Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Suite de l’examen des articles du projet de loi d’urgence pour Mayotte (n° 772 (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure) 2
Mardi 14 janvier 2025
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 42
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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La commission a poursuivi l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte (n° 772) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure).
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Notre commission reprend l’examen des articles du projet de loi d’urgence pour Mayotte. Je précise que nous devons achever la discussion des 100 amendements restants ce soir, la Conférence des présidents ayant prévu l’examen du texte en séance publique à partir du 20 janvier prochain à seize heures – le délai de dépôt des amendements a, lui, été fixé à jeudi à dix-sept heures. Sur chaque amendement, je ne donnerai donc la parole qu’à un orateur pour et à un orateur contre.
Article 8 : Exemption d’enquête publique
Amendement de suppression CE15 de Mme Anchya Bamana
M. Hervé de Lépinau (RN). En voulant aller trop vite, on ne fait pas toujours les choses correctement. À Mayotte, où il est parfois difficile de déterminer la propriété du sol, l’enquête publique permet au commissaire enquêteur de collationner des éléments de preuve pour définir chez qui on se trouve. En privilégiant la participation du public par voie électronique (PPVE), nous nous priverions de ce travail de fond indispensable, nous exposant ainsi à de graves problèmes.
Je reviens à nos débats d’hier : quel est l’état du maillage territorial électronique à Mayotte ? Celui que vous avez décrit, Madame la rapporteure, est assez catastrophique, si bien qu’avec cet article, nous allons priver les Mahorais de la possibilité de faire valoir des éléments factuels très importants. Le Gouvernement aurait donc tout intérêt à accepter cet amendement de suppression, quitte à réécrire l’article d’ici à l’examen du projet de loi en séance. Les deux moyens de procéder à l’enquête publique doivent être additionnés.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que l’article 8 remplace l’obligation d’enquête publique par une procédure de participation du public par voie électronique.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis plutôt favorable à cet article, même s’il pourrait être utile de le réécrire pour sécuriser sa rédaction.
Sur le fond, l’intérêt de proposer un dispositif de PPVE est discutable, dans la mesure où il n’y a pas d’enquêtes publiques à Mayotte, mais une simple mise à disposition des dossiers auprès du public. Je pense que nous pouvons faire confiance au préfet pour ne pas lancer d’enquête publique dans le contexte actuel. De plus, si se connecter à internet est d’ordinaire difficile, Mayotte étant un désert numérique, les choses sont encore plus compliquées en ce moment. Il me semble donc paradoxal de prévoir une PPVE dans ces conditions. La mise à disposition du public des dossiers serait plus sécurisante !
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Pour qu’il n’y ait pas d’incompréhension, je rappelle que la participation du public peut avoir lieu de deux manières à Mayotte : la première est l’enquête publique de droit commun, qui est un outil complet, mais lourd ; la seconde est la mise à la disposition du public du dossier sous format papier. Cette procédure spécifique à ce département est prévue à l’article L. 651-3 du code de l’environnement.
Le présent article 8 prévoit simplement une troisième procédure : la participation du public par voie électronique. Cette voie médiane permettrait, lorsque les conditions techniques seront réunies, une meilleure participation que la mise à disposition du dossier papier. Cette méthode ne serait qu’une possibilité, qui ne se substituerait pas aux procédures existantes : nous ne ferions qu’élargir notre palette d’outils.
Mon avis est donc défavorable sur cet amendement, même si je suis bien sûr ouvert à une amélioration de la rédaction de l’article en séance.
M. Hervé de Lépinau (RN). Pour pratiquer le droit de l’expropriation depuis trente ans, je vous garantis que l’article, tel qu’il est rédigé, générera du contentieux. Si ma collègue Bamana et moi-même réagissons ainsi, c’est que le dispositif n’est pas clair. Il faut que la PPVE s’additionne aux procédures déjà prévues par la loi.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je vous prie de retirer l’amendement et je m’engage à réécrire l’article par voie d’amendement gouvernemental en séance.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je ne comprends pas les derniers mots de l’article 8. J’entends que vous souhaitiez introduire une troisième procédure de participation, qui vaudrait enquête publique, mais pourquoi avoir ajouté les mots « et exempter le projet d’enquête publique » ? Suivant la réponse, je suis susceptible de retirer mon amendement CE210.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Vous soulevez une véritable question. Il me semble que nous pourrons rendre l’article plus clair.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il existe deux procédures et nous voulons en créer une troisième, qui serait facultative et se substituerait, le cas échéant, à l’enquête publique. Cela étant, je répète que je suis disposé à revoir la rédaction de l’article.
M. Hervé de Lépinau (RN). Je prends acte de cet engagement et retire l’amendement.
L’amendement CE15 est retiré.
Amendement CE31 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Nous souhaitons le maintien d’une enquête publique dans les cas prévus par le code de l’environnement, tout en réduisant les délais de cette procédure. La PPVE n’est pas un dispositif équivalent et, si nous comprenons la nécessité de faire plus vite et plus simple, un fonctionnement dégradé serait source de confusion et nuirait à la qualité des aménagements et des ouvrages.
En outre, qu’adviendrait-il de l’étude d’impact attachée à l’enquête publique, qui permet d’auditionner toutes les personnes concernées et de soulever de potentielles atteintes à l’environnement, voire des écocides ?
Enfin, l’article ignore le problème de la fracture numérique.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable. Réécrire de la sorte cet article serait contraire au texte, qui vise à accélérer et non à alourdir la procédure. J’espère que notre précédente discussion aura levé vos inquiétudes.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis. Votre amendement tend à renvoyer à un décret en Conseil d’État les modalités des enquêtes publiques relatives à Mayotte, ce qui complexifierait en effet la procédure. Le projet de loi vise à offrir plus de souplesse, afin de faciliter la reconstruction des ouvrages et des équipements. Il ne s’agit pas d’une procédure au rabais : nous l’avons utilisée pour la préparation des Jeux olympiques. Je suis prêt à consolider la rédaction de l’article mais je suis défavorable à cet amendement.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Nous le maintenons, même si nous entendons vos arguments et si nous essaierons de le revoir d’ici à l’examen en séance. Eu égard aux enjeux environnementaux très importants, nous sommes attachés au principe d’une enquête publique assortie d’une étude d’impact. Il nous semble difficile de se passer d’un tel travail.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis d’accord avec vous sur le fond et j’espère que nous trouverons en séance une rédaction qui vous satisfasse.
La commission adopte l’amendement CE31 et l’article 8 est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CE169, CE210 et CE145 tombent.
Article 9 : Possibilité de démarrer les travaux dès le dépôt, selon le cas, de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable
Amendements CE135 de Mme Aurélie Trouvé, CE215 de Mme Dominique Voynet et CE33 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CE135 vise à restreindre la liste des travaux pouvant être commencés avant l’obtention d’un permis, de manière à éviter que des entreprises engagent des frais importants pour des opérations de fondation ou de terrassement qui pourraient être ultérieurement refusées. En revanche, pour répondre à l’urgence de la reconstruction, nous proposons de permettre les reconstructions à l’identique, sans modification de surface, avant l’obtention d’un permis.
Mme Dominique Voynet (EcoS). J’estime, moi aussi, qu’il serait déraisonnable de pouvoir procéder à des travaux de terrassement ou de fondation avant l’obtention d’un permis car cela pourrait être un moyen de peser sur la décision d’octroi d’une autorisation et que les personnes ayant engagé les travaux subiraient de lourds surcoûts en cas de refus. En revanche, s’agissant des bâtiments suffisamment dégradés, nous sommes favorables à la possibilité de procéder à des démolitions sans attendre.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Mon amendement CE33 s’inscrit dans la même logique mais le CE135 a ma préférence.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable sur les trois amendements.
L’amendement CE135 est à la fois excessif – dans la mesure où il permettrait la construction d’un bâtiment avant l’obtention d’un permis –, et trop restrictif car toute modification de surface empêcherait le début des travaux.
Quant aux amendements CE215 et CE33, ils supprimeraient la possibilité de démarrer les travaux avant l’obtention d’un permis, ce qui ralentirait le lancement des projets de construction et irait donc à l’encontre de l’esprit du texte.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.
M. Hervé de Lépinau (RN). Quel est l’objet général de l’article ? S’agit-il de procéder rapidement à un nettoyage des zones dévastées avant leur reconstruction ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Gouvernement veut un équilibre entre la nécessité de démarrer rapidement les travaux et le contrôle des reconstructions. Le dispositif permet ainsi d’accélérer la reconstruction ou la réfection, en autorisant les demandeurs à démarrer les travaux préparatoires dès le dépôt de la demande, tout en s’assurant que les opérations les plus structurantes du point de vue de l’urbanisme ne puissent commencer qu’après la délivrance de l’autorisation.
Madame la rapporteure l’a indiqué : la reconstruction à l’identique, sans modification de surface, que ces amendements tendent à autoriser dès le dépôt de la demande, serait rendue inopérante par une interdiction des travaux de terrassement et de fondation, qui sont souvent un préalable indispensables. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement CE135.
En conséquence, les amendements CE215 et CE33 tombent.
La commission adopte l’article 9 ainsi modifié.
