Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 

 Suite de l’examen de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques (n° 447) (M. Thomas Cazenave, rapporteur)              2

 Examen de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés (n° 380) (M. Jean-Luc Fugit,
rapporteur)......................................25

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements restant en discussion sur la proposition de loi visant au blocage des prix de l’énergie dans l’hexagone et les outre-mer (n° 419 rectifié) (Mme Alma Dufour,
rapporteure).....................................57


Mercredi 27 novembre 2024

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 30

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


  1 

La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques (n° 447) (M. Thomas Cazenave, rapporteur).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous continuons d’entendre les orateurs des groupes sur la proposition de loi (n° 447) contre toutes les fraudes aux aides publiques.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons que partager l’objectif que vous visez dans votre proposition de loi. Il nous faut renforcer notre arsenal pour combattre les fraudes relatives aux différents dispositifs d’aide, alors même que 2023 a été une année record en matière de détection de fraudes et de recouvrements de sommes indûment perçues. Vous proposez divers outils, notamment contre les fraudes aux aides énergétiques. Les dispositions relatives à la suspension temporaire du versement ou de l’octroi des aides ou au rejet de la demande d’aide publique « en cas d’indices de manœuvres frauduleuses ou de manquement délibéré » appellent des réserves de notre part : nous avons déposé un amendement visant à encadrer juridiquement cette notion d’ « indices » afin d’éviter que des personnes de bonne foi ne soient pénalisées.

De la même manière, nous souhaitons vous alerter sur les effets de bord que pourraient avoir les sanctions prises à l’encontre d’entreprises se réclamant de labels dont elles ne peuvent prouver la bonne utilisation, en particulier dans le cadre du dispositif MaPrimRénov’ et des certificats d’économies d’énergie (CEE). Si nous partageons votre volonté de renforcer les contrôles, nous craignons que les bénéficiaires de bonne foi ne se voient refuser le versement de leurs aides financières pour des travaux déjà commandés auprès d’une entreprise qui ferait l’objet d’une suspension de label. Nous proposerons des modifications dans un autre amendement.

Nous nous interrogeons, par ailleurs, sur les dispositions destinées à simplifier les échanges d’informations. Il nous semble qu’elles ne sont pas proportionnées à l’objectif poursuivi et qu’elles fragilisent la protection des données personnelles et le respect de la vie privée des personnes.

Enfin, le renforcement des possibilités de contrôle des titres d’identité et de séjour en cas de suspicion de fraude aux aides sociales nous apparaît comme un point noir de votre texte. Cette mesure nous semble inopportune dans un texte portant essentiellement sur les fraudes aux aides énergétiques. Nous proposerons donc la suppression cet alinéa de l’article 2 et attendons des explications de votre part.

Notre vote dépendra donc de nos débats.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis sensible, comme votre groupe, à la nécessité de protéger les bénéficiaires de certains dispositifs. Le principe de bonne foi doit primer et la suspension des aides ne peut être subordonnée qu’à la présence d’indices. Au cours de la discussion, nous pourrons modifier la rédaction de l’article 1er afin de qualifier ces indices. Cela sera de nature à rassurer : les services ne sauraient procéder à des suspensions de manière unilatérale, sans les justifier par des éléments probants. Il ne faudrait pas que les bénéficiaires des dispositifs se trouvent pénalisés, alors que ce sont les entreprises auxquelles ils ont recouru qui sont fautives.

Quant aux échanges d’informations, ils sont proportionnés et dûment encadrés. Ils ne donnent pas lieu, par exemple, à la création de grands fichiers.

J’ai bien pris en compte votre inquiétude portant sur les échanges entre services préfectoraux et organismes de protection sociale. Nous verrons au cours de la discussion comment répondre au problème de la fraude documentaire, qui se pose pour les aides publiques en général et pas seulement pour les prestations sociales.

M. Guillaume Lepers (DR). La fraude aux aides publiques est devenue depuis quelques années un enjeu central de la gestion des finances publiques. En 2023, ce phénomène a pris des proportions alarmantes, entraînant des pertes estimées à plusieurs centaines de millions d’euros pour l’État – voire davantage. Lutter contre toutes les formes de fraudes aux aides publiques doit être un combat partagé et à mener avec fermeté. La présente proposition de loi apporte des solutions concrètes. La possibilité de suspendre temporairement les aides en cas de soupçons de fraude constitue une avancée majeure. Cela permettra aux autorités compétentes de sécuriser nos finances publiques le temps de l’enquête.

Le texte apporte également une réponse adaptée aux dérives massives dont font l’objet des dispositifs tels que MaPrimeRénov’. Nous savons, par exemple, que les fraudeurs utilisent les informations personnelles des victimes pour demander des aides en leur nom, alors qu’elles n’en voient bien évidemment jamais la couleur. Il était urgent d’établir des garde-fous.

Notre groupe accueille avec satisfaction l’interdiction du démarchage téléphonique pour les travaux d’adaptation de logement liés au handicap et à la vieillesse. À titre personnel, c’est un combat que je mène depuis des années. Je me réjouis de cette avancée, cruciale pour protéger les personnes vulnérables contre des pressions abusives et leur garantir l’accès aux aides auxquelles elles ont droit.

L’encadrement des certificats d’économies d’énergie est également un point fort de ce texte. En restreignant l’accès à la création des comptes à risque et en imposant des sanctions dès les premières étapes de la demande, le texte adopte une approche pragmatique. D’autres types de fraudes comme celles liées au compte personnel de formation (CPF) devront être traitées à l’avenir mais, dans l’immédiat, cette proposition de loi constitue un réel progrès.

Pour renforcer le contrôle des fraudes à la rénovation, nous soutiendrons un amendement de notre collègue Jean-Pierre Vigier, visant à limiter le recours à la sous-traitance de second rang dans les chantiers de travaux aidés et à interdire aux entreprises ayant obtenu le label reconnu garant de l’environnement (RGE) de sous-traiter ce type de travaux.

En conclusion, notre groupe votera en faveur de ce texte qui améliorera grandement la gestion de nos finances publiques.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je vous remercie de manifester votre soutien aux grands objectifs de cette proposition de loi. Nous sommes confrontés à un phénomène de fraudes massives qui concernent non seulement MaPrimeRénov’ et les CEE, mais aussi toutes sortes d’aides comme les fonds d’accessibilité ou les aides vélo. Elles sont souvent coordonnées par des réseaux très organisés, ce qui implique d’agir à la source. C’est la raison pour laquelle la suspension des aides est une mesure efficace, car, une fois les aides versées, il est trop tard pour récupérer les sommes indûment perçues.

Je partage votre volonté de mieux encadrer la sous-traitance en matière de rénovation énergétique et je pense que nous parviendrons à trouver un accord sur vos propositions de modification.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le Grenelle de l’environnement a été le point de départ d’un long historique de méfaits de la part de profiteurs et d’usurpateurs des aides liées aux politiques publiques écologiques. On se souvient de la célèbre arnaque à la TVA sur les quotas carbone, qui a coûté plus de 1,6 milliard d’euros (Md€) aux finances publiques. Dans le quotidien de nos concitoyens, cela se manifeste par des tromperies et des pratiques commerciales abusives. Des entreprises disparaissent sitôt le premier acompte payé ; des banques complices octroient des crédits qui ne sont pas signés dans les règles – elles ont été jugées coupables par la Cour de cassation. Pour le dispositif MaPrimeRénov’, les sommes fraudées s’élèvent pour la seule année 2023 à un demi-milliard d’euros. Je déplore à cet égard que le Parlement dispose de si peu d’informations sur l’ampleur du préjudice subi par l’État.

C’est dans un relatif désert que les écologistes plaident depuis des années pour une prévention et une répression efficaces de ces fraudes. Ces agissements portent gravement atteinte, non seulement à l’État et aux contribuables, mais à la dynamique générale de mobilisation du pays en faveur de la sobriété énergétique. À cet égard, on ne saurait, comme vous le faites, monsieur le rapporteur, qualifier ces arnaqueurs d’« écodélinquants » puisqu’ils nuisent à l’écologie. Alors qu’on constate une appétence pour les travaux d’isolation des logements ou l’autoconsommation des énergies renouvelables, ils viennent profondément perturber le déploiement de ces politiques publiques.

Cette proposition de loi est donc bienvenue. Nous défendrons des amendements visant à renforcer la prévention, qui doit commencer par l’interdiction complète du démarchage téléphonique.

Reste un point d’alerte majeur : la légitime lutte contre la fraude rate parfois sa cible, avec pour conséquence d’ « enquiquiner » les honnêtes gens. J’imagine que des équipes de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) suivent nos débats et je les salue. Je ne prendrai qu’un seul exemple parmi les dizaines de cas dont j’ai connaissance en tant que députée des Deux-Sèvres. Un artisan ayant installé une pompe à chaleur chez lui s’est vu retirer le bénéfice de MaPrimeRénov’ au motif que Bureau Veritas n’aurait pas vérifié l’installation, alors que ses agents avaient bel et bien établi sa conformité. Malgré trois courriers, deux mails, un recours et quatre appels téléphoniques, ce monsieur ne parvient toujours pas à se faire entendre : ce n’est pas acceptable. Évitons que des mécanismes bureaucratiques ne pénalisent des gens qui devraient percevoir leurs aides en bonne et due forme.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. La proposition de loi comporte de multiples dispositifs destinés à lutter contre les démarches commerciales agressives, combat auquel je vous sais très attachée. Ce sont souvent les entreprises les moins diligentes qui usent de ces techniques, en recourant aux appels téléphoniques, à l’envoi de SMS et même au porte-à-porte.

L’article 1er est très protecteur pour le bénéficiaire des aides. Actuellement, l’Anah, en cas de doute sur MaPrimeRénov’, procède à la suspension des versements sans qu’un encadrement vienne limiter sa durée. Le délai de trois mois que nous instaurons sera opposable à l’agence : elle devra conduire dans ce laps de temps les investigations nécessaires pour lever les doutes et verser à nouveau les aides, le cas échéant.

M. Romain Daubié (Dem). Chaque année, les fraudes aux aides publiques représentent un coût de plusieurs centaines de millions d’euros. Pour le seul dispositif MaPrimeRénov’, 400 millions d’euros (M€) auraient été détournés, soit 10 % de son budget. Dans un contexte budgétaire contraint, où nous recherchons des économies, ces faits sont inacceptables. Lutter contre ces pratiques, ce n’est pas seulement protéger l’intégrité de nos finances publiques, c’est aussi préserver la confiance de nos concitoyens dans nos institutions et garantir que chaque euro d’argent public est utile. C’est aussi maintenir notre modèle de société fondé sur la solidarité, mais également sur l’équité ; c’est trouver de nouvelles marges budgétaires sans taxer davantage les personnes qui travaillent (ou qui ont travaillé) pour avoir des revenus, se constituer une épargne ou acquérir un bien immobilier.

La proposition de loi répond à cet impératif. Elle introduit des mesures ciblées pour combler les lacunes actuelles. À l’article 1er, la suspension temporaire des versements constitue un mécanisme réactif, nouveau et utile. L’article 2 renforce les échanges d’informations entre administrations afin d’améliorer la détection des fraudeurs, ce dont je me réjouis également. Enfin, les articles 3 et 4 visent plus particulièrement MaPrimeRénov’ et les certificats d’économies énergie. Ces dispositions ne sont pas seulement des réponses techniques, elles traduisent aussi la volonté politique claire de garantir que chaque euro d’aide publique est bien utilisé. Le groupe Les Démocrates salue ce texte équilibré et pragmatique et le soutiendra sans réserve.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je vous remercie pour votre soutien à la proposition de loi. Lutter contre la fraude aux aides publiques renvoie, comme vous le soulignez, à deux grands enjeux. Il s’agit d’abord de contribuer à rétablir nos finances publiques, puisque le préjudice de la fraude est estimé entre 700 M€ et 1,6 Md€. Il s’agit ensuite d’entretenir la confiance de nos concitoyens, le consentement à l’impôt reposant dans notre pays sur la certitude que chaque euro d’argent public est bien utilisé.

M. David Taupiac (LIOT). Les cas de fraude aux aides publiques se multiplient et font de plus en plus régulièrement la une de l’actualité. Récemment, ce sont deux individus qui ont réussi à détourner 16 M€ destinés au CPF en créant une myriade de sociétés. S’agissant de MaPrimeRénov’ en 2023, Tracfin a détecté 400 M€ de flux financiers suspects. Quant aux certificats d’économies d’énergie, ils feraient l’objet de fraudes à hauteur de 480 M€.

Dans le contexte de restrictions budgétaires que nous connaissons, nous devons redoubler de vigilance quant à la bonne utilisation des deniers publics. Nous ne pouvons demander à certains de se serrer la ceinture quand d’autres profitent des limites du système. Il n’y aura plus de consentement à l’impôt si l’impression s’installe que certains contribuables peuvent frauder en toute impunité.

Avec cette proposition de loi, vous espérez lutter contre ces détournements et faire rentrer dans les caisses de l’État jusqu’à 1,6 Md€. Vous prévoyez de suspendre les aides dès que les versements soulèvent des doutes. Si nous sommes favorables à ce principe, nous nous interrogeons sur le périmètre des aides concernées : s’agit-il de l’ensemble des aides versées directement et indirectement par l’État, les collectivités territoriales et les organismes publics ? Les prestations sociales rentrent-elles dans le champ des articles 1er et 2 ? Nous considérons, pour notre part, que seules les aides aux entreprises devraient être concernées.

La proposition de loi s’appuie également sur le levier de la coopération des services contre la fraude. Il s’agit de faciliter le partage d’informations entre les différentes administrations et organismes publics. Nous soutenons cette mesure, mais à condition que les données personnelles sensibles soient préservées.

Les articles 3 et 4 renforcent les moyens de contrôle portant sur le versement des aides à la rénovation énergétique. Ils proposent des mesures de bon sens : limiter le recours à la sous-traitance auprès d’entreprises n’ayant pas reçu le label RGE et dont la qualité du travail ne serait pas garantie ; permettre aux enquêteurs de l’administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de suspendre ou retirer le label RGE en cas d’anomalies graves constatées lors des contrôles.

En outre, nous sommes favorables aux interdictions de démarchage effectuées par téléphone, par courrier et sur les réseaux, pour les travaux d’économies d’énergie, de production d’énergies renouvelables ou d’adaptation des logements au handicap et à la vieillesse. Reste qu’il faudra assurer un contrôle suffisant pour garantir l’effectivité de ces dispositions.

Vous l’aurez compris, nous serons favorables à cette proposition de loi, à condition qu’on nous rassure sur le champ d’application des articles 1er et 2.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Le champ d’application des dispositions des deux premiers articles est très large. Il s’agit de toutes les aides publiques, des subventions aux prêts garantis par l’État (PGE), autrement dit de tous les transferts opérés depuis la sphère publique vers divers bénéficiaires. Ce sont toutefois des « dispositions balais » et, pour un très grand nombre de prestations sociales, elles ne s’appliqueront pas, car il existe déjà des mécanismes de suspension des versements : c’est le cas du revenu de solidarité active (RSA), sur décision du président du conseil départemental. Nous créons un cadre général qui vaudra surtout là où il y avait des lacunes. Citons MaPrimeRénov’ ou l’Agence de services et de paiement (ASP), qui verse beaucoup d’aides. Nous faisons en sorte que tous les transferts publics puissent faire l’objet d’une suspension. Ces nouvelles mesures n’affecteront donc pas les prestations sociales sur lesquelles portait votre inquiétude.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Delphine Batho (EcoS). Il y a un manque de transparence sur le total du préjudice subi depuis 2020 du fait des fraudes au dispositif MaPrimeRénov’. À défaut de pouvoir disposer des chiffres dès maintenant, il serait bon que nous soyons éclairés par le rapport de la commission, dans la perspective de l’examen en séance publique lundi prochain. Lors de la séance des questions orales sans débat, hier, à ma question relative au montant de la fraude sur ce dispositif, la ministre a répondu que les sommes en jeu étaient de 14 M€ et non de 400 M€ : il importe de dissiper ce flou. J’imagine que le Gouvernement dispose au moins des chiffres pour l’année 2023.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Il a même été question de 10 % du budget total du dispositif…

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Certaines précisions pourront vous être apportées par le Gouvernement. Le chiffre qui nous a alertés, ce sont les 400 M€ sur lesquels portent les déclarations de soupçon de Tracfin. Ce montant ne correspond pas forcément aux fraudes pour une année donnée, il porte sur les mouvements suspects identifiés sur des comptes. Il faudra se rapprocher de l’Anah pour en savoir plus, car la loi n’autorise pas Tracfin à lui transmettre les déclarations de soupçon. L’une des dispositions de l’article 2 permettra de gagner du temps en autorisant ces transmissions : dès qu’elle aura été informée par Tracfin, l’Anah pourra immédiatement suspendre les versements, le temps de procéder à des vérifications.

Je n’ai pas, à ce stade, obtenu les montants précis des fraudes, dispositif par dispositif. Nous avons auditionné avant-hier le président de l’ASP et lui avons demandé de nous communiquer ces chiffres pour les aides versées par l’agence. Il nous a indiqué que deux tiers des dossiers de demande d’aides au titre du fonds territorial d’accessibilité (FTA) déployé au moment des Jeux olympiques étaient frauduleux. Nous savons qu’il y a aussi eu des fraudes sur les aides aux vélos, notamment le bonus vélo, mais je ne peux pas vous en dire plus.

