Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Dans le cadre des travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), audition de Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche              2

– Présences en réunion..............................32


Mardi
21 mai 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 83

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 

 

 

 


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La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission auditionne, dans le cadre des travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958), Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. À l’issue de la cinquantaine d’auditions conduites au cours des dernières semaines et des contrôles sur pièces et sur place effectués par les rapporteurs, et sans préjuger des conclusions de la commission, il apparaît que l’État a manqué à son devoir de protection des élèves : il n’a pas contrôlé efficacement l’ensemble des établissements scolaires, en particulier les établissements privés sous contrat, et n’a pas toujours organisé de manière adéquate la transmission des informations qui auraient permis de prendre des mesures provisoires puis de sanctionner les agissements de certains.

Nous avons pu observer chez vos prédécesseurs et vous-même, madame la ministre d’État, une certaine prise de conscience, qui s’est notamment traduite par la volonté de développer des contrôles quasiment inexistants jusque-là, mais il semble évident que des actions plus fortes s’imposent au regard de la multiplication des terribles témoignages des victimes.

Avant d’engager notre échange, je rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées dans le cadre de travaux d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Élisabeth Borne prête serment.)

Votre plan Brisons le silence, agissons ensemble comporte des mesures visant à renforcer les contrôles au sein des établissements privés sous contrat. Quelle sera la nature de ces contrôles ? Seront-ils pédagogiques, financiers ? Porteront-ils sur la vie scolaire ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Avant de vous répondre, je voudrais avoir un mot pour les victimes. Ce qu’elles ont subi est inqualifiable. Je veux redire mon soutien et ma solidarité à chacune et à chacun. Ces révélations ont bouleversé bien au-delà des murs de l’école. Elles sont d’une gravité insoutenable. Elles ont résonné dans toute la société, suscitant une émotion profonde, une prise de conscience collective et une exigence de vérité et de justice.

Les premiers responsables sont bien sûr les auteurs de ces actes, à qui il appartient de répondre personnellement devant la justice, mais, je l’ai dit clairement dès les premiers témoignages, l’État n’a pas été au rendez-vous. Il lui revient désormais de l’être pleinement. Nous devons tout faire pour que de tels drames ne puissent pas se reproduire.

Cela suppose des évolutions dans plusieurs domaines, en premier lieu concernant le champ des contrôles des établissements privés sous contrat. Les établissements scolaires publics appliquent des dispositifs de prévention qui ont été renforcés : lorsqu’un signalement est effectué, il doit entraîner une réaction rapide et rigoureuse, à la fois de protection de l’élève, d’engagement de poursuites disciplinaires contre l’auteur, et de signalement aux autorités judiciaires. Cela étant dit, même dans les établissements publics, il est de notre responsabilité d’interroger la robustesse de nos procédures : des révélations récentes nous y obligent.

Mais force est de constater que les témoignages reçus récemment proviennent d’anciens élèves d’établissements privés sous contrat. Ce constat m’a conduite à réexaminer les modalités concrètes du contrôle que nous exercions, ou que nous aurions dû exercer, dans ces établissements. Le code de l’éducation prévoit que les établissements privés sous contrat sont soumis au contrôle de l’État, mais, jusqu’à récemment, ce contrôle se limitait dans les faits à la vérification du respect de leurs obligations administratives, financières et pédagogiques. Pourtant, le code est clair : relèvent du contrôle de l’État les conditions de fonctionnement de l’établissement, y compris au regard de l’ordre public, de la santé et de la sécurité physique ou morale des mineurs qui y sont accueillis. L’État doit pouvoir s’assurer que les élèves ne subissent aucune maltraitance, qu’ils soient accueillis dans un établissement public ou dans un établissement privé.

C’est pourquoi, comme vous l’avez rappelé, j’ai présenté le 17 mars dernier le plan Brisons le silence, agissons ensemble, pour que de telles violences, physiques, morales ou sexuelles ne puissent plus se produire. Ce plan repose sur trois piliers : assurer la remontée systématique des faits de violence, y compris dans les établissements privés sous contrat ; mieux recueillir la parole des élèves dans toutes les écoles et tous les établissements ; renforcer les contrôles dans les établissements privés sous contrat.

S’agissant du premier pilier, nous utilisons depuis plusieurs années, dans les établissements publics, l’application Faits établissement, qui permet de signaler les faits sensibles au niveau académique et, le cas échéant, d’en faire remonter certains au niveau national. Ce dispositif n’était pas, jusqu’à présent, généralisé aux établissements privés sous contrat, malgré des échanges avec les réseaux. C’est chose faite depuis le mois d’avril. Pour inscrire ces pratiques dans la durée, deux décrets seront prochainement publiés, rendant obligatoire la mise en place d’un dispositif de signalement – pour le premier – et l’usage de l’application Faits établissement – pour le second. En complément, chaque école ou chaque établissement, public comme privé, devra se doter d’une fiche de procédure partagée avec l’ensemble des personnels pour garantir la bonne prise en compte des signalements. Tout adulte à qui un élève se confie sur des faits de maltraitance doit savoir quoi faire, et comment réagir immédiatement. Cela doit permettre d’éviter qu’un signalement ne reste sans suite : aucun élève ne doit rester seul.

Le deuxième pilier concerne le recueil de la parole. On assiste à un moment de libération de cette parole, mais les témoignages montrent à quel point parler de ces violences est difficile. Nous devons être particulièrement vigilants sur les moments où l’élève est plus vulnérable, notamment en internat ou pendant les nuitées lors des voyages scolaires. C’est pourquoi j’ai demandé que des questionnaires en ligne soient soumis aux élèves, afin d’alerter et, le cas échéant, de constituer une cellule d’écoute incluant des personnels de santé ou de service social. Ce questionnaire est testé dans sept académies et sera soumis à 8 000 élèves du public et du privé sous contrat, en vue d’une généralisation à la rentrée – en tenant compte, naturellement, du retour d’expérience.

Le dernier pilier est le renforcement du contrôle des établissements privés sous contrat. Ces dernières années, les efforts de contrôle ont essentiellement porté sur les établissements hors contrat, dans lesquels, entre 2018 et 2024, le nombre de contrôles a été multiplié par trois. Je souhaite qu’une dynamique comparable s’applique désormais aux établissements privés sous contrat. Le rapport publié par la Cour des comptes en 2023, tout comme celui que vous avez rédigé avec le député Weissberg, monsieur le rapporteur Vannier, soulignait l’insuffisance manifeste des contrôles dans ces établissements. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : avant 2023, ces contrôles étaient quasiment inexistants – moins de dix par an. En 2023-2024, une première montée en charge, timide, a permis d’effectuer une vingtaine de contrôles. En juin 2024, ma prédécesseure Nicole Belloubet a demandé aux académies d’intensifier les contrôles et a assorti cette instruction d’un renforcement des moyens humains : les soixante postes d’inspecteurs qui avaient été déployés à la rentrée 2023 ont été mobilisés non plus seulement pour les établissements hors contrat, mais aussi pour les établissements sous contrat.

Cette intensification doit désormais se traduire dans les faits : pour l’année civile 2025, 1 000 contrôles sont programmés, dont 500 ont été réalisés ou sont en cours. Soixante inspecteurs supplémentaires viendront renforcer les équipes cette année et à la rentrée suivante, ce qui portera à 200 le nombre d’inspecteurs dédiés à ces contrôles. Ces moyens doivent nous permettre d’atteindre l’objectif que j’ai fixé, à savoir contrôler 40 % des établissements privés sous contrat au cours des deux prochaines années, dont la moitié par des contrôles sur place. Le périmètre de ces contrôles doit être élargi : il doit couvrir explicitement le climat scolaire et la prévention de toute forme de maltraitance. Enfin, pour garantir la qualité et la rigueur des contrôles, j’ai demandé que soit créée une mission d’appui permanente au sein de l’Inspection générale, qui vient en soutien des inspecteurs académiques chargés des contrôles.

Comme vous, j’ai reçu Alain Esquerre le 20 mars dernier. Comme vous, j’ai été bouleversée et indignée par le récit et les témoignages que j’ai pu entendre ces dernières semaines. Je veux redire avec gravité et détermination aux enfants, aux parents et à l’ensemble de nos concitoyens que je suis résolument engagée pour que de tels actes ne se reproduisent plus. La violence n’a pas sa place dans notre société ; à plus forte raison, elle n’a pas sa place à l’école.

M. Paul Vannier, rapporteur. Avant que nous embrassions la totalité du périmètre de notre commission d’enquête, qui porte sur tous les établissements scolaires du pays, je voudrais revenir sur celui duquel est venue une très grave question : l’établissement Bétharram. Comment tant de crimes, pendant tant d’années, ont-ils pu y être commis sans qu’aucun service de l’État les détecte pour les faire cesser ? Je vous interrogerai donc sur la situation de l’ensemble scolaire Le Beau Rameau – puisque c’est le nom actuel de cet établissement.

Alors que ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’affaire Bétharram a été une nouvelle fois révélée dans la presse au début du mois de février et a pris un tour politique en étant directement évoquée par plusieurs députés dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale les 11 et 12 février à l’occasion de la séance des questions au gouvernement, vous étiez auditionnée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation le 12 février. Votre première réaction, en réponse à un de nos collègues, fut la suivante : « Je ne suis pas ministre de la justice et, quand bien même je le serais, je n’aurais pas à me prononcer sur une affaire qui fait l’objet d’une procédure judiciaire. Je ne m’exprimerai donc pas sur ce sujet ». « Ce sujet », c’est Bétharram, c’est de savoir comment vous comptiez réagir immédiatement à ces révélations pour vous assurer que les élèves actuellement scolarisés au Beau Rameau soient protégés.

Quelques jours plus tard, le 17 mars, vous annoncez qu’une inspection académique sera conduite dans l’établissement. Ma collègue Violette Spillebout et moi-même avons d’ailleurs eu l’occasion de le constater sur place, car nous nous y trouvions au même moment que les inspecteurs. Pourquoi, dans un premier temps, avez-vous pris ces précautions et mis de la distance entre votre capacité à agir et cette annonce ? Pourquoi avez-vous choisi, en cette mi-mars 2025, de mobiliser l’inspection académique plutôt que de faire appel à l’Inspection générale, comme vous vous auriez pu choisir de le faire ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Il me semble important, pour la clarté des débats, de ne pas confondre les faits mis au jour, qui font l’objet d’une enquête judiciaire – des faits qui se sont produits, je crois, jusqu’en 2011 – et dont je maintiens qu’ils relèvent de la responsabilité de la justice, et la situation de l’établissement aujourd’hui.

Naturellement, à la lumière des faits qui se sont produits des années 1950 aux années 2010, il est important de faire l’état des lieux de la situation actuelle. Je précise qu’à ma connaissance, nous n’avons reçu, pour cet établissement, aucun signalement ou plainte postérieurs à 2010-2011. J’ai néanmoins annoncé – non pas le 17 mars, date du début du contrôle, mais le 14 février – demander au rectorat d’organiser un contrôle de cet établissement. C’est la réponse à apporter pour avoir une vision globale de la situation d’un établissement, a fortiori quand il n’a pas fait l’objet de contrôle depuis plusieurs années.

Ce contrôle, vous en avez été témoins, a été réalisé par une équipe de huit professionnels – sept inspecteurs et un conseiller technique de service social –, qui sont restés plusieurs jours sur place. Il a permis de dresser un état des lieux de l’ensemble de la situation, de faire des recommandations et d’adresser des mises en demeure sur certains points.

Évidemment, le but d’un tel contrôle est d’avoir une première vision large de la situation de l’établissement, sans préjuger des suites qui peuvent être données. En l’occurrence, à la lecture du rapport des inspecteurs académiques, j’ai décidé de saisir l’Inspection générale pour approfondir, notamment, les points liés au comportement de deux enseignants responsables, semble-t-il, de remarques blessantes ou humiliantes envers les élèves. Sur ces deux situations, et plus globalement sur la compréhension du climat scolaire, j’ai souhaité disposer, en complément, d’une enquête administrative de l’Inspection générale, que j’ai diligentée.