CHAPITRE IV – GARANTIR LA MAÎTRISE FONCIÈRE ET LA DISPONIBILITÉ DE MATÉRIAUX POUR LA RECONSTRUCTION
Article 10 : Adaptation provisoire des règles relatives à l’expropriation en vue de garantir la maîtrise foncière et la disponibilité des matériaux
Amendement de suppression CE41 de M. Aurélien Taché
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Il ne faut pas confondre la vitesse – qui est nécessaire s’agissant de la reconstruction – et la précipitation, qui pourrait aboutir à un résultat contraire à celui recherché. En effet, personne ne pourrait imaginer, dans aucun autre territoire de la République, qu’on puisse exproprier un bien sans certitude quant à l’identité du propriétaire foncier ni assurance concernant son indemnisation ! C’est pourtant le régime dérogatoire que prévoit cet article, au risque de créer des tensions, des conflits, voire une opposition à l’encontre de l’opérateur de l’État qui serait amené à prendre de telles décisions.
Vous ne nous entendrez pas souvent défendre la propriété privée, mais il nous semble qu’avant toute expropriation, s’assurer de l’identité du propriétaire et de sa juste indemnisation serait un minimum !
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Nous aurons tout entendu dans cette commission ! (Sourires.) Avis défavorable, car même si les pouvoirs conférés à l’État sont effectivement importants et même si je ne suis pas favorable à l’expropriation à tout prix, il est toujours possible d’améliorer l’article plutôt que de le supprimer.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Compte tenu de la situation foncière mahoraise, cet article nécessaire répond aux besoins d’adaptation strictement nécessaires à la reconstruction, tout en garantissant le droit de propriété constitutionnellement protégé. Il n’est pas question de priver les Mahorais d’indemnisation en cas d’expropriation ou de réquisition temporaire de leurs biens. Au contraire, il s’agit de garantir cette indemnisation, y compris dans le cas où le propriétaire n’est pas connu. Le Gouvernement prévoit ainsi le versement d’une indemnité après la régularisation des situations, grâce à la consignation des sommes dues. L’habilitation à légiférer par ordonnance se borne donc à permettre des adaptations procédurales, indispensables au déblocage des opérations d’aménagement pour la reconstruction. Enfin, il n’est pas envisagé de modifier les règles de fixation des indemnités, qui seront déterminées selon les conditions de droit commun et par le juge en cas de désaccord.
J’estime donc que les droits fondamentaux des propriétaires ne seront pas affectés. Avis défavorable sur cet amendement qui supprimerait un outil indispensable à la reconstruction dans les délais que nous nous fixons.
M. Hervé de Lépinau (RN). Vous en conviendrez, une déclaration d’utilité publique, qui est le support de l’expropriation, vise généralement des ouvrages d’intérêt collectif. L’article 10 concerne donc avant tout le réseau et les bâtiments publics. Cela étant, il faudrait selon moi « profiter » du drame lié au passage de Chido pour enfin appliquer les principes de la départementalisation, ce qui inclut l’instauration d’un cadastre. Nous avons envoyé les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) pour aider à mettre des bâches et à reconstituer des toitures ; nous pouvons envisager une autre coopération départementale, avec l’envoi d’agents du cadastre et de géomètres experts, pour entamer enfin ce chantier indispensable.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). J’entends vos précisions, Monsieur le ministre, mais elles ne figurent pas dans le texte. J’insiste : la poursuite des recherches de l’identité des propriétaires et la possibilité de l’indemnisation postérieure ne sont pas inscrites dans le projet de loi. À défaut d’adopter notre amendement de suppression, il faudrait inclure ces éléments dans l’habilitation à légiférer par ordonnance, afin de ne pas avoir de mauvaise surprise dans ce domaine. Je répète que de telles dispositions seraient inimaginables s’agissant d’un autre territoire.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je vous engage à rédiger un nouvel amendement en ce sens en vue de la séance. J’y serai certainement favorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il n’y a pas de problème pour préciser les choses en séance, mais je crois avoir présenté clairement l’intention du Gouvernement.
Monsieur de Lépinau, vous avez raison : même si c’est compliqué, c’est le bon moment pour créer un cadastre. Il faudra y consacrer des moyens et agir de concert avec les communes, car, si nous ne le faisons pas, nous connaîtrons à l’avenir les mêmes difficultés que celles que nous évoquons.
La commission rejette l’amendement CE41.
Amendement CE266 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Afin d’accélérer la reconstruction, je propose de réduire à trois mois le délai pour la présentation de l’ordonnance relative à la maîtrise foncière.
M. Manuel Valls, ministre d’État. J’entends votre point de vue mais un délai de trois mois serait insuffisant pour mener à bien les échanges et les travaux préparatoires à la rédaction d’une ordonnance robuste, pertinente, concertée et examinée en Conseil d’État. Mon avis est donc défavorable.
M. Davy Rimane (GDR). J’appelle l’attention sur ce qui peut se passer lorsque l’on donne ce genre de pouvoir à l’État. En Guyane, de nombreuses familles ont été expropriées lors de la construction du Centre spatial guyanais (CSG). Certaines avaient de grandes surfaces de terrain et se sont retrouvées dans des cages à poules, empilées dans des cités construites pour elles.
J’espère que les élus de Mayotte seront attentifs sur ce point. Pour des raisons d’utilité publique, des familles ont été expropriées de leurs terrains et se sont retrouvées sans rien du jour au lendemain. Dans nos territoires, l’État fait parfois, voire souvent, très mal les choses et met des familles en grande difficulté.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. C’est pourquoi l’amendement vise à limiter la durée de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.
La commission rejette l’amendement CE266.
Amendement CE204 de Mme Dominique Voynet et sous-amendement CE256 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’article 10 est assez sensible. Madame la rapporteure s’est dite défavorable à l’expropriation à n’importe quel prix. Monsieur le ministre a indiqué qu’il s’agit essentiellement de l’utiliser si le propriétaire n’est pas connu, mais il se trouve que l’article n’en dit rien.
L’amendement vise à exclure de l’expropriation les zones naturelles remarquables, les zones humides et les terres agricoles. Il vise aussi à faire en sorte que les terrains dont l’État et le conseil départemental sont propriétaires soient mis à contribution en priorité, s’agissant des deux plus gros propriétaires fonciers du département. Je conçois que des terrains d’une centaine de mètres carrés aux propriétaires multiples ou absents soient tentants lorsque l’on cherche du foncier mais il me semble que, s’agissant de projets d’intérêt général, c’est du côté des terrains de l’État et du département qu’il faut chercher des solutions en priorité.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le sous-amendement CE256 vise à clarifier la rédaction de l’amendement en en conservant l’essentiel. Les mots « en privilégiant les terrains dont l’État ou les collectivités territoriales sont propriétaires » sont inutiles : la puissance publique ne peut pas exproprier des terrains qu’elle possède déjà.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable. Les règles à Mayotte pour la déclaration d’utilité publique d’un projet en vue de la justification des besoins de réquisition resteront celles du droit commun. L’habilitation se borne à permettre certaines adaptations procédurales afin de traiter le cas des parcelles qui doivent être réquisitionnées ou expropriées et dont le propriétaire reste inconnu. Il faut débloquer ces situations pour reconstruire Mayotte.
M. Hervé de Lépinau (RN). S’il n’y a pas de cadastre à Mayotte, il y a des plans locaux d’urbanisme (PLU), donc du zonage. Les zones agricoles non constructibles ne changeront pas de statut comme par magie du seul fait de la procédure d’expropriation. L’amendement est donc superfétatoire. Le règlement d’urbanisme se suffit à lui-même. L’expropriation de terres agricoles suppose une modification du règlement d’urbanisme à l’issue d’enquêtes ad hoc.
La commission rejette successivement le sous-amendement CE256 et l’amendement CE204.
Amendement CE264 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement vise à améliorer la rédaction de l’article en encadrant sur le fond le champ de l’habilitation, qui gagnerait à être précisé. En introduisant une référence à l’article 5, il permet de se dispenser d’une énumération laborieuse et grammaticalement incomplète (car l’article est défini et non indéfini) et améliore la cohérence de l’ensemble.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le passage du cyclone a ravagé l’archipel et provoqué de nombreuses destructions. Nous devons reconstruire, mais aussi aménager et réaliser des constructions nouvelles pour améliorer le cadre de vie des habitants. L’établissement public envisagé à cet effet doit être un outil au service du développement de Mayotte, par-delà les travaux d’urgence. Il doit s’inscrire dans une vision de moyen terme.
L’article 10 du projet comporte bien une liste fermée des travaux concernés : « des ouvrages publics, des opérations d’aménagement, d’équipement, de démolition, de construction et de relogement, et des travaux nécessaires à l’extraction des matériaux de construction indispensables à la réalisation de ces opérations ». Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement CE264.
Amendement CE201 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je plaide pour le retrait de cette liste des travaux nécessaires à l’extraction des matériaux de construction indispensables à la réalisation de ces opérations.
Le fonctionnement des carrières dans l’archipel de Mayotte est tout sauf satisfaisant. Deux carrières en particulier, dont je tairai le nom, posent d’énormes problèmes de pollution, de dégradation des voies d’accès et d’incapacité majeure à discuter avec la société (du monde associatif aux riverains).
Il serait beaucoup plus raisonnable, plutôt qu’espérer l’ouverture d’une nouvelle carrière qui semble aléatoire faute d’études géologiques et de matériels d’extraction et d’acheminement des matériaux, de prévoir une arrivée massive de matériaux de construction via le port de Longoni – ce qui serait de surcroît bien plus efficace. Je plaide contre la déréglementation de fait du secteur minier, qui ne fonctionnera pas et ne sera pas acceptée par la société.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Demande de retrait ou avis défavorable. L’article 10 prévoit uniquement des adaptations procédurales en matière de droit à l’expropriation pour traiter les cas où le propriétaire du foncier n’est pas connu. Il n’a en aucun cas vocation à modifier la réglementation du secteur minier.
