’on ne puisse pas nous reprocher d’être allés regarder des choses qui ne relevaient pas de nos compétences aux termes de la loi Debré – qui va bientôt fêter ses 65 ans – en dépit de toutes les ambiguïtés qu’elle comporte. Nous avons été très vigilants à ce sujet, et je ne peux que remercier M. Vrand d’avoir bien exercé son rôle et de nous avoir fait part de tous ses doutes.

Pour moi, cette affaire d’article 40 est un non-sujet, car le signalement a été fait. Je n’ai pas non plus le souvenir d’une réunion très tendue, dramatique, pendant laquelle M. Vrand se serait opposé à la mise en œuvre de l’article 40. Il posait des questions légitimes : ces propos tenus dans le cadre de la pastorale constituaient-ils une contravention ou un délit ? Dans le doute, et compte tenu de la gravité des faits, nous avons décidé d’appliquer l’article 40, laissant au procureur la charge d’apprécier s’il était confronté à une contravention ou à un délit.

Il est vrai que la mise en œuvre de l’article 40 suscite souvent des interrogations : nos collègues hésitent, considérant que certains faits sont à la limite de la légalité. Cela fait partie des discussions habituelles dans le cadre de la rédaction d’un rapport. Je rappelle que l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche fait à peu près une dizaine de signalements par an, ce qui est énorme – nous sommes la seule inspection générale à saisir le parquet aussi régulièrement. À chaque fois, c’est une décision mûrement réfléchie, d’ailleurs prise par la cheffe d’inspection : concrètement, il y a un accord, au sein de la mission, pour appliquer l’article 40.

Cette réflexion me paraît donc normale et je ne comprends pas pourquoi on la présente comme le reflet de réticences ou une volonté d’autocensure. Encore une fois, la preuve, c’est que l’article 40 a été mis en œuvre !

Si nous avons voulu dissocier le signalement du rapport, c’est tout simplement parce que l’important était que le catéchiste en question soit exfiltré de l’établissement, ce qui a été fait, et que le parquet soit saisi et puisse, le cas échéant, engager des poursuites. Nous ne voulions pas être accusés d’avoir exercé un contrôle sur la pastorale. On pourra nous objecter que c’était le rôle de la mission mais, comme je vous l’ai dit, nous avons la faiblesse de vouloir agir dans le cadre légal – c’est peut-être une fragilité de notre travail. À chaque fois que nous avons été confrontés au caractère propre, j’ai dit aux collègues que nous devions mettre la question de côté. Cela ne veut pas dire qu’on ne la traite pas : je le répète, nous avons fait un signalement sur le fondement de l’article 40, et nous avons aussi relevé, à juste titre, l’organisation beaucoup trop verticale de Stanislas, avec un chef d’établissement tout puissant et des préfets des études exerçant un rôle beaucoup trop important, en l’absence de conseillers pédagogiques. Tout cela, nous en avons discuté avec le directeur diocésain, en admettant que cela relevait de sa compétence mais en soulignant qu’il y avait un vrai souci et que Stanislas devait revoir son organisation. Cependant, nous n’avions pas le pouvoir d’imposer, ni même de recommander un conseil pédagogique – bien que nous l’ayons fait en dehors du cadre du rapport.

Sur l’ensemble de ces sujets, j’avoue que je comprends mal les critiques. Il est vrai que nous touchons là à l’ambiguïté de la loi Debré. Dans le cadre de l’éducation à la sexualité, les enseignants sont tenus d’expliquer aux élèves qu’en cas de grossesse non désirée, différentes possibilités existent, notamment celle de l’interruption volontaire de grossesse. Cela fait partie du volet pédagogique, qui est couvert par le contrat d’association avec l’État. Mais cela n’empêche pas l’établissement d’expliquer, dans le cadre d’activités pastorales – qui ne peuvent être obligatoires, et nous avons d’ailleurs souligné que cela posait problème à Stanislas –, qu’il est très mal de recourir à l’IVG. On peut dire que c’est un peu schizophrène, mais c’est la loi Debré ! Il se trouve que j’ai eu l’occasion de travailler et de réfléchir à ces contradictions, qu’il n’est pas toujours facile de concilier. Est-il normal que, dans un même établissement, l’IVG puisse être présentée comme une solution dans un cadre et comme une mauvaise action dans un autre ?

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous avez rappelé la nécessité de s’inscrire dans le cadre légal et évoqué à plusieurs reprises la loi Debré, mais cette dernière n’est fort heureusement pas la seule loi de la République qui s’applique aux établissements privés sous contrat. Ainsi, l’article L. 241-4 du code de l’éducation dispose : « L’inspection des établissements d’enseignement privés porte sur la moralité, l’hygiène, la salubrité et sur l’exécution des obligations imposées à ces établissements par le présent code. Elle ne peut porter sur l’enseignement que pour vérifier s’il n’est pas contraire à la morale, à la Constitution, aux lois et notamment à l’instruction obligatoire. » Or, quand on parle de thérapies de conversion, qu’on décrit l’homosexualité comme une maladie et qu’on remet en cause le droit à l’avortement, on s’inscrit pleinement dans un discours contraire à la Constitution et aux lois de la République. Je crois que l’Inspection générale est alors pleinement compétente pour relever cette infraction et la faire apparaître dans son rapport.

Cette discussion est très importante pour nous. Au nom du caractère propre, on considère parfois qu’une grande partie de ce que vous avez décrit ne relève pas des prérogatives de l’État, ne doit pas être traitée par les inspecteurs en mission et n’a donc pas à apparaître dans les rapports. Quelle est votre appréciation, en tant que coréférent de cette mission et inspecteurs généraux, de la façon dont l’article L. 241-4 du code de l’éducation s’applique ? Ne doit-il pas vous conduire à relever, y compris dans un rapport, des faits contraires à la Constitution et aux lois républicaines ?

M. Patrick Allal. Quand la mission a démarré, j’ai dit aux collègues, en tant que pilote puis que référent, qu’ils trouveraient ce qu’ils trouveraient et qu’il n’était pas question de s’autocensurer. Je rappelle que l’Inspection générale a eu l’occasion d’enquêter sur une secrétaire d’État en fonction, des recteurs ou des présidents d’université : dès lors que nous sommes saisis, nous trouvons ce que nous trouvons. Par contre, il y a le problème du caractère propre. J’ai dit aux collègues qu’ils ne devaient pas aller dans ce domaine, sauf, bien évidemment, s’ils constataient des atteintes aux valeurs de la République ou relevaient des éléments susceptibles de constituer un délit ou une infraction pénale. Je vous rejoins totalement sur ce point : dans de telles circonstances, le caractère propre tombe. Il n’est pas question, au nom du caractère propre, de tolérer certains propos, et c’est pourquoi la mission a mis en œuvre l’article 40.

Encore une fois, je souligne un aspect stratégique : nous tenions à ce que les choses soient très claires et que, justement, l’on ne s’embourbe pas dans des polémiques sur le caractère propre de la pastorale. Dans la mesure où ce catéchiste avait été démis de ses fonctions et où le parquet avait été saisi, ce que l’établissement savait, nous avons considéré qu’une mention dans le rapport n’apporterait rien. Pour nous, ce qui était important, c’était tout le reste. À la suite de la remise de notre rapport, et M. Gautier, le directeur, partant à la retraite, un groupe de travail a été mis en place, associant le rectorat, l’Inspection générale et la direction diocésaine, pour voir comment faire bouger Stanislas et sortir de cet « esprit Stan » qui, comme le souligne le rapport, nous paraissait particulièrement dangereux, sinon toxique.

M. Roger Vrand. J’ai bien compris les propos de M. le rapporteur concernant l’importance de l’article 40, mais je crains qu’il y ait une illusion d’optique sur le contenu même de notre rapport. Ce dernier va sans cesse au-delà des termes de la lettre de saisine, qui évoquait des articles de presse – nous pensons tous en particulier à un article de Mediapart sur « l’univers sexiste, homophobe et autoritaire de Stanislas » – et nous demandait d’aller voir ce qu’il en était dans les enseignements. La lettre de saisine était extrêmement circonscrite ; elle faisait implicitement référence à une lecture tout à fait stricte de la loi Debré, qui dispose, ou permet d’interpréter, que seuls les enseignements sont soumis au contrôle de l’État.

Pourtant, je l’ai dit, notre mission est sans cesse allée au-delà : nous avons bien entendu étudié et fait des observations sur les enseignements, mais nous avons aussi enquêté dans le champ relevant a priori du caractère propre, qui comporte me semble-t-il – je ne parle pas en juriste – deux cercles : celui de la vie scolaire d’abord – alors qu’il est impensable, dans l’enseignement public, de dissocier la vie scolaire des enseignements – puis, encore au-delà, celui de la catéchèse – dont je dirais, si j’osais refaire l’histoire, que nous ne nous serions peut-être pas mêlés, à tort ou à raison, si ces cours n’étaient pas obligatoires.