On compte aujourd’hui des dizaines d’établissements dans lesquels se sont constitués des collectifs de victimes. Systématiquement, dès qu’on voit apparaître des témoignages de faits de violences physiques ou sexuelles, les rectorats priorisent dans leurs plans de contrôle les établissements où des faits graves sont signalés. Le cas échéant, l’Inspection générale est en appui : je l’ai dit, une mission d’une dizaine d’inspecteurs généraux a été constituée en son sein pour former une sorte de hotline à destination des inspecteurs académiques – puisque nous entrons dans une nouvelle étape et que ces derniers effectuent des contrôles qui n’étaient pas réalisés jusqu’à présent.

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous dites n’être informée d’aucune plainte postérieure à 2010 ou 2011. Est-ce bien cela ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Oui, sachant toutefois que nous ne sommes pas systématiquement informés des plaintes – je crois que vous avez eu l’occasion d’auditionner le ministre de la justice. Je précise que, dès que des témoignages sont apparus, le rectorat s’est rapproché du procureur pour savoir si des personnels encore présents dans l’établissement, enseignants ou autres, faisaient l’objet de plaintes. Le procureur n’avait pas signalé de cas correspondant à cette situation.

M. Paul Vannier, rapporteur. Lorsque Violette Spillebout et moi-même nous sommes rendus sur place, nous avons découvert, à l’occasion d’un entretien avec le directeur de l’établissement, que deux faits de violences sexuelles impliquant uniquement des élèves – j’insiste sur ce point – seraient survenus dans le contexte scolaire, ce qui pose la question de la responsabilité des adultes, le plus récent datant de 2024. Le premier est un viol qui aurait été commis par un élève sur une autre élève au sein de l’établissement, et le second une agression sexuelle qui aurait été commise à ses abords, près de l’arrêt de bus. À la suite de cette révélation, nous avons écrit au procureur de la République de Pau, qui nous a répondu très rapidement être informé de ces faits, qui sont d’autant plus graves dans le contexte de cet établissement, dont on sait qu’il a été, pendant des décennies, le théâtre de crimes sexuels commis par des adultes ayant autorité – des enseignants, des directeurs, des surveillants. Je suis étonné de découvrir que vous n’aviez pas cette information au moment où vous avez décidé de mobiliser l’inspection académique plutôt que l’Inspection générale.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je crois que je me suis mal exprimée en parlant de plaintes postérieures à 2011 : je voulais parler de plaintes portant sur des faits postérieurs à 2011.

Au moment où j’ai lancé le contrôle académique, je n’avais pas connaissance des faits que vous décrivez, qui sont du reste consignés dans le rapport rédigé à l’issue de ce contrôle. Nous n’avions pas été informés de ces faits. Les inspecteurs ont noté, dans le cadre du contrôle, qu’il n’y avait pas eu de signalement au procureur. Peut-être ont-ils mal compris, mais nous croyions savoir que le directeur de l’établissement avait été en contact avec la gendarmerie, sans qu’il y ait eu de signalement au procureur. Cela fait d’ailleurs partie des dysfonctionnements relevés, puisque la règle veut qu’on fasse un tel signalement dès qu’on a connaissance d’un délit ou d’un crime : il ne s’agit pas simplement d’échanger de façon informelle avec la gendarmerie.

En tout cas, l’éducation nationale n’était pas informée de ces faits, puisque les inspecteurs en ont pris connaissance à l’occasion du contrôle.

M. Paul Vannier, rapporteur. Sans chercher à reconstituer une chronologie, mais parce que ce sont des éléments très importants en ce qu’ils révèlent peut-être des défaillances d’aujourd’hui, lorsque nous avons rencontré la rectrice de l’académie de Bordeaux – désormais en poste à Lyon – le lendemain de notre visite, nous l’avons informée de notre découverte. Elle n’était pas au courant. Je crois savoir qu’elle a transmis l’information aux inspecteurs toujours présents sur place, qui ont ainsi sans doute pu poser les questions ayant permis au directeur de l’établissement de les informer de ces défaillances.

J’insiste sur ce point parce que cela interroge peut-être le choix de l’inspection académique plutôt que de l’Inspection générale. On sait que les inspecteurs généraux ont une très grande expérience, qu’ils disposent de prérogatives de contrôle beaucoup plus vastes et qu’ils peuvent avoir un regard beaucoup plus transversal, plus panoramique. Peut-être auraient-ils pu identifier plus rapidement ce que nous avons perçu au cours de notre déplacement et qui aurait peut-être pu échapper au contrôle des inspecteurs académiques.

Pour creuser cette question, je voudrais revenir sur les conclusions du rapport de l’inspection académique, qui nous ont été récemment communiquées. Je les juge accablantes. Le document liste, pour l’établissement Le Beau Rameau, vingt-sept mises en demeure, qui vont du non-respect des volumes horaires à des difficultés dans l’enseignement à la vie affective et relationnelle et à la sexualité, en passant par des atteintes à la liberté de conscience. L’interdiction faite aux élèves, en toutes circonstances, d’aller aux toilettes pendant les cours est également évoquée, tout comme une tolérance à l’égard de la consommation de tabac au sein de l’établissement. Il est aussi signalé que la procédure interne formalisée de remontée des signalements ou des informations préoccupantes, qui est au cœur du sujet, est dysfonctionnelle et ne permet pas de transmettre les informations graves aux bonnes autorités.

Vous commandez un rapport de l’inspection académique. Celle-ci mobilise une équipe très importante – huit personnes, dont sept inspecteurs, qui passent quatre jours sur place –, qui conduit un travail très approfondi. Le document comporte vingt-sept mises en demeure, sur des points qui portent atteinte au fondement de la loi Debré de 1959 et souligne que le traitement des signalements de violences – dont les atteintes à la liberté de conscience sont une forme – est dysfonctionnel. Pourquoi demander une mission complémentaire de l’Inspection générale, alors que l’inspection académique a déjà établi un très grand nombre de points particulièrement graves ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Sans attendre l’Inspection générale, des mises en demeure sont effectivement faites à l’établissement. Cela dit bien ce que cela veut dire : l’établissement doit corriger sans délai l’ensemble des points concernés. Nous contrôlerons évidemment que les mesures nécessaires sont prises par l’établissement.

C’est la procédure normale quand on réalise un contrôle : il débouche sur des recommandations, des mises en demeure, voire la résiliation du contrat dans des cas plus graves. Il s’agit d’obtenir des réponses et de s’assurer qu’il n’y a pas de mise en danger des élèves – a priori, aucune indication de cette nature n’a été relevée au cours du contrôle. La prise en compte de la mise en demeure n’est pas suspendue à l’intervention de l’Inspection générale : l’établissement doit prendre les mesures nécessaires pour répondre aux dysfonctionnements identifiés dans le rapport. Je vous remercie, d’ailleurs, d’en avoir souligné la qualité : c’est effectivement une équipe de huit personnes qui a été mobilisée.

L’Inspection générale devra éclairer des points complémentaires, d’abord concernant les deux enseignants dont les situations ne sont pas suffisamment documentées, mais aussi en portant une appréciation plus globale sur le cadre de l’établissement, pour voir s’il s’agit de deux situations isolées ou si une carence dans le contrôle pédagogique peut expliquer ces dysfonctionnements qui méritent d’être documentés.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les inspecteurs académiques doivent retourner dans l’établissement pour vérifier que les actions demandées dans les mises en demeure ont été réalisées. À quel moment ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Chacune des recommandations est assortie d’une date. Tout dépend du sujet. Dans mon souvenir, des insuffisances sur le passage de la commission de sécurité ont été observées, par exemple. L’établissement dispose d’un certain délai pour se rapprocher de la mairie et organiser sa venue. Pour chacune des recommandations – je n’ai pas le rapport sous les yeux, mais je crois qu’il vous a été communiqué –, une date limite de rétablissement d’une situation normale a été fixée.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Vous n’avez pas vraiment répondu à ma question. Je ne parle pas des mises en demeure relatives à la sécurité, par exemple des accès pompiers, mais de celles qui relèvent de la compétence des inspecteurs de l’éducation nationale. Reviendront-ils dans trois ou six mois dans les établissements concernés pour vérifier que le nécessaire a été fait ? Une mise en demeure impose de prendre des mesures, sous peine de voir le contrat rompu ; il ne s’agit pas de simples recommandations. D’où ma question.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je n’ai pas en tête les différentes échéances mais, en fonction des mises en demeure, les inspecteurs contrôleront sur place ou sur pièces qu’elles ont bien été suivies d’effet. Ils retourneront dans les établissements à la première date butoir fixée.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je pose la question, car une inspection académique a eu lieu à Bétharram en 1996 et un simple courrier de la direction indiquant que le nécessaire avait été fait a suffi pour arrêter la mise en demeure. Il n’y a pas eu de contrôle ni de nouvelle inspection pour vérifier que les choses avaient été faites.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je pense que les temps ont changé…

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il faut le dire.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. …et que tous les recteurs ont bien compris qu’il fallait faire des contrôles.

J’ai indiqué que, jusqu’à présent, moins de dix contrôles par an étaient effectués : il y en aura 1 000 cette année. Ces contrôles et les recommandations qui en découleront devront être suivis, tout comme les éventuelles mises en demeure. Je peux vous assurer que le message a été très clairement passé au sein de mon ministère et que tout le monde est mobilisé pour s’assurer que nous entrons dans un cadre normal.

Je le répète : des contrôles sont réalisés et se traduisent par des recommandations et des mises en demeure, puis, le cas échéant, par des suspensions de contrat, voire des fermetures d’établissement. Quand des recommandations et des mises en demeure sont prononcées, elles sont suivies.

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous avez décrit ce que vous appelez la procédure normale, de laquelle découlent, le cas échéant, des recommandations et des mises en demeure qui doivent être l’objet d’un suivi. J’en prends note et nous reviendrons plus tard sur cette procédure pouvant conduire, en cas de défaillances persistantes, à une série de décisions.

Ma question est la suivante : dans l’hypothèse où, sans préjuger de rien, les vingt-sept mises en demeure adressées à l’établissement du Beau Rameau n’étaient pas suivies d’actions, quelles suites donneriez-vous ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Les procédures sont très claires. Lorsque des mises en demeure adressées à un établissement sous contrat ne sont pas suivies d’effet, la commission de concertation doit être réunie par le préfet pour se prononcer sur une possible suspension dudit contrat.

M. Paul Vannier, rapporteur. Dans l’hypothèse où tout ou partie des mises en demeure ne seraient pas suivies d’effet, vous demanderiez au préfet des Pyrénées-Atlantiques de réunir la commission de concertation afin d’envisager une suspension ou une rupture du contrat. Je souligne qu’une telle initiative n’a été que très rarement prise : à notre connaissance, seules trois commissions de concertation ont été réunies depuis 1959. S’agit-il donc bien de votre engagement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. J’ai essayé d’expliquer que, par le passé, seuls une dizaine de contrôles ont eu lieu chaque année, sans qu’ils fassent d’ailleurs l’objet de fiches de contrôle. À la suite du rapport de la Cour des comptes et de votre rapport d’information, monsieur le rapporteur, ma prédécesseure, Nicole Belloubet, a demandé aux académies de procéder à des contrôles d’établissements privés sous contrat – processus qui s’est enrayé pour différentes raisons.

