Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Philippe Mauguin, président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), dont la reconduction est proposée par le Président de la République, suivie d’un vote sur le projet de nomination (M. Robert Le Bourgeois, rapporteur)              2

 


Mardi 15 octobre 2024

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 6

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


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La commission a procédé, en application de l’article 13 de la Constitution, à l’audition de M. Philippe Mauguin, dont la reconduction à la fonction de président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) est proposée par M. le Président de la République, puis a voté sur cette nomination.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Notre commission auditionne aujourd’hui, dans le cadre des dispositions de l’article 13 de la Constitution, M. Philippe Mauguin, actuel président-directeur général de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), en vue de son possible renouvellement dans ces fonctions. À l’issue de cette audition, nous nous prononcerons sur ce projet de nomination. Monsieur Mauguin a été préalablement entendu par la commission des affaires économiques du Sénat et le dépouillement des votes aura lieu ce soir, simultanément, dans les deux commissions. Je vous rappelle qu’en application de ce même article 13, « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. ».

En outre, je rappelle qu’en application de l’article 29.1 du règlement de l’Assemblée nationale, le rapporteur doit appartenir à un groupe minoritaire ou d’opposition ; en conséquence, notre commission a désigné à cette fonction M. Robert Le Bourgeois, membre du groupe Rassemblement national.

Monsieur Mauguin, nous vous remercions pour les réponses que vous avez apportées au questionnaire transmis par notre rapporteur, réponses qui ont été adressées, hier matin, aux membres de la commission.

Avant de passer la parole au rapporteur, je souhaiterais rappeler l’importance du rôle de l’Inrae pour l’avenir de notre agriculture, de notre alimentation et de notre environnement, préoccupations qui sont au cœur des compétences de notre commission. Je souhaiterais également rappeler que l’indépendance académique des chercheurs et les moyens qui leur sont alloués sont essentiels pour assurer à la fois l’excellence scientifique et l’adéquation des recherches aux besoins de la société.

Dans quelle mesure l’Inrae participe-t-il à la lutte contre les épizooties qui touchent actuellement nos élevages, notamment la fièvre catarrhale ovine (FCO) ? Quels travaux de recherche votre Institut conduit-il à ce sujet ? Comment l’Inrae accompagne-t-il les agriculteurs pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires ? Quelles solutions proposez-vous ?

M. Robert Le Bourgeois, rapporteur. Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, vous avez notamment occupé différentes fonctions en cabinet ministériel au sein du ministère de l’agriculture, jusqu’à devenir de 2012 à 2016 le directeur de cabinet de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Vous avez ensuite été nommé président-directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), devenu l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) depuis sa fusion avec l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), le 1er janvier 2020. Vous occupez depuis la présidence de ce nouvel organisme – d’abord par intérim, de juillet à octobre 2020.

Je suppose que vous reviendrez, dans quelques instants, sur la façon dont cette fusion s’est déroulée. A-t-elle permis de mettre en œuvre des synergies et de faire des économies d’échelle ? À l’heure où l’État cherche à faire des économies importantes, l’Inrae est-il en mesure de « faire mieux avec moins », pour reprendre les mots du Premier ministre ?

Ensuite, je souhaiterais que vous abordiez la question de la concurrence internationale en matière de recherche et développement (R&D) agricoles. Les investissements dans la recherche sont nécessaires à la croissance de notre économie. L’Inrae est, dans son domaine, le premier opérateur de recherche finalisée en France et en Europe et le troisième au niveau mondial. Dans vos réponses écrites, vous soulignez que les dépenses globales de R&D agricoles ont fortement augmenté en Chine depuis les années 2000, bien plus qu’en Europe et aux États-Unis. Quelle analyse faites-vous de cette tendance ? Quels risques identifiez-vous, à moyen et à long terme, pour notre souveraineté scientifique et alimentaire, au regard de la situation financière de l’Inrae et des investissements massifs de la Chine, mais aussi du Brésil ou de l’Inde ?

Vous évoquez aussi la nécessaire conciliation de l’urgence écologique et de l’urgence agricole, qu’il ne convient pas d’opposer. Pourriez-vous nous dire quel regard vous portez sur les orientations stratégiques définies au niveau européen, qu’il s’agisse du Pacte vert pour l’Europe ou du projet « de la ferme à la table » (from farm to fork) ? Quel rôle joue l’Inrae dans la déclinaison de ces grandes orientations ?

Le dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’Union européenne – qui a remis ses conclusions le mois dernier à la présidente de la Commission – recommande d’accompagner les agriculteurs qui s’engagent dans la transition agroécologique. Quelles actions et quels moyens l’Inrae met-il en œuvre pour soutenir nos agriculteurs face à ces objectifs européens – souvent très, voire trop, optimistes – de réduction de l’usage de produits phytosanitaires ?

Enfin, s’agissant de la question très actuelle des épizooties qui touchent nos élevages depuis plusieurs mois désormais, quel rôle joue l’Inrae pour prévenir et contenir la propagation de ces maladies inquiétantes ?

En tant que rapporteur, il m’appartiendra de donner un avis quant à votre nomination. Avant cela, je vous laisse nous présenter le bilan que vous faites de vos quatre années passées à la tête de l’Inrae ainsi que votre projet et votre vision pour les quatre années à venir.

Je vous remercie pour votre attention et pour les réponses détaillées à notre questionnaire que vous avez fournies.

M. Philippe Mauguin, président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Je suis très honoré d’intervenir devant votre commission pour vous présenter ma candidature pour un second mandat à la tête de l’Inrae.

La présidente et le rapporteur l’ont rappelé dans leurs propos liminaires, l’Inrae est un organisme de recherche important pour notre pays, pour ses contributions aux connaissances scientifiques et à la formation des nouvelles générations, mais aussi comme acteur des solutions et transitions pour l’agriculture, l’agroalimentaire, la forêt et, plus globalement, pour les questions environnementales.

Au cours de mon premier mandat de président-directeur général de l’Inrae, que j’ai exercé après avoir obtenu le soutien de votre assemblée en 2020, nous avons mené la fusion de l’Irstea – qui avait lui-même pris la suite du Centre national du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des forêts (Cemagref) – et de l’Inra, dont j’étais alors le PDG. Une telle fusion de deux grands organismes de recherche n’avait pas, je crois, de précédent en France. Cette opération a bien évidemment occupé une place importante à la fin de mon mandat à l’Inra et au début de celui à l’Inrae.

Premier motif de satisfaction de ces quatre dernières années : le 1er janvier 2020, nous étions prêts. Une nouvelle organisation était en place, avec notamment une hybridation des compétences dans les départements scientifiques, pour favoriser les synergies que vous avez demandées. L’Inra et l’Irstea avaient, par exemple, des compétences complémentaires sur le petit cycle de l’eau, sur l’eau dans la ferme agricole comme dans les grands bassins versants : il existe une interconnexion très forte. L’Inrae est aujourd’hui le premier acteur de la recherche finalisée sur l’eau en France et l’un des tous premiers au niveau international ; cela nous permet de développer des solutions pour mieux gérer l’eau, ressource rare et stratégique.

Pour ce qui est de la question sensible des produits phytosanitaires, l’Inra travaillait sur la résistance des plantes aux maladies – sous l’aspect tant génétique qu’agronomique – tandis que l’Irstea se consacrait davantage à l’agroéquipement – capteurs, épandeurs, pulvérisateurs. Nous avons aujourd’hui à l’Inrae une approche intégrée qui nous permet d’aller plus loin et de réduire l’impact de ces produits phytosanitaires.

Ce mandat a été frappé très vite par la pandémie de covid-19. Cette période a été compliquée, mais elle a finalement, peut-être, favorisé et accéléré l’émergence d’une solidarité entre toutes les équipes, sur tout le territoire. Nous avons réussi à protéger la santé de tous nos agents – que je tiens à remercier – tout en poursuivant nos recherches.

Notre établissement est le premier établissement de recherche dans son domaine en Europe et le troisième à l’échelle mondiale. Si l’on compare l’Inrae aux autres instituts de recherche similaires au Brésil, au Canada, en Chine, aux États-Unis ou en Inde, nous sommes peut-être le seul à présenter un continuum entre l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Cette approche globale est cruciale si l’on veut opérer une transition vers une agriculture durable, adaptée au dérèglement du climat, qui permet de faire bouger en même temps les systèmes agricoles et alimentaires.

Nous avons mis en place et déployé cette stratégie de recherche dans tout l’établissement et un contrat d’objectifs, de moyens et de performance a été signé avec les pouvoirs publics. Le questionnaire que vous m’avez transmis, monsieur le rapporteur, m’a permis de mettre en lumière tout ce qui a déjà été accompli.