La lettre de saisine rédigée par le directeur de cabinet du ministre était donc extrêmement précise, mais nous savions que nous ne la respecterions pas – et pour cause : si nous voulions étudier la nature des phénomènes que l’on nous demandait d’examiner, nous devions aller du côté du projet éducatif, voire de la catéchèse, dès lors que cette dernière était obligatoire.

Cela ramène aussi à la question de l’élargissement du périmètre de la mission. Je le dis clairement et je l’assume : j’étais très naïvement convaincu que nous avions suffisamment à faire en nous en tenant aux termes de la saisine, qui permettaient d’évoquer la question du bien-être et de la protection des élèves – un sujet qui rentre pleinement dans le champ de vos travaux d’enquête –, pour ne pas aborder nécessairement des aspects financiers qui relevaient certes des compétences de l’Inspection générale, mais qui ne rentraient pas dans le cadre de la saisine et dont l’examen n’était pas motivé par des faits particuliers observés durant la mission.

Ainsi, je ne suis pas tout à fait d’accord avec Mme Boutet-Waïss. Si nous nous étions aventurés dans ce domaine, nous ne nous serions sans doute pas contentés d’indiquer le budget global de l’établissement, comme nous le faisons quand nous établissons sa fiche d’identité, au même titre que nous mentionnons le nombre d’élèves et de professeurs. Cela aurait justifié une étude extrêmement attentive, à la hauteur des exigences et de la rigueur de l’Inspection générale.

Or je rappelle que la lettre de saisine, datée de fin février, demandait une remise du rapport dans les deux mois. Même si ces délais ne sont jamais respectés, car ils sont bien souvent intenables, la remise du rapport aurait donc dû se faire fin avril. Il se trouve qu’à la suite de toute une série d’impondérables, la mission a effectivement commencé fin avril, et que la demande d’élargissement du périmètre de la mission est venue fin mai. Afin de préparer la présente audition, je me suis replongé dans le calendrier de nos travaux : les trois quarts des auditions ont été conduites courant juin. En fait, nous sommes restés deux mois dans l’établissement ou à côté, du 20 avril au 20 juin. Pour moi, il était donc tout à fait clair – et je le pense encore aujourd’hui – que nous avions bien assez de matière pour inspecter un établissement comme Stanislas, compte tenu de sa taille, des complexités dont nous venons de parler et des questions soulevées par les articles de presse.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Cette question est passionnante : nous allons nous y arrêter quelque temps, car nous sommes au cœur du sujet de cette audition.

Vous avez expliqué, monsieur Allal, que vous aviez décidé de ne pas mentionner dans le rapport le signalement adressé au parquet sur le fondement de l’article 40 parce que cela n’aurait pas été utile pour Stanislas, le catéchiste en question ayant été écarté de l’établissement. Nous pourrons discuter et réfléchir à cette question, M. Vannier et moi-même, en tant que corapporteurs. C’est un peu la même chose que de déposer une plainte lorsque l’infraction est prescrite. Nous nous intéressons aux violences systémiques : s’il a été possible qu’un catéchiste ait ce type de pratiques, quand bien même des élèves s’en seraient émus avant d’être entendus par votre mission d’inspection, c’est que le système ne permet pas que cela s’arrête. La publicité de la mise en œuvre de l’article 40 pourrait alors être utile, comme dans le cas de Bétharram, du village de Riaumont ou des établissements de Bretagne et d’ailleurs où sont dénoncées des violences systémiques. Au-delà de la question du caractère propre et de l’inclusion ou non de la vie scolaire, il est donc important pour notre commission de traiter ces sujets.

Monsieur Vrand, votre intervention montre qu’il vous arrive, pour plein de bonnes raisons, de pousser votre inspection plus loin que le caractère propre ne vous y autorise. Il y a toute une dimension humaine dans la mise en cause du cadre réglementaire de votre intervention. Nos discussions nous permettront de formuler des propositions sur ce cadre : c’est en cela qu’elles sont utiles, au-delà de vos témoignages.

Mme Françoise Boutet-Waïss. Nous parlons beaucoup du caractère propre, et je pense qu’il faut vraiment régler cette question. J’aimerais donc vous lire un extrait des notes que j’ai prises lorsque nous avons rencontré le directeur diocésain : « Le caractère propre a été inventé pour dire quelque chose de ténu. L’établissement a le droit d’enseigner ce qui lui est spécifique. Il est appelé à teinter l’ensemble de l’établissement. Il a une dimension transversale. Je me bats contre les établissements qui me présentent un projet éducatif d’un côté et un projet de la pastorale de l’autre. Je me garderais de tracer le caractère propre dans l’espace ou sur le plan juridique. »

Ce n’était pas l’objet de notre rapport, qui était une enquête administrative, mais il y a donc de vraies questions à se poser sur le caractère propre, que se pose le directeur diocésain lui-même.

S’agissant de l’élargissement du périmètre de l’enquête aux aspects financiers, j’ai écouté l’audition de M. Pap Ndiaye, qui est à l’origine de la saisine, par votre commission. Il a clairement dit que, s’il avait été saisi d’une telle demande, il l’aurait approuvée. Du reste, le code de l’éducation donne à l’Inspection générale toute possibilité d’étudier cet aspect. Il n’était pas question de mener un contrôle financier et comptable, mais de caractériser l’établissement. Eu égard à mes compétences, il m’aurait été très facile de détecter, à la lecture des documents budgétaires et financiers, un certain nombre de choses. J’aurais ainsi pu vérifier que, conformément à la loi, la pastorale n’était pas financée par des fonds publics – mais je n’en sais rien, puisque nous n’avons pas pu mener ce travail.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame Boutet-Waïss, vous avez dit que vous aviez reçu un SMS par erreur et que vous vous sentiez surveillée. Par qui ?

Mme Françoise Boutet-Waïss. Je ne sais pas. Cela a été très désagréable. Après avoir échangé avec M. Vrand, j’ai reçu un SMS qu’il voulait apparemment envoyer à quelqu’un d’autre. Je ne porte aucun jugement. Je n’ai pas la réponse à votre question, madame la présidente.

M. Roger Vrand. Bien que cela ne soit pas particulièrement agréable pour moi, je vais répondre à cette question, sous serment. Il ne s’agissait pas d’un SMS de connivence, adressé à M. Allal, mais d’un message personnel, destiné à mon épouse, à qui je faisais part de la pression que je ressentais après que ce sujet était revenu dans les discussions au sein de la mission. C’était donc une erreur stupide, très fâcheuse, dont je me suis excusé sur le moment auprès de Mme Boutet-Waïss. On peut en penser ce qu’on veut – je ne suis pas particulièrement heureux de devoir faire cette déclaration devant une commission d’enquête parlementaire, et je prie une nouvelle fois Mme Boutet-Waïss de bien vouloir m’excuser – mais il faut écarter l’hypothèse d’une connivence particulière avec qui que ce soit.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vais maintenant vous poser, à tous les cinq, une question à laquelle vous pourrez répondre par oui ou par non. Est-il déjà arrivé, lors de vos inspections ou de vos enquêtes administratives, que le référent ou le coréférent soit en même temps le relecteur ?

Mme Françoise Boutet-Waïss. Non. Dans les missions que j’ai faites, il y avait un référent et un relecteur.

Mme Annie Dyckmans-Rozinski. Je fouille dans ma mémoire, mais je n’en ai plus souvenir. Je ne me rappelle plus du tout comment les enquêtes étaient organisées, mais je pense qu’il y avait plutôt un relecteur et un référent.

M. Roger Vrand. Je fais la même réponse que mes collègues. D’après mon expérience et mes souvenirs, il y avait plutôt un référent et un relecteur.

M. Bruno Jeauffroy. Même réponse : en principe, le référent et le relecteur sont différents.

M. Patrick Allal. En principe, ils sont différents, mais il peut aussi arriver, comme c’était le cas dans cette inspection, qu’il s’agisse de la même personne.

Permettez-moi de vous rappeler le contexte très particulier de cette mission. Je devais être pilote, puis j’ai accepté d’être référent. En parallèle, j’effectuais un tuilage avec Mme Gillard, qui m’a succédé en tant que responsable du pôle affaires juridiques et contrôle. Il est vrai qu’il a pu y avoir une confusion, mais très sincèrement, je ne vois vraiment pas en quoi cela aurait pu être préjudiciable.

