Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques              2

 Informations relatives à la commission...................24

 


Mardi 19 novembre 2024

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 23

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


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La commission des affaires économiques a auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous accueillons cet après-midi Madame Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, pour évoquer sa feuille de route ministérielle, ainsi que la situation énergétique de notre pays et les perspectives budgétaires pour l’an prochain.

S’agissant du projet de loi de finances pour 2025, dont nous ne pourrons pas examiner en séance la seconde partie, la commission des affaires économiques a constaté plusieurs évolutions qui ont paru inquiétantes à nombre d’entre nous et que nous nous sommes efforcés de corriger en partie. Nous avons notamment noté une baisse de plus de 35 % des aides à l’acquisition de véhicules propres, dont les constructeurs automobiles français disent pourtant avoir absolument besoin pour démocratiser l’accès à ces véhicules et pour faire face à la concurrence, notamment celle des constructeurs chinois.

Nous nous sommes aussi inquiétés de l’effet de la baisse de plus d’un tiers des crédits de l’Agence de la transition écologique (Ademe), qui risque de se traduire par une réduction des moyens accordés au fonds Chaleur, pourtant essentiel pour soutenir les projets de production de chaleur d’origine renouvelable des collectivités territoriales ou des entreprises.

Un vote a réuni la majorité des députés de notre commission contre la baisse prévue des crédits du fonds Vert.

Je souhaite aussi aborder avec vous la question de l’accès des ménages et des entreprises à une énergie à prix abordable. C’est d’ailleurs ainsi qu’une majorité des députés de notre commission ont voté contre les baisses du budget destiné au chèque énergie.

Il me semble impératif de chercher des moyens efficaces pour réduire la précarité énergétique dans laquelle se trouvent un trop grand nombre de nos concitoyens – douze millions de personnes qui ont du mal à boucler leurs fins de mois et à faire face à des factures d’énergie devenues trop lourdes.

Par ailleurs, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi « Énergie-climat », prévoyait qu’une loi de programmation pour l’énergie et le climat soit adoptée avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans. Pouvez-vous nous présenter le processus que vous avez retenu et qui semble, pour l’instant du moins, écarter l’intervention du Parlement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques. La lutte contre l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique sont les défis du siècle, y compris pour notre économie, puisque 80 % de nos emplois dépendent de notre capital naturel. Nous n’avons pas d’autre choix que d’agir. Les scientifiques démontrent, rapport après rapport, que si nous n’agissons pas, les effets du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité seront bien plus douloureux et bien plus coûteux – je le rappelle pour ceux qui sont soucieux des finances publiques – que les efforts que nous devons consentir aujourd’hui.

Regardons la réalité des chiffres : entre 2011 et 2020, le climat mondial s’est déjà réchauffé de 1,1 °C par rapport au niveau préindustriel – je choisis à dessein une période longue, ce qui évitera d’entendre dire que certains effets seraient mal pris en compte. Au cours des cinquante dernières années, la taille moyenne des populations d’animaux sauvages a diminué de l’ordre de 70 %, chiffre à peu près identique depuis les années soixante-dix pour les vertébrés. Voilà l’ampleur de l’urgence à laquelle nous sommes confrontés et de la course contre la montre écologique. Il est urgent d’agir – et c’est ce que nous faisons.

Nous ne sommes cependant pas les seuls à le faire dans le monde. L’Union européenne est en mouvement, la Chine avance très vite et certaines autres régions aussi. Gardons-nous donc de la présomption et de l’arrogance. J’ajoute que la guerre économique est l’un des enjeux sous-jacents de la transition écologique – je tiens à le souligner devant votre commission des affaires économiques, où mon propos n’aura pas nécessairement le même éclairage que devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui m’a également auditionnée voilà quelques semaines.

Dès ma prise de poste et dans le prolongement de ce qu’avait annoncé le Premier ministre Michel Barnier dans sa déclaration de politique générale, nous avons souhaité finir le travail entamé par les précédents gouvernements en matière de planification écologique. Cette planification est essentielle, car, pour réussir notre transition écologique, il faut réunir différents facteurs, au premier rang desquels la visibilité à donner à notre stratégie. La planification suppose des plans par secteur, qui permettent aux entreprises, aux collectivités, aux citoyens et aux associations de savoir où nous allons afin qu’ils puissent, eux aussi, planifier leurs investissements, leur transformation et leur transition.

Nous devons mobiliser et concentrer l’argent public, mais aussi privé, comme jamais depuis des décennies. Il va falloir faire rimer des objectifs présentés trop longtemps comme contradictoires : transition écologique doit rimer avec réindustrialisation et souveraineté – c’est, en tout cas, ma feuille de route.

La planification produit aussi des effets : l’année dernière, nos émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 5,8 % et, depuis 2017, nous avons non seulement rattrapé le retard de nos prédécesseurs en la matière, mais également tenu nos propres engagements.

Cette planification repose sur deux piliers. Le premier est la baisse des émissions de gaz à effet de serre, avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – textes que beaucoup d’entre vous connaissent, pour avoir contribué à leur élaboration – et, d’autre part, le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc).

Ce plan contient cinquante et une mesures pour préparer notre pays à une hausse de température de 4 °C d’ici la fin du siècle, en adaptant nos conditions d’études et de travail, ainsi que les établissements de santé, aux canicules, et en adaptant nos villes à tout type de risque, comme les submersions marines, les inondations ou encore les fortes précipitations. Il se fonde sur une trajectoire de réchauffement de référence de 4 °C, nouveauté importante qui vise à servir de standard pour les actions d’adaptation menées dans notre pays. En effet, la France se réchauffe plus vite que le reste de la planète – c’est une donnée objective : selon les experts, au vu de la somme des actions aujourd’hui déclarées par les États, le réchauffement s’établit à 2,7 °C pour l’ensemble de la planète et à 4 °C pour la France. Nous tenons donc compte, pour définir notre action, de nos efforts d’atténuation et de convergence vers la neutralité carbone en 2050, en y intégrant cette trajectoire de réchauffement climatique en France.

Je rappelle qu’un euro investi dans l’adaptation se traduira par sept à huit euros de dommages évités demain. Ces chiffres, construits à partir de la réalité des dommages passés, permettent d’imaginer que l’efficience des investissements climatiques sera appelée à augmenter.

La stratégie nationale bas carbone et la PPE doivent permettre à notre pays de tenir de grands objectifs. Le premier est la neutralité carbone en 2050, qui suppose d’accroître la baisse brute des émissions de gaz à effet de serre pour la porter à – 50 % à l’horizon 2030. Cette diminution est la déclinaison immédiate de l’objectif de diminution nette de 55 % adopté par l’Union européenne – l’objectif est, en effet, décliné différemment selon les pays.

Le deuxième élément est la sortie de notre dépendance à l’égard des énergies fossiles d’ici à la moitié du siècle. La programmation pluriannuelle de l’énergie détaille de manière opérationnelle la transformation profonde de nos modes de production et de consommation d’énergie pour les dix ans à venir ; elle donne aussi une perspective à l’horizon 2050 et s’inscrit dans le prolongement du travail considérable réalisé par Réseau de transport d’électricité (RTE) sur les futurs énergétiques, qui simule les différentes évolutions possibles de notre système électrique et a déjà démontré le caractère factice de l’opposition entre énergie nucléaire et renouvelables. L’enjeu est le passage d’une consommation totale d’énergie fondée à 60 % environ sur les énergies fossiles à une consommation fondée autant que possible sur des énergies décarbonées, nucléaire ou renouvelables, avec un objectif de 60 % d’énergies décarbonées dès 2030. L’inversion des proportions sera donc l’ambition de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie à horizon 2030.

Notre stratégie énergétique s’appuie sur quatre piliers. Le premier est la sobriété énergétique, c’est-à-dire le changement des comportements et la juste utilisation des ressources, en supprimant le superflu.

Le deuxième est l’efficacité énergétique, avec la décarbonation des usages du quotidien, qui passe notamment par la rénovation des logements et l’électrification des usages.

Le troisième est l’accélération du développement des énergies renouvelables, électriques comme non électriques. Nous avons en effet, en France, un tropisme très fort vers l’électrique, qui ne représente toutefois qu’un tiers à peine de notre consommation énergétique : il faut donc penser aux deux tiers restants, qui sont les plus carbonés. Nos objectifs en matière de production sont ambitieux : 45 gigawatts (GW) à l’horizon 2050 pour l’éolien en mer (dont 18 GW d’ici 2035), multiplication par six de la capacité photovoltaïque installée d’ici 2035, réinvestissement dans l’hydroélectricité – je salue à cet égard le travail mené par les députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel – et doublement de la consommation de chaleur renouvelable et de récupération d’ici 2035.

Le quatrième pilier est celui de la relance du secteur nucléaire, avec notamment l’augmentation, d’ici 2030, de notre production nucléaire pour atteindre un objectif de 360 térawattheures (TWh) inscrit dans la PPE et de 400 TWh donné à EDF, la poursuite du fonctionnement des réacteurs électronucléaires après cinquante, puis soixante ans – tant que les exigences de sûreté sont respectées, bien entendu –, le programme de construction de six réacteurs de type EPR2, piloté par EDF, notamment à Penly, à Gravelines et dans le Bugey. Huit réacteurs supplémentaires sont à l’étude : EDF conduit une analyse industrielle et énergétique et nous donnera son orientation en 2026. La relance du secteur nucléaire passe, enfin, par la poursuite de la stratégie de retraitement et de valorisation du combustible nucléaire, en prévoyant notamment le renouvellement des usines de l’aval du cycle du combustible et la sécurisation de l’amont.