Même si ce classement et cette comparaison internationale sont importants, nous demeurons très attentifs à nos partenariats dans les territoires, avec les instituts techniques agricoles et les instituts techniques alimentaires, avec les chambres d’agriculture et les coopératives, mais aussi avec les agriculteurs. Nous avons, en effet, la chance de disposer de fermes pilotes et d’unités expérimentales Inrae, qui sont d’extraordinaires laboratoires à ciel ouvert, où nos chercheurs, ingénieurs et techniciens testent, en vraie grandeur, des solutions dans presque toutes nos filières agricoles, végétales ou animales. Dans toutes ces fermes – que je vous invite d’ailleurs à venir visiter –, nous avons des interactions avec les agricultrices et les agriculteurs. Beaucoup sont partenaires de nos expérimentations. Peut-être ne le faisons-nous pas assez savoir. Mon premier leitmotiv, ou plutôt celui du collectif que je représente, est peut-être de rester au meilleur niveau de la recherche mondiale et de faire progresser les connaissances scientifiques, tout en étant présent auprès des acteurs, sur notre territoire. C’est ce qui, aujourd’hui encore, fait la force de l’Inrae.

Fin 2022, un jury international a examiné notre travail, dans le cadre d’une évaluation quinquennale menée pour le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Les conclusions en ont été très positives, que ce soit pour la réussite de la fusion et la création du nouvel établissement, pour la stratégie scientifique ou encore pour les partenariats. Cela ne signifie pas que tout va bien et que l’on ne peut pas mieux faire, mais il s’agit d’une reconnaissance pour la première fusion de cette envergure en France.

Qu’est-ce qui, à présent, me motive pour solliciter, devant vous, un nouveau mandat à la tête de l’Inrae ? Ces quatre dernières années ont été marquées par la crise du covid, mais aussi par l’accélération du dérèglement climatique, dans le monde entier, y compris dans notre pays. L’enchaînement des épisodes extrêmes, au cours desquels alternent sécheresses et inondations, a en premier lieu affecté les agriculteurs. La forêt est elle aussi menacée, que ce soit par les scolytes ou par des tensions hydriques – au point, d’ailleurs, que son rôle de puits de carbone, indispensable à notre trajectoire de décarbonation, est parfois remis en question.

Quant aux épisodes successifs de crises sanitaires – grippe aviaire, fièvre catarrhale ovine (FCO), maladie hémorragique épizootique (MHE) et autres maladies présentes sur notre territoire – qui touchent nos cheptels, ils constituent des facteurs de préoccupation. Il en est de même pour le développement des bioagresseurs. Nous voudrions réduire le recours aux produits phytosanitaires, pour des raisons à la fois environnementales et sanitaires. Cependant, les récoltes sont menacées et nous ne pouvons pas laisser les agriculteurs sans solution de protection.

La combinaison de tous ces éléments constitue, dans le jargon scientifique, un « contexte multicrise ». Nous travaillons depuis des années sur les enjeux climatiques et sanitaires, mais le phénomène d’amplification des crises met en tension les systèmes de production agricole.

La crise économique dont souffre l’activité agricole en France et en Europe est le fruit de plusieurs facteurs. Aux enjeux de climat et de biodiversité se sont ajoutées les conséquences des crises géopolitiques. La guerre en Ukraine a ainsi provoqué la hausse des prix de l’énergie et des engrais, qui doit être prise en compte avec une approche renouvelée.

Nous devons tout d’abord être très engagés sur l’ensemble des pistes de recherche. Nous avons la chance, au sein de l’Inrae, d’avoir une communauté scientifique très riche et variée, où se côtoient spécialistes de l’agronomie, de la génétique animale et végétale, de la microbiologie et de l’écologie, mais aussi des sciences économiques et sociales, des mathématiques et de l’informatique. Nous pouvons ainsi anticiper l’évolution du contexte agroclimatique dans nos territoires, à l’horizon des dix ou vingt prochaines années, et croiser nos diagnostics avec la réalité vécue par les agriculteurs.

Un diagnostic sur le changement climatique est en cours de déploiement dans nos équipes de recherche, pour que l’on puisse ensuite coconstruire des trajectoires de transition avec nos partenaires des secteurs agricoles et alimentaires et avec les collectivités locales. Très concrètement, nous avons commencé par le secteur de la viticulture, qui connaît actuellement une crise économique profonde. Cependant, d’un point de vue climatique, nous avons mis en place, avec l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) et les interprofessions sur le terrain, des outils qui nous permettent d’implanter des démonstrateurs territoriaux pour préparer nos bassins viticoles aux vingt prochaines années. Ce type de démarche doit être étendu à l’ensemble de nos secteurs. Il s’agit d’une de mes priorités.

Parmi ces priorités figurent également la santé animale et la santé végétale, pour lesquelles l’Inrae dispose de points forts, notamment grâce aux plateformes d’épidémiosurveillance, que nous partageons avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et d’autres acteurs de la recherche. Elles nous permettent d’obtenir, en continu, des remontées des bioagressions et des invasions qui sévissent sur le territoire et ainsi de détecter rapidement de nouvelles menaces.

Nous travaillons aussi sur les solutions. Ainsi, en matière de santé animale et de vaccins, nous disposons en France, avec les écoles vétérinaires, l’Anses, l’Inrae et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), d’équipes qui sont au meilleur niveau pour développer de nouvelles solutions vaccinales. Exemple de travaux récemment menés : un premier vaccin contre la grippe aviaire destiné aux palmipèdes a été déployé sur tout le territoire. Ce vaccin n’a pas été développé par l’Inrae – il l’a été par des entreprises – mais nos équipes ont contribué à le valider. Celles-ci préparent en revanche une nouvelle génération de vaccin contre cette même grippe aviaire, mais avec un très large spectre, c’est-à-dire contre un très grand nombre de variants. Cette solution, qui vient de faire l’objet d’une publication conjointe avec des chercheurs du Québec et pour laquelle un brevet est en cours de dépôt, permettrait de vacciner les cheptels contre un très grand nombre de variants – ce que ne permettent pas les vaccins actuels. En cas de succès, il s’agirait d’une première mondiale.

L’Inrae se mobilise aussi pour adapter la recherche aux nouveaux enjeux ou encore pour développer l’innovation. Ainsi, comme je l’ai évoqué précédemment, nous sommes très attendus sur les démonstrateurs dans les territoires. Nous avons également noué des partenariats avec des start-ups – nous en accueillons d’ailleurs sur notre campus – qui jouent un rôle important dans le cycle de l’innovation. Quant à la « Ferme digitale », elle nous a permis de développer des programmes pour que nos doctorants et nos jeunes chercheurs puissent créer des entreprises.

Il est essentiel de bâtir un partenariat renforcé avec les écoles et les universités. Nous avons bâti une sorte d’ « équipe de France » de la recherche, notamment dans le cadre de l’agence de programme Agralife, que je préside et que dirige Thierry Doré, un ancien vice-président de l’université Paris-Saclay. Il s’agit d’une nouvelle mission confiée à l’Inrae, dont la vocation est de coordonner et d’animer l’ensemble de la recherche. Ce nouveau défi va peut-être nous permettre, monsieur le rapporteur, d’en relever un autre : celui de la concurrence internationale, que vous avez évoqué dans votre propos liminaire.

Si l’on observe des investissements dans la recherche, en France et dans le monde, on constatera que la Chine progresse très fortement, au point qu’elle est devenue dans tous les domaines le premier publiant mondial. Dans le domaine de l’agriculture, l’Académie chinoise des sciences (ACS), l’Académie chinoise des sciences agricoles (Acsa) et les grandes universités ont multiplié par près de deux leur budget consacré à la recherche. Nous figurons encore parmi les trois premiers mondiaux, au coude-à-coude avec nos collègues américains, mais il est possible que, dans dix ans, les cinq premiers organismes de recherche mondiaux soient chinois. Je ne suis pas d’un naturel pessimiste, mais il faut le dire, alors que la période est aux économies et qu’aucun secteur ne sera épargné. Cet effort doit se faire à un moment charnière pour notre agriculture et pour l’environnement, quand nous n’avons jamais eu autant besoin de recherche. Il faut faire des économies… mais il faut bien les penser, car ce n’est pas le moment de désinvestir dans la recherche.

La fusion de l’Inrae et de l’Irstea a permis de faire des économies. Cependant, grâce aux pouvoirs publics, ces économies n’ont pas été renvoyées à Bercy, mais réinvesties dans la recherche. Nous avons fait plus et mieux avec les mêmes budgets consolidés des deux établissements fusionnés. Cela a notamment permis de financer des postes supplémentaires et d’augmenter les dotations de base des équipes Irstea, historiquement plus faibles. Des économies peuvent donc être réalisées lorsqu’elles ont du sens et qu’elles préservent l’engagement pour le bien commun. Nous continuerons de le faire, en conservant cet état d’esprit.

J’ai ainsi présidé ce matin un conseil d’administration, au cours duquel nous avons validé la stratégie de décarbonation de l’Inrae à l’horizon 2050 : nous sommes le premier organisme de recherche français à s’engager dans cette démarche, avec l’appui de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Est-il sérieux et crédible de parler de décarbonation lorsque l’objectif est aussi lointain ? Oui, car il s’agit d’une stratégie qui va être menée étape par étape, le plan d’action prévoyant des points réguliers, annuels, sur son avancement. Cela signifie que nous allons mobiliser nos chercheurs et nos unités expérimentales pour qu’ils produisent moins de gaz à effet de serre dans leur pratique scientifique. Il ne s’agit pas d’arrêter l’élevage, ce qui permettrait effectivement réduire les émissions de méthane ! Nous avons besoin d’élevage aujourd’hui et nous en aurons besoin demain. Mais nos systèmes d’élevage doivent être durables. Nous allons ainsi développer des modes de pâture sur des prairies permanentes, qui permettent de stocker le carbone. Nous essaierons d’aller le plus loin possible pour limiter la production de gaz à effet de serre dans nos systèmes d’élevage. Ces mesures se répercuteront sur le bilan carbone de l’Inrae, au même titre que la maîtrise de nos déplacements internationaux ou celle des coûts de l’informatique et de l’énergie.