Si vous me le permettez, j’aimerais développer la théorie de la pelote de laine, chère à l’Inspection générale. N’ayant pas le pouvoir de nous autosaisir – ce qu’on peut regretter et qui peut en tout cas se discuter –, nous sommes liés par la lettre de mission, plus ou moins bien écrite, plus ou moins large. M. Vrand a rappelé qu’en l’occurrence, elle était extrêmement restrictive.

Je vais prendre un exemple qui n’a rien à voir. Imaginez que vous êtes missionné pour enquêter sur le harcèlement moral dont se rendrait coupable un chef d’établissement, mais qu’à cette occasion, vous découvrez un problème de harcèlement sexuel de la part de son adjoint. Ayant pour mission de mener des investigations au niveau de la direction de l’établissement, vous allez bien évidemment enquêter sur cet aspect sans demander de nouvelle saisine. Imaginez, par contre, que vous appreniez que le secrétaire général de l’établissement se prête à des malversations financières. Ce n’est plus du tout le même sujet : vous allez donc vous arrêter et demander au cabinet soit une extension de votre mission, soit le déclenchement d’une seconde mission, distincte de la première, qui ne portera que sur d’éventuelles malversations financières commises au sein de l’établissement.

Quand on fait une mission de contrôle, sans a priori, pour s’assurer que tout va bien, et que l’on découvre des faits susceptibles de justifier une enquête administrative, alors on suspend la mission de contrôle et on démarre une enquête administrative. Nous essayons toujours de trouver la réponse la plus pertinente, compte tenu du fait que nous ne pouvons pas nous autosaisir mais que nous ne pouvons pas non plus rester strictement liés par la lettre de saisine, plus ou moins large, plus ou moins bien rédigée.

Cette théorie de la pelote de laine marche plutôt bien. Je crois que, dans l’ensemble, les collègues en sont satisfaits.

Dans le cas de Stanislas, dans la mesure où aucun élément ne permettait de soupçonner un détournement du forfait d’externat versé par la région ou l’État, il n’y avait pas de raison d’engager des investigations sur le volet financier.

M. Paul Vannier, rapporteur. Cette théorie de la pelote de laine est intéressante, de même que la question du pouvoir d’autosaisine, mais cela ne répond pas précisément à la question posée par la présidente. Avez-vous d’autres exemples d’enquêtes administratives dans lesquelles le référent était aussi le relecteur ? C’est manifestement une situation absolument exceptionnelle.

M. Patrick Allal. Non, pas exceptionnelle. Il m’est arrivé à plusieurs reprises d’être à la fois référent et relecteur. D’une part, il faut trouver un référent qui ait une expertise dont on ne dispose pas toujours forcément en interne. D’autre part, le caractère urgent ou délicat d’une mission a pu m’amener à exercer en même temps les deux fonctions. Ce n’est pas la règle, mais il n’est pas non plus exceptionnel que le relecteur soit également le référent. Dans ce cas, c’est le responsable du pôle rapports ou d’un pôle thématique qui joue ce double rôle.

M. Paul Vannier, rapporteur. Nous sommes preneurs d’exemples de situations analogues. Puisque vous dites avoir fréquemment rencontré ce cas de figure, vous nous adresserez les saisines qui vous ont conduit à être à la fois référent et relecteur d’un rapport. Nous pourrons ainsi vérifier que cette pratique ne concerne pas que l’enquête administrative sur Stanislas.

J’aimerais poser une dernière question sur la possibilité de mener un contrôle financier – même si Mme Boutet-Waïss ne proposait pas un audit budgétaire très approfondi – et sur votre lecture de la lettre de saisine. Vous avez indiqué, monsieur Vrand, que la conduite de la mission impliquait un élargissement de fait du périmètre de la saisine, parce que les inspecteurs mènent une enquête et cherchent des réponses. Pourtant, M. Allal et vous-même avez opposé un refus à la demande d’enquêter de ce côté-là, sans aller trop loin, pour « caractériser la structure », étant entendu que le ministre de l’époque, M. Pap Ndiaye, a affirmé sous serment qu’il n’était pas opposé à cette demande et qu’il n’avait jamais été sollicité à ce sujet. J’aimerais comprendre le fonctionnement de l’Inspection générale. Est-ce bien la responsabilité du référent de s’opposer, le cas échéant, à la proposition ou à la suggestion d’un ou d’une membre de la mission d’enquêter sur tel ou tel aspect du fonctionnement de l’établissement contrôlé ?

M. Roger Vrand. Pour moi, oui – ou de faire remonter la demande jusqu’à la cheffe de l’Inspection générale. Je ne m’appuie pas sur une expérience particulière, mais autant que je connaisse les procédures, c’est elle qui peut se tourner vers le cabinet pour demander une modification de la saisine.

J’ai été très surpris par les propos de M. Pap Ndiaye, car la lettre de saisine signée par son directeur de cabinet comprenait des termes très restrictifs, pesés au trébuchet, indiquant bien que l’enquête devait porter sur les enseignements. Quand on lit ce courrier, on est loin de se douter que nous aurions dû demander une modification de la saisine afin d’inclure dans l’enquête des aspects financiers ! Mais je confesse que cet exercice intellectuel est peut-être un peu loin de mes capacités.

M. Paul Vannier, rapporteur. C’est donc la cheffe de l’Inspection générale qui aurait dû être saisie d’une telle demande. Monsieur Vrand, monsieur Allal, avez-vous donc sollicité Mme Caroline Pascal pour savoir s’il fallait intégrer ou non ces aspects financiers dans votre enquête ?

M. Patrick Allal. J’ai bien évidemment évoqué la question avec la cheffe de service, mais pour moi, il n’y avait pas de sujet. Si l’on commence, lors d’une mission, à avoir envie d’enquêter sur tel ou tel aspect, en l’absence de toute suspicion ou de tout témoignage qui nous y incite, alors on bascule dans « autre chose ». Par ailleurs, comme l’a dit M. Vrand, la mission sur Stanislas était tellement « riche » que nous n’avions pas besoin d’ajouter à notre enquête administrative un éventuel contrôle des finances de l’établissement. Encore une fois, pour nous, il n’y avait pas de sujet.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. J’en viens à la transmission du rapport et aux échanges entre les membres de la mission, la direction de la mission et les étages supérieurs.

Madame Boutet-Waïss, vous avez affirmé avoir réclamé à trois reprises la lettre de transmission du rapport, qui fait office de conclusion officielle du rapport. Vous avez fini par l’obtenir, mais de ce que nous avons compris dans les témoignages que votre collègue de la mission et vous-mêmes nous avez adressés, des paragraphes en avaient été modifiés ou supprimés selon les versions de la lettre.

Pouvez-vous nous dire exactement comment les choses se sont passées ? Je poserai ensuite la question à vos collègues membres de la mission, avant d’interroger les responsables.

Mme Françoise Boutet-Waïss. Comme je vous l’ai dit, en principe, c’est le pilote de la mission qui rédige le projet de lettre de transmission, même s’il peut confier cette tâche à un autre membre de la mission en cas d’urgence sur un autre dossier. C’est un travail collégial, et la procédure normale prévoit que le pilote partage ce projet de lettre avec les membres de la mission. Normalement, on n’a pas à la réclamer, le pilote doit l’envoyer.

Mais nous étions le 31 juillet, et nous ne l’avions toujours pas. Je l’ai donc réclamée, trois fois, à la suite de quoi nous avons obtenu le projet. J’ai demandé si la cheffe du service avait apporté des modifications au rapport – en relisant, elle aurait pu modifier quelque chose qui, pour une raison ou une autre, ne lui convenait pas : cela arrive, il n’y a pas de souci, on s’en explique ; cela fait partie du travail de l’Inspection générale. Il se trouve qu’elle avait modifié à la marge quelques titres de paragraphes, mais rien sur le contenu, que j’assume complètement. D’ailleurs, je partage l’avis de M. Allal : ce rapport est tout sauf complaisant, je le trouve même sévère.

Je n’avais rien à dire sur le projet de lettre de transmission, quand on a fini par l’avoir. Il me convenait : l’article 40 était signalé, la synthèse du rapport apparaissait bien dans les différents paragraphes. Je ne me suis donc pas manifestée. Si je n’avais pas été d’accord avec un passage, je l’aurais dit.

Mais en replongeant dans le dossier, je me suis aperçue que nous n’avions pas eu la bonne version. J’aurais réagi si j’avais eu la version définitive, celle transmise au ministre.