Pour soutenir la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles, il faudra aussi envoyer des signaux de prix et de marché cohérents. L’objectif est évidemment que notre action permette que les solutions décarbonées soient plus compétitives que les solutions carbonées : il faut donc commencer par une fiscalité qui aille dans ce sens ; cela suppose notamment de nous attaquer à l’épineuse question des « niches brunes ».

C’est là une parfaite transition pour évoquer avec vous la question du budget du ministère pour 2025, dans lequel nous touchons, en effet, à ces niches brunes, avec l’augmentation du malus automobile, la suppression du taux réduit de TVA à 5,5 % sur l’installation de chaudières à énergie fossile (la réparation restant, quant à elle, au taux réduit) et l’augmentation de la fiscalité sur les billets d’avion à hauteur de 1 milliard d’euros (Md€), mesure soutenue depuis longtemps par nombre d’entre vous.

Je prends note de l’adoption, par la commission des finances du Sénat et après la position exprimée par l’ensemble des groupes de votre assemblée, de la suppression de la hausse de la taxe sur l’électricité au-delà de son niveau d’avant-crise, ainsi que du rehaussement proposé au Sénat, en commission, de la fiscalité applicable au gaz.

J’attends, en outre, le rapport des Inspections sur les subventions nocives pour l’environnement, qui permettra de poursuivre cette analyse des niches brunes et sera aussi une manière de retrouver des financements pour soutenir une ambition écologique.

Dans ce budget, comme tous les autres ministres, je fais des efforts. Comme l’a très bien dit aujourd’hui encore le Premier ministre, durant la séance de questions au Gouvernement, payer plus d’intérêts à nos prêteurs n’est pas un bon usage de l’argent public. Il faut rétablir la confiance et nous assurer que notre taux d’intérêt ne progresse pas, car ce serait autant d’argent en moins pour les politiques publiques.

Dans le détail et par comparaison avec la prévision de consommation pour 2024 – ce qui me semble être la meilleure approche, en raison des gels et annulations de crédits très importants intervenus en 2024, qui ne rendent pas le budget très lisible en première analyse – le soutien aux énergies renouvelables retrouve son niveau d’avant-crise, avec une hausse de 4,6 Md€, compte tenu de la baisse importante du prix de la fourniture d’électricité.

Deuxième élément : l’enveloppe consacrée à MaPrimeRénov’ est en ligne avec l’exécution de 2023 et en hausse par rapport à la prévision d’exécution pour 2024, dans un ordre de grandeur qui pourrait être de 30 %. Le fonds Barnier augmente également de 30 %, avec les 75 millions d’euros (M€) présentés par un amendement gouvernemental qui a été annoncé à l’Assemblée nationale et qui sera présenté au Sénat. À l’inverse, le fonds d’intervention de l’Ademe, dont le fonds Chaleur et le fonds Économie circulaire, recule de 34 % et les crédits destinés à l’électrification des véhicules de 66 %, ce qui repositionne ces enveloppes plutôt sur des niveaux d’avant la crise énergétique et la crise de la covid. Enfin, le fonds Vert, créé en 2023 et sur lequel nous n’avons donc pas beaucoup de recul, s’établit à 1 Md€, soit un retrait de 60 % par rapport à l’année 2024.

Si je me suis principalement cantonnée aux sujets qui intéressent votre commission, en particulier l’énergie, mon ministère a évidemment d’autres priorités à l’ordre du jour des semaines et des mois prochains, qui ont été largement évoquées en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je pense au plan Eau, à la feuille de route sur les captages d’eau, à la grande conférence nationale sur l’eau et à l’affichage environnemental sur les produits textiles et alimentaires, dans le prolongement de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) et de la loi « Climat et résilience », qui constitue un choix politique fort en faveur de l’information des consommateurs ; je pense aussi à la suite du plan interministériel sur les substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (PFAS), lancé en avril, et à la réflexion qui doit être menée sur le zéro artificialisation nette (ZAN), notamment pour ce qui concerne les installations énergétiques ; il s’agira d’avancer avec les collectivités sans remettre en cause l’ambition du dispositif, de promouvoir la sobriété foncière, de préserver la qualité de nos sols et de protéger la biodiversité, sans oublier que l’artificialisation est aussi une cause d’inondations.

De manière générale, mon action sera guidée par deux grands impératifs. Le premier est le bien-être des Français : je mesure en effet les attentes, voire la colère, des classes moyennes et populaires qui travaillent. Mon ambition est de défendre une écologie populaire, qui ne soit pas perçue comme un produit de luxe ou cantonné aux grandes métropoles, une écologie qui s’attache au quotidien et qui remet la santé au centre du jeu. De fait, sur le terrain, certains Français qui rejettent l’écologie parlent aussi de la qualité de l’eau, de l’air et de leur alimentation, ce qui est précisément de l’écologie. Il s’agit également de nos déplacements et de notre cadre de vie. Cela concerne aussi le pouvoir d’achat, mais cela va bien au-delà.

Le deuxième impératif est la réindustrialisation : nous ne devons pas renoncer à bâtir une écologie du partage de la valeur, qui crée de la richesse et de l’emploi sur les territoires et permette à notre pays de recouvrer sa souveraineté pour les filières industrielles et agricoles clés de la transition.

La transition écologique est, je le répète, un enjeu économique. La Chine l’a bien compris : elle en fait un objet de guerre économique et elle accélère. À nous de savoir défendre notre vision, nos sites, nos technologies, nos emplois et nos filières. Le Gouvernement y est engagé avec le ministre de l’économie, le ministre de l’industrie et la ministre déléguée à l’énergie.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

M. Maxime Amblard (RN). La crise énergétique que nous traversons est d’une gravité historique. Elle n’est pas simplement le produit de conjonctures internationales défavorables, mais bien le fruit d’une irresponsabilité politique chronique nourrie par un conformisme déconcertant au dogme bruxellois et une soumission répétée aux intérêts allemands. L’abandon de notre joyau nucléaire a valeur d’autopsie de notre souveraineté énergétique, sacrifiée sur l’autel de la politique ultralibérale européenne. Vous avez choisi de délaisser la noble maxime selon laquelle « Gouverner, c’est prévoir », pour l’impuissant « Qui aurait pu prédire ? » Force est de constater qu’aucun des gouvernements auxquels vous avez appartenu n’a su prévoir, raison pour laquelle aucun n’a su gouverner.

Nous pourrions aisément dresser l’anatomie de vos erreurs stratégiques. Prix de marché dicté par le coût marginal du dernier moyen de production appelé, empoisonnement d’EDF via le dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), milliards d’euros dilapidés dans des énergies renouvelables intermittentes et inefficaces : ce cocktail explosif a provoqué une inflation structurelle des prix de l’électricité, dont nos ménages et nos entreprises subissent les conséquences de plein fouet.

Pire encore, vous avez fait prendre à la France un retard dramatique dans la course énergétique. Notre pays, grâce à la vision d’illustres responsables, avait une avance compétitive remarquable. Or depuis la libéralisation du marché européen de l’électricité en 2007, censée baisser les coûts grâce au principe devenu quasi religieux de la « concurrence libre et non faussée », les Français n’ont connu que l’explosion des prix. En 2019, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), dans un excès de zèle bureaucratique, a même revu le tarif réglementé, non pas pour favoriser les consommateurs, mais pour augmenter les prix afin de rendre la concurrence viable. Le prix du kilowattheure a plus que doublé depuis 2007, avec une augmentation de 137 %. Derrière ces chiffres se cachent des drames sociaux : plus d’un million de foyers peinent à payer leurs factures, chiffre en hausse de 49 % depuis 2019.

Les victimes de vos politiques sont aussi nos industries, particulièrement dans les secteurs énergo-intensifs, pour lesquels le coût de l’électricité a doublé entre 2019 et 2023. Sous l’effet d’un marché européen obsolète et à bout de souffle, la France a perdu l’avantage compétitif offert par son mix énergétique historique composé d’énergies nucléaire et hydraulique. Cette pression entraîne nos très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) vers la faillite, avec cette année un triste record de 66 000 défaillances d’entreprises. Le dernier exemple de cette hémorragie industrielle est Michelin, contraint de fermer deux de ses sites, laissant 1 250 salariés sur le carreau, car devenu incapable de rivaliser dans le jeu de la mondialisation face à une concurrence asiatique surproduisant avec des coûts de l’énergie deux fois inférieurs aux nôtres. Par votre dogmatisme, ce qui aurait dû être un atout stratégique pour l’économie française, un levier de compétitivité et de croissance, s’est transformé en un boulet confinant la France dans le déclassement.

Quand la France s’émancipera-t-elle enfin des dogmes européens pour revenir à la raison avec un prix national de l’électricité aligné sur le coût réel de production ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour baisser le prix d’une énergie, il faut produire plus et consommer moins, et ce sont très exactement les résultats que nous avons obtenus, qui ont fait baisser les prix de fourniture de l’électricité.

La baisse de la consommation tient aux efforts de sobriété et d’efficacité énergétiques essentiellement réalisés par les gros acteurs – je reviendrai plus tard sur la précarité énergétique –, à savoir les collectivités locales, les industriels et les grandes entreprises de services, qui ont optimisé leur utilisation de l’électricité et sont parvenus à une baisse récurrente de 13 % du prix de l’électricité et du gaz.

Quant à produire plus, nous produisons 30 % de plus d’énergies renouvelables et 30 % de plus d’énergie nucléaire depuis 2022.

Quant à l’Allemagne, il se trouve précisément que j’ai obtenu trois arbitrages face à ce pays à propos du nucléaire. Je vous invite donc à réviser vos fiches, car elles ne sont pas à jour.