Il s’agit d’une autre façon de faire des économies, qui permettront d’améliorer l’impact environnemental de l’établissement et qui serviront aussi aux agriculteurs, puisque nos fermes expérimentales qui s’engagent dans la décarbonation seront ouvertes aux instituts techniques et aux chambres d’agriculture.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Merci d’avoir rappelé la spécificité de l’Inrae qui, au-delà de l’excellence scientifique, se distingue par ses relations avec le terrain et les organismes techniques et de développement, ainsi que par le lien qu’il fait entre les enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Hélène Laporte (RN). Vous nous avez apporté beaucoup d’éléments quant au bilan de votre action à la tête de l’Inra et de l’Inrae et concernant les grands axes de travail que vous avez définis pour l’avenir. Les enjeux de la recherche en agriculture, alors que tant de nos filières sont au bord du précipice, sont évidemment majeurs. Il faut mettre au point une solution pérenne pour permettre une protection efficace des cultures végétales contre les ravageurs, tout en diminuant progressivement notre dépendance aux produits phytosanitaires. De même, il nous faut protéger nos cheptels contre les épizooties – alors que l’élevage traverse une crise majeure – et adapter notre modèle agricole à la tension croissante sur la ressource en eau, qui met en péril de nombreuses exploitations sur notre territoire. Par son rôle central dans la recherche appliquée au monde agricole, l’Inrae sera évidemment en première ligne pour affronter ces défis.

Le groupe politique du Rassemblement national, qui représente 11 millions d’électeurs, attend une neutralité de votre part. Permettez-moi donc de regretter profondément la politisation de votre fonction à laquelle vous vous êtes prêté à plusieurs reprises, en vous associant à des initiatives qui, en utilisant à des fins détournées la notoriété intellectuelle propre au monde de la recherche, ont porté dans le débat public un discours partisan et peu étayé.

En 2017, vous avez signé une tribune, publiée dans le journal Le Monde, qui affirmait que le programme de Marine Le Pen pourrait nuire gravement à la science. Quelles mesures vous permettaient d’affirmer cela ? Aucune. Votre procès d’intention à notre encontre se fondait sur quelques slogans – le repli national, la stigmatisation de l’Union européenne ou la rupture avec des partenaires étrangers. Le 18 avril 2022, vous vous êtes attaqué, dans des termes tout aussi vagues, à la candidature de Marine Le Pen, une nouvelle fois sans mentionner une seule ligne de notre programme. Vous avez ainsi affirmé ceci : « Sur de très nombreux sujets, les idées véhiculées par le Rassemblement national et par madame Le Pen sont en contradiction ouverte avec les valeurs d’une société démocratique qui fonde son développement sur la science. » Là encore, qu’est-ce qui vous permettait de formuler de telles affirmations ? Enfin, le 23 juin 2023, une semaine avant le premier tour des dernières élections législatives, votre nom est apparu sous une nouvelle tribune, certes moins explicite, selon laquelle « les connaissances scientifiques n’ont pas de frontières et ne laissent aucune place à la xénophobie ni au racisme. » – une opinion que je partage totalement.

À défaut de nous sentir concernés par cet anathème éculé – même s’il n’est pas difficile d’en reconnaître la cible –, je suis obligée de rappeler que le Rassemblement national croit profondément à la science. Nous sommes convaincus du rôle de la recherche et du développement dans le domaine agricole comme dans les autres. Maintenez-vous ce jugement que vous avez porté contre notre formation politique et contre notre projet pour le pays ? Pourrons-nous vous solliciter dans des circonscriptions qui, comme la mienne, sont très agricoles, lorsque nous aurons besoin de votre éclairage ? Il ne s’agit pas d’une attaque ad hominem, mais nous avons besoin de savoir si nous pourrons travailler avec vous.

M. Philippe Mauguin. Je vous confirme que l’institut que je représente travaille pour l’ensemble des Français – et même au-delà, puisque nous sommes engagés dans de multiples coopérations internationales – sans parti pris. Si je m’étais exprimé en 2017, c’était en mon nom, en tant que personne, sans engager l’établissement, même si ces prises de position étaient publiques.

Je me réjouis de ce que vous avez dit et de ce que l’ensemble des partis de cette assemblée sont ouverts à la libre circulation des chercheurs. Chaque année, nous recrutons 30 % de chercheurs étrangers – européens ou non – et il est important que nous puissions continuer à le faire et que vous y soyez favorables.

Je me réjouis également que l’ensemble des partis soutiennent la recherche. Nous avons besoin de recherche – peut-être plus que jamais –, mais cette question a été très peu débattue lors des dernières campagnes pour les élections présidentielles et législatives. Cela explique que, de temps en temps, des responsables universitaires ou d’organismes de recherche prennent la parole. Mais il n’y aura pas de sectarisme de ma part ni de celle de mes agents. Nous sommes tous mobilisés en faveur d’une recherche pour le bien commun, une recherche en science ouverte, qui travaille avec l’ensemble des collaborateurs et des collègues scientifiques dans le monde entier.

M. Stéphane Travert (EPR). Je tiens tout d’abord à saluer le travail effectué par l’Inrae sous votre présidence. Vos recherches sont au cœur des enjeux cruciaux que sont la sécurité alimentaire, la transition agriécologique et la lutte contre le changement climatique. Or nous devons désormais faire converger agriculture et développement durable. Le secteur agricole doit se réinventer pour faire face aux transformations majeures que traverse notre société, qui combinent innovation, impératifs économiques et écologiques. Il est essentiel que l’agriculture parvienne à concilier la préservation des ressources naturelles, l’adaptation au changement climatique et le maintien de la production agricole, cela pour assurer notre souveraineté alimentaire et alors que les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la qualité et à la traçabilité des produits qu’ils consomment.

Il nous incombe de transformer notre agriculture pour qu’elle soit plus durable et résiliente, ce qui passe inévitablement par une utilisation moindre des pesticides et des produits phytopharmaceutiques. La stratégie « Écophyto 2030 » incarne cette vision ambitieuse d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la santé, qui ne sacrifie pas pour autant sa mission première : nourrir. Cependant, cette transition écologique ne pourra être juste et durable sans une accélération de la recherche et le développement de solutions de remplacement pour nos agriculteurs. L’Inrae joue à cet égard un rôle central, en accompagnant ces agriculteurs vers des pratiques plus durables, tout en garantissant la compétitivité de nos filières.

Quelles sont vos priorités à court, moyen et long termes pour accélérer cette transition, sans pénaliser nos agriculteurs ? Ne craignez-vous pas que les contraintes budgétaires qui s’annoncent viennent compromettre ces efforts de recherche, de développement de solutions nouvelles et d’innovations ?

Enfin, grâce à ses nombreux partenariats internationaux, l’Inrae est devenu le premier institut mondial spécialisé dans l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Quels sont vos objectifs et projets à l’échelle de l’Europe et du monde ? Comment votre institut envisage-t-il d’entretenir et de renforcer le rayonnement de la France et de sa recherche dans ces domaines ?

M. Philippe Mauguin. Merci pour ces mots que vous adressez, à travers moi, à l’ensemble de la communauté de l’Inrae, soit 8 000 agents permanents et plus de 2 000 partenaires et agents contractuels, c’est-à-dire plus de 10 000 personnes engagées au quotidien sur les fronts de l’agriculture, de l’alimentation, de l’environnement et de la forêt.

Comment faire mieux pour faire face à l’accélération du dérèglement climatique et pour répondre au besoin de transition que les agriculteurs et les forestiers ressentent ? Il y a plusieurs façons de procéder. Il faut tout d’abord repenser toutes nos priorités de recherche. Ainsi, nous avions adopté en 2020 un plan à dix ans, baptisé « Inrae 2030 », que nous passons en revue, avec la directrice générale déléguée à la science et nos directions scientifiques, pour repérer ce qui doit évoluer à l’aune de ces enjeux. Nous allons mettre l’accent sur certains sujets comme la lutte contre les épizooties, la protection des cultures ou encore les micro-organismes, le microbiote, dont on connaît les vertus pour la santé humaine et dont la connaissance est importante pour l’agriculture. Peut-être aurons-nous, demain, des semences enrobées d’un film protecteur de microbiote, qui permettrait de remplacer les protections chimiques. Le plus souvent, les solutions que nous devrons sélectionner ne seront pas monovalentes : ni la génétique, ni l’agronomie, ni les biotechnologies, ni le biocontrôle n’apporteront seuls la solution. Il faudra combiner ces différentes disciplines ; nous ne pouvons pas laisser les acteurs de l’aval, les entreprises notamment, s’en charger. Il faut au contraire, par exemple dans nos fermes expérimentales et en partenariat avec les instituts techniques, que nous apprenions à combiner ces solutions.

Avons-nous des craintes budgétaires ? Oui, comme l’ensemble des acteurs publics, qui doivent rendre des comptes.