La commission rejette l’amendement CE201.
Amendement CE267 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement précise l’alinéa 2 en y inscrivant la date du 31 décembre 2025, retenue ailleurs dans le texte.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Cette proposition mérite d’être discutée d’ici l’examen du texte en séance publique. J’indique toutefois que son adoption rendrait caducs, dès le 31 décembre prochain, les outils de maîtrise foncière envisagés par le Gouvernement pour reconstruire Mayotte, nonobstant les difficultés foncières pérennes rencontrées. Nous savons d’ores et déjà que les opérations d’aménagement ordinaires sont difficiles à mener dans l’archipel en temps normal, en raison de sa situation financière. Nous savons également que les opérations de reconstruction se poursuivront après le 31 décembre 2025. Il me semble difficile de figer dès à présent dans le temps des outils qui doivent permettre de reconstruire, mais aussi de construire et d’aménager Mayotte.
Avec l’appui du général Facon et en concertation avec les collectivités locales, nous pourrons fixer, dans l’ordonnance prise en application du présent article, un délai ajusté et crédible. Je propose que nous y travaillions ensemble. En tout état de cause, la rédaction du projet de loi garantit que les mesures prévues seront provisoires. Il faut peut-être fixer un délai ; mais un an, c’est bien trop court.
La commission adopte l’amendement CE267.
Amendement CE268 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit de supprimer les mots « ou dérogations » à l’alinéa 3 : « adaptation » et « dérogation » sont des synonymes.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Ces deux mots divergent par leurs effets. Le premier modifie la norme, le second la rend inapplicable. Le présent amendement a pour objet de restreindre aux seules adaptations législatives le périmètre de l’habilitation de l’article 10, au détriment des dérogations éventuellement nécessaires. Je propose que nous nous en tenions à la formulation du projet de loi, qui est classique et n’a pas soulevé de difficultés devant le Conseil d’État. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Davy Rimane (GDR). Dans nos territoires, déroger à la loi sert à faire autrement si celle-ci a été rédigée sans tenir compte suffisamment de la réalité des territoires. Je voterai l’amendement.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’adaptation modifie la norme, la dérogation la rend inapplicable. Je ne suis pas sûr que nous parlions de la même chose.
La commission adopte l’amendement CE268.
Amendement CE269 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit de supprimer les mots « et d’indemnisation préalable », ajoutés par le Conseil d’État qui a estimé que les raisons constitutionnelles d’habilitation ne peuvent se limiter à la question de l’identification des propriétaires et doit inclure celle de leurs modalités d’indemnisation. Or, en intégrant l’indemnisation préalable des propriétaires au champ de l’habilitation, cette rédaction, conforme à l’avis du Conseil d’État, a au contraire pour effet de permettre au Gouvernement d’adapter les règles habituelles d’indemnisation ou d’y déroger dans un sens qui pourrait être défavorable aux propriétaires. L’amendement vise à garantir la conformité du texte à la Constitution et à protéger les intérêts des propriétaires mahorais, qui ont le droit d’être indemnisés dans les conditions du droit commun.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Gouvernement n’a aucunement l’intention de revenir sur les conditions de fixation des indemnités dues aux Mahorais dont les terrains seront expropriés ou réquisitionnés. Les indemnités resteront déterminées dans les conditions du droit commun et devront au surplus être versées préalablement à toute prise de possession. Il s’agit d’exigences constitutionnelles fondamentales et impératives.
La mention relative aux indemnités ne figurait pas dans le projet de loi initial du Gouvernement. Le Conseil d’État en a suggéré l’ajout compte tenu des objectifs que nous lui avons fait connaître. Il est en effet indispensable de prévoir une modalité de versement préalable des indemnités aux propriétaires expropriés, y compris si on ignore leur identité – ce cas de figure n’est pas envisagé par le droit en vigueur –, afin de ne pas bloquer indéfiniment tout projet d’envergure.
Dans la mesure où la piste du versement de ces indemnités par voie de consignation est envisagée, il a été préconisé d’ajouter les mots : « Adaptation ou dérogation aux règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique notamment en matière d’identification et d’indemnisation préalable des propriétaires des emprises devant faire l’objet d’une expropriation ». Il n’est donc pas question de priver les Mahorais d’indemnisation en cas d’expropriation ou de réquisition temporaire de leurs biens. Il s’agit au contraire de garantir leur droit à l’indemnisation, même si le propriétaire du bien n’est pas connu. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il me semble que nous parlons ici de droit et non d’intentions. Je maintiens l’amendement.
La commission adopte l’amendement CE269.
Elle adopte l’article 10 ainsi modifié.
Après l’article 10
Amendement CE16 de Mme Anchya Bamana (RN)
Mme Anchya Bamana (RN). Cette demande de rapport porte sur la situation du cadastre à Mayotte. La loi relative à la différenciation, la décentralisation et la déconcentration, dite loi « 3DS », a doté Mayotte de deux outils en matière d’aménagement et de foncier : l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam) et la commission d’urgence foncière (GIP-CUF). Ces bras armés de l’aménagement n’ont pas les moyens de régulariser les plus de 6 000 titres de propriété identifiés, faute notamment de résorption des indivisions.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable. À Mayotte, la question du cadastre est en souffrance depuis plus de quarante ans. Le passage du cyclone l’a rendue plus pressante encore, à tel point que l’on se demande comment la reconstruction sera sérieusement organisée sans cadastre. Sur ce point, le Gouvernement est resté muet, ce qui n’est pas sans susciter l’inquiétude.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il existe – cela démontre qu’il y a loin de l’analyse de la situation à l’application d’un plan cadastral à jour – de nombreux rapports abordant les questions foncières outre-mer et, plus particulièrement, à Mayotte. Le rapport demandé dans un délai de deux ans ne me semble pas nécessaire à l’objectivation d’un problème connu de chacun.
Nous savons déjà, pour y travailler depuis plusieurs années, que la mise à jour du cadastre et l’affirmation de la licéité ou de l’illégalité de telle ou telle occupation à l’échelle de l’archipel sont un travail d’envergure nécessaire. S’il n’a pas été fait, ce n’est pas uniquement par mauvaise volonté, mais en raison de réalités objectives. C’est un travail délicat et conséquent. Il ne faut pas faire croire que tout tient à la mauvaise volonté des uns et des autres. Il y a une réalité difficile ; il faut essayer de l’affronter. Il faudra bien plus que deux années pour trancher les cas litigieux qui subsistent et réunir les éléments nécessaires à l’établissement des titres. Les travaux de la GIP-CUF le confirment. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement CE16.
CHAPITRE V – ADAPTATIONS ET DÉROGATIONS TEMPORAIRES EN MATIÈRE DE COMMANDE PUBLIQUE
Article 11 : Dérogations à l’obligation de publicité et de mise en concurrence préalables pour la passation des marchés de travaux, de fournitures et de service soumis au code de la commande publique
Amendements CE44 de M. Jean-Hugues Ratenon et CE155 de M. Davy Rimane (discussion commune)
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). L’article 11 prévoit des exceptions aux règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation des marchés publics. Ces dérogations, qui visent à accélérer les procédures, introduisent une opacité susceptible d’entraver la confiance dans les institutions et d’augmenter les risques de favoritisme. Afin de concilier la rapidité nécessaire à la réalisation des travaux et les exigences de transparence et d’équité, l’amendement CE44 vise à réduire les délais d’attribution des marchés à sept jours, tout en maintenant les règles classiques de publicité et de mise en concurrence.
Il s’agit de garantir un traitement plus transparent pour les entreprises de Mayotte tout en accélérant la reconstruction. L’amendement préserve la transparence des marchés publics, offre une meilleure garantie contre les dérives potentielles et répond aux besoins spécifiques de Mayotte.
M. Davy Rimane (GDR). L’amendement CE155 vise, à l’alinéa 3, à substituer aux mots « sans publicité » les mots « selon les délais de publicité prévus en cas de situation d’urgence ». D’ores et déjà à Mayotte, le délai de publicité peut être ramené à quinze jours si une situation d’urgence dûment justifiée rend le délai minimal impossible à respecter. Aux yeux des élus du conseil départemental, l’éviction de la publicité semble dangereuse et susceptible de favoriser toutes les fraudes. À l’exemption d’une obligation de publication, il préfère une diminution de la durée de publication pour tenir compte de l’urgence.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE44 et CE155.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CE270 de Mme Estelle Youssouffa.
Amendement CE271 de Mme Estelle Youssouffa, amendement CE91 de M. Philippe Gosselin et sous-amendements CE241 du Gouvernement et CE304 de M. Frantz Gumbs, amendement CE17 de Mme Anchya Bamana (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement CE271 vise à garantir les conditions d’une pleine participation des acteurs économiques mahorais à la reconstruction. Cette préoccupation est partagée par la représentation nationale et par les élus, ainsi que par les acteurs économiques de Mayotte.
Il ne s’agit pas de remettre en cause, dans son principe, le pouvoir d’appréciation des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs mais de favoriser l’attribution des marchés publics aux PME et aux artisans dont le siège social était dans le département à la veille du cyclone.
