Compte rendu

Commission
des affaires économiques

–  Examen de la proposition de loi visant à moderniser les installations hydroélectriques pour renforcer la souveraineté énergétique de la France (n° 275) (M. Nicolas Meizonnet, rapporteur)              2

  Examen de la proposition de loi visant à réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative et à juguler leurs effets sur la crise du logement (n° 278) (M. Frédéric Falcon, rapporteur)              2

 

 

 


Mercredi 23 octobre 2024

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 10

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


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La commission des affaires économiques a procédé à l’examen de la proposition de loi visant à moderniser les installations hydroélectriques pour renforcer la souveraineté énergétique de la France (n° 275) (M. Nicolas Meizonnet, rapporteur).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous sommes saisis de la proposition de loi visant à moderniser les installations hydroélectriques pour renforcer la souveraineté énergétique de la France, dans le cadre de l’examen de propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe Rassemblement national, le jeudi 31 octobre 2024. Je rappelle que, sur ce même sujet, notre commission a recréé, le 18 septembre 2024, la mission d’information consacrée aux modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques, initialement constituée en mai 2024, sous la précédente législature. Cette mission, dont les rapporteurs sont Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Philippe Bolo, poursuit ses travaux.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. En 1952 entrait en service le barrage de Tignes, le plus grand de France. La plupart des grands ouvrages hydroélectriques français ont vu le jour à cette époque. Ils sont les témoins de décennies pendant lesquelles l’État dépensait moins mais investissait plus afin de bâtir, pour les générations futures, une œuvre nationale au service du bien commun. Profitant de sa géographie, du savoir-faire de ses ingénieurs et de son génie civil, la France s’est très tôt constitué un parc hydroélectrique puissant qui couvre encore 12 % de nos besoins nationaux en électricité et même 25 % lors des pics critiques. L’hydroélectricité, couplée à l’énergie nucléaire qui assurait le reste de la production, a défini un modèle durable, prospère et décarboné. Fruit d’une planification étatique ambitieuse, le paradis énergétique français fut longtemps envié et même pris en exemple à travers le monde.

Cependant, comme le nucléaire, l’hydraulique a failli être sacrifié à l’idéologie bruxelloise, à l’immobilisme politique et à une écologie hypocrite. S’il n’a pas été question de détruire les barrages comme la gauche et la macronie ont démantelé Fessenheim, la filière hydraulique a bien souffert ces vingt dernières années, et son futur est inconnu. Le régime de concession sous lequel sont placées les installations hydrauliques de plus de 4,5 mégawatts (MW) est désormais inadapté au modèle français puisque, à l’expiration de chaque concession, le droit européen oblige l’État à ouvrir ces marchés à la concurrence.

Ce système a entraîné un blocage depuis deux décennies, une perte de visibilité pour les acteurs et l’arrêt des investissements importants. Reprendre en main le parc hydroélectrique français est devenu une urgence.

Outre l’entretien nécessaire pour des raisons de sécurité, nombre d’infrastructures pourraient être modernisées. La création d’ouvrages nouveaux et la valorisation ou l’équipement de ceux qui existent permettraient d’augmenter de 20 % la puissance du parc hydroélectrique français. Pourtant, la production d’hydroélectricité stagne depuis trente ans. Il faut en particulier permettre le développement des stations de transfert d’énergie par pompage (Step). Ces installations qui stockent de l’énergie en pompant de l’eau vers un réservoir élevé puis la restituent en produisant de l’électricité lors des pics de demande joueront un rôle essentiel dans le mix électrique futur. La production des centrales hydrauliques a l’avantage d’être facilement pilotable. Celles-ci seront nécessaires pour compenser l’intermittence de l’énergie d’origine photovoltaïque et éolienne sans utiliser d’énergies polluantes.

Mais pour exploiter ce potentiel, il nous faut changer le statut juridique des ouvrages hydroélectriques. C’est le sens de ce texte.

Actuellement, trois exploitants se partagent la majeure partie de la production d’hydroélectricité : la Société hydroélectrique du Midi (Shem) pour 3 %, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) pour 25 %, et surtout EDF, pour près de 70 %. Progressivement, ces concessions sont arrivées – ou arrivent – à leur terme et pour chaque renouvellement, le droit européen oblige à une mise en concurrence, de notre point de vue inenvisageable.

Nous ne voulons pas voir des ouvrages propriétés de l’État et que les Français ont donc payés, être confiés à de nouvelles entreprises privées, qui plus est potentiellement étrangères. Cette évolution ne créerait pas les conditions nécessaires à une relance des investissements. De plus, elle contribuerait à affaiblir EDF, ce qui est une ligne rouge pour nous. En conséquence, elle porterait un coup fatal au recouvrement de notre souveraineté énergétique.

Or, s’il existe, comme je le crois, un consensus politique en France pour admettre que l’ouverture à la concurrence n’est pas souhaitable, rares sont les initiatives législatives par lesquelles il a été tenté de trouver des alternatives. C’est notamment en raison de cet immobilisme que la situation n’évolue pas depuis des années, en dépit de deux mises en demeure à la France par la Commission européenne.

Ce que la réalité de la situation exige, c’est donc un changement de régime juridique pour l’ensemble des ouvrages hydroélectriques d’une puissance supérieure à 4,5 MW. Depuis plusieurs années, de nombreuses pistes ont été étudiées et, bien qu’aucun modèle ne soit parfait, il nous apparaît que le régime d’autorisation est la meilleure option. Ce régime fonctionne ; c’est d’ailleurs celui qui prévaut dans plusieurs pays européens. Surtout, c’est le régime sous lequel sont exploités les centrales nucléaires, les éoliennes, les parcs photovoltaïques et les petites centrales hydrauliques. Aligner le régime juridique des barrages sur celui des autres énergies contribuerait à renforcer EDF et permettrait enfin de relancer les investissements. D’autres pistes ont un temps été évoquées, en particulier la quasi-régie, mais elles cumulent trop de faiblesses pour être considérées comme des alternatives crédibles.

Le plus difficile est de passer d’un modèle à l’autre. C’est l’enjeu de ce texte et c’est pourquoi je compte sur votre implication sincère et sur vos propositions pour l’enrichir et le rendre le plus solide possible juridiquement.

La proposition de loi du Rassemblement national prévoit la généralisation du régime d’autorisation. Ce basculement suppose la résiliation des contrats de concession en vigueur, le déclassement des installations hydroélectriques du domaine public et leur cession aux concessionnaires sortants.

Le nouveau régime d’autorisation ne ferait pas perdre d’argent à l’État. Certes, des indemnités de résiliation des concessions devraient être payées, mais l’État serait gagnant grâce au produit de la vente des barrages. Les diverses redevances domaniales de droit commun seraient applicables, se substituant aux redevances spécifiques actuellement prévues pour les concessions dans le code de l’énergie.

D’autre part, dans le contexte du dérèglement climatique, la production d’électricité doit tenir compte de la vulnérabilité de nos cours d’eau. Sur ce plan, le passage à un régime d’autorisation ne changera rien. Les opérateurs continueront d’être soumis aux mêmes exigences, en matière de gestion de l’eau comme de protection de l’environnement. On pourra même faire mieux, car contrairement à ce qui vaut dans le régime de concession, le régime d’autorisation responsabilisera les exploitants, dont l’approche pourra être fondée sur le temps long et sur une gestion durable des cours d’eau.

Nous présentons ce texte dans le cadre de notre « niche parlementaire », parce que nous pensons qu’il faut avancer de toute urgence. Au-delà des considérations techniques et juridiques, le sujet demande du courage et une volonté politique.

Nous sommes conscients de la complexité du sujet et des obstacles qu’il reste à franchir, mais nous sommes convaincus qu’il s’agit de la meilleure option.

Alors que Mme Pannier-Runacher, les sénateurs et la direction d’EDF se prononçaient très récemment encore en faveur d’un régime d’autorisation et que, de part et d’autre, les initiatives tendent à valider ce dispositif, il me semble que ce texte peut recueillir suffisamment de voix aujourd’hui pour que la Commission européenne entende que la classe politique française est unie à ce sujet. La proposition de loi ne vise pas à provoquer Bruxelles, mais à défendre les intérêts nationaux. Nous voulons acter que l’Assemblée nationale souhaite protéger le modèle hydroélectrique du pays et faire comprendre à la Commission que nous y sommes unanimement attachés. En agissant tous de façon constructive, nous pouvons montrer que le Parlement est capable de travailler sérieusement sur un sujet sensible majeur, qui cumule des enjeux écologiques, stratégiques et par-dessus tout de souveraineté.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexandre Loubet (RN). Quand cesserons-nous de brader le patrimoine des Français à des intérêts étrangers ? Nous avons aujourd’hui la possibilité de donner un coup d’arrêt à la « vente à la découpe » de nos bijoux de famille. Nos barrages hydroélectriques assurent 12 % de la production électrique française. Ils constituent la deuxième source d’énergie nationale après le nucléaire et la première source d’énergie renouvelable. C’est donc une chance pour la France, un atout que l’Union européenne a décidé de torpiller comme elle souhaite le faire pour tous les atouts français. La Commission européenne impose effectivement la mise en concurrence de l’exploitation de nos barrages hydroélectriques – en d’autres termes, la privatisation de leur gestion. Nos barrages, qui ont été payés par le contribuable français, sont une énième poule aux œufs d’or que la France va être contrainte de céder à des groupes souvent étrangers.

Cette privatisation menace notre souveraineté énergétique en raison de la désorganisation du parc hydraulique par la multiplication des acteurs ; menace nos factures d’électricité en pénalisant EDF et en augmentant les coûts de production ; menace l’innovation et la sûreté des barrages en dissuadant les sociétés concessionnaires d’investir sur le long terme ; menace une filière nationale d’excellence en mettant en péril ses compétences et ses savoir-faire ; menace l’environnement en fragilisant les politiques d’usage de l’eau, ce qui a évidemment des répercussions, qu’il s’agisse des inondations, des crues, de l’irrigation, du tourisme ou de la pêche.

Chaque groupe politique ici représenté, de LFI à LR en passant par les macronistes, a déclaré s’opposer à la mise en concurrence de l’exploitation de nos barrages. Aussi proposons-nous un nouveau cadre juridique consistant à passer d’un régime de concession à un régime d’autorisation. Mais aujourd’hui, la gauche refuse de voter la proposition de loi déposée par le Rassemblement national. Je m’indigne de constater que les députés de gauche préfèrent défendre un soi-disant « barrage républicain » pour sauver leurs postes (Exclamations) plutôt que défendre les barrages hydrauliques pour sauver notre souveraineté. Une fois de plus, leurs électeurs constateront leur hypocrisie ou plutôt leur trahison (Exclamations). Quant aux macronistes, la cohérence voudrait qu’ils soutiennent notre position, celle-là même qu’a défendue madame Pannier-Runacher devant la Commission européenne. Enfin, j’espère que les membres du groupe LR auront le courage de voter ce texte qui est dans la ligne des mesures défendues par leurs collègues au Sénat. J’en appelle donc à la responsabilité de chaque groupe. Quoi qu’il en soit, le Rassemblement national continuera de faire barrage à la liquidation de nos intérêts nationaux et stratégiques.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. J’ai peu à ajouter ou à retrancher à votre propos. Vous avez souligné l’urgence qu’il y a à voter cette proposition de loi. Refaire de la France un paradis énergétique en valorisant le modèle historique de production électrique fondé sur la complémentarité entre le nucléaire et l’hydraulique s’impose. Vous avez à juste titre mentionné la question essentielle du pouvoir d’achat de nos concitoyens, étroitement corrélée à l’efficacité de ce modèle. Si les Français et les entreprises françaises ont pu bénéficier d’une électricité à bas coût, abondante et décarbonée pendant des années, c’est grâce à notre mix électrique et l’on comprend le risque qu’une ouverture à la concurrence pourrait faire peser sur leur pouvoir d’achat.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Lorsque j’ai découvert cette proposition de loi, mon incompréhension a été complète – et je pense que ce sentiment doit être partagé par mes collègues de nombreux autres groupes. Mon incompréhension porte d’abord sur la forme, puisque notre commission a décidé de recréer la mission d’information installée avant la dissolution précisément pour examiner le régime juridique des installations hydroélectriques. Vous le saviez pertinemment au moment où vous avez déposé ce texte, puisque cette décision a été prise dès les premiers jours du mois de septembre. Alors même que vous étiez membre de cette instance qui n’avait pas encore eu le temps d’auditionner qui que ce soit, vous décidez de déposer une proposition de loi qui préempte les conclusions de la mission : les bras m’en tombent ! C’est une mauvaise manière que vous faites aux deux rapporteurs de cette mission, nos collègues Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel, et à tous les députés, alors que votre groupe nous fait régulièrement des leçons sur le respect du travail des parlementaires. C’est aussi une mauvaise manière que vous faites au Sénat, alors que le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, remis en juillet dernier, ayant consacré un chapitre entier à ce sujet, a conclu qu’aucune des solutions envisagées n’emporte l’unanimité et n’est de nature à résoudre le problème à ce jour.

Sur le fond, votre proposition de loi tranche d’emblée en faveur du régime de l’autorisation au détriment de la quasi-régie, alors que cette option n’a été exclue ni par la direction générale de l’énergie et du climat, ni par les sénateurs membres de la commission d’enquête Montaugé-Delahaye, ni par les députés. D’autre part, cette position est prise sans négociation préalable avec la Commission européenne, alors que le régime d’autorisation ne permet pas d’exclure juridiquement toute forme de mise en concurrence au moment de la cession des barrages à l’opérateur. Cette solution ne garantit donc en rien que les concessions qui sont aujourd’hui dans le giron d’EDF, par exemple, le resteraient demain grâce au régime d’autorisation.

Sachant que, jusqu’à présent, le régime d’autorisation a été constamment refusé par la Commission européenne, l’adoption de cette proposition de loi aurait certainement un effet contre-productif. Il est illusoire d’imaginer que mettre la Commission européenne devant le fait accompli favorisera la résolution du contentieux – c’est même l’inverse qui risque de se produire.

D’autre part, l’application du régime d’autorisation entraîne des difficultés pratiques que votre texte ne règle pas. Une telle modification nécessite le transfert de propriété des ouvrages concédés à tous les anciens exploitants, CNR comprise. Cela implique de faire estimer le montant des cessions et des indemnités de résiliation par des experts indépendants. Or, de l’aveu de l’État lui-même, les conditions de prix n’ont pas encore été discutées, ni donc intégrées dans la trajectoire financière d’EDF, par exemple. De même, qu’adviendrait-il des 500 millions d’euros investis par la CNR dans les barrages dont elle est concessionnaire ?

