Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) :
– mission « Cohésion des territoires » :
. Avis Logement et urbanisme (M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis) xx
Mardi 22 octobre 2024
Séance de 17 heures 30
Compte rendu n° 9
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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La commission a examiné, sur le rapport de M. Frédéric Falcon, les crédits du programme « Logement et urbanisme » de la mission « Cohésion des territoires ».
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que l’avis de la commission ne concerne que deux des programmes de la mission : le programme 109 Aide à l’accès au logement et le 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat.
J’ai, par ailleurs, été saisie de la question du périmètre des avis budgétaires élaborés et discutés dans notre commission, certains groupes estimant qu’il ne permet pas de débattre d’engagements budgétaires majeurs – notamment la politique de la ville ou l’hébergement d’urgence s’agissant de la mission Cohésion des territoires. Je vous confirme que nous pourrons réexaminer, lors d’une prochaine réunion du bureau de notre commission, le champ précis des prochains avis budgétaires dont elle pourra se saisir dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, y compris pour cette mission.
Pour en venir à notre première discussion, 3,8 millions de personnes sont mal logées ou pas logées du tout ; 600 000 logements sont classés comme indignes, dont une part importante dans les outre-mer ; 2,7 millions de personnes attendent un logement social, dont la production est de 100 000 par an. Quant au logement, en tant que secteur économique pourvoyeur d’emplois, il est pénalisé par un accès à la propriété trop coûteux pour beaucoup de ménages modestes, ainsi que par la remise en cause des soutiens publics à la rénovation des logements.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. La filière du logement traverse une crise exceptionnelle, dont nous connaissons tous les causes : la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation du coût de la construction, notamment en raison de la nouvelle réglementation environnementale RE2020, qui n’ont été que partiellement compensées par la baisse des prix de l’immobilier. Cet effet ciseaux a conduit à une forte baisse de la demande, entraînant l’arrêt des ventes dans le neuf et la chute des transactions dans l’ancien.
Logiquement, les promoteurs ont suspendu le lancement de nouveaux programmes. De 413 000 entre janvier 2021 et janvier 2022, le nombre de logements mis en chantier est tombé à 270 000 sur la période juin 2023-juin 2024. Avec – 35 % en deux ans, cette baisse historique nous a ramené au pire niveau depuis 1992. En outre, le « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui organise la rareté du foncier, a renchéri le coût des parcelles, devenues un bien d’exception. Dans les entreprises du bâtiment, le neuf est en chute libre. Les agences immobilières ferment par dizaines. Les plans sociaux s’enchaînent chez les promoteurs immobiliers.
C’est surtout la crise sociale qui devrait nous inquiéter. Le nombre d’annonces pour les locations de longue durée a fondu de plus d’un tiers en deux ans. La file d’attente pour le logement social grossit jour après jour. En somme, de nombreux Français n’arrivent plus à se loger, ce qui freine la mobilité des salariés et des étudiants, contraints de refuser un emploi ou une formation, et pénalise la croissance économique.
Certes, la crise du logement n’est pas propre à la France, mais il faut bien avouer que le Gouvernement et la majorité présidentielle y ont particulièrement contribué depuis 2017. Ces quinze dernières années, nos gouvernants ont oublié une leçon, pourtant simple : on n’abreuve pas d’argent public un secteur quand il va bien ; on ne lui retire pas ses aides quand il est en difficulté. On a fait tout l’inverse !
Ainsi, il est irresponsable d’avoir envisagé la fin progressive du dispositif Pinel et la restriction du prêt à taux zéro (PTZ), alors que le marché du logement se retournait dans des proportions inédites. Les récentes annonces d’une extension du PTZ dans le neuf et l’ancien à tout le territoire sont positives, mais elles doivent être concrétisées. La ministre du logement et de la rénovation urbaine ne précise pas si elle réintègre au dispositif la maison individuelle, qui en avait été retirée au nom d’une idéologie décroissante dominante, la majorité présidentielle souhaitant la réserver à une petite élite. La ministre se dit aussi favorable au dispositif Balladur, qui permet d’exonérer de droits de mutation à titre gratuit la transmission d’un logement acheté neuf, mais nous ignorons s’il sera inscrit dans la version finale de la loi de finances.
En l’état, le projet de loi de finances (PLF) n’est clairement pas en mesure de relancer le logement. Les crédits dédiés à la rénovation énergétique sont en chute libre. L’enveloppe de 400 millions d’euros promise pour 2025 aux bailleurs sociaux est purement et simplement supprimée. Surtout, le budget de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) connaît une baisse de crédits de plus d’1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement. La hausse à 20 % du taux de la TVA pour l’installation de chaudières à gaz, même très performantes, renchérira fortement le coût de l’énergie pour les ménages les plus modestes. Enfin, la réintégration des amortissements dans l’assiette de la plus-value imposable pour les logements ayant fait l’objet d’une location meublée non professionnelle (LMNP) touchera directement les résidences services et les résidences étudiantes, respectivement dédiées à nos aînés et aux plus jeunes, deux publics pourtant prioritaires dont les besoins en logements ne vont cesser de croître.
Faut-il pour autant maintenir le secteur du logement sous perfusion d’argent public, comme il l’a été pendant ces trente dernières années ? Si le groupe Rassemblement national ne soutient pas le budget d’austérité infligé au logement, force est de constater que les marges de manœuvre budgétaires de l’État sont très restreintes. Remercions-en cette majorité d’experts autoproclamés qui nous emmènent dans le mur avec assurance et bienveillance !
Une autre politique du logement doit être imaginée, qui priorise la simplification, la débureaucratisation et la levée des contraintes ou des normes dont la France est la championne. Cela seul permettra au secteur d’assumer ses responsabilités, sans toujours avoir besoin de l’État.
J’ai voulu consacrer la partie thématique de l’avis budgétaire à la politique de soutien à la rénovation énergétique. Exemple même d’une politique inefficace et kafkaïenne, celle-ci repose sur un soutien financier massif dont l’efficacité n’est pas assurée, et des instruments inopérants. La France dépense 7 à 10 milliards d’euros pour la rénovation énergétique du parc résidentiel, principalement à travers le dispositif MaPrimeRénov’ et les certificats d’économie d’énergie. Il ressort de nos auditions qu’aucune étude ne permet de prouver l’efficacité de cette dépense publique. Toutes les études économiques sérieuses montrent que les calculs conventionnels surestiment très largement les économies réellement engendrées. L’effet rebond – la hausse de consommation liée à la hausse de température de chauffage du logement après une rénovation – est l’une des causes de cet écart. La qualité des travaux et leur adaptation au bâti sont également un facteur de première importance.
Par ailleurs, Tracfin et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) multiplient les alertes sur le caractère incitatif à la fraude de ces aides. Des centaines de millions d’euros auraient ainsi été subtilisés par des acteurs localisés à l’étranger – au Maroc ou en Israël –, sans compter les malfaçons et les irrégularités commises par des entreprises en France. Les rapports de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances (IGF) le disent tous, la politique de contrôle des certificats d’économie d’énergie (C2E) et de MaPrimeRénov’ est largement déficiente.
Enfin, les dispositifs d’aide sont mal conçus, illisibles, changeants et mal articulés. L’année 2023 avait déjà été décevante pour l’Anah et 2024 le sera certainement tout autant : son début a été catastrophique, comme tous les acteurs de la filière l’avaient anticipé. Le revirement soudain qu’a constitué la réautorisation d’un parcours par geste pour les logements classés F et G ne disposant pas nécessairement d’un mode de chauffage décarboné a permis de relancer un peu la machine, mais cela reste très insuffisant. Alors que près de 600 000 logements ont bénéficié d’une aide de l’Anah en 2023, la dynamique observée sur les neuf premiers mois de l’année indiquerait qu’on dépasserait péniblement les 350 000 logements soutenus en 2024.
Par ailleurs, les aides à la rénovation énergétique reposent sur des fondements incertains, à commencer par le diagnostic de performance énergétique (DPE), thermomètre de la politique de rénovation énergétique, qui souffre de déficiences majeures. D’une part, sa conception est douteuse. Le DPE n’est pas adapté au bâti ancien, il défavorise les logements chauffés à l’électricité et les modifications fréquentes de paramètres qui y sont apportées minent la confiance dans cet outil. D’autre part, sa mise en œuvre concrète est chaotique ; on ne compte plus les rapports et études montrant à quel point elle est aléatoire. Sans jeter l’opprobre sur les diagnostiqueurs, dont l’immense majorité sont des professionnels, force est de constater que le processus de formation est insuffisant. De nombreux critères interviennent dans l’évaluation de la performance énergétique, qu’il n’est pas toujours possible d’objectiver.
Ensuite, une politique ambitieuse de rénovation énergétique ne peut être menée sans entreprises qualifiées. Nos artisans font un travail de grande qualité, mais leurs effectifs sont insuffisants face à l’ampleur des besoins, et cela contribue à l’inflation des coûts. Ils sont encore moins nombreux – 60 000 seulement – à disposer du label Reconnu garant de l’environnement (RGE), nécessaire pour bénéficier des aides. Outre que ce label est trop complexe à obtenir pour les petites entreprises, il n’est, paradoxalement, pas toujours gage de qualité : 66 % des infractions constatées par la DGCCRF en 2020 concernaient des entreprises s’en réclamant.
En conclusion, les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique, qui procèdent d’une bonne intention – la transition écologique, le soutien au pouvoir d’achat des Français –, se révèlent complètement inopérants. Les contraintes de plus en plus fortes imposées aux propriétaires qui n’ont pas la chance d’avoir obtenu la bonne classe énergétique à la loterie du DPE doivent être urgemment levées. La promesse de l’État de financer massivement la rénovation énergétique devient peu à peu intenable, dans un contexte budgétaire historiquement dégradé et sur la base de dispositifs technocratiques apparaissant irréalistes. Tel sera d’ailleurs l’objet de la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour de la niche du groupe Rassemblement national, que j’aurai l’honneur de défendre demain matin devant cette commission.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Robert Le Bourgeois (RN). Voilà un état des lieux clair d’un secteur devenu illisible et inefficace ! La Commission européenne a fixé des objectifs particulièrement ambitieux – ou démesurément optimistes – en matière d’émissions de gaz à effet de serre, augmentant toujours les contraintes pour pousser les acteurs à satisfaire des objectifs souvent irréalistes. Et c’est sur le bâtiment qu’elle jette l’opprobre aujourd’hui comme elle l’a fait hier sur l’automobile.