 

Article 1er (article L. 115-3 [nouveau] du code des relations entre le public et l’administration) : Suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude et rejet de la demande d’aide en cas de fraude avérée

 

Amendement de suppression CE14 de Mme Mathilde Panot

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Il faut supprimer cet article dangereux : en soumettant le versement des aides publiques à l’arbitraire de l’administration, il risque de mettre en péril les personnes les plus précaires en les privant de ressources. La fraude est une notion pénale, son appréciation n’a pas à être laissée au bon vouloir de l’administration.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Avis défavorable. Supprimer cet article nous empêcherait de lutter contre les entreprises délinquantes et les réseaux de blanchiment qui tirent profit de l’absence de réactivité de l’administration.

M. Fabien Di Filippo (DR). Entendre dire qu’il y a un droit aux aides me « hérisse le poil ». Les aides publiques ont vocation à soutenir des structures en difficulté ou des structures en développement, mais elles ne sont pas assorties d’un droit. Il n’y a donc pas de raison pour que leur suspension ou leur remboursement soient soumis à une décision préalable de justice. Celle-ci ne peut intervenir que s’il y a des faits délictueux relevant du pénal. Les dispositifs d’aide, surtout en matière de prestations sociales, comportent aussi des devoirs et des contreparties.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE42 de M. Antoine Golliot

M. Antoine Golliot (RN). Il s’agit d’augmenter la majoration des sommes à restituer en cas de manœuvres frauduleuses de 80 % à 100 %. Ces manœuvres traduisent une intention claire de tromper l’administration et leur gravité appelle une réponse proportionnée. Un taux maintenu à 80 % pourrait apparaître aux yeux des fraudeurs comme un simple coût du risque, surtout lorsque les montants en jeu sont élevés. En le portant à 100 %, nous enverrions un message plus clair : la fraude ne doit jamais être rentable.

Cette proposition reste raisonnable et mesurée. Dans d’autres pays, les sanctions encourues peuvent atteindre 200 % du montant fraudé. Ce durcissement est non seulement juste, mais indispensable pour renforcer la dissuasion et protéger nos finances publiques.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je partage l’idée que la sanction doit être dissuasive. Toutefois, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement en vue de la discussion du texte en séance, car le durcissement que vous proposez manque de cohérence : il ne s’applique qu’aux manœuvres frauduleuses et laisse de côté les manquements délibérés.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE10 de M. Patrice Martin, CE15 de M. Pierre-Yves Cadalen et CE29 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)

M. Patrice Martin (RN). Il est crucial de s’assurer que la suspicion pesant sur le versement d’une aide publique repose sur des bases solides et de renforcer la sécurité juridique tout en préservant l’efficacité dans la lutte contre la fraude. Mon amendement CE10 tend à permettre de limiter les risques d’arbitraire ou d’abus administratif et d’éviter de pénaliser injustement des bénéficiaires honnêtes.

Les agents habilités disposeront d’un cadre clair, précis et protecteur, grâce auquel seront visés efficacement les comportements frauduleux. Nous préserverons ainsi la confiance des citoyens dans nos institutions. Lutter contre la fraude tout en garantissant que les décisions rendues soient justes, tel est l’équilibre qu’il nous faut atteindre pour concilier efficacité et justice.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement CE29 entend encadrer juridiquement la notion d’indices et, par conséquent, les conditions de mise en œuvre de la suspension de l’octroi de subventions. Le seul terme d’« indices » ouvre la voie à de trop larges interprétations et ne se rattache pas à une jurisprudence consolidée. La notion d’« indices sérieux » est, quant à elle, consacrée par notre droit et par la jurisprudence.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. J’émets un avis défavorable sur l’amendement CE10, dont la rédaction revient à contourner la notion de suspicion de fraude en mettant en avant un faisceau d’éléments concordants établissant la fraude même et justifiant donc la suspension des versements. L’amendement CE29, en introduisant la notion d’indices « sérieux », me paraît de nature à mieux encadrer les marges de manœuvre de l’administration. J’y serai favorable. Quant à l’amendement CE15, qui supprime le terme même d’« indices », j’y suis défavorable. Il va à l’encontre de l’objectif poursuivi par ses auteurs.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous partageons les préoccupations de notre collègue Marie-Noëlle Battistel. L’article 1er prévoyant un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités d’application des dispositions, nos débats permettront de préciser quels éléments doivent être pris en compte pour déterminer le soupçon de fraude. Je pense que nous serons tous d’accord pour dire que nous visons les personnes recourant à des manœuvres frauduleuses pour détourner les aides publiques et non les particuliers qui auraient oublié d’indiquer la date du devis dans leur dossier de demande, fait qui relève du droit à l’erreur.

Par ailleurs, nous devons nous interroger sur les modalités des opérations de contrôle. Des entreprises du secteur du bâtiment et travaux publics se sont ainsi plaintes des procédures « par paquets » par lesquelles une entreprise honnête, placée dans le même lot qu’une entreprise frauduleuse, peut voir ses aides suspendues.

M. Paul Midy (EPR). Nous voterons en faveur de l’amendement CE29. Si la possibilité de suspension temporaire est décisive, encore faut-il qu’elle soit bien encadrée pour éviter les écueils évoqués par plusieurs collègues.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. En retenant la rédaction proposée par Mme Battistel, nous éviterons que les simples oublis donnent lieu à une suspension. Il faudra des indices sérieux pour motiver une telle décision et le décret ajoutera des précisions.

La commission rejette successivement les amendements CE10 et CE15.

Elle adopte l’amendement CE29.

 

Amendement CE11 de M. Patrice Martin

M. Patrice Martin (RN). Je souhaite appeler l’attention sur un manque de clarté juridique. Mieux vaut éviter d’ouvrir des possibilités d’interprétation trop larges, allant d’une simple négligence consciente à une fraude manifeste. Cette ambiguïté peut conduire à des décisions injustifiées ou des abus pénalisant des bénéficiaires qui n’auraient commis qu’une simple erreur administrative. Nous préférons les termes de « manquement intentionnel et caractérisé » à ceux de « manquement délibéré ». Cette formulation distingue clairement les erreurs involontaires des comportements frauduleux avérés, elle évite que des sanctions injustes ne s’appliquent et conserve toute leur efficacité aux mesures contre la fraude. Cet amendement garantit également une application plus rigoureuse et cohérente de la loi, réduisant les risques de contentieux liés à des interprétations floues et arbitraires. Il s’agit de protéger les droits des citoyens tout en maintenant leur confiance dans l’institution.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je comprends votre attachement à la protection des droits et votre volonté de la garantir grâce un encadrement renforcé de l’action de l’administration. Toutefois, vous ne pouvez pas dire que la notion de manquement délibéré n’est pas établie en droit : elle figure notamment dans l’article 1729 du code général des impôts, qui prévoit l’application d’une majoration « en cas de manquement délibéré ». Nous empruntons donc un chemin balisé en utilisant cette notion, qui se distingue clairement du droit à l’erreur.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE49 et CE48 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE16 de Mme Mathilde Panot.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE50 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

Amendement CE25 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Je le retire, car le rapporteur a déjà répondu à mon interpellation.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

Article 2 (article L. 561‑31 du code monétaire et financier, article L. 115‑2 du code des relations entre le public et l’administration et article L. 114‑16‑1 du code de la sécurité sociale) : Extension des autorisations d’échanges d’informations entre administrations

 

Amendement CE67 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer les moyens de Tracfin en matière de lutte contre la fraude.

D’une part, il lui confère un droit direct de signalement auprès du procureur européen. Les services de Tracfin nous ont en effet indiqué qu’ils avaient de manière plus régulière à connaître d’affaires qui concernent les fonds européens.

D’autre part, il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des entités auxquelles Tracfin peut communiquer des informations, cela pour éviter de devoir recourir à la loi pour ajouter une nouvelle administration. Le texte initial mentionne l’Anah et la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf), mais il peut y avoir bien d’autres services.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement du rapporteur est très long, il mérite une analyse attentive. Les modifications proposées sont peut-être parfaitement justifiées, mais la prudence est de mise. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons à ce stade.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’amendement cherche simplement à faciliter la transmission d’informations et à améliorer la réactivité. Si, demain, les informations de Tracfin s’avéraient utiles à un service autre que l’Anah ou la Micaf, cet amendement évite de devoir repasser par la loi pour en autoriser la transmission, en renvoyant l’ajout de ce nouveau service au pouvoir réglementaire.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE53 de M. Thomas Cazenave, rapporteur, tombe.

 

Amendement CE17 de M. Pierre-Yves Cadalen

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement tend à supprimer les dispositions relatives aux échanges d’informations attentatoires aux libertés.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Avis défavorable. Les dispositions que vous visez sont tout à fait conformes au règlement général sur la protection des données (RGPD). Il n’est pas question de créer un grand fichier avec des informations personnelles. En outre, le droit de communication reconnu à Tracfin s’inscrit dans le cadre bien défini de la lutte contre la fraude.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE12 de M. Patrice Martin et CE30 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui que nous avons adopté précédemment pour préciser la notion d’indice sérieux.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CE30, l’amendement CE12 ayant été retiré.

 

L’amendement CE13 de M. Patrice Martin est retiré.

 

Amendement CE18 de Mme Mathilde Panot

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Avis défavorable.

M. Antoine Golliot (RN). L’amendement établit une distinction entre petites et grandes fraudes, marquant une tolérance implicite pour les premières.

La restriction de la transmission d’information aux seules fraudes dépassant 1 M€ prive de la possibilité d’identifier des schémas frauduleux complexes ou de fraude cumulée. Lors des auditions, il a souvent été souligné que les fraudeurs agissent de manière organisée et se montrent experts dans la fraude à divers types d’aide.

L’argument de la surcharge pour les administrations est fallacieux, puisque leur modernisation numérique permet de traiter plus efficacement les données.

L’amendement nourrit une culture de complaisance à l’égard des fraudeurs. Nous y sommes opposés.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE51 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE54 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il s’agit d’ajouter la Micaf à la liste des services bénéficiant de la clause balai en matière d’échange d’informations.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE52 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE31 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Afin de garantir la proportionnalité des échanges d’informations à l’objectif de lutte contre la fraude, l’amendement vise à préciser que ceux-ci s’effectuent sous le contrôle du juge.

Seul le juge est susceptible de s’assurer du bien-fondé et de la proportionnalité des informations transmises et de prévenir les abus. Il pourrait considérer que des mesures autres que l’ouverture d’un grand nombre de fichiers auraient pu permettre d’établir la preuve des manœuvres ou manquements suspectés.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Si je comprends votre intention, j’appelle votre attention sur le fait que l’amendement aurait de graves conséquences sur l’efficacité de la procédure.

Si, demain, les administrations doivent soumettre au contrôle préalable du juge les échanges d’informations qu’elles envisagent, ceux-ci s’en trouveront considérablement ralentis. Or c’est précisément de rapidité dont les administrations ont besoin pour identifier les schémas de fraude. En outre, le cadre juridique proposé existe déjà dans le domaine fiscal et social.

L’introduction d’un contrôle du juge serait une évolution très contre-productive dans la lutte contre la fraude aux aides publiques. Je vous demande donc le retrait de l’amendement ; sinon, avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’objectif est d’éviter que des agents aillent chercher dans une multitude de fichiers pour trouver une seule information. L’article ouvre très largement le champ des échanges.

Le contrôle du juge pourrait ne pas être systématique et intervenir a posteriori.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il n’est pas question ici de créer un fichier, mais d’échanger des informations. L’information recherchée peut concerner, par exemple, une entreprise. Je redoute une dévitalisation du dispositif, dont l’ambition est d’être plus efficace dans la lutte contre la fraude.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). J’accepte de retirer l’amendement sous réserve qu’un travail approfondi soit mené d’ici à la séance. Je ne suis pas totalement convaincue par vos réponses, monsieur le rapporteur.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je m’engage à affiner notre travail sur le cadre juridique applicable pour, je l’espère, finir de vous convaincre que votre amendement ne sert pas l’objectif que vous recherchez.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE19 de M. Pierre-Yves Cadalen.

 

Amendement CE32 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement tend à supprimer l’alinéa 7, dont on ne comprend pas la raison d’être dans une proposition de loi largement dédiée à la lutte contre la fraude aux aides publiques en matière énergétique.

Il est regrettable qu’une telle disposition vienne entacher un texte qui pourrait rassembler largement, sous réserve d’y introduire quelques garde-fous.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. La proposition de loi ne vise pas que les aides à la transition écologique. Elle repose sur deux piliers : d’une part, la lutte contre toute forme de délinquance en matière environnementale ; d’autre part, la lutte contre toute fraude aux aides publiques.

Or la fraude documentaire à l’identité en matière sociale existe. Pour traiter des cas très spécifiques de fausse identité ou de fausse adresse, les administrations ont besoin de s’échanger de l’information, elles nous l’ont dit.

Néanmoins, j’en conviens, la rédaction est probablement un peu trop large et pas assez claire. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de travailler à une nouvelle rédaction plus précise de l’alinéa, qui est utile pour lutter contre les toutes les formes de fraudes.

Mme Delphine Batho (EcoS). La référence à « tous renseignements » et « tous documents utiles » est très vague. Si l’intention est de viser la fraude aux titres d’identité, il faut revoir la rédaction.

Pour revenir sur un sujet précédent, d’ici au débat en séance, nous devons avoir l’assurance que la transmission d’informations obéit à la règle du secret partagé. Le rappel des règles de déontologie applicables serait un gage de clarté des débats.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. C’est précisément ces deux notions qu’il convient de préciser en indiquant les types de fraudes et les documents visés. Je prends l’engagement de retravailler ce point.

Les échanges s’inscrivent bien dans le cadre du secret partagé. Nous pourrons aussi le préciser éventuellement dans certaines dispositions.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Après l’engagement pris par le rapporteur, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE68 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il s’agit d’étendre à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna les dispositions des articles 1er et 2 de la proposition de loi.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE37 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement a pour objet d’imposer aux organismes de certification et de labellisation des professionnels de la transition énergétique, qui sont agréés par l’État, de communiquer les informations qu’ils détiennent aux administrations.

La pertinence de cette extension du champ d’application a été soulignée par l’Anah. Elle est très attendue du secteur de l’artisanat et des professionnels labellisés RGE.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement, qui permet de resserrer les mailles du filet. Il faut sans doute revoir la rédaction sur le régime de l’obligation.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 (articles L. 151-2-1 [nouveau], L. 151-3, L. 151-4 et L. 151-5 du code de l’artisanat, articles L. 223-1, L. 223-8 [nouveau], L. 224-114 [nouveau],
L. 242-16-1 [nouveau], L. 242-51 [nouveau], L. 511-5, et L. 521-28 [nouveau] du code de la consommation) : Lutte contre la fraude aux travaux de rénovation énergétique et d’adaptation à la perte d’autonomie

 

Amendement CE43 de M. Antoine Golliot

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Demande de retrait, car l’amendement introduit une incohérence entre deux dispositifs dans le régime de sanction qui leur est applicable.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE55 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendements CE35, CE34 et CE38 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). La fraude s’accompagne souvent de méthodes de harcèlement dont le démarchage téléphonique fait partie. Celui-ci empoisonne la vie quotidienne des Français.

Chacun a le droit à la tranquillité lorsqu’il est chez lui ; chacun a le droit de ne pas être considéré comme un client lorsqu’il est à son domicile.

Pour pallier l’échec du dispositif Bloctel, le législateur a procédé par étapes depuis plusieurs années, en édictant des interdictions sectorielles du démarchage téléphonique qui ont constitué un progrès – pour les travaux de production et d’installation d’énergies renouvelables, pour l’isolation des logements, pour les assurances, pour le CPF.

L’article 3 propose d’interdire le démarchage pour les travaux d’adaptation des logements au handicap et à la vieillesse. Il me semble que la logique n’est pas la bonne. Bien sûr, le démarchage doit être interdit dans ce secteur aussi, mais, à suivre cette logique, l’année prochaine, il faudra une nouvelle loi pour le bannir dans un autre domaine.

Nous sommes favorables à une interdiction générale, dans le cadre de laquelle les entreprises pourraient continuer à contacter leurs clients dans la limite des contrats en cours, mais qui proscrirait toute prospection commerciale téléphonique. C’est le texte qui vient d’être voté à l’unanimité au Sénat – c’est un fait politique nouveau après moult débats, ici, sur le sujet – et que j’ai repris dans l’amendement CE35.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Les amendements CE35 et CE34, qui sont calqués sur des textes débattus au Sénat, changent complètement la logique de la prospection commerciale : ils l’interdisent pour tous les secteurs, y compris des secteurs qui ne bénéficient d’aucune aide publique. Or l’encadrement du démarchage a aussi pour objet de protéger les aides publiques en veillant à leur bonne utilisation.

Vous allez donc bien au-delà de la fraude aux aides publiques. Ce faisant, vous modifiez l’objet même de la proposition de loi. Il serait préférable d’attendre que le texte qui a été adopté par le Sénat soit soumis à l’examen de l’Assemblée. J’émets donc un avis défavorable sur les deux premiers amendements.