En bref, votre proposition de loi est surtout une proposition d’opportunité et le groupe Ensemble pour la République votera les amendements de suppression de ses articles.

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Sous couvert d’un ajustement juridique, cette proposition de loi du RN revient à brader les barrages hydroélectriques qui appartiennent à l’État français. En cédant leur propriété aux exploitants, vous ouvrez la porte à la privatisation de ces ouvrages. Pour un parti qui prétend défendre la souveraineté nationale, c’est très déconcertant. Ce texte vise à mettre notre droit en conformité avec les injonctions de la Commission de Bruxelles qui exige la mise en concurrence ; venant du RN, c’est tout aussi déconcertant. L’intérêt stratégique de la France serait au contraire d’agir pour réviser la directive relative à l’attribution des contrats de concession de manière à obtenir une dérogation au principe de mise en concurrence obligatoire lors de l’octroi d’une concession d’installations hydrauliques. Ainsi pourrions-nous permettre à un pôle public de l’énergie d’exploiter ces barrages.

Vous, députés du Rassemblement national, on vous a vus il y a deux semaines sauver la politique de messieurs Macron et Barnier en refusant de voter la censure. On vous a vus aussi, la semaine dernière, en commission des finances, voter avec les députés macronistes contre le rétablissement de l’impôt sur la fortune, et avant-hier en commission des affaires sociales, contre un amendement qui aurait permis d’abroger la réforme de la retraite à 64 ans. Aujourd’hui, on vous voit, en copistes des macronistes, reprendre à votre compte la grande braderie de nos barrages initialement voulue par le gouvernement Borne. Hypocrites !

J’invite mes collègues soucieux des intérêts du pays à se prononcer contre cette proposition de loi. Les installations hydroélectriques appartiennent au domaine public et doivent le rester. C’est un enjeu de souveraineté, mais aussi de sécurité. Ma circonscription comprend la vallée du Lot. En amont immédiat de là où j’habite se trouvent vingt barrages. Ils peuvent fournir 2 000 MW, l’équivalent de la production de deux réacteurs nucléaires, mais la rupture d’un seul de ces ouvrages signifierait que des millions de mètres cubes d’eau se déverseraient sur de nombreux villages et les inonderaient.

Pour construire ces monstres de béton après la guerre, l’État a pris des engagements d’intérêt général. Il ne faut pas penser que les habitants ont accepté de vendre leurs terres sans rien dire, car les immenses terrains inondés par la mise en eau représentaient une richesse agricole pour le pâturage et pour les cultures. L’accord alors trouvé est que l’État devait rester propriétaire des ouvrages et garant des investissements nécessaires, avec l’opérateur public EDF pour concessionnaire. Vous proposez donc de revenir sur la parole de l’État et la seule garantie que vous proposez en matière de sécurité est de faire signer un cahier des charges aux futurs propriétaires. Ce n’est pas sérieux.

La France doit dire à la Commission européenne que, pour notre sécurité, le maintien des barrages hydroélectriques dans le domaine public n’est pas négociable. Ces barrages sont la propriété du peuple français et du contribuable qui les a financés. Les concessions doivent continuer d’être gérées par EDF et demain, avec le Nouveau Front populaire, par un pôle public intégré de l’énergie.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. Je répondrai brièvement à cette intervention assez large, puisque l’on est allé jusqu’à parler de la réforme des retraites. J’ai compris que vous vous pliez aux injonctions de Bruxelles. Vous dénoncez une privatisation qui n’existe pas. Cette accusation ne tient pas, puisque EDF est détenue à 100 % par l’État et la CNR à majorité par des personnes publiques et que l’État a une participation dans Engie. J’observe aussi que vous ne vous offusquez pas du fait que les centrales nucléaires appartiennent aux opérateurs qui les exploitent.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Notre commission traite aujourd’hui d’hydroélectricité en examinant la proposition de loi déposée par notre collègue Meizonnet. C’est un sujet que je connais bien pour le suivre depuis douze ans dans cette commission. Le groupe Rassemblement national a évidemment toute légitimité pour inscrire ce texte dans sa niche parlementaire, mais il a choisi de le faire au mépris des travaux en cours, auxquels il est pourtant associé depuis l’origine. Je fais évidemment allusion à la mission d’information transpartisane sur les modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques, dont je suis corapporteure avec mon collègue Philippe Bolo. J’avais sollicité notre commission pour conduire cette étude des différentes solutions permettant d’échapper à la mise en concurrence et en évaluer la robustesse juridique. Le sujet étant technique, mais aussi éminemment politique, j’avais souhaité – ce qui n’est pas le cas pour la majorité des missions parlementaires – la présence d’un membre de chaque groupe politique afin de partager les propositions et la solution retenue – et monsieur Meizonnet est l’un d’eux.

Sur le plan de la méthode, la mauvaise manière faite aux membres de notre commission est assez désagréable et en rupture complète avec les usages parlementaires. Mais cette inélégance n’est qu’une motivation secondaire de notre refus de ce texte. Sur le fond, au-delà de sa dimension éminemment politique, les incidences juridiques et financières de chaque option ont donné lieu à des interprétations juridiques divergentes ou, a minima, non stabilisées. Au nombre des questions en suspens, l’impact sur l’unité du groupe EDF impose une réflexion beaucoup plus large.

La position de la Commission européenne sur le mode de gestion retenu ne sera réellement connue que lorsqu’une proposition concrète lui aura été soumise et elle pourra dépendre des équilibres politiques de la nouvelle Commission, voire d’une possible révision de la directive sur les concessions que l’on ne peut exclure. Le contexte politique et international relatif à la souveraineté énergétique et à la gestion de la ressource en eau a sensiblement évolué depuis la mise en demeure adressée à la France par Bruxelles, ce qui nous laisse espérer un regard un peu différent de la Commission sur ce sujet.

C’est d’ailleurs la complexité de ce dossier – qui traduit sa nature stratégique –, l’ancienneté du contentieux et le calendrier des concessions en vigueur qui nous ont motivés à solliciter la création de cette mission d’information, afin de conduire une analyse de fond avec le soutien parlementaire le plus large possible, l’appui des syndicats et le concours du Gouvernement, qui s’est engagé à faciliter ces travaux. Les conclusions de cette mission sont nécessaires pour alimenter notre réflexion commune sur le fond.

À ce jour, le seul élément faisant consensus au sein du Parlement sur ce sujet est le rejet de toute option imposant une mise en concurrence. Le rapporteur choisit le passage du régime de la concession à l’autorisation généralisée. Notre mission d’information étudie évidemment cette option avec attention, mais elle devra être fortement sécurisée, car on ne peut prendre le risque d’une mise en concurrence au moment de l’attribution des ouvrages aux opérateurs. Cette sécurisation n’existe pas dans le texte qui nous est présenté.

D’autre part, le traitement réservé à la CNR, dont la concession a été prolongée jusqu’à 2041, est pour le moins inadapté. Il n’est pas tenu compte des particularités de la Compagnie, dont les missions dépassent largement la seule gestion d’installations hydroélectriques, ni des conséquences de cette omission. Qu’en sera-t-il des investissements prévus dans le cadre de cette concession ? Qu’en sera-t-il des concessions hydroélectriques sous le régime des « délais glissants », dont le sort n’est pas traité non plus ? Cette liste, loin d’être exhaustive, illustre les faiblesses de la proposition de loi. Elle démontre aussi, au regard de la complexité du dossier, la pertinence et l’utilité de la mission d’information en cours au sein de la commission avant que l’on puisse trancher.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre la proposition de loi.

M. Vincent Rolland (DR). La proposition de loi vise à passer d’un régime de concession à un régime d’autorisation généralisé, comme il en va pour d’autres énergies renouvelables. Nous sommes tous conscients des difficultés à venir de l’hydroélectricité, enjeu majeur pour notre souveraineté énergétique, notre économie et la décarbonation. Cette question me soucie particulièrement, en ma qualité de député de la Savoie, où se situent de nombreux ouvrages : celui de Tignes, que vous avez cité, mais aussi de nombreux autres dans le massif du Beaufortain. Défendre notre souveraineté en matière d’hydroélectricité, c’est défendre l’emploi là où les barrages sont installés, mais aussi les usages partagés de l’eau. Notre groupe n’a pas attendu cette proposition de loi pour s’intéresser au sujet, comme l’ont montré, d’une part, la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France et, d’autre part, notre proposition de résolution visant à protéger notre parc hydraulique de l’ouverture à la concurrence européenne des concessions de barrage hydroélectrique.

La plupart des concessions arriveront à échéance prochainement – ou sont déjà échues – et la France fait l’objet de plusieurs mises en demeure de l’Union européenne qui, soyons clairs, souhaite casser la position dominante d’EDF. Votre proposition de loi prévoit le passage direct à un régime d’autorisation. Mais quid de la valorisation des actifs et de leur rachat ? Le régime de régie ou de quasi-régie de l’État n’est-il pas préférable ? Une modification de la directive européenne est-elle possible ?

C’est pour répondre à ces questions qu’une mission transpartisane a été créée, dont vous êtes membre, Monsieur le rapporteur, et qui travaille à échafauder la meilleure solution pour conserver la production d’hydroélectricité sous pavillon français. Face à un problème complexe et ignoré depuis des années, notre groupe souhaite que ce sujet soit abordé de manière plus approfondie, avec un temps de débat plus long que celui dont dispose une niche parlementaire. C’est pourquoi nous ne soutiendrons pas, à ce stade, cette proposition de loi.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. Il y a quelques jours, au Sénat, une proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie a validé le principe de l’autorisation. Contrairement aux sénateurs du groupe Les Républicains, nous ne souhaitons pas que l’on s’en tienne à une expérimentation, car le régime ne serait pas assez solide et l’expérimentation ne lèverait pas les inquiétudes des opérateurs actuels. Mais j’observe que votre mouvement politique soutient le régime d’autorisation : je comprends donc mal pourquoi vous refusez aujourd’hui de participer au débat, afin que nous puissions accélérer alors qu’il y a urgence.

Mme Lisa Belluco (EcoS). L’État a conclu des contrats de concession pour de nombreux barrages hydroélectriques. Certains arrivent ou sont arrivés à échéance et, selon le droit européen, le renouvellement des concessions demande une mise en concurrence, ce que la France refuse depuis plus de quinze ans. Le groupe écologiste et social y est également opposé et c’est pourquoi nous nous réjouissons de la reprise de la mission d’information chargée de l’analyse juridique des solutions possibles et de leur compatibilité avec le droit européen. Alors que plusieurs hypothèses sont à l’étude, le choix que vous avez fait de déposer ce texte sans attendre les conclusions de la mission démontre, s’il en était besoin, votre mépris du travail parlementaire. En attendant la présentation du rapport de la mission d’information, le groupe écologiste rejette votre proposition de loi.

Vous proposez de basculer vers un régime d’autorisation assorti d’un droit de propriété pour les concessionnaires actuels. Rien ne garantit que cette solution soit compatible avec l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). C’est donc un texte aux effets potentiellement nuls qui ne permettra en aucun cas de protéger les installations hydroélectriques françaises, alors que celles-ci font partie du patrimoine national.

Notre groupe préconise d’attendre la remise du rapport de nos collègues pour trouver la solution juridique qui permettra d’empêcher l’ouverture à la concurrence, dans le respect du travail transpartisan engagé.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. J’aimerais connaître votre position exacte sur ce sujet. Trois possibilités existent : la première consiste à accepter les injonctions de la Commission européenne et à mettre en concurrence – aucun groupe ne semble soutenir cette hypothèse ; ensuite, il y a le régime d’autorisation que nous défendons ; et enfin la piste de la quasi-régie, défendue au Sénat – ai-je cru comprendre – par le groupe écologiste. Votre position a ceci de paradoxal que la quasi-régie supposerait le démantèlement d’EDF, ce qui entraînerait évidemment des répercussions sur le plan social et sur des questions opérationnelles, d’optimisation et de partage des compétences. Un projet en ce sens avait été présenté en 2021 ; c’était le projet Hercule, que vous avez combattu car vous vous opposiez vivement à une restructuration d’EDF. Si vous refusez aujourd’hui le régime d’autorisation que nous proposons, c’est que vous êtes favorable soit à la mise en concurrence, soit à la restructuration d’EDF. D’autre part, on ne peut passer son temps à parler de « transition énergétique » et de « bifurcation écologique »… et ne pas voter un texte qui vise à soutenir la première énergie renouvelable de France, qui, par le biais des Step, est la seule source de stockage d’envergure possible aujourd’hui et qu’il nous faut développer. On ne comprend rien à votre position en matière énergétique : vous êtes contre le nucléaire et aujourd’hui contre le développement de l’hydroélectricité. C’est le retour à l’âge de pierre !

M. Philippe Bolo (Dem). Votre proposition de loi est précipitée et maladroite : précipitée, pour la raison que vous êtes membre d’une mission d’information transpartisane à ce sujet, où vous avez toute latitude d’exprimer vos idées – et d’autant plus précipitée que ses travaux viennent de commencer ; maladroite, parce qu’elle tranche en faveur d’une des options possibles, l’extension du régime d’autorisation, sans apporter toutes les garanties de l’efficience réelle de cette hypothèse. Elle suppose en effet la vente des ouvrages aux concessionnaires actuels et, à ce propos, des inconnues demeurent, la première étant le prix de la cession. L’évaluation doit être juste, car il y a un risque – si elle est jugée insuffisante – que la Commission européenne l’assimile à une aide d’État. Se pose alors la question des délais : le chiffrage ne serait pas fait immédiatement car tout cela exige un aller-retour avec la Commission européenne pour ajuster les critères d’évaluation.

D’autre part, comment s’assurera-t-on qu’une fois le texte appliqué, nous serons capables de contrôler ceux qui vont reprendre les concessions ? Comment évitera-t-on, par exemple, qu’Amazon, qui a investi dans de grands parcs photovoltaïques en Andalousie, vienne investir dans un barrage en France ?