Cette méthode de la carotte et du bâton a déjà produit des résultats exactement contraires à ceux recherchés – je pense au fameux « Dieselgate » ; sans surprise, elle n’a pas produit d’autres fruits dans le secteur du logement. Votre rapport relève les fraudes aux C2E ou à MaPrimeRénov’, deux dispositifs qui pèsent très lourd dans nos finances publiques ; je peux parler de la fiabilité des DPE : le 28 août dernier, dans mon département, la cour d’appel de Rouen a condamné un vendeur dont le DPE avait été volontairement falsifié afin de limiter la perte de valeur de son bien, plutôt ancien. L’efficacité du dispositif est discutable, mais elle a pourtant une conséquence immédiate sur la possibilité pour les Français de trouver un logement ou de financer la rénovation du leur.
L’État veut désormais raboter des dispositifs tels que MaPrimeRénov’ ou le fonds Vert, et augmenter la TVA sur les chaudières à gaz. Il agit comme un poulet sans tête ! Comment analysez-vous et comprenez-vous la vision politique passée et présente de l’État en matière de rénovation énergétique de logements ? Quelles solutions apporteriez-vous pour remédier aux fraudes et au manque de fiabilité des dispositifs en place ?
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. La fraude devient un sujet majeur. Les milliards d’euros d’argent public disponibles au titre des différents dispositifs ont attiré nombre d’opportunistes et de professionnels peu scrupuleux. La situation est paradoxale : d’un côté, on demande aux Français de faire de plus en plus d’efforts, en mettant la barre toujours plus haut ; de l’autre côté, l’État instaure des dispositifs pour suivre ce rythme, finalement intenable, et l’objectif initial, clairement inatteignable, est complètement détourné, notamment par les fraudes massives.
En 2021, l’objectif du Gouvernement était certes louable : il fallait absolument accélérer sur la rénovation énergétique et sur la transition écologique. En 2024, même avec peu de recul, la nécessité s’impose de revoir certaines choses : moins d’exigences vis-à-vis des Français, moins de contraintes, dépenser plus intelligemment dans un contexte budgétaire contraint.
Il faut faire confiance aux Français. On ne peut pas tout bureaucratiser, tout organiser ; laissons faire le marché. Il est dans l’intérêt de tous – bailleurs et locataires, qui sont de plus en plus exigeants en termes de confort – de monter en gamme et en confort énergétique dans les logements du parc ancien.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). La hausse globale qu’affiche pour 2025 la mission Cohésion des territoires n’est que de façade ; elle résulte du transfert au budget de celle-ci des crédits du programme Énergie, climat et après-mines. Les crédits affectés au financement de MaPrimeRénov’ sont en forte baisse, ce qui s’explique partiellement par l’échec de la réforme de 2024, qui visait à simplifier ces aides, mais a eu des effets contre-productifs.
Aucun crédit budgétaire n’est inscrit en faveur du Fonds national d’aide à la pierre (Fnap), pour des raisons structurelles : le nombre d’agréments délivrés pour 2024 est si faible que le report de fonds de concours et la trésorerie du Fnap suffiront à financer les opérations engagées et futures. Bien que la première partie du PLF comporte des mesures en faveur de la construction neuve, en particulier l’élargissement du prêt à taux zéro, on ne peut que regretter l’absence de coup de pouce supplémentaire, financier ou structurel, au logement social.
Nous regrettons l’absence d’informations détaillées sur les crédits alloués à MaPrimeAdapt’ dans le bleu budgétaire. Cette aide est cruciale pour l’adaptation des logements au vieillissement. Les années précédentes, des précisions essentielles nous étaient fournies pour évaluer l’efficacité de cette politique. Ce manque de transparence ne facilite pas notre travail de suivi, surtout dans un contexte de réduction des subventions allouées à l’Anah. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à rétablir 5 millions d’euros pour abonder cette aide spécifique.
Nous ne comprenons pas non plus la baisse des crédits pour la lutte contre l’habitat indigne, alors que la récente loi visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement devrait renforcer cette politique. Soutenue par une large majorité, elle vise à simplifier les interventions et à faciliter les rénovations dans les copropriétés en difficulté. Dès lors, il est incohérent de réduire les moyens. Nous avons donc déposé un amendement pour sanctuariser ces crédits et garantir la montée en puissance de cette lutte essentielle.
Enfin, monsieur le rapporteur pour avis, j’appelle votre attention sur le fait qu’un logement classé G+ peut générer plus de 4 300 euros de dépenses annuelles de chauffage. Or, ce sont souvent les ménages les plus modestes qui habitent ces passoires thermiques. Dès lors, votre amendement visant à supprimer les crédits de l’Anah est contradictoire avec la volonté affichée de votre groupe de préserver la facture d’énergie des Français.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je sais combien vous êtes investie en particulier dans l’adaptation de l’habitat à la vieillesse, emboîtant le pas à la Cour des comptes qui propose de plus clairement allouer une partie des fonds alloués à l’Anah, parfois utilisés à mauvais escient, vers MaPrimeAdapt’.
Je propose effectivement de supprimer l’Anah, mais pas le dispositif MaPrimeRénov’ : il s’agit simplement de transférer les compétences de l’Anah au ministère du logement et de la rénovation urbaine. J’entends votre interpellation sur les passoires thermiques, mais, selon la Cour des comptes, 40 % des logements qui ont fait l’objet d’une rénovation demeurent classés E, F ou G : que faire avec ce stock ? Telle est la question que je vous poserai demain, lors de l’examen de ma proposition de loi visant à réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative.
La réunion est suspendue de dix-huit heures à dix-huit heures cinq.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Le halo du mal-logement concerne 12 millions de personnes, dont 4,1 millions de mal-logés et 330 000 sans domicile fixe. Plus d’un sixième de la population souffre de la crise du logement. Les demandes de logement social on atteint un record, avec 2,7 millions de ménages en attente. Les besoins en logements neufs sont estimés entre 400 000 et 500 000, mais la production de logements publics diminue depuis des années et est passée sous la barre des 100 000 logements par an.
Depuis 2017, la politique du logement est frappée de rigueur budgétaire. L’effort public de la part de l’État et des collectivités est historiquement bas : 1,6 % du PIB, loin des 2,2 % de 2010 – cela représente une baisse de 15 milliards d’euros chaque année. En même temps, la propriété immobilière est extrêmement concentrée : 3,5 % de multipropriétaires détiennent 50 % des logements en location, ne pensez-vous pas que cela puisse restreindre l’accès à la propriété des jeunes ménages ?
Quel genre de politiques publiques a pu conduire à ce désastre ? D’abord, la réforme des aides personnalisées au logement (APL), entre 2017 et 2024, pour faire 4 milliards d’euros d’économies. Ces 4 milliards d’euros n’ont pas été prélevés sur les rentes des multipropriétaires, mais sur les caisses des offices HLM, à travers la réduction de loyer de solidarité (RLS), responsable à elle seule d’un manque à gagner de 8 milliards d’euros. La conséquence est un effondrement de la construction de logements publics.
Ensuite, la lutte contre l’habitat indigne est superficielle. Dans le présent budget, elle subit une diminution de crédits de 35 %. Au rythme actuel, il faudrait une quarantaine d’années pour éradiquer le stock de logements indignes. Ce n’est guère mieux pour les crédits alloués au dispositif MaPrimeRénov’ : le Gouvernement a procédé à 1 milliard d’euros de coupes budgétaires en février 2024. Pourtant, une résidence principale sur six est une passoire thermique. Un tel budget entérine définitivement le fait que nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs de rénovation thermique.
Face à cette boucherie budgétaire, nous formulons plusieurs propositions : augmenter d’urgence les APL de 10 %, ce qui représenterait 1,7 million d’euros ; supprimer la RLS pour relancer la construction de logements publics et en produire200 000 par an ; produire 15 000 logements pour les jeunes, étudiants ou travailleurs, dès l’année prochaine ; créer les places d’hébergement nécessaires pour mettre à l’abri les 2 043 enfants à la rue, mais aussi toutes les personnes en détresse, comme les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles ; investir massivement pour résorber l’habitat indigne, avec 1,5 milliard d’euros pour l’Anah, que nous ne voulons pas supprimer ; augmenter les fonds pour la rénovation thermique ; mettre en place le reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes entreprenant des travaux de rénovation énergétique.
Éric Ciotti et Marion Maréchal-Le Pen, serial killers du logement public, ont exprimé récemment leur volonté de couper dans les services publics – à la tronçonneuse, pour le premier. Que pensez-vous de la baisse de la construction de logements publics ? Ne faudrait-il pas relancer ce secteur ?
M. Inaki Echaniz (SOC). Vous avez souhaité faire de votre rapport une charge contre les mesures de lutte contre les passoires thermiques et la rénovation énergétique des logements. À vous lire, là serait la seule origine de la crise du logement. Depuis 2022, vous avez voté contre tous nos amendements visant à renforcer les moyens pour la rénovation énergétique, à imposer la réalisation de travaux plus performants, à mettre en œuvre un zéro reste à charge pour les propriétaires ou encore à baisser les impôts sur les petits propriétaires. Hier soir encore, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en commission des affaires sociales, vous avez voté contre notre amendement abrogeant la réforme des retraites : vous aimez pointer les problèmes, mais vous vous opposez aux solutions. Au moins, cette fois-ci, ce n’est pas la faute des étrangers !
Nier la nécessité de continuer à réduire les quelque 5 millions de passoires thermiques que comptait le parc des résidences principales en 2023 est une aberration, en raison de l’urgence climatique, mais aussi des enjeux de transition et de sobriété énergétiques. Ils sont pourtant une condition de notre souveraineté, un sujet qui habituellement vous tient à cœur. Il n’est pas admissible de laisser le parc de logements se détériorer au détriment de la qualité de vie : c’est une question de salubrité et de santé publiques.