D’une part, l’amendement consacre le droit de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que des établissements publics de l’île de réserver aux PME et aux artisans locaux une part préférentielle des marchés publics. Il prévoit l’établissement d’un plan de sous-traitance pour les soumissionnaires dépourvus de la qualité de PME ou d’artisan. D’autre part, il fait obligation aux lauréats de confier une partie de l’exécution à des PME et à des artisans locaux. Ainsi, ce dispositif transpose les dérogations au principe de la commande publique admis par le droit commun des marchés publics pour les temps plus ordinaires.
M. Philippe Gosselin (DR). Le secteur privé représente à peine un quart du produit intérieur brut (PIB) mahorais. Il faut soutenir l’économie locale en réservant une part significative du montant des marchés aux entreprises mahoraises. L’amendement CE91 prévoit que cette part pourrait concerner jusqu’à 50 % des montants – ce serait un maximum.
Bien sûr – et j’anticipe sur le sous-amendement du Gouvernement –, il sera vraisemblablement compliqué d’atteindre ce taux pour certains marchés, mais « qui peut le plus peut le moins » et ce soutien est nécessaire.
M. Manuel Valls, ministre d’État. La proportion de 50 % semble excessive, au regard des principes de la commande publique et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Celui-ci considère que si le législateur peut réserver l’attribution d’une partie de certains marchés à des catégories d’organismes précisément déterminés, « il ne saurait le faire que pour une part réduite, pour des prestations définies et dans la mesure strictement nécessaire à la satisfaction des objectifs d’intérêt général ainsi poursuivis ». Un seuil de 30 % apparaît plus adapté. C’est d’ailleurs celui retenu dans la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (Erom) de 2017, qui prévoyait une expérimentation permettant de réserver une part des marchés aux TPE – c’est bien notre objectif ici. Avis favorable à l'amendement CE91, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement.
M. Frantz Gumbs (Dem). L’île de Saint-Martin a, elle aussi, été dévastée par un cyclone majeur (Irma) en 2017. Les entreprises locales en ont tiré en matière de reconstruction – celle-ci n’est d’ailleurs pas terminée – une expertise qui doit pouvoir servir à Mayotte. C’est la raison de mon sous-amendement.
Mme Anchya Bamana (RN). Mon amendement vise à permettre aux entreprises mahoraises de participer à l’effort de reconstruction du territoire.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon amendement offre une synthèse des autres. Comme celui de notre collègue Gosselin tel que sous-amendé par le Gouvernement, il permettrait de garantir que 30 % des chantiers de reconstruction seront attribués à des entreprises mahoraises.
Quant au vôtre, Madame Bamana, si vous en améliorez sa rédaction, j’émettrai un avis favorable lors de l’examen en séance : en effet, en l’état, l’obligation qu’il prévoit ne vaudrait que pour les marchés publics passés sur le fondement de l’article 11 du projet.
Enfin, Monsieur Gumbs, notre objet est d’aider l’économie mahoraise. Le champ des bénéficiaires du dispositif doit donc rester circonscrit aux entreprises locales. Demande de retrait de votre sous-amendement.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame la rapporteure, je comprends tout à fait l’objectif de votre amendement. Toutefois, son premier alinéa n’est pas opérationnel, faute de préciser si la proportion mentionnée concerne le montant des marchés ou leur nombre. Par ailleurs, le 2 de l’article 11 du projet permettra déjà à l’acheteur de choisir librement l’attributaire. S’il le souhaite et si cela est possible, il peut donc réserver le marché à un opérateur mahorais.
De même, l’obligation de formalisation d’un plan de sous-traitance prévue au deuxième alinéa de votre amendement alourdirait la procédure, alors que celle-ci doit justement être simplifiée et accélérée en vue du rétablissement dans les meilleurs délais du fonctionnement des services publics.
Enfin, l’obligation prévue au troisième alinéa de votre amendement ferait peser une charge administrative supplémentaire tant sur les acheteurs que sur les opérateurs économiques.
L’amendement de Monsieur Gosselin, tel que je propose de le sous-amender, permettrait de satisfaire votre souhait, en autorisant les acheteurs à réserver 30 % du montant des marchés concernés aux entreprises domiciliées fiscalement à Mayotte ou y ayant leur siège social.
Monsieur Gumbs, je me fie à votre expérience ! Toute initiative visant à relever le défi de la reconstruction de Mayotte doit être saluée, surtout quand son auteur a été élu dans un territoire meurtri, il y a quelques années, par l'ouragan Irma et connaît donc l’importance de l’entraide dans l’effort de reconstruction.
Votre sous-amendement mentionne les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution. De fait, certains pourraient s’interroger sur l'absence de référence aux collectivités d’outre-mer dans le présent texte. Pour ma part, je suis convaincu qu’il faut faire confiance aux acteurs locaux de la commande publique pour garantir la cohérence de l’offre et de la demande. Toute entreprise qui se démarquera par son savoir-faire technique a vocation à contribuer à la reconstruction du territoire. Il reviendra bien évidemment aux acteurs de la commande publique d’en juger dans le cadre prévu par la loi. Le sous-amendement devrait être réécrit pour intégrer cet élément. À ce stade, j’émets donc un avis défavorable.
Madame Bamana, l’article prévoit qu’en raison des circonstances exceptionnelles, les marchés de travaux, fournitures et services d’une valeur inférieure à 100 000 euros hors taxe pourront être passés de gré à gré et que les marchés de travaux d’une valeur inférieure à deux millions d’euros hors taxe pourront être négociés sans publicité, à partir de quelques devis.
Vous demandez que les candidatures » à ces marchés comportent nécessairement des entreprises mahoraises. Or, le dispositif prévu vise justement à éviter le dépôt d’un dossier de candidature. Ainsi, les acheteurs mahorais pourront choisir librement leur cocontractant ; ils auront toute latitude pour retenir les entreprises mahoraises aptes à répondre aux besoins.
Enfin, votre projet d’imposer de contracter avec des entreprises mahoraises pourrait soulever des difficultés dans les cas où aucune entreprise locale ne serait en mesure de répondre aux besoins. C’est une chose de favoriser les entreprises mahoraises. C’en est une autre d’empêcher la satisfaction des besoins locaux, faute d’entreprises locales compétentes dans certains domaines ! Avis défavorable.
M. Frantz Gumbs (Dem). Il ne s’agit pas de faire concurrence aux entreprises mahoraises mais de permettre à Mayotte d’accéder à l’expertise propre aux entreprises domiciliées outre-mer.
Je comprends toutefois votre préoccupation et retire mon sous-amendement, que je réécrirai en vue de la séance.
Le sous-amendement CE304 est retiré.
M. Philippe Gosselin (DR). Il faut valoriser l’expertise acquise par les territoires antillais à la suite des catastrophes survenues ces dernières années. Pourquoi aller chercher ailleurs des compétences disponibles en France ? La démarche proposée par notre collègue Gumbs me semble constructive et enrichissante.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je vous rejoins !
La commission adopte l’amendement CE271.
En conséquence, les amendements CE91 et CE17 ainsi que le sous-amendement CE241 tombent.
Amendement CE109 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin (DR). Les élus locaux mahorais souhaitent que l’exemption de l’obligation de publicité des marchés publics soit compensée par une publication numérique à titre d’information du public » d’une durée de deux ans. Ainsi, nous pourrions prendre en compte l’urgence de la situation tout en garantissant la transparence des marchés publics.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le code de la commande publique prévoit déjà que les acheteurs, même quand ils sont dispensés des obligations de publicité, doivent permettre un accès « libre, direct et complet » aux données essentielles concernant la passation du marché, son contenu et son exécution. Cet accès est en principe possible sur le site du ministère de l’économie, ou, pour les marchés entre 25 000 et 40 000 euros, sur un support déterminé par l’acheteur. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.
M. Philippe Gosselin (DR). Je vous fais confiance, Monsieur le ministre d’État.
L’amendement CE109 est retiré.
La commission adopte l’article 11 ainsi modifié.
Article 12 : Dérogation au principe d’allotissement des marchés de travaux, de fournitures et de service soumis au code de la commande publique
Amendements de suppression CE46 de M. Jean-Hugues Ratenon, CE149 de M. Davy Rimane et CE216 de Mme Dominique Voynet
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Oui, il faut faire vite. Mais il faut aussi faire bien ! Nous demandons de supprimer l’article 12, qui prévoit une dérogation au principe d'allotissement obligatoire des marchés publics afin de simplifier et d’accélérer les procédures. En effet, alors que l’activité économique reprend difficilement son cours, une telle dérogation menacerait les TPE et PME de Mayotte en les privant d’un accès équitable aux marchés. Elle placerait Mayotte en position de dominé, notamment à travers la généralisation de la sous-traitance à bas coût.
En supprimant l’article, nous favoriserons la relance de l’économie locale et l’inclusion de chacun dans celle-ci. Nous réduirons également la concentration du marché entre les mains des grands groupes.
M. Davy Rimane (GDR). Les paysages économiques guyanais et mahorais se ressemblent. Il faut y maintenir l’obligation d’allotir, qui permet aux TPE locales d’accéder aux marchés publics les plus importants, dès lors qu'elles se sont constituées en groupement.