Depuis que je suis à la tête de ce ministère, et a fortiori depuis les révélations auxquelles nous assistons au sujet de Bétharram ainsi que de plusieurs dizaines d’établissements, nous appliquons de manière très stricte et rigoureuse les procédures prévues. Comme je le disais, 1 000 contrôles auront lieu en 2025, lesquels donneront lieu à des recommandations et à des mises en demeure. Si celles-ci ne sont pas mises en œuvre, alors des commissions de concertation seront réunies.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous allons revenir sur la question du contrôle des établissements privés sous contrat et, plus largement sur le plan Brisons le silence, agissons ensemble. Vous avez dit qu’avant 2023, environ dix contrôles étaient menés chaque année dans les 7 500 établissements privés sous contrat, ce qui est donc très peu. En 2023, le nombre d’inspections est monté à vingt, avant de progresser quelque peu encore en 2024. Parmi les 1 000 contrôles annoncés pour cette année, 500 ont déjà été réalisés.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Ont été réalisés ou sont en cours.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Pour ce faire, vous avez annoncé que le nombre d’inspecteurs serait porté à 200. Pouvez-vous préciser si ces 200 inspecteurs sont déjà en poste ? Je vous interroge sur ce point, car les représentants des syndicats que nous avons auditionnés nous ont indiqué qu’une partie des postes actuels n’étaient pas pourvus, en raison du manque d’attractivité du métier. Les recrutements sont-ils donc toujours en cours ?

Par ailleurs, ces 200 inspecteurs sont-ils exclusivement affectés au contrôle des établissements privés sous contrat ou bien ont-ils aussi des missions annexes comme, sauf erreur de ma part, le contrôle des structures hors contrat et de l’instruction en famille (IEF) ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Les 200 postes ont bien vocation à être pourvus. C’est une priorité et, à ce stade, je n’ai pas reçu d’alerte au sujet de difficultés de recrutement ; je ferai le point avec les services du ministère. Ces personnels ont vocation à contrôler les établissements hors et sous contrat.

Je précise que les huit personnes chargées du contrôle de Bétharram que vous avez rencontrées sont des inspecteurs académiques, notamment spécialisés sur les questions relevant de la vie scolaire. Il est évident que les 3 500 inspecteurs de l’éducation nationale ont vocation à appuyer le travail des personnels davantage spécialisés.

J’ai par ailleurs fait part de mon souhait d’associer aux inspecteurs des personnels de santé scolaire et de service social, afin d’apporter d’autres regards sur les établissements. Il importe que les moyens que nous consacrerons assurent la mobilisation de ces différents agents.

De la même manière, il faut que notre action ait une dimension interministérielle. Par exemple, la direction des affaires financières (DAF) et la direction générale des finances publiques (DGFIP) viennent de signer une instruction conjointe aux académies et aux directions départementales des finances publiques (DDFIP) visant à renforcer les contrôles financiers.

En résumé, les 200 inspecteurs chargés des établissements privés seront au cœur du dispositif, auquel participeront également les 3 500 inspecteurs de l’éducation nationale, les personnels de santé scolaire et de service social, ainsi que, le cas échéant, d’autres services de l’État.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Quand vous dites que parmi les huit inspecteurs, une majorité d’entre eux étaient spécialistes des questions de vie scolaire, en réalité, et sauf erreur de ma part, il n’existe que trois ou quatre postes de ce type par académie.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Oui, il y avait huit inspecteurs en tout.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. De plus, un inspecteur académique a énormément de missions, qui vont au-delà de l’évaluation des établissements, d’ailleurs fondée sur une autoévaluation. J’ai côtoyé des personnels qui étaient chargés de la mission relative à la grande pauvreté et à la réussite scolaire, ou encore des réseaux d’éducation prioritaire (REP). Depuis la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance et son décret d’application du 2 août 2019, les inspecteurs contrôlent aussi l’instruction en famille et notamment l’invocation du motif 4, relatif à la situation propre de l’enfant. Ils sont enfin chargés des établissements hors contrat.

Concrètement, devrions-nous recentrer les missions des inspecteurs sur le contrôle des établissements en général, ce qui, selon moi, serait une chose positive pour eux ? Ou comptez-vous leur laisser toutes leurs missions, en leur ajoutant le suivi des établissements sous contrat ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Nos inspecteurs ont été fortement mobilisés ces dernières années pour les évaluations externes, menées sous l’impulsion du Conseil d’évaluation de l’école. Alors que cette première vague d’évaluation de tous les établissements arrive à son terme, il est préconisé de réfléchir à des modalités allégées et moins chronophages, de nature à libérer du temps aux inspecteurs pour contrôler les établissements sous contrat.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Vous avez fait plusieurs annonces importantes lors des assises de la santé scolaire, le 14 mai. En effet, l’insuffisance des moyens consacrés à la santé scolaire et au service social dans les établissements publics, ainsi que leur inexistence dans les structures privées sous contrat, a été mise en évidence lors de nos auditions. Lors de notre visite sur place et sur pièces dans le Sud-Ouest, nous avons ainsi constaté qu’il n’y avait que trois personnels de santé scolaire volants pour l’ensemble des établissements privés du secteur de Pau, où ils sont pourtant très nombreux. Quand on sait que le collège du Beau Rameau accueille à lui seul 400 adolescents, nous voyons bien que les moyens sont réduits à la portion congrue.

Je présume donc que les personnels sociaux et de santé scolaire susceptibles, comme vous venez de le dire, de participer aux missions de contrôle ne sont pas les médecins et infirmiers scolaires actuellement déployés dans les établissements. Des appels à candidature vont-ils être lancés et des postes créés ? S’agira-t-il plutôt de redéploiements ? Ou bien cet aspect n’a-t-il pas encore été défini ?

Ce point, évoqué par l’ensemble des syndicats, me semble intéressant, dans la mesure où 1 000 contrôles doivent avoir lieu dès cette année. D’un point de vue opérationnel, j’imagine que les 500 premiers ne bénéficient pas de la participation de ces personnels…

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je l’ai dit lors des assises de la santé scolaire, je souhaite renforcer les effectifs d’infirmiers et d’infirmières, d’assistants et d’assistantes de service social et de psychologues de l’éducation nationale. Je défendrai cette proposition lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2026. Dans l’immédiat, ce sont surtout les conseillers techniques, les médecins, les infirmiers et infirmières et les assistants et assistantes de service social relevant du niveau académique qui peuvent participer aux contrôles.

De plus, pour élargir le sujet qui nous occupe, je suis d’accord sur le fait que les réseaux d’établissements privés sous contrat doivent prendre en compte les enjeux de santé scolaire, de santé mentale et de bien-être. C’est la raison pour laquelle je les ai invités à participer aux assises de la santé scolaire la semaine dernière.

M. Paul Vannier, rapporteur. Toujours à l’occasion de ces assises, vous avez également annoncé la suppression de la visite médicale obligatoire lors de la sixième, qui existait depuis 2000, pour la remplacer par une analyse personnalisée, fondée sur un dossier transmis par les parents. Un tel fonctionnement interroge quant à la détection de certaines violences dont les enfants peuvent être victimes. De plus, la consultation d’un médecin, d’un psychologue, d’un infirmier ou d’un spécialiste n’interviendrait que si un besoin était identifié.

Confirmez-vous la disparition de cette visite médicale obligatoire en sixième et son remplacement par une analyse personnalisée ? Dans la mesure où, je le répète, elle peut permettre aux personnels de santé de détecter des violences, elle me paraît très importante.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je ne confirme naturellement pas la suppression de la visite médicale de sixième. Je constate que seules 20 % de ces visites ont lieu et souhaite que 100 % des situations soient examinées.

Les enfants ont un carnet de santé et, après discussion avec mon collègue Yannick Neuder et avec nos services, nous savons que seuls certains d’entre eux sont suivis par un pédiatre ou un médecin. Je souhaite que nous nous assurions que non pas 20 %, mais 100 % des enfants soient suivis, à l’initiative de leurs parents ou grâce à l’école. Voilà ce que j’ai annoncé lors des assises.

Dans le contexte de démographie médicale que nous connaissons, il est très important que l’école et chacun de ses partenaires se mobilisent pour que, je le répète, 100 % des enfants bénéficient d’un suivi médical. C’est un enjeu d’égalité des chances, notamment en matière de santé, auquel je suis attachée.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. C’est un sujet dont nous pourrions discuter longtemps.

Je reviens au plan Brisons le silence, agissons ensemble. Vous avez indiqué que, désormais, les contrôles seront explicitement élargis au climat scolaire et à l’absence de maltraitance des élèves, c’est-à-dire aux éventuelles violences. Cet élargissement se concrétisera-t-il par un décret, une circulaire, une lettre de mission, ou encore une loi ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je rappelle que la loi reconnaît un caractère propre aux établissements sous contrat. Or, pendant longtemps, l’interprétation de ce caractère propre a conduit à une quasi-absence de contrôles de la part de l’État. À cet égard, je me réjouis que le Conseil d’État ait validé hier le décret prévoyant que tous les faits de violence soient obligatoirement signalés aux autorités académiques. La jurisprudence de l’institution a ainsi évolué. Sur cette base, nous allons finaliser deux décrets, puis une circulaire sera adressée à l’ensemble des académies pour officialiser que, désormais, les contrôles incluent bien l’absence de violences, quelle qu’en soit l’origine, sur les élèves.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. C’est donc une circulaire…

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Veuillez m’excuser : le décret approuvé hier par le Conseil d’État obligera les établissements à signaler tous les faits de violence, tandis qu’un autre décret, pris sur le fondement du premier, obligera le recours à l’application Faits établissement. Une fois que la rénovation du dispositif réglementaire sera bouclée, une circulaire sera adressée aux établissements sur les objectifs et le champ des contrôles.

M. Paul Vannier, rapporteur. S’agissant de Faits établissement, nous disposons de documents indiquant que son élargissement aux établissements privés sous contrat est discuté depuis 2019 avec le secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec). Pourquoi a-t-il fallu aussi longtemps, six ans, pour qu’un décret prévoie de rendre son recours obligatoire dans ces structures ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Vous aurez peut-être noté une certaine réticence de la part de certains réseaux d’établissements privés sous contrat. Cette réticence, dans le contexte actuel, est levée. Et pour pérenniser ces bonnes dispositions, nous inscrivons cette obligation d’utilisation dans un décret.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Cet échange nous permet d’avancer dans nos questions. Le contexte a bien sûr dû contribuer à lever la réticence dont vous parlez, mais pouvez-vous expliquer de quelle manière le plan Brisons le silence, agissons ensemble a été élaboré ? Avez-vous rencontré les différents réseaux en amont ?

Le secrétariat général de l’enseignement catholique dit avoir participé à une concertation. A-t-elle eu lieu directement avec vous ou s’agissait-il de réunions techniques ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Le plan a été travaillé avec l’ensemble des directions de mon ministère, ainsi qu’avec d’autres ministères : celui des affaires sociales s’agissant de la protection de l’enfance, car, je ne l’ai pas mentionné, mais nous souhaitons renforcer le 119 – Allo enfance en danger ; et celui de l’agriculture, puisqu’il a son propre réseau d’enseignement. Je tiens aussi à saluer les conseils particulièrement précieux de Jean-Marc Sauvé, que j’ai associé à la réflexion en tant qu’ancien président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) – je sais que vous l’avez auditionné à ce titre –, mais aussi en tant que président des Apprentis d’Auteuil, étant donné qu’il a été amené à instaurer un dispositif de signalement et de contrôle au sein de cette structure. Enfin, j’ai informé le secrétariat général de l’enseignement catholique – dont j’ai reçu les représentants le 7 mars, c’est-à-dire quelques jours avant la présentation du plan –, les autres réseaux, les organisations représentatives des chefs d’établissement et les organisations syndicales des dispositions que j’entendais prendre.