Lorsque j’ai reçu la lettre adressée par Mme Dominique Marchand, actuelle cheffe de l’Inspection générale, aux membres de la mission pour les interroger sur un sujet que vous aviez soulevé en commission, lettre dans laquelle elle réaffirmait l’indépendance des inspecteurs généraux, j’ai échangé avec M. Jeauffroy et Mme Dyckmans-Rozinski. C’est à ce moment-là, je le dis sous serment, que j’ai découvert la version qui avait été envoyée au ministre le 2 août.

Vous pourriez me reprocher d’avoir mis deux ans à m’apercevoir que nous n’avions pas eu la bonne version de la lettre. Mais malgré des tensions entre les membres de la mission – parfois, ç’a été rude –, je tiens à souligner le climat de confiance qui régnait entre nous. Quand on arrive au rapport finalisé, la confiance règne, la défiance n’est pas de mise, et je n’ai relu ni le rapport ni la lettre de transmission adressés au ministre. J’ai découvert la version finale en échangeant avec M. Jeauffroy, qui m’a signalé que la lettre figurait sur le site du diocèse de Paris – je n’étais même pas allée voir. Mais sur le site du diocèse, il n’y a en réalité qu’une partie du paragraphe ajouté – c’est un élément important.

Je ne sais pas si le paragraphe a été ajouté au projet ou s’il a été enlevé dans la première version qui nous a été transmise ; toujours est-il que si j’en avais eu connaissance, je n’aurais jamais accepté de signer le rapport – ce que je n’ai pas fait mais pour une autre raison, formelle. Je le réaffirme sous serment.

M. Paul Vannier, rapporteur. Pour que tout le monde comprenne bien, pouvez-vous nous indiquer ce que contenait le paragraphe qui, selon vous, a été ajouté à la lettre de transmission sans que vous vous en aperceviez à l’époque ?

Mme Françoise Boutet-Waïss. « Au terme de la mission, l’équipe ne confirme pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme mis en avant par les articles de presse. » C’est faux, le rapport dit tout le contraire. Je ne comprends pas.

Le paragraphe dit également que « l’esprit Stan » peut favoriser de telles dérives et qu’à l’occasion du départ du directeur, M. Gautier, un changement de direction pourra faire le plus grand bien pour dépoussiérer « l’esprit Stan » et revoir les règles de l’établissement. Mais le diocèse parisien n’a communiqué sur son site que les trois premières lignes, sur le fait que l’équipe ne confirme pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme. Je fais partie de l’équipe et je ne suis pas d’accord ! Mais je n’ai découvert ce paragraphe que fin avril 2025.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. La lettre de transmission est un élément clé, car c’est souvent ce qui est lu par le ministre, comme nous l’avons appris avec l’affaire Bétharram. Le rapport fait des dizaines de pages, avec des témoignages. Souvent, le ministre se contente de la lettre de transmission. C’est en tout cas le document sur lequel il s’appuie pour communiquer.

M. Paul Vannier, rapporteur. Monsieur Vrand, est-ce vous qui avez écrit ce paragraphe qui dédouane l’établissement Stanislas alors même que le rapport le concernant est accablant, comme vous l’avez souligné ?

M. Roger Vrand. Non, ce n’est pas moi. Je peux néanmoins apporter quelques précisions, et je tiens tous les mails à disposition de la commission d’enquête.

Certes, la lettre de transmission m’a été réclamée trois fois. Il y a d’abord eu un malentendu : je pensais que l’on me demandait la lettre définitive, et je n’ai donc pas répondu à cette demande – dont acte. La première demande date du 31 juillet à 18 h 22 ; le 1er août à 12 h 48, j’ai envoyé le projet que j’avais transmis en tant que pilote, validé par la référente et le relecteur – il avait fallu déplacer un paragraphe par rapport à une version antérieure : une modification sans importance.

Le projet de lettre m’a donc été demandé trois fois dans ce laps de temps, nuit comprise ! À cette période, les mails s’enchaînent. Après avoir cru que ma collègue me demandait la lettre modifiée – c’est très important, j’y reviendrai –, je lui transmets donc le projet de lettre que j’ai rédigé en respectant scrupuleusement l’esprit et la lettre du rapport, ce qui explique d’ailleurs que je n’ai pas eu trop de demandes de modifications, même si je n’oublie pas que ma collègue Annie Dyckmans-Rozinski aurait souhaité quelques lignes supplémentaires sur l’impact sur la santé des élèves. Je ne transmets donc rien d’expurgé, comme j’ai pu le lire : ce serait un acte d’une nature que je préfère ne pas qualifier. D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’il y a eu un ajout que quelque chose a nécessairement été expurgé du texte initial. J’ai envoyé le projet tel qu’il a été envoyé à la cheffe de l’Inspection, et qui avait été, je le répète, validé par la référente et le relecteur.

C’est un peu comme la lettre volée d’Edgar Poe : tout le monde l’a sous les yeux et personne ne la voit. En l’espèce, il est question de cette lettre de transmission modifiée par la cheffe de l’Inspection dans tout un échange de mails, dont mes collègues sont en copie. La chronologie est un peu inversée, car ces échanges sont intervenus avant que je ne transmette mon projet aux collègues, ce qui a pu, je veux bien l’admettre, prêter à confusion.

Quoi qu’il en soit, dès le 31 juillet, j’envoie un mail à la section des rapports, en mettant en copie mes collègues de la mission et les référents, dans lequel je précise que la référente leur fera parvenir la lettre de transmission modifiée par la cheffe de l’Inspection générale – je n’y cite aucun nom propre, seulement des prénoms. C’est là que Mme Boutet-Waïss, qui veut légitimement être informée, répond : « Peut-on avoir connaissance de la lettre de transmission que tu as préparée pour [la cheffe de l’Inspection] et qu’elle a modifiée ? » C’est là que j’ai cru qu’elle souhaitait avoir la version définitive, modifiée, et que je n’ai pas répondu. Ce qui fait effectivement qu’une de ses trois demandes est restée sans réponse.

Mais personne alors ne connaît le contenu de la modification et la teneur de la lettre modifiée.

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous dites que ce n’est pas vous qui avez ajouté ce paragraphe. Ce que je comprends, quand vous évoquez à plusieurs reprises l’intervention de la cheffe de l’Inspection générale, Caroline Pascal, c’est que c’est elle qui a ajouté ce paragraphe dans la lettre adressée au ministre, qui porte sa signature.

M. Roger Vrand. Lorsqu’elle me renvoie le rapport, la cheffe de l’Inspection générale me dit que la lettre modifiée sera transmise directement par la référente à la section des rapports. J’ai transmis cette information à l’ensemble des collègues de la mission, dans le mail que je vous ai cité. Je n’étais plus dans la boucle de transmission de la dernière version, que je ne possédais pas.

M. Paul Vannier, rapporteur. C’est très important, parce que cette lettre de transmission vaut synthèse et conclusion officielle du rapport. C’est ce que lit le ministre, qui ne va pas lire les dizaines de pages du rapport.

Ce dernier paragraphe n’a été rédigé par aucun des membres de la mission, pas même le pilote : il a été ajouté au moment de la transmission par la cheffe de l’Inspection générale, Caroline Pascal. Or il est décisif, parce qu’il blanchit l’établissement au nom de l’équipe d’inspecteurs – « Au terme de la mission, l’équipe ne confirme pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme. » Or tout le rapport confirme des faits d’homophobie, d’autoritarisme et de sexisme.

Cette description pose la question de la responsabilité directe de la cheffe de l’Inspection générale et, plus largement, celle de l’indépendance des inspecteurs et de la place du chef de l’Inspection générale dans le processus d’élaboration et de transmission des rapports. C’est donc un point très important.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Monsieur Vrand, vous venez d’expliquer que la lettre de transmission devait être transmise directement. Pourquoi à ce moment-là, en tant que pilote, ne demandez-vous pas à avoir la lettre modifiée ? Il faut se remettre dans le contexte, la pression médiatique était forte. Vos collègues ont souligné le climat de confiance qui régnait entre vous. Est-ce cette même confiance qui a vous a fait oublier de demander la lettre modifiée ?

M. Roger Vrand. Mais je l’ai eue, la lettre modifiée. J’étais en copie de l’envoi, par la section des rapports, du rapport et de la lettre de transmission définitive au cabinet du ministre. Ce devait être le 1er août. Et immédiatement – dans les heures qui suivent, ou le lendemain –, j’ai transféré ce message à mes collègues, avec le rapport et la lettre définitive. Il se trouve que dans ce message, on parle aussi d’autres choses : j’explique que comme nos mails se sont croisés, la demande d’ajout d’Annie Dyckmans-Rozinski sur la question de la santé des élèves n’a pas pu être prise en compte. Et nous échangeons à propos de l’article du Monde sur Stanislas qui venait justement de sortir, et que nous voulions tous lire mais auquel nous n’avions pas accès, surtout à cette période de l’année.