C’est principalement ce qui fait défaut au budget du logement : les crédits promis pour soutenir la rénovation énergétique sont en forte baisse ; ceux annulés en début d’année sont définitivement perdus. Ont également disparu, malgré les engagements pluriannuels pris l’an dernier, les crédits visant à soutenir la rénovation énergétique du parc social. La RLS et la faiblesse des aides à la pierre ne permettent toujours pas de relancer la production de logements sociaux, qui demeure atone, avec à peine 80 000 agréments contre 110 000 il y a sept ans. Avec 30 000 logements sociaux manquant chaque année depuis 2018, on comprend mieux l’explosion du nombre de demandeurs, à 2,7 millions. Comme l’an dernier, nous proposerons donc de redonner à notre politique du logement des moyens budgétaires concrets, pour que chacun de nos concitoyens puisse accéder à un logement décent et abordable.
Enfin, votre proposition de retarder les APL pour les étrangers extra-européens va à l’encontre de l’objectif de lutte contre le mal logement, qui doit être universelle, et elle est particulièrement dogmatique, puisque seulement 10 % des allocataires sont des étrangers européens et extra-européens. Je crains que les nombreux milliards d’euros d’économies que vous invoquez, dans l’approximation qui vous caractérise, ne soient légèrement illusoires, sans parler des conséquences néfastes sur l’hébergement d’urgence.
Nous serons défavorables à l’adoption des crédits, sauf si nos amendements pour renforcer le logement social et la rénovation énergétique sont adoptés.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je vous rejoins sur un point : le désintérêt, depuis 2017, du Gouvernement pour la politique du logement, qui est devenue une variable d’ajustement budgétaire. Nous n’avions alors pas de groupe, mais nous n’étions pas favorables à la RLS, ni au rabot des APL. Le Président de la République a tout fait pour détourner les Français de l’investissement immobilier au profit des valeurs mobilières. C’est un choix purement idéologique qui se paie cher aujourd’hui.
Nos deux visions sont différentes. Vous pensez qu’il faut des milliards d’euros d’argent public pour résoudre les problèmes ; ce n’est pas tout à fait vrai. On peut commencer par mieux gérer l’argent, surtout connaissant la situation budgétaire. À cet égard, les amendements que vous avez déposés dans cette commission ou en commission des finances – des milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires – ne sont pas les bienvenus. Comment les financez-vous ?
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Après des années de politique macroniste, la crise du logement ne cesse de s’aggraver. Dans le projet de budget présenté par le Gouvernement, les APL ne sont majorées que du montant de l’inflation. C’est très insuffisant quand le loyer constitue le premier poste de dépenses de tant de locataires. Mais au lieu d’exiger une revalorisation de 10 %, qui pourrait être financée en taxant la spéculation, le rapporteur pour avis propose d’en priver les personnes de nationalité étrangère. Le RN n’est jamais à court d’idées racistes pour opposer entre eux les locataires en galère et préserver les intérêts des spéculateurs.
Côté construction de logements sociaux, la situation est catastrophique : 2,7 millions de personnes sont en attente d’un logement social, mais le nombre d’agréments délivrés en 2023 n’a jamais été aussi bas et les financements pour le Fnap sont très insuffisants. Pire, le Gouvernement envisage d’augmenter la RLS. Il faut, au contraire, la supprimer, car elle empêche les bailleurs de produire de nouveaux logements sociaux.
Concernant la rénovation du bâti, qu’il soit privé ou social, le Gouvernement multiplie les mesures irresponsables : baisse des crédits destinés à l’Anah de 1,5 milliard pour le financement de MaPrimeRénov’ ; baisse des moyens pour la rénovation du logement social avec 350 millions sur deux ans, alors que le Gouvernement promettait 1,2 milliard sur trois ans ; annonce par le Premier ministre d’une simplification du DPE, qui aura pour conséquence des exigences au rabais pour les propriétaires de passoires thermiques. L’urgence écologique exigerait, au contraire, des financements bien plus importants pour rénover le parc existant, public comme privé. Mais les passoires thermiques n’ont pas l’air non plus d’être la préoccupation du rapporteur RN, qui préfère s’opposer à toutes les mesures répondant à l’urgence écologique.
Une solution alternative existe : le NFP (Nouveau Front populaire) a su trouver, en commission des finances, des majorités pour baisser la TVA sur la construction de logements sociaux ou pour lutter contre la spéculation sur les résidences principales. Avec les 60 milliards d’euros que nous avons obtenus en commission et que nous nous battrons pour obtenir à nouveau en séance, nous pourrons créer 10 000 places d’hébergement d’urgence pour qu’enfin, plus personne ne dorme à la rue – je rappelle que 2 000 enfants dorment dehors chaque soir. Nous supprimerons la RLS et augmenterons les financements pour le logement social, en privilégiant les logements réellement sociaux, notamment les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) et les prêts locatifs à usage social (PLUS). Nous investirons massivement dans la rénovation énergétique, pour permettre à chacun d’avoir un logement digne et préserver notre écosystème. Nous rétablirons les crédits de la politique de la ville avec des moyens accrus pour les quartiers populaires.
Le budget proposé par le Nouveau Front populaire, contrairement à celui présenté par le Gouvernement, démontre que le droit au logement peut enfin l’emporter sur le droit de spéculer sur le logement. Espérons que cet objectif d’intérêt général trouvera une majorité, en commission comme dans l’hémicycle.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Vous avez porté une accusation grave : nous serions racistes parce que nous souhaitons conditionner l’octroi des APL à cinq ans de cotisation. C’est une simple recharge de droits : quand on arrive dans un pays, il faut d’abord cotiser un minimum avant de bénéficier de droits sociaux. Allez faire un tour aux États-Unis ou au Canada pour voir comment cela se passe.
M. Pascal Lecamp (Dem). Nous avez-vous présenté votre rapport budgétaire pour avis, ou le rapport que vous présenterez demain dans le cadre de votre niche ? Les sujets abordés sont très similaires.
Tout comme vous, nous déplorons la baisse des fonds dédiés à la rénovation énergétique. Toutefois, il est surprenant de vous voir dénoncer cette baisse au nom de l’environnement alors que vous nous proposerez demain de démanteler les instruments incitant les propriétaires bailleurs à entreprendre de tels travaux. Si cette diminution reflète la moindre utilisation du dispositif en 2024, une réflexion profonde est nécessaire pour ajuster les aides et atteindre nos objectifs à long terme. Notre groupe propose d’étudier la possibilité d’un viager-rénovation permettant de rembourser des travaux au moment de la cession du bien. Nous sommes à l’écoute de vos propositions pour refondre ce dispositif.
Les bailleurs sociaux connaissent de grandes difficultés, tandis que 2,7 millions de personnes attendent un logement social. Vous mentionnez une réduction des fonds pour le Fnap, qui était encore de 150 millions d’euros en 2024, mais omettez de signaler les 165 millions de réserves accumulées. Issues de financements de l’État, celles-ci permettront de maintenir le financement des projets de logements sociaux dans un contexte de baisse des taux qui devrait alléger la pression financière sur le secteur en 2025.
De plus, la ministre a récemment annoncé le dégel de 200 millions d’euros dédiés à la rénovation énergétique dans les HLM. Nous espérons obtenir le complément des aides évoquées en 2023 pour l’année prochaine – on peut toujours y croire. À cela s’ajoute le dispositif Seconde vie, qui facilitera les rénovations très performantes à travers une exonération de taxe foncière de vingt-cinq ans pour les logements concernés.
Nous sommes conscients que le secteur du logement traverse une crise très grave et qu’il est essentiel d’aider à sa relance par des incitations fiscales pour dynamiser les investissements. Dans cette optique, notre groupe défend deux propositions clés dans le projet de loi de finances : la création d’un statut de l’investisseur immobilier pour encourager les investissements locatifs vertueux, avec une flat tax sur les revenus fonciers sous condition de location longue durée, d’encadrement des loyers et d’un DPE de niveau D ou supérieur ; une réforme systémique des plus-values immobilières pour lutter contre la rétention de foncier et du bâti, en supprimant le critère du nombre d’années de détention pour appliquer uniquement la flat tax corrigée par un coefficient d’érosion monétaire. Avec ces propositions concrètes, le groupe démocrate espère que les débats sortiront des caricatures.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Tout ce qui peut relancer le marché de la transaction immobilière est bienvenu. Je n’ai pas vu d’amendement en ce sens, mais cela pourrait faire l’objet d’un débat. Par ailleurs, je ne me réjouis pas de la baisse des crédits alloués à la rénovation énergétique, simplement je considère que cette dernière fait l’objet de dérives et que la barre est trop haute.
M. David Taupiac (LIOT). Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a vu s’effondrer les chiffres de la construction, qui se rapprochent de leur niveau le plus bas depuis vingt ans. La crise sanitaire ne suffit pas, à elle seule, à expliquer cet échec. Les différentes restrictions apportées aux dispositifs en faveur du logement – APL accession, PTZ, Pinel – ont fait de ce secteur le premier contributeur à la réduction du déficit public et ont durablement porté préjudice à la construction et au parcours résidentiel.
En dépit de nombreuses alertes sur l’aggravation de la crise du logement, le Gouvernement s’est entêté dans sa politique. Ce PLF doit se donner les moyens de redresser la barre. L’annonce d’une extension du PTZ à tout le territoire va dans le bon sens, même si nous attendons toujours d’en connaître les modalités. Nous appelons en outre à trouver un dispositif permettant de remplacer le Pinel, en incitant les particuliers à investir dans la pierre.
Le bilan est critique pour le logement social. La baisse du montant des APL et la RLS, bien que tempérées par le pacte d’investissement d’avril 2019, pèsent tout de même 1,3 milliard d’euros sur les finances des bailleurs sociaux et obèrent leur capacité d’investissement. Celle-ci subit également la hausse du taux du livret A, dont le taux d’emprunt des bailleurs sociaux dépend. Autre sujet d’alerte : la baisse des crédits dédiés à la rénovation énergétique des 4,5 millions de logements sociaux du pays, dont la modernisation est essentielle pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et améliorer la qualité de vie des résidents.