En résumé, il y a eu une concertation interne à plusieurs ministères, les conseils précieux de Jean-Marc Sauvé, l’information et l’écoute des organisations professionnelles et syndicales et l’information des différents réseaux.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Notre commission d’enquête a établi que des contacts très fréquents ont eu lieu entre votre ministère – y compris avant votre nomination – et le Sgec, notamment à l’occasion de rencontres ayant été présentées comme des dîners – il nous a néanmoins été expliqué que les repas de travail sont très fréquents dans les ministères. Il semble même que le Sgec se soit directement adressé à la DAF, avec laquelle les échanges paraissent encore aujourd’hui très fluides et rapides, y compris en cas de récrimination ou de demande de modification de documents.

Comment expliquez-vous cette relation, par comparaison avec les autres réseaux, et ce au-delà de leur nombre et de leur représentativité ? Estimez-vous que cette relation est proportionnelle à la part prépondérante des établissements catholiques parmi les structures privées sous contrat ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je ne puis m’exprimer sur les relations que mes prédécesseurs ont eues avec les différents réseaux. Pour ma part, j’ai reçu une fois les représentants du secrétariat général de l’enseignement catholique. D’autres réunions avec les autres réseaux n’ont pas pu se tenir, mais j’estime qu’il est important de les recevoir. Leur existence n’est pas reconnue par le code de l’éducation, mais ils sont évidemment des interlocuteurs précieux pour échanger des informations avec les 7 500 établissements privés sous contrat – 96 % d’entre eux, vous l’avez dit, relevant de l’enseignement catholique.

Par ailleurs, il me semble normal que ces réseaux s’adressent à la DAF, à l’instar des syndicats, des organisations professionnelles, voire des agents. La direction des affaires financières est l’interlocuteur naturel de ces acteurs et des réseaux d’établissements privés sous contrat.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Parmi les quatre types d’atteinte pouvant être signalés sur l’application Faits établissement figurent les violences, mais il ne semble pas possible de distinguer celles qui auraient été commises par un adulte ayant autorité sur des enfants : la case en question correspond à tous les types de violence. À cet égard, la plupart des chefs d’établissement nous ont indiqué qu’ils n’utilisaient pas Faits établissement pour signaler ce type de violence, mais qu’ils s’appuyaient plutôt sur l’article 40 du code de procédure pénale, qu’ils remontaient l’information à leur hiérarchie, ou qu’ils transmettaient une information préoccupante. L’application ne semble donc pas utilisée de manière systématique s’agissant des violences commises par des adultes sur des enfants.

D’où ma question : que seul le chef d’établissement soit en mesure d’utiliser l’application n’est-il pas un frein au signalement des faits ? Seriez-vous favorable à ce que des signalements puissent y être faits sans son aval ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Faits établissement n’a pas du tout vocation à se substituer aux obligations de signalement auprès du procureur, qui incombent à chacun. L’application vise à informer les autorités académiques et, le cas échéant, le ministère, lorsque des faits graves se produisent dans un établissement, ainsi qu’à assurer une traçabilité des événements. C’est en tout cas de cette manière que je conçois cet outil. Il est important de savoir à quel moment des faits ont été signalés. Nous réfléchissons d’ailleurs à une évolution, afin qu’il s’agisse davantage d’un outil de dialogue permettant de tracer les différents échanges.

Cependant, je répète que Faits établissement ne se substitue pas aux autres canaux d’alerte directe, comme le 119, pas plus qu’à l’obligation de transmission d’une information préoccupante si on a connaissance de violences commises dans la sphère familiale, ni à l’obligation, qui s’impose à toute personne, de signaler au procureur une situation pénalement répréhensible.

J’ajoute que l’application peut justement permettre de guider pas à pas les utilisateurs dans le signalement des faits de violence, si ce n’est déjà fait, auprès des autorités compétentes.

Enfin, Faits établissement a déjà été aménagé pour collecter de plus amples statistiques sur les différents faits et pour les suivre plus simplement. L’outil a certainement vocation à encore évoluer, mais il est déjà possible d’indiquer si un auteur de violences sur un enfant est un adulte – sachant qu’un espace est évidemment prévu pour expliciter la nature des faits signalés ; ce ne sont pas que des cases à cocher.

Il est vrai que l’application ne peut être utilisée que par les chefs d’établissement et non par l’ensemble du personnel. Cela étant, et si j’entends votre inquiétude, j’insiste une nouvelle fois sur le fait que d’autres canaux existent, comme le 119. De plus, sur le modèle de ce que nous avons créé pour le signalement des atteintes aux valeurs de la République, nous travaillons à la création d’une adresse e-mail dédiée aux signalements directs de violences, au cas où des informations transmises par ailleurs ne remonteraient pas.

Et pour que tout soit formalisé, ce qui est désormais le cas, je précise qu’un chef d’établissement qui aurait connaissance de faits de violence par l’entremise d’un membre du personnel et qui déciderait de ne pas faire remonter l’information ni de la signaler au procureur engagerait sa responsabilité pénale et disciplinaire. Chacun doit en être conscient.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Votre prise de parole est très importante pour tous ceux qui nous écoutent, notamment les lanceurs d’alerte, les professeurs qui, par le passé et aujourd’hui encore, ressentant une forme d’omerta du ministère, n’ont pas eu le courage de libérer leur parole et de témoigner, ou ont essayé une fois avant de renoncer. Votre parole extrêmement claire sur cette responsabilité est utile pour faire avancer la cause.

En l’état actuel, vous considérez que Faits établissement est un outil du chef d’établissement qui ne permet pas de faire un signalement hors de ce circuit. En revanche, concernant les autres procédures – informations préoccupantes et signalement article 40 –, les gens qui dénoncent des faits hésitent encore : selon la façon dont les procédures sont appliquées dans les départements, ils ne savent pas s’ils peuvent engager un article 40 eux-mêmes ou si leur devoir est de faire remonter au chef d’établissement pour qu’il le fasse, notamment dans les écoles du premier degré.

Compte tenu de tout ce que nous avons entendu, je ne crois pas qu’il soit systématique que les professionnels remplissent aussi Faits établissement quand ils font un signalement article 40 – alors que c’est vrai dans l’autre sens, d’après ce que vous nous avez expliqué s’agissant d’un cas de violence. Peut-être nous trompons-nous, mais c’est l’impression que nous avons eue.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Pour clarifier les choses, j’ai demandé que chaque école et chaque établissement ait une procédure claire, pour que chacun sache ce qu’il a à faire quand il a connaissance d’une situation de maltraitance, de violence sur un élève. Toutes les écoles et tous les établissements auront à élaborer cette fiche. Ils bénéficieront des soutiens des équipes départementales et académiques s’ils ont des doutes dans l’élaboration.

La question de la protection de l’enfance est vraiment au cœur de la formation initiale des personnels de l’éducation nationale : c’est peut-être le moment de faire un rappel général pour réexpliquer, dans le contexte actuel, quelles sont exactement les procédures et de s’assurer que chacun maîtrise l’ensemble des décisions et des procédures à suivre s’il a connaissance d’un fait de violence.

M. Paul Vannier, rapporteur. Avant de revenir sur trois cas particuliers qui vont nous permettre de comprendre comment le contrôle des établissements privés sous contrat s’organise, je voudrais revenir sur l’échange que nous avons eu. Vous avez dit que les temps avaient changé : désormais, lorsque des mises en demeure ne sont pas appliquées, cela entraînera des conséquences.

J’ai pu vérifier, à propos de l’établissement Le Beau Rameau, pour lequel l’inspection académique vous a rendu les conclusions de sa mission début avril, que dix-neuf des vingt-sept mises en demeure avaient déjà vu leur délai dépassé. Avez-vous une évaluation, six semaines après la remise de ce rapport, de leur mise en œuvre ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je n’ai pas sur moi le détail de la mise en œuvre des dix-neuf recommandations. Si vous me dites que le délai est dépassé, on va refaire le point avec le rectorat pour voir à quel moment le contrôle est prévu.

Je rappelle au demeurant que l’Inspection générale est sur place aujourd’hui.

M. Paul Vannier, rapporteur. J’entends, mais vous nous avez dit, tout à l’heure, que l’Inspection générale avait été diligentée sur le cas très particulier de deux enseignants. Est-elle aussi là pour vérifier la mise en œuvre des vingt-sept mises en demeure établies par l’inspection académique ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas dit qu’elle avait été diligentée « spécifiquement » sur les cas ; j’ai dit qu’elle avait été diligentée « notamment » sur les cas. Bien évidemment, l’Inspection générale, qui est actuellement sur place, prendra les décisions qui sont nécessaires si le délai des mises en demeure est échu.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je poursuis mon questionnement avec le cas d’un autre établissement : le collège parisien Stanislas, célèbre s’il en est. Ce collège a été l’objet d’une enquête administrative de l’Inspection générale. Nous sommes revenus ce matin sur cette enquête en recevant l’équipe de la mission de l’Inspection générale.

L’Inspection générale a rendu son rapport en 2023 ; elle y faisait un certain nombre de recommandations. Ces recommandations sont, depuis, suivies par le rectorat de Paris. J’ai là l’un des documents qui fait état de ce suivi, et je vous en donne un exemple sur l’une des recommandations : « Demander au corps d’inspection de contrôler l’effectivité de l’information et de l’éducation à la sexualité prévue par l’article L. 312-16 du code de l’éducation » – c’est un sujet très important, qui plus est dans le contexte d’un établissement dans lequel ont été identifiés des faits de violences homophobes et sexistes sur les élèves.

Dans ce rapport de suivi du rectorat de l’académie de Paris, il est aussi indiqué que, en mars 2024, en sixième, en cinquième, en quatrième, le programme n’est pas respecté ; qu’en troisième, les thèmes abordés en séance correspondent au programme ; qu’en seconde, les séances d’éducation à la vie affective et sexuelle ne sont pas suffisamment développées ; qu’en première et terminale, le contenu des heures n’est pas présenté lors de la visite.

Il y a eu un deuxième contrôle le 17 mai 2024, qui portait sur deux classes de cinquième. Les inspecteurs disent : constat insuffisant et non conforme au programme des séances observées en éducation à la vie affective et sexuelle ; absence d’affiche ou dépliant avec messages de prévention ; pas de mise à disposition de préservatifs, ni dans le local de l’infirmerie, ni dans d’autres lieux de l’établissement ; des stéréotypes de genre entretenus ; des contenus scientifiques approximatifs et inappropriés ; des formats de séance descendants qui évitent de donner des espaces de parole aux élèves pour exprimer des inquiétudes, des questionnements.

Ainsi, le rapport de l’Inspection générale de 2023 fait des recommandations et deux inspections évaluant la mise en œuvre de ces recommandations démontrent que, sur un point particulier, celles-ci ne sont pas mises en œuvre, ni en mars, ni en mai 2024.

Après nous avoir dit que des conséquences seraient tirées du non-respect des mises en demeure adressées à un établissement, allez-vous demander au préfet de Paris de convoquer la commission de concertation pour statuer sur le contrat d’association de l’établissement Stanislas ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Sur le sujet particulier que vous évoquez, vous n’êtes pas sans savoir que, aujourd’hui, 10 % des élèves bénéficient d’une éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité. C’est pour cela que, lorsque j’étais première ministre, j’ai demandé au ministre de l’éducation nationale de saisir le Conseil supérieur des programmes. Je suis assez fière que l’on ait pu aboutir à un programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité qui est maintenant très clair sur chacun des niveaux, et qui sera déployé dans tous les établissements, privés comme publics, à partir de la prochaine rentrée.

Au demeurant, un suivi est prévu sur place le 28 mai ; je pense qu’il permettra de faire le point sur l’ensemble des sujets. Je le répète : 10 % des élèves ont aujourd’hui une éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité.

M. Paul Vannier, rapporteur. J’entends mais, au vu des conclusions du rapport de l’Inspection générale, on peut constater l’absolue nécessité que les textes soient mis en œuvre dans cet établissement.