En réalité, cette proposition de loi n’apporte pas de réponse au sujet, que vous avez pourtant mentionné, de la nécessité d’une souveraineté énergétique. Effectivement, ces ouvrages ne doivent pas être contrôlés par des sociétés étrangères. Je partage le point de vue de notre collègue Marie-Noëlle Battistel : cette question mérite d’être analysée dans un autre cadre que celui-ci, en examinant les autres options possibles, dont celle de la quasi-régie. Et, comme la corapporteure, je pense qu’une évolution de l’annexe « Hydroélectricité » de la directive européenne sur les concessions mérite d’être envisagée. C’est l’objectif de cette mission d’information, qui vise aussi à engager un dialogue avec la Commission européenne. Nous voulons mener à bien une étude de faisabilité permettant de choisir la meilleure option possible pour sortir de ce contentieux juridique. Vous appartenez à cette instance, vous avez l’occasion d’y exprimer votre point de vue et le sujet est bien plus vaste que cette proposition de loi le laisse entendre. Il s’agit du mix énergétique français, de la gestion de l’eau, du partage de la ressource et du partage des recettes avec les collectivités territoriales, d’emplois et de compétences et de la gestion d’un patrimoine national qui a été financé par plusieurs générations de Français.

C’est pourquoi le groupe Les Démocrates votera contre cette proposition de loi. Comme vous l’avez dit en introduction, Monsieur le rapporteur, l’Assemblée nationale doit travailler plus sérieusement.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. Travailler sérieusement, chers collègues, c’est ce que je vous invite à faire ! Il y a des travaux à ce sujet depuis une bonne quinzaine d’années, auxquels madame Battistel a largement contribué – nous nous sommes beaucoup appuyés sur ses travaux et d’autres pour rédiger cette proposition de loi qui, je le précise, a été assez bien reçue par l’opérateur majeur, EDF. C’est un gage de sérieux.

M. Xavier Albertini (HOR). Cette proposition de loi est le parfait exemple de la duplicité du discours du Rassemblement national. S’il comprend l’intérêt du sujet, le groupe Horizons et indépendants regrette aussi bien la forme que le fond du texte qui nous est présenté. Sur le diagnostic, nous sommes tous d’accord : l’exploitation des installations hydrauliques françaises est un sujet de souveraineté nationale auquel nous devons apporter des réponses sérieuses, car elles engageront la crédibilité de la France devant les instances européennes. Mais force est de constater qu’assurer la crédibilité de notre pays n’est pas la préoccupation principale de nos collègues du Rassemblement national. Vous cherchez à passer en force, alors que, le 1er octobre dernier, la mission d’information sur les modes de gestion et l’exploitation des installations hydroélectriques était installée. Cette mission, menée en étroite collaboration avec le Gouvernement, vise à explorer les possibilités qui s’offrent à la France pour mettre fin à son contentieux avec l’Union européenne sans perdre le contrôle de ses barrages. Vous participez – ou devriez participer – à cette mission, pour contribuer à définir les pistes possibles, et notamment étudier le dispositif de la quasi-régie prévu par la directive européenne du 26 février 2014 qui permet aux concessions de déroger, sous certaines conditions, à l’application des règles de concurrence.

Une révision de l’annexe sur les barrages hydroélectriques de cette directive est également à l’étude. Notre défi collectif est de nous assurer de la souveraineté de la gestion et de l’exploitation des barrages tout en respectant nos engagements européens en matière de droit de la concurrence. Le chemin est bien plus étroit que ce que la proposition de loi veut faire croire. À vous écouter, il suffirait de passer du régime de la concession à celui de l’autorisation administrative pour les grosses unités de production hydroélectriques, lesquelles seraient également vendues par l’État à l’énergéticien EDF. Non seulement cette transformation suppose d’indemniser les concessionnaires, mais elle induirait une position monopolistique d’EDF sans précédent, en infraction au droit communautaire. Reconnaissez que vous assumez de fragiliser la position d’EDF, de faire courir un risque financier à l’État et de promouvoir des solutions juridiques non pérennes, alors qu’il est question de la gestion d’infrastructures stratégiques pour la nation. Avec les collègues de votre groupe, vous avez fait vôtre l’adage « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » : parce qu’ils croient aux vertus du travail collectif au sein de la mission d’information, dans l’attente des résultats de ses travaux et compte tenu des réserves évoquées, les membres du groupe Horizons et indépendants voteront contre la proposition de loi.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. La mission d’information a un train de retard, puisque le Sénat a tranché la question il y a quelques jours par un article prévoyant l’expérimentation du régime d’autorisation dans la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie. De mémoire, madame Agnès Pannier-Runacher souhaitait, dans l’avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique, régler le basculement vers le régime de l’autorisation en un seul article et en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Nous avons au moins le mérite de laisser la main au Parlement, parce que nous considérons qu’il doit trancher. Ensuite, j’ai compris que vous étiez contre la position monopolistique d’EDF. Il s’agit là d’un désaccord politique : pour notre part, nous sommes plutôt favorables à un quasi-monopole d’EDF.

Il n’y a pas de rupture avec les usages républicains : la création de la mission d’information a été décidée sous la précédente législature et nous avons bien voulu y participer. Ensuite, l’Assemblée nationale a été dissoute. Au début de la nouvelle législature, le groupe Rassemblement national a décidé de déposer une proposition de loi et, concomitamment, la commission a décidé de reconduire cette mission d’information – je rappelle par ailleurs à ceux qui sont si attachés aux usages républicains que le Rassemblement national, de votre fait, ne siège pas dans les instances décisionnaires à ce sujet.

M. David Taupiac (LIOT). Nos barrages, fleurons industriels, contribuent à produire une énergie à bas prix. Outils d’aménagement du territoire, ils participent à la gestion de l’eau et la préservation de la biodiversité. L’avenir des concessions hydroélectriques a donc un intérêt stratégique pour la France et nous sommes très nombreux à souhaiter qu’elles demeurent à la main des concessionnaires historiques. Mais les contrats de concession arrivent progressivement à échéance. Cela a conduit, depuis 2003, à un conflit entre la France et la Commission européenne, celle-ci considérant que l’octroi de toute concession arrivant à son terme doit être ouvert à la concurrence – avec le risque induit de voir les barrages sortir du giron d’EDF. La France a tenté d’éviter cette obligation en prolongeant les contrats existant,s mais cette manœuvre n’a rien d’idéal, le régime des « délais glissants » empêchant les investissements nécessaires à l’accroissement de notre potentiel hydroélectrique. Il est temps de trouver une issue à ce conflit qui n’a que trop duré.

Vous nous proposez de généraliser le régime d’autorisation. Cette solution défendue par EDF présente quelques avantages, mais elle a pour gros défaut qu’elle risque de ne pas régler le conflit avec la Commission européenne, ce qui est pourtant le nœud du problème. En effet, pour la Commission, ce basculement renforcerait la position dominante d’EDF et des mesures pourraient nous être imposées pour l’atténuer, dont la mise en concurrence d’une partie des installations actuellement concédées à EDF : ce serait donc un retour à la case « Départ ». D’autre part, cette solution est synonyme de perte de souveraineté : avec ce régime, non seulement l’État perdrait la propriété les barrages mais, une fois l’autorisation accordée, il ne pourra plus ajuster ses demandes ni imposer des investissements prioritaires. Dernier élément, qui n’est pas des moindres en cette période de crise budgétaire : la résiliation des concessions impliquerait le versement d’une indemnité aux concessionnaires. En bref, cette proposition de loi n’apporte pas de solution miracle à la question complexe de la fin des concessions.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. C’est la mise en concurrence qui fait courir le risque d’une perte de souveraineté et c’est ce risque que la proposition de loi vise à supprimer. L’entrée en vigueur du régime d’autorisation dans d’autres pays européens a permis d’effacer le contentieux qui les opposait à la Commission européenne à ce sujet depuis 2019. L’Allemagne, la Finlande, la Suède et l’Autriche, qui sont sous le régime d’autorisation, n’ont pas pour autant accepté la mise en concurrence qui s’impose à nous, en raison de l’application de la directive « Concessions » à nos ouvrages hydroélectriques dont la puissance est supérieure à 4,5 MW. Le texte vise précisément à éviter tout risque de mise en concurrence, comme c’est le cas pour les pays cités.

M. Stéphane Peu (GDR). Ce texte prétend solder le contentieux qui oppose la Commission européenne à la France en supprimant d’un trait de plume, sans la moindre précaution, le régime de la concession des installations hydroélectriques pour lui substituer le régime de l’autorisation. Vous proposez successivement de généraliser le régime d’autorisation d’exploitation, de résilier les contrats de concession, de déclasser les installations hydroélectriques du domaine public et de céder aux concessionnaires sortants, quel que soit leur statut, la propriété des installations concernées.

Mais en faisant sortir ces installations du régime de la concession, votre texte fait disparaître le régime de responsabilité pénale sur le non-respect des contraintes environnementales, sur les modalités de demande et de cadrage des augmentations de puissance et sur le droit des riverains. De plus, il permet aux exploitants de se soustraire aux règles relatives à la rétrocession des réserves énergétiques bénéficiant aujourd’hui au service public de l’État, aux communes, aux établissements publics, aux associations syndicales autorisées et aux groupements agricoles d’utilité générale. En somme, votre proposition s’assoit sur les obligations et responsabilités administratives et pénales des exploitants. Nous sommes favorables au principe du basculement vers le régime d’autorisation, mais il ne peut s’opérer sans de solides garde-fous, délibérément absents de votre texte.

En outre, il serait naïf de croire que le régime d’autorisation solderait par magie le contentieux européen : rien, juridiquement, n’interdit à la Commission européenne d’exiger que la procédure de cession des barrages aux exploitants actuels soit soumise à la concurrence. Votre proposition de loi apparaît donc aussi aventureuse que dangereuse. Il convient en tout état de cause d’attendre les conclusions de la mission d’information. Nous voterons contre ce texte.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. J’ignorais qu’existaient « cinquante nuances de communisme ». Lors de l’examen de la proposition de loi précitée par le Sénat – dont je signale à monsieur Rolland qu’elle a été cosignée par monsieur Retailleau, à l’époque sénateur –, votre collègue sénateur Fabien Gay a dit que le régime d’autorisation est celui que tout le monde souhaite et qu’il n’y a pas à attendre le rapport de madame Battistel, puisque l’on sait déjà ce qu’il faut faire. Votre prise de position aujourd’hui tient de la posture : comme je n’imagine pas que les communistes puissent vouloir la mise en concurrence ni qu’ils souhaitent affaiblir EDF par la mise en concurrence (ou par la quasi-régie qui conduirait au démantèlement de l’établissement), votre conclusion devrait être la même que celle de votre collègue sénateur.

S’agissant des enjeux environnementaux, un cahier des charges où figureront toutes les prescriptions nécessaires sera évidemment associé à l’autorisation d’exploitation, comme il l’est aujourd’hui à la concession. L’autorisation peut être levée à tout moment si les prescriptions ne sont pas suivies et les opérateurs propriétaires de barrages – pour une très grande partie EDF, détenue à 100 % par l’État – n’y ont pas intérêt. Ce sujet a été abordé à plusieurs reprises lors des auditions, auxquelles je n’ai pas vu beaucoup d’entre vous participer, chers collègues, ce qui n’est pas très respectueux des opérateurs auditionnés.

Le Rassemblement national prend ses responsabilités. Nous considérons qu’il y a urgence à investir. Les pays européens qui ont adopté le régime d’autorisation ne perdent pas de temps, eux, et continuent à se développer, cependant que depuis plusieurs décennies nous laissons nos ouvrages vieillissants accuser une certaine vétusté, qui implique des enjeux de sûreté. Il y a quelques jours encore, des inondations ont eu lieu à Annonay parce qu’un barrage a débordé. On doit tenir compte des conséquences du dérèglement climatique, investir pour la sécurité, la sûreté, les nouveaux enjeux environnementaux et climatiques et pour développer les Step qui nous permettent de rester extrêmement compétitifs. Je sais que les termes « compétitivité » et « croissance » sont parfois étrangers à la gauche, mais nous y sommes extrêmement attachés. Ce qui est en jeu, c’est l’augmentation de nos capacités de production de plus de 4 gigawatts, soit plus de 20 %, à l’horizon 2050. Il faut avancer.

Madame Battistel, vous travaillez sur le sujet depuis douze ans. Pardonnez la métaphore, mais vous êtes une sorte de « cheval » extrêmement bien entraîné, qui refuse de sauter l’obstacle alors que vous connaissez parfaitement le sujet. J’espère ne pas vous avoir vexée, mais, en tout cas, c’est ce sentiment d’un « refus d’obstacle » qui se dégage de ce débat – ou peut-être une posture politicienne, parce que l’on ne voudrait pas que le Rassemblement national soit à l’initiative sur ce sujet.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Monsieur le rapporteur, je vous suggère d’éviter certaines comparaisons qui peuvent toucher, pour dire le moins.

Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Vincent Rolland (DR). Vous mettez en cause l’utilité de la mission d’information ; mais alors pourquoi y avoir participé au départ ? Vous considérez d’autre part que la proposition des sénateurs devrait clore le débat. À mon sens, le sujet doit continuer d’être fouillé. Je rappelle que la droite républicaine – et autrefois LR – ont eu sur l’énergie, énergie nucléaire comprise, une position constante, ce qui n’est pas le cas de Marine Le Pen.

M. René Pilato (LFI-NFP). Vous avez court-circuité la mission d’information de notre commission et, tel un coucou, présenté un mauvais plagiat, un « copié-collé » bricolé et mal pensé. Pas une fois vous ne parlez d’un pôle public de l’énergie pour un retour aux tarifs réglementés ! Seul l’opt out permettrait une véritable souveraineté énergétique. Le reste n’est que politique politicienne, marque de fabrique de l’extrême-droite. Un travail sérieux et un peu de respect des collègues permettraient d’œuvrer sereinement. Cette proposition de loi doit évidemment être rejetée.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). J’ai déjà entendu des propos plus élégants que les vôtres, mais considérant l’inélégance de méthode que traduit votre proposition de loi, on peut s’attendre à tout… et les chevaux peuvent ruer, saviez-vous ?

Vous dites que peu de monde est venu aux auditions. J’ai assisté à beaucoup de celles que vous avez conduites et je peux assurer notre commission que de nombreuses personnes entendues vous ont dit qu’elles seraient très attentives aux conclusions de la mission d’information. Un sujet aussi politique doit recueillir l’assentiment de la plus grande majorité des parlementaires. Il ne faut donc pas mener une démarche individuelle, mais procéder par une réflexion collective, comme nous le faisons actuellement.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. Je participe à la mission d’information actuelle comme j’ai participé à celle de la précédente législature, parce que je considère que notre groupe doit y être représenté et parce que nous ne sommes pas contre l’idée d’une démarche transpartisane et constructive. Aujourd’hui, c’est vous qui refusez une telle démarche, alors que la mission d’information ne garantit en rien qu’à l’issue des travaux, une solution sera approuvée par l’ensemble des groupes politiques. À cela s’ajoute que le contexte politique très fragile ne permet pas de penser que l’examen d’une proposition de loi transpartisane à ce sujet pourra être inscrite au calendrier parlementaire. De plus, le rapport d’une mission d’information a probablement moins de poids auprès de la Commission européenne qu’une proposition de loi enrichie au cours de la navette et votée consensuellement par l’Assemblée nationale, puisqu’elle aboutirait à ce que nous souhaitons tous, à savoir l’absence de remise en concurrence de l’exploitation de nos ouvrages hydrauliques et le non-affaiblissement d’EDF.