En revanche, je suis favorable à l’amendement CE38, aux termes duquel vous étendez l’interdiction de démarchage aux prestations intellectuelles.

Mme Olivia Grégoire (EPR). À titre personnel, je soutiendrai l’amendement CE35 qui reprend le texte adopté à l’unanimité par le Sénat le 14 novembre.

En effet, Bloctel ne fonctionne pas : moins de 10 % des Français y sont inscrits. De nombreuses avancées pour les consommateurs ont été enregistrées ces dernières années. Il me semble de salubrité publique de considérer aussi le démarchage entre les entreprises, qui est une source de fraude importante.

Je ne doute pas – et je l’appelais de mes vœux lorsque j’étais ministre – que la proposition de lois sénatoriale arrivera à l’Assemblée. Il me semble cependant intéressant que nous nous en saisissions dès à présent ; on en parle depuis des années ; les Français le vivent au quotidien : les dispositifs de blocage et de recueil du consentement ne fonctionnent pas. Il est temps d’accélérer.

Mme Delphine Batho (EcoS). J’insiste sur le fait qu’il y a un vrai lien entre le démarchage téléphonique intrusif, incessant, et la fraude. Les arnaques autour du CPF l’ont montré.

Thomas Cazenave, rapporteur. Je souhaite lever une petite ambiguïté. Si l’amendement CE35 est adopté, vous rendez le démarchage possible. Vous créez un régime dans lequel le démarchage, dès lors qu’il est consenti, est autorisé.

Le texte crée un régime strict en matière de rénovation énergétique et d’adaptation des logements : il interdit tout démarchage. Avec votre amendement, il n’y aura pas demain d’interdiction en matière de rénovation énergétique si vous avez consenti.

Vous amoindrissez la protection des consommateurs que le texte cherche à élargir. Votre amendement est moins-disant pour des produits tels que les thermostats, dont on a parlé récemment. Il empêche également d’interdire le démarchage physique proposé par l’amendement CE22, auquel j’étais favorable.

La commission adopte l’amendement CE35.

En conséquence, les amendements CE34 et CE38 ainsi que les amendements CE22 de Mme Mathilde Panot, CE36 de Mme Delphine Batho et CE3 de M. Lionel Tivoli tombent.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE56 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE2 de M. Lionel Tivoli

M. Lionel Tivoli (RN). Depuis de nombreuses années, le gouvernement incite les ménages à réduire leur empreinte carbone, notamment par leur consommation d’énergie.

Pour mener sa politique de transition énergétique, il les incite aussi à se tourner vers des énergies dites « renouvelables » par de nombreuses mesures fiscales. Pourtant, certaines de ces énergies n’ont de renouvelable que le nom. Elles sont coûteuses, les matériaux utilisés pour les produire sont fabriqués à l’étranger et souvent très difficiles à recycler.

Il est souhaitable que le professionnel réalisant les travaux de rénovation fournisse un bilan énergétique au consommateur faisant apparaître l’empreinte carbone estimée d’un recours aux énergies intermittentes. Le consommateur pourra ainsi peser le pour et le contre de ce modèle énergétique et se tourner, le cas échéant, vers d’autres travaux plus vertueux.

Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement d’appel, qui qualifie d’intermittentes les énergies renouvelables. Ce n’est pas à l’artisan qui vous installe un panneau solaire de produire une analyse en cycle de vie de celui-ci.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE27 et CE28 de M. Christophe Blanchet (discussion commune)

M. Romain Daubié (Dem). L’amendement CE28 vise à fixer un plafond défini par décret pour les acomptes versés pour les travaux de rénovation énergétique. Il s’agit d’éviter que l’entreprise encaisse l’acompte sans jamais faire les travaux.

L’amendement CE27 ne laisse pas la main au pouvoir réglementaire et fixe à 20 % le plafond. Il s’agit encore une fois de lutter contre les provisions et l’accaparement des aides publiques.

Thomas Cazenave, rapporteur. Je comprends votre objectif. Néanmoins, je n’en mesure pas complètement les conséquences pour les entreprises, d’autant que nous n’avons pas pu les soumettre à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), à la Fédération française du bâtiment (FFB) et aux services de l’État. Je vous propose de le retirer pour que nous puissions éventuellement les auditionner et nous assurer que le dispositif est bien ciblé.

M. Romain Daubié (Dem). Je suis prêt à retirer l’amendement CE27, mais je maintiens l’amendement CE28 qui acte le principe d’un plafonnement. L’élaboration du décret vous laisse le temps, monsieur le rapporteur, de consulter et de trouver les équilibres avec les représentants du secteur. Nous avons bien conscience qu’il faut acheter les matériaux et que les délais de paiement ne sont pas les mêmes pour tous les artisans.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous nous abstiendrons. Je comprends l’intention de notre collègue. Il est vrai que les arnaques aux acomptes existent. Néanmoins, la solution me semble compliquée pour les artisans. Si vous installez une pompe à chaleur, il faut bien payer le fournisseur de la pompe à chaleur, le matériel, etc.

Je me demande si le recours à une entreprise mandataire ne serait pas une solution préférable. Il faudrait absolument interroger l’Agence nationale de l’habitat, qui propose des mécanismes de versement anticipé d’une partie des aides pour pouvoir payer les acomptes. Le problème ne se résume pas à une histoire de plafond.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Pour les mêmes raisons que notre collègue Delphine Batho, je demande le retrait des deux amendements. Vous proposez une réforme substantielle que nous n’avons pas suffisamment travaillée : pourquoi l’acompte serait-il plafonné uniquement pour les travaux de rénovation énergétique ? Leur périmètre est-il assez clairement délimité ? Cela risque de décourager les entreprises, à l’heure où nous cherchons des bras pour installer des pompes à chaleur et des panneaux photovoltaïques.

L’amendement CE27 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE28.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE57, CE58, CE59 et CE60 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE4 de M. Lionel Tivoli

M. Lionel Tivoli (RN). Puisque nous parlons de fraude, il s’agit ici de dénoncer l’arnaque sémantique des « énergies renouvelables », que nous proposons ici de qualifier d’ « intermittentes ». Les panneaux photovoltaïques et les éoliennes sont produits à des milliers de kilomètres et il est impossible de les recycler. Nous avons, en France, des énergies propres comme l’énergie nucléaire. La lutte contre le réchauffement climatique et le respect des accords de Paris sont des priorités, mais la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne saurait passer par des voies idéologiques, contraires aux intérêts du savoir-faire français. Le fiasco énergétique de nos voisins allemands devrait alerter les pouvoirs publics sur les choix à faire. Un changement sémantique est capital pour cesser de faire miroiter aux Français des avancées qui n’en sont pas.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’amendement s’éloigne de l’objectif de la proposition de loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE62 et CE61 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE33 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement vise à éviter que, par effet de bord, des bénéficiaires de bonne foi se voient refuser le versement d’aides financières pour des travaux déjà commandés auprès d’une entreprise qui ferait l’objet, après la conclusion du contrat, d’une décision de suspension de label ou de signe de qualité. Les ménages seraient doublement pénalisés en ne bénéficiant ni des travaux ni des aides. Cela ne ferait pas progresser la rénovation des bâtiments.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Vous avez raison de préciser que les bénéficiaires des aides ne doivent pas être pénalisés en cas de sanction prise contre un professionnel. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE21 de M. Pierre-Yves Cadalen

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le deuxième rapport du comité d’évaluation du plan « France Relance » de décembre 2022 a montré que le principal problème de MaPrimeRénov’ était le fort taux de non-recours par les ménages très modestes, en raison d’un reste à charge de 52 %. Il est urgent de lutter contre les tarifications excessives. L’amendement vise à améliorer l’information des citoyens en proposant, dans chaque accueil France Rénov’, un registre des actes de rénovation les plus courants dans lequel seraient indiqués les prix pratiqués à l’échelle locale.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’objectif de « Mon Accompagnateur Rénov’ » est précisément de ne pas laisser les bénéficiaires de travaux seuls face aux professionnels. Ces accompagnateurs indépendants leur donnent des indications de prix et des conseils sur les devis. Il n’est donc pas nécessaire de créer un registre. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

 

Après l’article 3

 

Amendement CE6 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Cet amendement vise à renforcer l’identification des diagnostiqueurs immobiliers certifiés inscrits dans l’annuaire des professionnels pouvant effectuer un diagnostic de performance énergétique (DPE) et à améliorer la traçabilité de leurs interventions. À cette fin, il propose de mobiliser des outils de preuve numérique, comme les QR codes, qui contiendraient la carte professionnelle du diagnostiqueur, sa photo, ainsi qu’un système de géolocalisation et d’horodatage. Le diagnostiqueur aurait l’obligation d’y archiver le relevé d’observations déterminant l’étiquette énergétique du bâtiment et tout autre document nécessaire, pour rendre ces preuves infalsifiables et opposables. Le système existe déjà en Allemagne.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Vous avez raison, il faut sécuriser et rendre traçable l’annuaire des diagnostiqueurs afin que leur identité ne puisse être subtilisée. Il faudra toutefois retravailler la rédaction de l’amendement en vue de la séance. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE8 de M. David Taupiac et sous-amendement CE70 de M. Thomas Cazenave, amendement CE41 de M. Jean-Pierre Vigier et sous-amendement CE71 de M. Thomas Cazenave (discussion commune)

M. David Taupiac (LIOT). Mon amendement propose de limiter la sous-traitance à deux rangs pour les chantiers aidés et à interdire la sous-traitance aux entreprises ayant obtenu le label RGE de la part d’entreprises qui n’ont pas obtenu ce label.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis d’accord pour limiter à deux rangs la sous-traitance dans les chantiers RGE, après avoir vérifié auprès de la Capeb et de la FFB que le secteur y était favorable. En revanche, je ne souhaite pas empêcher les entreprises non reconnues RGE de sous-traiter à des entreprises reconnues RGE : cela pénaliserait de grandes enseignes de bricolage qui ont structuré un réseau artisanal et servent de nombreux clients. L’Anah nous a confirmé que ces acteurs ne posaient pas de problème du point de vue de la fraude.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Mon amendement vise également à limiter à deux rangs de sous-traitants les chantiers de travaux aidés par les fonds publics et à interdire aux entreprises qui n’ont pas la qualification RGE de sous-traiter ces chantiers.

La simple information du consommateur prévue par le texte en cas de sous-traitance des travaux ne suffira pas à limiter la fraude. L’argument de la protection de la liberté des entreprises n’est pas valable : l’amendement se limite aux chantiers aidés par des fonds publics, pour lesquels il est légitime que l’État impose un cadre. Enfin, la massification des rénovations énergétiques s’effectuera avant tout par des entreprises artisanales du bâtiment, qui sont 620 000 en France et représentent 97 % du secteur. Rien n’empêche la grande distribution de faire passer la certification RGE à ses salariés, si elle veut entrer sur le marché.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis favorable aux deux premières parties de l’amendement. Elles vont plus loin que le texte initial, qui se contentait d’imposer la bonne information du client, mais elles font consensus et le secteur y est prêt. Cependant, il existe tout un réseau d’entreprises artisanales qui bénéficient de la sous-traitance de la part d’acteurs non reconnus RGE qui réalisent à leur place le travail de prospection et de mise en relation. En interdisant la sous-traitance alors que personne ne le réclame, nous risquons de déstabiliser le marché.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne comprends pas votre raisonnement, monsieur le rapporteur. Soit la certification RGE s’impose pour tous les chantiers qui reçoivent des aides publiques, comme l’isolation, soit elle ne s’impose à personne ; dans ce dernier cas, il faut supprimer la RGE. Les artisans se plaignent déjà du coût et de la qualité de la formation RGE. Si l’on offre la possibilité de contourner ce cadre par la sous-traitance, on risque de voir des chantiers confiés à des autoentrepreneurs qui se prétendent maçons alors qu’ils n’ont aucune qualification. J’approuve les amendements de nos collègues.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Ce sont des travaux aidés qui sont visés : si l’État verse une aide, il peut fixer des critères. Il y a en France 620 000 entreprises du bâtiment qui représentent 97 % du secteur. Je comprends la demande de la grande distribution, mais elle devra se mettre en conformité avec les règles des chantiers aidés. Je suis prêt à accorder un délai aux entreprises pour qu’elles obtiennent la certification RGE.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’objet de la proposition de loi est de lutter contre la fraude aux aides publiques : les fraudes massives chez les mandataires financiers, la non-réalisation de travaux, les entreprises RGE à qui l’on doit retirer le label, etc. À la différence de la sous-traitance en cascade, qui est un facteur de fraude et de dégradation de la qualité des travaux, l’existence de grosses entreprises ne pose pas de problème de fraude. Vous vous attaquez à un autre sujet, qui est la structuration de la filière et la répartition de la valeur entre les opérateurs.

La commission rejette successivement le sous-amendement CE70 et l’amendement CE8.

Elle rejette le sous-amendement CE71 et adopte l’amendement CE41.

 

Amendement CE39 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Le mécanisme du mandataire financier, qui permet à une entreprise de faire l’intermédiaire entre l’Anah et le client, est un réel progrès. Cependant, l’Anah constate que 90 % des schémas de fraude passent par des mandataires financiers non fiables. L’amendement vise à réserver la pratique de mandataire financier aux entreprises sérieuses.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Effectivement, les fraudes se concentrent sur les mandataires financiers. Il convient de réfléchir à un système d’habilitation. Cependant, l’amendement présente des difficultés d’ordre rédactionnel ; je vous invite à le retirer et à le retravailler ensemble en vue de la séance.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je veux bien le retirer, malgré une inquiétude : aurons-nous le temps d’effectuer le travail nécessaire, compte tenu du délai de dépôt des amendements ?

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Nous ferons en sorte d’aboutir à un amendement dans les délais.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE40 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il est indispensable que la liste des entreprises sanctionnées pour fraude soit mise en ligne sur les sites de l’Anah, de France Rénov’ et de MaPrimeRénov’ afin que les clients puissent vérifier que l’entreprise avec laquelle ils traitent n’y figure pas. Cette publicité est une garantie, même s’il existe des mécanismes de contournement par lesquels certaines entreprises frauduleuses changent de nom et de territoire.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je suis favorable au name and shame. Nous devons faire pour MaPrimeRénov’ ce que nous prévoyons de faire pour les CEE à l’article 4, en publiant la liste des fraudeurs et la nature de la fraude. Néanmoins, je vous demande de retirer l’amendement pour les mêmes raisons que précédemment.

L’amendement est retiré.

 

 

Article 4 (articles L. 221-1, L. 221-91-1 et L. 222-1-1 [nouveaux], L. 222-2 et L. 222‑6 du code de l’énergie) : Diverses dispositions visant à améliorer la lutte contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE44 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE5 de M. Lionel Tivoli

M. Lionel Tivoli (RN). Il n’est pas acceptable que le consommateur finance les certificats d’économies d’énergie. Les consommateurs ayant engagé une démarche constructive et responsable au détriment de leur intérêt économique n’ont pas à payer pour connaître les résultats d’un service qu’ils ont déjà financé. C’est aux professionnels de fournir en amont un bilan énergétique des gains supposés des travaux et de choisir un organisme d’inspection accrédité.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. L’amendement est satisfait. Les contrôles ne sont pas à la charge financière des particuliers qui bénéficient des travaux, mais du demandeur qui a proposé de les financer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1 de M. Lionel Tivoli

M. Lionel Tivoli (RN). Cet amendement prévoit que le professionnel fournisse au consommateur, en amont des travaux de rénovation énergétique, un certificat d’économies d’énergie qui lui permettra de connaître les gains énergétiques potentiels en prenant en compte l’intégralité de la chaîne de production, de la fabrication jusqu’à la destruction des équipements. De nombreuses énergies n’ont de renouvelable que le nom ; elles sont coûteuses, fabriquées à l’étranger et souvent impossibles à recycler. Le consommateur pourra ainsi peser le pour et le contre de ce modèle et se tourner vers d’autres travaux plus vertueux, si les premiers ne correspondent pas à ses attentes en matière de réduction de gaz à effet de serre. Cessons de gaspiller l’argent public dans des aides coûteuses dont l’impact environnemental n’est pas adapté.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Les certificats d’économies d’énergie ne fonctionnent pas de la manière que vous décrivez. Ce sont les obligés – autrement dit, les fournisseurs d’énergie et les distributeurs de carburant – ou leurs délégataires qui sont soumis à l’obligation de réaliser des économies d’énergie en réalisant des travaux chez des particuliers, ce qui leur permet d’obtenir des certificats d’économies d’énergie. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE69 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à maintenir un reste à charge minimal pour les bénéficiaires des CEE. Certains travaux sont financés à 100 % par les CEE, ce qui crée un contexte propice à la fraude : un établissement public dont le changement de chaudière est pris en charge à 100 % sera moins regardant sur le montant du devis et la qualité des travaux.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je voterai contre l’amendement, à moins d’obtenir de plus amples précisions. Le reste à charge est un problème central pour les ménages modestes. Les CEE servent justement à le réduire, voire à le faire disparaître, en complétant MaPrimeRénov’. Je ne nie pas qu’il y ait des dérives, mais il me semble contre-productif d’imposer un reste à charge quand le combat social prioritaire devrait se concentrer sur son élimination pour les ménages modestes (ou très modestes) vivant dans des passoires thermiques.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il ne s’agit pas de remettre en cause les opérations visant à faire sortir de la précarité énergétique les Français des premiers déciles, pour lesquels existent des dispositifs de prise en charge à 100 %. L’amendement vise des opérations massives : on a vu dernièrement une opération « Thermostats à 1 euro », ou bien certains travaux proposés aux entreprises avec un reste à charge zéro. L’amendement ne fait que proposer la faculté de maintenir un reste minimal à la charge des bénéficiaires des économies d’énergie.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE47 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE66 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à renvoyer à un décret le soin de préciser les critères fondant l’autorisation ou le refus d’ouverture d’un compte CEE. On a vu des cas dans lesquels les dirigeants des entreprises demandeuses détenaient un compte offshore ou avaient reçu l’interdiction de gérer une entreprise.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE63 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE45 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement complète l’alinéa 9 en précisant que le montant de la sanction sera calculé en référence au montant des sanctions applicables pour les obligés qui ne s’acquittent pas de leurs obligations d’économies d’énergie.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE46 de M. Thomas Cazenave, rapporteur.