Ce que vous dites là est un peu différent – vous me corrigerez si je me trompe, je ne veux pas parler à votre place. Tout à l’heure, vous nous disiez que des conséquences très claires seraient tirées d’une non-application des recommandations transmises à l’établissement. Or cela s’est produit à deux reprises sur la question de l’éducation à la vie sexuelle. Vous ne nous dites plus qu’il y aura une réunion de la commission de concertation – c’est vous-même qui l’avez évoquée – mais qu’il y aura encore une visite pour vérifier si, cette fois, enfin – la troisième ! –, les mises en demeure seront respectées.

Je veux appeler votre attention sur le fait que d’autres aspects des recommandations paraissent ne pas être respectés. Je pense notamment à la vie scolaire. Dans le rapport de suivi, nous pouvons lire que l’établissement impose une heure obligatoire à tous les élèves d’instruction religieuse, connue sous l’appellation « heure de café », et qui est renommée « cours de culture religieuse et chrétienne ». Les contenus devront être revus afin qu’ils relèvent d’un enseignement des faits religieux qui n’engage pas la foi. Un contenu portant atteinte à la liberté de conscience des élèves a été pointé dans le cadre de la visite du 30 mai : des élèves de cinquième ont assisté à une séance obligatoire de culture religieuse et chrétienne dont le contenu, qui portait sur les béatitudes, ne semblait pas conforme à l’attendu.

Ce n’est donc pas seulement sur l’éducation à la vie sexuelle, dont vous avez rappelé qu’elle ne concerne que 10 % des élèves, que les manquements en matière de mise en œuvre des recommandations sont documentés par les inspecteurs assurant le suivi du rapport.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je vous remercie de souligner que ce sont des recommandations et non des mises en demeure. Un contrôle, je viens de le dire, est prévu le 28 mai. Il permettra de faire l’état de la mise en œuvre des recommandations et des mises en demeure. Je ne suis pas en mesure de me prononcer, sinon il n’y aurait pas besoin d’avoir une inspection générale le 28 mai sur l’état de mise en œuvre des recommandations et des mises en demeure.

M. Paul Vannier, rapporteur. Le 28 mai, ce sera une inspection académique et non une inspection générale. Cela m’amène à constater que, concernant les recommandations et mises en demeure, vous êtes plus nuancée dans les conséquences que vous nous disiez tout à l’heure vouloir en tirer, même si ce n’est pas exactement la chose. Alors qu’il est documenté que les recommandations de l’Inspection générale ne sont pas mises en œuvre par cet établissement, vous renvoyez à une nouvelle inspection, le 28 mai, qui aura à nouveau l’occasion de le constater.

Je voudrais vous interroger sur l’Inspection générale. Ce matin, nous avons auditionné sous serment les inspecteurs et les inspectrices qui ont conduit la mission d’enquête administrative dans l’établissement Stanislas en 2023. Nous avons eu une discussion très importante sur le contenu de la lettre de transmission de leur rapport au ministre. Les lettres de transmission – elles nous ont été décrites ainsi par les membres de l’Inspection générale – sont la synthèse et la conclusion officielle d’un rapport. Ce document transmis au ministre est souvent le seul qu’il lit car il ne se plonge pas forcément dans les dizaines de pages du rapport – vous nous direz peut-être comment vous procédez.

Il est apparu au cours de cette audition que, alors que les membres d’une mission donnent toujours leur accord sur le contenu d’un tel document, la lettre de transmission en question avait été modifiée sans leur accord et complétée par un dernier paragraphe. Selon le pilote de la mission, celui-ci a été rédigé par Caroline Pascal, alors cheffe de l’Inspection générale et actuellement numéro deux du ministère de l’éducation nationale, à la tête de la Dgesco, la direction générale de l’enseignement scolaire.

Ce dernier paragraphe blanchit l’établissement Stanislas puisqu’il affirme que l’équipe d’inspecteurs considère qu’il n’y a pas de faits homophobes, sexistes et autoritaires dans l’établissement, alors que le rapport documente précisément une réalité complètement inverse, à savoir des faits homophobes, une culture sexiste, des pratiques sexistes et une logique autoritaire dans l’établissement.

Ma question est donc la suivante : comment appréciez-vous cette révélation devant notre commission d’enquête, sous serment, qui soulève des questions sur la responsabilité de la cheffe de l’Inspection générale de l’époque ? Allez-vous prendre des mesures pour réviser le fonctionnement de l’Inspection générale à l’occasion de l’élaboration et de la transmission des rapports au ministre ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Ce que vous dites révèle une confusion. Le rapport de l’Inspection générale est signé par tous les inspecteurs, sauf s’ils en contestent le contenu, auquel cas il y a une procédure tracée par laquelle ils peuvent décider de ne pas signer le rapport. La seule chose qui ait une valeur, c’est le rapport des inspecteurs généraux. La lettre de transmission, c’est le courrier de la cheffe de l’Inspection ; on peut donc considérer que c’est sa responsabilité, sa signature.

Comme il y a manifestement une confusion entre les deux, je vais demander à la cheffe de l’Inspection de me faire simplement un courrier de transmission sans commentaire et je prendrai connaissance des rapports de l’Inspection générale. Le courrier de transmission a vocation à dire : « Madame la ministre, je vous transmets le rapport de l’Inspection générale ci-joint. » Les rapports des inspecteurs généraux sont les seules pièces qui font foi et qui donnent l’avis signé par les inspecteurs généraux, sauf si l’un des inspecteurs est en désaccord avec le contenu du rapport.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je ne fais aucune confusion entre le rapport et la lettre de mission. J’insiste sur l’importance de cette lettre de transmission parce qu’elle a été rappelée à la fois par le pilote, par les membres de la mission et aussi par le référent, M. Patrick Allal. Elle paraît avoir une valeur très grande dans la lecture qui est ensuite faite des rapports. La mesure nouvelle que vous annoncez est d’ailleurs intéressante.

Je voudrais vous interroger sur la responsabilité de Mme Caroline Pascal, qui occupe une fonction éminente puisqu’elle a la charge de mettre en œuvre les politiques éducatives et de garantir la protection de tous les élèves. Après avoir constaté qu’elle ajoute dans la lettre de transmission un paragraphe qui contredit entièrement les conclusions du rapport pour donner à celui-ci une lecture totalement différente, comment appréciez-vous l’action de Caroline Pascal qui, je le rappelle, occupe une position décisive et centrale au ministère de l’éducation nationale ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je vous le redis très clairement : ce qui a une valeur, ce sont les rapports de l’Inspection générale. Une lettre de transmission, comme son nom l’indique, a vocation à transmettre un rapport. Un ministre est à même de comprendre un rapport sans en avoir une synthèse. La cheffe de l’Inspection a mieux à faire que des synthèses de rapports de l’Inspection générale.

Concernant le paragraphe que vous mentionnez, je ne sais pas qui vous dit qu’il est en contradiction avec le rapport.

M. Paul Vannier, rapporteur. À la fois le pilote et deux des quatre inspecteurs et inspectrices. Ils ont eu des mots extrêmement clairs devant nous pour indiquer que ce paragraphe était à leurs yeux insupportable. S’ils en avaient eu connaissance, ils se seraient opposés à la transmission de la lettre car ils estiment que ce paragraphe porte profondément atteinte à leur déontologie professionnelle.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je pense qu’il y a vraiment une grande confusion. Les inspecteurs généraux ne peuvent pas être responsables de la lettre de transmission de la cheffe de l’Inspection. Il vaut mieux, pour simplifier les choses, qu’il n’y ait aucun commentaire de la cheffe de l’Inspection. Les procédures de déontologie protègent les inspecteurs généraux pour qu’ils puissent, en toute indépendance, rédiger le rapport d’inspection générale : il n’y a pas besoin d’un commentaire fait par la cheffe de l’Inspection – désormais, il n’y en aura plus.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Pour conclure cet échange sur les signatures des transmissions, je porte une information à votre connaissance : le document concernant l’enquête administrative du collège Stanislas est signé uniquement par le pilote de la mission et non par les trois inspecteurs. La procédure qui était en place jusqu’à la décision que vous venez de nous indiquer, et qui nous a été décrite dans le détail lors de l’audition de ce matin, est que c’est cette lettre de transmission qui représente la synthèse la plus importante du rapport – je me fais vraiment le porte-voix de ce qui nous a été expliqué ce matin. Cette lettre est habituellement validée par l’ensemble des membres de la mission qui, avant transmission par la cheffe, en sont donc les coporteurs de façon unanime, c’est-à-dire qu’ils se mettent d’accord sur le contenu de cette transmission.

L’importance du contenu de la lettre de transmission a été soulignée. Il nous a été indiqué que, souvent, c’est cela qui est lu par le ministre, et pas plus – j’entends que vous, vous lirez l’ensemble, ce qui nous satisfait car il faut lire les rapports complets. De plus, la lettre a été utilisée par la cheffe de l’Inspection générale pour communiquer à l’époque puisqu’elle en a repris les éléments dans un communiqué de presse du ministère. Enfin, la direction diocésaine de Paris a utilisé cette phrase pour synthétiser le rapport de l’Inspection générale.

On voit bien que, même si cela ne sera plus le cas, la lettre de transmission du rapport concernant Stanislas a eu une extrême importance dans le dossier.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je peux vous dire mon expérience dans trois autres ministères : je n’ai jamais vu des débats de ce type-là sur le contenu de la lettre de transmission d’un rapport d’un inspecteur général. Jamais !

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. François Bayrou n’a lu que la lettre de transmission lorsqu’il y a eu inspection à Bétharram en 1996 et a fait état de cette lettre de transmission en ne mentionnant que la conclusion du rapport. Mme Oudéa-Castéra a également fait état de la synthèse figurant dans la lettre de transmission pour affirmer que tout se passait bien à Stanislas.

Je vous entends quand vous dites que vous pensez que cette lettre n’a pas de valeur mais, dans les faits, les ministres de l’éducation nationale l’ont utilisée comme un garant d’une évaluation positive.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Il se trouve que j’ai l’honneur d’avoir été ministre dans trois administrations différentes : je n’ai jamais vu des débats de ce type-là sur des lettres de transmission. Il est important que les inspecteurs généraux puissent rédiger leur rapport en respectant leur charte et conformément à leur éthique. Ce qui a une valeur, c’est le rapport des inspecteurs généraux. Dans aucun des ministères que j’ai eu l’honneur de diriger, je n’ai vu des débats sur la lettre de transmission du chef de l’Inspection. Il est bien que, désormais, à l’éducation nationale, la lettre de transmission ne fasse que transmettre un rapport.

M. Paul Vannier, rapporteur. Ce n’est pas uniquement un débat : pour notre commission, c’est un point absolument crucial. Nous nous consacrons à la question des violences en milieu scolaire. Nous sommes face à l’organe de contrôle qui dispose des plus importantes prérogatives, l’Inspection générale, et nous découvrons qu’un rapport accablant pour l’établissement Stanislas est transmis au ministre par une lettre de transmission modifiée par la cheffe de l’Inspection générale – aujourd’hui la numéro deux de votre ministère – sans l’accord des inspecteurs, afin de donner un sens favorable au rapport. Comprenez que ce n’est pas qu’une question de débat : c’est aussi un point très grave, qui nous amène à nous interroger sur la responsabilité actuelle de la numéro deux du ministère, au-delà des mesures que vous nous annoncez vouloir prendre et qui, de mon point de vue, vont dans le bon sens : celui d’une plus grande indépendance de l’Inspection générale.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. C’est votre appréciation de dire que le rapport est accablant. Je note qu’il y a des recommandations et des mises en demeure, qui vont être suivies par le rectorat sur la base du rapport qui a été remis par les inspecteurs.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je dis qu’il est accablant parce qu’il pointe des atteintes à la liberté de conscience et des comportements homophobes et sexistes à destination des élèves.