Certains font de ce débat une affaire personnelle – peut-être parce que leurs noms ne seront pas inscrits sur la proposition de loi… Si c’est une affaire d’ego, je ne vois aucun inconvénient à ce que notre proposition de loi soit cosignée par l’ensemble des groupes.

Enfin, je n’ai rien dit d’un pôle public de l’énergie ou du tarif réglementé, parce que ce n’est pas l’objet de ce débat. Si vous voulez en parler, je vous invite à proposer une loi à ce sujet. Aujourd’hui, il s’agit de trouver comment relancer l’investissement pour moderniser nos barrages à l’arrêt et les développer. Je rappelle que la solution que nous proposons a été soutenue par EDF, opérateur de 70 % de la production hydroélectrique en France.

Article 1er : Généralisation du régime d’autorisation à l’ensemble des installations hydrauliques

 

Amendements de suppression CE1 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE6 de M. Laurent Alexandre et CE17 de Mme Lisa Belluco

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). La concession de la CNR repose sur trois piliers : production hydroélectrique, et gestion fluviale et portuaire et missions d’intérêt général. Passer en régime d’autorisation implique de séparer l’activité hydroélectrique du reste, ce qui fragiliserait l’équilibre économique de la CNR.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Il est proposé de supprimer l’article 1er, car la généralisation du régime juridique d’autorisation n’a rien d’une solution miracle pour régler le contentieux juridique qui oppose la France à la Commission européenne.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. Plutôt que de demander la suppression de cet article, vous auriez pu déposer un amendement visant à écarter la CNR du dispositif. La mise en concurrence des ouvrages qu’elle exploite n’interviendra pas avant 2041 : il n’est donc pas dénué de sens d’appliquer dès maintenant un régime d’autorisation, seule piste permettant d’éviter le contentieux avec la Commission européenne. De plus, cela permettrait d’harmoniser le régime d’exploitation applicable aux modes de production d’électricité – nucléaire, photovoltaïque, éolienne, ainsi que celle provenant des petites installations hydroélectriques. Or vous vous y opposez. Avis défavorable.

Nous ne nous soumettons pas à la Commission européenne, qui veut l’affaiblissement de la position dominante d’EDF : notre texte propose exactement l’inverse. Alors que nous voulons faire primer les intérêts nationaux, vous cherchez à répondre aux exigences de Bruxelles dans l’espoir de sauver les intérêts de la France.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je doute que la CNR vous ait dit, lors de son audition, qu’elle souhaitait être intégrée dans le texte. Vous aviez donc tout le loisir de déposer vous-même un amendement excluant la CNR.

Ce n’est pas une question d’ego mais de portage politique. Un texte soutenu par l’ensemble des groupes à l’issue d’une mission d’information aura plus de poids auprès de la Commission européenne qu’une proposition de loi défendue par un seul groupe. Je maintiens donc mon amendement de suppression.

M. Alexandre Loubet (RN). Vous refusez de voter la solution proposée par le Rassemblement national pour protéger les barrages hydroélectriques d’une privatisation alors qu’elle fait consensus, par sectarisme, vous abritant derrière des arguments fallacieux et grotesques. Certains nous accusent de ne pas respecter les usages républicains en ne laissant pas de délai à la mission d’information en cours ; or c’est vous qui ne les respectez pas en empêchant toute représentation du Rassemblement national au Bureau de l’Assemblée. En réalité, vous préférez attendre pour mieux vendre notre patrimoine industriel national et, dans ce but, vous vous soumettez tous à la Commission européenne.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE19 de M. Nicolas Meizonnet

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. La redevance applicable aux concessions hydroélectriques est très importante pour nos territoires, son produit étant partagé entre l’État et les collectivités. Toutefois, le régime d’autorisation ne permet pas un tel partage. L’amendement vise donc à en inscrire le principe dans la loi.

M. Julien Gabarron (RN). Vous avez un problème avec le concept de souveraineté. Cela fait douze ans que nous travaillons sur l’hydroélectricité, mais nous subissons les atermoiements de la classe politique. Dans dix ans, on dira que nous avons raté le coche.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Le Rassemblement national s’est aperçu que les collectivités territoriales, notamment celles assurant la compétence « Gemapi » (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), perdront une rente précieuse avec la suppression du régime des concessions. Il aurait été facile de s’en rendre compte plus tôt, mais, pour cela, il aurait fallu travailler un minimum le sujet et consulter les élus du territoire concerné. Votre amendement renvoie au Gouvernement le soin de corriger cet oubli en dehors de toute concertation locale. Nous voterons contre ce mépris et cet amateurisme.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. Nous n’ignorions pas l’importance du produit de la redevance pour les territoires, mais nous cherchions la rédaction optimale. Puisque vous semblez d’accord, vous ne devriez pas avoir trop de difficulté à voter cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 2 : Résiliation de plein droit des contrats de concession des installations hydrauliques en cours d’exécution

 

Amendements de suppression CE2 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE7 de Mme Sylvie Ferrer et CE16 de Mme Lisa Belluco

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). La question des délais glissants est importante compte tenu du nombre d’ouvrages concédés et de ceux qui arriveront très prochainement à échéance. Or elle n’est pas traitée dans ce texte. Nous proposons donc la suppression de l’article 2.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Nul ne sait combien coûteront les indemnités pour résiliation des concessions en cours. Quand on touche à la souveraineté énergétique, il convient de s’appuyer sur une étude sérieuse. Je ne peux donc que vous conseiller la lecture de L’avenir en commun, qui recommande la création d’un véritable pôle public de l’énergie. Nous proposons la suppression de l’article 2.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. L’article 2 est nécessaire pour sécuriser la résiliation par anticipation des concessions. Les délais glissants soulèvent la question de l’indemnisation, car les travaux et les investissements sur les ouvrages se poursuivent ; cela doit être pris en compte dans les modalités de calcul des indemnisations. Avis défavorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

 

Article 3 : Déclassement des installations hydrauliques concédées du domaine public de l’État

 

Amendements de suppression CE3 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE8 de M. Laurent Alexandre et CE14 de Mme Lisa Belluco

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Le déclassement du domaine public des installations hydroélectriques est une privatisation qui ne dit pas son nom. Même si la propriété est transférée à EDF, celle-ci est une société anonyme qui peut être démantelée, voire privatisée. Sous prétexte d’éviter la mise en concurrence souhaitée par la Commission européenne, le RN cède en réalité à ses injonctions en bradant des ouvrages payés par l’argent public et, avec eux, la sécurité de nos vallées. Il fait ainsi preuve de naïveté, d’incompétence ou de trahison. La souveraineté énergétique n’est pas qu’un slogan : elle se traduit en actes et ne peut être assurée que par un pôle public de l’énergie. C’est une vaste pantalonnade que de prétendre viser cet objectif tout en privatisant de facto les barrages.

Mme Julie Laernoes (EcoS). L’article 3 n’ayant plus d’objet après la suppression de l’article 2, il est proposé de le supprimer.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. Il ne s’agit pas d’une privatisation, le déclassement ayant pour but la cession des installations aux concessionnaires sortants, qui sont détenus en partie ou en totalité par l’État. Une telle cession est nécessaire car, à défaut, l’autorisation aurait toutes les chances d’être requalifiée en contrat de concession.

Le texte prévoit que l’État gardera un droit de regard sur les cessions ultérieures et pourra s’y opposer. Nous n’avons pas d’état d’âme à céder nos barrages aux exploitants actuels, qui ont démontré leur capacité technique et leur fiabilité ; ils pourront ainsi optimiser leur production. Il est par exemple souhaitable qu’EDF ait la main sur les barrages pour faire face au coût très important de la relance du nucléaire.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous pourrions abréger les débats, car l’article 3 n’a plus d’objet du fait de la suppression de l’article 2. Quand on essaye de court-circuiter une mission d’information sur un sujet aussi important que la souveraineté énergétique, il faut assumer son échec et accepter le fait que le texte ne sera pas voté.

M. Alexandre Loubet (RN). Je suis indigné par les arguments de la gauche. Maintenir le régime actuel revient à confier la gestion de nos barrages à des groupes privés, pour certains étrangers. Nous proposons de céder la propriété de ces infrastructures payées par le contribuable à une entreprise publique française. Vous prétendez défendre le monopole d’EDF, mais quand on vous propose de lui céder les barrages, vous refusez. Je m’en étonne car il s’agit d’une entreprise publique, contrairement aux dizaines d’entreprises privées que vous soutenez pour implanter des éoliennes inefficaces, sans aucune cohérence en matière d’aménagement du territoire et qui se font un argent considérable sur le dos du contribuable.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Ce n’est pas en cassant les concessions que vous sécuriserez le régime de gestion des barrages. Rien ne dit qu’EDF ne perdra pas plusieurs dizaines de concessions.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

 

 

Article 4 : Cession des installations hydrauliques par l’État aux concessionnaires sortants

 

Amendements de suppression CE4 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE9 de Mme Sylvie Ferrer et CE15 de Mme Lisa Belluco

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Le combat que nous menons depuis très longtemps vise à préserver nos ouvrages et à en réserver la gestion à nos opérateurs historiques. Nous souhaitons que cela soit juridiquement solide afin d’éviter les recours de concurrents. Tel est l’objet de la mission que nous conduisons.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). L’article 4 est doublement problématique : d’une part, parce qu’il prévoit la cession de barrages publics ; d’autre part, parce qu’il instaure une préférence d’attribution des autorisations aux concessionnaires sortants : c’est exactement la raison pour laquelle la Commission européenne a mis la France en demeure. Votre texte ne règle donc rien.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. L’objet de cette proposition de loi est de ne plus être soumis à la concurrence que cherche à nous imposer la Commission européenne. Nous voulons basculer dans un régime d’autorisation, car celui-ci a protégé les pays qui l’appliquaient.

Si vous êtes dans une démarche constructive, Madame Battistel, pourquoi ne pas avoir déposé des amendements pour rendre le dispositif plus robuste ? Vous étiez présente lors des auditions, mais vous n’êtes pas intervenue – ce qui m’a laissé penser que vous validiez notre dispositif. Pour éviter de soumettre la cession de ces ouvrages à la concurrence, nous devons instaurer un régime d’autorisation en invoquant des raisons impérieuses d’intérêt général – sécurité d’approvisionnement, sûreté des installations, protection du pouvoir d’achat des consommateurs et de l’environnement, risque de désoptimisation des ouvrages sur un même bassin versant. En outre, la question du prix est centrale. Il faut éviter toute qualification d’aide d’État pour obtenir l’accord de la Commission européenne.

M. Alexandre Loubet (RN). Vous affirmez vouloir protéger les barrages de la mise en concurrence, mais vous vous réfugiez derrière la mission d’information pour refuser la solution que nous vous proposons. Or plus nous attendons, plus nous prenons le risque que les ouvrages soient cédés à des groupes privés ou étrangers et que cela coûte plus cher au contribuable – l’amende que risque de nous infliger l’Union européenne pourrait atteindre plus de 2,5 milliards d’euros, que nous allons devoir payer parce que vous n’avez pas le courage de voter ce texte ! C’est lamentable.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je n’ai pas déposé d’amendement sur le présent texte en raison de l’existence de la mission d’information transpartisane qui vise à asseoir la solidité juridique du dispositif. Il nous faut du temps pour cela et ce n’est pas un mois d’auditions dans le cadre d’une proposition de loi qui peut nous le garantir.

Je ne suis pas intervenue lors de vos auditions, car nous avons posé toutes nos questions dans le cadre de la mission d’information. Il ne me semblait pas opportun d’encombrer vos auditions avec toutes nos questions.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Je trouve surprenant l’empressement du Rassemblement national à s’agenouiller devant les demandes de la Commission européenne. Vous voulez casser les concessions pour sécuriser le dispositif, mais EDF ne récupérera pas forcément la totalité de celles qui seront remises en concurrence.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous préférons une mission d’information à la gesticulation populiste et politicienne. Vous faites preuve d’une méconnaissance profonde des enjeux de la souveraineté énergétique. Les énergies renouvelables sont nécessaires pour sécuriser l’approvisionnement électrique et l’hydroélectricité est la première source d’énergie renouvelable. Pensez-vous sérieusement qu’une proposition mal ficelée de l’extrême droite changera quoi que ce soit face à la Commission européenne ?

M. Richard Ramos (Dem). Lors de l’examen de la loi Egalim, le Rassemblement national a défendu la grande distribution contre les petites industries françaises. En l’occurrence, votre texte permettra à de grosses entreprises comme Amazon de racheter les ouvrages exploités par EDF et d’autres. Vous êtes complètement à contre-courant. Les Français veulent que l’on défende les petits, non les gros et les intérêts étrangers.

M. Philippe Bolo (Dem). Ce n’est pas le calendrier de la mission d’information qui est trop long, mais celui des différentes étapes de votre proposition de loi – adoption du texte, évaluation du coût des barrages en accord, désignation des nouveaux opérateurs. La mission d’information devrait rendre son rapport au plus tard en fin d’année : ce n’est vraiment pas un facteur limitant. De plus, elle introduit une dynamique loin d’être négligeable, menée de manière transpartisane et faisant intervenir le Gouvernement et la Commission européenne. Cette dernière ne peut que nous laisser le temps de la réflexion pour définir la meilleure solution.

M. Nicolas Meizonnet, rapporteur. Madame Laernoes, votre mouvement politique est disqualifié dans ce débat. Il défend la sortie du nucléaire, à l’origine de 60 % à 70 % de notre production électrique, et soutient le développement anarchique de l’éolien et du photovoltaïque, qui sont un business juteux pour nombre d’acteurs privés, parfois étrangers. Vous dites avoir participé aux auditions de la mission d’information : il n’y en a eu que deux, ce qui vous suffit pour avoir un avis contraire à celui exprimé par EDF lors de notre audition. Cela dit quelque chose de votre crédibilité sur le sujet.