Je tiens tous nos échanges de mails à votre disposition. Mes collègues, je le répète, étaient alertés de la modification du projet que je leur avais « finalement » adressé, pour parler en adoptant leur point de vue. Et je leur avais transmis le courrier définitif et le rapport. C’était le 2 août, à 9 h 16 puis 11 h 34.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Vous avez transmis ces documents, et vos collègues ont expliqué qu’elles n’avaient pas vu le paragraphe ajouté. Mais vous, lorsque vous avez reçu la lettre modifiée, l’avez-vous lue ? Avez-vous vu qu’un paragraphe avait été ajouté ? Si oui, quelle a été votre réaction ?

M. Roger Vrand. Je pense que je l’ai vu, et que je me suis dit que c’était un peu en décalage par rapport au reste de la lettre. Mais le lendemain, le 3 août, nous avons reçu un message de la cheffe de l’Inspection générale, disant qu’elle avait fait le compte rendu du rapport au ministre. Elle rappelait les points essentiels du rapport et disait en conclusion que les points soulevés – nous n’en avons par parlé, mais nous avions formulé toute une série de préconisations – donneraient lieu à un contrôle renforcé de l’autorité académique et de l’autorité diocésaine, qui a un rôle dans l’évolution du projet éducatif de l’établissement et dans le processus de recrutement du chef d’établissement.

Tout cela remettait en perspective ce paragraphe. À ce moment-là, j’étais loin d’imaginer que six mois plus tard, en janvier 2024, la direction diocésaine – ou plus probablement le directeur de Stanislas –, utiliserait la lettre et sortirait cette phrase de son contexte. Nous étions le 2 août, nous n’étions pas censés partir en vacances tant que le rapport n’était pas terminé et nous étions soulagés d’avoir achevé ce travail qui nous avait pris un certain temps. Et le retour sur le point fait avec le ministre, dont mes collègues étaient directement en copie, récapitulait bien les différents éléments du rapport.

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous avez raison de rappeler que le rapport formulait des préconisations. Nous aborderons plus tard la question de leur suivi.

Quand on lit la conclusion, on peut comprendre l’usage qui a été fait du rapport. Il est évident que si la conclusion de la lettre de transmission avait caractérisé l’établissement Stanislas comme un établissement homophobe, sexiste et autoritaire, il y a fort à penser que le rapport aurait emporté d’autres conséquences pour l’établissement que le seul suivi des recommandations de l’Inspection générale. La tonalité donnée à la conclusion par la cheffe de l’Inspection générale est donc un des enjeux.

Je voudrais revenir sur votre méthode de travail, car il semble y avoir un décalage, voire une contradiction, entre le contenu, précis et détaillé, des très nombreux procès-verbaux d’audition d’élèves et de parents d’élèves – vous avez mené une centaine d’auditions – et leur restitution dans le rapport. Alors que 17 % des procès-verbaux décrivent des faits d’homophobie et de violences homophobes, un seul passage du rapport, page 23, aborde le sujet, citant les propos d’un élève. Je lis : « Je n’ai pas eu connaissance d’homophobie […] Je connais des gens homosexuels dans ma promo, ils ne sont pas embêtés. » L’homophobie y est décrite comme étant plutôt tendancielle et liée à une époque passée, celle de la Manif pour tous, soit plus de dix ans avant la mission.

Mme Annie Dyckmans-Rozinski. Si j’ai bien compris, vous pensez que le contenu du rapport est en deçà de ce que les témoignages pourraient laisser supposer.

Trois passages du rapport font état de propos homophobes : nous avons donc bien rendu compte de leur existence. Si l’homophobie avait été systémique, nous aurions été sous le coup de la loi du matin au soir ! Ce n’était pas le cas. Nous en avons constaté, ce qui nous a d’ailleurs amenés à faire le signalement, mais nous n’avons pas parlé d’homophobie institutionnelle. En revanche, il y avait une très nette dérive de la masculinité, exacerbée, mise en valeur par « l’esprit Stan ». Cela donne lieu à des interpellations entre garçons et à des propos que l’on pourrait juger homophobes, ou axés sur la virilité. Mais ce que nous avons trouvé vraiment très grave, c’est ce qui a fait l’objet de l’article 40.

Une deuxième chose, qui n’apparaît pas dans les PV, doit être prise en compte : la terreur de certains témoins – et je pèse mes mots – qui demandent à être entendus hors de l’établissement, que ce soit dans le cadre de l’enquête sur Stanislas ou d’enquêtes sur d’autres établissements. J’ai eu à suivre des affaires de violences sexuelles et sexistes dans lesquelles les jeunes femmes refusaient absolument de témoigner dans l’enceinte de l’établissement. Dans ce cas, on dépayse.

En l’espèce, nous avons eu le témoignage d’un salarié – ce n’est pas aujourd’hui que je romprai l’anonymat – qui était tellement terrorisé qu’il nous a écrit en utilisant un pseudonyme pour s’assurer que ses propos ne seraient pas rapportés, car il avait peur de perdre son emploi. Il dénonçait des faits d’homophobie graves dans les propos qu’il avait entendus. Je tiens toutes les pièces à votre disposition.

Là se pose un cas de conscience : prenons-nous la responsabilité de rapporter un témoignage qui risque de mettre son auteur en difficulté si son nom est divulgué lorsque le rapport sera rendu public ? Le risque de représailles, de mise à l’écart d’un enseignant, de ralentissement de sa carrière – il y a bien des moyens de faire pression – empêche la libération de la parole : ne parlent que ceux qui en ont le courage. Je ne suis pas juriste, mais je plaide pour une forme légale de protection et de suivi des victimes et lanceurs d’alerte qui ont eu le courage de témoigner. Cela fait partie de mes recommandations. Aujourd’hui, lorsque l’on explique aux témoins qu’on ne peut pas garantir leur anonymat, certains refusent de témoigner. Quant aux autres, ils sont livrés à eux-mêmes, seuls face aux conséquences de leur témoignage ! Il faut absolument renforcer leur protection. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais ce cas de conscience est une dimension très importante.

Mme Françoise Boutet-Waïss. Trois passages dans le rapport font état d’homophobie caractérisée. Quant au signalement au titre de l’article 40, ce n’est pas un détail. Il ne concernait pas que des faits d’homophobie, mais c’était le sujet principal. Comme l’a expliqué ma collègue, la masculinité est particulièrement mise en avant dans cet établissement qui, historiquement, n’accueillait que des garçons. Il continue d’ailleurs de leur accorder une place privilégiée et la mixité ne s’y met en place que péniblement – cela renvoie aussi au sexisme de l’établissement.

Un autre passage très important explique qu’un encadrant a tout fait pour exclure de l’établissement une élève très brillante, qui y avait effectué toute sa scolarité depuis le primaire, au motif qu’elle n’avait pas « l’esprit Stan ». Elle avait en effet arboré ce qui était taxé de « pull LGBT » – en l’espèce, un pull rayé. C’est un acte d’homophobie caractérisée, qui a valu à cette élève une exclusion brutale de l’établissement à la fin de la première, ce qu’elle a vécu très douloureusement. L’établissement a donc privilégié « l’esprit Stan » sur une élève très brillante, qui figurait parmi les trois meilleurs élèves de sa classe et qui aurait peut-être intégré une classe préparatoire à Stanislas.

Il y a donc trois passages sur l’homophobie dans le rapport, et pas des moindres.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. La manière dont l’inspection a été conduite est au cœur de nos préoccupations, et nous sommes preneurs de tous les documents, témoignages et recommandations que vous nous fournirez.

M. Bruno Jeauffroy. Je me suis attelé à compter les occurrences des mots « homosexuel », « homosexualité », « homophobie » et « homophobe » dans notre rapport. Les deux premiers sont au nombre de onze, les deux suivants au nombre de treize – pas toujours à charge, évidemment.

J’appelle en particulier votre attention sur les paragraphes 2.5.2, à la page 9, et 4.4.4, en bas de la page 23.

Le premier reprend l’idée de l’article 40, sans le citer expressément : il ne s’agit donc pas de faits passés, comme il peut en être fait mention à d’autres endroits du rapport – le passé en question ne remontant parfois pas à plus d’un ou deux ans – mais bien de faits survenus en mai 2023, en plein milieu de la mission.