J’en viens au cas d’un autre établissement. Vous nous avez décrit tout à l’heure ce que vous appeliez la procédure normale : une inspection, le cas échéant des recommandations, un suivi des recommandations et sur cette base, quand cela est nécessaire, la réunion de la commission de concertation par le préfet – cela a été extrêmement rare jusqu’ici.

Je voudrais vous interroger sur le cas de l’établissement Averroès. Pour cet établissement, une série de rapports n’ont conclu à aucune recommandation. Aucun suivi d’éventuelles recommandations n’a été effectué entre la publication de ces rapports et la décision par le préfet du Nord de réunir la commission de concertation, dont on sait qu’elle a donné un avis favorable permettant au préfet du Nord de fonder son choix de rompre le contrat d’association, contrat depuis rétabli par le tribunal administratif de Lille.

Comment appréciez-vous, au regard de cette procédure normale que vous nous avez décrite, celle qui a été suivie pour aboutir à la rupture du contrat d’association du lycée Averroès de Lille ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. D’abord, ces faits sont antérieurs à ma nomination à la tête du ministère. Ce que je sais de cet établissement et de la procédure qui a été conduite, c’est qu’on a une situation qui n’est pas banale. La chambre régionale des comptes a fait un signalement au procureur en raison d’inquiétudes concernant des modalités de financement de l’établissement, qui posent suffisamment de questions à la chambre régionale des comptes pour qu’elle juge nécessaire de faire un signalement au procureur.

Ensuite, dans ce contexte, le préfet a décidé de réunir la commission de concertation pour prononcer la résiliation du contrat, sans passer par des étapes de mises en demeure, sur la base de préoccupations sur le respect des valeurs de la République, voire sur des risques d’islamisme ou d’entrisme dans l’établissement. Ce sont des faits qui peuvent être jugés graves par un préfet, au-delà de l’appréciation que l’éducation nationale peut en avoir.

La résiliation a été prononcée, le tribunal administratif a annulé cette décision et, pour ma part, j’ai décidé de faire appel sur un point qui me semble déterminant : le refus de contrôle par l’établissement. Au-delà de tout autre fait, alors que nous partageons tous la volonté de mettre en place des contrôles sur les établissements privés sous contrat – ce qui n’a pas été le cas pendant des décennies –, il me semble inacceptable qu’un établissement, au demeurant financé à 75 % par des fonds publics, refuse un contrôle.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je vais revenir sur cette motivation, que vous avez déjà exprimée, qui vous a conduite à faire appel de la décision du tribunal administratif de Lille. Auparavant, j’aimerais tout de même pointer ce qui m’apparaît comme un deux poids, deux mesures.

Dans un cas, une procédure très directe est suivie qui, sans la transmission de recommandations, conduit à la rupture du contrat d’association : c’est le cas du lycée Averroès de Lille. Je reviens à celui du collège Stanislas de Paris, que nous venons d’évoquer : un rapport de l’Inspection générale et deux missions de suivi pointent que certaines des recommandations ne sont pas mises en œuvre. Vous nous dites qu’il faudra une troisième mission de contrôle, le 28 mai, pour donner encore une fois sa chance à l’établissement de suivre les recommandations de l’Inspection générale, qui datent de 2023, donc d’il y a deux ans.

Comprenez-vous le sentiment qui est le mien de ce traitement différencié entre ces deux établissements, l’un auquel on accorde, à plusieurs occasions, la possibilité de mettre en œuvre une série de recommandations, l’autre à qui on n’offre jamais cette option-là puisqu’aucune recommandation ne lui est transmise jusqu’à la rupture du contrat d’association ?

S’agissant des valeurs de la République, un rapport de l’Inspection générale souligne que, de ce point de vue, l’établissement est remarquable, qu’il les applique pleinement. Quant à la question de l’entrisme islamiste, nous avons eu cette discussion de façon très directe avec de nombreux acteurs : jamais ce point n’a été documenté et, dans la décision du tribunal administratif de Lille, ces arguments ne sont pas reçus par la justice – il est probable en effet que si cela avait été avéré, elle aurait suivi la décision du préfet.

J’en reviens à ma question. Le sentiment d’un deux poids, deux mesures me paraît renvoyer à l’appartenance de chacun de ces d’établissements privés sous contrat à deux réseaux d’enseignement différents : le collège Stanislas au réseau de l’enseignement catholique ; le lycée Averroès au réseau des établissements musulmans, ces derniers étant criblés de contrôles – la cité scolaire Al-Kindi dans le Rhône, ou le lycée Averroès : quatorze contrôles ces dernières années –, alors qu’ailleurs, vous l’avez dit vous aussi, les contrôles étaient inexistants.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Il est très grave de jeter la suspicion comme vous le faites et de créer le doute chez nos concitoyens musulmans en évoquant un deux poids, deux mesures à leur égard. Je n’accepte pas vos propos. Les fermetures d’établissements hors contrat prononcées cette année concernent deux établissements catholiques, zéro établissement musulman, zéro établissement juif et deux établissements à pédagogie alternative. Une vigilance accrue par la loi confortant les principes de la République nous a amenés à cibler ces dernières années certains établissements hors contrat pour lesquels il y avait une suspicion de contestation des valeurs de la République, mais les chiffres sont là.

M. Paul Vannier, rapporteur. Vous me répondez sur les établissements hors contrat alors que j’évoquais la situation des établissements sous contrat. Puisque vous citez des chiffres, il y a à ma connaissance trois établissements dont le contrat a été rompu depuis 1959. Deux de ces établissements sont rattachés au réseau musulman, le lycée Averroès de Lille et la cité scolaire Al-Kindi dans le Rhône. Je rappelle qu’il existe une dizaine d’établissements sous contrat musulmans, contre 7 500 établissements catholiques. Il y a effectivement deux poids, deux mesures. Le dire, sur la base d’éléments de procédures comparés – présence ou absence de recommandations –, ce n’est pas chercher à faire peur, c’est chercher à comprendre les mécanismes de l’État dans ces situations précises.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Les 77 établissements musulmans hors contrat et les 3 ou 5 établissements musulmans sous contrat font l’objet d’un traitement équitable. Je vous invite à prendre connaissance du rapport qui a été publié aujourd’hui même sur le frérisme : il vous éclairera peut-être sur les questions que nous nous posons au sujet de certains de ces établissements et sur la vigilance dont nous faisons preuve.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je n’ai aucune difficulté à aller au fond des problèmes, y compris des problèmes de sécurité intérieure : il peut y avoir un radicalisme, un islamisme politique et une nécessité pour la République de le combattre. Or, chaque fois que la commission d’enquête a interrogé ceux qui avaient, de façon directe ou indirecte, eu à voir avec la situation du lycée Averroès, personne n’a jamais mobilisé d’argument de ce type pour justifier la rupture du contrat d’association.

Vous avez indiqué que c’est le refus d’un contrôle ce qui vous a conduite à faire appel de la décision du tribunal administratif de Lille. La décision du tribunal administratif en fait mention : « Si la venue de cette commission de sécurité [le même jour que la visite des trois inspecteurs] est établie, une telle opposition constitue tout de même un manquement de l’établissement d’enseignement privé sous contrat d’association ». Celui-ci considère cependant que « le manquement en cause n’est pas d’une gravité telle, au sens de l’article R. 442-62 du code de l’éducation, qu’il justifierait l’adoption de la décision attaquée ».

Le conseil d’administration de l’établissement a immédiatement licencié l’ancien directeur, qui s’était opposé à ce contrôle, et il a rappelé qu’aucune opposition aux contrôles des services de l’État ne pouvait être tolérée. Je vous pose de nouveau la question : à la lumière du jugement du tribunal administratif et de la réaction de l’établissement, pourquoi avez-vous pris la décision de faire appel ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Étant donné la gravité des faits passés qui nous sont remontés concernant certains établissements, qui peut juger que refuser un contrôle n’est pas particulièrement grave ? Personnellement, je considère que c’est inexcusable.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il est rare que je précise les propos de mon corapporteur mais il faut ajouter que des faits liés à l’entrisme islamiste ont été évoqués au cours nos discussions avec le préfet de région, Georges-François Leclerc, et avec Gérald Darmanin. Ils figurent au nombre des griefs formulés par la commission de concertation et dans plusieurs rapports, y compris dans celui de la chambre régionale des comptes (CRC). L’intervention de la CRC dans le dossier d’un établissement scolaire est très surprenante. C’est un cas original, unique ; il est dû à l’initiative du président de la région, que nous avons auditionné aussi. Je remarque par ailleurs une activité répétée du préfet de région auprès de la DGFIP pour multiplier les contrôles financiers liés à la vérification de faits plus anciens qui étaient reprochés à l’établissement dans plusieurs rapports, à savoir des financements par le Qatar.

Nous ne sommes pas là pour commenter une procédure juridictionnelle en cours. Vous contestez en appel la décision du tribunal administratif ; c’est le droit de l’État.

Toutefois, vous avez dit qu’une convention était en cours de rédaction entre la direction des affaires financières du ministère et la DGFIP pour approfondir les contrôles financiers. C’est ce qui nous intéresse. Dans le cas d’Averroès, au-delà de l’Inspection générale de l’éducation, l’État, en la personne du préfet de région – qui assume complètement son action, compte tenu du risque d’islam radical et d’entrisme des Frères musulmans –, a mobilisé des moyens qui auraient été utiles dans le cas de violences passées, systémiques, et qui n’ont pas été mobilisés par l’éducation nationale. Dans le cas de Stanislas, par exemple, il n’avait pas été demandé de procéder à une analyse financière. Il y a sans doute des clarifications à apporter et des outils nouveaux à utiliser.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Comme vous l’avez dit, la procédure juridictionnelle est en cours. Il est évidemment essentiel de s’appuyer sur la DDFIP lors du contrôle d’un établissement privé sous contrat, contrôle qui couvre les champs administratif, pédagogique, financier et de vie scolaire. Il est important que l’éducation nationale travaille avec les acteurs locaux, y compris les élus locaux et les autres services de l’État, pour avoir une vision à 360 degrés.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous avons auditionné François Sauvadet, président de Départements de France, sur le rôle des départements dans la lutte contre les violences commises par des adultes au sein des établissements scolaires. Il nous a dit, de manière ferme et assumée, que les enseignants ou les chefs d’établissement qui auraient suspicion de violences commises par des adultes encadrants en milieu scolaire ne devaient pas transmettre cette information préoccupante à la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (Crip) car les départements ne seraient pas concernés au titre de leur responsabilité de protection de l’enfance. Nous en avons eu la confirmation lors de notre déplacement au conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, dont les services considéraient que les quelques signalements effectués à la Crip par les établissements scolaires ne relevaient pas de leur compétence, mais de celle de l’éducation nationale.

Vous semble-t-il que la séparation actuelle des procédures doit être conservée : d’un côté, les violences intrafamiliales, qui doivent être communiquées à la Crip, et de l’autre un signalement au procureur et une information à la hiérarchie en cas de suspicion de violences d’adultes encadrants sur un enfant ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. De manière générale, au vu de la perte de chances des élèves de l’aide sociale à l’enfance (ASE) il est important que l’éducation nationale se rapproche de la protection de l’enfance pour le suivi des élèves en difficulté. En revanche, lorsque des violences sont commises par des adultes au sein de l’établissement scolaire, le conseil départemental n’a pas à intervenir. La réponse se trouve dans le signalement au procureur et dans les procédures disciplinaires de l’éducation nationale – ou du diocèse, pour le personnel non enseignant des établissements privés.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il faudra sans doute clarifier cette séparation dans les cas les plus complexes. Un signalement de viol commis par un adulte encadrant peut amener les enseignants ou l’infirmière scolaire à faire un signalement pour des violences intrafamiliales – ce cas nous a été rapporté. Quand on ne sait pas d’où vient la violence ou qu’on ne croit pas la victime de façon certaine, il peut y avoir une hésitation sur la procédure à suivre pour les personnes qui reçoivent la parole de l’enfant. Le problème se pose également en cas de violences sexuelles entre élèves pour déterminer qui est la victime et qui est l’agresseur.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Il faut effectivement être vigilant aux cas de violences sexuelles entre élèves, qui pourraient aussi faire l’objet de la transmission d’une information préoccupante. Nous allons préciser ces points.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Comme vous le voyez, nous ne cherchons pas seulement à rendre un rapport, mais à être utiles rapidement, compte tenu de la gravité des faits.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Un point est clair : dès lors que l’on a connaissance de violences physiques ou sexuelles, il faut faire un signalement au procureur.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Malheureusement, les délais d’instruction de la justice rendent l’action de l’éducation nationale très importante.