Monsieur Ramos, il n’est pas question qu’Amazon ou Google rachète les barrages français. Je répète, parce que vous n’étiez pas là au moment où j’ai donné cette information, qu’un deuxième contentieux a été ouvert par la Commission européenne en 2019. Si certains pays ont pu échapper à ce contentieux, c’est parce qu’ils sont sous régime d’autorisation. Celui-ci est la seule solution crédible pour éviter la mise en concurrence. Soyez donc rassuré : cette proposition de loi a bien pour objet la non-mise en concurrence de nos concessions hydroélectriques.

Monsieur Bolo, nous avons conscience que ce processus, avec l’évaluation des indemnités et du montant des cessions, prendra beaucoup de temps. Mais une mission d’information ferait perdre quelques mois supplémentaires, sans que l’on sache si elle permettra de trouver une solution consensuelle.

M. Richard Ramos (Dem). Monsieur le rapporteur, vous ne cessez d’attaquer les députés à titre personnel : c’est insupportable. Si nous arrivons en retard à la commission des affaires économiques, c’est parce que nous nous sommes rendus au Salon international de l’alimentation avec nos industriels de l’agroalimentaire, qui représentent 550 000 emplois en France. Attaquez les députés sur leurs idées, et non sur un plan personnel !

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle l’importance pour les commissaires des affaires économiques d’être présents lors des différents salons – Salon de l’automobile, Salon international de l’alimentation et tant d’autres.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

 

 

Article 5 : Date d’entrée en vigueur de la loi et modalités d’application

 

Amendements de suppression CE5 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE10 de M. Laurent Alexandre et CE18 de Mme Lisa Belluco

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). L’article 5 est très dangereux, car il permettrait une privatisation des barrages hydroélectriques. La plupart des contrats de concession arrivant à échéance en 2025, il nous faut agir – mais pas au prix de l’abandon de nos fleurons publics. De plus, vous court-circuitez les travaux de la mission d’information menée par nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Philippe Bolo, précisément consacrée à l’étude des différentes options.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.

 

 

Article 6 : Gage financier

 

La commission rejette l’article 6.

 

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

 

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Puis la commission des affaires économiques a procédé à l’examen de la proposition de loi de loi visant à réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative et à juguler leurs effets sur la crise du logement (n° 278) (M. Frédéric Falcon, rapporteur).

M. Frédéric Falcon, rapporteur. La loi « Climat et résilience » intègre la performance énergétique dans les critères de décence des logements. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) attribue une note à chaque logement en se fondant sur le critère d’isolation et non plus sur la consommation réelle. La loi fixe un calendrier interdisant progressivement la location des passoires thermiques, désignées par les lettres F, G ou E. Le DPE, désormais opposable, devient ainsi le principal pilier de la politique de rénovation des logements en France. Cette nouvelle contrainte a bouleversé le marché locatif, contribuant à raréfier l’offre en faisant sortir près de 600 000 logements du parc locatif dès le 1er janvier 2025.

Je souhaite attirer votre attention sur le manque de fiabilité des DPE. Selon une étude de Hello Watt publiée en avril 2024, plus de la moitié des DPE seraient erronés, lorsqu’ils ne sont pas le résultat de manœuvres frauduleuses. En cause, l’absence de formation solide et de contrôles, ainsi que la faiblesse des sanctions prises à l’égard des diagnostiqueurs défaillants. Ainsi, toute une profession est livrée à elle-même, alors que la note attribuée au logement joue un rôle central dans la politique énergétique du Gouvernement. Une étude de l’UFC-Que choisir publiée en septembre 2022 aboutissait à un constat similaire : sur un total de sept maisons situées dans différentes régions et soumises à trente-quatre diagnostics, une seule d’entre elles s’était vu attribuer la même étiquette par tous les diagnostics, toutes les autres maisons ayant obtenu une étiquette différente, parfois avec trois classes d’écart.

Même quand l’ensemble des diagnostiqueurs utilise le même logiciel, la sensibilité de l’outil peut faire varier la note avec d’importants effets de seuil. Lors de nos auditions, les représentants de diagnostiqueurs nous ont également alertés sur le risque de fraude dans l’attribution de la note, celle-ci conditionnant la valeur locative et vénale du logement ou encore l’éligibilité à certaines aides d’accompagnement à la rénovation énergétique, notamment celles octroyées par l’Anah (Agence nationale de l’habitat).

L’efficacité même des travaux de rénovation énergétique semble assez aléatoire. En cause, la qualité des travaux, souvent mauvaise et en pratique impossible à vérifier, mais aussi l’effet rebond, c’est-à-dire le fait pour les occupants de préférer augmenter la température de chauffage après les travaux de rénovation, plutôt que de réduire leur facture.

Une étude de l’université de Cambridge réalisée sur 55 000 foyers au Royaume-Uni montre que le retour sur investissement est faible : entre 4 et 7 % de réduction de la consommation énergétique selon le type de travaux. De plus, les économies d’énergie disparaissent après quatre ans. Une étude américaine réalisée sur près de 30 000 logements ayant bénéficié d’un programme d’aides pour des travaux de rénovation entre 2011 et 2014 va dans le même sens, avec une baisse de la consommation réelle de 10 à 20 %, de ce fait insuffisante pour amortir le coût des travaux.

Enfin, une étude réalisée pour l’Ademe (Agence de la transition écologique) en 2019 et portant sur près de 10 000 logements souligne l’effet modeste de la rénovation, l’économie d’énergie étant de 2 à 3 %. Plus récemment, la Cour des comptes a estimé que 40 % des logements énergivores ayant fait l’objet de travaux d’isolation demeuraient des passoires thermiques.

Nous ne pouvons plus ignorer cette question. Qu’allons-nous faire de ces millions de logements qui demeurent non louables malgré tous les efforts accomplis par leurs propriétaires ? Les objectifs de rénovation énergétique, fixés de façon technocratique, imposant au parc ancien le niveau d’isolation des logements neufs, sont tout simplement irréalistes. Ces normes contraignantes aggravent de façon dangereuse la pénurie de logements légalement habitables qui touche tout notre territoire. Selon l’Insee, près d’un logement sur deux ne sera plus louable en Île-de-France d’ici 2 034 en l’absence de travaux de rénovation énergétique. Je vous laisse imaginer les conséquences dans la métropole parisienne, caractérisée par la rareté de l’offre. À partir du 1er janvier 2025, des millions de logements seront considérés comme indécents et progressivement retirés du marché locatif par des bailleurs qui baissent les bras face aux difficultés qu’ils rencontrent pour se plier à ces normes absurdes.

Ainsi, un logement en copropriété – cela concerne 28 % des habitations en France – devra obtenir au préalable l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires pour voter un diagnostic technique global (DTG), puis pour voter les travaux, ce qui prendra des mois, voire des années. Il faudra dans un deuxième temps faire une demande en mairie pour s’assurer de la conformité des travaux de rénovation aux règles d’urbanisme en vigueur.

Si le logement est situé aux abords d’un monument historique, il conviendra aussi d’obtenir l’aval des architectes des Bâtiments de France (ABF), lesquels conseilleront une isolation par l’intérieur moins efficace que par l’extérieur. Surtout, une telle isolation nécessite de refaire l’électricité et la plomberie et, parce qu’elle réduit la surface de plancher, risque d’exclure certains petits logements du parc locatif. Des appartements haussmanniens classés F ou G, dont le prix de vente dépasse 10 000 euros le mètre carré, sont-ils indécents à vos yeux ?

Confrontés à ces contraintes, nombre de bailleurs font le choix de ne plus louer leur bien. D’après le site Seloger.com, dont les informations ont été reprises par Mediapart, l’offre a ainsi chuté de 75 % en trois ans à Paris – une situation dramatique dont la location saisonnière ne saurait être tenue pour seule responsable, contrairement à ce qu’affirme la mairie de Paris.

Au-delà des difficultés techniques et réglementaires, le coût des travaux représente une charge insurmontable pour les petits propriétaires bailleurs qui ne perçoivent que de faibles revenus fonciers, souvent en complément de leur pension de retraite. Incapables de suivre le rythme des normes, ils sont contraints de vendre leur bien avec une décote parce que le logement dont ils sont propriétaires n’a pas reçu une bonne note dans le DPE. Cette situation n’affecte pas seulement le marché locatif, mais également celui des transactions. Les professionnels de l’immobilier et les notaires m’ont indiqué que les banques finançaient difficilement les logements classés F ou G, renvoyant les acquéreurs potentiels vers un marché locatif lui-même saturé. Ajoutons que cette réglementation porte gravement atteinte à l’exercice du droit de propriété, puisqu’elle empêche des bailleurs honnêtes de mettre en location leur bien pourtant décent.

Je voudrais enfin m’adresser aux nouveaux missionnaires qui utilisent l’écologie punitive pour imposer aux Français un carcan normatif intenable. Au nom d’une certaine vision de l’écologie, nous avons déjà sacrifié notre parc nucléaire et mis à mal notre modèle énergétique, pourtant le plus décarboné du monde. Nous avons sabordé notre industrie et sommes en train de sacrifier notre agriculture, deux secteurs dont nous étions pourtant très fiers. Au nom de cette même vision de l’écologie, nous détruisons aujourd’hui un secteur immobilier déjà mal en point, en réduisant drastiquement l’offre de logements. Le secteur résidentiel n’est responsable que de 12 % des émissions de CO2 de la France, et celles-ci ne représentent que 0,9 % des émissions mondiales : c’est donc pour agir sur à peine 0,1 % de ces émissions que nous imposons des efforts démesurés à des Français déjà très vertueux. Au nom d’une écologie fanatisée et de la décroissance à outrance, certains désirent planifier une véritable politique de dépossession immobilière des petits propriétaires. Dans ce contexte, les Français pourront en toutes circonstances compter sur les élus du Rassemblement national pour qu’il ne soit jamais porté atteinte à leurs droits.

M. Frédéric-Pierre Vos (RN). La loi « climat et résilience » est le produit de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), elle-même issue de l’accord de Paris. Les sujets qu’elle aborde vont de la rénovation des bâtiments à l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), en passant par l'interdiction des chauffages sur les terrasses de café, les plats végétariens dans les cantines ou l’utilisation d’engrais dans les champs. Cette loi fourre-tout a renforcé l’importance du critère de performance énergétique en modifiant deux éléments majeurs du DPE. Celui-ci ne prend plus seulement en compte la consommation d’énergie, mais aussi la production potentielle de gaz à effet de serre. L’attribution d’une note trop basse par un technicien conduira à un gel du loyer, puis à l’interdiction de louer le logement.

À partir du 1er janvier 2025, 600 000 logements ayant reçu la note G ne pourront ainsi plus être loués, alors qu’ils ne sont pas nécessairement insalubres au sens du code de la construction et de l’habitation ou de certaines dispositions réglementaires. En l’occurrence, c’est le législateur qui exclut de facto ces logements du parc locatif. Il résultera de cette décision un assèchement spectaculaire de l’offre locative. L’ensemble des acteurs de l’immobilier – syndics, agents immobiliers, marchands de biens – nous ont alertés, mais les pouvoirs publics n’ont pas réagi. Ce sont pourtant, au total, 5 millions de logements qui seront concernés par cette mesure.

Il est paradoxal que cette loi ait été adoptée, à l’heure où une crise du logement sans précédent frappe notre pays. Au prétexte d’améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, on maltraite les plus modestes : ce sont les plus petites surfaces qui sont en effet touchées.

Dans la plupart des centres-villes, la difficulté d’isoler des immeubles anciens rendra inatteignables les objectifs de la loi. C’est le cas en particulier à Paris, où les ABF s’opposent résolument à ce type de travaux. En incluant la performance énergétique dans les critères dits de décence, la loi « climat et résilience » vise des logements dont on considérait jusqu’ici qu’ils offraient tout le confort attendu. Le 1er janvier 2025, ceux qui n’ont pas de logement peineront encore plus à en trouver un. Quant aux locataires, ils se verront donner congé pour n’importe quel prétexte, leur propriétaire craignant d’être traîné devant les tribunaux parce qu’il n’aura pas pu entreprendre les travaux nécessaires. On voudrait favoriser la fraude que l’on ne s’y prendrait pas mieux – on n’y a d’ailleurs pas échappé. Et je ne parle pas du flou entourant la certification RGE (reconnu garant de l’environnement), ni des difficultés à obtenir les aides promises. De nombreuses personnes âgées sont ainsi spoliées : c’est un nid à contentieux et une usine à gaz.

Il y a là encore un paradoxe. À l’heure où l’état des finances publiques inquiète, et alors que l’on s’apprête à imposer davantage les Français, on les contraint à de nouvelles dépenses. On peut s’interroger sur le caractère impératif de travaux d’isolation et d’économies de chauffage dans un contexte de réchauffement global, alors que les hivers sont de plus en plus doux.

Le mieux étant l’ennemi du bien, il faut retrouver la raison : c’est l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui.

Mme Sandra Marsaud (EPR). Cette proposition de loi vise à revenir sur les engagements pris en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments, ceux que nous avons soutenus et contribué à mettre en place avec la loi « climat et résilience ». Adoptée en 2021, celle-ci fixe des échéances pour l’amélioration des logements les plus énergivores, en interdisant notamment la location des logements classés G à partir du 1er janvier 2025. Ces dispositions sont essentielles pour faire face à la crise climatique et aux défis énergétiques auxquels notre pays est confronté, et les arguments que vous utilisez vont à l’encontre de ceux que vous prétendez défendre.

Vous affirmez que votre proposition permettrait d’éviter le retrait de 600 000 logements du marché locatif le 1er janvier prochain, mais le constat que vous dressez s’appuie sur une réalité biaisée : seuls seraient concernés les logements dont le bail arrive à échéance, bien moins nombreux. Ce n’est pas la seule interprétation mensongère que vous faites. Votre constat ignore également les rénovations déjà effectuées et les modifications apportées aux critères du DPE par le précédent gouvernement. Il ignore tout autant les exemptions de travaux dont bénéficient certains logements du fait de leur situation architecturale ou patrimoniale.

Revenir sur les dispositions de la loi, ce serait revenir sur une mesure de justice sociale. Ce sont en effet les personnes les plus vulnérables qui subissent les contraintes des logements énergivores – celles dont vous souhaitez obtenir les votes – et qui en payent les conséquences sur leurs factures d’énergie. Les données ministérielles en la matière sont édifiantes : un logement classé G+ – la moins bonne note – peut engendrer plus de 4 300 euros de dépenses annuelles de chauffage, un montant insupportable pour de nombreux foyers. Or, pour toute réponse, vous proposez de supprimer le dispositif qui permettrait pourtant de les sortir de l’ornière.