La priorité est de garantir la stabilité des aides à la rénovation énergétique, qui n’ont cessé d’évoluer ces dernières années. Il est temps de donner de la visibilité aux artisans, mais également aux particuliers qui s’engagent dans des travaux. Nous appelons donc à maintenir MaPrimeRénov’ dans ses contours actuels et à revaloriser son enveloppe globale. Nous attendons qu’elle soit en ligne avec les prévisions pour 2024, même si les conditions d’accès trop exigeantes au dispositif ont conduit à une chute drastique du nombre de dossiers.
Enfin, même si le premier plan quinquennal Logement d’abord a permis des avancées, avec une augmentation du nombre de ménages sans domicile accédant au logement, la situation s’est détériorée – 330 000 personnes sans domicile, 8 351 demandes non pourvues chaque soir au 115, 2,7 millions de ménages en attente d’un logement social, et un nombre de places en hébergement d’urgence qui stagne. Quant au deuxième plan Logement d’abord, les 29 millions d’euros supplémentaires par an ne suffisent pas à contrebalancer les coupes dans la politique du logement social, qui contribuent à l’aggravation générale de la situation.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Vous n’avez pas vraiment posé de questions, mais plutôt dressé un état des lieux, que je partage. Dans le secteur privé comme dans le public, la relance de l’offre s’impose. Outre l’aspect budgétaire, il faudrait explorer les contraintes normatives, de type ZAN, qui bloquent nombre de projets, ou encore la norme RE2020 qui accroît les coûts de construction et grève la capacité de lancer de nouveaux projets.
M. Jérôme Nury (DR). Le logement est un sujet de préoccupation pour l’ensemble de nos concitoyens, habitants, élus, entreprises du bâtiment. On a le sentiment que la multitude d’intervenants rend le système opaque et inefficace au possible. Il y a donc lieu de simplifier, de rationaliser, de retrouver un peu de bon sens, car nous nous enfonçons dans une crise du logement qui deviendra grave si des décisions courageuses et disruptives ne sont pas prises.
Le contexte budgétaire tendu ne suggérerait-il pas de chercher des gains de fonctionnement, par exemple par la suppression des agences départementales d’information sur le logement (Adil) et de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) ? Ces organismes prétendument experts sont depuis longtemps inopérants et dépassés, alors que des renseignements précis, objectifs et concrets peuvent être apportés dans nos territoires grâce aux guichets uniques de l’opération programmée d’amélioration de l’habitat (Opah). Ces organismes budgétivores pour l’État et les conseils départementaux ne devraient-ils pas être supprimés en urgence ?
De même, l’Anah fonctionne et gère à un coût exorbitant la politique qu’elle suggère elle-même à l’État. La gestion en direct par Bercy et par les directions départementales des territoires (DDT) serait plus efficace. De surcroît, on apprend dans votre rapport que l’Anah a 1 milliard d’euros de trésorerie qui dorment sur ses comptes.
Ne pensez-vous pas que la suppression de ces organismes inopérants et redondants permettrait de rationaliser la gestion des crédits d’État liés au logement et de diminuer les dépenses publiques ?
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je suis partisan de la suppression de certaines agences. Je propose d’ailleurs un amendement tendant à supprimer, non pas le dispositif MaPrimeRénov’, mais l’Anah, dont les compétences seraient transférées au ministère du logement. Je suis également favorable à la suppression de l’Agence de la transition écologique (Ademe), avec une rationalisation beaucoup plus large et une simplification du cadre réglementaire et juridique, afin de relancer massivement la construction. Je suis beaucoup plus partagé s’agissant des Adil, qui ne coûtent que quelques millions d’euros par an, car ces agences apportent des conseils gratuits aux locataires. Ce serait de l’affichage que de les supprimer.
M. Stéphane Peu (GDR). Le fait d’avoir, pour la première fois depuis 2017, une ministre de logement de plein exercice nous a donné, un moment, un peu d’espoir, d’autant qu’elle connaît le sujet, ce qui n’a pas toujours été le cas. Malheureusement, le budget présenté suscite plutôt de la déception ; j’espère que nous pourrons le corriger.
La situation du logement est catastrophique. La crise est économique : promoteurs qui licencient, agences immobilières qui ferment, 150 000 à 200 000 emplois menacés à court terme selon la Fédération française du bâtiment ; elle est aussi sociale : 2,7 millions de demandeurs de logement, et un coût du logement très élevé, qui est la première cause de dégradation du pouvoir d’achat des ménages devant l’inflation. Le budget qui nous est présenté ne s’attaque pas à cette double crise.
Tout ce qu’a fait la Macronie depuis 2017 dans ce domaine a été une catastrophe. Alors que des pays européens qui avaient cédé aux sirènes libérales – l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne – revenaient vers une économie mixte du logement, avec une intervention publique plus forte, la France empruntait le chemin inverse, opérant un contresens historique qui pèse lourd aujourd’hui, puisque le niveau des permis de construire en 2023 est le plus bas depuis 1991, au moment de la grande crise immobilière liée à la guerre du Golfe. Jamais notre pays n’a aussi peu construit avec un nombre de demandeurs de logement aussi important.
Sur le plan strictement budgétaire, Bercy a toujours considéré le logement comme un coût, et jamais comme une recette. Or, dans le budget de la nation, le logement – tous postes de dépenses confondus, y compris l’APL – pèse environ 40 milliards d’euros et rapporte 80 à 85 milliards, sans compter les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) qui rapportent aux collectivités. La récession dans le domaine du logement pèse environ 10 milliards dans l’aggravation du déficit public.
Nous proposons donc une relance de la production dans deux directions : le logement HLM, auquel 65 % des salariés sont éligibles, et les primo-accédants, afin de fluidifier le parcours résidentiel qui est totalement bloqué.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. La crise du logement met en difficulté les collectivités locales du fait de la baisse des DMTO, qui sont passés en un an de 17 à 13 milliards d’euros, soit un manque à gagner de 4 milliards. Cela va donc beaucoup plus loin qu’un simple problème de recettes pour l’État.
Je n’oppose pas l’habitat social au parc privé, car ils sont complémentaires. Vous ne résoudrez pas la crise du logement en construisant uniquement des logements sociaux. De plus, le maximum jamais atteint est de 125 000 constructions par an pour le parc social : on est très loin des 400 000 à 500 000 attendues par l’ensemble du secteur.
Ce qui me rassure, c’est que le constat est partagé par tous les groupes en dépit de leurs différences philosophiques, voire idéologiques. La nomination de Mme Létard au poste de ministre du logement offre une lueur d’espoir, car elle développe une approche pragmatique, n’hésitant pas à remettre au goût du jour des mesures qui ont fonctionné par le passé comme le dispositif Balladur ou le PTZ. C’est appréciable car, malgré nos différences politiques, nous pouvons espérer une évolution positive.
Toutefois, le contexte budgétaire étant ce qu’il est, on ne peut pas promettre aux Français une mise sous perfusion de plusieurs milliards d’euros pour la rénovation énergétique ou pour la relance de la politique du logement. Mon groupe a une approche un peu différente : si le volet budgétaire et les dispositifs sont importants, nous pensons également que l’évolution normative peut permettre de relancer la construction.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Vincent Rolland (DR). Nous avons tous conscience de l’état des finances publiques. Le PTZ, tel qu’il figure dans la maquette budgétaire, est significativement amélioré, mais ne pensez-vous pas qu’il faudrait avant tout alléger les contraintes normatives et administratives qui pèsent sur la construction ou, au moins, essayer de gagner du temps s’agissant de certains travaux obligatoires à réaliser par les propriétaires ? En effet, lorsque ces travaux ne sont pas réalisés dans les temps impartis, les biens sortent du marché de la location, aggravant encore un peu plus la crise du logement.
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Le PTZ demeure un levier crucial pour faciliter l’accession à la propriété pour les primo-accédants à revenus modestes. Toutefois, sa récente restriction aux seules habitations collectives en zones tendues risque d’exclure de nombreux ménages vivant dans les zones rurales ou périurbaines, où les besoins en logements neufs demeurent importants. Ne serait-il pas pertinent d’ouvrir le PTZ à ces zones moins denses afin de lutter contre les inégalités territoriales et ainsi soutenir l’accès à la propriété dans des territoires également en difficulté ?
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. L’allégement des contraintes est au cœur de mon combat ; c’est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi que je défendrai demain. Je ne m’oppose pas aux normes, mais je pense qu’elles sont devenues excessives et que nous n’avons plus les moyens de les suivre. Pour avoir la capacité de financer les travaux de rénovation énergétique en respectant les contraintes qui les accompagnent, il faudrait que la France aille mieux, que son taux de croissance soit bien meilleur. Mais il faudrait aussi revoir le traitement des permis de construire ou encore la règlementation du ZAN, qui a complètement gelé le foncier et rendu impossible le développement de nouveaux projets, pour le logement comme pour l’activité économique. Cela devient intenable. Le Gouvernement devra bien finir par desserrer l’étau.
Le PTZ réservé aux zones tendues me paraît une hérésie ; je suis, moi aussi, favorable à son élargissement à toutes les zones. De même, exclure la maison individuelle du dispositif n’a pas de sens, car on ne construit pas d’immeubles dans les zones rurales. Les Français aspirent à la maison individuelle et je ne vois pas au nom de quoi on les priverait de leur rêve, n’en déplaise au préfet de la région Occitanie qui m’a dit un jour – cela m’avait choqué – que « la maison individuelle, c’était terminé ».
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CE75 de M. François Piquemal, II-CE81 de M. Stéphane Peu et II-CE130 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. François Piquemal (LFI-NFP). Je propose de construire 200 000 logements publics par an.