M. Éric Bothorel (EPR). Le développement de l’intelligence artificielle (IA) est un axe stratégique de notre compétitivité. La France a des atouts dans cette course à l’innovation, grâce à l’excellence de ses talents et à des investissements forts. Pour stimuler une offre française d’intelligence artificielle compétitive et renforcer notre autonomie stratégique, il nous faut accroître la présence sur notre sol de centres de données, les data centers. Je salue à cet égard les annonces réalisées dans le cadre de la dernière édition de Choose France, puisque 5 milliards d’euros (Md€) seront prochainement investis dans l’IA et les data centers en France.

Toutefois, l’énergie est le principal problème pour la croissance de ces acteurs. L’accès à l’énergie est devenu très long – les délais de raccordement des data centers peuvent dépasser cinq ans et RTE semble saturé – et son coût, qui représente 45 % de la facture des clients de ces centres, en entrave la compétitivité, alors que les data centers bénéficient pourtant d’un taux catégoriel de l’accise sur l’électricité fixé à 12 euros par mégawattheure – lequel reste toutefois élevé par comparaison avec les autres taux préférentiels de 2 euros pour les installations industrielles au sein des sites industriels électro-intensifs ou de 7,50 euros pour les exploitants d’aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique.

Ce problème a d’ailleurs fait l’objet d’amendements à l’Assemblée nationale lors de l’examen du dernier projet de loi de finances (PLF), car le groupe Socialistes et apparentés a voulu supprimer ce tarif réduit de l’accise sur l’électricité pour les data centers, au détriment de notre compétitivité et de la réindustrialisation. Au Sénat, plusieurs amendements ont été déposés, voire adoptés, au cours de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique, dont l’article 15 vise précisément à faciliter l’essor des centres de données pour ce qui concerne les tarifs de l’électricité.

Avez-vous les moyens de donner priorité au raccordement électrique de certains projets stratégiques, comme les data centers, et soutenez-vous l’idée qu’il faut garantir un accès à une électricité proposée à un tarif compétitif ? Pourrions-nous, pour ce faire, agir sur un levier de fiscalité énergétique comme l’accise ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Au moment où nous avons besoin de compétitivité et où l’intelligence artificielle est l’un des enjeux qui peuvent permettre d’augmenter la productivité ­ (et donc la croissance de notre pays), la question des data centers n’est pas neutre d’un point de vue économique. Elle n’est pas neutre non plus d’un point de vue énergétique, puisque les data centers concentrent l’utilisation de l’électricité.

Premièrement : le préfet peut, en matière de raccordement, définir des priorités entre les projets, ce qui pourra s’appliquer aux data centers. En tout état de cause, l’implantation de data centers de l’ordre de 500 mégawatts à 1 gigawatt doit être planifiée et faire l’objet d’échanges avec RTE très en amont, pour permettre un meilleur accompagnement. C’est là que nous pouvons diminuer les délais de raccordement, ce qui est très important en termes de compétitivité.

En deuxième lieu : l’outil fiscal peut être modulé en fonction des objets et ce sera probablement une discussion que vous aurez l’année prochaine. Je rappelle que, pour un consommateur ordinaire, le poids de la fiscalité dans le coût de l’électricité est très important. En effet, pour un coût de fourniture de l’électricité de l’ordre de 70 ou 75 euros par mégawattheure, la fiscalité peut représenter près de 45 euros si on ajoute 20 % de TVA aux 36 euros de taux d’accise. Cela pèse sur le coût de notre électricité et peut représenter un écart par rapport à d’autres pays.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). J’aimerais vous interroger sur la cohérence et la sincérité des discours et des actes du Gouvernement auquel vous appartenez. Vous nous avez présenté les objectifs de la PPE et de la SNBC et vous avez indiqué que ces deux documents recelaient des contradictions manifestes avec le projet de loi de finances pour 2025, que vous soutenez : la PPE parie sur la rénovation énergétique, l’électrification des usages, le fonds Vert, le fonds Chaleur… quand le projet de loi de finances prévoit une baisse de 60 % des crédits alloués à MaPrimeRénov’ et au fonds Vert, de 500 M€ au fonds Chaleur et de 700 M€ à l’électrification des véhicules.

Vous vous obstinez également à faire des paris technologiques, industriels et financiers dans le domaine nucléaire. Je laisse de côté les pures « licornes » que sont les petits réacteurs innovants pour souligner le fait que les réacteurs de type EPR 2 arriveraient de toute façon trop tard pour lutter contre le réchauffement climatique : quand bien même nous en construirions six d’ici à 2050 – pourquoi pas cinquante ? –, il en resterait cinquante-six à remplacer à la même échéance. À quel prix ? Nul ne le sait, comme je l’ai montré dans le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2025, rendu au nom de la commission des affaires économiques.

La PPE ne fixe aucun objectif en matière d’énergies renouvelables, alors que l’Union européenne assigne à la France une cible de 44 % dans le mix énergétique. Quant à la mauvaise loi de mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, que vous avez défendue au nom du gouvernement de l’époque, vous avez à peine pris plus de la moitié de ses décrets d’application – preuve que vous-même ne croyez pas à son utilité.

Comme rien de tout cela ne fonctionnera, que trouvons-nous dans la PPE ? Un pari sur les technologies de captage et de stockage du carbone, qui sont loin d’être matures, dont le coût se révèle très élevé et qui représentent une fuite en avant du capitalisme. Et voilà qu’on lit dans la presse que vous venez de découvrir – ou faites semblant de découvrir – que la loi relative à l'énergie et au climat de 2019, époque à laquelle vous étiez secrétaire d’État, vous imposait de faire voter une loi de programmation pour que la PPE s’applique. Vous appartenez au quatrième gouvernement hors-la-loi sur cette question depuis juillet 2023.

L’article 4 du projet de loi de finances promet la prévisibilité et la modération des prix de l’électricité : cet engagement est totalement faux, comme je l’ai, là aussi, montré dans mon rapport. Vous avez opté pour le tout-marché, choix qui pourrait faire grimper les factures d’électricité de 10 % en 2026.

L’accord entre l’État et EDF essuie un échec complet dans les secteurs électro-intensifs et les contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) : nous avons encore droit à un double discours du Gouvernement, puisque votre collègue Antoine Armand affirme dans la presse qu’il est prêt à renégocier, alors que la ministre déléguée placée sous votre tutelle, Olga Givernet, déclare que toute renégociation est impossible. Qui faut-il croire, que faut-il croire ? Malheureusement, rien ni personne au Gouvernement, je le crains.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’enveloppe de MaPrimeRénov’ augmente de 30 % dans le projet de loi de finances pour 2025 par rapport aux crédits consommés ; donc faites attention aux chiffres que vous avancez.

La production d’énergie nucléaire a massivement progressé en 2023 et 2024, cette croissance ayant un effet sur les prix européens. Notre objectif est d’augmenter la production nucléaire de 30 % entre 2022 et 2030 : il est possible que nous atteignions cette cible bien avant l’échéance. Cette croissance change notre régime énergétique et nous n’avons jamais autant exporté que cette année, grâce au nucléaire. Dans le même temps, la production des énergies renouvelables a augmenté de 30 %. Cette double croissance prouve notre sérieux : nous avons publié les décrets d’application de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables les plus importants, ce que l’augmentation massive des projets illustre dans les territoires. Les crédits alloués aux énergies renouvelables progressent en outre de 4,5 Md€.

M. Karim Benbrahim (SOC). La dette écologique alimente la dette financière, l’une ne pouvant être opposée à l’autre. Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a déclaré faire du combat contre ces deux dettes la boussole de son action politique. Pourtant, le projet de loi de finances présenté à l’Assemblée nationale et actuellement examiné par le Sénat emprunte le chemin opposé. Vous-même avez déclaré, le 18 octobre, qu’il fallait un budget à la hauteur de la situation – ce qui n’est pas le cas.

La politique du Gouvernement inquiète, car il n’est plus temps de remettre à demain la lutte contre le dérèglement climatique ; elle inquiète les industriels, qui, faute de visibilité, ne peuvent pas développer d’outils capables de rivaliser avec ceux de leurs concurrents étrangers ; elle inquiète enfin les salariés dont les emplois sont menacés.

En Loire-Atlantique, Saunier-Duval a annoncé la suppression de 225 postes à cause de la baisse des commandes de pompes à chaleur, après que le fabricant de panneaux photovoltaïques Systovi a dû cesser son activité au printemps. Chez General Electric, 360 emplois sont menacés dans la filière de l’éolien en mer : c’est l’incapacité de l’État à planifier une réelle politique de développement des énergies renouvelables qui a créé un creux dans le carnet de commandes, poussant l’entreprise à envisager de délocaliser son activité aux États-Unis.

Le projet de loi de finances accroît les inquiétudes. La réduction de 60 % des crédits alloués au fonds Vert va à l’encontre de la croissance de l’utilisation du fonds par les territoires. Une baisse de 35 % frappe la dotation du fonds Chaleur, pourtant l’un des leviers les plus efficaces pour la décarbonation et la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles importées. Dans nos territoires, des projets essentiels à la préservation de la biodiversité, à la lutte contre le dérèglement climatique et à l’adaptation au changement climatique ne pourront pas se concrétiser.

Vous avez évoqué dans votre propos liminaire la situation de l’industrie française : quelles mesures envisagez-vous pour changer la trajectoire industrielle et empêcher la délocalisation d’industries essentielles à la réussite de la transition écologique ? L’enjeu est à la fois écologique et économique, mais il a également trait à la souveraineté nationale.