Enfin, s’agissant de la concurrence scientifique internationale, il faudra, si l’on veut pouvoir tenir notre rang, vis-à-vis de la Chine en particulier, que l’on ait une Europe forte. Aussi l’Inrae va-t-il s’engager pour développer des alliances de recherche européennes.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Dans l’hécatombe générale du budget « Barnier 2025 », l’Inrae ne perd « que » 16 millions d’euros. Ce montant est limité par rapport aux énormes coupes budgétaires opérées ailleurs, mais à l’heure où les épizooties de FCO ou de MHE développent des variants de plus en plus puissants en raison du changement climatique, laissant les éleveurs dans le désarroi ; à l’heure où la courbe des rendements céréaliers moyens s’inverse après des décennies de progrès agronomiques, parce que la biodiversité des sols et le climat changent ; à l’heure où les agriculteurs et les enfants sont encore bien trop souvent victimes de cancers provoqués par la présence de pesticides dans l’environnement, l’Inrae ne devrait pas voir sa dotation financière diminuer, mais augmenter. Ce sont les organismes publics, comme l’Inrae, qui peuvent contribuer à trouver des solutions à tous ces maux.

Le Gouvernement ne met pas la transition écologique au centre de son projet – 670 millions d’euros en moins dans le budget de l’agriculture pour la planification écologique –, laissant les agriculteurs seuls face au changement climatique. Garderez-vous le cap de cette planification écologique et quelle orientation donnerez-vous aux programmes de l’Inrae ?

Les études de l’Inrae – qui rencontrent trop peu d’écho et de considération auprès des pouvoirs publics – sont essentielles, car elles associent souvent les agriculteurs, pour que les expérimentations et leurs résultats correspondent à des réalités de terrain.

C’est le cas, par exemple, de celle menée par l’unité expérimentale Apis du domaine de Magneraud, en Charente-Maritime. Elle travaille sur les abeilles, alliées indispensables du monde agricole ; une étude est en cours pour mesurer l’impact des pratiques agricoles sur la santé des abeilles domestiques en plaine céréalière, afin d’améliorer leur préservation. Or la direction de l’Inrae a récemment annoncé la fermeture de cette unité. Pouvez-vous nous dire si vous maintenez cette décision que nous déplorons, alors que protection de la biodiversité et protection de l’agriculture sont si étroitement liées ?

M. Philippe Mauguin. Nous sommes fiers de l’unité Apis, qui a fait un très beau travail de recherche apicole, notamment quant au suivi de la désorientation des abeilles. Malheureusement, depuis quelques années, le nombre de projets dans lesquels Apis est engagée a baissé. En outre, des problèmes importants de relations humaines sont apparus, comme cela peut arriver dans n’importe quelle communauté humaine ; des personnes ont quitté l’unité et nous ne sommes pas parvenus à lui redonner la vigueur nécessaire pour continuer. Nous allons accompagner les agents qui veulent partir, tout en augmentant les moyens consacrés à la recherche apicole. Ainsi, tous les collègues qui veulent continuer à travailler sur les abeilles – et ils sont nombreux – vont pouvoir le faire, notamment à Avignon, où nous regroupons toutes les forces et où des recrutements sont en cours. C’est un sujet délicat, que je suis de près.

Allons-nous maintenir le cap de la transition écologique dans les territoires ? C’est notre devoir de le faire, mais pas à la place de l’État, des collectivités locales ni des acteurs du secteur. Notre rôle est de proposer des outils qui soient à la disposition de ces acteurs. Je voudrais qu’on puisse disposer partout d’outils qui fournissent une projection agroclimatique adaptée à chaque territoire et qui permettent à leurs utilisateurs de connaître l’état du climat et des sols au cours des dix ou vingt prochaines années. Ce processus est engagé dans des activités pilotes, notamment la viticulture, l’objectif étant de le faire dans toutes les filières de l’agriculture française.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Vous avez eu raison, tout à l’heure, de rappeler que nos circonscriptions sont riches de la présence de l’Inrae. Ainsi, dans mon département, se trouvent l’Institut de génétique, environnement et protection des plantes (IGEPP), à Ploudaniel, ainsi que la station expérimentale laitière de Trevarez, qui travaille sur des solutions durables pour la filière laitière. Nous sommes donc particulièrement attachés à votre travail dans le Finistère.

L’Inrae est un acteur essentiel de la recherche fondamentale en agronomie et la fusion de 2020, dont vous avez parlé, fait de l’Inrae le plus gros organisme scientifique au monde dédié aux relations entre l’agriculture, l’environnement et l’alimentation.

Grâce à des programmes français et européens, les progrès de la recherche publique – Inrae, Anses et instituts techniques – sont la grande réussite de la dernière décennie. Nous devons cultiver une conscience et une science communes, une vision claire de ce que nous avons à faire pour assurer la survie de l’humanité. Cette science doit être la matière première que travaillent les conseils de développement, en déclinant territorialement et par filière les modalités de mise en œuvre de cette transition éclairée.

Même si les orientations budgétaires du Gouvernement nous disent le contraire, il est clair que les six prochaines années seront décisives pour réussir les transitions agroécologiques et alimentaires qui permettront de garantir notre souveraineté alimentaire et de respecter les accords de Paris.

Pourriez-vous nous préciser la stratégie que vous comptez déployer d’ici à 2030 pour accompagner notre agriculture et réussir les défis démographiques et d’adaptation au changement climatique qui sont devant nous ?

Envisagez-vous de rapprocher le plus possible les 12 000 collaborateurs de l’Inrae et les agriculteurs pour que la nécessaire transition agroécologique puisse advenir ?

Enfin, malgré la suspension du plan Écophyto et les renoncements gouvernementaux en matière d’accompagnement des transitions, quelles sont, selon vous, les indispensables évolutions du cadre européen pour harmoniser les normes sanitaires et environnementales et pour faire reculer le sentiment de concurrence déloyale qui malmènent, à la fois, nos objectifs nationaux et l’objectif plus large de construire une souveraineté alimentaire européenne ?

M. Philippe Mauguin. Merci pour votre soutien ; l’enracinement de nos unités dans les territoires est essentiel. En effet, les liens doivent être forts entre les chercheurs, les ingénieurs, les techniciens et les agriculteurs. Même s’il n’est pas possible de travailler avec chaque exploitation agricole, nous essayons de développer des boucles d’interaction. Nous disposons notamment d’unités mixtes avec des instituts agricoles, où des agriculteurs pilotes participent à certaines expérimentations. C’est notamment le cas à Ploudaniel.

Concernant la trajectoire climatique, il n’y aura pas de solution unique. Ce que nous imaginons, par exemple, c’est de tester des systèmes de production durables grâce à nos démonstrateurs territoriaux. Ainsi, en Île-de-France et dans les Hauts-de-France, avec Arvalis et d’autres instituts techniques, nous essayons d’imaginer quelles seront les conditions climatiques en 2040, et donc quelles pourront être les rotations en matière de grandes cultures ou de pomme de terre. La même démarche est à l’œuvre pour le Massif central ou le Grand Ouest concernant l’élevage. Nous devons mettre en place ces services, ces partenariats et nous le ferons avec les moyens que la représentation nationale votera. Je ne veux pas anticiper, mais il est crucial de préserver un budget important pour la recherche publique, même en période d’économies.

M. Julien Dive (DR). Vous venez d’exercer la fonction de président de l’Inrae et vous aspirez à présider à nouveau cet institut de recherche. Ce que l’on attend d’un président, c’est une vision pour l’avenir. À l’horizon 2040, l’agriculture sera soumise à deux impératifs : nourrir les populations nationales, européennes et mondiales, ce qui implique une volonté de produire, durablement certes, mais de produire avant tout ; répondre aux enjeux climatiques, localement, avec des cultures qui doivent évoluer et s’adapter. À cet égard, le contexte est assez particulier, puisque l’Anses retire chaque année les autorisations de mise sur le marché (AMM) de certaines solutions techniques, ce qui conduit rapidement des agriculteurs dans des impasses.

Nous, Droite républicaine, faisons confiance à la science et à la recherche. Or le temps de la recherche n’est pas celui d’un tweet, c’est le temps long. Nous avons besoin de connaître votre vision de la recherche nationale, au sein de l’Inrae mais aussi dans le cadre de partenariats avec des instituts techniques et d’autres acteurs privés. Certaines cultures vont forcément évoluer, et les agriculteurs ont besoin de solutions clé en main pour pouvoir exercer le métier qu’ils aiment. Pouvez-vous nous rassurer, s’agissant de l’amélioration variétale et de la génétique notamment ?

Nous devons tous nous astreindre à un effort budgétaire. Le budget annuel de l’Inrae, d’un peu plus de 1 milliard d’euros, est consacré pour 75 % à la masse salariale et pour 25 % à l’investissement. Comment comptez-vous l’optimiser ?

M. Philippe Mauguin. Comme vous venez de le dire, nourrir une population en croissance – plus de 8 milliards d’habitants en 2024 – alors que les surfaces agricoles sont grignotées par l’urbanisation et la désertification, tout en recourant moins à la pétrochimie, est effectivement un sacré défi. C’est pour cela que l’on a besoin de recherche, non pas déconnectée, mais en partenariat avec les professionnels de l’agriculture.