M. Stéphane Peu (GDR). Il s’agit d’abonder le fonds national des aides à la pierre à hauteur de 300 millions d’euros. Certes, le Fnap dispose d’un peu de trésorerie en raison de la baisse de la production et donc des sollicitations de ses fonds, mais cela ne saurait durer, surtout si l’on a une ambition pour la production de logement social.
M. Inaki Echaniz (SOC). Il s’agit de verser aux communes une aide de 5 000 euros par logement autorisé à la construction au-dessus de la moyenne des logements autorisés sur la période triennale précédente. Cette aide serait réservée aux logements qui ne sont pas construits en artificialisant, en cohérence avec les objectifs ZAN. Les communes carencées au regard de la loi SRU en seraient exclues, à l’exception de celles ayant conclu un contrat de mixité sociale. Ce dispositif est nécessaire pour encourager les maires bâtisseurs, qui se font de plus en plus rares, et pour leur montrer le soutien de l’État dans cette démarche vertueuse, qui est parfois contre-productive sur le plan électoral.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Avis défavorable à l’amendement de M. Piquemal : l’objectif de 200 000 logements sociaux paraît trop ambitieux, sachant que l’on n’a jamais atteint les 125 000. Peut-être faudrait-il travailler sur les coûts de construction, qui n’arrêtent pas d’augmenter sous l’effet de certaines normes. Avis défavorable également aux deux autres amendements en raison de leur coût pour les finances publiques.
M. Stéphane Peu (GDR). La loi Elan a supprimé l’aide aux maires bâtisseurs et réduit les aides à la pierre. Ces amendements ont pour objet de corriger les bêtises de la Macronie, qui nous ont conduits dans le mur du point de vue de la production de logements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CE125 et II-CE126 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). L’objectif est de construire 150 000 logements sociaux – 90 000 en PLUS et 60 000 en PLAI – afin de rattraper les retards accumulés ces dernières années. Il faut déverrouiller le parcours résidentiel.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Un abondement de 1 milliard d’euros me paraît excessif, d’autant que l’objectif fixé est inatteignable. Par ailleurs, dans 50 % des cas, les logements sociaux sont construits en vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) et sont vendus en bloc. Investir continuellement dans cette politique n’accélérera pas la construction de logements sociaux.
J’insiste de nouveau sur la nécessité de mener une réflexion sur les coûts de construction qui ne cessent d’augmenter. Passer de la RE2020 à la RE2025 représente beaucoup d’investissements supplémentaires pour les bailleurs sociaux, ce qui n’est pas neutre dans leur budget. L’Assemblée devrait se saisir de ce sujet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CE85 de M. François Piquemal
M. François Piquemal (LFI-NFP). À ce jour, les contrats de fourniture d’électricité passés par les organismes HLM et les gestionnaires de résidences sociales ne sont pas éligibles au tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE). Cet amendement, travaillé avec l’Union sociale pour l’habitat (USH), vise à réparer cette injustice qui pénalise les ménages les plus modestes.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Sur ce sujet, je préfère laisser le Gouvernement vous répondre. Avis de sagesse.
M. Stéphane Peu (GDR). Je soutiens résolument cet amendement. Il s’agit, non pas de faire un cadeau aux bailleurs sociaux, mais de rétablir un juste équilibre en faveur des locataires de logements HLM.
M. Julien Dive (DR). Les rattrapages énergétiques intervenus au printemps dernier ont placé de nombreux locataires de bailleurs sociaux en grande difficulté, obligeant parfois les centres communaux d’action sociale (CCAS) à intervenir. Je suis donc, à titre personnel, favorable à cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CE76 de M. David Guiraud et II-CE127 de M. Inaki Echaniz, amendement II-CE79 de M. Stéphane Peu (discussion commune)
M. François Piquemal (LFI-NFP). Nous proposons que soit programmée la production de 15 000 logements publics étudiants par an au cours des prochaines années, afin de rattraper le retard structurel pris dans ce domaine.
M. Inaki Echaniz (SOC). Le Président de la République lui-même avait annoncé un plan massif de construction de logements pour les jeunes, mais les comptes n’y sont pas : il faut y remédier.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Le logement étudiant pose effectivement un problème important. Quand bien même les amendements II-CE76 et II-CE127 sont intéressants, je propose leur retrait au profit de l’amendement II-CE79.
La commission rejette les amendements II-CE76 et II-CE127.
Elle adopte l’amendement II-CE79.
La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante-cinq à dix-neuf heures cinq.
Amendements II-CE40 de M. Frédéric Falcon, II-CE62 et II-CE73 de M. David Taupiac (discussion commune)
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE40 vise à supprimer l’Anah et à transférer ses compétences au ministère du logement dans une logique de rationalisation des coûts de structure.
M. David Taupiac (LIOT). Les projets de rénovation de logements très dégradés menés par des associations dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage insertion (MOI) contribuent à la rénovation urbaine de centres-bourgs et donnent un accès à des logements abordables à une population très défavorisée. Or, le montant alloué par l’Anah aux 200 associations qui mènent ces projets en France n’a pas été réévalué depuis dix ans, tandis que les coûts de construction ont augmenté : je propose de le porter de 1 250 euros à 1 850 euros par mètre carré. Alors que ce dispositif ne permet de réaliser qu’une centaine de logements par an, je propose par ailleurs de le renforcer, en abondant de 100 millions d’euros supplémentaires les crédits qui lui sont consacrés.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Ces dispositifs ont un rôle mineur dans la politique du logement. Le montant de 100 millions d’euros me semble excessif, l’Anah ayant elle-même fixé un objectif de construction de 300 logements sociaux en MOI en 2023. Je vous invite à retirer vos deux amendements.
M. David Taupiac (LIOT). Je les maintiens. Vous avez évoqué tout à l’heure 1 milliard d’euros qui ne serait pas utilisé dans les caisses de l’Anah : je propose d’y prélever les budgets nécessaires.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Ce n’est pas parce que 1 milliard d’euros dorment dans les caisses qu’il faut les dépenser n’importe comment.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Nous avons besoin d’une agence disposant de compétences dédiées pour porter les projets, plutôt que de les voir confiées à un ministère. Notre groupe votera contre l’amendement du rapporteur pour avis.
M. Stéphane Peu (GDR). Je souscris au maintien des crédits alloués à MaPrimRénov’, mais pas à la suppression de l’Anah, dont les compétences spécifiques et la technicité ont permis d’améliorer l’efficacité des actions de résorption de l’habitat indigne.
M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Je rejoins l’avis de M. le rapporteur pour avis au sujet de l’Anah. La Cour des comptes et la direction du budget ont déjà établi que l’agence disposait de marges de manœuvre importantes en matière de gestion, ne serait-ce qu’avec ses propres infrastructures immobilières.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. J’ajoute que l’Anah semble incapable de lutter contre la fraude organisée et de résorber les failles dans les dispositifs, ce qui plaide pour le transfert de ses compétences au ministère du logement, aujourd’hui de plein exercice.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CE107 et II-CE105 de M. François Piquemal, II‑CE106 de M. David Guiraud et II-CE112 de Mme Annaïg Le Meur (discussion commune)
M. François Piquemal (LFI-NFP). Notre premier amendement vise à augmenter le budget de l’Anah de 2 milliards d’euros par an, de 2025 à 2029, afin de lui donner les moyens de rénover les 60 000 logements indignes recensés – au bénéfice, non pas seulement des logements publics, mais aussi de nombre de petits propriétaires. Le deuxième a également pour but d’accroître les moyens dédiés à la lutte contre l’habitat indigne. Quant à l’amendement II‑CE106, il vise à annuler les coupes budgétaires prévues par le Gouvernement dans ce domaine.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Nous proposons, nous aussi, de rehausser le budget prévu à hauteur de celui de l’an dernier, c’est-à-dire de 2,33 millions d’euros – je m’interroge à cet égard sur la somme de 7,3 millions d’euros mentionnée dans l’amendement II-CE106.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Les montants demandés dans les amendements II-CE107 et II-CE105 sont considérables et pèseraient lourd dans le budget de l’État. Je rappelle que de nombreux acteurs participent à la résorption de l’habitat dégradé, au travers des opérations de restauration immobilière (ORI) ou des opérations d’intérêt national (OIN) notamment, et que la loi pour la rénovation de l’habitat dégradé votée au printemps dernier permettra d’améliorer les procédures d’expulsion et d’expropriation. Les deux derniers amendements sont certes moins onéreux, mais j’émets un avis défavorable aux quatre.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Ces montants peuvent sembler importants, c’est vrai, mais la commission des finances a entériné la semaine dernière de nouvelles recettes ! C’est le mal-logement qui coûte cher, en réalité, notamment en matière de santé publique. La lutte contre l’habitat indigne se traduira par un gain pour la société, à moyen et à long terme. Je trouve regrettable que vous n’émettiez même pas un avis favorable aux amendements qui proposent simplement de revenir sur les coupes budgétaires du Gouvernement.
La commission rejette les amendements II-CE107, II-CE105 et II‑CE106.
Elle adopte l’amendement II-CE112.
Amendement II-CE84 de M. David Guiraud
M. François Piquemal (LFI-NFP). Cet amendement vise à doter de moyens conséquents la lutte contre les punaises de lit, dont on estime qu’elle a coûté 1,4 milliard d’euros aux ménages français entre 2017 et 2022.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Vous pointez un véritable fléau, mais l’État ne peut pas intervenir partout. Un montant de 230 millions d’euros me semble déraisonnable au regard de l’état de nos finances publiques. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CE108 de M. David Guiraud et II-CE131 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. François Piquemal (LFI-NFP). Nous souhaitons rehausser les fonds dédiés à la rénovation thermique en revenant sur les coupes budgétaires décidées par le Gouvernement, afin de pouvoir mettre en œuvre le reste à charge zéro pour les ménages.