Vous avez mis votre démission dans la balance des arbitrages budgétaires et vous venez de dire que la copie ne bougerait pas sur les fonds Vert et Chaleur : pensez-vous avoir obtenu les moyens suffisants à la bonne conduite de votre action ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Depuis six ans, grâce à la politique de l’offre des gouvernements précédents, notre pays a créé cent cinquante mille emplois industriels et a bénéficié d’un solde positif entre les ouvertures et les fermetures de sites : voilà les faits, prouvés par les chiffres de l’Insee. Les industriels ont diminué leurs émissions de gaz à effet de serre au rythme attendu. Toute la politique du plan de relance, du plan « France 2030 » et de la décarbonation de l’industrie – pour laquelle nous avons obtenu une augmentation de 1,6 Md€ de crédits – a prouvé son efficacité. Nous donnons des perspectives à l’industrie, d’autant que nous agissons pour que le prix de l’électricité soit compétitif. Enfin, pour ce qui est des acteurs électro-intensifs, nous disposons de la plateforme européenne ayant le prix de l’électricité le plus faible.

M. Jérôme Nury (DR). Ministre de la transition énergétique de 2022 à 2024 et à nouveau chargée de l’énergie depuis septembre, je ne doute pas que votre passage de quelques mois au ministère de l’agriculture vous aura donné un peu de bon sens paysan. Je forme ainsi le vœu que votre retour dans ce ministère soit marqué par du concret et de l’opérationnel et soit animé par une stratégie claire de politique énergétique pour notre pays. Au-delà des prêchi-prêcha, des incantations et des caprices budgétaires, il s’agit de fixer un cap précis et de faire redémarrer la filière nucléaire, méticuleusement sabordée par les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron jusqu’à sa conversion miraculeuse sur le chemin de Belfort.

Les Français et de nombreux parlementaires sont inquiets de l’échec flagrant des textes liés à l’énergie adoptés ces dernières années – je pense tout particulièrement à la loi sur les énergies renouvelables, qui est un coup d’épée dans l’eau : les comités départementaux de l’énergie font surtout chauffer les heures des fonctionnaires dans les préfectures ; les zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAER) sont presque inexistantes et n’accélèrent rien du tout. Au même moment, des projets essentiellement éoliens se développent massivement dans nos campagnes, hors de ces zones, sans l’accord des élus, contre l’avis des populations et à cinq cents mètres des habitations parce que vous avez refusé de modifier la loi sur la distance minimale d’implantation.

Nous craignons que la loi relative à l’accélération de la production nucléaire soit à l’image de celle relative à l’accélération des énergies renouvelables, à savoir du vent et du pipeau. Alors que notre pays doit plus que jamais retrouver un coût de production d’électricité stable, une souveraineté énergétique et une vraie énergie décarbonée, comment allez-vous, de manière opérationnelle et concrète, changer de philosophie et faire repartir l’énergie nucléaire en France… sachant que, sur le plan financier, EDF devra dégager des dizaines de milliards d’euros dans un contexte économique tendu ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La production a crû de 30 % dans les énergies renouvelables en 2023 et le nombre de projets a augmenté de 90 % : là aussi, il faut s’appuyer sur des données factuelles. Environ dix mille communes ont monté leur ZAER, mais elles peuvent délimiter une zone d’interdiction si elles refusent que des projets se développent dans leur territoire : la conditionnalité des projets à un endroit est liée à l’absence de zone d’interdiction. Je rappelle que la configuration des ZAER retenue par la loi ne correspond pas à la proposition initiale du gouvernement, mais à une demande forte, notamment émise par votre groupe et la majorité sénatoriale. Nous avons néanmoins élaboré un processus visant à ne pas bloquer les ZAER. Grâce à la loi, toutes les communes ont pu se pencher sur les énergies renouvelables et ont travaillé sur la planification : de même qu’elles sont devenues très compétentes en matière d’urbanisme, elles explorent désormais un nouveau champ et elles augmentent leurs capacités à répondre aux porteurs de projets.

Depuis 2018 et mon entrée au gouvernement, le nucléaire a toujours été une priorité, que ce soit dans le plan de relance de 2020, au comité stratégique de filière (CSF) nucléaire de 2019, dans le plan « France 2030 » (où il compte parmi les dix axes prioritaires) et dans le discours de Belfort de 2022 (où est réaffirmé le lien entre les nucléaires militaire et civil). La production nucléaire doit augmenter de 30 %, grâce à un projet industriel qui comprend le lancement de six réacteurs nucléaires et le soutien, dans « France 2030 », à neuf petits réacteurs modulaires (SMR). Je pourrais également détailler les politiques européennes qui, pour la première fois depuis vingt ans, remettent le nucléaire dans leur logiciel.

M. Benoît Biteau (EcoS). Vous connaissez notre attachement au climat ; vous savez aussi que nous avons parfois la dent dure à l’égard du Gouvernement. Mais je tiens à saluer votre refus de participer à la COP29 à Bakou : même si les débats sur le climat sont essentiels, les propos insultants du président de l’Azerbaïdjan à l’égard de la France, l’instrumentalisation d’une conférence sur le climat pour promouvoir les énergies fossiles et la persécution des Arméniens justifient l’absence de notre pays. Je regrette que certains de nos voisins européens n’aient pas suivi votre exemple.

Vous avez évoqué le rôle que pourraient jouer le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité pour la souveraineté, mais également le thème de la santé, sujet essentiel à mes yeux ; en outre, vous avez utilisé des mots qui me plaisent comme « anticipation » et « prévention ». Malheureusement, je constate que trop de réponses reposent sur une approche « solutionniste ». Je siège depuis quinze ans dans deux comités de bassin des agences de l’eau, placées sous votre tutelle, où je constate que les financements n’alimentent pas forcément les actions d’anticipation et de prévention et soutiennent plutôt des projets de gestion des conséquences – et non de lutte contre les causes.

Les inondations et les sécheresses sont les deux faces de la même pièce. Comme nous ne savons pas accueillir les crues, des inondations se produisent : vous l’avez évoqué, l’imperméabilisation des sols est en partie responsable de ces événements, qui sont davantage des catastrophes anthropiques que naturelles. L’absence d’aménagement du territoire crée les conditions des inondations, bien souvent dramatiques pour les populations. Je nous invite tous à revisiter l’aménagement du territoire, sujet bien plus vaste que la seule imperméabilisation des sols. Savoir accueillir les crues, c’est parvenir à les ralentir et à les retenir pour que l’eau s’infiltre et alimente les sols – et c’est donc éviter les sécheresses.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les agences de bassin et l’ensemble des parties prenantes – usagers de l’eau et acteurs intéressés par la ressource en eau – sont en train de modifier leur logiciel. J’ai eu, dans le Pas-de-Calais, une réunion assez longue avec la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) et la chambre départementale d’agriculture sur l’hydraulicité douce, l’aménagement des ouvrages et les zones d’expansion de crues. La contrepartie pour l’État est d’entretenir les ouvrages : un rapport a montré que beaucoup avait été fait, mais que des progrès restaient à accomplir.

Mme Louise Morel (Dem). Au nom du groupe Les Démocrates, je vous adresse nos vœux de succès dans l’exercice de vos fonctions. Nous n’avons pas de planète B, donc nous devons mieux protéger la nôtre. Notre groupe accompagnera les travaux engagés en faveur de la transition écologique.

Ma question porte sur la filière du bois. Il est urgent de corriger le paradoxe selon lequel le tarif de l’écocontribution s’élève à 23 euros pour une tonne de bois mais à seulement 3,50 euros pour la tonne de béton. Le bois affiche un taux de valorisation supérieur à 85 % et il supporte une contribution assise sur l’ensemble du taux, alors que la contribution du plastique est moindre pour un taux de valorisation ne dépassant pas 16 %. Pourtant performant en termes de gestion et de durabilité, le bois, matériau vertueux, est pénalisé par rapport au béton : cette situation est contraire à l’esprit de la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), car ce texte visait à récompenser les fabricants écoresponsables. Envisageriez-vous de reconsidérer la place du bois dans la responsabilité élargie du producteur ?

D’autre part, la révision du barème de MaPrimeRénov’ prévoit une baisse de l’aide au chauffage au bois à partir du 1er janvier prochain : l’objectif est d’orienter le granulé de bois vers des usages industriels pour décarboner les grands sites, mais cela se fait au détriment du chauffage résidentiel. Les aides ont déjà diminué de 30 % en avril, décision qui a entraîné une chute de 57 % des ventes de chaudières à granulés de bois au premier trimestre. Nous comprenons les contraintes budgétaires, mais cette baisse est une erreur. En effet, elle décrédibilise la parole de l’État, puisque nos concitoyens ont été incités à s’équiper de chaudières à granulés : nous avons accompagné une filière française avant de revenir quelques mois plus tard sur les aides annoncées. En outre, il n’y a aucune réflexion structurelle sur la place du granulé dans l’industrie. Quelles sont vos préconisations et vos orientations en la matière ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les bois importés sont plus secs que le bois français : contenant moins d’eau, une concurrence déloyale s’est développée, puisque la contribution financière versée aux organismes est tarifée au poids. Afin d’éliminer ce biais, nous avons pris un arrêté pour corriger les tarifs des éco-organismes.

Les déchets de bois du bâtiment sont parmi les mieux valorisés, mais cette performance a un coût que ne supportent pas les matériaux ayant les résultats de valorisation les plus faibles. Afin que le paramètre du coût n’incite pas à diminuer la performance, nous avons pris un arrêté visant à imposer aux éco-organismes un système d’abattement sur la contribution pour les déchets les mieux valorisés : la filière du bois devrait y gagner environ 45 M€. En outre, je viens de signer un décret autorisant la mutualisation des obligations de reprise sans frais des distributeurs de produits ou de matériaux de construction entre sites proches. Cela dégagera un gain de 180 M€ pour la filière.