Continuer à autoriser la location de passoires thermiques, ce serait aussi compromettre l’essor des chantiers de rénovation. Cette erreur mettrait un frein à l’activité de nombreux professionnels, tout en envoyant un mauvais signal aux propriétaires ayant déjà entrepris les démarches nécessaires pour mettre leur bien aux normes. Votre camp ne propose rien de concret pour favoriser les travaux de rénovation thermique, dont vous ne semblez pas convaincu des bienfaits. Le bâtiment représente pourtant 43 % de la consommation d’énergie et 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Depuis sept ans, nous nous sommes employés à mettre en place des aides. Les dispositifs comme MaPrimeRénov’ ou Mon Accompagnateur Rénov’, sont encore nouveaux et devront nécessairement évoluer. Des simplifications administratives du DPE ont d’ailleurs récemment été annoncées par le Premier ministre. S’agissant des copropriétés, où des blocages empêchent parfois les propriétaires de bonne foi de réaliser les travaux nécessaires, nous souhaitons que puisse être examinée la proposition de loi relative aux conditions de réalisation des travaux de rénovation énergétique des logements, qui avait été déposée avant la dissolution.

Votre proposition ne résout pas les difficultés liées aux travaux de rénovation, affaiblit nos engagements climatiques et, surtout, ne répond pas aux problèmes des Français. Pour toutes ces raisons, nous nous y opposons fermement.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Pour peser sur l’offre, un texte à l’ambition écologique et sociale sincère aurait prévu un dispositif protégeant les locataires du coût des charges, devenu indécent du fait de la spéculation des fournisseurs d’énergie et de l’augmentation du prix du kilowattheure.

Oui, 3 millions de logements sont vides, dont un grand nombre sont des taudis indécents et insalubres, impropres à toute habitation. Les autres sont des biens immobiliers détenus par des spéculateurs fonciers privés ou institutionnels, banques et sociétés d’assurance françaises ou étrangères. Oui, il y a bien 7 millions de passoires thermiques, tout aussi impropres à la location. D’après nos estimations, près de 25 millions de bâtiments nécessiteraient des travaux d’isolation thermique dans notre pays.

L’exposé des motifs du texte fait référence à une étude de l’université de Cambridge relative à la diminution des bénéfices de l’isolation thermique par l’extérieur deux ou quatre ans après les travaux. C’est un détournement malhonnête de cette étude, puisque lorsqu’il a été constaté une diminution de l’efficacité de l’isolation, c’est parce que ce sont des isolants comme le polystyrène expansé – dont les performances thermiques se dégradent dans le temps – qui avaient été utilisés.

La loi « climat et résilience » impose actuellement aux vendeurs d’un bien classé F ou G de faire réaliser un audit listant les travaux à réaliser pour améliorer cette note. Le coût de ces diagnostics – dont vous remettez en cause la précision, voire la sincérité – s’élève à 300 euros en moyenne, une somme dont vous avouerez qu’elle n’a rien de dissuasif. On peut d’ailleurs s’étonner que les propriétaires ne soient pas plus nombreux à commander un tel audit. Les travaux à réaliser sont aussi à la charge des propriétaires bailleurs, mais font déjà l’objet de dispositifs d’aide.

Cette loi, dont vous proposez la suppression de l’article 160, est certes loin d’être parfaite. Notre groupe lui aurait volontiers substitué un texte permettant que tous les travaux d’isolation des passoires thermiques puissent être financés par des prêts de l’État, garantis par un gage hypothécaire et remboursés à la première mutation du bien rénové. L’exigence d’un seuil minimal garantissant la décence d’un logement en matière de performance énergétique permet tout de même de protéger les locataires contre des loueurs parfois voyous qui profitent de la crise du logement pour louer des taudis non entretenus. Elle contribue aussi à diminuer les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments. La loi existante est donc un moindre mal, et nous demandons la suppression de l’article unique qui est nous est proposé aujourd’hui.

M. Inaki Echaniz (SOC). Depuis hier, Monsieur le rapporteur, nous avons bien compris que vous vous opposiez à toute mesure contribuant à la rénovation des logements et à l’amélioration de la qualité de vie des locataires et des propriétaires occupants. Vous vouez une telle détestation aux dispositifs existants que votre première proposition de loi, en tant que responsable de la question du logement au sein de votre groupe d’extrême droite, consiste à supprimer l’interdiction de louer les passoires thermiques – dans le but un peu naïf de juguler les effets de la crise du logement.

Au risque de vous décevoir, je vous annonce que la suppression de cette mesure ne résoudra pas la crise du logement. Celle-ci prend en effet sa source dans une politique de défiance gouvernementale qui affaiblit le secteur du logement ; elle découle aussi de l’augmentation des coûts de production et d’acquisition, sur lesquels vous n’avez pas souhaité revenir hier en votre qualité de rapporteur pour avis sur la mission Logement et urbanisme.

Le parc français de résidences principales comptait en 2023 près de 5 millions de passoires thermiques. Ces habitations en mauvais état, qui se détériorent rapidement, participent également de la crise du logement. Il faut davantage de logements, mais aussi des logements de meilleure qualité. Le groupe socialiste n’a cessé d’émettre des propositions en ce sens et déplore les conditions dégradées dans lesquelles est mise en application la réglementation issue de la loi « climat et résilience », du fait de l’insuffisance systématique des budgets et de modifications fréquentes des règles concernant MaPrimeRénov’.

Dès 2019, notre groupe a défendu l’instauration d’un grand dispositif de financement de la rénovation énergétique, sans reste à charge et avec un accompagnement renforcé. Nous avons également défendu chaque année des amendements visant à renforcer les crédits dédiés et à fixer des trajectoires de montée en charge ; ils ont toujours été rejetés par l’attelage gouvernemental actuel, avec le concours des voix du Rassemblement national. Il en va de même pour nos propositions visant à faciliter la réalisation des travaux de rénovation énergétique des logements sur le plan juridique, notamment en copropriété.

L’interdiction de la location des passoires thermiques a néanmoins permis d’envoyer un signal fort, au moment où les crises climatique, économique et diplomatique nous imposent d’investir dans la sobriété. La crise qui a débuté en 2021 a d’ailleurs souligné les faiblesses structurelles de la France en matière de souveraineté énergétique. Il faut donc réduire les besoins des bâtiments, en particulier du parc résidentiel. L’absence de rénovation de ce dernier a par ailleurs des effets sociaux et sanitaires préoccupants, désormais bien documentés. Vivre dans un logement trop froid, trop humide ou trop bruyant a de fortes répercussions sur la santé, l’insertion, les résultats scolaires ou encore la qualité de vie en famille.

Les mesures relatives au DPE ont permis de limiter certains abus liés à la qualité et au prix des logements, alors que la pression insensée sur l’offre encourage mécaniquement la location de biens en très mauvais état. Alors que le budget nécessaire pour se loger n’a jamais été aussi élevé, les locataires méritent que l’État leur offre un cadre réglementaire leur garantissant un accès à un logement décent et digne.

Le Rassemblement national, avant tout inquiet des contraintes imposées aux bailleurs, préfère aujourd’hui supprimer un problème plutôt que de le régler – alors qu’il a lui-même largement contribué à l’entretenir, en s’opposant aux mesures visant à financer les travaux de rénovation énergétique. Votre raisonnement est inconséquent et court-termiste. Lorsque nous examinions le projet de loi de finances hier, vous m’avez répondu que l’on pouvait faire beaucoup de choses en gérant mieux, sans toucher toutefois aux niches fiscales exorbitantes dont bénéficient les loueurs en Airbnb. Où sont vos propositions face à la crise du logement ? Vous avez une occasion unique aujourd’hui d’avancer des mesures permettant de répondre au manque d’offre. Alors que les Français attendent des solutions respectueuses, votre retour en arrière n’est pas très visionnaire.

Notre groupe ne votera pas ce texte et proposera la suppression de son article unique. Loin de vouloir régler véritablement la crise du logement, il ne s’inscrit en effet que dans une démarche populiste.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Cette proposition de loi porte une mesure d’urgence et n’a pas la prétention de résorber la crise du logement. L’outil utilisé, le DPE, pose question. J’espère que nous aurons l’occasion d’en parler.

M. Julien Dive (DR). Alors que le RN prétend répondre à la crise du logement, il est crucial de remettre son initiative en perspective. La présente proposition de loi vise à supprimer une règle qui est utile pour éviter aux locataires de vivre dans des logements énergivores. Le DPE est un outil indispensable pour lutter contre les passoires thermiques qui engendrent des coûts exorbitants. Le chauffage d’un logement classé G coûte plus de 2 250 euros par an, contre 750 à 1 150 euros pour un logement classé D. Un logement mal isolé, c’est aussi un environnement insalubre dans lequel le froid, l’humidité et les moisissures ont des conséquences directes sur la santé des occupants.

Encourager la rénovation énergétique n’est donc pas un luxe, mais une nécessité pour améliorer le confort et réduire les charges des ménages. Supprimer l’interdiction de louer des logements indécents revient à abandonner tout effort de rénovation des passoires thermiques. Peut-on vraiment tolérer que de nombreux Français continuent de vivre dans des conditions indignes, avec des factures énergétiques insoutenables ?

Rappelons que la crise du logement ne se résume pas aux exigences du DPE. Elle est amplifiée par plusieurs facteurs, notamment la hausse des taux d’intérêt et la difficulté d’accès aux prêts immobiliers. En 2023, le taux d’emprunt sur vingt ans a ainsi atteint 3,8 %, réduisant la capacité de financement d’un ménage moyen de 210 000 à 168 000 euros en l’espace d’un an seulement. Quant au marché de la construction, il est en recul, avec une chute de près de 30 % des mises en vente de logements neufs en 2023. Face à cette situation, le gouvernement Barnier a annoncé vouloir étendre le prêt à taux zéro : nous saluons cette décision car, contrairement à certaines initiatives purement démagogiques, elle s’attaque concrètement aux difficultés d’accès à la propriété.

Le groupe Droite républicaine reconnaît la nécessité d’assouplir certaines dispositions de la loi « climat et résilience » afin de donner plus de temps aux propriétaires pour entreprendre les travaux nécessaires ; nous défendons des mesures réalistes et progressives pour les accompagner. Nous restons toutefois fermement opposés à tout démantèlement du cadre réglementaire qui, sous prétexte de simplification, mettrait en péril l’efficacité énergétique du parc immobilier français. Nous voterons donc contre cette proposition de loi qui, loin de résoudre – fût-ce partiellement – la crise du logement, aggraverait la situation.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Je m’étonne que personne ne s’offusque des failles du DPE, alors que celui-ci est au fondement de la politique du Gouvernement : nous sommes favorables à la rénovation du parc ancien, mais nous regrettons l’utilisation d’un indicateur qui reste mauvais en dépit de quelques adaptations. Je m’étonne aussi que vous n’ayez pas déposé un amendement visant à revoir le calendrier de mise en application de la loi « climat et résilience ». Dans le contexte actuel de crise et de coupes budgétaires dans les dispositifs d’accompagnement, les objectifs de rénovation sont intenables. Il faut laisser du temps aux Français. Enfin, vous ne pouvez nier que le DPE a des conséquences néfastes sur le marché locatif et sur celui des transactions.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous savions déjà que l’extrême droite était climatosceptique, qu’elle avait un rapport contrarié à la réalité scientifique et qu’elle ne comprenait vraiment pas les enjeux environnementaux. Mais nous atteignons un point de non-retour. Votre anti-écologisme primaire ne parvient même plus à cacher votre imposture sociale. Vous prétendez en effet pouvoir juguler les effets de la crise du logement en mettant fin aux obligations de rénovation énergétique, que vous jugez économiquement et socialement insoutenables. Sérieusement ? Savez-vous ce qui est insoutenable économiquement et socialement, Monsieur Falcon ? C’est de choisir entre se chauffer et se nourrir, en hiver ! C’est de continuer à recevoir des factures de chauffage exorbitantes tout en vivant dans des conditions sanitaires indignes. Demandez donc ce qui est insoutenable aux plus de 3 millions de ménages qui vivent dans la précarité énergétique.

Pour justifier la remise en cause du calendrier d’interdiction de la location des passoires thermiques, vous affirmez que le concept de « décence énergétique » serait juridiquement « inconsistant ». Mais n’avez-vous pas honte ? Allez demander à toutes celles et ceux qui vivent dans une passoire énergétique ce qu’ils pensent de la décence de leurs factures d’énergie. En moyenne, les dépenses énergétiques des ménages s’élèvent à plus de 3 500 euros par an : cela ne vous paraît-il pas indécent ?

Avec cette proposition de loi, vous dévoilez davantage votre vrai visage : vous voulez sacrifier l’écologie et les classes populaires sur l’autel des intérêts financiers des plus fortunés. Vous prétendez défendre la cause des petits propriétaires, mais vous omettez de dire que 55 % des passoires thermiques sont détenues par des ménages dont le niveau de vie moyen les classe dans l’un des trois derniers déciles. En France, 3,5 % des ménages détiennent plus de la moitié des logements. Nous devons évidemment accompagner les propriétaires les plus modestes dans la réalisation des travaux. Mais où étiez-vous quand la gauche et les écologistes se sont battus pour cela à l’occasion des discussions budgétaires ces dernières années ? Nulle part ! Où étiez‑vous lorsque nous avons rendu les conclusions du rapport d’information transpartisan sur la rénovation énergétique des bâtiments en octobre 2023 ? Vous mentez aux Français ! Vous vous opposez systématiquement aux solutions qui visent à les aider et à lutter pour la préservation du climat. Vous êtes définitivement une plaie pour les générations futures, pour les plus vulnérables et pour notre planète. Le groupe écologiste votera résolument contre cette proposition de loi.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. N’avez-vous pas le sentiment que votre parti a fait assez de dégâts dans notre pays ? C’est un petit parti, mais ses idées ont infusé dans la majorité actuelle et dans les administrations. Votre vision de l’écologie a détruit des pans entiers de l’économie sous l’effet de normes absurdes, et vous vous attaquez maintenant au secteur du logement. Vos attaques sont indignes et ne sont pas au niveau de nos débats.