 

Amendement CE64 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à aligner les délais applicables pour la mise en place des plans d’actions correctifs, qu’ils soient volontaires ou imposés.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 4 modifié.

 

 

Après l’article 4

 

Amendement CE23 de M. Pierre-Yves Cadalen

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il serait plus facile de limiter la fraude si l’on avait les moyens humains de vérifier ce qui se passe dans le cadre de MaPrimeRénov’, qu’il s’agisse de la labellisation des entreprises, de la réalité des travaux effectués ou de la déclaration des avantages qui en découlent, notamment les certificats d’économies d’énergie.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Les effectifs sont connus : le pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE) compte 25 ETP. La proposition de loi facilite le travail et renforce les capacités d’action des agents mobilisés dans la lutte contre la fraude. Je ne crois pas que rédiger un rapport fasse le meilleur usage de leur temps. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement d’appel, qui met le doigt sur l’insuffisance des moyens humains.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

*

*     *

 

Puis la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés (n° 380) (M. Jean-Luc Fugit, rapporteur).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous entamons l’examen de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, dont le rapporteur est M. Jean-Luc Fugit.

Ce texte, qui comporte deux articles, dont l’un concerne le gage financier, porte sur les conditions d’autorisation des programmes d’application par drones de certains produits phytopharmaceutiques, soit pour les parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 20 %, soit pour certaines cultures spécifiques comme les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol. Il a également pour objet de déterminer la façon dont pourraient être menés des essais visant à élargir le champ de ces autorisations à d’autres cultures et types de parcelles.

Notre commission est saisie de soixante-quatre amendements sur ce texte.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Cette proposition de loi s’appuie largement sur le texte que nous avions élaboré avec Pascal Lavergne, ancien député de la Gironde, que je salue et remercie pour son engagement. La dissolution de l’Assemblée nationale en a empêché l’examen, alors qu’il était inscrit à l’ordre du jour de notre commission le 11 juin dernier. Cette proposition de loi est le fruit de plusieurs années de travail et d’écoute du monde agricole, dans l’Hexagone comme dans les territoires d’outre-mer.

En 2018, j’ai fait adopter un amendement à la loi Egalim, dont l’objet était de lancer une expérimentation de trois ans sur l’épandage par drones de produits phytopharmaceutiques autorisés en agriculture biologique ou faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale pour les cultures en fortes pentes. Cette idée avait été élaborée avec les agriculteurs et les viticulteurs des départements du Rhône et de l’Ardèche, dont on connaît les conditions de travail difficiles sur les coteaux.

La présente proposition de loi vise à offrir aux agriculteurs et aux salariés agricoles la possibilité de se saisir d’une technologie protégeant leurs cultures plus efficacement avec les produits phytopharmaceutiques les moins risqués, tout en préservant leur santé et en améliorant leur sécurité au travail. Elle prévoit les conditions d’autorisation de programmes d’application de certains produits phytopharmaceutiques par aéronef circulant sans personne à bord, c’est‑à‑dire des drones.

Il me semble avant toute chose indispensable de décrire le cadre juridique dans lequel elle s’inscrit. Actuellement, le droit français interdit presque totalement l’épandage par drone, alors que le droit européen offre des marges de manœuvre. C’est comme une surtransposition, mais involontaire car l’épandage par drone ne faisait pas partie du débat lorsque le législateur français a décidé une interdiction stricte de l’épandage aérien. Le résultat n’en est pas moins regrettable, puisque l’on se prive d’un outil vertueux pour l’agriculture, les agriculteurs et les salariés agricoles.

Comment en est-on arrivé là ? La directive de 2009 sur l’utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, dite SUD, interdit par principe la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques pour éviter les risques pouvant résulter, pour la santé humaine et l’environnement, de la dérive des produits pulvérisés et pour engager une démarche globale de réduction des traitements phytosanitaires. L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, que reprend sur ce point la présente proposition de loi, transpose cette interdiction de principe depuis 2011.

En 2009, on a interdit l’épandage aérien par avion ou par hélicoptère, pour empêcher la forte dérive des produits que ces modes d’application induisent. Toutefois, la directive de 2009 admet certaines dérogations, en cas d’absence d’une autre solution viable ou si la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement. En 2011, lors de la transposition, le droit français a repris ces deux exceptions, mais le gouvernement de 2015 a supprimé la seconde dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’objectif affiché est alors de mettre un terme aux épandages par voie aérienne de produits phytopharmaceutiques, mais à aucun moment l’épandage par drone n’est envisagé dans ces discussions.

La technologie du drone s’est développée depuis 2015 et certains de nos voisins européens, notamment allemands ou autrichiens, se sont saisis des dérogations offertes par le droit européen pour autoriser l’utilisation des drones d’épandage. Le législateur français n’est pas resté immobile depuis 2015 : l’expérimentation de trois ans que j’avais pu intégrer dans la loi Egalim en 2018 a permis d’évaluer les bénéfices liés à l’utilisation de drones pour le traitement phytosanitaire des parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %.

Forts de cette expérimentation et des retours des acteurs des différentes filières, qui perçoivent les potentialités offertes par cet outil, il nous revient d’élaborer une solution pérenne et équilibrée pour l’utilisation des drones.

Deux dispositifs articulés entre eux figurent dans le texte : un régime d’autorisation de programmes d’épandage par drone pour les parcelles agricoles comportant des pentes égales ou supérieures à 20 %, les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol, et un régime d’essai de l’épandage par drone pour d’autres cultures ou d’autres contextes parcellaires. Cette expérimentation pourrait déboucher, après une évaluation scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et sous le regard de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), sur l’extension du régime d’autorisation.

Pour ces deux dispositifs, seule pourra être autorisée la pulvérisation de produits relevant de l’une des trois catégories suivantes : les produits de biocontrôle, les produits autorisés en agriculture biologique et les produits à faible risque au sens du droit européen.

La proposition de loi est équilibrée. Il faut d’abord être conscient des limites liées à l’utilisation des drones pour l’épandage de produits. L’étude de l’Anses montre que le drone n’est pas l’outil le plus adapté dans certains contextes, par exemple lorsqu’il faut atteindre des zones sous couvert végétal dense. Le principal sujet d’attention concerne la dérive des produits : sur ce point, l’Anses montre que la concentration en produit peut être plus importante à proximité immédiate des parcelles traitées – dans un rayon de dix mètres – mais pas au-delà, notamment près des habitations. Le texte prend en compte ces limites, en ne portant que sur les cas dans lesquels l’efficacité du drone est démontrée et sur les produits les moins risqués ; cette précaution rend parfaitement acceptable le risque de dérive légèrement plus élevé dans certains contextes.

Surtout, face à ces risques très limités, les avantages du recours à l’épandage par drones de produits phytopharmaceutiques sont nombreux et manifestes.

Le drone sera plus efficace lorsque les maladies seront peu installées, que le volume foliaire sera encore limité ou qu’il sera nécessaire d’atteindre le dessus d’un couvert végétal dense. Par exemple, contre la cercosporiose noire, qui ravage les bananeraies des territoires ultramarins, les drones se révèlent indispensables pour traiter efficacement la partie supérieure des feuilles. Ils remplacent les canons de pulvérisation dont l’efficacité est limitée et la dérive forte, ce qui met en danger la santé des applicateurs et des riverains.

Les drones améliorent également la réactivité et le ciblage des traitements. Agissant de manière préventive, ils limitent la quantité de produit utilisée. Ils évitent le tassement des sols provoqué par le passage des engins agricoles et offrent une solution concrète pour défossiliser les exploitations agricoles, atout pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. Cela fait beaucoup d’avantages manifestes.

Je n’énumère pas la liste des produits pour lesquels l’épandage par drone serait autorisé. Pour les filières concernées, le texte crée une véritable incitation à utiliser des produits à faible risque, voire à se convertir progressivement en bio, comme me l’ont indiqué plusieurs viticulteurs.

Mais l’avantage principal de l’utilisation de drones réside dans la réduction de la pénibilité du travail des agriculteurs et des salariés agricoles, des risques d’accidents sur les fortes pentes et de l’exposition aux produits – l’étude de l’Anses met en évidence un rapport de un à deux cent sur ce point.

Il faut aborder le débat en considérant les enjeux avec rigueur, sans s’arc-bouter sur des positions dogmatiques. Le drone d’épandage est un outil au service des agriculteurs et des salariés agricoles, car il diminue la dangerosité et la pénibilité de leur travail. Il permet un usage raisonné des produits phytopharmaceutiques au service de la transition agroécologique. Il se révélera d’ailleurs très utile à l’agriculture biologique. Voilà pourquoi je vous invite à soutenir cette proposition de loi, dont l’adoption est très attendue dans le monde agricole.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sandra Marsaud (EPR). Je salue Pascal Lavergne et le travail qu’il avait réalisé sur ce sujet lors de la précédente législature. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à élargir et à encadrer l’utilisation des drones pour la pulvérisation de produits biologiques en agriculture. La loi Egalim 1 prévoyait une expérimentation de trois ans de la pulvérisation par drones de surfaces agricoles à forte pente : certains vignobles d’Alsace, la vallée du Rhône, des bananeraies et des vergers étaient notamment concernés par cette opération commencée en 2019.

L’expérimentation a fait l’objet d’un rapport détaillé de l’Anses en 2022. L’Agence a identifié plusieurs cas dans lesquels l’épandage par drone est préférable. Il s’agit notamment des jeunes plants et des cultures à ports ouverts comme les bananiers, des terrains très pentus dont l’accès est difficile, voire dangereux pour les hommes et les machines terrestres, et enfin des stades de maladie peu avancés dans la vigne. Dans ces contextes, l’utilisation des drones, plus précise, réduit la dispersion inutile de produits phytosanitaires dans l’environnement.

Le rapport souligne des avantages indéniables : avec les drones, l’exposition aux produits phytosanitaires est jusqu’à deux cent fois plus faible qu’avec des équipements terrestres traditionnels, la tâche des travailleurs est allégée car il n’est plus nécessaire de porter des pulvérisateurs de quarante kilogrammes sur des pentes escarpées, et les risques d’accidents mortels liés au renversement de tracteurs dans des terrains en pente sont réduits.

Au-delà des aspects sanitaires et environnementaux, les drones apportent également un gain de temps considérable. Là où un homme à pied met dix heures pour traiter un hectare en pente, un drone accomplira la même tâche en quarante-cinq minutes.

Le rapport de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) sur les bananeraies martiniquaises a montré que les drones étaient particulièrement efficaces pour lutter contre la cercosporiose noire. Les drones pulvérisateurs sont bien plus performants que les canons et les atomiseurs à dos pour atteindre le dessus des plans.

La proposition de loi élargit et pérennise l’usage des drones dans des situations précises – les fortes pentes, les bananeraies et les vignes – et ouvre la voie à la conduite d’expérimentations sur d’autres cultures. Pour protéger l’environnement, améliorer les conditions de travail des agriculteurs et encourager l’innovation, le groupe EPR votera en faveur des amendements du rapporteur et de l’ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Les drones seraient plus efficaces pour traiter les bananeraies. Le rapport de l’Inrae a montré qu’il était plus facile de respecter les doses conseillées par le plan de traitement avec les drones qu’avec les atomiseurs à dos.

Quatre fongicides, produits de biocontrôle, seraient, d’après plusieurs rapports, efficaces pour lutter contre la cercosporiose noire, mais le couvert végétal empêche de les employer à dos d’homme. Les drones permettraient d’utiliser ces produits, ce qui montre l’utilité qu’ils présentent pour les territoires ultramarins.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Et si on remplaçait les agriculteurs par des drones ? Ce serait tout de même bien plus rentable ! Voilà ce qu’ont dû se dire un matin en se levant les députés macronistes qui présentent un texte pareil. Tandis que les agriculteurs se mobilisent partout pour demander à vivre de leur travail et que les parlementaires devraient taper du poing sur la table face à la grande distribution pour imposer des prix rémunérateurs ou agir pour sortir du libre-échange et de la concurrence internationale déloyale, les députés macronistes élaborent une proposition de loi visant à élargir les expérimentations d’épandage de pesticides par drone.

Votre choix politique peut paraître décalé, voire loufoque, mais il est révélateur de la façon dont vous comptez sortir de la crise agricole. Nous, responsables politiques, avons deux options. La première, la vôtre, consiste à refuser toute confrontation avec la grande distribution et à conserver le cadre libre-échangiste. Elle revient à continuer de brader le modèle agricole français et à s’aligner en permanence sur le moins-disant international pour gagner en compétitivité. C’est cette politique qu’applique Emmanuel Macron depuis sept ans, et qui est en fait déployée depuis plus de soixante-dix ans. Elle est à l’origine de l’hémorragie agricole que nous vivons – nous avons perdu cent mille agriculteurs supplémentaires au cours des dix dernières années. Elle conduit à remplacer le modèle agricole familial, qui n’est plus compétitif, par celui de l’agro-industrie.

Dans ce cadre, il faut en effet se débarrasser de ce qui coûtera un peu trop cher au modèle agro-industriel et qui nous empêchera d’être compétitifs : l’emploi – celui des salariés agricoles d’abord, puis celui des agriculteurs. On l’observe dans d’autres pays : on commence par remplacer le salariat agricole par des drones, puis le coût des machines agricoles devient tellement prohibitif pour le modèle agricole familial que seule l’agro-industrie peut en acquérir. À la fin, une fois tous les agriculteurs endettés jusqu’à la moelle, seule l’agro-industrie reste pour travailler la terre.

La seconde option impose d’admettre que l’agriculture mérite un traitement spécifique, motivé par son rôle fondamental pour la souveraineté alimentaire de notre pays, la santé de l’environnement et la nôtre. Il faut, pour ce faire, la sortir de votre logique libérale et de l’emprise des marchés internationaux. Pour protéger le modèle mieux-disant que nous privilégions, animé par des agriculteurs nombreux travaillant dans des paysages préservés, il faut retenir cette option. Des machines sont certes nécessaires, mais elles doivent aider les agriculteurs, non les remplacer.

Ce modèle porte un nom, qui est un gros mot pour vous, chers collègues macronistes : le protectionnisme. Il est temps de reconnaître que l’agriculture en a davantage besoin que de drones.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre propos est caricatural : plus qu’un « collègue macroniste », je suis un citoyen, un député, un fils d’agriculteur. Vos propos m’attristent et me font penser à la lettre que nous avions reçue avec quelques collègues en 2018, où des membres de syndicats d’employés agricoles nous remerciaient d’avoir pensé à la pénibilité de leur métier lorsque nous avions évoqué le sujet des drones en séance publique.

Allez donc expliquer à des agriculteurs et à des salariés agricoles qui travaillent sur des pentes de 30 % à 70 % que l’utilisation de drones ne vise qu’à les éliminer ! Et allez traiter ces terrains, même cultivés en agriculture biologique : vous vous rendrez compte de la difficulté de la tâche et de ses risques pour la santé. Nous souhaitons simplement proposer une solution qui simplifie et facilite leur travail. En outre, les agriculteurs pourront, avec les drones, traiter les cultures au bon moment.

Je forme le vœu que la discussion des amendements vous aide à retrouver un peu de raison.

M. Hervé de Lépinau (RN). Ce texte prolonge la loi Egalim 1 de 2018, qui autorisait une première dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien par le biais de l’expérimentation de programmes d’épandage par drone. La proposition de loi vise à pérenniser cette dérogation, en l’inscrivant dans le code rural et de la pêche maritime, et à mener de nouveaux essais sur davantage de cultures et de terrains, bien que la liste de produits éligibles n’évolue pas.

Le groupe Rassemblement national soutient toute mesure ouvrant de nouveaux droits aux agriculteurs français et ne s’oppose pas au principe de l’épandage aérien par drone, dont les différentes utilisations en Europe ont montré la pertinence. Nous croyons sincèrement dans l’innovation pour améliorer considérablement la technologie d’épandage aérien par drone dans les années à venir, à la fois par le développement de drones spécifiques à ces usages et par l’arrivée de l’intelligence artificielle, qui continuera de réduire les risques de dérives qui ont pu être soulevés lors des auditions : si la technologie permet demain de se passer entièrement de travailleurs dans certaines parcelles, elle présentera un avantage manifeste pour tous les types de cultures, tous les terrains et tous les produits phytosanitaires, d’où la nécessité d’anticiper dès maintenant ces avancées technologiques.