Lors de son audition, la directrice générale du 119 a souligné l’utilité de ce numéro et le fait qu’il était bien repéré par la communauté éducative, ce que nous avons constaté par ailleurs. Néanmoins, il manque de moyens, dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. Vous avez évoqué votre souhait de le moderniser et de le renforcer. La possibilité d’un contrôle flash de l’affichage de ce numéro dans les établissements, notamment privés – certains rapports d’inspection dont nous avons eu connaissance montrent que cet affichage y est insuffisant ou ineffectif –, a également été citée. Quelles sont vos propositions pour le 119 ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. La montée en gamme du 119 relève de la compétence du ministère de Catherine Vautrin. À mes yeux, il faut s’inspirer du 3018, le numéro de signalement du harcèlement, dont les horaires sont plus larges et qui propose un système de messagerie. Le 119 prévoit un volet qui relève de mon ministère et que je souhaite mettre en œuvre au plus vite, à savoir la transmission des informations aux autorités académiques quand un signalement concerne un établissement scolaire.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il faudra rédiger un protocole afin que les signalements liés aux violences commises par des adultes encadrants vous parviennent. Actuellement, le 119 a plutôt pour habitude de procéder à un signalement auprès de la Crip ; il ne faudrait pas que les informations soient noyées dans la masse, comme c’est le cas dans mon département du Nord. Avez-vous une idée du délai de finalisation de ce protocole ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Nous sommes en train d’en discuter avec le groupement d’intérêt public Enfance en danger. L’objectif est qu’il entre en vigueur à la rentrée prochaine.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Pouvez-vous préciser le protocole à suivre pour les équipes éducatives en cas de violence ? Vous avez mentionné l’élaboration d’une fiche et de formation initiale. Il faudrait surtout que, lors de la journée de pré-rentrée – que je juge nettement insuffisante –, le CPE – conseiller principal d’éducation – et le chef d’établissement expliquent clairement à l’équipe éducative quelle est la procédure à suivre lorsqu’un enfant est en danger dans l’établissement, quel que soit le danger, et que cette procédure soit à la disposition de tous les adultes à tout moment de l’année.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. La protection de l’enfance est un sujet essentiel dans la formation de tous les personnels de l’éducation nationale, pas seulement des professeurs. Ils ont été sensibilisés en formation initiale et peuvent bénéficier d’une formation continue sur le sujet. J’ai demandé à chaque chef d’établissement de mettre à disposition des équipes un document expliquant clairement ce qu’il convient de faire quand un adulte recueille la parole d’un enfant qui fait état de violences. Ce que je souhaite, c’est que toutes les personnes auxquelles un enfant pourrait se confier, y compris le personnel technique et les Atsem – agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles –, sachent à qui il faut transmettre l’information, et comment. Le cas échéant, les équipes académiques départementales pourront contribuer à élaborer cette fiche de procédure.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. La sensibilisation de l’équipe éducative est intéressante, mais ce protocole national pourrait être totalement descendant. Il n’y a pas besoin de faire réfléchir les équipes sur la manière d’utiliser l’application Faits établissement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je me méfie des circulaires qui descendent de la rue de Grenelle et de la rue Descartes. La situation n’est pas la même dans un lycée de 1 200 élèves et dans une école rurale à deux classes. Chaque établissement doit disposer d’un document adapté à sa situation et à son organisation. Bien évidemment, nous ne leur demanderons pas d’improviser et nous leur proposerons un document type.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Considérez-vous que le personnel des établissements scolaires est suffisamment formé à la lutte contre les violences, et plus particulièrement à la culture du signalement – article 40 du code de procédure pénale, cellule de recueil des informations préoccupantes, analyse des situations complexes, etc. ? Nous avons reçu hier Ségolène Royal qui, il y a vingt-cinq ans, avait publié une circulaire très complète sur le sujet des violences, notamment sexuelles, dans les établissements scolaires. On peut regretter que les choses aient faiblement évolué depuis.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. La circulaire de 1997 était un texte précurseur pour l’époque. Elle faisait suite à des affaires de pédophilie qui avaient ému nos concitoyens. Toutefois, elle ne comportait pas de dispositions relatives aux procédures de signalement ou de remontée d’information. Najat Vallaud-Belkacem a obtenu en 2016 une évolution de la loi afin que l’employeur soit systématiquement informé ; c’est un progrès. Nous progressons aussi dans la sensibilisation à la gravité des problèmes de violences physiques et sexuelles sur les enfants.

La formation initiale du personnel des écoles, collèges et lycées rappelle les procédures relatives à la protection de l’enfance et à la gestion des signalements. Est-ce suffisant ? Je ne peux pas le considérer par principe. C’est pourquoi la réflexion que je propose à chaque établissement est nécessaire pour faire progresser la culture du signalement. Outre l’élaboration d’une fiche de procédure, elle sera l’occasion pour l’équipe de parler de l’importance d’être à l’écoute et de recueillir au mieux la parole des élèves. Ensuite, le chef d’établissement prendra les décisions nécessaires, comme la remontée d’information et le signalement au procureur.

M. Paul Vannier, rapporteur. Lors de son audition, votre prédécesseur, Pap Ndiaye, a dit qu’il avait découvert, en arrivant au ministère, la séparation entre la direction générale de l’enseignement scolaire et la direction des affaires financière, laquelle ne se contente pas de salarier le personnel enseignant des établissements privés sous contrat, mais assure aussi le suivi de la politique éducative de ces établissements. Pap Ndiaye a indiqué qu’il avait engagé une réflexion visant à interroger, voire à revoir cette séparation au motif que tous les établissements, publics comme privés sous contrat, participent du service public de l’éducation et devraient, à ce titre, mettre en œuvre dans le même cadre la politique impulsée rue de Grenelle. Avez-vous la même réflexion ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Quand on arrive rue de Grenelle, on peut être surpris que l’enseignement privé sous contrat et hors contrat soit suivi par la direction des affaires financières ; cela n’apparaît pas dans son intitulé. Toutefois, ces derniers mois, j’ai concentré mon attention sur les réponses à apporter aux situations dramatiques qui nous étaient apparues afin qu’elles ne se produisent plus.

On pourrait reprendre la réflexion à froid. Il y a certainement des avantages et des inconvénients à l’une ou l’autre des formules. Parmi les avantages de la situation actuelle, on peut compter l’existence d’un interlocuteur au sein du ministère clairement identifié par les organisations syndicales, qui ne sont pas les mêmes que dans l’enseignement public, et par les chefs d’établissement, capable d’obtenir des informations auprès des autres directions. A contrario, sur des sujets comme la santé scolaire, il faut remettre à bord tous les réseaux de l’enseignement privé.

La réorganisation ne me semble pas prioritaire. La priorité est d’effectuer tous les contrôles prévus, qui ont changé à la fois d’échelle et de nature, afin que dans aucun établissement, qu’il soit public ou privé, des élèves ne soient victimes de violences sans pouvoir alerter et sans que les démarches judiciaires et disciplinaires qui s’imposent soient engagées.

M. Paul Vannier, rapporteur. La signature et l’animation des contrats d’association sont la prérogative du préfet. On sait pourtant que ce contrat n’est pas réellement suivi : le rapport de la Cour des comptes relève même qu’une certaine proportion des contrats a matériellement disparu, signe de la très faible attention qu’y portent les préfets, qui ont bien d’autres tâches. On a le sentiment que les services déconcentrés de l’éducation nationale – inspection académique, rectorat – n’assurent pas de pilotage régulier, par exemple annuel, de ces contrats d’association. Pensez-vous qu’il faille redessiner les prérogatives des recteurs et des préfets ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Les recteurs sont sensibilisés à l’importance du suivi. Là encore, il s’agit de changer d’époque. Il peut être compliqué de savoir ce qui relève de leurs prérogatives et ce qui est du domaine du directeur diocésain. Certains recteurs ont donc pris le parti d’échanger directement avec les chefs d’établissements privés sous contrat de leur académie.

M. Paul Vannier, rapporteur. C’est ce que prévoit la loi Debré, qui ne reconnaît pas de réseaux et n’organise donc pas de dialogue entre eux et les services du ministère.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Manifestement, cela se met en place. Je veillerai à ce que cela soit systématisé.

Le préfet est le représentant de tout le gouvernement ; quand il signe un contrat d’association, il le fait au nom du ministre de l’éducation nationale. Nous devons mieux nous coordonner pour que le suivi soit assuré à l’initiative du recteur, en lien avec le préfet.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Graziella Melchior (EPR). Hier, j’ai été informée de l’intégration dans un établissement privé du Finistère, à la rentrée dernière, d’une enseignante qui avait été écartée d’un établissement parisien après des plaintes pour des faits de violence. Nous savons que ce n’est pas un cas isolé. Pouvez-vous nous dire comment l’éducation nationale vérifie les profils lorsque les enseignants changent d’académie ? Comment les informations sont-elles transmises d’un rectorat à l’autre ? Comment cette transmission pourrait-elle être améliorée ?

Je connais bien l’association Les Papillons, qui installe dans les établissements des boîtes permettant aux enfants de libérer leur parole par l’écrit. Elle fait un travail remarquable, qui a encore été salué la semaine dernière par le premier ministre. Si de nombreux établissements lui ouvrent volontiers leurs portes, d’autres sont plus réticents car elle n’a pas encore d’agrément. Le processus proposé par la Dgesco est actuellement long, trop long. Confirmez-vous le souhait d’accélérer la délivrance de cet agrément et êtes-vous prête à mobiliser votre administration dans cet objectif ?

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Madame la ministre d’État, le 12 février 2025, vous étiez auditionnée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation. À cette occasion, je vous ai demandé si vous alliez produire une enquête approfondie sur les révélations faites par Mediapart concernant les violences pédocriminelles à Bétharram.

Vous avez répondu : « S’agissant de l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram, je ne suis pas ministre de la justice et, quand bien même je le serais, je n’aurais pas à me prononcer sur une affaire qui fait l’objet d’une procédure judiciaire. Je ne m’exprimerai donc pas sur ce sujet. » Autrement dit, le sujet ne vous concernait pas. Vous avez refusé de vous prononcer et vous n’avez eu aucun mot pour les victimes.

Vous m’avez répondu cela alors que mon collègue Paul Vannier avait déjà interpellé deux fois François Bayrou lors des questions au gouvernement et que des journalistes avaient sorti de gros dossiers montrant que ce dernier avait menti devant la représentation nationale. Certes, vous n’êtes pas ministre de la justice, mais en tant que ministre de l’éducation nationale, il vous appartenait de diligenter une inspection, ou même de demander l’ouverture des archives, comme certaines rectrices l’ont fait depuis pour d’autres établissements, ce qui était la moindre des choses.

Vous avez sans doute, vous aussi, fini par croire que c’était votre mission : deux jours plus tard, le 14 février, vous avez demandé au rectorat de Bordeaux d’inspecter Notre-Dame-de-Bétharram. J’ai donc trois questions à vous poser.

Premièrement, pensiez-vous réellement qu’une ministre de l’éducation nationale n’était pas concernée par ce qu’il s’était passé et ce qu’il se passe encore aujourd’hui dans la libération de la parole à Bétharram ?