Plusieurs acteurs des filières des matériaux de construction et du bois m’ont interpellée et j’examinerai avec eux, en comparant notamment notre situation à celle de nos voisins européens, s’il est possible de modifier certains curseurs pour gagner en efficacité et en simplicité.

M. Thomas Lam (HOR). Votre engagement en faveur de la décarbonation et d’une transition énergétique plus juste est indéniable ; la baisse de 5,3 % des émissions de gaz à effet de serre en France au premier trimestre de cette année en témoigne. La question n’est plus de savoir si nous devons poursuivre dans cette voie vertueuse, mais de déterminer les moyens d’agir de manière plus efficace, juste et durable. Les politiques climatiques reposent souvent sur des mesures coûteuses et parfois injustes, particulièrement pour les petites entreprises et les agriculteurs. Les subventions sectorielles alourdissent la dépense publique et profitent surtout aux grandes entreprises déjà avantagées, sans toujours garantir une efficacité écologique optimale. À l’inverse, les interdictions réglementaires imposent aux petites structures des coûts d’adaptation disproportionnés, qui accentuent leurs difficultés.

Force est de constater que, pour de nombreux Français, l’écologie est malheureusement perçue comme punitive, technocratique et déconnectée du quotidien. Les tensions nées du mouvement des gilets jaunes illustrent bien ce sentiment d’une transition menée contre les citoyens plutôt qu’avec eux. Or toute politique environnementale, si ambitieuse soit-elle, doit être socialement acceptée pour réussir.

C’est pourquoi j’aimerais partager avec vous l’approche innovante du think tank GenerationLibre, centrée sur la tarification du carbone et visant à remplacer les multiples subventions, normes et interdictions par un mécanisme simple et universel. Une tarification unique, ajustée au coût des émissions de gaz à effet de serre, enverrait un signal-prix clair incitant les producteurs et les consommateurs à adopter des comportements plus durables. Les recettes générées seraient intégralement redistribuées sous forme d’un « revenu climat universel », garantissant la neutralité fiscale tout en protégeant le pouvoir d’achat des citoyens.

Cette proposition présente des avantages majeurs : elle incite efficacement à réduire les émissions grâce à un signal-prix clair et elle protège les ménages les plus modestes en redistribuant équitablement les recettes pour garantir une transition juste. En simplifiant le cadre actuel, elle remplace des dispositifs complexes et souvent opaques par une règle unique, compréhensible et transparente. Soutenue par de nombreux économistes, en France comme ailleurs dans le monde, une telle approche conjugue efficacité écologique, viabilité économique et respect des libertés individuelles.

Dans un contexte où la lutte contre le changement climatique exige des politiques publiques audacieuses et cohérentes, pensez-vous que cette idée d’une tarification du carbone unique, assortie d’une redistribution sociale, pourrait enrichir le cadre de notre action et renforcer l’adhésion des Français à la conduite d’une transition énergétique ambitieuse ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce que vous décrivez ressemble au système d’échange de quotas d’émission carbone de l’Union européenne (ETS). L’une des différences est que l’ETS est construit par secteur et n’a pas le caractère unique qui assoit la cohérence du signal-prix. Un tel instrument fonctionne si tous les projets sont nouveaux ; or les possibilités de transformation et les prises de décision diffèrent d’un secteur à l’autre. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’une voiture, il faut privilégier des transports en commun qui seraient fiables, sûrs et proches du domicile, mais la décision de construire la ligne de transport est longue ; l’alternative réside dans l’acquisition d’un véhicule émettant peu de carbone, investissement qui ne s’effectue pas du jour au lendemain mais plutôt sur quatre ou cinq ans. Dans les deux hypothèses, le changement s’opère dans un temps assez long. De même, on ne procède pas à la rénovation thermique de son logement tous les deux ou trois ans, mais tous les dix ans.

Ces éléments déterminants pour la formation des décisions individuelles crispent légitimement nos concitoyens, qui ne bénéficient pas de visibilité pour leurs propres décisions ni de fluidité dans l’accompagnement qu’ils reçoivent. Voilà pourquoi l’ETS et le fonds social pour le climat visent à améliorer l’accompagnement – celui des acteurs, secteur par secteur, pour le premier et celui des Français, par le biais d’une redistribution, pour le second.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Il faut éviter d’opposer économie et écologie, car les deux doivent impérativement coexister. La politique fiscale conduite ces dernières années a sans doute généré des emplois supplémentaires, bien plus que la surréglementation, notamment dans le domaine écologique.

Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont augmenté ces dernières années de plus de 4 % en Chine, pour atteindre 12 000 gigatonnes par an (Gt/an), et de 8,2 % en Inde, pour dépasser 3 Gt/an ; dans le même temps, les émissions de l’Union européenne ont baissé de 7,4 % et se situent à 2,6 Gt/an. L’emploi pâtit parfois de notre action en la matière, alors que nos principaux concurrents mondiaux ne se préoccupent pas de leurs émissions de CO2. Que devons-nous faire pour que les efforts soient mieux partagés ?

Les auteurs des multiples textes législatifs, qui souhaitent certes – ce qu’il faut saluer – aller dans le bon sens écologique, se donnent souvent bonne conscience en étant les meilleurs élèves de la classe, mais je regrette que ces textes soient rarement accompagnés d’une étude mesurant leur impact sur l’emploi. Ne faudrait-il pas imposer l’élaboration systématique d’une telle étude ?

Nous examinerons prochainement un texte visant à simplifier la vie économique : ne pensez-vous pas qu’il y a lieu de simplifier profondément le code de l’environnement, dont le volume a quadruplé en dix ans ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Votre question sur la répartition mondiale de l’effort de réduction des émissions de CO2 est très juste. Mais les émissions indiennes s’élèvent à deux tonnes par habitant, quand celles de l’Union européenne atteignent environ huit tonnes par habitant…

M. Christophe Naegelen (LIOT). Le niveau de vie n’est pas le même…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. En effet ! Et c’est exactement la réponse que ces pays nous adressent. Les pays comme la France, l’Allemagne et les États-Unis ont une responsabilité historique, car la révolution industrielle y a commencé au XIXe siècle : ils ont beaucoup utilisé le charbon, le gaz naturel et le pétrole et ont donc émis beaucoup de CO2. La France se situe entre le huitième et le douzième rang dans le classement de la responsabilité historique des émissions de CO2, alors que notre pays ne compte que 67 millions d’habitants. Attention, donc : comparaison n’est pas raison. Néanmoins, la trajectoire de progression des émissions de gaz à effet de serre de l’Inde pose problème, car si ses émissions sont actuellement compatibles avec une neutralité carbone en 2050, elles doublent tous les douze à treize ans. Face à cette véritable bombe climatique, nous devons trouver les moyens d’aider les Indiens à faire évoluer leur modèle de développement, actuellement assis sur le charbon, pour qu’il repose davantage sur les énergies renouvelables.

Quant à la Chine, elle atteindra probablement son pic d’émissions de gaz à effet de serre bien avant 2030, car elle a cinq ans d’avance sur la progression des énergies renouvelables : il ne vous aura pas échappé que les Chinois ont bien compris qu’il s’agissait d’un sujet économique. Ils développent très rapidement toutes les filières de transitions écologique et énergétique.

Vous avez raison sur la simplification : l’ambition écologique n’appelle pas forcément la profusion de procédures complexes.

M. Stéphane Peu (GDR). La nouvelle hausse des taxes sur l’électricité prévue dans le projet de budget pour 2025 va alourdir la facture des Français, notamment ceux d’entre eux qui ont souscrit des contrats à prix fixe. Selon une étude récente, 45 % de ceux de nos concitoyens dont le revenu est inférieur à 2 000 euros devront se priver totalement ou partiellement de chauffage cet hiver. La hausse des taxes affecte aussi durement les entreprises industrielles de secteurs clés de notre économie.

Les augmentations intervenues depuis 2021 mettent en évidence l’échec du marché européen de l’énergie, dont les dysfonctionnements ont contraint le Gouvernement à prendre des mesures d’urgence comme le bouclier tarifaire. Or vous organisez la sortie de ce dispositif sans avoir rien réglé sur le fond ! Depuis 2021, le coût brut pour l’État de l’ensemble des mesures adoptées atteint près de 85 Md€, tandis que les acteurs du marché de gros ont dégagé une marge bénéficiaire nette de 30 Md€. Qu’il s’agisse du gaz, de l’électricité ou du carburant, le contraste entre les profits engrangés par le secteur privé et les dépenses de l’État est saisissant.

Ces dépenses publiques colossales n’ont pas permis de répondre de manière cohérente à la crise ni aux exigences de souveraineté énergétique et de planification industrielle. Elles n’ont servi qu’à couvrir et à rendre plus soutenables les dysfonctionnements multiples liés à un marché factice et mal conçu, qui sert des intérêts privés. La réforme du marché de l’électricité va malheureusement dans le même sens.

Les milliards d’euros d’argent public dépensés pour pallier les errements d’un marché dérégulé et spéculatif n’auraient-ils pas été mieux investis dans la reconstruction d’un grand service public de l’énergie ? Ne serait-il pas temps pour la France de sortir, à l’instar d’autres pays, du marché européen de l’énergie pour proposer enfin à nos concitoyens et à nos entreprises une électricité au prix juste ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Aucun pays n’est sorti du marché européen de l’électricité : j’ai moi-même rencontré, il y a un an, les responsables suisses venus s’assurer que leur participation au marché européen serait prolongée. Quant à l’Espagne et au Portugal, ils ont été autorisés à subventionner leurs entreprises pour une durée de dix-huit mois, ce qui est très différent. Du reste, ces subventions très coûteuses relèvent de la même démarche que le bouclier énergétique français, lui aussi très onéreux. N’induisons donc pas les gens en erreur !