Nous émettons quelques réserves sur la rédaction de l’article 1er. Tout d’abord, elle ne pérennise les dérogations que pour les produits phytopharmaceutiques utilisés dans l’agriculture biologique ou pour des produits présentant de très faibles risques. L’ensemble des produits autorisés en France ne sont donc pas utilisables. Le droit de l’Union européenne ne précise pourtant pas les produits utilisables, il indique seulement qu’ils « doivent être expressément approuvés pour la pulvérisation aérienne par l’État membre, à la suite d’une évaluation spécifique des risques liés à la pulvérisation aérienne. » La rédaction actuelle s’apparente à une nouvelle sur-réglementation par rapport aux pratiques de nos voisins européens.

Ensuite, la proposition de loi ramène la déclivité minimale à partir de laquelle les programmes sont autorisés de 30 % à 20 %. Si nous nous accordons sur ce seuil, pourquoi ne pas ouvrir cette possibilité à tous les terrains et à toutes les cultures, en faisant reposer l’autorisation sur les produits phytosanitaires, dont l’évaluation par l’autorité administrative reste essentielle ? Cela permettrait de réduire la complexité administrative et d’accélérer les autorisations d’épandage aérien par drone pour les agriculteurs qui en font la demande.

Enfin, il devient urgent, face à la colère agricole, d’engager une réforme plus ambitieuse de notre système d’autorisation afin d’améliorer notre compétitivité agricole, actuellement en berne, et de soulager les agriculteurs qui souffrent chaque jour des normes franco-européennes.

Voilà nos principales interrogations, auxquelles j’espère que vous répondrez.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne suis pas favorable à l’ouverture du dispositif à tous les produits car nous devons d’abord obtenir la preuve de l’avantage de l’épandage par drone pour la santé et l’environnement, comme le dispose la directive de 2009. De mes échanges avec des viticulteurs, je retiens que cette méthode constitue un outil d’aide à la transition vers l’utilisation de produits affectant moins l’environnement. Voilà pourquoi nous souhaitons que le champ de la proposition de loi se limite aux produits de biocontrôle, utilisés en agriculture biologique et présentant de faibles risques au sens du droit de l’Union européenne, à savoir reposant sur dix molécules de biocontrôle.

Pour les pentes, une évaluation, conduite par l’Anses, est nécessaire. Aucun essai n’a été mené sur une pente dont la déclivité est inférieure à 20 %. L’objectif de la proposition de loi est de déployer un régime d’autorisation, qui sera suivi par des essais. Si ceux-ci se révèlent concluants, un avis de l’Anses et une décision politique pourront généraliser la pratique. Avancer de manière progressive me semble la bonne méthode à suivre : je m’inscris plutôt dans la démarche retenue en 2018.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Cette proposition de loi aurait été examinée en juin dernier si l’Assemblée n’avait pas été dissoute.

Dans un contexte de mobilisation du monde agricole et après un projet de loi d’orientation agricole particulièrement décevant, qui ne règle en rien les problèmes de la concurrence déloyale ou de la faiblesse des revenus des agriculteurs, nous voici une nouvelle fois confrontés à un texte gadget.

En 2018, une expérimentation, autorisée par la loi Egalim, a ouvert la possibilité d’utiliser des drones pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques sur des surfaces agricoles plantées en vigne et présentant une pente supérieure ou égale à 30 %, pour une période maximale de trois ans. L’Anses a évalué cette expérimentation en juillet 2022 et en a déterminé les bénéfices en matière de réduction des risques pour la santé et l’environnement.

Le groupe Socialistes et apparentés considère que deux principes essentiels doivent guider notre décision sur les évolutions technologiques dans le domaine agricole. Tout d’abord, ces dernières doivent améliorer les conditions de travail des agriculteurs ainsi que l’efficacité des traitements, dans le respect de la santé humaine et environnementale. Or, le moins que l’on puisse dire est que l’évaluation réalisée par l’Anses ne conclut pas, à ce stade, à l’efficacité systématique de l’usage des drones pour l’épandage de produits phytopharmaceutiques.

L’Anses estime que, pour un programme de traitement, les applications par drone se révèlent dans l’ensemble moins efficaces que celles par pulvérisateur classique, notamment en cas de forte pression en mildiou ou en oïdium. Concernant l’exposition des opérateurs, les résultats obtenus par l’Anses montrent qu’elle est environ deux cent fois plus faible avec un drone que lorsque l’opérateur utilise un chenillard, mais que la contamination est bien plus élevée lors de la phase de chargement car le drone doit être rempli plusieurs fois – à raison de onze opérations de chargement, contre trois pour une quantité de substance active pulvérisée presque identique.

Toute la nuance de l’Anses se mesure dans ses conclusions : si le recours à des drones de pulvérisation peut présenter certains avantages, plusieurs études montrent que les dépôts sur les cultures présentent une variabilité plus grande avec les drones qu’avec les matériels d’application classiques. Ce constat pose la question de la quantité de dépôts présents sur les cultures à laquelle sont exposés les travailleurs.

Pour toutes ces raisons, nous proposerons une réécriture du texte afin de proroger l’expérimentation de la pulvérisation par drones de produits phytopharmaceutiques, en subordonnant le choix de cette méthode à la démonstration d’avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement. Le groupe Socialistes et apparentés sera attentif à l’évolution du texte et ne le votera pas en l’état.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous parlez d’un texte gadget, mais vous n’avez pas eu un mot sur la réduction de la pénibilité et de l’exposition aux produits des employés agricoles. Vous dites que les drones nécessitent des opérations de chargement plus nombreuses, mais sachez que la dose qu’ils utilisent est moins élevée, car ils rendent possible de réaliser les traitements au moment opportun, et que les travailleurs peuvent se protéger au moment du chargement. L’exposition aux produits et la pénibilité diminuent avec l’utilisation de drones : je m’étonne vraiment que vous laissiez ces éléments de côté.

L’évaluation de l’Anses est globale, voilà pourquoi le texte propose du sur-mesure et rejette toute autorisation totale. L’utilisation des drones sera progressive et placée sous le contrôle de l’Anses.

M. Jérôme Nury (DR). L’agriculture française est soumise à des pressions grandissantes : les agriculteurs, déjà confrontés aux aléas climatiques et aux fluctuations des marchés, doivent composer avec une accumulation de normes et de contraintes administratives. Chaque année, des obligations supplémentaires complexifient leur quotidien et leur laissent de moins en moins de temps pour se consacrer pleinement à leur métier.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi constitue une avancée pragmatique : en autorisant l’utilisation des drones pour protéger les cultures, elle offre aux agriculteurs une solution moderne et efficace. Ces outils ne représentent pas qu’un progrès technique, ils répondent concrètement au défi du temps et de l’efficacité. Avec les drones, protéger une parcelle difficile devient une opération rapide et précise, ce qui réduit la pénibilité et le besoin en main-d’œuvre, tout en libérant du temps pour d’autres activités agricoles.

Cette évolution est essentielle, parce qu’elle s’attaque à des problèmes concrets et bien identifiés : dans les vignobles escarpés de la vallée du Rhône, d’Alsace ou d’Ardèche, la lutte contre les maladies requiert un effort considérable, qui fait souvent courir des risques importants aux opérateurs. Les études de l’Anses et de l’Inrae montrent que la protection par drone réduit non seulement ces risques mais améliore également la précision de l’épandage. En diminuant les quantités nécessaires et les rejets dans l’environnement, cette méthode est à la fois plus sûre et plus durable.

Les bénéfices ne s’arrêtent pas là : les engins agricoles traditionnels provoquent, en particulier sur les terrains en pente, un tassement des sols qui fragilise leur structure et leur fertilité. Les drones éliminent ce problème et contribuent aussi à une gestion plus respectueuse de ce que l’Ornais Gaspard Koenig appelle, dans Humus, l’infiniment petit des sols.

Deux évolutions du texte nous semblent indispensables : l’élargissement des types de parcelles agricoles éligibles à l’utilisation des drones et la révision du critère de déclivité minimale pour les vignobles, fixé à 20 %. Un tel seuil exclut de nombreux vignobles dont les terrains sont complexes à exploiter, mais moins abrupts.

Nous soutenons ce texte puisque nous avions défendu les mêmes dispositions dans une proposition de loi déposée en 2022 avec Virginie Duby-Muller, Véronique Louwagie et d’autres députés du groupe. Lors de la discussion du projet de loi Egalim, la majorité et le gouvernement de l’époque auraient été mieux inspirés de nous écouter. Nous nous étions en effet battus pour pérenniser la pulvérisation par drone. La frilosité qui l’avait alors emporté nous contraint à revenir aujourd’hui sur ce sujet qui aurait dû être réglé dès 2018. Cela nous aurait évité, notamment aux agriculteurs, de perdre du temps. Nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je n’ai pas l’impression de perdre du temps en travaillant sur ce thème. En 2018, nous avons autorisé une expérimentation dont les résultats sont analysés différemment selon les députés. Cette phase n’a pas été inutile, et les essais réalisés sont appelés, dans la présente proposition de loi, à s’inscrire dans le droit commun.

J’ai déposé un amendement visant à préciser le critère de déclivité de 20 %, afin de faciliter l’application du texte. Avec Pascal Lavergne, nous voulions faire toute sa place au régime d’essai. Les amendements visant à autoriser l’usage de drones pour les terrains plats ou pour d’autres cultures comme la riziculture s’intègrent dans cette démarche. Nous privilégions le schéma suivant : essai, évaluation de l’Anses et autorisation permanente sans avoir besoin de nouvelle disposition législative. J’espère que cette construction vous satisfera.

M. André Chassaigne (GDR). En mai dernier, le Gouvernement avait publié une stratégie Écophyto 2030 et avait annoncé le dépôt d’un texte de loi sur les produits phytosanitaires. Ce texte n’a toujours pas vu le jour, alors qu’il serait à l’évidence plus pertinent de débattre de l’utilisation des drones dans le cadre d’un projet de loi assorti d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État. En outre, les expertises de l’Anses invitent à la prudence et à la prorogation des expérimentations. Le Sénat avait d’ailleurs privilégié cette voie lors de l’examen de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, qu’il a adoptée le 16 mai 2023.

L’utilisation des drones d’épandage soulève des questions sur les évolutions de notre modèle agricole. Le développement de l’agriculture de précision utilisant les nouvelles technologies comme celle des drones ne contrecarre pas a priori l’objectif de transformation en profondeur des systèmes de production agricole, mais nous pouvons nous interroger sur les profils d’agriculteurs et d’exploitations concernés. Les drones seront-ils accessibles aux petits exploitants ou s’adressent-ils en priorité aux grandes exploitations, au risque d’alimenter une nouvelle dérive productiviste ? Sommes-nous certains que l’utilisation des drones participe d’une logique de réduction de l’usage des produits phytosanitaires ? Ne pénalise-t-elle pas au contraire la recherche et le déploiement de solutions alternatives ?

En apparence technique, le débat recèle une évidente portée politique. En l’état, nous sommes opposés à la pérennisation de la dérogation à l’interdiction de pulvériser en utilisant des drones, et nous proposons de proroger les expérimentations. Nous voterons contre l’adoption de la proposition de loi.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Les travaux de l’Anses et ceux de l’Inrae sur les bananeraies dans les territoires d’outre-mer montrent que les résultats des expérimentations sont positifs. Discutez avec les producteurs de bananes ultramarins, vous verrez qu’elle menace la cercosporiose noire représente pour leur production ; remplacez pendant un quart d’heure les employés agricoles, et vous vous rendrez compte des conditions dans lesquelles ils travaillent. Les drones les aident, car ils diminuent leur exposition aux produits et la pénibilité de leur tâche. Encore une fois, l’autorisation proposée ne concerne que les produits de biocontrôle et ceux autorisés dans l’agriculture biologique. Quant à l’accessibilité, les drones pourraient être financés par les coopératives d’utilisation de matériel agricole.

Grâce à ces appareils, on pourra traiter les cultures au moment opportun et on utilisera moins de produit. La capacité d’absorption des plantes étant limitée – elles intègrent les produits par les stomates, qui sont de petites spores – il importe de les traiter à plusieurs reprises, aux moments les plus favorables et dans des conditions optimales – je pense notamment à la météo, la pluie ne permettant pas toujours d’utiliser un chenillard sur une pente. Tous ces aspects doivent être pris en compte : notre démarche, empreinte de pragmatisme, vise à apporter un nouvel outil aux agriculteurs, lequel n’est sûrement pas nocif pour l’environnement.

Mme Delphine Batho (EcoS). Pour le groupe écologiste, voir les paysages agricoles survolés par des drones épandant des produits chimiques pour remplacer les insectes pollinisateurs qui auront disparu ne constitue pas un progrès sociétal.

Compte tenu de la situation politique, sociale, géopolitique et climatique dramatique dans laquelle nous nous trouvons, nous pourrions par ironie saluer l’exploit des auteurs de cette proposition de loi, qui ont réussi à l’inscrire à l’ordre du jour.

Elle s’inscrit dans le prolongement de la loi Egalim de 2018, qui avait remis en cause le principe de l’interdiction absolue de l’épandage aérien de pesticides. Sa principale innovation est tactique – elle adopte celle du cheval de Troie. En 2018, il s’agissait d’autoriser l’épandage par drones de tous les pesticides. Là, on nous dit que l’épandage est circonscrit à certaines cultures, que pour les autres il y aura des essais, que l’autorisation ne vaut que pour certains produits de biocontrôle… Mais bientôt, une autre proposition de loi viendra autoriser l’épandage de tous les produits de synthèse utilisés en agriculture.

Ce texte est contraire au droit de l’Union européenne. Je souhaite, madame la présidente, que la commission demande à présidente de l’Assemblée de saisir le Conseil d’État à son propos. Le Conseil avait en effet censuré une partie de l’arrêté gouvernemental de décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, et cela pour de très bonnes raisons : l’épandage aérien, qu’il soit opéré par drone, avion, hélicoptère ou quoi que ce soit d’autre, pose un problème majeur de santé publique en raison de la dérive des produits. Mais bien sûr, comme l’a relevé André Chassaigne, passer par une proposition de loi plutôt que par un texte du Gouvernement permet d’essayer d’échapper à un avis du Conseil d’État.

Enfin, nos débats doivent respecter le principe de clarté et de sincérité. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas écrire dans le projet de rapport de la commission que l’expérimentation permet de tirer des enseignements nettement positifs, alors que l’Anses pointe le manque d’informations sur le protocole, l’absence de notation exploitable et de comparaison, la limitation des tests à une seule modalité ou des essais partiellement valides. L’Anses estime aussi que « les performances d’application par drone apparaissent plus faibles et plus variables que celles d’applications par matériel terrestre » et que « les valeurs de dérive aérienne générées par drone sont 4 à 10 fois supérieures à celles générées par le matériel de référence ».

Le Parlement a le droit de disposer d’informations fiables et non de mensonges.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. En tant que scientifique, il m’est désagréable d’être traité de menteur. Vous oubliez de dire qu’en 2018, la loi Egalim 1 a autorisé l’expérimentation de l’épandage par drone de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d’une exploitation labellisée Haute Valeur environnementale (HVE). Je veux bien que nous ayons un débat scientifique, mais il doit être sérieux : il est faux de dire que la loi Egalim 1 a autorisé l’épandage de tous les produits phytopharmaceutiques.

Par ailleurs, nous n’avons pas de tactique, comme vous dites. Avec ce texte, nous souhaitons simplement aider les agriculteurs en réduisant la pénibilité de leur travail et en leur permettant d’utiliser des produits qui ont moins d’impact sur l’environnement. De plus, si le drone permet un traitement préventif régulier, il sera possible de diminuer la concentration initiale des produits, ce qui amoindrit les dérives ; on appelle ça des gradients de concentration, et cela aussi c’est scientifique.

M. Hubert Ott (Dem). Ce texte, défendu initialement par Pascal Lavergne – qu’il en soit remercié – devait être discuté la semaine suivant la dissolution. Jean-Luc Fugit reprend la démarche, dont je suis totalement solidaire.

Depuis l’interdiction de toute pulvérisation aérienne en 2015, les agriculteurs ne peuvent utiliser que des équipements terrestres. Ceux-ci ont montré leurs limites, notamment sur les parcelles en forte pente, comme dans ma circonscription viticole d’Alsace : les coteaux parmi les plus prestigieux, comme ceux du domaine Schlumberger à Guebwiller, peuvent présenter des pentes allant jusqu’à 50 %. La méthode de traitement par hélicoptère, courante il y a encore dix ans, a été abandonnée pour des raisons environnementales et c’est une bonne chose. Mais sur ces fortes pentes, l’utilisation d’équipements manuels ou chenillés est trop dangereuse. Désormais, l’enjeu concerne l’abandon ou le maintien de la culture sur ces coteaux : soit les viticulteurs ont des solutions et continueront de les cultiver, soit nous ne proposons rien et ils les abandonneront, inéluctablement.