M. Mickaël Cosson (Dem). Le logement est à l’origine de 18 % des émissions de CO2 en France, ce qui n’est pas anodin. Lutter contre les passoires thermiques, c’est avant tout lutter contre la précarité énergétique : les dépenses liées à l’énergie ne cessent de croître dans le budget des ménages, et pèsent d’autant plus dans celui des plus modestes.

Le texte que vous nous proposez aujourd’hui conduirait à maintenir la population la plus fragile dans une situation de précarité, à renforcer l’immobilisme de l’État et à mener une politique de court terme, certes opportuniste mais électoraliste avant tout, au détriment d’une politique courageuse de long terme. J’aurais préféré que vous empruntiez d’autres chemins, tels que celui du viager rénovation, qui permet le remboursement des travaux au moment de la cession du bien. Vous auriez pu proposer aussi de faciliter l’accès au dispositif MaPrimRénov’ ou, tout simplement, de faire évoluer la loi relative à la rénovation de l’habitat dégradé.

Pour répondre à la crise du logement, vous proposez de revenir sur l’interdiction progressive des passoires thermiques. Or, cette crise a des causes multiples, et vous ne faites que jeter le discrédit sur le DPE, un instrument dont nous avons pourtant besoin pour fixer des objectifs. On évalue parfois ’à 600 000 le nombre de logements classés G qui auraient vocation à être retirés du marché locatif en 2025, mais ce chiffre dissimule plusieurs réalités. Tout d’abord, cette estimation date de début 2023. Entre-temps, des centaines de milliers de rénovations ont déjà été réalisées. En outre, les critères du DPE ont évolué en juillet 2024 pour les petites surfaces, celles qui obtenaient les moins bonnes notes : de nombreux logements ont ainsi vu leur note s’améliorer. Enfin, l’interdiction de louer les logements ne concerna que les renouvellements de bail, laissant du temps aux propriétaires pour améliorer l’efficacité énergétique de leur bien. Je me permettrai donc une question : à combien estimez-vous le nombre de logements qui seraient maintenus sur le marché au 1er janvier 2025 grâce à votre mesure ?

Quoi qu’il en soit, la question de l’efficacité de la mesure ne doit pas nous conduire à négliger un autre point essentiel. Les passoires thermiques pénalisent avant tout les ménages les plus précaires, car leur chauffage coûte une fortune. En encourageant les rénovations, on protège l’environnement tout en luttant contre la précarité énergétique.

Revenir sur les dispositions liées au DPE, ce serait enfin envoyer un très mauvais signal à ceux qui ont déjà fait l’effort de rénover leur bien comme à ceux qui l’ont vendu parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’engager les travaux. Il est important que l’État ne change pas les règles en permanence, surtout lorsque les changements sont aussi conséquents.

Ce n’est pas en reculant qu’on avancera. Votre texte n’est qu’une attaque contre un dispositif qui peut et doit sans doute être amélioré, certes, mais qui reste nécessaire. Travaillons à la refonte de MaPrimeRénov et à l’accompagnement des copropriétés en difficulté mais, de grâce, évitons les solutions simplistes. Le groupe démocrate s’opposera à ce texte.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. L’objectif de cette proposition de loi est de débureaucratiser les procédures et de mettre fin à la multiplication des normes. Nous aurions pu parler du ZAN, qui est aussi à l’origine de la crise logement. Aucun pays d’Europe ne va aussi loin que notre pays, qui aurait intérêt à desserrer les contraintes pour créer un choc d’offre. Tandis que nous fixons des objectifs très élevés en matière de normes, les financements publics de la rénovation énergétique diminuent. Nous proposons donc, pour répondre à l’urgence, de simplifier les contraintes.

M. Henri Alfandari (HOR). Le groupe Horizons ne renoncera à aucune des ambitions ni à aucun des objectifs du DPE. Nous ne voulons pas que des logements sortent du parc locatif en pleine crise du logement ; nous ne voulons pas que les délais inscrits dans la loi empêchent des bailleurs de satisfaire à leurs obligations. Mais nous ne voulons pas non plus envoyer un mauvais signal : la lutte contre la précarité énergétique et la réduction de nos émissions de gaz nécessite de soutenir les démarches de rénovation. C’est la raison pour laquelle notre groupe défend, dans le cadre du projet de loi de finances, le prêt à taux zéro sur le neuf et la rénovation.

Nous ne pouvons voter ce texte en l’état, mais nous proposerons, à l’occasion de son examen en séance, des solutions pour confirmer nos ambitions et objectifs tout en évitant les impasses.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Si vous déposez un amendement de révision du calendrier, nous en discuterons avec vous lors du passage du texte en séance.

M. David Taupiac (LIOT). L’interdiction de la location des passoires thermiques n’a pas vocation à punir les propriétaires, mais bien à garantir un confort minimum aux locataires, tout en luttant contre le dérèglement climatique. Ce sont bien souvent les plus précaires, les plus fragiles, qui vivent dans des logements mal isolés. Ce sont eux qui subissent le désagrément d’un logement inconfortable et les factures énergétiques exorbitantes, jusqu’à plusieurs centaines d’euros par mois ; interdire la location des passoires énergétiques est donc d’abord une mesure sociale.

La seconde ambition de cette mesure est environnementale. L’interdiction est un outil incitatif pour décarboner le secteur du logement et améliorer la qualité du bâti. J’entends les arguments du rapporteur : l’interdiction de louer des logements classés G serait responsable de l’aggravation de la crise du logement. Ce postulat est contestable. Il est vrai que certains propriétaires risquent de retirer leur bien du marché locatif. Mais d’autres, plus nombreux, ont réalisé les travaux nécessaires pour améliorer la performance énergétique du logement et le bien-être de leurs locataires. Lorsqu’ils ne sont pas en mesure de le faire, leur bien peut être revendu à un prix moins élevé – puisqu’il a perdu une partie de sa valeur sur le marché – à des primo-accédants, lesquels libèrent ainsi le logement qu’ils louaient jusqu’alors. À l’heure où le marché locatif est grippé, avec une offre en berne et une demande croissante, l’interdiction de louer des passoires thermiques pourrait être l’opportunité de fluidifier les parcours résidentiels.

En supprimant cette interdiction, le groupe Rassemblement national priverait la France d’un puissant outil de décarbonation du secteur du logement et d’amélioration de la qualité du bâti. Notons que nos collègues ne proposent aucune disposition alternative. Or, en l’absence d’incitation, les propriétaires de logements situés dans les zones tendues – où le simple accès à un logement relève du parcours du combattant – ne réaliseront jamais les travaux nécessaires.

Certains aménagements doivent néanmoins être apportés au dispositif, s’agissant notamment des copropriétés. Il n’est pas normal qu’un propriétaire de bonne foi soit empêché de louer son logement parce que l’engagement des travaux de la copropriété prend du retard, parce que celle-ci refuse de voter des travaux indispensables ou parce que le locataire s’oppose à la réalisation de travaux. Travaillons à l’aménagement de l’interdiction plutôt que de revenir sur une disposition qui, in fine, constitue une avancée pour les locataires.

Il est contradictoire que le rapporteur ait voulu hier supprimer l’Anah et qu’il se soit opposé au vote de certains crédits : il allait ainsi à l’encontre des intérêts des propriétaires qu’il souhaite aujourd’hui défendre. Peut-être est-ce l’essence du populisme ?

M. Frédéric Falcon, rapporteur. J’ai proposé hier de supprimer l’Anah, mais pas le dispositif MaPrimeRénov’ : les compétences de l’agence seraient transférées au ministère du logement, dans un souci d’économies.

Par ailleurs, il est faux d’affirmer que le DPE n’aurait pas d’impact sur les transactions ; il est prouvé que les banques rechignent à financer les logements notés F ou G. Il n’est donc pas toujours aussi simple que vous le dites, pour des primo-accédants, d’acquérir ces logements.

Enfin, nous ne sommes pas opposés à la rénovation du parc ancien, mais jugeons intenable le rythme qui est imposé. Trois quarts des Français sont favorables à la révision du calendrier. Laissons-leur de la liberté, plutôt que de maintenir une coercition qui, dans le contexte actuel, est excessive.

M. Stéphane Peu (GDR). Cette proposition de loi est, pour notre groupe, l’exemple même du texte simpliste qui tire prétexte des insuffisances d’une loi pour la supprimer plutôt que de chercher à l’améliorer.

Vous nous proposez de supprimer purement et simplement l’article 160 de la loi « climat et résilience », qui modifie les obligations pesant sur les bailleurs en objectivant, avec le DPE, les critères de performance énergétique et de décence des logements. Le calendrier fixé par la loi détermine que les logements de classe G ne seront plus considérés comme décents à compter du 1er janvier 2015 et ceux de classe F à compter du 1er janvier 2028. Pour justifier la suppression de ces dispositions, vous arguez de la nécessité d’éviter la sortie du marché, à brève échéance, des logements classés G ; vous soulignez aussi les lourdes contraintes techniques et économiques qui pèsent sur les bailleurs modestes.

Vous auriez pu nous proposer le report de la date butoir du 1er janvier 2025, ou bien des mesures de financement – par exemple des exonérations temporaires de taxe foncière pour les propriétaires bailleurs rénovant leur logement, des subventions ou des prêts à taux zéro, un système d’avances remboursables avec un reste à charge nul pour les propriétaires modestes, ou encore un assouplissement des règles de majorité dans les copropriétés pour faciliter le vote des travaux de rénovation énergétique. Les pistes de réflexion et d’action ne manquent pas.

Mais le texte que vous nous soumettez ne propose rien, sinon de récuser les enjeux et les défis climatiques qui sont devant nous. Les premières victimes de son adoption seraient les centaines de milliers de ménages locataires qui doivent assumer des factures énergétiques toujours plus élevées, tout en souffrant du froid ou de la chaleur excessive. Aujourd’hui en France, 3,8 millions de ménages souffrent de précarité énergétique, leur taux d’effort étant supérieur à 10 % de leurs revenus, tandis que 3,5 millions déclarent souffrir du froid dans leur logement. S’ils ne résument pas nos arguments, ces chiffres constituent, à eux seuls, une raison suffisante pour nous de rejeter ce texte.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Cette proposition de loi ne comporte qu’une mesure d’urgence : j’aurais aimé, monsieur Peu, faire davantage pour accompagner les bailleurs, mais vous connaissez comme moi les contraintes des niches parlementaires.

Elle ne remet pas en cause la non-indexation des loyers sur l’IRL pour les logements classés F et G, bien que ce dispositif soit coercitif et entraîne, que le locataire soit en place ou nouveau, un manque à gagner pour les bailleurs qui sont empêchés d’augmenter les loyers pendant plusieurs années.

Je regrette que tous les groupes – sauf le mien, bien sûr – aient occulté le sujet central mais tabou du DPE qui, bien qu’il ne soit pas fiable, fonde les dispositifs d’accompagnement et la politique du logement et a de graves répercussions sur la valeur vénale et locative des logements, portant ainsi atteinte au droit de propriété.

La France est le pays qui va le plus loin dans cette direction, notamment par rapport aux pays du Nord de l’Europe – que le groupe écologiste prend souvent en exemple – et à l’Allemagne, alors que nous sommes en situation délicate du point de vue tant de nos finances publiques que du pouvoir d’achat de nos citoyens. Nous n’avons plus les moyens de suivre le rythme des normes de la rénovation énergétique dans l’ancien, ni d’ailleurs dans le neuf où le calendrier de la réglementation environnementale RE2020 est très contraint, sans même parler de cette usine à gaz qu’est le ZAN.

Les normes coûtent cher : une étude de l’université de Columbia montre que la bureaucratie fait perdre plusieurs points de PIB. La crise budgétaire et économique est donc l’occasion de revoir un certain nombre de contraintes.

Nous ne sommes pas opposés à la transition écologique. M’avoir accusé d’être climatosceptique est honteux, Madame Laernoes : il n’a jamais été question de remettre en cause le changement climatique ! La France a l’économie la plus décarbonée d’Europe, si ce n’est du monde. Le logement ne représente pas 18 % (ce chiffre concerne l’ensemble du bâtiment), mais 12 % des émissions de CO2 de notre pays, soit une part infime des émissions mondiales. Les Français n’ont donc pas à supporter seuls les efforts que refusent de s’imposer les pays d’Amérique du nord, d’Asie ou les pays en voie de développement.

On ne pourra jamais aligner le parc ancien sur les normes du neuf, alors que fera-t-on de ces millions de logements qui, en dépit de travaux de rénovation énergétique, demeureront indécents et impossibles à louer car toujours classé F ou G ? Le législateur n’a pas répondu à cette question, alors qu’il faudra bien occuper ces logements et les chauffer.

Chers collègues, vous avez raison, il faut sortir de la précarité énergétique, mais quel gouvernement a augmenté comme jamais les prix de l’électricité – de 70 % en dix ans – et du gaz ? Pour notre part, nous proposons de sortir du marché européen de l’énergie afin de les faire baisser.

Je le redis, cette PPL d’urgence participe de la débureaucratisation de la politique du logement que nous entendons mener. Nous voulons remettre un peu de liberté dans le marché locatif, pour lequel les contraintes environnementales et juridiques sont telles que les bailleurs n’ont plus envie de louer certains logements. Je l’ai dit, selon une étude de Mediapart, qui n’est pas vraiment une succursale du RN, à Paris l’offre locative a diminué de 75 % en trois ans.

Il faut donc d’abord travailler sur l’offre, et c’est seulement quand elle aura atteint un niveau suffisant que l’on pourra chercher à élever le niveau de confort du parc existant, tout en étant conscient qu’on n’atteindra jamais le niveau qu’impose la réglementation.

Cette proposition de loi ne prétend pas à elle seule résoudre toutes les facultés et sortir de la crise du logement ; elle vise à revenir à un principe de réalité. Vous, vous faites semblant de ne pas voir qu’on va dans le mur ; croyez que les Français sauront vous le faire comprendre.

J’espère n’avoir offensé aucun de mes contradicteurs en répondant courtoisement à leurs attaques.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Boris Tavernier (EcoS). Des pulls et un kleenex pour se moucher, voilà ce que vous proposez pour les mal-logés ! Crever de froid en hiver, mourir de chaud en été – mais de quoi se plaindraient-ils, au moins ils auront un toit et tant pis s’ils passent l’essentiel de leurs revenus en loyer et en chauffage, tant pis s’ils tombent plus souvent malades à cause de leur passoire thermique.

Votre proposition de loi marque, au mieux, le néant de vos réflexions en matière d’accès au logement ; au pire, votre mépris social.