Le second se termine par une recommandation, peut-être un peu trop subtilement rédigée, qui préconise de « travailler à une évolution du projet éducatif et des règles de vie, notamment relatives à la tenue vestimentaire, afin de renforcer, conformément aux valeurs de la République, l’égalité filles-garçons et le respect des différences au sein de l’établissement ». Les mots « homophobie » et « racisme » n’apparaissent certes pas dans cette phrase, mais c’est bien ce qui est visé, même si c’est un peu subliminal.

Je confirme ce qu’ont dit tous mes collègues : ce rapport est sévère, c’est un rapport à charge sur bien des points. Nous n’avons pas parlé des aspects pédagogiques, qui apparaissent peut-être moins graves dans l’affaire, mais beaucoup d’entre eux sont aussi clairement dénoncés dans le rapport.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. L’appréciation de la gravité d’une violence, qu’elle soit psychologique, physique, sexuelle ou discriminatoire, appartient à chacun. Mais on sait qu’il s’agit d’un engrenage, et l’objet de notre commission est aussi de ne pas oublier les jeunes, les enfants qui sont victimes de violences psychologiques et d’atteintes à leur intimité et leur intégrité et qui en gardent une grande fragilité pour le reste de leur vie.

Ma dernière question porte sur le suivi du rapport et de ses recommandations, même s’il est assez récent. Il met en lumière un sujet essentiel, celui des manquements qui perdurent depuis parfois des dizaines d’années, malgré les changements de ministre et de politique du ministère de l’éducation.

Nous avons reçu un mail d’un inspecteur de l’IGESR, qui n’est pas membre de votre mission mais qui a mené en octobre 2024 une réunion avec la directrice de l’académie de Paris, le doyen des IA-IPR (inspecteurs académiques-inspecteurs pédagogique régionaux) de l’académie de Paris, l’IA-IPR d’économie-gestion chargé du contrôle des établissements d’enseignement privé, le directeur diocésain et l’actuel directeur de Stanislas, pour favoriser un échange constructif autour du suivi des recommandations de votre rapport. Je note au passage qu’on est un peu loin d’une réunion en préfecture au sujet du maintien du contrat, mais c’est un autre sujet.

Il me semble que la participation de l’IGESR et de l’IA-IPR au suivi, qui devrait se produire à chaque fois, est exceptionnelle. Selon vous, quelles sont les bonnes modalités de suivi d’un rapport émis par votre service ? Estimez-vous que vous devriez être associés au suivi ?

M. Roger Vrand. Je vais être factuel. Sans en majorer les mérites, le rapport insiste vraiment sur la nécessité de mener des contrôles. C’est tout l’objet des préconisations, ce qui n’était pas si habituel il y a deux ans – il faut remettre les choses dans leur contexte. Quand nous avions entendu les IA-IPR qui allaient à Stanislas, nous avions bien senti qu’ils y allaient en catimini. Ils se rendaient d’ailleurs directement dans la classe. Il faut donc plus de contrôle : c’est vraiment le message que fait passer le rapport, du moins on l’espère.

Il se trouve que je suis parti à la retraite le 1er août 2024, donc je n’étais plus en poste lors de la réunion d’octobre. Mais – et je parle sous le contrôle de mon collègue Jeauffroy – nous avions déjà eu une réunion par visioconférence avec l’académie de Paris en février ou mars 2024 pour l’aider à mettre en place les modalités de contrôle de Stanislas que nous avions préconisées dans le rapport et appeler leur attention sur les points sensibles, notamment le caractère facultatif de la catéchèse, sans entrer dans des faux-semblants ou des discussions subtiles entre ce qui relève de la catéchèse, du cours d’instruction religieuse ou du cours de culture générale sur les religions. Cette réunion a lancé les travaux.

Je crois savoir que des collègues ont accompagné les travaux de l’académie de Paris dans la mise en place de ce contrôle. Engagé sur une autre mission très prenante, je n’étais pas disponible pour cela, mais il me semble que Patrick Allal y a participé – il faudrait vérifier, je ne voudrais pas dire de bêtise.

Encore une fois, telles que les choses sont rédigées, ce contrôle empiète sur la stricte ligne de démarcation entre les enseignements – on est dans la classe, la porte est fermée, c’est de ma compétence – et ce qui se passe autour. Reste à voir comment c’est véritablement possible pour des inspecteurs régionaux.

Car c’est bien là toute la difficulté : en réalité, le caractère propre touche forcément à la vie scolaire d’un établissement. Or cette notion de vie scolaire n’avait probablement pas la même signification ni la même dimension en 1959, lorsque le législateur a adopté la loi Debré, qu’aujourd’hui – et même depuis trente ou quarante ans. Les termes officiels sont peut-être un peu feutrés, mais il s’agit de tout ce qui peut contribuer, dans des actions éducatives qui se font en dehors des programmes et en dehors de la classe, au respect des différences, ce qui recouvre la prévention des discriminations de toute nature, donc notamment les discriminations homophobes. C’est bien ce qui est visé par les préconisations du rapport.

M. Patrick Allal. Je voudrais revenir rapidement sur la lettre de transmission. Le rapport, rien que le rapport : à l’Inspection générale, par principe, un rapport ne peut pas être modifié ou réécrit de quelque façon que ce soit sans l’accord des membres de la mission. La lettre de transmission, c’est différent : c’est une prérogative de la cheffe de service, qui transmet le rapport au cabinet. En interne, nous avons eu de longues discussions : fait-on un bordereau de transmission en envoyant le rapport brut, l’accompagne-t-on d’une forme de synthèse ?

Dans le rapport lui-même, mes collègues l’ont rappelé, il n’y a ni synthèse, ni conclusion, car nous craignons beaucoup l’effet loupe, c’est-à-dire ce qui se produit quand une phrase est sortie de son contexte. La situation d’aujourd’hui en est une illustration.

Deux ajouts ont été faits au canevas élaboré par le pilote de la mission : un pour rappeler que la loi Debré interdit formellement que la catéchèse soit obligatoire, le second pour constater qu’il n’y avait pas eu de faits.

Là, franchement, l’utilisation faite par le chef d’établissement de Stanislas de cette deuxième phrase a été très malhonnête. Il a pris la phrase telle quelle, il a extrait uniquement ces trois lignes pour dire qu’il n’y avait pas eu de faits. Mais quand on lit toute la lettre, il n’y a aucune ambiguïté. La cheffe de l’Inspection y répondait clairement à la saisine, c’est-à-dire aux accusations très graves relayées dans la presse, par Mediapart et L’Express. Encore une fois, le rapport – le seul document qui fasse foi et qui ait une valeur juridique – ne contient ni conclusion, ni synthèse. Oui, il y a eu un ajout, oui, il a été fait par la cheffe du service, pour répondre à une préoccupation du cabinet par rapport à la saisine initiale. Mais quand on la lit en entier, la lettre est fidèle au rapport. Pour moi, il n’y a pas eu de dénaturation.

Comment M. Gautier a-t-il récupéré cette lettre, qu’il n’aurait jamais dû avoir ? Je pense que c’est par la direction diocésaine. Il n’est pas illogique que cette dernière l’ait eue, puisqu’elle est notre interlocuteur et que toute une partie de la lettre portait sur le caractère propre. Malheureusement, M. Gautier l’a eue, et l’usage qu’il en a fait est tout à fait malhonnête. Je ne peux que le regretter, car quand on lit toute la lettre, on comprend bien que c’était la réponse précise à la saisine. Voilà pour les faits.

S’agissant des suites, là encore, nous avons eu une longue discussion au sein de l’Inspection générale et avec le cabinet : faut-il doter l’Inspection générale d’un comité des suites, de sorte que l’Inspection soit en droit, au bout de six mois, de demander à l’administration où en est la mise en œuvre des préconisations contenues dans son rapport ?

Pour Stanislas, le problème ne s’est pas posé, puisque d’emblée, le cabinet a souhaité qu’un groupe de travail réunissant l’Inspection générale, le rectorat et la direction diocésaine soit mis en place pour veiller à ce qu’on fasse bouger le fameux « esprit Stan ». Mais c’est exceptionnel : la plupart du temps, une fois que le rapport est transmis, nous n’avons pas de droit de suite, comme il existe dans d’autres inspections générales. En l’espèce, je peux vous dire que le groupe de travail sur Stanislas a bien travaillé. La succession de chefs de l’établissement a été l’occasion de dépoussiérer tout cela, en accord avec la direction diocésaine.

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous venez de nous dire que le cabinet est intervenu auprès de la cheffe de l’Inspection générale, Mme Caroline Pascal, à propos de la rédaction de cette lettre de transmission ?

M. Patrick Allal. Je n’ai pas du tout dit cela. J’ai dit que dans sa lettre de transmission, Caroline Pascal a souhaité répondre à la saisine.