Cette proposition de loi est indispensable pour deux raisons : la sécurité des travailleurs et la préservation des paysages cultivés d’un enfrichement certain. L’autorisation de l’utilisation de drones serait une avancée décisive face à trois défis essentiels, celui de l’innovation agricole, pour faire face aux brutalités climatiques, celui de l’amélioration des conditions de travail, par la réduction de la pénibilité et des risques, et celui du respect de l’environnement grâce à la précision du traitement, à une diminution des quantités et à une faible dispersion.

La pulvérisation par drone est un outil complémentaire, strictement encadré par les réglementations françaises et européennes, circonscrite à la liste des produits autorisés en agriculture biologique et à celle des produits à faible risque, définis à l’article 47 du règlement de l’Union européenne.

L’enjeu est crucial, à la fois climatique et écologique. Les crises météorologiques provoquent une situation paradoxale : les sols détrempés sont impraticables, alors même qu’ils nécessitent un traitement urgent pour éviter la perte totale des récoltes. Les viticulteurs en agriculture biologique sont particulièrement concernés. En Alsace, ils cultivent 35 % de la surface viticole totale – un record national. Pour ceux dont les parcelles présentent une forte pente, l’utilisation des drones est une question de survie économique et environnementale, d’autant qu’ils mettent un soin particulier à éviter le tassement et l’érosion des sols.

Les drones sont déjà utilisés en Suisse et en Belgique, sans qu’une nocivité pour l’environnement ait été constatée. Les rapports scientifiques confortent cette position. Ainsi, dans son rapport de 2022, l’Anses a conclu que la pulvérisation par drone présente des avantages évidents. Plutôt que d’organiser une énième paralysie administrative, je vous invite à soutenir cette proposition de loi pour une agriculture plus sûre et plus résiliente dès aujourd’hui.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il y a en effet des nuances dans le rapport scientifique de l’Anses, et elles ont d’ailleurs été intégrées dans l’élaboration de ce texte. En science, la nuance est essentielle : elle oriente les recherches et les fait progresser. Si l’on veut oublier les nuances, on s’appuie sur les relevés effectués sur les combinaisons des applicateurs des produits – les chiffres sont deux cent fois moindres avec des drones qu’avec des pulvérisateurs à dos d’homme – pour dire que le rapport de l’Anses est très favorable aux drones !

La proposition de loi est équilibrée, puisqu’elle ne porte que sur des produits de biocontrôle utilisés en agriculture biologique. Nous pensons tout à la fois aux plantes, à l’environnement et aux travailleurs qui appliquent les produits.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Delphine Batho (EcoS). Un point d’histoire : lors du débat de 2018 sur la loi Egalim 1, de nombreux amendements favorables à l’extension de l’épandage par drone à tous les pesticides avaient été déposés, parmi lesquels dix-sept amendements identiques qui, c’est drôle, comportaient tous la même faute d’orthographe ! Cette éventualité a donc bien été débattue à l’Assemblée nationale. Les auteurs de ces amendements sont les mêmes qui soutiennent la présente proposition de loi. Vous aviez alors fait un premier pas en autorisant une expérimentation, vous en faites un deuxième aujourd’hui et vous en ferez un troisième la semaine prochaine, au Sénat, en soutenant l’abrogation de l’interdiction des néonicotinoïdes, défendue par Les Républicains. La pente sur laquelle vous êtes engagé vous emmènera toujours plus loin dans la régression.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La pente sur laquelle je pense me trouver mène aux viticulteurs des coteaux de ma circonscription, qui travaillent dans des conditions climatiques et géographiques terribles. Je veux leur apporter des solutions pour y faire face, et pour faire en sorte que l’ensemble du vignoble soit cultivé en agriculture biologique.

Je me souviens très bien de ces dix-sept amendements : aucun n’a été adopté. C’est celui que je défendais, limitant l’expérimentation aux produits utilisés en agriculture biologique, qui l’a été. D’ailleurs je reviendrai tout à l’heure, lors de l’examen des amendements, sur la question du label HVE, qui a été mal ficelée à l’époque. C’est l’avantage de l’expérimentation : ce qui a été fait de façon un peu approximative, je profite de la présente proposition de loi pour l’améliorer.

C’est la seule pente que je suive, celle du progrès environnemental et social pour nos agriculteurs.

M. Hervé de Lépinau (RN). Le présent texte donne toujours davantage de pouvoir à l’Anses et confirme son rôle d’arbitre des pratiques d’épandage aérien, malgré les réserves que de nombreux groupes politiques émettent à l’égard de cette autorité créée en 2010.

Le groupe Rassemblement national a alerté sur son choix de ne pas renouveler l’autorisation de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques pourtant autorisés par l’Union européenne. Cette décision met les agriculteurs français en situation de concurrence défavorable avec ceux des autres pays européens. Il devient donc urgent de retirer à l’Anses ce pouvoir d’autorisation et de le rendre au ministère de l’agriculture, mais aussi de reprendre la liste des produits phytopharmaceutiques autorisés.

L’utilisation de drones renforcera l’efficacité du traitement de certaines maladies comme la flavescence dorée : leur précision permet de cibler les zones contaminées et de réduire les quantités de produits utilisées sans affecter d’autres parcelles, notamment en agriculture biologique.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’Anses ne prend pas une décision politique, elle procède à des évaluations scientifiques. Elle ne délivre pas d’autorisation de mise sur le marché. La proposition de loi est très claire sur ce point, comme sur les arrêtés et décrets pris par le Gouvernement. Elle prévoit également la présentation des évaluations de l’Anses à l’Opecst, lequel reflète toute la diversité de la représentation nationale. Les parlementaires seront donc mis au courant et pourront formuler des propositions complémentaires.

Toute une chaîne d’intervenants œuvrera ainsi à la réduction de l’impact environnemental de l’agriculture et à l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs, qui est tout aussi importante.

M. Hubert Ott (Dem). Madame Batho, j’ai beaucoup de respect pour votre parcours et votre travail. Je suis moi-même engagé depuis quarante ans dans des associations de protection de la biodiversité, contre la disparition de laquelle je me suis battu. Je ne crois pas qu’établir un parallèle entre le vol des drones et la disparition des insectes soit à la hauteur de votre capacité de réflexion.

Avant de donner au monde viticole des leçons sur le refus de la technologie, il faudrait commencer par s’interroger notre propre bilan écologique – celui de nos téléphones portables par exemple, qui est plus que discutable. J’invite donc ceux qui veulent rester cohérents à renoncer à leur téléphone et à acquérir un pigeon voyageur.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il est essentiel de respecter les engagements des uns et des autres.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Ce texte aidera-t-il vraiment les travailleurs ? Car, oui, les conditions de travail des travailleurs agricoles sont difficiles, mais on ne les aidera pas vraiment en supprimant leur emploi ! Vous dites beaucoup qu’un drone permet d’effectuer le travail beaucoup plus rapidement : cela facilite certes le travail pour les exploitants, mais réduit celui des salariés agricoles.

Pour véritablement aider ces derniers, la solution ne consisterait-elle pas à reconnaître cette pénibilité et à proposer des aides pour qu’ils soient plus nombreux à travailler sur les parcelles difficiles ? En divisant la charge de travail, on rend celui-ci moins pénible sans le supprimer ni le faire faire par des drones.

Enfin, l’Anses ne conclut pas que l’utilisation de drones permettrait une réduction de l’exposition des travailleurs aux produits phytopharmaceutiques : elle estime que le recul est insuffisant pour tirer des conclusions définitives. En outre, lors du remplissage des drones, leur exposition est bien supérieure à celle constatée avec l’usage actuel.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Manifestement, nous ne lisons pas les mêmes choses dans le rapport de l’Anses.

J’étais surpris, tout à l’heure, de ne pas vous entendre parler de la pénibilité du travail. C’est pourtant une question majeure – j’ai moi-même fait l’essai, pour voir. Par ailleurs, votre raisonnement peut être inversé : sans l’aide technique des drones, on risque de devoir abandonner les parcelles trop pentues consacrées à la viticulture ou à l’arboriculture, ce qui réduirait d’autant le volume de travail.

Trouver le moyen de rendre un emploi moins pénible, on a voulu le faire de tout temps et dans tous les secteurs. Je pense que nous en faisons tous un objectif. C’est encore plus urgent pour les territoires ultramarins, où les conditions de travail suffisent à elles seules à motiver l’adoption de ce texte.

M. Benoît Biteau (EcoS). Dans le contexte agricole actuel, particulièrement sensible, on voudrait faire passer les agriculteurs d’une dépendance aux pesticides, qui les mettent en difficulté économiquement, à une dépendance aux drones, qui ne réglerait pas leurs problèmes.

Sans vouloir être trop technique, on nous explique que la flavescence dorée pourrait être traitée en utilisant des drones, comme s’il y avait un foyer de la maladie. Or, elle est véhiculée par une cicadelle – un petit papillon : il ne faut donc pas s’attaquer à la maladie, mais à l’insecte, ce qui est déjà fait de manière efficace par des protocoles bios. En tout état de cause, si l’on est attaché à la santé des travailleurs, il est préférable de développer des parcelles bios plutôt que d’utiliser des drones.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je n’ai pas évoqué la flavescence dorée, et je n’ai jamais dit ni écrit que l’utilisation des drones était une solution à tous les problèmes ; je ne le pense d’ailleurs pas. C’est juste une technologie de plus dans l’éventail de ce qui est proposé pour accompagner la transition écologique, que je restreins aux produits de biocontrôle et à faible risque.

Il me semble que nous devrions chacun faire un pas vers l’autre. Dans cette salle, personne ne détient le monopole de la conscience environnementale et de la transition agroécologique dans laquelle nous voulons inscrire l’agriculture.

M. David Taupiac (LIOT). L’Union européenne a adopté, en 2009, le principe général de l’interdiction de l’épandage de pesticides par drone ; non par esprit de contrariété ni parce qu’elle ne croit pas au progrès technique, mais parce que l’épandage aérien présente des risques sérieux pour la santé et l’environnement. Cette interdiction généralisée est assortie de quelques dérogations : la pratique peut être autorisée, sans être obligatoire, en l’absence d’autres solutions viables ou en présence d’avantages manifestes par rapport à une application terrestre.

C’est dans ce cadre qu’une expérimentation de l’usage de drones a été proposée par la loi Egalim 1, avec un périmètre circonscrit aux territoires en pente et aux produits certifiés bio ou utilisés dans les exploitations labellisées HVE. Elle a pris fin en 2021 et a fait l’objet d’un premier bilan, sachant que l’Anses estime manquer de données pour établir des conclusions incontestables. Il ressort de ce rapport que les travailleurs agricoles sont deux fois moins exposés au moment de l’épandage. C’est un point positif, mais contrebalancé par le fait que ceux qui se rendent dans les parcelles après le traitement sont exposés à des résidus plus élevés qu’avec les traitements classiques. En outre, la dérive des produits – c’est-à-dire leur dépôt en dehors des zones visées – est globalement plus importante, tout comme l’exposition des personnes situées à proximité directe des parcelles traitées. Ce premier bilan, qui mérite d’être consolidé, n’est donc pas sans équivoque.

Dans ces conditions, les députés du groupe LIOT considèrent qu’il est trop tôt pour pérenniser l’expérimentation et appellent à la renouveler pour une durée de trois ans. Ce délai supplémentaire permettra à l’Anses de collecter les données nécessaires pour déterminer les conditions dans lesquelles l’épandage pourra ou non être autorisé, afin de minimiser les risques environnementaux et sanitaires. Il est également prématuré d’étendre ce dispositif à de nouvelles cultures, d’autant que la proposition de loi est peu cadrée : les essais ne sont pas limités dans le temps, et les conditions dans lesquelles ils seront validés sont renvoyées à un arrêté, sans davantage de précision.

Cette proposition de loi ne prévoit pas les précautions nécessaires à la pérennisation de l’épandage. Nous proposerons des amendements pour faire évoluer le dispositif.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. J’approuverai votre amendement limitant l’expérimentation à trois ans, sous réserve d’un sous-amendement.

 

Article 1er (art. L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) : Levée de l’interdiction de la pulvérisation aérienne de certains produits phytopharmaceutiques pour des traitements par drone sur certains types de parcelles ou sur certaines cultures

 

Amendements de suppression CE1 de Mme Delphine Batho et CE25 de Mme Manon Meunier

Mme Delphine Batho (EcoS). Les conclusions de l’Anses sont limpides : les essais réalisés, trop peu nombreux, ne sont pas conformes aux normes et ne permettent de tirer aucune conclusion. Voilà précisément ce qu’elle écrit : « L’analyse des données ne permet pas, à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées. » On ne peut lui faire dire autre chose. Ce dispositif doit donc être supprimé.

Par ailleurs, si vous aviez un quelconque intérêt pour la lutte contre la pénibilité du travail, vous n’auriez pas supprimé les critères de pénibilité que sont la manutention manuelle de charges et l’exposition aux produits chimiques ; vous n’auriez pas non plus défendu un projet de loi promouvant la retraite à soixante-quatre ans. Ce n’est pour vous qu’un argument de circonstance pour justifier l’utilisation de drones.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Comme les aéronefs, la proposition de loi aussi est télépilotée – comme l’avaient aussi été les amendements à la loi Egalim ! Je tiens d’ailleurs à votre disposition les articles de presse relatant l’affaire des copier-coller, à la faute d’orthographe près, des éléments de langage de l’industrie chimique.

En étant un tant soit peu honnête, il n’est pas difficile de reconnaître, comme le fait l’Anses, que les expérimentations ne présentent aucune robustesse scientifique.

Monsieur le rapporteur, arguer que votre texte ne concerne que les produits utilisés en agriculture biologique est un faux nez. Au total, l’agriculture biologique concerne 20 % du vignoble français : il s’agit bien ici d’autoriser à terme l’épandage par drone aux 80 % utilisant des pesticides.

Pour réduire la pénibilité du travail, il faut réduire l’usage des pesticides. Madame Marsaud, si vous voulez soulager les travailleurs comme vous le dites, retirez vos amendements sur la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites qui sera examinée demain en séance publique !

Mme Sandra Marsaud (EPR). Je n’en ai déposé aucun !

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. C’est précisément parce que l’Anses estime que les essais n’ont pas été suffisamment bien menés que nous souhaitons les prolonger. La proposition de loi prévoit la réalisation de nouveaux essais, qui seront évalués par l’Anses, avant une autorisation éventuelle par l’exécutif pour un usage plus large, le tout sous le contrôle de l’Opecst.

Par ailleurs, vous n’avez pas le monopole de la lutte contre la pénibilité du travail. Utiliser les drones dans certaines zones permettra de la réduire, de limiter l’exposition des travailleurs aux produits et de traiter les cultures au moment adéquat.

En avril dernier, de fortes pluies ont frappé le sud du département du Rhône, dans ma circonscription. Dans les parcelles en forte pente, les viticulteurs n’ont pas pu traiter les vignes avec les équipements classiques tant le sol était détrempé, alors même que des maladies étaient en train de faire leur apparition. Tout a été fait à dos d’homme, ce qui est particulièrement pénible. Avec des drones, les travailleurs agricoles en auraient eu pour une heure au lieu de dix.

Enfin, il est vrai que le vignoble cultivé en agriculture biologique ne représente que 20 % du total. Vous en concluez que le dispositif ne vaut pas le coup, mais justement si ! Cette autorisation incitera davantage de viticulteurs conventionnels à entamer une transition vers l’agriculture biologique.

Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, à quel prix est vendue la bouteille de vin issue des appellations de votre circonscription ? Quelle est la différence entre un salaire correct pour dix heures de travail et le tarif d’une prestation d’épandage par drone ? Toute la question est là ! En recourant aux drones, certains souhaitent simplement s’affranchir de la nécessaire amélioration des conditions de travail et du versement de salaires décents.

M. Hubert Ott (Dem). Je voudrais revenir sur la flavescence dorée et les cicadelles évoquées par Benoît Biteau. L’approche n’est pas la bonne, puisque ces papillons ne sont plus traités par des insecticides classiques mais par un procédé de confusion sexuelle, même dans des exploitations conventionnelles. De même, de nombreux traitements systémiques ont été remplacés par des traitements de surface qui sont lessivés à chaque pluie, ce qui oblige à réintervenir.

Les agriculteurs bio sont les premiers touchés. Ils ont besoin d’aide, et nous pouvons leur en apporter grâce aux drones. Loin de diminuer le nombre d’emplois, cela permettra de les convertir – et piloter ces engins est moins pénible que porter des pulvérisateurs. Plus généralement, l’argument de la pénibilité n’est opposable à personne : chacun a mené un combat à ce sujet et nos actions sont complémentaires.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CE48 de M. Hervé de Lépinau, CE26 de M. David Taupiac et CE42 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Hervé de Lépinau (RN). Mon amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 1er qui prenne mieux en compte les futures évolutions de la technologie d’épandage par drone.

Le dispositif proposé impose trop de contraintes administratives par rapport aux exigences européennes, pour une technologie pourtant particulièrement efficace pour certains travaux. Il serait dommage de ne pas être ambitieux dans un texte qui ouvre des perspectives pour l’avenir. Les fabricants de drones s’intéresseront au domaine agricole lorsqu’il y aura des débouchés pérennes.