À défaut, les marchés sont monopolisés par de grandes structures qui sous-traitent à bas coût et empêchent ainsi un développement endogène du territoire.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Oui, évitons que les marchés publics bénéficient essentiellement aux entreprises à fort capital, qu’elles soient étrangères ou domiciliées en France hexagonale, et de porter atteinte au tissu économique local ! Il faut permettre la bonne répartition des marchés entre les acteurs, en incluant les entreprises locales.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable. Je défendrai par la suite un amendement pour répondre à vos préoccupations.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis de sagesse. J’y reviendrai si les amendements étaient rejetés.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je soutiens ces amendements. En l’absence de convention collective dans le secteur de la construction applicable à Mayotte, le marché risque d’être phagocyté par des groupes qui tirent vers le bas les conditions de travail. Avant Noël, une organisation syndicale présente à Mayotte nous a signalé qu’une grande entreprise y propose des contrats prévoyant quatorze heures de travail quotidien. La dérogation prévue à cet article fragiliserait dramatiquement les salariés.
La commission adopte les amendements CE46, CE149 et CE216.
En conséquence, l’article 12 est supprimé et les amendements CE272, CE212, CE273, CE110, CE274, CE170 et CE222 tombent.
Article 13 : Assouplissement des possibilités d’attribution d’une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement d’équipements et de bâtiments publics
Amendements CE275 de Mme Estelle Youssouffa et CE171 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon amendement vise à garantir la pleine participation des acteurs économiques de Mayotte à sa reconstruction, en consacrant la faculté d’attribuer une part préférentielle aux entreprises et aux artisans possédant leur siège social dans le département dans les marchés de conception-réalisation. Il prévoit l’établissement d’un plan de sous-traitance pour les soumissionnaires ne possédant pas la qualité de PME ou d’artisan – il répond ainsi aux préoccupations exprimées à l’instant.
Les soumissionnaires retenus seraient obligés de confier une partie de l’exécution d’une mission globale, le cas échéant, sous la forme de lots, à des entreprises, des PME et des artisans locaux, sauf impossibilité tenant à la structure du secteur économique concerné.
Nous transposerions ainsi dans ce texte les dérogations aux principes de la commande publique admis par le droit commun des marchés publics.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’article 13 a pour objet de faciliter et d’accélérer la reconstruction des équipements et bâtiments publics nécessaires au rétablissement des services publics, en assouplissant temporairement les conditions de recours aux marchés de conception ou de réalisation.
Vous demandez d’octroyer aux acheteurs la possibilité de contracter prioritairement avec des entreprises mahoraises pour une part pouvant aller jusqu’au tiers du montant prévu du marché. Or, les marchés globaux sont par nature complexes et difficilement exécutables par les entreprises visées. Leur en réserver une part pourrait remettre en cause l’objectif de rapidité et d’efficacité de la reconstruction.
Vous proposez également d’obliger les soumissionnaires à formaliser un plan de sous-traitance, en justifiant, le cas échéant, l’absence de sous-traitant et d’obliger les titulaires des missions globales qui ne sont ni des artisans ni des PME à confier à ces derniers au moins 30 % du montant prévisionnel du marché, sauf impossibilité tenant à la structure du secteur économique concerné. Or, le code de la commande publique oblige déjà les titulaires d’une mission globale qui ne sont ni des TPE ni des PME à faire exécuter une part des prestations par de telles entreprises, notamment par le biais de la sous-traitance. Cette part minimale a d’ailleurs été portée de 10 % à 20 % par un décret du 30 décembre 2024. Avis défavorable !
M. Dominique Potier (SOC). Nous proposons de fixer à 20 % la part que les titulaires des missions globales doivent faire exécuter par des artisans, des PME ou des entreprises de petite taille à caractère local. Ainsi, nous éviterons les effets négatifs que peut avoir la sous-traitance, tout en promouvant l’économie locale dans l’effort de reconstruction.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Pourquoi ne pas réécrire votre amendement en vue de l’examen en séance, en reprenant le taux de 30 % que nous venons d’adopter à l’article 11 ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur Potier, comme je viens de l’indiquer, votre amendement est satisfait par un décret du 30 décembre 2024 ! Je vous demande donc de le retirer.
M. Davy Rimane (GDR). Madame la rapporteure, contrairement à ce que vous annonciez, votre amendement ne garantit pas un accès équitable à la commande publique. Dans nos territoires, les entreprises n’ont pas les reins assez solides pour répondre aux plus gros marchés – sauf quand le marché est alloti et qu’elles se sont constituées en groupement.
Tant les acheteurs – le plus souvent, des opérateurs publics – que les attributaires des marchés, qui sous-traitent, suivent la logique du moins-disant. Ainsi, les prix sont si bas que les petites structures ne peuvent survivre.
Vous répétez les mêmes erreurs : le marché de sous-traitance que vous instaurez tue le tissu local de TPE. Pour la reconstruction de Mayotte et son développement endogène, il faut leur permettre de participer directement aux marchés.
M. Dominique Potier (SOC). Madame la rapporteure, le taux de 20 % que nous proposons constituerait un minimum. Il serait possible de réserver 30 % du montant prévu du marché global aux TPE et aux artisans.
Monsieur le ministre d’État, c’est vrai, la loi prévoit déjà un tel taux minimal. Mais il n’est pas inutile de le répéter dans ce texte. Nous envoyons ainsi un signal.
Mme Louise Morel (Dem). Nous souhaitons tous soutenir les acteurs locaux pour assurer la reconstruction de l’île. Pourtant, la situation est confuse. Madame la rapporteure, vous nous avez présenté l’amendement en discussion comme une garantie contre les risques présentés par les dispositions de l’article 12, que nous venons de supprimer. L’adoption de l’un des amendements en discussion conduirait-elle à les rétablir ?
Par ailleurs, vous proposez de réserver des parts de marché aux entreprises locales. Mais si celles-ci ont été affectées par le cyclone, comment garantir qu’elles pourront assumer cette activité ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. En l’état, l’article 11 ouvre simplement la faculté de réserver 30 % du montant prévisionnel du marché aux PME ou aux artisans. Nous prenons ainsi en compte la vulnérabilité du tissu économique.
Les acteurs locaux attendent un signal de la part de la puissance publique. En leur donnant la priorité, nous leur permettrons d’accroître leur trésorerie et de bénéficier d’un meilleur soutien bancaire.
Monsieur Rimane, l’amendement en discussion prévoit la formalisation d’un plan de sous-traitance précisant le montant et les modalités de participation des entreprises, donc leur rémunération.
Monsieur Potier, aux termes de l’amendement de votre groupe, les PME et les artisans bénéficiant de la part réservée d’un marché ne seraient pas forcément domiciliés localement. Vous ne proposez donc pas la préférence locale ! Vous pourriez améliorer l’amendement sur ce point en vue de l’examen en séance.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement CE271 à l’article 11, adopté de manière tout à fait légitime par la commission, n’a pas d’impact sur l’article 13. Je souligne au passage que l’amendement CE91 de M. Gosselin, sous-amendé par le Gouvernement, était beaucoup plus clair.
Je comprends les objectifs – notamment, celui de réserver 20 % des marchés aux PME, qui va dans le bon sens – mais cela me semble relever du décret que j’évoquais tout à l’heure. Mon rôle en tant que ministre est aussi d’essayer de simplifier et de clarifier. Nous pourrons reparler des difficultés en séance mais je préférerais que nous y voyions plus clair dès maintenant. Je m’en tiens donc aux positions déjà évoquées, en approuvant le propos de M. Potier.
La commission adopte l’amendement CE275.
En conséquence, l’amendement CE171 tombe.
Elle adopte l’article 13 ainsi modifié.
Après l’article 13
Amendements CE47 de Mme Nadège Abomangoli et CE42 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Compte tenu de la rédaction modifiée de l’article 13, nous retirons nos amendements, qui sont moins-disants.
Les amendements CE47 et CE42 sont retirés.
Amendement CE172 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement propose de limiter la sous-traitance au second rang pour les marchés passés en lots séparés et au troisième rang pour les marchés non allotis. En effet, si la sous‑traitance apparaît indispensable pour confier l’exécution de prestations très spécialisées ou pallier une surcharge d’activité, une cascade excessive, par la dilution des responsabilités qu’elle entraîne, peut avoir des conséquences dommageables, à la fois pour les clients et pour les entreprises elles‑mêmes.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Votre amendement est satisfait par ce que nous venons de voter. Demande de retrait.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.
M. Philippe Naillet (SOC). Je le maintiens, car c’est une demande des syndicats professionnels du bâtiment.
La commission adopte l’amendement CE172.
Amendement CE173 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Pour que la reconstruction de Mayotte se fasse de manière ordonnée et respectueuse des deniers publics, l’amendement vise à ce que les soumissionnaires fassent apparaître leurs taux de marge au sein de leurs offres afin d’éclairer les acheteurs publics et d’identifier des offres anormalement élevées ou basses. Cette mesure incitative pourrait avoir pour effet de modérer les velléités de certains opérateurs économiques.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Une telle disposition permettra d’éclairer le choix des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs. Elle confortera la transparence des procédures et l'exigence du bon usage des deniers publics. Elle est d’autant plus utile que, dans le contexte particulier des marchés ultramarins, la question des marges est très sensible politiquement et socialement. Avis favorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il ne me paraît pas souhaitable, au regard de la liberté des prix et du respect du jeu de la concurrence, de permettre à un acheteur d’écarter une offre au motif que la marge serait particulièrement élevée. Cette mesure me semble donc juridiquement fragile et exposerait la loi à une censure du Conseil constitutionnel. Avis défavorable !
La commission adopte l’amendement CE173.
Article 14 : Entrée en vigueur des dérogations aux principes de la commande publique établies par les articles 11 à 13 du projet de loi
La commission adopte l’article 14 non modifié.