Ensuite, être souverain, c’est produire ce que l’on consomme. Nous l’avons fait en 2023 et en 2024, et nous allons continuer à le faire.

Enfin, le prix de l’électricité que vous évoquez inclut la fiscalité, laquelle est à notre main. Il est vrai qu’il convient de mesurer les effets de son augmentation sur les ménages, les industriels, le logement social (qui ne bénéficie pas du tarif réglementé de vente d’électricité [TRVE]) ou les boulangers (qui n’en bénéficieront qu’en 2025). Mais le prix de fourniture a baissé – il se situe aux alentours de 70-80 euros – et il est compétitif sur la plateforme européenne, même s’il l’est moins que celui d’autres pays, où la construction des prix est différente.

M. Charles Alloncle (UDR). La semaine dernière, la commissaire européenne à l’énergie Kadri Simson a exigé que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français atteigne 44 % d’ici à 2030. Or ce taux n’est actuellement que de 23 % ; surtout, il n’a progressé que de quatre points au cours des quatre dernières années. Il nous faudrait donc, durant les six prochaines années, quintupler l’effort accompli en quatre ans !

Au-delà du caractère irréaliste de la demande, les énergies renouvelables, parce qu’elles sont intermittentes et non pilotables, menacent notre souveraineté énergétique. Pire, leur développement met en péril notre souveraineté industrielle, puisque la Chine détient l’écrasante majorité des parts de marché dans le solaire et l’éolien.

La stratégie européenne est donc non seulement piégeuse, mais aussi parfaitement absurde. Ainsi, l’Allemagne, dont le mix énergétique compte 55 % d’énergies renouvelables, émet 280 grammes de CO2 par kilowattheure produit, soit huit fois plus que la France qui, grâce au nucléaire, n’émet que 36 grammes de CO2 par kilowattheure produit. Pourtant, c’est notre pays que la Commission européenne harcèle pour qu’elle décarbone son énergie !

Ces injonctions sont insupportables : la France, qui produit la deuxième électricité la plus décarbonée de l’Union européenne, devrait être un modèle plutôt que le mauvais élève que l’on pointe du doigt. À l’heure où notre pays doit assurer la continuité, le renouvellement et l’élargissement de son parc nucléaire, nous n’avons d’autre choix que de le défendre de toutes nos forces.

Quand comptez-vous donc négocier fermement la réévaluation de ces objectifs irréalistes et, surtout, profondément injustes ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’ai relevé beaucoup d’approximations dans votre propos. La part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de l’Allemagne est de 23 %, c’est dans son mix électrique qu’elle est de 55 % ; la différence est grande. Par ailleurs, les énergies renouvelables ne sont pas toutes non pilotables. Vous l’avez dit, notre électricité est déjà décarbonée à plus de 90 %, grâce au nucléaire mais aussi au renouvelable. Il nous reste cependant à décarboner le transport et la chaleur. À cet égard, la chaleur renouvelable, dont nous souhaitons doubler la part d’ici à 2030, est un enjeu majeur, comme le froid renouvelable, l’hydroélectricité ou le biogaz.

Je vous rejoins sur un point. Tout d’abord, j’ai très clairement indiqué à Kadri Simson que la France ne paierait pas l’amende que la Commission veut lui infliger pour non-respect de ses objectifs en matière de développement des énergies renouvelables. En effet, notre trajectoire est identique à celle de l’Allemagne et il n’y a pas de raison que nous soyons sanctionnés parce que, lors de la négociation de la précédente directive relative aux énergies renouvelables, nous avons plaidé pour un objectif de 23 % en 2020, quand l’Allemagne proposait 19 %. La négociation est en bonne voie.

Enfin, s’il faut fixer un objectif, il ne doit pas porter sur un pourcentage d’énergies renouvelables, mais sur la part des énergies fossiles dans le mix énergétique.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Avant d’en venir aux questions des autres députés, je vous propose de revenir sur deux thèmes restés en suspens : d’une part, le mécanisme de l’Arenh et, d’autre part, les risques de délocalisation et de faillite des industries vertes et des énergies renouvelables dans un contexte de diminution du fonds Chaleur et du fonds Vert.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Selon l’analyse de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), l’accord post-Arenh est en bonne voie. Mon collègue Antoine Armand l’a dit : cet accord comporte une clause de revoyure, que nous ferons jouer en cas de problème. Mais, à ce stade, ce scénario n’est pas le plus probable dès lors que la CRE conforte notre position et que nous pourrons nous assurer, au cours de réunions qui se tiendront prochainement, que les objectifs sont atteints.

Il y a cinq ans, nous n’étions pas capables de fournir les industriels sur un marché à quatre ans ; ce marché commence à se mettre en place, avec, du reste – je le dis à ceux qui annoncent une augmentation… – des prix de l’électricité inférieurs au prix actuel. La fiscalité est un paramètre que nous maîtrisons et la hausse du tarif de réseau est liée aux investissements que nous ferons dans ce domaine. Pour ce qui est du prix de la fourniture d’électricité, on allonge les durées de maturité (de sorte que les industriels puissent se fournir en bénéficiant de visibilité) et ce prix est à la baisse.

Quant aux délocalisations, je remarque que Monsieur Benbrahim, qui m’a interrogée à ce sujet, propose par ailleurs de tripler l’imposition des entreprises… Je lui réponds donc simplement qu’il ne faut pas toucher au pacte de compétitivité qui a permis de développer l’emploi, notamment industriel. Ce qui a été coûteux pour la France et pour l’Europe, c’est la loi américaine de 2022 sur la réduction de l’inflation, qui met en œuvre une politique de l’offre accompagnée d’un soutien massif aux entreprises, soutien qui représente jusqu’à 40 %, voire 60 %, du coût des projets. C’est ainsi que les États-Unis ont renversé la table et attiré des entreprises. Est-ce sain ? Certains économistes évoquent un phénomène de bulle, ce qui laisse à penser qu’une partie de ces aides n’est peut-être pas correctement orientée.

Le contenu du règlement européen 2024/1735/UE pour des technologies « zéro net » (Net-Zero Industry Act, NZIA) et le projet du commissaire européen Stéphane Séjourné de défendre un « pacte pour une industrie propre » ont précisément pour objets de favoriser la relocalisation de la production et de défendre notre industrie en soutenant l’innovation, en développant la pré-industrialisation des territoires d’accueil et en garantissant les conditions d’une concurrence loyale en Europe. L’un des enjeux est que le prix des produits qui entrent sur le marché européen inclue le coût de leurs émissions de CO2 et, éventuellement, de leur moindre qualité environnementale.

S’agissant de la précarité, les standards d’EDF sont saturés par les appels de clients en difficulté pour payer leurs factures d’énergie. À cet égard, je rappelle que le chèque énergie ne diminue pas. Avec ma collègue Olga Givernet, nous souhaitons accélérer la mise en œuvre de la nouvelle base des bénéficiaires du chèque – l’ancienne, fondée sur la taxe d’habitation, est désormais obsolète du fait des mariages, divorces, naissances et décès survenus ces cinq dernières années – pour pouvoir verser à nouveau ce chèque de manière automatique. D’ici là, nous communiquerons et informerons les bénéficiaires des démarches à accomplir pour le percevoir.

Quant au nucléaire, la taxonomie européenne a évolué – certes, pas autant que nous le souhaitions – puisqu’il est reconnu comme une « énergie de transition » dans le règlement européen pour des technologies « zéro net ». Par ailleurs, la réforme du marché de l’électricité, qui garantit une sortie de la logique de marché à court terme en favorisant les contrats à long terme, place sur un même plan l’électricité nucléaire et l’électricité renouvelable. Enfin, la plateforme de propositions défendues par l’Alliance européenne du nucléaire, que j’ai réactivée, rassemble quatorze pays, soit plus de la moitié des États membres.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions individuelles des autres députés.

M. Alexandre Loubet (RN). La semaine dernière, la centrale à charbon de Saint-Avold a redémarré pour faire face au pic de consommation dû aux vagues de froid et remédier à l’inefficacité des éoliennes allemandes. Cette centrale est indispensable parce qu’elle permet d’éviter les pénuries d’électricité, mais aussi parce que près de cinq cents emplois en dépendent. Pour prolonger sa durée de vie tout en sortant du charbon, l’industriel GazelEnergie se dit prêt à investir dans une conversion au biogaz, moins émetteur de CO2, mais il attend, pour ce faire, une décision du ministère de la transition écologique. Sans une décision rapide de votre part, la centrale fermera en avril 2025, mettant en péril des centaines d’emplois. Allez-vous lancer un appel d’offres ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ma collègue Olga Givernet, ministre déléguée à l’énergie, suit le dossier de très près. La centrale de Saint-Avold est certes en situation de produire, mais, étant donné que notre production d’électricité couvre très largement notre consommation – le 13 novembre dernier, nous avons même établi, grâce au nucléaire, un record en matière d’exportation –, elle ne produit que pour l’exportation, à hauteur de 500 mégawatts. C’est donc sans incidence du point de vue de notre système énergétique. Pour ce qui est de la situation des salariés, une négociation a eu lieu il y a trois ans ; elle est donc sécurisée. Par ailleurs, nous analysons le projet, qui doit être durable, industriel et décarboné.