M. David Taupiac (LIOT). Nous ne sommes pas opposés à ce dispositif, nous demandons qu’il soit bien encadré. Nous proposons de prolonger l’expérimentation de trois ans afin que l’Anses puisse rendre un avis complémentaire sur les données manquantes. Je propose de maintenir le cadre actuel, qui restreint le recours à cette technique.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne souhaite pas élargir le dispositif, fruit d’un équilibre entre l’utilisation d’une technologie efficace et l’exposition limitée aux produits. Il s’inscrit dans une logique d’expérimentation, suivie par l’Opecst et l’Anses. Je suis donc défavorable à l’amendement CE48.

L’amendement CE42 propose de mener une expérimentation de l’épandage par drone sur les vignes en pente sans restreindre les produits utilisés, ce qui signifie que des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) pourraient être pulvérisées. Avis défavorable.

L’amendement CE26 vise à expérimenter pendant trois ans l’épandage de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d’une exploitation faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale. Ce dernier critère, qui était prévu dans la loi Egalim, est inopérant car il conduirait à autoriser l’épandage par drone de produits à risque non négligeable dans une exploitation HVE, alors que ce produit serait interdit dans l’exploitation voisine qui ne serait pas HVE. Bref, alors que la proposition de loi recherche un certain équilibre, votre amendement permettrait la diffusion de produits particulièrement dangereux. Avis défavorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Vu que les amendements de suppression ont été rejetés, essayons d’améliorer ce texte. Seul l’épandage de produits bio doit être autorisé. Dans le cadre d’une exploitation HVE, des molécules dangereuses, très volatiles, telles que le prosulfocarbe – que l’on trouve au sommet du Mont-Blanc – sont utilisées.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Certains collègues macronistes se racontent des histoires. Pourtant, la pente qu’ils suivent est claire. Lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, le Gouvernement avait soutenu un amendement visant à autoriser les banques et les assureurs privés à spéculer sur les terres agricoles : c’était déjà une ouverture vers le modèle agro-industriel, vers lequel on va petit à petit parce qu’on n’arrive plus à protéger le modèle agricole paysan.

Votre proposition de loi est un cheval de Troie : cette expérimentation finira par se généraliser, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays. Nous devrions plutôt donner la priorité à l’emploi et à la rémunération des agriculteurs. Nous pouvons faire autrement avec plus de paysans sur les terres.

M. Hervé de Lépinau (RN). Les opposants à ce texte sont tout de même face à une contradiction. L’épandage par drone est très précis, et il est particulièrement adapté pour éliminer les insectes ravageurs ou lutter contre les maladies. Très peu de produit est utilisé, ce qui protège la santé de l’exploitant et l’environnement de manière plus efficace que l’épandage réalisé aujourd’hui. Il est donc dommage de limiter la technologie aux produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture biologique : autant autoriser l’épandage de produits utilisés dans les exploitations HVE. Vous êtes des ennemis du progrès : à l’époque, vous auriez certainement été opposés à l’avancée technologique qu’était le tracteur !

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous vous avertissions, et maintenant la démonstration est faite : cette proposition de loi, c’est la boîte de Pandore. Tôt ou tard, on autorisera l’épandage aérien de pesticides de synthèse en France !

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’amendement CE26 ne porte que sur une expérimentation, alors que la proposition de loi prévoit aussi de pérenniser les pratiques actuelles. En outre, il écarterait l’utilisation des produits de biocontrôle dans certaines exploitations. Il va à l’encontre de l’objectif recherché.

L’amendement CE26 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE48 et CE42.

 

Amendement CE3 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit toujours de revenir sur l’autorisation d’épandre des pesticides par voie aérienne. Ce type d’épandage avait été interdit pour des raisons de santé publique.

La question de l’atteinte au droit de propriété d’une personne voisine d’un exploitant qui utilise un produit susceptible de contaminer sa parcelle fait l’objet d’une abondante jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Respectons le cadre juridique actuel et la directive européenne, auxquels l’article 1er n’est pas conforme.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Cet amendement va encore plus loin que la suppression de l’article 1er : en supprimant son alinéa 3, il interdit toute dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien, y compris « en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ». Le droit en vigueur s’en trouverait durci.

La loi de 2015 a conservé certaines avancées de la loi de 2011 qui transposait la directive de 2009, mais pas toutes. Je propose d’élargir le dispositif actuel à une nouvelle technologie qui n’est ni l’avion, ni l’hélicoptère.

Mme Delphine Batho (EcoS). Ce que vous dites est entièrement faux. Mon amendement supprime, à l’alinéa 2 de l’article 1er, les mots « Sous réserve du I bis », et non le deuxième alinéa du I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Si vous pouviez dire la vérité sur cet amendement, ce serait plus respectueux.

M. Hubert Ott (Dem). J’ai eu l’occasion d’assister à une démonstration d’épandage aérien : les buses des aéronefs pilotés sont mobiles, ce qui permet de cibler une plante, et elles diffusent de très faibles quantités. Je confirme que l’utilisation des hélicoptères était désastreuse, puisqu’ils volaient dix ou vingt mètres au-dessus de la plante, que le cône d’épandage était incontrôlable et que le produit restait suspendu dans l’air. La forme des cônes des engins terrestres qui servent actuellement à épandre dans les vignes, y compris en agriculture biologique, entraîne une diffusion plus large et une suspension dans l’air deux cent fois supérieure à celle résultant de l’épandage par drone. La précision d’un aéronef piloté est sans commune mesure avec celle des anciens engins aériens ; il préserverait davantage les sols et la flore, notamment présente dans les vignes alsaciennes.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 13 : seuls les alinéas 1er et 2 subsisteraient. L’alinéa 1er prévoit simplement de remplacer le I de l’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime par les dispositions prévues aux alinéas suivants. Ne resterait donc que l’alinéa 2, selon lequel « la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est interdite. » Votre amendement supprime tous les autres alinéas, y compris ceux qui reprennent le droit en vigueur depuis 2015.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE56 de M. Jean-Luc Fugit, rapporteur.

 

Amendement CE57 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il est rédactionnel.

Mme Delphine Batho (EcoS). Non, cet amendement n’est pas rédactionnel. Sous réserve de vérification, cette mesure de précaution, qui peut être appliquée en cas de danger sanitaire grave, ne l’a jamais été. Je ne comprends pas l’intérêt de cet amendement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il est purement rédactionnel. Il s’agit de préciser que cette mesure s’applique en cas de force majeure et non en cas de danger, quel qu’il soit. Il s’agit d’une précision d’ordre légistique.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE9 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit d’un amendement de clarification qui vise, en cas de circonstances exceptionnelles, à imposer le respect des conditions prévues à l’article 9 de la directive de 2009.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La proposition de loi ne modifie pas la rédaction claire et robuste du droit en vigueur, qui résulte notamment de la transposition de la directive de 2009. Il n’est donc pas nécessaire d’y faire référence. Demande de retrait, ou avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). La directive européenne dresse une longue liste de conditions cumulatives encadrant les dérogations à l’interdiction de pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques. Cet amendement vise à les rendre opposables.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE6 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il vise à demander l’avis de l’Anses en cas de dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien. En cas de danger sanitaire, elle pourrait ainsi proposer des solutions alternatives à l’administration.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La proposition de loi ne modifie pas non plus le droit en vigueur sur ce point. Il n’est pas dérogé à cette interdiction de manière abusive, bien au contraire. En cas d’urgence, il serait compliqué de consulter l’Anses. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE49 de M. Hervé de Lépinau

M. Hervé de Lépinau (RN). Alors que la philosophie du texte est de disposer d’un moyen technique pour minimiser le contact des opérateurs avec les produits, il est dommage de limiter cet avantage technologique aux produits de biocontrôle. Nous proposons d’élargir l’autorisation d’épandage aérien à tous les produits phytopharmaceutiques.

En matière viticole, de manière fréquente, les engins lourds – tracteurs ou chenillards – ne peuvent plus accéder à certaines parcelles en raison d’une quantité d’eau excessive. Le drone permettrait de suppléer ces engins pour traiter les parcelles, préserver la production et éviter la contamination d’autres parcelles. N’oublions jamais que si une parcelle est contaminée par un insecte ravageur ou une maladie, les exploitants des parcelles voisines devront multiplier les traitements.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Avis défavorable. La proposition de loi vise à autoriser l’épandage par drone tant des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle que des produits autorisés en agriculture biologique, notamment ceux contenant du cuivre, et des produits à faible risque. Les produits à faible risque sont ceux dont toutes les substances actives sont des substances à faible risque au sens du droit européen.

Bien que la proposition de loi ne fasse pas l’unanimité, sa rédaction est prudente : un dispositif efficace assorti d’un suivi scientifique est ainsi prévu.

M. Benoît Biteau (EcoS). Essayons d’avoir une approche globale : l’abandon de l’utilisation des pesticides ne vise pas uniquement à protéger les consommateurs ou les riverains, mais aussi à préserver la biodiversité et à lutter contre le dérèglement climatique qui menace la souveraineté alimentaire.

Par ailleurs, je doute qu’il existe des sols en pente où l’eau serait en quantité excessive. En tout état de cause, on peut se fonder sur la notion de vocation territoriale pour se dire que, si l’on a installé des modes d’agriculture qui ne sont pas adaptés au milieu, il faut peut-être en changer.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Épandre des pesticides qui ruisselleraient sur des sols gorgés d’eau, quelle excellente idée !

Cela me rappelle qu’en Camargue, l’entreprise agro-industrielle Euricom a acheté des terres sur lesquelles elle produit du riz qu’elle exporte en Europe. Là-bas, les agriculteurs et agricultrices épandent des pesticides par tous les temps, sans respecter aucune règle agronomique – car c’est ce qui se passe avec le modèle agroéconomique, on ne respecte pas la terre. Bien qu’ils se rendent compte que la terre n’arrive plus à vivre ni à produire, ils continuent d’épandre et pour cela, ils reçoivent ce qu’ils appellent entre eux la prime cancer ! Et ils savent bien que lorsque la terre sera morte, Euricom en achètera une autre.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CE21 de Mme Delphine Batho est retiré.

 

Amendement CE8 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit de reprendre les termes de la directive européenne, en ajoutant l’absence de solution viable aux conditions cumulatives qui doivent être réunies pour autoriser l’épandage par drone.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous proposez une surtransposition du droit européen. En effet, les conditions prévues par la directive SUD sont alternatives et vous voulez les rendre cumulatives. Les agriculteurs se plaignent souvent du fait que nous allions plus loin que le droit européen, essayons cette fois d’éviter ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE62 de M. Jean-Luc Fugit, amendements identiques CE4 de Mme Delphine Batho et CE46 de Mme Mélanie Thomin, amendement CE5 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Mon amendement vise à rendre la dérogation à l’interdiction d’épandage aérien conforme à la directive SUD de 2009. Cette dernière autorise l’épandage s’il a des avantages manifestes « du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement ». Or, la rédaction initiale de l’article 1er évoque un bénéfice pour la santé humaine « ou » pour l’environnement.

Je demande le retrait des autres amendements, qui visent aussi à remplacer le « ou » par le « et », car le mien va un peu plus loin s’agissant de la protection de la santé des personnes qui travaillent sur les parcelles.

Mme Delphine Batho (EcoS). La directive européenne fait référence à l’incidence sur « la santé humaine et l’environnement ». Votre proposition est insuffisante, monsieur le rapporteur, car vous invoquez la santé de certaines personnes et non la santé humaine en général. En outre, votre formulation sur les « personnes travaillant sur les parcelles à traiter » me semble destinée à contourner le Conseil d’État, qui avait censuré l’arrêté ministériel autorisant les expérimentations au motif que la santé des personnes travaillant à proximité immédiate des parcelles n’était pas prise en considération. Revenons-en au texte de la directive, sans ouvrir un débat sur les salariés qui sont sur la parcelle et les personnes qui se trouvent à proximité.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Madame Batho a parfaitement résumé le problème de rédaction qui se pose.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Ma rédaction insiste sur les personnes qui travaillent sur les parcelles, mais le terme « notamment » montre bien qu’elle n’exclut pas les autres.

Mme Delphine Batho (EcoS). Pour moi, il faut vraiment utiliser la formule « santé humaine », qui inclut tout le monde : les agriculteurs, les salariés qui sont sur la parcelle à traiter, ceux qui se trouvent sur des parcelles adjacentes et les riverains. Pourquoi devrait-on faire le tri ?

La commission rejette l’amendement CE62.

Elle adopte les amendements CE4 et CE46.

En conséquence, l’amendement CE5 tombe.

 

Amendement CE63 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il s’agit de préciser que le dispositif s’applique aux parcelles comportant une pente égale ou supérieure à 20 %, afin que la condition soit vérifiable et que les agriculteurs ne se retrouvent pas en situation d’insécurité juridique. Ce seuil de 20 % de pente correspond au niveau de déclivité qui présente des risques sérieux pour l’utilisation d’engins agricoles terrestres, notamment les chenillards et les tracteurs étroits dans les vignes. Au-delà de 30 % de pente, l’utilisation du pulvérisateur à dos s’impose.

Mme Delphine Batho (EcoS). Dans la loi autorisant l’expérimentation, il était question des pentes supérieures ou égales à 30 %. Il n’y a donc jamais eu d’expérimentation sur des pentes comprises entre 20 % et 30 %. Qu’est-ce qui vous conduit à abaisser le seuil ? Quelle sera l’incidence de cette baisse en termes de surfaces concernées à l’échelle du territoire national, c’est-à-dire dans l’Hexagone et dans les outre-mer ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. S’il est impossible d’utiliser du matériel agricole dans une pente supérieure à 30 %, il est dangereux de le faire dans une pente comprise entre 20 % et 30 %. Des arboriculteurs et viticulteurs m’ont ainsi expliqué qu’ils devaient parfois traiter contre certaines maladies, y compris en agriculture biologique, après de fortes pluies de printemps qui peuvent provoquer des glissements de terrain. J’ai voulu intégrer cette donnée dans le texte de façon pragmatique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE27 de M. David Taupiac et CE32 de M. Benoît Biteau

M. David Taupiac (LIOT). Nous proposons d’en rester au seuil de 30 % qui a été retenu pour l’expérimentation. Par souci de rigueur scientifique, une éventuelle pérennisation doit se faire dans les mêmes conditions.

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet abaissement de seuil montre que nos craintes étaient fondées quand nous parlions de cheval de Troie et de boîte de Pandore. D’emblée, il est question d’étendre les surfaces concernées par les traitements par drones, dans une tentative de vulgarisation et de standardisation d’une pratique qui devait rester marginale. Combien d’hectares supplémentaires pourraient-ils être ainsi traités par drones ? Nous n’en savons rien, car les données de l’expérimentation reposent sur le seuil de 30 %. Restons-en là.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous considérez donc qu’il est utile d’utiliser des drones dans les pentes supérieures à 30 %.

Si vous discutez avec des agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs, ils vous diront qu’un terrain avec un dénivelé de 20 % est déjà vraiment pentu. Allez voir, vous le constaterez vous-même. Il me semble donc nécessaire d’offrir la possibilité de l’usage des drones à partir d’une pente de 20 %. Oui, cela fera un peu plus de surface traitée, mais nous parlons de produits autorisés en agriculture biologique !

M. Hubert Ott (Dem). Sur des pentes de 20 %, les engins agricoles terrestres ravinent, tassent et créent les conditions idéales d’une érosion dont on se passerait bien de nos jours. Les herbes ne tiennent pas si elles sont compressées, arrachées, détruites par les passages intempestifs de machines de traitement. En outre, il est bien difficile de respecter les courbes de niveau sur des parcelles accidentées où le dénivelé passe de 20 à 28 ou 33 % selon les endroits. Or il faut pouvoir travailler à l’échelle d’une parcelle, sinon ce n’est pas gérable. Dans ma région viticole, les surfaces des parcelles font en général entre 5 et 20 ares et accusent des dénivelés qui peuvent aller de 15 à 35 ou 40 %. Il faut savoir si nous voulons rendre service aux gens ou leur compliquer la vie.

Mme Delphine Batho (EcoS). Au risque de me répéter, je maintiens que le Parlement ne peut voter sur des données quantitatives sans savoir ce qu’elles impliquent. Nous posons une question simple : si le seuil est abaissé à 20 %, combien d’hectares supplémentaires seront-ils concernés ? Par ailleurs, l’expérimentation – dont nous considérons, contrairement à vous, que les résultats ne sont pas concluants – n’a jamais porté sur les pentes comprises entre 20 et 30 %. C’est un fait. On ne peut donc pas s’en prévaloir pour ce type de pentes.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements CE17 et CE20 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit d’amendements de repli relatifs notamment à la distance vis-à-vis des riverains, point sensible dans toute la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous souhaitez créer une zone sans traitement par drone de deux cent cinquante mètres autour des bâtiments habités, ce qui revient à exclure de cette pratique toutes les vignes auxquelles je pense. C’est une manière de rendre la disposition inapplicable, alors qu’elle est conçue pour des produits de biocontrôle utilisés en agriculture biologique, comme vous pouvez l’observer dans les essais réalisés. En revanche, les CMR pourront toujours être utilisées à vingt mètres des habitations…

Vos amendements sont une autre manière de vous opposer à une proposition de loi à laquelle vous êtes globalement hostiles, c’est la seule logique que j’y trouve. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Dans tous les textes où il est question de pesticides, nous luttons pour que les riverains soient protégés le mieux possible. Que les choses soient claires : nous sommes contre l’usage de CMR à vingt mètres des habitations. Cela étant, l’Anses indique que la dérive aérienne des produits épandus par drone est de quatre à dix fois supérieure à celle occasionnée avec du matériel de référence, quel qu’il soit. Il ne faudrait donc pas nier cet effet de dérive des produits.