Deuxièmement, puisque vous avez manifestement changé d’avis, quelles sont les raisons de ce revirement et pourquoi n’avez-vous pas immédiatement demandé une inspection ? Allez-vous lancer des inspections dans les établissements que la libération de la parole a fait connaître, comme celui que l’on appelle le « Bétharram breton » le Relecq-Kerhuon, dans le Finistère, mais aussi le groupe scolaire du Kreisker à Saint-Pol-de-Léon, les établissements Cendrillon de Dax, Saint-Joseph de Gap ou encore l’institut catholique de Riaumont, contre lequel des plaintes ont été déposées ? Je cite ces établissements, mais il y en a bien d’autres.

Ma troisième question est la plus importante, et je rappelle que vous êtes sous serment. Le 12 février, quand vous m’avez répondu en commission des affaires culturelles et de l’éducation, saviez-vous que François Bayrou avait menti devant la représentation nationale et n’avait pas protégé les enfants de Bétharram ?

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Sur les 60 postes d’inspecteur supplémentaires annoncés, 30 postes sont prévus pour cette année et 30 pour l’année prochaine. Parmi les 30 postes de cette année, 20 seront ouverts pour l’enseignement primaire et 10 pour l’enseignement secondaire, soit moins d’un inspecteur par académie. Cela me paraît très léger. La charge de travail des inspecteurs risque de créer une dissonance entre ce qui leur est demandé et les moyens qui leur sont accordés.

Vous avez dit qu’il était prévu 50 % de contrôles sur place – donc, je suppose, 50 % de contrôles sur pièces, sans déplacement de l’inspecteur. Est-ce bien le cas ?

Parmi les 500 visites réalisées ou prévues, quel est le pourcentage de visites surprises et quel est le délai de prévenance pour les contrôles annoncés ? La journée d’inspection mobilisera-t-elle un seul inspecteur ? Quelle serait la journée type ? J’imagine qu’il ne s’agit pas seulement de rencontrer le chef d’établissement, de passer la journée avec une classe et de revoir le chef d’établissement le soir.

Enfin, je me réjouis que le projet de loi de finances pour 2026 prévoie des postes supplémentaires de psychologue de l’éducation nationale, d’infirmière et d’assistante sociale. Mes amendements en ce sens avaient été retoqués l’année dernière.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Madame Melchior, il est habituellement prévu un contrôle d’honorabilité consistant à vérifier que la personne n’est pas inscrite, entre autres, au fichier répertoriant les auteurs de violences sexuelles. Par ailleurs, le dossier administratif de l’enseignant est transmis en cas de mutation. Je m’étonne qu’une personne qui a commis des violences ait pu être recrutée ; il serait important d’approfondir la situation que vous mentionnez pour déterminer de quelles violences il s’agit et pourquoi elles n’ont pas fait l’objet de sanctions disciplinaires.

Pour ce qui est de l’association Les Papillons, nous avons tous conscience de la difficulté, pour les enfants et les élèves victimes de violences, de parler. Tous les canaux qui peuvent contribuer à libérer la parole sont les bienvenus, y compris celui que l’association propose et qui peut offrir une voie d’expression aux élèves qui n’auraient pas pu se confier à un adulte ou qui n’auraient pas signalé les faits en répondant aux questionnaires en ligne. Je souhaite que l’on facilite son intervention lorsque l’équipe éducative y est favorable.

Madame Mesmeur, je n’accepte pas que vous disiez que je n’ai pas eu un mot pour les victimes. Je regrette que vous n’ayez pas été là au début de l’audition ; cela vous aurait évité de poser les mêmes questions.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). J’étais là.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Alors, je ne me suis pas exprimée clairement. En tant que ministre de l’éducation nationale, je n’ai pas à me prononcer sur des violences qui sont dramatiques – quand on écoute les témoignages, on se rend compte que la vie de certains anciens élèves a été brisée par ce qu’il s’est passé à l’école et dont ils n’ont pas pu parler pendant des décennies – et il ne m’appartient pas de rechercher les responsabilités dans ce qu’il s’est passé à l’école.

En revanche, il est de ma responsabilité de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que de tels faits ne se produisent pas. C’est ce que j’ai fait en lançant un contrôle académique le 14 février ; il s’est déroulé au mois de mars et a été suivi, dans la foulée, d’une inspection générale. C’est ce que je ferai systématiquement. Quand des groupes de victimes se constituent, quand on voit émerger des violences qui ont eu lieu par le passé, les recteurs revoient leur plan de contrôle pour s’assurer que la situation qui était celle d’il y a quelques décennies n’est plus possible dans les établissements en question.

Nous suivons évidemment tous les établissements que vous avez mentionnés. Nous avons recensé 280 établissements pour lesquels les médias ont évoqué des violences qui seraient survenues au cours des décennies passées, ainsi que 80 établissements dans lesquels des victimes se sont constituées en groupes dans le but de permettre à la justice de se prononcer sur les violences qu’elles ont pu subir. Donc tous ces établissements, nous les suivons, madame la députée, je peux vous l’assurer.

Pour ce qui est des contrôles, les 60 inspecteurs que j’évoquais s’ajoutent aux 140 d’ores et déjà affectés aux contrôles. Ils ne sont pas seuls : ils peuvent s’appuyer sur leurs 3 500 collègues, mais aussi – et je souhaite que ce soit le cas – travailler avec des personnels présentant d’autres profils, notamment des personnels de santé scolaire et des personnels des services sociaux, qui peuvent venir en appui et compléter leur intervention. C’est sur cette base que les académies ont pu élaborer leurs plans, notamment les 1 000 contrôles prévus cette année, dans la proportion que j’ai déjà mentionnée, c’est-à-dire 50 % de contrôles sur place et 50 % de contrôles sur pièces.

Pour ce qui est de l’organisation détaillée de chaque contrôle – combien de jours les inspecteurs passent sur place, combien de personnes se déplacent –, je ne suis pas capable de vous la communiquer. Ce dont je peux vous assurer, c’est que chaque recteur a bien conscience de la gravité de ce qu’il s’est passé et est engagé pour que cela ne puisse plus se produire : chaque recteur prend ces sujets avec le plus grand sérieux.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). J’étais bien là quand vous avez répondu à mon collègue rapporteur. C’est pour cette raison que je vous ai demandé de préciser vos propos, ce que vous avez fait. Je vous en remercie.

Le 12 février, je vous ai demandé si, en tant que ministre de l’éducation nationale, vous aviez lancé une enquête approfondie, pas pour établir des responsabilités ni pour vous positionner, mais, notamment, pour ouvrir les archives. Vous aviez alors refusé de vous prononcer. Deux jours plus tard, en revanche, vous demandiez l’ouverture de cette enquête approfondie. Comme vous avez visiblement changé d’avis, je réitère donc ma question : quelles sont les raisons de ce revirement ?

Je me réjouis néanmoins d’entendre que vous comptez agir de la même façon pour toutes les autres affaires – celles que j’ai mentionnées et toutes celles que je n’ai pas eu l’occasion d’évoquer.

Enfin, vous n’avez pas répondu à ma troisième question : saviez-vous, le 12 février, que François Bayrou avait menti à la représentation nationale et n’avait pas protégé les enfants de Bétharram ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Vous parlez d’ouvrir des archives. Lesquelles ?

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Celles du rectorat, comme c’est le cas dans le Finistère, par exemple.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Dans le cadre de l’enquête pénale ? Je ne comprends pas.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Nous avons auditionné des recteurs, dont la rectrice de la région Bretagne, qui a décidé, à la suite des révélations concernant les collèges du Relecq-Kerhuon et du Kreisker, d’ouvrir les archives du rectorat, pour savoir si ce dernier avait été informé des signalements qui avaient pu avoir lieu quelques années auparavant.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons bien sûr regardé immédiatement quels documents pouvaient exister au niveau de l’administration centrale. Il n’y en a pas eu ; nous nous sommes adressés aux archives nationales, qui n’ont rien trouvé. Nous nous sommes tournés vers le rectorat pour récupérer le rapport qui avait été rendu à l’époque.

Compte tenu du nombre de contrôles qui ont eu lieu, j’imagine toutefois – mais nous pourrons évidemment le vérifier – que les établissements en question n’ont pas fait l’objet de contrôles.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je ne sais pas, c’est à vous de me le dire.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. J’ai évoqué le fait que, jusqu’en 2023, les établissements privés sous contrat faisaient l’objet d’environ dix contrôles par an seulement. Nous sommes ensuite passés à vingt contrôles, et nous passerons à 1 000 contrôles cette année.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je souhaite aborder une question sur laquelle vous n’avez pas encore eu l’occasion de vous exprimer, en prenant l’exemple de l’École nationale supérieure d’arts et métiers de Lille. Il s’agit d’un établissement de l’enseignement supérieur, mais le signalement dont elle a fait l’objet est traité par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), c’est-à-dire le même organisme, avec le même fonctionnement, que les cas qui relèvent de l’éducation nationale.

En février, j’ai transmis au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en mettant en copie le préfet, un signalement dont des étudiants m’avaient fait part, ainsi qu’une plainte qui avait été déposée – ce n’était donc pas un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. Après avoir relancé le ministre en avril, j’ai reçu une lettre du préfet m’indiquant qu’une inspection, très approfondie, était en cours, qu’une enquête judiciaire avait lieu en parallèle, et que l’IGESR rendrait son rapport d’ici deux mois.

Une centaine d’élèves de l’établissement se sont plaints, la directrice incriminée leur oppose une défense très forte, et une procédure judiciaire est en cours : il s’agit typiquement d’un cas impliquant des faits assez systémiques et relevant à la fois du judiciaire et de votre ministère. Cela m’amène à la question des mesures conservatoires. Assez naturellement, dans le cadre des fonctions qui sont les miennes, j’ai demandé dans mes courriers si des mesures de cet ordre avaient été mises en œuvre. À ce jour, les étudiants me relancent en me disant que ce n’est pas le cas.

Dans les situations qui relèvent de votre champ de compétence, le déclenchement de mesures conservatoires, pour protéger à la fois des élèves potentiellement en danger, mais aussi la personne incriminée, qui peut être victime de harcèlement ou de menaces, est-il systématique ? La décision dépend-elle de la complexité des affaires concernées ? Je sais que les quatre mois de suspension qui peuvent être prononcés au maximum sont souvent insuffisants en cas d’affaire judiciaire, ce qui complique les choses pour l’éducation nationale – c’est un autre problème –, mais comment ce sujet est-il traité ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Quand on a un doute sur le fait qu’un personnel puisse commettre des violences, des mesures telles que des suspensions à titre conservatoire sont effectivement prises. Je pourrai vous repréciser dans quel cadre. Comme vous l’avez souligné, il peut arriver que les versions des différentes parties soient totalement contradictoires – c’est le cas pour les faits que vous mentionnez. Des mesures conservatoires peuvent en tout cas être prises en cas de doute sur des faits de violence potentiellement commis par un adulte. Je crois que c’est nécessaire, y compris d’ailleurs pour protéger la personne incriminée et lui permettre de se défendre. Je vous repréciserai le cadre exact dans lequel ces décisions sont prises, mais cela se fait.

Comme vous l’avez souligné, ces mesures ne peuvent durer que quatre mois, ce qui n’est malheureusement souvent pas compatible avec le temps de l’enquête judiciaire. Mais, en même temps, on voit bien qu’il paraîtrait difficile de suspendre des personnels à titre conservatoire pendant une très longue durée. Il s’agit donc d’un sujet qui mérite d’être approfondi.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous vous remercions, madame la ministre.

 

La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.

 


Présences en réunion

Présents.  M. Arnaud Bonnet, Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Delphine Lingemann, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, M. Jean-Claude Raux, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier

Excusés.  Mme Farida Amrani, M. Aymeric Caron, M. Alexis Corbière, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Nicole Sanquer, M. Mikaele Seo