Au-delà des instituts techniques, nous pouvons mettre en place des groupes d’acteurs, incluant notamment les coopératives, qui sont à l’interface des filières, qui connaissent leur évolution et celle des territoires. Certaines d’entre elles s’engagent dans des programmes de transition agroécologique et nous sommes prêts à travailler avec elles, pour que l’on puisse mettre à disposition les résultats obtenus sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

Ce n’est pas nous qui décidons des molécules qui sont ou non interdites. Nous éclairons l’impact qu’elles ont sur les cultures, sur la santé humaine et sur l’environnement, parfois aussi sur les impasses. J’en ai d’ailleurs témoigné devant vous au sujet du glyphosate. Le travail des chercheurs de l’Inrae sur ce sujet éminemment sensible n’a été contesté ni par les agriculteurs, ni par les organisations environnementales. Nous avons présenté un tableau très factuel des situations, avec ou sans solution de remplacement au glyphosate, en exposant quels étaient les surcoûts. L’Anses n’a pas pu interdire l’usage de ce produit en France en raison du droit européen, mais, en se fondant sur ses travaux, elle en a réduit les usages à chaque fois qu’il était possible de le remplacer sans surcoût handicapant pour les agriculteurs. Je trouve que cette option n’était pas sans mérite – mais j’admets que cela puisse être discutable – et il me semble que nous devrions renouveler ce genre d’expérience et venir en rendre compte devant votre commission, notamment lorsqu’il y a des situations de tension, comme pour le désherbage en grande culture.

Mme Marie Pochon (EcoS). « L’Inrae se permet tout ! Urgence à remettre cette agence sous contrôle politique », « Trop dans la théorie, pas assez dans la pratique », « L’Inrae est devenu une ONG où des militants ont remplacé les scientifiques. » : ces phrases ne sont pas les miennes, mais celles de M. Damien Greffin, vice-président de la FNSEA, de M. Laurent Wauquiez, président de groupe – ou président de région, on ne sait plus… mais en tout cas fin gourmet ! – et de M. Jean-Baptiste Moreau, ancien député Renaissance.

Si je vous les cite, ce n’est pas tant pour vous rappeler cette fameuse Saint-Valentin où l’Inrae a osé rappeler sur Twitter l’importance du « moins mais mieux » de viande et de la végétalisation des assiettes. Je les cite, parce qu’elles disent moins du débat scientifique sur les transitions agricole et agronomique qu’il nous faut conduire que de l’état du débat public et politique sur ces sujets. Elles disent moins des travaux importants et de qualité que mènent vos équipes – et je les en remercie – que de l’incurie d’une classe politique dirigeante prompte à adopter des postures électoralistes et méprisantes pour la science. Elles disent qu’il vous faudra, au cours de ce potentiel nouveau mandat, être vigilant quant à l’indépendance de votre organisme, quant aux éléments scientifiques que vous apporterez pour aider à la décision politique et quant au rôle de contre-pouvoir de la science – un contre-pouvoir et une indépendance nécessaires face à des intérêts puissants qui préfèrent nier la science, les fondamentaux économiques et même la santé humaine, et choisissent plutôt de promouvoir la dépendance, l’importation de produits phytosanitaires et le recours à la technique comme solution magique à l’effondrement du vivant et au changement climatique.

Vous le dites, vous l’expérimentez et vous le prouvez sur le terrain : il est possible de se passer totalement des pesticides, d’atteindre la souveraineté alimentaire et de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture. Cela nécessitera des politiques publiques cohérentes et articulées, une transformation de la politique agricole commune (PAC) et un soutien à la transition. Soit tout le contraire des orientations budgétaires de ce gouvernement… mais passons !

Ce contre-pouvoir est, entre autres, nécessaire à l’avenir de l’élevage et de nos forêts et à la préservation du cycle de l’eau. Pourquoi votre institut n’a-t-il pas réagi publiquement au changement d’indicateur Écophyto, alors même que les scientifiques de l’Inrae ont historiquement participé à l’élaboration de l’indicateur Nodu (nombre de doses unités) ?

Que répondez-vous à ceux qui réclament d’urgence la mise sous contrôle politique de l’Inrae ? Que mettrez-vous en place pour ne jamais donner suite à cette injonction ?

M. Philippe Mauguin. Vous avez raison, nous avons besoin de recherche et d’innovation pour trouver des solutions, mais également de politiques publiques. Les agriculteurs le savent. Si nous voulons que la transition se fasse, il faudra qu’il y ait des soutiens et, probablement, une évolution de la PAC. Le dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’Union européenne a, pour la première fois, permis de réunir toutes les parties prenantes, notamment les agriculteurs et les ONG. Il offre une vision commune de la transition et c’est un bon signal.

L’indépendance de l’Inrae est encadrée par la loi. C’est un établissement public à caractère scientifique, placé sous la tutelle des ministères de la recherche et de l’agriculture ; à ce titre, nous rendons aussi des comptes au Parlement comme à nos tutelles. Cela me convient : nous ne sommes pas une autorité indépendante.

Il faut cependant, effectivement, beaucoup de motivation – je pense que vous avez compris que nous n’en manquons pas – mais aussi des repères, en l’occurrence le bien commun. C’est ce qui anime les 12 000 personnes de notre communauté. Il ne s’agit pas d’être partisan, d’être pour ou contre tel secteur économique. Nous essayons d’être justes, en nous basant sur la science. Il ne s’agit certainement pas de donner des leçons, de critiquer ou de condamner, mais de trouver des solutions. Je serai attentif à ce qu’il en soit toujours ainsi, comme j’ai eu l’occasion de le dire tout à l’heure devant le Sénat.

En France, la liberté académique des chercheurs et des étudiants-chercheurs est garantie par la Constitution et par le code de la recherche. En tant que PDG de l’Inrae, je serai attentif à ce qu’elle soit défendue et protégée. Néanmoins, nous travaillons avec les acteurs du secteur et ça « chauffe » parfois sur certains sujets. Nous devons alors garder la tête froide et trouver le bon équilibre pour être utiles.

M. Pascal Lecamp (Dem). L’Inrae, qui est au sommet de la recherche européenne et mondiale, joue un rôle crucial dans le développement de solutions durables à même de répondre aux grands défis alimentaires, agricoles, environnementaux et climatiques. L’Institut est au cœur de la recherche appliquée ; son rôle dépasse le cadre scientifique et il contribue à façonner les politiques publiques et à accompagner les transitions économiques. J’en veux pour preuve le travail remarquable du centre Inrae de Lusignan, en particulier sur l’agrivoltaïsme, au sein d’un consortium qui réunit plus de soixante acteurs, privés et publics. Les membres de ce centre, qui se trouve dans ma circonscription – nous nous y sommes rencontrés à plusieurs reprises –, font preuve d’une grande disponibilité à l’égard des décideurs publics que nous sommes. Ainsi, le président du centre Inrae Nouvelle-Aquitaine-Poitiers, monsieur Abraham Escobar Gutiérrez, était parmi nous la semaine dernière, à l’Assemblée nationale, pour partager les résultats scientifiques de l’Inrae avec le groupe de travail consacré à l’agrivoltaïsme.

Plus largement, les collaborations avec des acteurs internationaux, en premier lieu le renforcement de la participation à des projets européens comme Horizon Europe, sont stratégiques pour accroître l’impact de la recherche. La coopération avec des institutions de recherche étrangers permet non seulement de coordonner des projets à grande échelle, mais aussi d’augmenter le taux de succès de l’Inrae dans les appels à projets internationaux. Quels progrès ont été réalisés dans ce domaine ? Comment l’Inrae entend-il intensifier ses partenariats avec les universités étrangères ? Quels bénéfices attendez-vous de ces collaborations, à moyen et à long termes, et dans quels domaines sont-elles particulièrement nécessaires ?

L’application des résultats de la recherche est essentielle, notamment lorsque les innovations technologiques doivent être mises en œuvre rapidement pour répondre aux urgences environnementales et agricoles. Le transfert des innovations vers les acteurs économiques permet d’accélérer cette transition en offrant aux entreprises les outils indispensables pour innover durablement. C’est typiquement le cas dans l’agrivoltaïsme. Quels dispositifs l’Inrae a-t-il mis en place pour faciliter ces transferts et quels résultats tangibles observez-vous ?

M. Philippe Mauguin. J’ai évoqué tout à l’heure la compétition internationale, mais je pense qu’il serait préférable de parler de « coopétition », car s’il y a de l’émulation, on doit aussi favoriser la science ouverte. Concrètement, sur des questions de bien commun comme le changement climatique ou les grandes pandémies, nous essayons de mettre en place une coopération mondiale avec l’ensemble des pays et des acteurs.

Ainsi, le programme Prezode (Preventing Zoonotic Disease Emergence), que nous avons lancé en 2021, réunit aujourd’hui près de 250 organismes de recherche, sur tous les continents, pour mettre en place une stratégie mondiale de lutte contre les pandémies. Il n’existait pas d’organisation mondiale de la recherche : c’est l’Inrae, le Cirad et l’Institut de recherche pour le développement (IRD), avec l’appui des pouvoirs publics français puis européens, qui ont élaboré ce dispositif.