La commission adopte l’amendement CE17.

En conséquence, l’amendement CE20 tombe.

 

Amendement CE7 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Par cet amendement de repli, nous demandons un avis préalable de l’Anses sur l’arrêté définissant les conditions d’autorisation des programmes d’épandage par drone.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre amendement est satisfait : cet arrêté prévoira nécessairement l’intervention de l’Anses dans le processus, conformément à l’article 9 de la directive, repris dans le texte.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE58 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. _Nous avons travaillé cet amendement avec le syndicat CFDT du secteur agroalimentaire. L’idée est que les salariés et leurs représentants ne devaient pas être oubliés lors de la consultation sur l’arrêté ministériel : ils sont concernés au premier chef par ce progrès technique à même de réduire la pénibilité et la dangerosité de leur travail. Je n’ose imaginer que cet amendement ne fasse pas l’unanimité.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE10 de Mme Delphine Batho et CE43 de Mme Mélanie Thomin

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il s’agit tout bonnement de supprimer les alinéas 6 à 13, c’est-à-dire toute la partie qui concerne les essais d’épandage par drone sur les bananeraies ou les vignes mères de porte-greffes. Je rappelle que ces essais seraient évalués par l’Anses et que les résultats seraient transmis à l’Opecst et aux autorités de l’État. Les supprimer, c’est supprimer cette technique d’épandage, ce qui est du reste l’objectif affiché des auteurs de l’amendement. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE59 de M. Jean-Luc Fugit, rapporteur.

 

Amendement CE28 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de limiter le champ d’application des nouveaux programmes d’essai aux seules parcelles et cultures faisant l’objet de contraintes d’accès.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La notion de parcelles et cultures « faisant face à des contraintes d’accès » me semble insuffisamment précise pour en faire un critère légal d’accès à l’autorisation d’épandage par drone à titre d’essai. Certaines difficultés d’accès peuvent d’ailleurs être temporaires, par exemple en raison d’un excès d’eau dû aux fortes pluies du printemps. Ces essais sont importants pour nous permettre de déterminer le bien-fondé de nos hypothèses. Retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE60 de M. Jean-Luc Fugit, rapporteur.

 

Amendements identiques CE15 de Mme Delphine Batho et CE47 de Mme Mélanie Thomin

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit là encore d’utiliser la formulation de la directive sur la santé humaine et l’environnement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Par souci de cohérence avec l’amendement adopté précédemment, il faut adopter aussi ces amendements identiques. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements CE18 et CE19 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Le premier vise à protéger les riverains en instaurant une zone de non-traitement par drone de deux cent cinquante mètres autour des bâtiments habités. Le deuxième est un amendement de repli qui tend à interdire l’utilisation des drones dans les espaces naturels protégés par le code de l’environnement. Pour nous, la logique de ces essais est de conduire à une généralisation de l’épandage par drone. Nous voulons donc les interdire dans tous ces espaces où l’on retrouve des enjeux particuliers en matière de biodiversité certes, mais aussi de paysage et de patrimoine. Ce n’est pas une bonne idée d’autoriser des drones à épandre des produits dans des réserves naturelles et des parcs nationaux, même si lesdits produits sont autorisés en agriculture biologique.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Contrairement à Mme Batho, je pense qu’il faut autoriser ces essais avec des produits à faible risque, afin de proposer des solutions nouvelles et utiles à nos agriculteurs. C’est un désaccord profond entre nous. Avis défavorable pour ces deux amendements.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Quels que soient les produits utilisés, c’est l’usage en tant que tel de drones dans des zones protégées que nous contestons. La Ligue pour la protection des oiseaux, par exemple, a montré que certains rapaces sont dérangés par les drones, qu’ils prennent pour des prédateurs. Si vous voulez protéger la biodiversité, vous ne devez pas utiliser ces drones. De la même manière que pour le climat, l’idée est de minimiser les effets des humains sur la biodiversité. Le rapport de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité publié en janvier dernier montre ainsi que le trio robotique-génétique-numérique est un non-sens d’un point de vue énergétique : tous les chercheurs auditionnés ont expliqué que la construction de ces robots destinés à remplacer les humains est un puits énergétique sans fond.

La commission rejette l’amendement CE18 et adopte l’amendement CE19.

 

Amendement CE64 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il s’agit de préciser que les autorisations d’épandage par drone, en dehors de cas prévus au I bis, ne seront délivrées que pour des essais. Ce n’est que si l’évaluation des résultats par l’Anses démontre que l’essai est concluant, avec des avantages manifestes pour la santé et l’environnement, que des programmes pourront être autorisés en dehors de tout essai.

La commission adopte l’amendement.

.

Amendement CE29 de M. David Taupiac et sous-amendement CE67 de M. Jean-Luc Fugit

M. David Taupiac (LIOT). Inquiets à l’idée que ce texte puisse inscrire cette nouvelle pratique dans la durée, nous voulons préciser que les programmes mentionnés ne sont autorisés que pour une période de trois ans.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’idée d’encadrer la durée des essais me paraît intéressante, mais je propose de préciser que la durée de trois ans est « maximale ». Sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, j’émets donc un avis favorable sur cet amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement CE55 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Fidèles à nos propos, nous proposons d’élargir la possibilité des essais à tous les produits phytopharmaceutiques autorisés en France.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Fidèle à ma logique, je vais émettre un avis défavorable car je pense qu’il faut adopter une approche prudente et équilibrée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE54 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Dans la même ligne, nous proposons d’élargir les possibilités d’essai des programmes à tous les produits phytopharmaceutiques autorisés en France et à tous les types de terrain et de culture.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Ma proposition de loi a pour but d’accompagner les agriculteurs vers la transition agroécologique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE16 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Une fois de plus, je reviens à la référence de la directive sur la santé humaine et l’environnement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Par souci de cohérence, il faut adopter cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE50 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Cet amendement vise à simplifier le dispositif en retirant la mention de l’Anses.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous m’épatez, mais pas dans le bon sens ! La directive européenne impose aux États membres d’avoir une évaluation scientifique ; en France, c’est l’Anses qui est compétente pour cela. Lorsque nous en viendrons aux alinéas 12 et 13, nous verrons d’ailleurs qu’il y est question de s’appuyer sur elle pour la validation des décrets et arrêtés. Gardons l’expertise de l’Anses, même si certains peuvent contester son apport. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Les auteurs de cet amendement manifestent de manière récurrente leur volonté de liquider l’Anses. Nous pouvons débattre des travaux qu’elle produit, mais l’État a absolument besoin d’une agence pour disposer d’un travail scientifique sur les questions de santé environnementale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE31 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Il vise à garantir que l’utilisation de drones pour épandre les produits phytopharmaceutiques ne se traduise pas par une augmentation des quantités utilisées. L’Anses doit vérifier que les programmes d’essais s’inscrivent bien dans une trajectoire de réduction de l’utilisation desdits produits.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il va de soi que la limitation des quantités pulvérisées sera analysée, dès lors que, comme le prévoit l’alinéa 8, l’objectif des essais est d’étudier les avantages pour la santé et pour l’environnement. Si l’on s’attache aux avantages, on étudie forcément les risques et les inconvénients, selon une approche scientifique – d’où le rôle de l’Anses. Cet amendement étant satisfait, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE65 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il ne m’apparaît finalement pas pertinent – je fais mon autocritique – de demander une présentation annuelle des évaluations des essais devant l’Opecst. Néanmoins, je tiens à ce que le Parlement regarde ce qui se fait scientifiquement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE61 de M. Jean-Luc Fugit et CE22 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il ne serait pas opportun de revenir sur les objectifs des essais, à l’alinéa 11, dans des termes différents de l’alinéa 8. En revanche, il serait utile de préciser que le décret définissant les conditions d’autorisation et les modalités de réalisation devra également fixer les modalités de transmission des résultats à l’Anses.

Mme Delphine Batho (EcoS). Un problème de rédaction se pose en effet. Je propose de faire référence, suivant les termes de la directive européenne, à l’absence d’autre solution viable et à l’absence d’incidence. L’amendement de M. le rapporteur ne me paraît pas convenir, car il supprimerait l’espèce d’obligation de résultat qui figure dans le texte initial.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Si je propose de simplifier un peu le texte, c’est parce que tout cela est déjà prévu à l’alinéa 8. Votre amendement posant des conditions cumulatives, avis défavorable pour les raisons évoquées tout à l’heure.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE44 de Mme Mélanie Thomin

Mme Marie-José Allemand (SOC). Cet amendement de repli vise à conditionner les essais relatifs au traitement phytosanitaire par drone par l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des produits phytopharmaceutiques d’ici à 2030, conformément à la stratégie Écophyto.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je partage cet objectif, mais son atteinte ne peut évidemment pas reposer uniquement sur l’utilisation de drones. J’espère cependant sincèrement qu’ils pourront y contribuer : l’idée est de mieux utiliser les produits, au bon moment, pour en mettre moins. Avis défavorable.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Les drones pourraient y participer en effet : il n’est pas question qu’ils soient les seuls concernés par l’amendement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Si l’on inscrivait dans la loi ce que vous demandez, on ferait de l’objectif une condition. Or, on peut simplement espérer que les essais menés permettront de réduire les quantités utilisées, comme d’aller vers des produits ayant un moindre impact et de réduire la pénibilité pour les employés agricoles. Mais sur le fond, je partage votre intention.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE30 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). L’amendement prévoit que les essais seront conditionnés par la mise en place de protocoles par l’Anses.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’alinéa 11 prévoit qu’un décret définit les conditions d’autorisation des essais et leurs modalités de réalisation. Même si cela peut paraître une évidence, on peut effectivement prévoir une consultation obligatoire de l’Anses, mais votre rédaction rendrait le texte vraiment trop complexe. Nous pourrions retravailler sur la question d’ici à la séance ? En attendant, je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE11 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous demandons la suppression du mécanisme de généralisation, à l’issue des essais, qui est inscrit aux alinéas 12 et 13.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Par cet amendement, vous dites oui aux essais, mais non à une généralisation. Je rappelle qu’une évaluation scientifique aura lieu, et que les essais pourraient même être conçus avec l’Anses, comme le propose M. Taupiac. Vous comprendrez, compte tenu de la logique qui sous-tend cette proposition de loi, que je sois défavorable à votre amendement.

Mme Delphine Batho (EcoS). Mais à quoi servirait la transmission des résultats à l’Anses et à l’Opecst si la loi prévoit qu’après les essais, le Gouvernement peut procéder automatiquement à la généralisation ? La rédaction que vous avez retenue montre bien que cette affaire d’essais n’est qu’un habillage : ce que vous souhaitez, c’est une généralisation de l’autorisation d’épandage par aéronef. Nous vous donnons acte de l’avoir restreinte à certains produits seulement, mais nous ne sommes pas d’accord avec le reste.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La démarche que je vous propose est de regarder les solutions qui se présentent, de faire des essais, de s’appuyer sur la science. Vous demandez à quoi servira l’Opecst, mais informer régulièrement le Parlement de ce qui se passe lui permet de faire son travail de contrôle de l’action du Gouvernement, quel qu’il soit ! Cela pourra aussi donner des idées à des parlementaires qui souhaiteront peut-être déposer des propositions de loi ou de résolution. Vous parlez d’habillage : je trouve qu’il s’agit plutôt d’une démarche cohérente qui associe tous les acteurs. Il n’est pas mauvais que le Parlement puisse regarder ce que font le monde agricole, l’Anses, l’Inrae et le Gouvernement. Avis défavorable à la suppression de ces alinéas pour rester dans la logique que j’ai essayé de vous faire partager ce soir.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE66 de M. Jean-Luc Fugit et CE45 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Mon amendement vise à simplifier l’écriture des alinéas 12 et 13 sans en changer la portée. Une fois que des essais portant sur certains types de parcelles ou certaines cultures auront été menés et si leur évaluation scientifique par l’Anses conclut à un avantage manifeste pour la santé et l’environnement, ces types de parcelles ou de cultures seront inscrits sur une liste, et des programmes d’épandage par drone pourront alors être autorisés dans les mêmes conditions que ce qui est déjà prévu pour les parcelles en pente, les bananeraies ou les vignes mères de porte-greffes.

Mme Delphine Batho (EcoS). J’aimerais faire de mon amendement CE23 qui vient juste après un sous-amendement à cet amendement du rapporteur.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Dans ce cas, il est préférable de rectifier mon amendement. Je vous propose que le deuxième alinéa soit ainsi rédigé :

« 3° Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé dresse la liste des types de parcelles ou des cultures pour lesquelles les résultats des essais mentionnés au 2° montrent que la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord est susceptible de présenter des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement. »

La commission adopte l’amendement CE66 ainsi rectifié.

En conséquence, l’amendement CE45 tombe, ainsi que l’amendement CE23 de Mme Delphine Batho.

 

Amendement CE33 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). L’Anses a conclu que, par rapport à des méthodes d’épandage terrestre, la dérive aérienne était de quatre à dix fois plus importante pour des cultures telles que la vigne et les bananeraies, et de trois à cinq fois pour les pommiers. Néanmoins, nous manquons encore de connaissances. Cet amendement demande donc à l’Anses et à l’Ademe (Agence de la transition écologique) de mener des études complémentaires approfondies sur l’impact de l’utilisation des drones pour l’épandage de pesticides, quand bien même ces derniers seraient autorisés dans l’agriculture biologique. Cela permettra de lever un certain nombre d’incertitudes, avant de se lancer comme des frelons dans l’utilisation de drones.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous voulez subordonner la pérennisation de l’épandage par drone à la réalisation d’études supplémentaires par l’Anses et l’Ademe dans un délai de deux ans. Cela supposerait de transformer l’ensemble du dispositif et de mener une nouvelle expérimentation, idée que nous avons rejetée tout à l’heure. Je vous rappelle que le texte a déjà un volet expérimental, avec une phase d’essais et une évaluation par l’Anses en vue d’une éventuelle pérennisation, ce qui paraît assez équilibré. Je vous propose donc d’en rester là. Votre rédaction sur « la pérennisation des dispositions du présent article » pose par ailleurs un problème légistique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE51 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Nous demandons au Gouvernement un rapport étudiant l’opportunité d’étendre le dispositif prévu à l’article 1er à l’ensemble des produits phytopharmaceutiques.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le rapport que vous demandez serait remis six mois après la promulgation de la loi. Or, il faut laisser à l’Anses le temps de mener des essais et d’étudier les résultats. Un tel délai n’est pas compatible avec le travail de l’Agence. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE52 de M. Hervé de Lépinau.

Amendement CE53 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Nous demandons cette fois un rapport sur le coût et l’opportunité pour les exploitants agricoles qui seraient éligibles.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Si je comprends bien, vous souhaitez une étude de marché concernant les sociétés qui pourraient proposer, grâce au présent dispositif, de nouvelles prestations agricoles. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’exposé des motifs de cet amendement est très intéressant : il met l’accent sur la motivation que représente une réduction du coût du travail.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 2 : Gage financier

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CE2 de Mme Delphine Batho.

 

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

Puis, la commission a examiné, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements restant en discussion sur la proposition de loi visant au blocage des prix de l’énergie dans l’hexagone et les outre-mer (n° 419 rectifié) (Mme Alma Dufour, rapporteure).

Parmi ces amendements, suivant l’avis de la rapporteure, elle a rendu un avis favorable à ceux qui figurent dans le tableau ci-après.

 

 

N° Amdt

 

 

Place

 

 

Auteur

 

 

Groupe

 

 1

 PREMIER

 Mme DUFOUR Alma

 LFI-NFP

 8

 av 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 5

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 6

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 9

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 10

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 4

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 7

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 12

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 11

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

 EPR

 14

 ap 1er bis

 M. CAZENEUVE Pierre

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 Titre

 M. CAZENEUVE Pierre

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 27 novembre 2024 à 15 h 05

Présents.  M. Henri Alfandari, Mme Marie-José Allemand, M. Maxime Amblard, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Benoît Biteau, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Françoise Buffet, M. Thomas Cazenave, M. André Chassaigne, M. Romain Daubié, Mme Sophie Delorme Duret, M. Julien Dive, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Alma Dufour, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, Mme Mathilde Hignet, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, Mme Annaïg Le Meur, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Laurent Lhardit, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, Mme Manon Meunier, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. François Piquemal, M. Loïc Prud’homme, M. David Taupiac, M. Boris Tavernier, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Frédéric Weber

Excusés.  M. Philippe Bolo, M. Harold Huwart, M. Pascal Lecamp, M. Joseph Rivière

Assistaient également à la réunion.  M. Laurent Alexandre, M. Fabien Di Filippo, M. Daniel Labaronne, M. Hubert Ott