M. Stéphane Travert (EPR). Les conséquences du changement climatique se font de plus en plus ressentir : sécheresses, inondations, feux de forêt ou érosion du littoral menacent nos écosystèmes, nos infrastructures mais aussi la qualité de vie de nos concitoyens. Le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) est un outil essentiel pour préparer notre pays aux défis à venir, mais les moyens financiers et techniques alloués à sa mise en œuvre semblent encore insuffisants au regard de l’ampleur des enjeux. Le dialogue que vous avez dit vouloir nouer avec les assureurs a-t-il été amorcé ? Dans quelle mesure permettra-t-il de garantir des tarifs abordables et adaptés sur l’ensemble du territoire, malgré la récurrence des aléas climatiques ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La question du modèle d’assurance est essentielle, dès lors que l’augmentation de l’impact et de la récurrence des événements climatiques « affole » les modèles actuariels et complique la couverture du risque. Ainsi, à Blendecques, dans le Pas-de-Calais, le montant de la franchise a été fixé à cinq cent mille euros, ce qui est disproportionné pour une commune de quelques centaines d’habitants.

Dans ce dossier piloté avec le ministère de l’économie, notre objectif est de réfléchir avec l’ensemble des assureurs à une révision du modèle « catastrophes naturelles » en tenant compte de la prévention, afin de baisser le coût et la récurrence des accidents. Il faut donc définir le financement de l’adaptation au changement climatique selon les parts qui doivent respectivement revenir à l’État, aux collectivités territoriales et aux acteurs privés assurantiels, qui y ont intérêt.

M. René Pilato (LFI-NFP). Inondations en Charente, dans le Pas-de-Calais, en Seine-et-Marne ; morts et disparus dans la vallée de la Roya ; plus de deux cents morts en Espagne… Le chef du gouvernement espagnol a annoncé qu’une fois la situation revenue à la normale à Valence, il conviendrait d’opérer « une transformation du territoire pour l’adapter à l’urgence climatique qui frappe la Méditerranée ». De nouveaux aménagements seront également nécessaires en France pour s’adapter à des phénomènes toujours plus extrêmes. Vous qui êtes en charge de la prévention des risques, que prévoyez-vous à court, moyen et long termes pour assurer la sécurité de la population et de nos infrastructures dans les territoires les plus exposés ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous renvoie au plan national d’adaptation au changement climatique, qui comporte des réponses très précises à votre question. Il s’agit d’intégrer une trajectoire d’adaptation à une hausse des températures de 4 °C dans l’aménagement des nouvelles infrastructures, de mettre à jour les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) et les plans communaux de sauvegarde (PCS) et de travailler à un plan d’investissement dans des solutions fondées sur la nature afin de rehausser notre niveau de résilience.

Dans le Pas-de-Calais, par exemple, qui a un peu d’avance dans la lutte contre les inondations, plus de six cents travaux d’urgence ont été réalisés ainsi que 174 opérations structurantes, qui permettent de réfléchir à l’installation de zones d’expansion des crues ou de pièges à embâcle. Nous travaillons également avec les agriculteurs au développement de l’hydraulique douce, qui consiste à créer des haies, des fascines et des bandes enherbées destinées à piéger l’eau lorsque son niveau monte.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Dans la course contre la montre écologique, nous partons, s’agissant de la protection de nos ressources en eau, avec un retard important qui ne cesse de se creuser. Trois Inspections générales ont en effet dressé le constat accablant d’une faillite collective et d’un échec global de la préservation de la qualité de l’eau potable.

Plusieurs recommandations sont formulées : restrictions ou, mieux encore, interdiction d’utilisation des pesticides dans les aires d’alimentation de captage ; accompagnement financier des agriculteurs concernés ; augmentation de la redevance pour pollutions diffuses au bénéfice des agences de l’eau. Ces solutions figurent dans la proposition de loi (n° 502) que j’ai déposée le 29 octobre dernier ; il s’agit d’éviter la fermeture de nouveaux captages et de cesser de jouer aux apprentis sorciers avec les pesticides et leurs métabolites – donc avec notre santé. Parmi ces recommandations, quelles sont celles qui seront retenues dans la feuille de route que vous avez annoncé vouloir présenter dans les prochaines semaines ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cette feuille de route est élaborée à partir du rapport des Inspections, mais aussi de travaux antérieurs. Ainsi, le plan Écophyto prévoit de réduire de moitié l’usage et les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. Du reste, depuis 2015, nous avons réduit de 95 % l’usage de ceux de ces produits qui sont classés comme dangereux, c’est-à-dire comme substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR 1).

Deux points doivent être soulignés. Tout d’abord, on retrouve, dans les eaux de captage, les métabolites de produits qui ont été interdits il y a parfois vingt à trente ans : il y a donc un enjeu de dépollution. Ensuite, en raison des aléas climatiques et des variations de régime de l’eau, on peut assister à des phénomènes de concentration de métabolites, en période de sécheresse, ou de ruissellement, les eaux contaminées s’écoulant vers les points de captage. Nous cherchons donc à améliorer nos connaissances et à mener des travaux au plus près du terrain, en permettant au préfet de prendre des mesures reposant, dans un premier temps, sur le volontariat, puis d’application stricte, comme nous le faisons pour la conchyliculture.

M. Karim Benbrahim (SOC). Votre réponse à ma question précédente était un peu caricaturale : à quoi faites-vous référence lorsque vous affirmez que le groupe Socialistes a proposé de tripler la taxation d’entreprises telles que Systovi ou Saunier-Duval ? Il y a suffisamment de fake news dans le débat public pour qu’une ministre de la République s’abstienne d’en ajouter.

Je m’étonne également que vous teniez un groupe d’opposition pour responsable de la fermeture d’une usine. Pour les dirigeants de Systovi, c’est la concurrence déloyale chinoise qui est en cause – et personne ici n’envisage d’aligner nos normes sociales et environnementales sur celles de la Chine. Pour ceux de General Electric, ce sont le creux du carnet de commandes, le manque de visibilité et les mesures protectionnistes du gouvernement américain.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je faisais référence aux soixante milliards d’impôts supplémentaires que vous vous avez proposés d’introduire dans le projet de loi de finances pour 2025. Je n’ai donc fait que souligner l’incohérence de votre question avec les positions défendues récemment en séance publique.

Depuis 2017, cent cinquante mille emplois industriels ont été créés – ce qui ne signifie pas pour autant qu’aucune entreprise industrielle ne soit en difficulté ou qu’aucun site ne ferme. S’agissant du photovoltaïque, vous avez raison de mentionner l’importante concurrence de la Chine. Je ne sais pas si elle est déloyale ; en tout cas, elle existe. Cependant, le règlement européen pour des produits de technologie « zéro net » doit permettre d’instaurer des règles du jeu équitables entre l’Europe et les pays étrangers.

M. Thierry Benoit (HOR). Compte tenu du tropisme électrique de la France, le prix de l’électricité est un enjeu majeur pour nos concitoyens comme pour nos entreprises. Or, si l’on envisage une stabilité, voire une légère baisse, de ce prix en 2025, il est question d’une hausse très importante en 2026, notamment à cause des objectifs imposés aux acteurs du secteur en matière de certificats d’économie d’énergie (CEE). Il s’agit de bons dispositifs, mais c’est un domaine dans lequel nous pourrions anticiper.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Premier ministre vise une diminution de 9 % du tarif réglementé en 2025 grâce au pilotage fiscal. Les prix applicables aux acteurs non éligibles à ce tarif pourront évoluer différemment.

En 2026, la composante de l’électricité sera stable ou en baisse. Sur la base des signaux-prix actuels, il devrait en être de même entre 2027 et 2029.

Le tarif de réseau augmentera substantiellement cette année. L’un des enjeux est de couvrir une partie de son augmentation dans l’augmentation de la fiscalité avant d’engager une diminution du tarif réglementé global – je vous renvoie aux travaux de la Commission de régulation de l'énergie.

En ce qui concerne les CEE, aucune décision n’a été prise pour l’après-2026. Pour le moment, il n’y a pas d’évolution du poids des certificats dans le tarif de l’électricité ; il nous revient de le piloter.

M. Robert Le Bourgeois (RN). Dans nombre de communes de ma circonscription de Seine-Maritime, comme dans beaucoup d’autres territoires, le développement anarchique des éoliennes suscite incompréhension et colère et nourrit le sentiment d’abandon de l’État. Un beau jour, les gens voient apparaître un mât de mesure à l’horizon : c’est le début d’un processus infernal, irrémédiable, contre lequel toute opposition est bien souvent inutile. Le Premier ministre déclarait pourtant, il n’y a pas si longtemps, vouloir mesurer tous les impacts des énergies renouvelables, particulièrement de l’éolien. N’était-ce là qu’un vœu pieux ou envisagez-vous réellement de ralentir le développement des éoliennes en mer et sur terre, le temps d’en mesurer tous les impacts ? Cela permettrait de rétablir la confiance des Français dans les services de l’État, qui est largement entamée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour mettre les choses en perspective, je rappelle que la Seine-Maritime comptait 214 éoliennes en mai 2023, ce qui correspond à un quart du parc de mon département, le Pas-de-Calais. La loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables permet à une commune, dès lors qu’elle a validé ses zones d’accélération, d’interdire l’installation d’éoliennes sur une partie de son territoire – mais encore faut-il qu’elle se soit engagée dans cette planification. En outre, cette même loi a institué des comités locaux pour accompagner les nouveaux projets, même s’ils ne sont pas situés dans les zones d’accélération, et s’assurer de leur acceptabilité par la population. J’ajoute que, pendant les deux ans au cours desquels j’ai exercé les fonctions de ministre de la transition énergétique, j’ai reçu cinq fois plus de courriers me demandant de débloquer des projets d’éoliennes que de requêtes tendant à ce que je les interdise.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le 14 octobre dernier, le Conseil de l’Union européenne a formellement adopté – c’est une bonne nouvelle – la directive établissant des normes actualisées en matière de qualité de l’air pour l’ensemble de l’Union européenne. La directive révisée fixe, pour les polluants réglementés, les objectifs de qualité à atteindre d’ici à 2030, lesquels se rapprochent des lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiées en septembre 2021. Parmi ces polluants figurent les particules fines et le dioxyde d’azote, qui sont les premiers responsables des dommages sanitaires liés à la pollution de l’air extérieur. À quelle échéance la directive sera-t-elle traduite en droit français ? Quelle est votre feuille de route en matière d’amélioration de la qualité de l’air extérieur et intérieur ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’enjeu est en effet de taille, puisque la pollution de l’air est responsable de près de cinquante mille décès par an en France, selon les estimations, sans compter les maladies telles que l’asthme, qui touchent un nombre croissant d’enfants. Nous avons deux ans pour transposer la directive ; ce sera l’objet d’un prochain train de diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, certainement en 2026.