Deuxième exemple : le stockage de carbone dans les sols, pour essayer de ralentir le dérèglement climatique. Après la COP21, nous avons lancé l’initiative « 4 pour 1 000 », qui est devenue une initiative de recherche mondiale. Il existe désormais une organisation mondiale de la recherche sur la séquestration de carbone dans les sols.

Troisième cas : la protection des forêts. Ce sont des puits de carbone, mais les forêts tropicales – et même françaises – sont désormais en danger. Nous avons lancé un projet avec l’Afrique pour protéger les bassins forestiers.

Quant à l’eau, nous allons mobiliser, avec le Centre national d’études spatiales (Cnes), les avancées permises par les nouveaux satellites de télédétection – notamment le satellite franco-indien Trishna – pour disposer d’une capacité de résolution à l’échelle de la parcelle agricole. Dans quelques années, nous pourrons ainsi suivre précisément l’hygrométrie et prévenir, beaucoup plus vite, les épisodes de sécheresse en France et dans le monde.

M. Thierry Benoit (HOR). Je dis ici ma confiance en l’Inrae – ainsi qu’en l’Anses, d’ailleurs. Vous avez, d’après mon expérience de parlementaire, démontré vos capacités à poursuivre votre mission. Vous animez un bel établissement public national, d’envergure internationale, qu’il faut saluer.

Pensez-vous que la recherche pourrait mettre un terme à la querelle entre les filières animales et végétales, en France mais aussi dans le monde ? Il y a une vraie compétition du végétal contre le règne animal et cela me préoccupe au plus haut point. Je suis, en effet, élu en Bretagne, où l’élevage revêt une importance particulière. Je crois beaucoup dans l’élevage, y compris comme levier d’une économie décarbonée. Dans ma région, le pâturage est un filtre à eau et un piège à carbone. Et si l’on veut du pâturage, il faut des bovins ou des petits ruminants. J’aimerais que la recherche puisse aider la polyculture-élevage pour favoriser ces pièges à carbone, pour favoriser ces filtres à eau.

Lorsque notre collègue Stéphane Travert était ministre, le Président de la République s’est réveillé un matin – ou s’est couché un soir – et a décrété que « le glyphosate, ce serait terminé en 2021 ». On voit aujourd’hui que c’était une erreur, pour ne pas dire une bêtise. Comment un organisme de recherche comme le vôtre peut-il mettre un terme à ce type de déclarations politiques et polémiques ?

Et comment renforcer la coopération à l’échelle européenne de façon que vous soyez les meilleures têtes de pont à l’échelle mondiale ?

M. Philippe Mauguin. Merci pour vos propos. Votre question sur l’équilibre des filières animales et végétales est centrale. Notre agriculture, qui était riche de sa polyculture-élevage, s’est progressivement spécialisée pour des raisons d’efficience économique. Je partage votre diagnostic : on ne pourra pas réussir la transition vers des systèmes durables d’agriculture, y compris pour les filières végétales, si on n’a pas la capacité de recoupler les filières animales et végétales, que ce soit à l’échelle de l’exploitation, du paysage ou du territoire. Pour ne plus être dépendants d’engrais qui coûtent cher et qui, parfois, sont produits par des pays qui peuvent décider, un jour, de ne plus les exporter, nous devons rechercher des solutions alternatives. Nous travaillons notamment sur l’élevage durable à l’herbe, car nous croyons au potentiel des prairies permanentes – qui, comme vous l’avez très bien dit, sont des pièges à carbone. Nous travaillons aussi sur des graminées sélectionnées, dont on va tester la résistance aux climats de 2030 et 2040, à Lusignan, dans la circonscription de monsieur Pascal Lecamp.

S’agissant du glyphosate, nous ne sommes pas des acteurs politiques et nous nous contentons de communiquer des données. Nous avons montré que, dans certaines filières, il existait des solutions alternatives. Il est logique que, dans ces cas de figure, l’Anses ait réduit la portée de ses AMM. En revanche, lorsqu’il y avait des impasses, il l’était tout autant d’autoriser le recours à ce produit.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Nos agriculteurs font face à une multitude d’obstacles au quotidien, qu’il s’agisse de la complexité administrative, de l’insuffisance de leur rémunération, des événements climatiques extrêmes ou encore de la diminution des rendements. La recherche ne répondra pas à tous les maux de l’agriculture, mais elle permettra, si on s’en donne les moyens, de relever un certain nombre de défis. À ce titre, l’Inrae joue un rôle essentiel.

Vous soulignez, dans la réponse au questionnaire qui vous a été adressé, qu’il est important de renforcer l’impact de nos recherches, notamment grâce à une accélération du transfert des innovations vers les acteurs socio-économiques. Comment comptez-vous consolider le partage des connaissances avec le secteur privé pour renforcer l’effet de levier de la recherche publique ?

Concernant l’adaptation de notre agriculture aux spécificités des territoires, chacun faisant face à des conditions pédoclimatiques différentes, le dérèglement du climat s’exprime différemment selon que l’on habite dans les Vosges ou dans certains territoires ultramarins. Développez-vous des outils spécifiques et adaptés pour évaluer les potentiels agronomiques et les menaces qui pèsent sur chacun de nos territoires ?

M. Philippe Mauguin. Le partage de connaissance entre le public et le privé est un enjeu de premier ordre, sur lequel il y a parfois des débats. Nous sommes attentifs à ce que le progrès des connaissances ne soit pas bridé par les partenariats avec les entreprises. Quand nous partageons des recherches avec des entreprises privées, petites ou grandes et de tous les secteurs, nous veillons à ce que nos chercheurs puissent continuer à publier. Mais il est vrai que ce partage est utile pour accélérer les transferts d’innovations et les apports de solutions. Beaucoup de start-ups sont créées par des chercheurs de l’Inrae ou d’autres laboratoires publics, et nous en accueillons sur nos campus. Nous avons également des partenariats avec des entités nées en dehors de l’Inrae. Nous avons d’ailleurs développé des parcours de sensibilisation à la création d’entreprise pour celles et ceux qui sont intéressés.

Parmi les nombreux atouts de l’Inrae figure notamment une base de données exceptionnelle des sols, grâce à l’unité Info&Sols basée à Orléans. Depuis plusieurs dizaines d’années, nous disposons de relevés de qualité des sols à l’échelle du kilomètre carré, et nous sommes en train de les préciser encore. Cela nous permet de bien connaître la diversité des sols en France. Nous connaissons le climat grâce aux données du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui peuvent être affinées et localisées au niveau des territoires. Nous avons récemment publié une étude, baptisée « Explore2 », qui donne des informations extraordinaires sur l’état de la ressource en eau dans notre pays. En croisant toutes ces informations sur des sites géographiques précis – d’où l’intérêt d’avoir des démonstrateurs locaux –, on peut parvenir à estimer les conditions de sol, de climat et de réserve d’eau qui s’imposeront ici ou là aux agriculteurs, en 2030-2040. Toutes ces données permettent d’établir un cadre pour discuter avec les acteurs des scénarios de transition – il n’est pas question de les leur imposer – et pour leur montrer que, dans certaines situations, il va falloir changer. Les systèmes de production actuels ne sont pas tenables à l’horizon 2040, dans beaucoup de régions. Plutôt que de le dire de manière descendante, il est beaucoup plus efficace de mettre ces outils à disposition pour ouvrir le débat. Lorsque nous l’avons fait avec la filière viticole, ce sont les vignerons qui, à partir de ces données de simulation, ont pu estimer ce qu’ils devaient modifier dans leur vignoble pour continuer à produire du vin en 2040.

M. André Chassaigne (GDR). Je tiens à souligner à nouveau la confiance que nous accordons à l’Inrae pour mener les transformations nécessaires et répondre, demain, aux grands défis alimentaires et environnementaux, en dépit des propos tenus par quelques obscurantistes de tous bords.

L’agriculture est soumise à des risques toujours plus nombreux, qu’ils soient climatiques, sanitaires, environnementaux et même géopolitiques, sans oublier les pressions économiques et financières nées de la libéralisation des marchés agricoles et de l’accroissement des échanges internationaux. Le premier défi de l’Inrae porte sur la capacité de notre pays à ne pas être relégué dans la compétition internationale en matière de recherche – et plus particulièrement de transformation sociale et agroécologique. Vous avez à ce titre rappelé, dans votre présentation écrite, le manque d’attractivité de la recherche publique française et de l’Inrae en particulier, compte tenu, je vous cite, « d’un salaire annuel brut moyen qui s’élève à seulement 63 % du salaire moyen des pays européens et des membres de l’OCDE ».

Le projet de loi de finances pour 2025, avec des autorisations d’engagement de crédits en forte baisse, vous paraît-il à la hauteur ? Les crédits prévus sont-ils à même, simplement, de couvrir la totalité des augmentations salariales indispensables, la progression des dépenses de fonctionnement et d’investissement des laboratoires, des infrastructures, des fermes, des remarquables installations expérimentales, compte tenu notamment des fortes augmentations des budgets de l’entretien et de l’énergie ?

Envisagez-vous un grand plan de titularisation pour conduire la nécessaire « déprécarisation » de tant de salariés-agents, actuellement employés au sein de l’Institut, que ce soit sur des postes de chercheurs permanents, de techniciens ou d’administratifs ?