Après l’article 14
Amendement CE43 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Cet amendement propose de réserver une part des marchés publics aux très petites entreprises locales, ce qui permettrait de soutenir un tissu économique fragilisé.
Il propose également d’encourager les entreprises non locales à embaucher des habitants de Mayotte afin de mobiliser les savoir-faire existants, très spécifiques à l’île, ses matériaux et ses terrains, et de renforcer ainsi les compétences de la population locale. Cette mesure est d'autant plus pertinente que le secteur de la construction est un vecteur important d'insertion professionnelle.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le champ de l’amendement est trop large, puisqu’il concerne tous les marchés publics, quels que soient leur montant et leur nature – travaux, fournitures et services. L’article 11 permet déjà aux acheteurs de contracter de gré à gré pour les marchés de travaux, fournitures et services en dessous de 100 000 euros. Il donne aussi aux acheteurs une souplesse dans le choix du contractant pour les marchés de travaux de moins de deux millions d’euros. Les acheteurs disposent donc de la souplesse requise pour choisir les entreprises mahoraises.
Enfin, votre amendement est déjà, au moins en partie, satisfait par les dispositions du code de la commande publique, qui prévoit la possibilité de réserver une part de 20 % de l'exécution des marchés globaux à des PME. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Cette priorité d’embauche concernerait les Mahorais et les étrangers en situation régulière, n’est-ce pas ?
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je suis favorable à l’amendement, mais je voudrais soulever la question des réseaux d’eau et d’assainissement, dont nous n’avons pas encore parlé.
J’avais déposé un amendement sur cette question mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Le Gouvernement serait fondé à déposer un amendement permettant de renforcer les moyens du syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte (Sieam), pour permettre de coordonner les travaux de reconstruction, de rénovation, de mise aux normes et de sécurisation du système. Ses moyens sont en effet insuffisants pour relever ce défi considérable.
La commission adopte l’amendement CE43.
Amendement CE140 de M. Frédéric Maillot
M. Davy Rimane (GDR). Cet amendement a pour objectif d’inciter les entreprises extérieures à Mayotte à collaborer avec les agents économiques locaux en intégrant un critère social spécifique dans leurs offres pour les marchés publics. Cette mesure contribuera à renforcer les relations économiques locales et à promouvoir la sous-traitance avec des entreprises mahoraises, participant ainsi au développement économique durable du territoire.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il introduit un facteur de complexité, alors que notre objectif premier est de faciliter et d’accélérer la reconstruction de l’île. Il instaure en outre une rupture d’égalité entre les entreprises établies à Mayotte et les autres. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement CE140.
CHAPITRE VI – FACILITER LES DONS À DESTINATION DE MAYOTTE
Article 15 : Subventionnement des associations apportant des secours d’urgence aux victimes du cyclone Chido – Concours financiers apportés à l’établissement public foncier de Mayotte
Amendements identiques CE232 du Gouvernement et CE278 de Mme Estelle Youssouffa
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement a pour objet de conforter la possibilité, pour l’ensemble des collectivités territoriales et leurs groupements, de participer au financement des actions d’urgence et de reconstruction de Mayotte au profit des associations ou de l’établissement public, au titre de la solidarité nationale, en levant toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétence et à la condition d’intérêt public local.
Il vise aussi à harmoniser les dispositions relatives à la durée du dispositif et à la nature des actions d’urgence et de reconstruction avec celles de l’article 16 relatif à la majoration exceptionnelle du taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués par les particuliers.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je saisis l’occasion de l’amendement CE278, identique, pour vous dire combien la solidarité nationale exprimée envers Mayotte nous a touchés. Mayotte a souvent le sentiment d’être abandonnée et de ne pas faire partie de l’inconscient collectif national. La couverture médiatique et l’immense élan de générosité, individuelle et collective, nous ont bouleversés.
Au fur et à mesure du rétablissement de l’électricité et des communications, nous avons peu à peu découvert ce qui se passait dans l’Hexagone, dans les outre-mer et à l’étranger, et cela nous a donné beaucoup de courage. Même les personnes les plus modestes sont allées faire des dons en argent ou en nature. La Fondation de France a récolté 23 millions d’euros. C’est exceptionnel et le compteur tourne encore ! De nombreuses collectivités locales, y compris parmi les communes les plus pauvres, ont prélevé un peu sur leur budget pour venir en aide aux collectivités locales mahoraises.
J’exprime donc un immense merci – on dit « marahaba » en mahorais –, devant la représentation nationale.
M. Pascal Lecamp (Dem). Je suis favorable à cet amendement. Il serait en effet dommage qu’un problème administratif de date empêche des collectivités qui le souhaitent de donner de l’argent ! Je pense notamment au syndicat des eaux de mon département de la Vienne, qui ne se réunit que quatre fois par an. On aurait aussi pu amender le texte pour retenir la date de la prochaine réunion de l'instance après la promulgation de la loi, mais la rédaction proposée est satisfaisante.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Si vous souhaitez déposer un amendement en ce sens lors de l’examen en séance, j’y serai favorable.
La commission adopte les amendements CE232 et CE278.
Amendements identiques CE238 du Gouvernement et CE68 de Mme Marie Lebec
M. Manuel Valls, ministre d’État. L'amendement propose d'ouvrir la possibilité aux collectivités territoriales de financer les fondations reconnues d'utilité publique dans leurs actions d'aide au territoire mahorais.
Mme Marie Lebec (EPR). Ce faisant, il vise à restreindre le versement de subventions par les collectivités territoriales aux seules associations reconnues d'utilité publique afin d'éviter d'éventuelles fraudes ou escroqueries, qui peuvent arriver dans ces moments de grande détresse. Le soutien à Mayotte est un très beau signal qui a été envoyé et il faut se préserver de ceux qui pourraient chercher à détourner les moyens de la reconstruction.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.
La commission adopte les amendements CE238 et CE68.
Amendement CE130 de M. Davy Rimane
M. Davy Rimane (GDR). Cet amendement vise à élargir le champ des associations qui pourront être bénéficiaires des subventions mentionnées par l’article 15 mais également celui des personnes qu’elles pourraient contribuer à soutenir, en y incluant le cercle familial proche des victimes décédées.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je vous demande de le retirer, car il contient des imprécisions qui risqueraient d’alourdir l’application de la loi en étendant de manière inconsidérée les conditions du concours apporté par les collectivités territoriales. Nous pourrons le retravailler.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.
M. Davy Rimane (GDR). Je ne retire pas l’amendement, qui me semble suffisamment précis puisque les membres de la famille proche pouvant bénéficier des aides sont énumérés.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Dans ce cas, avis défavorable ! Mais nous pourrons en reparler.
La commission rejette l’amendement CE130 .
Amendements CE67 de Mme Marie Lebec et CE237 du Gouvernement (discussion commune)
Mme Marie Lebec (EPR). Cet amendement propose d’élargir la portée de l’article 15 en ne le restreignant pas aux seuls secours d’urgence, afin de permettre aux collectivités territoriales de verser des subventions aux associations œuvrant à Mayotte pour la distribution alimentaire ou l’aide au logement.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement propose de compléter l’alinéa 1 afin de conforter la faculté donnée aux collectivités de financer les actions d’urgence et de reconstruction.
Avis favorable à l’amendement CE67.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon avis est réservé sur ces deux amendements car leur champ est très large. L’amendement suivant CE279 me semble plus précis.
La commission adopte l’amendement CE67.
En conséquence, l’amendement CE237 tombe.
Amendement CE279 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement propose d'étendre le champ des prestations associatives aux victimes du cyclone Chido pouvant être soutenues par les collectivités territoriales à titre exceptionnel. À cet effet, il complète la définition du secours d'urgence en y incluant la fourniture gratuite de repas et de soins aux victimes, ainsi que l’apport de solution de relogement, à l’exclusion des actions ayant pour objet ou résultat l'occupation irrégulière de logements d'habitation et la reconstitution d'un habitat informel.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement CE279.
Elle adopte l’article 15 ainsi modifié.
La réunion est suspendue de vingt-trois heures cinq à vingt-trois heures dix.
Article 16 : Défiscalisation des dons consentis aux associations et fondations reconnues d’utilité publique à titre de soutien à leur action
Amendement CE193 de Mme Louise Morel
Mme Louise Morel (Dem). Cet amendement, rédigé en lien avec France générosités, propose d'ouvrir le dispositif fiscal à l'ensemble des organismes d'intérêt général puisqu’à ce stade, seules les associations et fondations reconnues d’utilité publique y sont éligibles. Certaines associations d’intérêt général, comme Solidarités International, s’en trouveraient exclues alors qu’elles mènent des actions essentielles sur le terrain pour venir en aide aux personnes sinistrées.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE193.
Amendement CE18 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Cet amendement propose de supprimer la référence à l’aide à la reconstruction de logement. Les avantages fiscaux ne doivent en effet pas servir à aider les personnes en situation irrégulière à s'installer durablement dans le département.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon amendement CE276, que nous allons examiner juste après, satisfait le vôtre. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement CE18.
Amendement CE276 de Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit d’éviter que la réduction d'impôt sur les dons à laquelle donne droit l'article 16 permette de financer des actions ayant pour objet (ou résultat) de contribuer à l'occupation irrégulière de locaux d'habitation ou à la reconstitution de bidonvilles.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Favorable.
La commission adopte l’amendement CE276.