M. Inaki Echaniz (SOC). Nous avons le même objectif, mais proposons une hausse moins élevée des crédits.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Vous comprendrez que je ne puisse donner un avis favorable à des amendements demandant 3,7 milliards d’euros pour l’un et 1,1 milliard pour l’autre.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CE132 M. Inaki Echaniz, II-CE109 de M. François Piquemal et II-CE133 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Nous proposons de faire en sorte que l’Anah puisse contribuer au financement de 125 000 rénovations globales en 2025, avec un taux moyen de cofinancement de 50 %.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Une rallonge budgétaire de plusieurs milliards d’euros me semble clairement déraisonnable. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CE135 de Mme Annaïg Le Meur
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Nous proposons d’abonder de 5 millions d’euros les crédits alloués au dispositif MaPrimAdapt’.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. C’est un vrai sujet, mais il me semblerait préférable d’interroger le Gouvernement. Je vous invite à retirer votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE110 de M. David Guiraud
M. François Piquemal (LFI-NFP). Le Gouvernement avait promis d’abonder de 1,2 milliard d’euros sur trois ans le budget dédié à la rénovation énergétique du parc HLM. Or, il a gelé les crédits, si bien que 150 millions seulement, sur les 400 millions prévus pour l’année, seront déboursés. L’amendement que nous proposons vise à remédier à cette situation.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. L’État n’a pas respecté sa parole, effectivement, mais cet amendement me semble déraisonnable au vu de l’état des finances publiques. Avis défavorable.
M. François Piquemal (LFI-NFP). J’ai le sentiment que vous faites le service après-vente du Gouvernement et que vous cherchez des excuses pour priver le logement de tout investissement public. N’êtes-vous pas en décalage avec les attentes des classes populaires et des classes moyennes ?
M. Stéphane Peu (GDR). Il s’agit de remédier à une situation scandaleuse. J’étais présent au congrès des HLM au cours duquel le ministre délégué chargé du logement de l’époque, Patrice Vergriete, a annoncé l’allocation de 1,2 milliard d’euros. Les organismes HLM ont besoin de visibilité, en particulier s’agissant d’investissements importants. Couper les crédits aussi abruptement est catastrophique pour les bailleurs comme pour les locataires, et c’est incorrect du point de vue de la parole de l’État. Je voterai cet amendement, qui vise simplement à ce que l’État respecte sa parole.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Les 200 millions d’euros gelés en 2024 devraient être reportés en 2025. L’amendement est donc sans objet. Je comprends la nécessité de financer la rénovation énergétique, mais si nous avions adopté tous les amendements que nous venons d’examiner, nous aurions atteint 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Il faut rester raisonnable et ne pas tout attendre de la dépense publique pour la rénovation du parc ancien.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE128 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement défend le financement d’une prime bas-carbone de 20 000 euros par foyer, qui serait destinée aux familles les plus modestes engagées dans un parcours d’accession sociale à la propriété. L’écart de prix entre une construction traditionnelle et une construction respectant la RE2020 est de l’ordre de 15 %. Cette prime pourrait bénéficier à 5 000 foyers par an pendant cinq ans.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. La dépense que vous proposez correspond exactement à ce que je dénonce : elle vise à courir après des normes inatteignables ! Après la RE2020 viendra la RE2025 : la barre sera toujours plus haute et les rénovations ne seront jamais satisfaisantes, et il faudra toujours envisager de nouveaux financements. Commençons par arrêter d’édicter de nouvelles normes.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CE78 de M. Stéphane Peu, II-CE94 de M. David Guiraud, II‑CE77 de M. Inaki Echaniz et II-CE114 de M. Stéphane Peu
M. Stéphane Peu (GDR). Nous proposons de supprimer la RLS, qui est préjudiciable aux HLM. Le logement coûte peut-être 40 milliards d’euros, mais il en rapporte 80 : amputer les dépenses, c’est se priver de recettes.
M. François Piquemal (LFI-NFP). La rénovation thermique a certes un coût, mais elle génère des emplois. Le présent amendement vise à supprimer la mal nommée réduction de loyer de « solidarité », qui a considérablement réduit les capacités d’investissement des bailleurs sociaux s’agissant notamment de la production de logements publics.
M. Inaki Echaniz (SOC). La RLS a privé les bailleurs sociaux de 14 milliards d’euros depuis 2017 : c’est autant d’argent en moins pour la construction de logements, mais aussi dans les caisses de l’État, puisqu’un euro investi en rapporte deux aux finances publiques. Nous aimerions que la RLS soit supprimée mais, conscients de la situation budgétaire, nous proposons un amendement d’autant plus raisonnable qu’il est cohérent avec l’engagement du Gouvernement de réduire de 300 millions d’euros la RLS.
M. Stéphane Peu (GDR). L’amendement II-CE114, vu avec les caisses d’allocations familiales (CAF), vise à maintenir au moins 1 euro d’APL aux locataires qui en perdent momentanément le bénéfice, du fait de la RLS, afin que le flux d’information entre la CAF et le bailleur ne soit pas rompu. C’est important en particulier pour les salariés dont les revenus sont fluctuants.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Les bailleurs sociaux revendiquent de façon récurrente la suppression de la RLS. Ils l’ont pourtant désormais bien absorbée, selon la Banque des territoires. Compte tenu du contexte budgétaire dégradé, il ne me semble pas raisonnable aujourd’hui de la supprimer, quand bien même le Rassemblement national était défavorable, à l’origine, à son instauration.
L’amendement II-CE114 de M. Peu me semble un peu technique. Dans le doute, je ne souhaite pas ajouter de la complexité à la complexité. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Stéphane Peu (GDR). C’est en réalité un amendement de simplification : en conservant 1 euro d’APL, on maintient les flux, ce qui évite la surcharge aux organismes HLM et aux CAF qui n’auront pas à reconstituer des dossiers.
Je ne comprends pas bien pourquoi le Rassemblement national, qui s’était prononcé contre la RLS, est maintenant défavorable à sa suppression. En 2018, lors de la création de la RLS, le taux de rémunération du livret A était de 0,5 % et la ponction initiale sur la trésorerie des organismes HLM, de 1,5 milliard d’euros. Depuis, ce taux est passé à 3 % pour les épargnants et à 3,46 % pour les organismes HLM ; l’amputation des trésoreries est donc relevée de 1,8 à 2 milliards du fait de l’accroissement de la dette adossée au livret A. Même si on était pour la RLS en 2018, on devrait être contre aujourd’hui.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). L’augmentation du taux de rémunération du livret A a d’ailleurs poussé la ministre du logement et de la rénovation urbaine à revoir sa copie pour augmenter le budget des bailleurs sociaux. Nous sommes favorables à cette hausse de 300 millions d’euros.
M. Inaki Echaniz (SOC). Je me réjouis de l’intervention de Mme Le Meur, et je m’interroge à mon tour sur la position du rapporteur pour avis, qui revêt soudain l’habit d’un Bruno Le Maire soucieux de protéger le budget de toute bifurcation des moyens vers ceux qui en ont besoin. Je l’invite à ne pas se projeter trop vite à Bercy et à agir plutôt en tant que député conscient qu’il faut allouer des moyens à la politique du logement.
La commission rejette les amendements II-CE78 et II-CE94.
Elle adopte l’amendement II-CE77.
En conséquence, l’amendement II-CE114 tombe.
Amendements II-CE91 et II-CE95 de M. François Piquemal, amendements identiques II-CE80 de M. Stéphane Peu et II-CE121 de M. Inaki Echaniz, amendements identiques II-CE86 de M. Stéphane Peu et II-CE122 de M. Inaki Echaniz, amendement II-CE87 de M. David Guiraud (discussion commune)
M. François Piquemal (LFI-NFP). L’amendement II-CE91 vise à réparer l’injustice de la diminution des APL, en reprenant une mesure inscrite au programme du Nouveau front populaire : l’augmentation des APL de 10 %.
L’amendement II-CE95 vise à doubler le forfait charges des APL qui est destiné au paiement des charges locatives (eau, électricité, gaz) et calculé annuellement par arrêté en fonction de la composition du ménage bénéficiaire des APL.
M. Stéphane Peu (GDR). Le forfait charges n’a quasiment pas évolué depuis les années 1970, alors que les charges représentent fréquemment l’équivalent d’un loyer en raison de la hausse des dépenses liées à l’énergie. L’amendement II-CE80 vise à revaloriser de 12,5 % le forfait charges des APL.
L’amendement II-CE86 tend à supprimer le mois de carence pour le versement des APL.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Cette dépense supplémentaire de 1,7 milliard d’euros est irréaliste compte tenu de l’état de nos finances. En outre, comme l’indiquent nombre d’études, l’augmentation des APL est une fausse bonne idée, qui engendre une inflation des loyers. Il en va de même pour le forfait charges. Il faudrait en priorité jouer sur les coûts, raison pour laquelle mon mouvement propose l’abaissement du taux de la TVA sur l’énergie de 20 % à 5,5 %. Avis défavorable.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Quand vous émettez un avis défavorable à des propositions en faveur des classes populaires et moyennes, je ne vois pas ce qui vous distingue de l’ex-majorité présidentielle.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Vous avez fait vôtre la théorie, bien connue dans les milieux néolibéraux, selon laquelle l’augmentation des APL aurait un effet inflationniste sur les loyers. Mais alors, comment expliquez-vous que, depuis la diminution des APL, les loyers aient continué d’augmenter partout en France ? Si l’inflation vous préoccupe à ce point, voterez-vous pour l’encadrement des loyers que proposeront plusieurs amendements dans les mois à venir ?
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je me permets de répondre aux attaques qui ont été formulées à mon encontre. Si les loyers augmentent, c’est parce que l’on ne construit plus assez, en raison de contraintes normatives qui créent une pénurie de l’offre. La philosophie de mon groupe est la suivante : nous sommes pour le maintien d’un système social par la pérennisation des APL, sans toutefois promettre aux Français de les augmenter de manière inconsidérée, et pour un choc d’offre par la réduction des coûts de construction et du prix de l’énergie. Quand l’offre est plus importante, les prix baissent. Vous traiterez peut-être cette approche de néolibérale mais, il y a quinze ans, les normes étaient moins nombreuses. Je ne pense pas que la France ait été ultralibérale sous Nicolas Sarkozy ou sous François Hollande.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques II-CE97 de M. Stéphane Peu et II-CE124 de M. Inaki Echaniz
M. Stéphane Peu (GDR). En juillet 2017, Emmanuel Macron inaugurait son mandat par deux décisions politiques : la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la baisse de 5 euros des APL – ce qui n’était rien, considéraient alors certains députés de la majorité présidentielle.