L’Inrae voit son activité parasitée par un développement exorbitant des tâches administratives, de recherche permanente de crédits extérieurs, publics pour l’essentiel, mais non pérennes et ne permettant pas au laboratoire de se consacrer essentiellement à la recherche scientifique. Comment jugez-vous cet extraordinaire gaspillage de temps et de moyens perdus pour la rédaction, l’évaluation et les suivis d’exécution des contrats de recherche ?

M. Philippe Mauguin. Pour ce qui est du manque d’attractivité, j’ai copublié un rapport avec le président de l’université de Bordeaux, M. Tunon de Lara, à la demande du Premier ministre Édouard Philippe, sur l’état de la recherche française. Nous avons comparé les niveaux de rémunération des chercheurs en France et dans le monde. En 2020, la moyenne française était inférieure de 30 % à celle de l’OCDE. Une trajectoire d’augmentation des rémunérations a été prévue dans le projet de loi de programmation de la recherche. Cette trajectoire a été tenue depuis et je forme le vœu qu’elle le soit à l’avenir, pour que l’on puisse, pas à pas – cela pourrait aller plus vite, mais au moins les rémunérations progressent –, revaloriser l’ensemble des carrières de chercheur et d’enseignant-chercheur.

Quant à la déprécarisation, elle dépendra des moyens qu’on nous accordera. Au cours de la période récente, nous avons augmenté le nombre de postes ouverts au concours. Il s’agissait d’une des priorités de l’établissement dans le contrat d’objectifs et ces concours peuvent bénéficier aux contractuels qui veulent les passer.

En matière de simplification, nous avons progressé mais il y a encore beaucoup de travail. Au cours des années 2010-2015, les chercheurs avaient un taux de succès aux appels d’offres de l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui était tombé à 15 % ou 20 %. Il fallait donc présenter cinq ou six projets pour en gagner un. Grâce à la loi de programmation de la recherche, le taux de succès à l’ANR est remonté à 30 %.

M. Charles Alloncle (UDR). J’ai eu l’occasion de vous écouter, il y a quelques jours, lors d’un dîner-débat, très intéressant, sur les conséquences de la guerre en Ukraine sur notre agriculture.

Je m’associe aux propos de ma collègue du Rassemblement national : il semble que vous aimiez beaucoup la politique, et même sans doute un peu trop. Comme elle l’a précisé, vous avez appelé publiquement à voter contre Marine Le Pen en 2017 et en 2022, alors que vous étiez déjà en fonction.

Je souhaite vous juger uniquement sur vos propos, vos propositions et vos actes. J’ai donc lu, avec beaucoup d’attention, l’ensemble de vos réponses écrites. Elles m’ont quelque peu interpellé, notamment en ce qui concerne vos objectifs et vos engagements stratégiques à venir.

Vous avez une pensée pour la biodiversité ; vous en avez une pour le bien-être animal ; vous en avez beaucoup d’autres encore pour la responsabilité sociale des entreprises (RSE). C’est très bien, mais c’est à peine si l’on trouve dans vos réponses une maigre pensée pour la rémunération indigente de nos agriculteurs. Et à aucun moment vous ne parlez de productivité. La croissance des rendements agricoles est pourtant l’une des conditions élémentaires pour ces mêmes agriculteurs. Un rapport du Sénat de 2017, intitulé « Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique », mentionnait déjà le risque de décroissance de la production agricole française en raison du plafonnement des rendements. Résultat : notre souveraineté alimentaire, vous en conviendrez, a du plomb dans l’aile ; notre excédent commercial a fondu, passant de 11,9 milliards d’euros (Md€) à 5,3 Md€ en l’espace de douze ans. Un récent rapport de notre collègue Franck Allisio a également alerté quant à l’ampleur du défi de compétitivité-prix de notre agriculture.

La « montée en gamme » que vous proposez me semble inadaptée au défi démographique qui nous attend, cela d’autant que la concurrence fait rage avec l’ensemble des pays d’Europe de l’Est. Notre dépendance ne cesse de croître : nous importons désormais près de 28 % des légumes que nous consommons et 71 % des fruits. Dans ma circonscription, entre Montpellier et la Petite Camargue, les maraîchers et les arboriculteurs ne me demandent qu’une chose : pas forcément de faire du bio – surtout que la filière s’est effondrée – mais de pouvoir produire plus, à moindre coût.

Mon intuition est que vos grandes orientations contribuent à leur malaise. Je me permets de rappeler que le plan Écophyto, qui a déclenché la colère des agriculteurs, venait en partie de votre maison.

Si votre mandat est renouvelé à la tête de l’Inrae, ferez-vous de la productivité de notre agriculture une de vos priorités, alors qu’il y va de la rémunération et de la dignité de ceux qui nous nourrissent ? Ils attendent de votre part des orientations pragmatiques, pas des consignes de vote.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Il vous reste vingt secondes pour répondre…

M. Philippe Mauguin. C’est plus qu’il ne m’en faut pour dire que l’Inrae est engagé pour l’avenir de l’agriculture et continuera à l’être, sans démagogie ni propos d’estrade. (Applaudissements.)

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Nicole Le Peih. Je tiens à souligner les recherches cruciales que mène l’Inrae dans un contexte où l’agriculture mondiale se trouve à la croisée des chemins. Entre le changement climatique, la pression démographique et la transition vers des pratiques agricoles durables, les défis sont immenses, comme nous l’expliquait Mme Valérie Masson-Delmotte hier soir.

Il s’agit de concilier l’écologie et les besoins alimentaires, tout en réduisant l’usage des ressources fossiles et en augmentant le stockage de carbone. L’un des principaux points de tension reste l’utilisation des produits phytosanitaires, notamment le glyphosate, qui est encore indispensable pour certains, malgré ses impacts environnementaux et sanitaires.

Des solutions concrètes et accessibles à toutes les exploitations sont attendues et les agriculteurs vous font confiance. Où en sont aujourd’hui les recherches menées par l’Inrae pour remplacer le glyphosate ?

Plus largement, pensez-vous qu’une transition complète vers des pratiques culturales qui ne recourent pas à une molécule est réaliste et envisageable ?

Mme Valérie Rossi. Avec l’élevage, la production fruitière est une des activités économiques prédominantes dans mon département, les Hautes-Alpes. Pommes et poire font la richesse du terroir, avec plus de mille hectares de vergers : plus de 10 % de ces fruits produits en France sont originaires de mon département.

Un arboriculteur m’a adressé récemment les photos de l’une des dernières récoltes de poires Martin sec et passe-crassane du département : c’est à pleurer. Depuis 2008, le feu bactérien, une maladie des arbres fruitiers à pépins, anéantit petit à petit ces variétés ; désormais, même les nouvelles variétés sont affectées. Sans solution, on arrache les vieux vergers et on coupe même des arbres dans ceux où poussent de nouvelles espèces.

Pouvez-vous nous tenir informés quant aux études que vous menez au sein de l’Inrae pour lutter contre cette maladie ?

M. Jean-Pierre Vigier. Vous avez fait de la gestion de l’eau une des priorités de votre prochain mandat. Une solution souvent évoquée, que je défends fortement, est la création de retenues collinaires, pour lesquelles, malheureusement, les procédures sont longues et complexes.

Quel est votre avis quant à ce type de retenue ? Comment peut-on réduire ces procédures sans nuire à l’environnement ?

M. Alexandre Allegret-Pilot. Vous avez évoqué l’importance de la recherche pour la compétitivité de notre agriculture, ainsi que l’érosion, à terme, de cette recherche française par rapport à celles des États-Unis et surtout de la Chine, cela dans un cadre budgétaire particulièrement contraint.

Quels sont les projets de mutualisation mis en place avec vos homologues européens, pour bénéficier d’un meilleur retour sur investissement et d’un effet de levier ?

Quels critères utilisez-vous pour mieux répartir les dépenses qui visent à produire de la propriété intellectuelle au service de l’agriculture française ?

M. Stéphane Buchou. L’eau est primordiale pour l’agriculture, mais elle l’est aussi dans les départements littoraux comme le mien, pour l’aquaculture et, en particulier, pour la conchyliculture.

Menez-vous des études sur les norovirus qui, tous les ans, touchent les élevages de coquillages ? Si ce n’est pas le cas, envisagez-vous de le faire si vous êtes reconduit dans vos fonctions ?

M. Karim Benbrahim (SOC). En 2023, la surface agricole exploitée en bio a diminué pour la première fois en France, où 54 000 hectares ont été perdus. Le constat est à peu près similaire dans l’Union européenne ; l’objectif initial de cultiver en bio 25 % des surfaces agricoles des vingt-sept pays membres d’ici à 2030 semble désormais hors d’atteinte. Pour rappel, cette proportion n’est que de 10 % en France.

Quels sont les travaux menés par l’Inrae qui permettraient de soutenir la filière bio et d’atteindre des surfaces plus importantes ?

M. Benoît Biteau (EcoS). Ancien scientifique, ancien chercheur, ancien membre du conseil scientifique de l’Inra – juste avant que vous ne débutiez votre mandat –, puis paysan et enfin élu, j’ai pu constater que l’éclairage scientifique était décisif pour préparer l’avenir des paysans, mais aussi pour faire le choix de politiques publiques cohérentes.