Je rappelle que les zones à faibles émissions (ZFE) ont été développées pour des raisons sanitaires, afin de diminuer le nombre de décès précoces et de limiter la survenue de maladies telles que l’asthme et la bronchiolite. Cette politique porte ses fruits, puisqu’un certain nombre de collectivités locales ont réussi à revenir sous les seuils limites fixés par les normes européennes. Mon objectif est que nous continuions à réduire les émissions de polluants.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je souhaiterais avoir votre avis de ministre de la transition écologique sur l’accord avec le Mercosur, qui va engendrer une forte augmentation de gaz à effet de serre, une déforestation supplémentaire sur une surface minimale de sept cent mille hectares et l’importation en Europe de 99 000 tonnes de viande bovine. Ces importations exposeront les éleveurs bovins français, qui respectent des normes environnementales, à une concurrence déloyale. Affirmez-vous toujours, comme vous le faisiez en mars dernier, que « le libre-échange fait vivre l’agriculture » ? Vous allez certainement me parler de clauses miroirs ou me dire qu’il nous faut cet accord, mais en l’assortissant de contrôles. Toutefois, la Commission européenne (direction générale de la santé) a publié une étude il y a un mois qui conclut que le bœuf brésilien exporté contient des hormones interdites en France. Il existe, nous le savons, des cas de corruption qui impliquent des contrôleurs sanitaires. En outre, vous venez de dire qu’être souverain, c’est produire ce que l’on consomme : soyons cohérents et appliquons ce principe à l’agriculture en ne ratifiant pas le traité, quelles qu’en soient les conditions.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement actuel, comme les précédents, n’a jamais soutenu l’accord avec le Mercosur : je m’étonne que vous fassiez mine de croire le contraire. Voilà sept ans que le Président de la République, avec les gouvernements successifs, a réussi à bloquer la conclusion de l’accord. Le libre-échange a des effets positifs lorsqu’il est correctement négocié, dans le cadre de traités qui le régulent. En tout état de cause, il a déjà cours : nous n’avons conclu aucun traité de libre-échange avec la Chine, ce qui n’empêche pas ce pays d’exporter massivement vers notre pays. On confond les deux sujets. Un accord comme le Ceta, l’Accord économique et commercial global, est équilibré. Les chiffres nous montrent que notre agriculture vit très fortement de sa capacité à exporter. En revanche, l’accord avec le Mercosur est mauvais, tant d’un point de vue écologique qu’agricole. Si vous souhaitez défendre l’élevage, je compte sur vous pour soutenir le développement d’installations classées pour la protection de l’environnement en France, par exemple pour l’élevage bovin, car cela contribue à notre souveraineté.

M. Boris Tavernier (EcoS). On attend de longue date l’établissement de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc). Inscrite dans la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », elle devait être publiée le 1er juillet 2023 ; mais on ne voit toujours rien venir, alors que les enjeux écologiques liés à l’alimentation sont nombreux. Quand la Snanc sera-t-elle publiée ou quand fera-t-elle l’objet d’une concertation ? Quelle ambition allez-vous y défendre ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les travaux relatifs à la Snanc ont en effet pris du retard. Ils sont toutefois assez avancés sur un certain nombre de points, tels que la diversification des protéines ou les référentiels de santé, mais il nous reste, avec ma collègue Annie Genevard, à finaliser les derniers éléments. Je ne peux pas vous donner de calendrier précis ; mais nous sommes en mesure de parvenir à une rédaction ambitieuse pour ce texte, qui constituera un outil de planification écologique correspondant à nos modes de vie et à nos choix sanitaires.

M. Lionel Tivoli (RN). Les 19 et 26 octobre derniers, le département des Alpes-Maritimes, en particulier le pays grassois dans ma circonscription, a de nouveau été victime d’événements climatiques de forte intensité, qui ont provoqué inondations et glissements de terrain et qui ont entraîné l’arrêt de nombreuses activités sociales et économiques. Ces épisodes, de plus en plus fréquents, sont une menace pour notre territoire. Afin de s’en prémunir, il est urgent de revoir nos méthodes d’action et, surtout, de repenser l’adaptation de nos communes grâce, notamment, à la création de bassins de rétention, à la protection des surfaces agricoles et à l’abrogation de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Il faut trouver des solutions pour notre département, qui a déjà été lourdement meurtri par la tempête Alex, il y a quatre ans. Les aides de l’État ne compenseront jamais le préjudice moral et les souffrances que subissent nos compatriotes. Quelles mesures comptez-vous prendre pour développer la résilience de nos communes et de nos intercommunalités face aux crues et aux inondations qui les menacent ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour lutter contre le dérèglement climatique, il faut commencer par réduire les émissions de gaz à effet de serre : je compte sur vous et sur votre groupe pour soutenir les travaux que nous menons en ce sens. Cela suppose notamment de défossiliser notre énergie et de développer les énergies renouvelables. Je compte également sur votre soutien en faveur de l’action que nous menons pour lutter contre l’artificialisation des sols, en particulier pour parvenir au « zéro artificialisation nette », qui contribuera à protéger nos compatriotes contre les phénomènes que vous mentionnez. Enfin, il faut améliorer le système de prévention. S’agissant d’épisodes très brutaux tels ceux que vous avez mentionnés, il faut s’attacher à établir une micro-localisation des impacts afin d’anticiper ces phénomènes et de créer des systèmes de sécurisation, tels les pièges à embâcle, les digues ou les zones d’expansion des crues. Il faut suivre toute l’hydraulicité pour freiner ces épisodes en amont. Plusieurs mécanismes peuvent être mis en œuvre sur votre territoire ; il faut à présent accélérer leur application.

Notre objectif, en matière de lutte contre le changement climatique, est de mettre à la disposition des communes une ingénierie qui rassemble les compétences de nos opérateurs. En effet, un maire n’a pas les moyens de s’offrir les services de professionnels tels qu’un prévisionniste météo pointu ou un aménageur urbain spécialisé dans la lutte contre les inondations ou la submersion marine. L’Ademe et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), en coopération avec Météo France, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la Banque des territoires et l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), doivent appuyer les collectivités locales pour leur permettre d’établir un diagnostic et de bâtir une feuille de route stratégique définissant leurs priorités d’action. Nous accompagnerons leurs projets au moyen de financements tels que le fonds Barnier et le fonds Vert – lequel, comme le Premier ministre l’a précisé, devra être orienté vers l’adaptation au changement climatique. En outre, la logique de prévention et d’assurance doit permettre de limiter l’étendue des dégâts.

La gestion des crues relève d’un travail que nous menons en commun avec le ministère de l’intérieur. Nous disposons de forces d’intervention et de secours d’une grande qualité, comme on a pu le constater en Ardèche et dans la Loire, où des hélitreuillages ont été menés à bien dans des conditions très difficiles. Le ministère de l’intérieur souhaite s’appuyer sur les plans communaux de sauvegarde (PCS) pour renforcer la gestion des risques. Nous devons également muscler nos plans de prévention des risques d’inondation (PPRI). Nous allons mobiliser l’ensemble de ces outils pour traiter chaque risque, au cas par cas, qu’il s’agisse du recul du trait de côte, du retrait-gonflement des argiles (RGA) – risque au long cours, qui pourrait affecter plus de dix millions de maisons si l’on ne faisait rien – ou encore des inondations liées à des épisodes cévenols ou méditerranéens, à la montée des nappes phréatiques ou à la submersion marine. Nous engagerons cette lutte à partir de cent cas dès 2025 et nous l’étendrons à l’ensemble des collectivités locales dans les années qui suivent.

 

 

 

 

 

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Informations relatives à la commission

La commission a procédé à la nomination de trois rapporteurs :

– M. Stéphane Delautrette, sur la proposition de loi portant accélération de la rénovation énergétique des logements (n° 516)

– M. Philippe Brun, sur la proposition de loi visant à lutter contre les pannes d’ascenseurs non prises en charge (n° 518)

– Mme Béatrice Bellay, sur la proposition de vivant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer (n° 522).

 

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

 

Réunion du mardi 19 novembre 2024 à 17 h 45

 

Présents. - M. Laurent Alexandre, M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, Mme Béatrice Bellay, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. André Chassaigne, M. Romain Daubié, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, M. Hervé de Lépinau, M. Laurent Lhardit, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, Mme Manon Meunier, Mme Louise Morel, M. Christophe Naegelen, M. Philippe Naillet, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. Stéphane Peu, M. René Pilato, M. Vincent Rolland, M. Boris Tavernier, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Frédéric Weber

 

Excusés. - M. Harold Huwart, M. Pascal Lecamp, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet, M. Matthias Tavel

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Jean-Claude Raux