Sous prétexte de frais de gestion trop lourds, les APL ne sont pas versées en dessous d’un seuil, fixé par voie réglementaire à 15 euros – comme si certains n’étaient pas à 10 ou 15 euros près. L’automatisation des procédures ayant rendu caduc cet argument, nous proposons de supprimer ce seuil.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je suis choqué par la philosophie de ces amendements. Il existe un seuil pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu ; je ne vois pas pourquoi il ne faudrait pas en fixer pour pouvoir prétendre aux minima sociaux ou à l’aide au logement. Avis défavorable.
M. Stéphane Peu (GDR). Je me suis peut-être mal expliqué : ces gens ont droit à 10 euros d’APL mais, parce qu’il ne s’agit « que » de 10 euros, on ne les leur verse pas. Plus rien ne justifie cette anomalie. Pour certains ménages qui ont une vie difficile, comme certaines personnes âgées ou des femmes seules avec enfants, 10 euros par mois, ça compte beaucoup.
M. Hervé de Lépinau (RN). Il ne me semble pas nécessaire de légiférer. M. Peu signale un dysfonctionnement au sein d’un service ; c’est au service de prendre une mesure corrective.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques II-CE111 de M. Stéphane Peu et II-CE123 de M. Inaki Echaniz
M. Stéphane Peu (GDR). Pour relancer la production de logements et fluidifier le parcours résidentiel, nous voulons faciliter la primo-accession – nous avons déjà parlé du PTZ ; nous aborderons plus tard la TVA à 5,5 % pour les primo-accédants. Ici, nous proposons de rétablir l’APL accession, une aide qui ne coûte pas si cher et qui est très efficace pour solvabiliser les primo-accédants. Elle fonctionnait bien jusqu’à sa suppression ; elle a même été rétablie en 2019 dans les outre-mer.
M. Inaki Echaniz (SOC). L’APL accession est un très bon dispositif, qui favorise l’accession à la propriété de personnes modestes bloquées dans le parc locatif. On ne fait en effet pas mieux en termes de rapport coût-efficacité : 50 millions d’euros pour 300 000 ménages aidés par an. J’ai bien compris que M. le rapporteur pour avis souhaitait limiter les dépenses publiques ; s’il faut en choisir une seule, que ce soit celle-ci.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. La suppression de l’APL accession fut effectivement une hérésie qui a enrayé l’accession à la propriété. J’émets un avis favorable à ces amendements et mon groupe les votera avec plaisir – vous voyez que nous ne sommes pas des gens sectaires.
La commission adopte les amendements.
Amendements II-CE116 de M. Stéphane Peu, II-CE72 de Mme Sandrine Runel et II-CE119 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. Stéphane Peu (GDR). Mon amendement vise à augmenter les crédits alloués à l’hébergement d’urgence et à la mise à l’abri des personnes sans toit. Il faut mettre fin au scandale des enfants à la rue.
Mme Sandrine Runel (SOC). Puisque certains des amendements déposés par le groupe socialiste en faveur de l’augmentation des places d’hébergement ne pourront être débattus, je tiens à en dire quelques mots ici. Les dispositifs d’hébergement sont saturés et le nombre de personnes sans abri augmente. En septembre, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) et l’Unicef alertaient sur la présence de 2 043 enfants à la rue, dont 467 ayant moins de 3 ans. Cette situation est inacceptable. Nous demandons donc une augmentation de 10 000 places dans le parc d’hébergement d’urgence.
Mon amendement vise à augmenter de 1,8 % les moyens de l’hébergement d’urgence et du logement adapté pour les ajuster au niveau d’inflation retenu dans le PLF. Les établissements d’hébergement et de logement adapté connaissent une tension financière dramatique du fait de l’inflation, laquelle se fait particulièrement ressentir dans les postes de dépenses que sont l’alimentation, l’énergie et les coûts des prestataires. Les prix augmentent en même temps que la précarité et le besoin d’accompagnement des personnes s’accroissent. L’inflation touche en premier lieu les plus précaires. Nous ne pouvons fermer les yeux. Nous devons protéger les établissements qui les accompagnent de l’augmentation continue des prix.
M. Inaki Echaniz (SOC). Mon amendement vise à augmenter le montant alloué à la prestation d’alimentation dans les centres d’hébergement d’urgence et les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Certes, il faut ouvrir des places, mais il faut aussi se donner les moyens d’y proposer un accueil digne et durable.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques n’a pas à traiter la question de l’hébergement d’urgence, qui revient à la commission des affaires sociales. Cela dit, l’hébergement d’urgence connaît une saturation, en grande partie liée aux flux migratoires : 40 % à 50 % des personnes accueillies sont en situation irrégulière. Il faudra bien, un jour, traiter le problème à la racine, de même qu’il faudra s’interroger sur le saupoudrage de l’argent public entre plusieurs dispositifs qui coûtent très cher pour des résultats décevants. Avis défavorable.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que ces amendements ont été déclarés recevables car ils proposent de diminuer les crédits du programme Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat, sur lequel la commission des affaires économiques est saisie pour avis.
Mme Sandrine Runel (SOC). La commission ne traite pas de l’hébergement d’urgence, mais la situation est suffisamment grave pour rappeler le nombre de personnes qui dorment dehors. Peu importe d’où elles viennent, nous avons le devoir de les accueillir dignement. Les moyens doivent être à la hauteur des besoins.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur pour avis, vous dites que vous n’êtes pas un néolibéral et que la France n’a jamais eu une politique du logement néolibérale et, dans le même temps, vous prétendez résoudre la crise des loyers par un choc de l’offre. Il n’y a rien de plus libéral. Ce n’est pas une attaque de le dire, c’est une clarification. Nous entendons ce refrain depuis des décennies ; il a mené à la situation actuelle.
Par ailleurs, en décorrélant la question du logement de celle de l’hébergement d’urgence, vous refusez de traiter le problème de manière systémique. Ce qui contribue à la rareté du logement, c’est l’épidémie de logements vacants. Il n’y en a jamais eu autant : 3,1 millions en face de 330 000 sans-abri, soit dix logements vides pour une personne qui dort dehors. Selon les dernières études, il y a 140 000 logements vides à Paris. Personne ici n’accepte qu’il y ait des gens à la rue. La moindre des choses serait de mettre en place des dispositifs d’hébergement d’urgence pour que chacun ait un toit sur la tête.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Nous sommes d’accord pour dire que l’offre est insuffisante, mais mon groupe, à la différence du vôtre, veut créer de l’offre, pas gérer la pénurie.
Selon une étude du site SeLoger reprise par Mediapart – qui est loin d’être une officine du Rassemblement national –, à Paris, ville socialiste, le nombre d’annonces de mise en location sur le site SeLoger a diminué de 75 % en trois ans du fait de l’augmentation des contraintes. Les bailleurs préfèrent retirer leur bien du marché plutôt que s’encombrer d’un locataire qui risque de ne pas payer son loyer ou de les assigner en justice pour une mauvaise classe de DPE. Vous voyez que nous avons une vision globale, et dans d’autres secteurs, comme l’énergie, nous refusons de gérer la pénurie.
L’accueil dans les centres d’hébergement d’urgence est un sujet sensible. Nous n’avons évidemment pas envie de voir des gens dormir dehors, d’où qu’ils viennent, mais il faut traiter le problème à la racine : les flux migratoires de gens qui viennent chez nous sans aucuns moyens. Dans des pays d’immigration comme le Canada, les États-Unis ou l’Australie, les personnes qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins sont reconduites la frontière. Il ne me semble pas que ces pays soient inhumains ou fascistes. C’est une question de bon sens.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CE118 et II-CE120 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). L’amendement II-CE118, qui est issu d’une proposition du Conseil national de la refondation (CNR) consacrée au logement, vise à renforcer, à hauteur de 60 millions d’euros, les moyens dévolus au plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme 2023-2027. Ce dispositif, salué par les professionnels, doit s’accompagner d’une augmentation continue des crédits, afin de généraliser les pratiques, accompagner au mieux les bénéficiaires et doter les acteurs associatifs et les autres structures impliquées des moyens d’assurer cet accompagnement. C’est à ces conditions que nous parviendrons à changer de paradigme. Le CNR a fait des préconisations très pertinentes, qui n’ont malheureusement pas été reprises par le précédent gouvernement. Il serait temps d’appliquer les propositions qui nous sont faites par ce type d’instances, offrant un cadre de réflexion renouvelé.
L’amendement II-CE120 a pour objet de majorer de 7 millions d’euros les crédits dévolus aux maraudes sociales, afin de mieux accompagner les personnes sans abri. Je crois me souvenir qu’en 2017, le Président de la République avait dit qu’à la fin de son mandat, il n’y aurait plus personne à la rue. On est bien loin du compte. À défaut de pouvoir tenir sa promesse, mettons des moyens pour assurer les maraudes convenablement.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. L’hébergement d’urgence est un sujet très délicat qui, normalement, n’entre pas dans le champ de compétence de notre commission. Comme je l’ai indiqué, il faut mettre de l’ordre dans la politique menée en la matière, car elle coûte très cher et est conduite de façon peu rationnelle. Je ne suis pas sûr qu’on améliore durablement le destin des personnes en grande difficulté en mettant plus de millions sur la table. Il faut revoir la question dans son ensemble. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CE68 de Mme Sandrine Runel et II-CE100 de M. François Piquemal (discussion commune)
Mme Sandrine Runel (SOC). Le nombre de personnes, y compris d’enfants, sans solution d’hébergement ne cesse d’augmenter. Les dispositifs de la veille sociale, en particulier les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), qui sont en première ligne, ont besoin de moyens. L’augmentation du nombre de personnes à la rue conduit inévitablement à un accroissement des besoins en écoutants du numéro 115, en équipes sociales effectuant des maraudes, ou même en accueil de jour.