Amendement CE281 de Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement vise à augmenter de 1 000 à 3 000 euros le montant des dons et versements pouvant être défiscalisés, la perte de recettes correspondante étant compensée.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous avons tous souligné l’exceptionnel élan de solidarité populaire qui s’est traduit par l’afflux des dons. Je crains néanmoins que la dépense fiscale qu’entraînerait votre amendement ne crée un effet d’aubaine pour les ménages aisés : 3 000 euros, c’est une somme élevée ! Je suis défavorable à cet amendement dont je ne comprends pas le sens mais peut-être pourriez-vous mieux m’expliquer son objectif.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le but est simple : encourager la générosité en augmentant le montant maximal des dons pouvant donner lieu à réduction d’impôt.
La commission rejette l’amendement CE281.
Puis elle adopte l’article 16 ainsi modifié.
Après l’article 16
Amendement CE76 de M. Julien Dive
M. Philippe Gosselin (DR). Cet amendement vise, comme les précédents, à amplifier la solidarité en faveur de Mayotte. Il concerne les dons non plus des particuliers mais des entreprises. Pour les versements effectués entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025, il augmente temporairement les taux de réduction d’impôt à 75 % pour la fraction des dons inférieure ou égale à deux millions d’euros et à 55 % au-delà.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il me semble très utile de favoriser ainsi les dons des entreprises. Toutefois, il conviendrait de circonscrire le champ des actions des associations auxquelles iraient les versements, car la rédaction actuelle, pour ce qui est du logement, pourrait avoir pour effet de pérenniser des situations d’occupation illégale de terrains. Je vous propose donc de retirer l’amendement pour le modifier en vue de la séance.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le champ du dispositif actuel couvre une large partie des besoins de première nécessité des victimes mahoraises. Le régime fiscal du mécénat est équilibré : il permet de soutenir les démarches des mécènes en mettant l’accent sur l’aide aux personnes en difficulté, tout en tenant compte des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. J’ajoute que l’amendement me semble de nature à diminuer l’intensité de l’avantage fiscal pour la fraction des dons supérieurs à deux millions d’euros.
Je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Philippe Gosselin (DR). Comme je n’en suis pas l’auteur, je ne peux le retirer.
La commission rejette l’amendement CE76.
CHAPITRE VII – MESURES EN FAVEUR DE LA POPULATION À MAYOTTE
Article 17 : Suspension des délais de recouvrement fiscal forcé
Amendements CE282 de Mme Estelle Youssouffa et CE234 du Gouvernement (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement CE282 met fin à l’effet rétroactif des mesures de l’article 17 qui, contrairement à ce que laisse entendre l’exposé des motifs, n’est pas favorable aux contribuables mahorais. Cet article suspend non pas le recouvrement fiscal forcé en lui-même, mais les délais qui lui sont applicables. En effet, il ne suspend pas les procédures ; mais permet au contraire à l’administration fiscale de les poursuivre au-delà du 31 décembre 2025, y compris quand les délais légaux sont échus.
De plus, il porte uniquement sur les créances dont sont redevables les contribuables à l’égard de l’administration. Les sommes que celle-ci leur doit sont exclues de son champ. Selon les estimations de l’étude d’impact, cette mesure coûterait 2,8 millions d’euros aux entreprises et 500 000 euros aux particuliers, ce qui montre bien qu’elle est défavorable aux administrés.
Le caractère rétroactif de la mesure pourrait être contraire aux exigences constitutionnelles de sécurité juridique, notamment en matière fiscale et pénale.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement CE234 étend la suspension allant jusqu’au 31 mars 2025 aux délais ayant commencé à courir à compter du 14 décembre 2024. En outre, il prévoit que la prolongation de cette suspension jusqu’au 31 décembre 2025 pourra aussi s’appliquer aux délais ayant commencé à courir après le 31 mars 2025.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Alors que nous abordons un nouveau chapitre du projet de loi qui concerne les droits des assurés sociaux mahorais, je repose la question que j’avais soulevée au début de nos débats et à laquelle vous aviez dit vouloir répondre ultérieurement, Monsieur le ministre : envisagez-vous de suspendre l’application à Mayotte de la réforme de l’assurance chômage et de la réforme du revenu de solidarité active (RSA), qui conditionne son versement à l’obligation d’effectuer quinze heures d’activité par semaine ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Nous sommes opposés à l’amendement du Gouvernement qui, en prolongeant les délais applicables au recouvrement forcé, remet en cause les délais de prescription et donc la sécurité juridique des contribuables. Par cet effet rétroactif, il aggrave le risque de non-conformité avec la Constitution de cet article, défavorable aux Mahorais.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous n’avons pas la même position en effet. Dans son amendement, Madame la rapporteure propose de suspendre les délais à compter du 14 décembre 2024 et jusqu’au 31 décembre 2025, uniquement si ces délais sont en cours au moment de la date de l’entrée en vigueur de la loi. Son adoption conduirait à ne pas inclure dans le dispositif les délais ayant commencé à courir avant le 14 décembre 2024 ou commençant à courir à partir de cette date et expirés avant la date d’entrée en vigueur de la loi.
Prenons l’exemple d’un délai qui arriverait à échéance le 14 janvier 2025 : si l’amendement de la rapporteure était adopté, il n’y aurait pas de suspension possible, alors que selon la rédaction de l’article 17 que nous proposons, le contribuable aurait jusqu'au 31 mars 2025 pour faire valoir une éventuelle contestation auprès de l’administration.
Voilà pourquoi je suis défavorable à l'amendement de la rapporteure.
S’agissant de la réforme du RSA, Madame Thomin, une ordonnance de juin 2024 reporte de trois ans l’application du contrat d’engagement. Quant à la réforme de l’assurance chômage, les partenaires sociaux se mettront d’accord sur une convention prenant en compte la situation à Mayotte. Je vous propose d’apporter en séance davantage de précisions sur l’ensemble de ces questions.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Monsieur le ministre, vous déformez l’amendement que je présente. Il s’agit pour nous de mettre fin à l’effet rétroactif de l’article 17, que votre amendement ne fait que prolonger. Nous entendons protéger les contribuables mahorais et éviter de donner des pouvoirs exorbitants à l’administration fiscale, dont l’intention est bien – je n’ai pas de doutes à ce sujet – de mettre en recouvrement un maximum de créances.
La commission rejette l’amendement CE282 puis adopte l’amendement CE234.
L’amendement CE22 de Mme Anchya Bamana est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE252 de Mme Estelle Youssouffa.
Amendement CE283 de Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le diable se cache dans les détails, vous le savez, et le changement de termes proposé par la rapporteure n’est pas purement rédactionnel. Il s’agit en effet de substituer aux mots « des redevables » les mots « de ces créances », ce qui contribue à rendre la deuxième phrase de l’article 17 impropre, puisque serait prise en considération la situation économique et financière des créances et non plus celle des redevables, ce qui n’a pas le même sens sur le plan juridique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. C’est une simple question de français : on peut suspendre des créances, mais pas des redevables – à moins qu’il ne s’agisse de suspendre des personnes dans le vide ?
La commission rejette l’amendement CE283.
Puis elle adopte l’article 17 ainsi modifié.
Après l’article 17
Amendement CE90 de M. Julien Dive
M. Julien Dive (DR). Cet amendement vise à soulager la trésorerie des entreprises de Mayotte en leur accordant un délai supplémentaire pour s'acquitter de leurs obligations fiscales, sans pénalités. Cette mesure leur permettra de se concentrer sur la reprise de leur activité et la reconstruction plutôt que sur des échéances fiscales immédiates.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE90.
Article 18 : Suspension du paiement des prélèvements sociaux
Amendement CE176 de M. Philippe Naillet
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à rendre automatique la suspension du paiement des cotisations et contributions sociales pour les entreprises et travailleurs indépendants mahorais. La rédaction actuelle, en recourant aux termes « de droit », laisse penser que la suspension exige une démarche de leur part.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Demande de retrait.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je souhaite rassurer les auteurs de l’amendement : aucune démarche ne sera demandée aux cotisants mahorais qui bénéficieront de la suspension de façon automatique. Le Gouvernement souhaite maintenir les termes « de droit » qui garantissent à la suspension un caractère inconditionnel. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L’amendement CE176 est retiré.
Amendement CE305 de Mme Estelle Youssouffa et sous-amendement CE306 du Gouvernement, amendement CE175 de M. Philippe Naillet, amendements identiques CE177 de M. Philippe Naillet et CE223 de Mme Anchya Bamana (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement CE305, qui reprend une proposition de notre collègue Sophie Errante, étend le délai de suspension des cotisations sociales au 31 décembre 2025, sans qu'il soit besoin de recourir à un décret. La voie réglementaire serait seulement utilisée pour le prolonger d'une année supplémentaire, jusqu'au 31 décembre 2026.
Par ailleurs, il prévoit qu’à l'issue de la période de suspension des paiements, un plan d'apurement sera conclu entre l'employeur et l'organisme de recouvrement des cotisations sociales afin d'échelonner le remboursement des créances sociales. L'annulation ne serait pas un « cadeau » : elle serait partielle et conditionnée à l’obligation de présenter un tel plan.
M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement CE175, rédigé en lien avec la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom), vise à mettre en œuvre à Mayotte le même dispositif d’accompagnement exceptionnel des entreprises que celui dont ont pu bénéficier Saint-Martin et Saint-Barthélemy après le passage de l’ouragan Irma.