Je rappelle le contexte de l’époque : des accusations très graves étaient portées sur le fonctionnement de Stanislas par Mediapart et dans une moindre mesure par LExpress. La lettre de transmission était tout à fidèle au rapport, mais sans ce paragraphe, elle ne répondait pas à la question précise posée par le cabinet dans sa lettre de saisine faisant suite à ces articles de presse. Cette phrase répond simplement, ce qui est logique. En envoyant la lettre de transmission, la cheffe de service éclaire le cabinet : non, les faits très graves rapportés par la presse ne sont pas avérés, du moins en ce qui concerne la période de M. Gautier – c’est un point important.

Je me permets d’insister : relisez l’article de Mediapart, notamment, qui était extrêmement sévère. Non, les faits n’étaient pas établis, en tout cas pour la période Gautier. Quand on relit la lettre, il n’y a aucune ambiguïté, c’est uniquement en ce sens qu’il y a eu cet ajout, de même qu’il y a eu un ajout sur le fait qu’il était inadmissible de rendre la catéchèse obligatoire, au nom de « l’esprit Stan » ou d’une confusion prétendue entre éducation, valeurs religieuses et activités pastorales.

Ce n’est pas du tout à la demande du cabinet, c’est juste logique : les lettres de transmission sont couramment modifiées in fine par la cheffe de service pour répondre précisément aux questions posées par le cabinet dans sa lettre de saisine. Mettre sur le même plan la lettre de transmission et le rapport n’a pas de sens juridiquement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Ce que vous dites nous étonne, et me choque personnellement. D’abord, quand on fait une enquête administrative, on ne fait pas une enquête sur des coupures de presse. Ensuite, on le sait, la lettre de transmission est un outil politique : on a vu Mme Oudéa-Castéra l’utiliser – je ne sais pas si elle était encore ministre de l’éducation ou non ; on a vu le directeur diocésain l’utiliser ; on a vu François Bayrou l’utiliser.

Ce que vous dites est choquant parce que, non, la lettre de transmission n’est pas fidèle au rapport. Dans votre clairvoyance, vous devez le dire. Vous ne pouvez pas affirmer devant nous, sous serment, que la lettre de transmission et ses conclusions sont fidèles au rapport.

M. Patrick Allal. Quand je lis la lettre de transmission, madame la présidente – et j’insiste bien : quand je lis la lettre de transmission, et pas les deux phrases qui en ont été extraites de manière très malhonnête par M. Gautier –, pour moi, il n’y a pas de distorsion avec ce qu’a écrit la mission. Je rappelle les conclusions de la mission : il n’y avait pas d’homophobie institutionnelle, par contre il y avait un contexte extrêmement défavorable.

Par ailleurs, vous dites qu’une mission n’est pas là pour répondre à un article de presse, mais malheureusement, vous êtes bien placée pour savoir que cela ne se passe pas comme ça. J’ai évoqué le fait que j’aie été retiré en catastrophe de l’enquête sur Stanislas pour une mission dont on craignait que la presse s’empare ; c’était à l’époque un sujet extrêmement sensible, d’autant qu’il y avait eu d’autres suicides. Malheureusement, l’agenda de l’Inspection générale est aussi dicté par la presse.

Mme Annie Dyckmans-Rozinski. Si je suis ici aujourd’hui, c’est parce que j’endosse totalement le rapport mais que je n’endosse pas la lettre de transmission, qui dit exactement le contraire. Si j’avais dû être consultée, j’aurais mis « l’équipe a constaté des faits de… » et non pas « n’a pas constaté ». Première chose.

Deuxièmement, j’insiste sur le discours qui consiste à ramener au passé les événements qui ont été relevés. C’était le discours tenu par la direction de Stanislas : « c’était avant moi » – sous-entendu, sous la direction de Daniel Chapellier. Mais nous, nous avons enquêté au présent, et non pas au passé. Pour ce qui est de la volonté de rompre avec le passé, regardez qui a été mis à la tête de Stanislas après le départ de M. Gautier : l’ancien collaborateur de M. Chapellier, directeur-censeur des classes préparatoires jusqu’à 2015 avant de partir à Marcq-en-Barœul s’occuper de Marcq Institution, établissement sur lequel vous aurez peut-être l’occasion d’enquêter, je ne sais pas. C’est très grave, de dire que cela remonte au passé. J’ai l’impression d’avoir été baladée par Stanislas et par cette lettre de transmission.

Troisièmement, cela discrédite l’Inspection générale. Je vais vous dire pourquoi. J’ai ici le discours d’adieu de M. Gautier, en septembre 2024. Il parle de « passer le témoin symbolique » au nouveau directeur que je viens d’évoquer, et il dit : « Je ne résiste pas, en joignant le geste à la parole avec un petit clin d’œil lié au contexte de mon départ et de la possibilité qu’il ouvre de dépoussiérer Stan, comme nous y invite le courrier de la doyenne de l’Inspection générale… » Le mot « dépoussiérer » vient directement de la lettre de transmission. Vous pensez que l’Inspection générale sort grandie de propos pareils ? Il dit ensuite : « Cher Igor, je suis heureux de te passer le témoin plumeau ». Témoin plumeau, après une enquête de l’Inspection générale ! Il poursuit : « la plume étant aussi le symbole de la paix et de la liberté d’esprit ». Il termine en disant : « Que ce plumeau te donne le courage de dépoussiérer ce qui doit l’être, la force de conserver la patine qui fait le charme de notre collège, la sagesse de savoir faire la différence. » Et, je vous le donne en mille, un dessin de plumeau est reproduit en face du discours.

Alors, que l’on ne me dise pas que cette lettre de transmission n’a pas affecté la crédibilité de l’Inspection générale et de « l’équipe » qui a travaillé, puisque c’est ce terme qui a été utilisé, au lieu d’une tournure impersonnelle. C’est mon intégrité professionnelle qui est ainsi remise en cause, et c’est très grave.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Merci pour ce témoignage très fort. Il est important que notre commission puisse faire la lumière sur ce fonctionnement. Nous analyserons avec recul l’ensemble de ces éléments, y compris les documents que vous nous transmettrez.

J’en profite, afin d’éviter tout doute quant à un éventuel conflit d’intérêts, pour préciser que je suis, depuis 2022, députée de la neuvième circonscription du Nord, qui inclut Marcq-en-Barœul. J’ai eu l’occasion de visiter Marcq Institution – comme d’autres établissements – avec son directeur, M. Igor Le Diagon, devenu depuis le directeur de Stanislas. J’ai également participé à des concerts ou à des interventions en classe sur le rôle de député, et j’ai accueilli son fils pendant un mois pour un stage qui s’est très bien passé, en 2024. Il était important de le préciser devant la commission, car il est beaucoup question d’intégrité et d’indépendance.

Mme Françoise Boutet-Waïss. Je souhaite apporter un complément concernant la succession de M. Gautier. Le directeur diocésain nous avait indiqué que la nomination du directeur était son seul véritable pouvoir et qu’à la faveur de cette succession, des échanges avaient eu lieu pour remettre à plat le fonctionnement de l’établissement. Or, à l’époque où le directeur de Marcq Institution était censeur-directeur des classes préparatoires, sous l’autorité de M. Chapellier – il a occupé ces fonctions jusqu’en 2015 –, un surveillant des classes préparatoires a été condamné pour pédophilie ou consultation de sites pédopornographiques. M. Chapellier lui-même est impliqué dans toute une série d’affaires judiciaires, dont une pour laquelle il a été dernièrement renvoyé devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle sur un élève de 14 ans dans l’établissement où il a officié après avoir quitté Stanislas. « L’esprit Stan » a de beaux jours devant lui !

Cet « esprit Stan » doit être remis en question. Le rapport le dit, il provoque des dérives. Pourtant – et c’est un camouflet pour l’Inspection générale – le fait est qu’on a nommé une personne entièrement acquise à la cause de « l’esprit Stan ». Vous pouvez faire tous les contrôles que vous voulez, c’est un peu désespérant : j’ai le sentiment que Stan ne bougera jamais.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Ma question porte précisément sur ce sujet. Hier, lors de son audition, Mme Ségolène Royal, ancienne ministre déléguée à l’enseignement scolaire, nous a indiqué que, selon elle, lorsqu’un chef d’établissement est impliqué dans des faits de violences sexuelles sur un élève, l’ensemble des élèves doivent être auditionnés.