Les acteurs de la veille sociale jouent un rôle clé dans la conduite de la politique du logement d’abord. Ils sont en relation avec les personnes les plus précaires ; ils leur proposent un accompagnement social adapté, évaluent les situations, les dangers et les risques pour elles et leurs enfants.
Des travaux doivent également être engagés sur les écoutants 115, leur formation, l’évolution de leur métier – on voit trop de burn-out et de turn-over.
La veille sociale est la pierre angulaire de la prise en charge des personnes à la rue. Pour permettre aux SIAO de fonctionner correctement et de continuer ce travail de veille, et afin d’éviter que les personnes restent à la rue sans solution, nous demandons une augmentation du montant alloué à ces services. Les besoins locaux remontés par les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) atteignent 1 500 équivalents temps plein (ETP). Compte tenu de l’accroissement des missions des équipes sociales et des maraudes, il est nécessaire de financer 1 000 ETP supplémentaires au sein de ces structures.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Si le destin des gens ne change pas, c’est en raison de l’inaction politique que l’on constate depuis des années. Les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles, par exemple, subissent d’autres violences lorsqu’elles se retrouvent à la rue. Par ailleurs, 2 043 enfants sont à la rue, ainsi que des hommes seuls, livrés à eux-mêmes. Il serait souhaitable que nous décidions, à l’unanimité, d’accorder des moyens pour éviter cette situation anormale et injuste.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Concernant l’amendement II-CE68, je ne peux que rappeler la nécessité de mettre de l’ordre dans la politique budgétaire du logement d’urgence. Un effort a été fait en 2023, qui a permis d’accroître les effectifs des SIAO à hauteur de 500 ETP. On peut se donner bonne conscience en augmentant les crédits, mais je ne suis pas sûr que cela résolve le problème de fond. Avis défavorable.
L’amendement II-CE100 a trait à un sujet particulièrement sensible. On pourrait y voir une volonté d’affichage, mais c’est avant tout un amendement d’appel, qui ne porte que sur 15 000 euros, auquel je donnerai un avis favorable.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Les SIAO organisent l’hébergement des femmes victimes de violences, des personnes ayant dû quitter un logement insalubre et des gens devant être relogés en raison de la multiplication des catastrophes climatiques. À cette liste s’ajoutent les enfants à la rue, qui n’ont aucune solution. Dans mon territoire du Finistère, où nous avons été confrontés à cette situation pour la première fois l’année dernière, les enfants ont été hébergés en urgence dans la chapelle du centre hospitalier universitaire. Face à ces situations inacceptables, qui surviennent partout en France, il est plus que temps que nous passions aux actes.
La commission rejette l’amendement II-CE68.
Elle adopte l’amendement II-CE100.
Amendement II-CE117 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à porter à 15 millions d’euros les moyens des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX), ainsi que ceux des équipes mobiles de prévention des expulsions locatives, afin d’accompagner la hausse sensible des besoins du fait de l’application de la malheureuse loi Kasbarian visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Il s’agit également d’assurer un rattrapage qui tienne compte de la charge de travail des commissions et des équipes, ainsi que de la nécessité de raccourcir les délais de traitement et de prise en charge. Si ce budget connaît une augmentation par rapport au PLF pour 2024, celle-ci demeure insuffisante eu égard à l’ensemble de ces besoins.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Il ne vous aura pas échappé que le PLF pour 2025 prévoit une augmentation de 9,4 millions d’euros, qui traduit une progression des crédits de 30 %, au bénéfice des CCAPEX. Cet abondement permettra le recrutement de soixante-cinq postes de chargés de mission dans soixante départements. Compte tenu de cet effort substantiel, il ne me paraît pas utile de prévoir 5,6 millions supplémentaires.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Lors de l’examen de la loi Kasbarian, nous avons souhaité que le rôle des CCAPEX soit davantage reconnu et avons défendu plusieurs amendements en ce sens. Nous voterons cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CE96 de M. David Guiraud
M. François Piquemal (LFI-NFP). Si des propriétaires ne louent pas, c’est aussi en raison du prix du foncier. Les loyers ne sont plus décents, en particulier à Paris. Pour remédier à ces difficultés, nous proposons d’instituer une garantie universelle des loyers. En cas de loyer impayé, une caisse de péréquation nationale viendrait en aide au locataire, ce qui éviterait son expulsion – ainsi que la dépense d’argent public qui va avec – et lui épargnerait des souffrances psychologiques. En amont, cela simplifierait grandement la constitution du dossier de candidature. Grâce à la garantie dont il disposerait, le propriétaire, de son côté, n’aurait peut-être pas besoin de souscrire d’assurance. Chacun y gagnerait.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. La garantie universelle des loyers est un axe de réflexion au sein de notre groupe. Toutefois, à mon sens, vous sous-estimez le coût du dispositif, puisque vous l’évaluez à 700 millions d’euros, alors que, pour notre part, nous pensons qu’il nécessiterait plusieurs milliards. De surcroît, vous prévoyez peu de garde-fous face à de possibles dérives. Pourrait-on avoir accès éternellement à ce mécanisme sans jamais payer son loyer ?
Il existe déjà des dispositifs intéressants, tels Visale (visa pour le logement et l’emploi), mais il est vrai qu’il n’est pas ouvert à tous les publics. L’accès au logement demeure une difficulté majeure. Le taux de rejet des dossiers est sans cesse plus élevé, alors que les garanties sont de plus en plus fortes. Les propriétaires seraient peut-être plus enclins à louer si les procédures d’expulsion, qui durent en moyenne deux ans, étaient plus courtes. Il faut mener une réflexion globale sur cette question, dans le prolongement des travaux qui ont déjà été menés – je pense, par exemple, au débat que nous avions eu sur une proposition de loi du groupe Socialiste, lors de sa journée réservée, l’année dernière. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE90 de M. Robert Le Bourgeois
M. Robert Le Bourgeois (RN). La démarche « ateliers des territoires » a pour ambition « de consolider des gouvernances, nourrir les réflexions, poser un autre regard sur le territoire, révéler les potentialités et capacités du territoire ». Aussi sincères soient-elles, ces bonnes intentions ne justifient pas, à notre sens, que l’on dépense plusieurs millions d’euros d’argent public pour un dispositif dont l’objectif reste opaque et les résultats assez énigmatiques. Ainsi, les trois derniers événements publiés sur le site internet des ateliers des territoires remontent à mars 2024, octobre et juillet 2023. Les résultats sont éloquents : feuilles de route en tout genre, plans guides, schémas directeurs… Bref, une usine à gaz ! Les tables rondes qui sont organisées et les rapports qui sont élaborés ont une utilité discutable. Aussi, fidèle à l’esprit de mon groupe, qui entend profiter de ce PLF pour trouver des pistes d’économie et améliorer l’affectation des crédits, je vous propose de supprimer les fonds alloués aux ateliers des territoires.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Avis favorable. Notre mouvement politique s’emploie à identifier toutes les structures bureaucratiques coûteuses, qui n’obtiennent pas toujours les résultats escomptés. Des crédits de 2 millions d’euros peuvent paraître anecdotiques, mais il n’y a pas de petites économies. À l’avenir, il faudra s’attacher à recenser tous les organes et services qui pourraient voir leurs compétences transférées ou regroupées, dans cette logique d’économies.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous invite à nous rappeler votre avis sur les crédits de la mission Cohésion des territoires dont notre assemblée s’est saisie.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je donnerai un avis favorable, car nous avons évité le carnage qui s’est produit en commission des finances, à coups de plusieurs dizaines de milliards.
M. Inaki Echaniz (SOC). J’ai l’impression d’entendre un membre du bloc commun, qui emprunterait ses arguments à la fois à Bruno Le Maire, Mathieu Lefèvre et David Amiel ! En employant le terme de « carnage », vous reprenez à votre compte la volonté du Gouvernement de taper sur les classes moyennes et populaires, qui peinent à se loger, de promouvoir le ruissellement, qui ne marche pas, de protéger les ultrariches, qui sont déjà multipropriétaires, plutôt que d’investir dans le logement social, le logement d’urgence, la cohésion des territoires et de mener une politique volontariste pour le logement. On entend sur tous les plateaux, sur les réseaux sociaux, le Rassemblement national se présenter comme le défenseur des classes populaires et des classes moyennes, auxquelles il prétend vouloir redonner du pouvoir d’achat. La preuve est une nouvelle fois apportée ce soir que ce n’est que de l’esbroufe : vous êtes toujours dans le camp libéral, parmi ceux qui veulent casser les services publics et le logement social. Nous voterons contre ces crédits.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Malheureusement, un nouveau Macron est toujours possible : le Rassemblement national, ce soir, en fait la démonstration. Vous avez voté à peu de choses près contre toutes nos propositions : la production de 200 000 logements publics et de 15 000 logements étudiants, un plan contre les punaises de lit, la revalorisation des APL, la suppression de la RLS, qui empêche de produire du logement public et d’investir dans la rénovation des logements publics, la garantie universelle des loyers, gagnante pour les locataires comme pour les propriétaires, la création de places en hébergement d’urgence, alors que 330 000 personnes vivent à la rue, la mise en œuvre de plans financiers d’investissement pour lutter contre l’habitat indigne et pour assurer la rénovation thermique des logements, qui favoriserait les petits propriétaires. Finalement, ce soir, je ne sais pas si c’était Frédéric Falcon ou Emmanuel Macron qui était à la tribune.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires consacrés au logement et à l’urbanisme, modifiés.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 22 octobre 2024 à 17 h 30
Présents. – M. Laurent Alexandre, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Maxime Amblard, M. Karim Benbrahim, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. Julien Dive, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, Mme Mathilde Hignet, M. Maxime Laisney, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, Mme Manon Meunier, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. Stéphane Peu, M. François Piquemal, M. Vincent Rolland, Mme Valérie Rossi, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber
Excusés. – M. Harold Huwart, Mme Hélène Laporte, M. Laurent Lhardit, M. Max Mathiasin
Assistaient également à la réunion. – Mme Sandrine Runel, Mme Danielle Simonnet, M. David Taupiac, M. Jean-Luc Warsmann