L’exécution du DPE n’est pas parfaite, mais il existe d’autres moyens pour améliorer l’accès au logement que de remettre sur le marché des logements inadaptés : soutenir et développer le logement social, encadrer les loyers, des mesures sur lesquelles vous êtes bien silencieux.

Avec cette PPL, vous choisissez votre camp, celui des oisifs, de ceux qui s’enrichissent sans travailler, par le patrimoine. Vous ne défendez pas les locataires, ceux qui consacrent au logement plus du tiers de leurs revenus, vous ne défendez pas les mal-logés mais les multi‑propriétaires millionnaires : chez moi à Lyon, 56 % des logements mis en location appartiennent à des ménages qui possèdent cinq logements ou plus.

Vous battez-vous contre les passoires thermiques, ou contre les locataires ?

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Je viens du monde de l’immobilier, cela m’est souvent reproché, mais au moins je sais de quoi je parle. Ces dix dernières années, la multiplication des contraintes a provoqué un transfert de la propriété et un changement de modèle. Ainsi, des petits propriétaires-bailleurs, qui pratiquaient des loyers corrects et entretenaient des relations de confiance « à l’ancienne » avec leurs locataires, ont vendu à des marchands de bien, à des financiers, à des gros opérateurs sans foi ni loi, qui n’ont que la rentabilité pour objectif. 

Je n’oppose pas le logement social et le logement privé : je pense que les deux sont complémentaires. L’essentiel est de créer de l’offre, car c’est ainsi que naîtront une émulation et une amélioration du confort pour les locataires.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons à l’examen de l’article unique.

Article unique : [art. 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets] Abrogation des restrictions introduites par la loi du 22 août 2021 pour la location des logements de performance énergétique classée insuffisante

 

Amendements de suppression CE1 de Mme Julie Laernoes, CE2 de M. Inaki Echaniz et CE3 de M. Jean-François Coulomme

Mme Julie Laernoes (EcoS). Sans surprise, le groupe Écologiste et Social demande la suppression de l’article unique de cette proposition de loi totalement dogmatique et irresponsable. L’extrême droite prétend que les obligations de rénovation énergétique vont à l’encontre des plus modestes, mais sans apporter la démonstration de cette stupidité.

Selon le Commissariat général au développement durable, le gain moyen annuel d’une rénovation pour la société s’élève à 7 500 euros : 400 euros de réduction des frais de soins, 1 400 euros d’amélioration du bien-être et 5 700 euros de réduction du risque de mortalité. Si l’extrême droite juge acceptable que des familles, des personnes âgées ou des jeunes vivent dans des logements dangereux pour leur santé, ce n’est pas notre cas.

Et je ne parle pas des enjeux climatiques, ni des émissions de gaz à effet de serre, car vous vous en moquez éperdument. En 2022, selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique – c’est-à-dire un organisme français et non étranger –, les travaux ayant bénéficié de MaPrimeRénov’ ont permis une réduction des émissions équivalente à 1,56 million de tonnes de CO2.

M. Inaki Echaniz (SOC). Il y avait d’autres solutions que celle, populiste, consistant à supprimer purement et définitivement le DPE, qui vise à protéger la santé des locataires et des propriétaires et à réduire l’impact du bâti sur le climat. Il était possible d’envisager des adaptations, voire de voter les crédits destinés à accélérer le rythme des travaux de rénovation, ou encore ceux favorables au logement social et à la cohésion des territoires. Vous pouviez aussi soutenir la baisse de la fiscalité s’appliquant aux propriétaires bailleurs, afin de leur permettre d’investir dans la rénovation de leur bien. À la place, le texte mélange une austérité budgétaire digne de Bruno Le Maire et un néopopulisme s’attaquant toujours aux mêmes choses : l’environnement et la santé des Françaises et des Français.

M. René Pilato (LFI-NFP). Faisons la liste : le RN a voté contre la revalorisation des aides personnalisées au logement (APL), contre la production de logements publics et de logements étudiants, contre le plan relatif aux punaises de lit, contre la garantie universelle des loyers, contre le fonds pour la rénovation thermique, contre les mesures relatives aux logements indignes.

Il est d’ailleurs bien question de dignité. Vous voulez que les propriétaires de passoires thermiques et de logements insalubres, qui sont parfois de véritables marchands de sommeil, puissent continuer de louer leur logement au prix de la santé des gens, qui vous laisse totalement indifférents. Vous présentez la proposition de loi comme une manière de lutter contre la crise du logement, mais vous ne cherchez qu’à protéger les propriétaires. Vous êtes une arnaque sociale, raison pour laquelle vous soutenons ces amendements de suppression.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Je suis évidemment défavorable à ces amendements de suppression.

La gauche préférerait d’autres mesures que celle-ci, mais elle n’en a proposé aucune ces derniers mois. Nous sommes les premiers à jeter un pavé dans la mare et à alerter sur les contraintes imposées par le DPE. Si tout indique que cette proposition de loi ne sera pas adoptée, peut-être permettra-t-elle de faire prendre conscience à la classe politique, qui a instauré ce dispositif avec la loi « climat et résilience », qu’il ne fonctionne pas.

Dès lors que fait-on ? Estimez-vous vraiment que les normes et le rythme de rénovation imposés au parc ancien sont efficaces ? Allez donc à la rencontre des professionnels de l’immobilier et des différentes fédérations du secteur. Ils vont expliqueront que les contraintes créent un bazar incroyable, notamment sur le marché locatif, avec des conséquences graves pour les étudiants et les salariés, qui sont de plus en plus nombreux à renoncer à leurs études ou à un emploi, faute d’une offre suffisante de logements dans les métropoles.

Vous partez du principe que nous ne pouvons que gérer la pénurie de logements ; en ce qui nous concerne, nous voulons susciter un choc d’offre. Si cela nécessite de revenir sur certaines normes instaurées en 2021, nous le ferons avec courage. Je ne crois pas qu’avant cette date, la France était un pays du tiers-monde, doté d’un parc locatif absolument honteux.

Certes, la question de la salubrité des logements doit être traitée. Nous sommes d’ailleurs favorables au permis de louer, dispositif qu’il faut encourager et étendre à de nouvelles communes. Cependant, je répète que les contraintes énergétiques introduites par la loi « climat et résilience » ne sont pas soutenables. Si vous ne voulez pas l’entendre, les Français vont le feront comprendre dans les mois qui viennent.

M. Lionel Tivoli (RN). Quand ils ont tort, les écologistes se contredisent pour avoir raison ! Vous soutenez à la fois la loi SRU, qui impose des constructions massives et incontrôlées, et le zéro artificialisation nette.

Vous nous reprochez d’être climatosceptiques ; quant à vous, vous êtes « proprio-sceptiques » ! Vous cherchez à vider de sa substance un texte d’urgence qui vise à éviter de retirer 600 000 logements du marché locatif. Comme si les habitations classées G étaient indécentes ! Par l’accumulation de normes, vous découragez les bailleurs de louer, organisant méticuleusement la pénurie de logements.

Le DPE, c’est la bonne conscience du marché immobilier. Il donne de bons et de mauvais points, accorde la possibilité, ou non, de louer, alors que, pendant ce temps, nos concitoyens n’arrivent plus à se loger et sont à la rue. Et je ne reviens pas sur le manque de fiabilité du dispositif, un même logement pouvant recevoir une note différente suivant les diagnostiqueurs.

Vous prétendez vouloir restaurer la confiance des ménages dans les outils de la transition énergétique, alors que vous soutenez toujours plus de normes et ne faites qu’empêcher les Français. Ils en ont marre ! Par dogmatisme, vous précipitez la crise du logement.

M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Personne ne conteste la nécessité d’un plan Marshall pour le logement, mais comme vous avez ruiné la France, qui va payer ?

Vous confondez l’insalubrité véritable, contre laquelle il existe tout un arsenal juridique permettant, entre autres, aux locataires de saisir le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), et la classe G, c’est-à-dire le système juridique qui organise le déclassement des logements. Nous ne vous proposons pas un texte visant à autoriser la location de logements insalubres : nous expliquons que tous les logements décents et parfaitement habitables doivent être conservés sur le marché, nonobstant la réglementation en vigueur.

De surcroît, vous êtes en train d’allumer une bombe judiciaire. Tous les locataires de logements classés G ne vont pas partir de chez eux avec leur baluchon le 31 décembre ! Ils vont se retourner contre leurs bailleurs et saisir des juridictions déjà débordées.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Chers collègues du Rassemblement national, vous ignorez peut-être que 134 000 logements classés G + sont déjà interdits à la location depuis le 1er janvier 2023, en vertu de l’article 17 de la loi « énergie-climat » de 2019 – un texte qui, par ailleurs, accorde dix ans aux propriétaires des logements classés F ou G pour effectuer des travaux. Ce n’est pas en repoussant les échéances que nous progresserons en matière de rénovation thermique.

Je rappelle d’ailleurs que la réglementation française a été introduite tardivement, en raison de l’abondance de l’énergie nucléaire dans notre pays. À cet égard, notre pic de consommation électrique, l’hiver, est dû pour moitié à notre consommation de chauffage. Et si vous aimez les comparaisons européennes, sachez que les logements français consomment 2,5 fois plus d’électricité – qui, certes, nous coûte moins cher – que les habitations suédoises.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je tiens à souligner le manque de colonne vertébrale du RN sur la question du logement. Alors que le rapporteur s’est dit favorable au permis de louer, M. Tivoli a estimé, quelques secondes plus tard, qu’il ne nous revenait pas d’accorder, ou non, un droit de louer. Commencez donc par vous mettre d’accord entre vous avant de faire du populisme et de nous faire perdre notre temps !

M. Alexandre Loubet (RN). Derrière vos belles incantations écologiques, collègues du NFP, pensez-vous aux gens qui peinent à se loger et qui auront froid dans la rue quand vous les aurez privés de près de 600 000 logements le 1er janvier prochain ? Pensez-vous aux gens qui économisent parfois toute leur vie pour se doter d’un petit logement à louer et qui, en toute bonne foi, sont prêts à faire des efforts financiers pour le rénover énergétiquement ? Plutôt que de suivre une logique d’écologie punitive, accompagnons la rénovation des bâtiments et évitons une pénurie de logements. Soutenez cette proposition de loi.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Depuis 2017, voire avant, nous assistons à une attaque en règle contre les petits propriétaires, qui ont de plus en plus de mal à le rester face à l’augmentation des charges – la taxe foncière a augmenté pour compenser la suppression de la taxe d’habitation –, du coût de l’énergie et des travaux d’amélioration, ainsi que des contraintes réglementaires. Sur le marché, une maison classée G pâtit d’une décote de 20 à 30 % par rapport à une maison bien classée. Ce n’est pas neutre pour les Français, qui essaient de se constituer un patrimoine tout au long de leur vie et pour les bailleurs qui, de bonne foi, car j’en ai rencontré beaucoup dans ma circonscription, s’efforcent de suivre le rythme intenable des obligations.

À cela s’ajoute, comme mon collègue vient de l’évoquer, l’accumulation à venir des contentieux, en raison du manque de fiabilité de l’outil sur lequel est fondé toute cette politique. Comment les juges apprécieront-ils la fiabilité du DPE ? Les diagnostiqueurs vont s’écharper sur la qualité de leur évaluation. De nombreux locataires vont se retourner contre leur bailleur s’ils estiment que leur diagnostic n’est pas exact.

Remettons donc de l’ordre, mettons le calendrier sur pause et élaborons un outil plus fiable. Ensuite, quand nos finances publiques et le pouvoir d’achat des Français seront dans une meilleure situation, nous pourrons imposer de nouvelles contraintes conformes à ce que vous souhaitez.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article unique est supprimé.

 

 

Après l’article unique

 

Amendement CE4 de M. Frédéric Falcon

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Il vise à supprimer l’obligation de réaliser un audit énergétique pour la mise en vente d’un logement classé F ou G – et demain d’un logement classé E –, car le coût d’une telle évaluation, entre 700 et 1 500 euros, n’est absolument pas justifié. Dans une logique de simplification, il faut mettre fin à cette exigence, d’autant que les acquéreurs potentiels sont libres d’obtenir des devis pour anticiper le montant des travaux de rénovation qui seraient nécessaires.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il est tout de même incroyable qu’après la suppression de l’article unique, vous vous entêtiez à vouloir détricoter des règles protectrices qu’il conviendrait plutôt de renforcer. En l’espèce, vous proposez de casser le thermomètre !

Contrairement à ce que vous dites, un DPE ne coûte pas 700 euros, mais plutôt 300 ou 350 euros. Il est réalisé par des professionnels qui, quoi que vous pensiez d’eux, disposent d’agréments et sont à même d’évaluer, à la différence des particuliers, la structure d’une maison, qu’il s’agisse des murs, du plafond, ou encore des combles. Ce n’est pas aux acquéreurs de déterminer le montant des travaux nécessaires pour vivre dans un logement décent. Casser cet indicateur mettrait les gens dans l’obscurité.

M. Frédéric Falcon, rapporteur. L’amendement ne porte pas sur le DPE, mais sur l’audit énergétique – document qui chiffre précisément le montant des travaux à réaliser pour atteindre une classe énergétique jugée acceptable, dont la réalisation est bien plus coûteuse que celle d’un simple DPE. Comme nous estimons que cette classification n’est pas fiable, nous proposons de supprimer le caractère obligatoire de cet audit.

La commission rejette l’amendement.

 

L’article unique ayant été supprimé, l’ensemble de la proposition de la loi est ainsi rejeté.

 

M. Frédéric Falcon, rapporteur. Même si nous sommes en désaccord, je remercie chacun pour ces échanges. En l’état, cette proposition de loi ne peut être adoptée par l’Assemblée nationale. Lors de son examen en séance, nous proposerons des amendements visant à revoir le calendrier d’entrée en vigueur des mesures de la loi « climat et résilience ».

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 9 h 30

Présents. – M. Xavier Albertini, M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. Romain Daubié, M. Julien Dive, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, Mme Sylvie Ferrer, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, Mme Mathilde Hignet, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Laurent Lhardit, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, Mme Sandrine Nosbé, M. Stéphane Peu, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Joseph Rivière, M. Vincent Rolland, Mme Valérie Rossi, M. Boris Tavernier, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber

Excusés. – Mme Delphine Batho, M. André Chassaigne, Mme Christine Engrand, M. Harold Huwart, Mme Hélène Laporte, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet

Assistaient également à la réunion. – Mme Lisa Belluco, M. Mickaël Cosson, M. Jean‑François Coulomme, M. Alain David, M. Frédéric-Pierre Vos, M. Jean-Luc Warsmann