Or, hasard du calendrier, un des chefs d’établissement qui viennent d’être cités comparaît aujourd’hui – Mme Boutet-Waïss l’a dit – devant le tribunal correctionnel pour des faits de violences sexuelles sur mineur. Ce fait a-t-il été évoqué au cours de votre inspection ? Si oui, dans quel cadre, et pourquoi n’est-il pas mentionné dans le rapport d’inspection ? Peut-être n’étiez-vous pas au courant. En tout cas, il me semble que l’implication d’un chef d’établissement dans de possibles violences sexuelles sur des élèves est un fait majeur dans l’histoire d’un établissement. Je me demande donc pourquoi cela n’avait pas encore été évoqué au cours de cette audition.

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). J’ai entendu, tout à l’heure, que l’on se souciait de la sécurité d’un processus administratif mais je n’ai pas entendu que l’on se souciait de celle des enfants confiés à l’éducation nationale, dans différents types d’établissement. Je souhaiterais donc savoir ce qu’est, pour vous, un élève, un enfant, et ce que doit garantir l’institution.

M. Patrick Allal. En ce qui concerne M. Chapellier, lorsque la mission a eu lieu, nous savions qu’une information judiciaire avait été ouverte contre lui pour une agression sexuelle commise dans le cadre de ses fonctions à Passy. Il pouvait difficilement en être fait état dans le rapport dès lors que l’instruction était en cours. Je note, du reste, qu’après quatre ans d’instruction, M. Chapellier est renvoyé devant le tribunal pour cette seule agression sexuelle commise à Passy : aucun élément concernant son passé à Stanislas n’a été mis au jour alors que les investigations de la justice semblent avoir également porté sur cette période. De ce point de vue, il n’est donc pas anormal que nous n’ayons pas évoqué sa situation.

Par ailleurs – je vais sans doute apparaître comme un juriste borné qui se moque des élèves, mais ce n’est pas du tout le cas –, nous étions mandatés pour enquêter sur la « période Gautier ». C’est ce que nous avons fait, c’est vrai à partir de témoignages anciens, comme le rappelle la lettre de transmission.

Quant aux élèves, ils sont, pour nous, essentiels. Je suis extrêmement affligé par les propos de mes collègues et je pense qu’en les tenant, elles portent atteinte au crédit de l’Inspection générale. Quand, pendant des années, on a été responsable du pôle rapports, qu’on a je ne sais combien de chefs d’établissement, de présidents d’université, de fonctionnaires de tous types qui ont été poursuivis disciplinairement, voire pénalement, pour des faits inadmissibles concernant des élèves, il est un peu difficile d’entendre que l’Inspection générale ne se soucie pas d’eux. En fait, ils sont la priorité. Les auditions d’élèves le montrent. Nous avons entendu plus d’une centaine de personnes, en recourant à la double technique de l’appel à témoignage spontané et de l’audition par échantillon ; on peut difficilement faire plus.

Je rappelle enfin que nous n’avons pas les pouvoirs de la police, ni, a fortiori, ceux d’un juge, et que nous ne pouvons malheureusement pas saisir des ordinateurs ni organiser des confrontations ou des reconstitutions. Si je fais le bilan du travail réalisé par l’Inspection générale, compte tenu des pouvoirs limités dont elle dispose, et si je considère le nombre de personnes – enseignants, chefs d’établissement ou autres – que nous avons sorties du dispositif précisément parce qu’elles portaient atteinte aux élèves, je ne peux qu’être absolument désespéré par ce qui a été dit.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Je lis l’article que Mediapart a publié hier : « Après la mise en examen de Daniel Chapellier et sa médiatisation, de nombreux anciens élèves de Stanislas ont justement témoigné dans la presse pour dénoncer les entretiens qu’il avait l’habitude d’imposer dans son bureau. "Il demandait aux élèves s’ils allaient sur des sites pornographiques, s’ils se masturbaient et à quelle fréquence. C’était à une échelle industrielle", dénonce un ancien étudiant auprès de Mediapart. "J’ai été soumis à ce que nous appelions entre nous "le questionnaire", c’était interminable", racontait un autre ». Et cela continue ainsi.

M. Roger Vrand. J’essaierai de répondre, avec la plus grande gravité possible, aux remarques de Mme Herouin-Léautey et de M. Bonnet.

Je n’ai évidemment aucun conseil à donner à votre commission, mais quand on fixe des objectifs aux travaux de l’Inspection générale, il faut tenir compte de leur faisabilité. Les faits dont nous parlons sont antérieurs à 2015, date du changement de direction ; l’Inspection générale est arrivée dans l’établissement huit ans après, en 2023. Du reste, nous n’avons pas les mêmes pouvoirs que des enquêteurs judiciaires, et les élèves que nous avons vus avaient une ancienneté plus ou moins limitée.

Je suis d’accord avec vous s’agissant du nombre de personnes interrogées. Il y a là une vraie question méthodologique, mais une fois encore, il faut tenir compte de la faisabilité. Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur, que 17 % des élèves et parents d’élèves interrogés avaient fait état de comportements homophobes : certes, mais cela fait 17 % de trente-sept. Nous avons entendu en tout cent personnes, dans un établissement qui compte quelque 3 500 élèves.

Vous m’avez meurtri, madame Herouin-Léautey – peut-être était-ce votre intention. Je n’ai jamais dit que nous ne nous préoccupions pas de la sécurité des élèves parce que nous avions le souci de garantir la sécurité juridique de nos travaux. L’un n’exclut pas l’autre. Nous étions alors en juillet, et un individu avait été exclu de l’établissement et n’était donc plus au contact des élèves.

J’ai été enseignant pendant plus de dix ans : je n’ai sûrement pas toujours été parfait, mais je me suis occupé de mes élèves. J’ai ensuite été, pendant seize ans, inspecteur d’académie – on dit aujourd’hui « directeur académique ». Vous savez sans doute qu’au sein des structures administratives de l’éducation nationale, les inspecteurs d’académie sont ceux qui s’occupent des élèves, dont le suivi est assuré jusqu’au niveau départemental. Aujourd’hui, je suis à la retraite. J’ai fait du mieux possible mon travail afin que, dans les départements très différents où j’ai été affecté, les élèves progressent, profitent des enseignements qui leur étaient dispensés et soient protégés. Je n’ai peut-être pas fait assez bien, mais j’ai fait ce que j’ai pu.

M. Patrick Allal. Il peut sembler que nous donnons une trop grande importance à la sécurité juridique de nos procédures. Je l’entends, et je comprends que vous nous ayez répondu, au cours de cette audition, qu’il fallait aussi tenir compte de l’élève. Le problème est que, comme je l’ai toujours dit aux collègues, derrière une inspection, il y a la justice – justice pénale en cas de signalement sur le fondement de l’article 40, justice administrative en cas de contentieux. Je pourrais vous donner des exemples de jugements, y compris au plus haut niveau, au Conseil d’État, où nos travaux ont été annulés pour des questions de procédure. Ainsi, le Conseil d’État a pu considérer que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté lors d’une audition. Et lorsqu’un rapport est annulé pour un motif purement procédural alors même que nous avons établi la matérialité des faits – le harcèlement d’un enseignant, par exemple –, je vous garantis que c’est dur ! Voilà pourquoi nous sommes très vigilants.

Une fois que le rapport est remis, l’affaire n’est pas terminée : il y a encore les suites, ainsi que les contentieux, qui sont désormais quasiment systématiques. Du point de vue juridique, nous devons faire en sorte que, trois ou quatre ans après une inspection, un enseignant ou un chef d’établissement ne soit pas « blanchi » par la justice pour une raison purement procédurale.

Mme Annie Dyckmans-Rozinski. Madame Herouin-Léautey, si j’ai refusé d’assumer ce paragraphe, c’est justement parce que je pensais aux enfants, aux adolescents, aux jeunes femmes dont la santé était mise en danger par les formations d’éducation à la sexualité qui leur étaient dispensées.

Je ne permets pas que l’on dise que je remets en cause l’Inspection générale. Mes collègues sont formidables d’intégrité, de dévouement, d’expertise, de travail. J’ai eu un scoop ici, puisque j’ai enfin appris qui avait ajouté ce paragraphe – je n’en avais aucune idée, et je n’accuse pas sans preuves. C’est quand on agit ainsi que l’on ne pense pas aux enfants et que l’on dessert le travail de ses collègues. Voilà pourquoi je me suis permise de dénoncer cette chose, non pas contre l’Inspection générale, mais pour la renforcer.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Merci à tous pour cette audition longue et très intéressante.

 

La séance est levée à treize heures trente-cinq.


Présences en réunion

Présents.  M. Rodrigo Arenas, M. Arnaud Bonnet, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Céline Hervieu, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Delphine Lingemann, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier

Excusés.  Mme Farida Amrani, Mme Céline Calvez, M. Aymeric Caron, M. Alexis Corbière, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Nicole Sanquer, M. Mikaele Seo