Ce qui menace la productivité, le revenu des agriculteurs et la souveraineté alimentaire, c’est le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Je souhaite que l’Inrae continue de travailler sur ces sujets, qui sont fondamentaux, afin que nous soyons au rendez-vous de l’histoire sur ces grandes questions.

J’insiste sur le rôle que joue la biodiversité, en particulier sur celui des pollinisateurs, qui sont indispensables aux productions agricoles.

M. André Chassaigne (GDR). Les maladies infectieuses et les épizooties, notamment la FCO et ses multiples variants, ont un impact dramatique sur les élevages.

Quels sont les moyens particuliers qui permettraient à l’Inrae de mieux prévenir ces risques et de mieux accompagner les éleveurs ? Quelles sont les priorités d’action qui vous semblent indispensables pour la recherche publique dans ce domaine ?

M. Philippe Mauguin. Madame Le Peih, nous conduisons d’importants travaux pour trouver des produits de remplacement à ceux de l’agropharmacie. Nous les menons de façon très ouverte, pour mobiliser tous les leviers ; nous testons ces produits dans nos fermes expérimentales et nous les partageons avec les instituts techniques. Nous réalisons également des évaluations socioéconomiques de ces solutions afin que les pouvoirs publics puissent prendre leur décision dans les meilleures conditions.

À ce jour, dans les trois mille fermes partenaires, nous parvenons à réduire les produits phytosanitaires de 20 % à 40 %, sans perte de revenus. Cela peut paraître peu, mais c’est encourageant, d’autant que tous les résultats des recherches en cours n’ont pas été intégrés. Cela veut dire que les prochaines expérimentations permettront d’aller encore plus loin – à condition, cependant, qu’il y ait un accompagnement, car il y a souvent, malgré tout, des surcoûts.

Madame Rossi, nous sommes mobilisés sur la question des vergers. Je connais nos recherches sur la lutte contre le carpocapse, un autre fléau pour les pommiers, contre lequel nous produisons depuis longtemps des variétés résistantes, que nous sommes en train de renouveler. Nous disposons également de solutions de biocontrôle. S’agissant du feu bactérien, je n’ai malheureusement pas de réponse à vous fournir aujourd’hui. Je vais faire le point avec mes équipes, qui travaillent notamment avec le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et vous ferai part de leur réponse.

Monsieur Allegret-Pilot, vous m’interrogez sur nos partenariats européens. Ils sont très bons, notamment avec nos collègues néerlandais de Wageningen, le deuxième centre de recherche en Europe, après l’Inrae. Nous travaillons également beaucoup avec nos collègues d’Aarhus, au Danemark, avec ceux de l’agence Teagasc, en Irlande – notamment sur les questions de l’élevage sur prairie –, avec ceux du Consejo Superior de Investigaciones Científicas (Csic) en Espagne, de l’université de Bologne en Italie, et avec une dizaine d’instituts en Allemagne, où il n’y a pas vraiment d’équivalent à l’Inrae. La France ne peut pas lutter seule et c’est grâce à ces partenariats que nous tiendrons notre rang, dans la compétition mondiale et face à la Chine.

S’agissant des norovirus qui affectent la conchyliculture, je suis au regret, monsieur Buchou, de devoir vous orienter vers nos collègues de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Ils sont très mobilisés sur ce sujet. J’ai moi-même été, dans une autre vie, directeur des pêches maritimes au moment où une crise grave menaçait les jeunes huîtres. Je me souviens des problèmes que cela posait. Mais cela ne fait pas partie du champ d’activité de l’Inrae.

Le bio est effectivement un gros enjeu, monsieur Benbrahim, et il connaît des hauts et des bas. La « ferme France » en bio a vécu une progression régulière pendant des années, mais l’inflation et les contrecoups de la guerre en Ukraine ont provoqué un retournement de conjoncture. L’Inrae ne fait pas de soutien de marché, mais nous menons depuis longtemps des recherches sur la production bio, notamment un métaprogramme qui, justement, pose la question du changement d’échelle. Il y est question de protection des cultures, de réduction du cuivre et de soutien de marché. Nous pourrons vous le présenter si vous le souhaitez.

Monsieur Biteau, nous avons besoin, en effet, de maintenir la recherche au meilleur niveau pour faire face au défi climatique et à la chute de la biodiversité. La question des pesticides a mobilisé les apiculteurs, mais nous faisons face aussi au problème du frelon asiatique. Nous avons mis au point des dispositifs qui, s’ils ne sont pas tout à fait magiques, se montrent efficaces. Nous allons ainsi poser des capteurs sur ces frelons pour repérer les nids le plus rapidement possible et ainsi les détruire au plus vite. Cela devrait permettre de sauver davantage d’abeilles. Sur la question du varroa, nous avons progressé. Nous travaillons en partenariat avec l’Institut de l’abeille (Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation, Itsap) et avec l’ensemble de la profession.

Monsieur Vigier, l’eau est évidemment une ressource stratégique : il n’y aura pas d’agriculture sans eau. Elle est aussi précieuse, comme on peut s’en apercevoir dans certains pays – en Espagne notamment, parfois aussi en France lors des périodes de sécheresse. Ailleurs, on parle même de « guerre de l’eau ». Il faut économiser l’eau avant tout ; il faut aussi que la recherche apporte des solutions pour que l’on puisse, demain, fournir de l’eau à nos agriculteurs dans des conditions satisfaisantes pour produire, mais sans négliger les autres usages de l’eau. C’est compliqué.

Nous ne sommes pas les maîtres d’œuvre des retenues collinaires, mais lorsque nous sommes saisis, les chercheurs de l’Inrae peuvent évaluer un projet, sa durabilité, son intégration dans le territoire.

Pour répondre aux questions sur la productivité qui ont également été posées, il faut trouver des cultures qui soient productives : nous sommes, nous aussi, soucieux du revenu des agriculteurs. Justement, lorsque l’irrigation est nécessaire, des systèmes de précision permettent d’économiser cette précieuse ressource. Lorsque, avec les agriculteurs des coteaux de Gascogne, on met au point des capteurs connectés pour suivre la consommation d’eau, cela permet d’économiser 30 % à 40 % d’eau. Cette eau peut alors servir à d’autres agriculteurs en situation de stress hydrique, mais ce sont aussi des économies de 200 € à 300 € par hectare. Nous nous préoccupons de l’eau sous toutes ses valences.

Monsieur Chassaigne, un effort important est consenti sur les épizooties. Sur la FCO, nous travaillons sur de nouveaux vaccins, en particulier contre le sérotype 3 de la fièvre catarrhale ovine, qui est en cours de développement avec les universités de Liverpool, de Nottingham et d’Oxford et avec le John Innes Centre. Nous collaborons donc avec nos collègues anglais, même après le Brexit. Nous testons les solutions sur des souris, mais nous allons rapidement le faire sur des ruminants. Nous surveillons, nous partageons l’information. Nous sommes ainsi capables d’identifier les souches qui ont amené la FCO en France – on a pu reconstituer son parcours depuis l’Espagne. Avec toutes ces connaissances, mais aussi celles de l’Anses et des écoles vétérinaires, nous allons apporter les meilleures réponses. Il s’agit pour moi de l’une des priorités du prochain mandat, si vous m’accordez votre confiance.

M. Robert Le Bourgeois, rapporteur. Monsieur le président-directeur général, merci de vos réponses. Vous avez rappelé combien la mission de l’Inrae était nécessaire. Je pense que nous en sommes tous convaincus. Néanmoins, comme mon groupe l’a rappelé et compte tenu de certaines prises de position personnelles, je donne un avis défavorable à votre renouvellement. Nous considérons que vous devez travailler dans le respect de tous les élus, de tous les acteurs. La recherche et l’innovation ne peuvent souffrir aucune position partisane ou politicienne.

Vous l’avez rappelé vous-même : l’Inrae est un établissement public à caractère scientifique – scientifique, ni plus ni moins.

M. Philippe Mauguin. Je vous remercie toutes et tous, quel que soit votre parti. Nous continuerons à travailler de façon transpartisane au sein de l’Inrae, pour le bien-être des Français.

 

Réunie à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée de M. Philippe Mauguin aux fonctions de président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), en application de l’article 13 de la Constitution.

Les résultats du vote sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre

 

 

 

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 15 octobre 2024 à 17 h 30

Présents. – M. Xavier Albertini, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Charles Alloncle, Mme Delphine Batho, M. Karim Benbrahim, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, M. Jean‑Luc Bourgeaux, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. Sylvain Carrière, M. Romain Daubié, M. Julien Dive, M. Inaki Echaniz, M. Jean‑Marie Fiévet, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, M. Harold Huwart, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Hélène Laporte, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Bastien Marchive, M. Éric Martineau, M. Nicolas Meizonnet, Mme Sophie Mette, Mme Manon Meunier, M. Christophe Naegelen, M. Philippe Naillet, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. Stéphane Peu, M. René Pilato, M. Vincent Rolland, Mme Valérie Rossi, M. Matthias Tavel, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Nicolas Turquois, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Vojetta, M. Frédéric Weber

Assistaient également à la réunion.  M. André Chassaigne, Mme Marie Pochon