Concrètement, il étend la suspension de l’obligation de paiement des cotisations et contributions sociales jusqu’au 31 décembre 2025 et prévoit, par décret, une prolongation jusqu’au 31 décembre 2026 si la situation économique et financière des cotisants le justifie. En outre, il ouvre la possibilité aux cotisants de conclure des plans d’apurement des dettes sociales d’une durée de soixante mois et d’abandonner partiellement les créances de cotisations et contributions sociales patronales dues au titre des rémunérations versées pendant la période comprise entre le 14 décembre 2024 et le 31 décembre 2025, sous certaines conditions et dans la limite de 50 % des sommes dues.
Quant à l’amendement CE177, il vise à décaler du 31 mars 2025 au 30 juin 2025 la date de la fin de la suspension du paiement des cotisations et contributions sociales pour les entreprises et travailleurs indépendants mahorais.
L’amendement CE223 est retiré.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis favorable à l’amendement de la rapporteure, mais le sous-amendement CE306 vise à en améliorer la rédaction en supprimant ses alinéas 5 à 8. Prévoir une période de suspension d’un an paraît cohérent, compte tenu de l’ampleur du cyclone et de la date que vous avez retenue pour l’entrée en vigueur des plans d’apurement, soit le 1er janvier 2026. Si une prolongation devait être décidée, elle le serait dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si nous n’adoptons pas ce sous-amendement, outre le coût de 250 millions d’euros qui pèserait sur nos finances publiques, le caractère progressif de la convergence sociale, enjeu majeur de la loi-programme, serait remis en cause.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis un peu surprise que vous considériez que le fait de recourir ou non à un décret pour prolonger la période de suspension est de nature à remettre en cause l’alignement des prestations sociales à Mayotte. J’aimerais avoir davantage d’explications sur ce point.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’exonération totale des charges patronales et salariales remettrait en cause la trajectoire de convergence sociale, qui consiste à augmenter conjointement et progressivement le smic, le taux de cotisation et le montant des prestations en vue d’aligner le système de protection sociale de Mayotte (santé, famille, retraite et emploi) sur celui en vigueur au niveau national. Une évolution progressive a été engagée à partir de la départementalisation, en 2012, même si l’objectif est encore loin d’être atteint. Ce processus devait prendre une génération et s’achever d’ici à 2036. Le sous-amendement du Gouvernement vise à éviter que votre amendement, Madame la rapporteure, nous éloigne de l’objectif fixé ou rende la marche plus haute lorsque le dispositif proposé prendra fin, à rebours de la progressivité recherchée dans la trajectoire de convergence.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cela fait des années que Mayotte demande la convergence sociale mais que les gouvernements successifs n’avancent pas. Les élus mahorais ont réclamé à plusieurs reprises des conférences sociales pour lesquelles les gouvernements précédents, y compris celui que vous avez dirigé, n’ont jamais fixé de date. Il n’y a pas l’ombre du début d’un calendrier prévu ! Or vous invoquez subitement cet objectif, qui n’existe pas, pour atténuer les mesures à prendre après le passage du cyclone Chido. Votre argument me paraît donc complètement fallacieux. J’aurais pu entendre, à la limite, que vous invoquiez l’instauration d’une zone franche globale, prévue par le plan « Mayotte debout », mais nous ne connaissons même pas le détail de cette mesure. Je vous invite donc à clarifier vos propos. Ce serait une information – et même une bonne nouvelle pour Mayotte ! – – qu’un calendrier ait enfin été fixé en matière de convergence sociale !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Ne nous fâchons pas ; tâchons plutôt de trouver un terrain d’entente. J’ai reconnu hier que nous avions pris beaucoup de retard, y compris pour la convergence à Mayotte, mais j’ai aussi indiqué tout à l’heure que c’est dans la loi-programme, la loi « Mayotte debout », que nous devrions intégrer ces éléments. Je retire mon sous-amendement, mais j’appelle votre attention sur les conséquences financières qu’emportera l’adoption de votre amendement. Pour le reste, je suis tout à fait d’accord avec vous, tant sur l’objectif de convergence que sur la nécessité de faire figurer ces mesures dans la loi-programme.
La commission adopte l’amendement CE305, le sous-amendement CE306 et l’amendement CE223 ayant été retirés.
En conséquence, les amendements CE175 et CE177 tombent.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE285 et CE286 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Elle adopte l’article 18 ainsi modifié.
Après l’article 18
Amendement CE179 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Nous proposons d’exonérer les acteurs économiques mahorais, entreprises et travailleurs indépendants, du paiement de toutes cotisations et contributions sociales dues au titre du mois de décembre 2024. Si l’article 18 prévoit la suspension du paiement de ces cotisations et contributions, il est nécessaire d’activer des mécanismes d’aide d’urgence plus puissants.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement CE179.
Article 19 : Intervention du Conseil de protection sociale des travailleurs indépendants à Mayotte
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE287 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Elle adopte l’article 19 ainsi modifié.
Article 20 : Prolongation des droits pour les demandeurs d’emploi et bénéficiaires des allocations de chômage
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE291 rectifié et CE290 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CE293 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il convient de préciser que l’alinéa 3 ne concerne que les personnes privées d’emploi entre le 1er décembre 2024 et le 31 décembre 2025. La rédaction actuelle permettrait aux personnes perdant leur emploi après le 31 décembre 2025 de bénéficier de cette mesure sans pour autant avoir été touchées par le cyclone.
La commission adopte l’amendement CE293.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CE294 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CE181 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Bien que vous ayez indiqué, Monsieur le ministre, que vous apporteriez des réponses lors du débat en séance, nous souhaitons mettre en avant la nécessité de suspendre les deux réformes de l’assurance chômage à Mayotte.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 20 ainsi modifié.
Article 21 : Prolongation des droits à prestations versées par la caisse de sécurité sociale de Mayotte
Amendement CE277 du Gouvernement
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il s’agit d’étendre à l’ensemble des assurés sociaux résidant à Mayotte et à leurs ayants droit le bénéfice de la prolongation des droits sociaux, des prestations de sécurité sociale ainsi que des remboursements et prises en charge des frais de santé prévue à l’article 21.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE277.
Amendement CE265 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement introduit une clause antifraude à l’alinéa 1, qui prolonge automatiquement les droits sociaux à partir du 14 décembre 2024. À défaut de pouvoir contrôler les documents justificatifs des bénéficiaires après cette date, il convient au moins de s’assurer que les personnes bénéficiaient légitimement de ces prestations avant le passage du cyclone. Ainsi, les fraudeurs et les personnes n’ayant pas fourni toutes les pièces avant le 14 décembre 2024 seront exclus de la prolongation automatique des droits.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je défendrai dans quelques instants l’amendement CE239, qui vise à lutter contre la fraude. Il complétera l’article 21 en précisant que les prestations acquises frauduleusement feront l’objet d’indus. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer.
L’amendement CE265 est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE295 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CE292 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’alinéa 2 prévoit la possibilité d’ouvrir de nouveaux droits aux prestations sociales sans aucune pièce justificative. L’étude d’impact souligne l’impossibilité de fournir certaines pièces telles que les certificats médicaux et justificatifs de revenus ou de situation familiale ; elle ne dit rien, en revanche, des documents permettant de justifier de la nationalité ou de la régularité du séjour sur le territoire. Au vu de la situation sur l’île et de la propension de certains individus à la fraude, le risque que de nombreuses personnes étrangères présentes illégalement sur le territoire bénéficient indûment de prestations sociales est majeur. Nous proposons donc d’exclure de la dérogation les documents nécessaires pour établir l’identité, la nationalité et, à défaut, l’ancienneté du séjour des demandeurs.
La commission adopte l’amendement CE295.
Amendement CE289 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit également d’un amendement antifraude.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Encore une fois, je défendrai tout à l’heure un amendement plus large, qui précisera notamment le régime de recouvrement des créances frauduleuses antérieures au passage du cyclone. Demande de retrait.
L’amendement CE289 est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE288 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CE239 du Gouvernement
M. Manuel Valls, ministre d’État. À la différence d’autres prestations, les critères permettant de bénéficier d’aides personnelles au logement (APL) sont liés non seulement aux personnes, mais aussi aux logements. Or les dégâts causés par le cyclone Chido peuvent conduire à ce que certains critères ne soient temporairement plus remplis. Ainsi, le fait que des personnes hébergent leurs proches sinistrés le temps que les logements de ces derniers soient réparés peut entraîner un dépassement de la surface minimale réglementaire par personne et donc une perte du bénéfice de l’APL. Pour permettre le déploiement de telles solidarités et assurer la continuité du versement des APL aux personnes qui en bénéficient légitimement, il convient que la caisse puisse, à titre exceptionnel, passer outre la justification obligatoire du respect de certaines règles.
L’amendement du Gouvernement prévoit ainsi deux possibilités de dérogation exceptionnelle aux règles relatives à l’obligation de décence des logements, d’une part, et au peuplement des logements, d’autre part. Dans le même objectif, il est proposé d’étendre le bénéfice des APL aux logements sous-loués à des tiers autres que les personnes âgées, handicapées adultes ou de moins de trente ans. Le dispositif prévoit évidemment un contrôle des fraudes.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Votre amendement dispose que l’attribution ou le maintien des droits « n’est pas subordonnée à l’interdiction de location » du logement. Ne s’agit-il pas là d’un contresens, d’une erreur d’écriture ? Peut-être conviendrait-il de revoir la rédaction de cet amendement d’ici à la séance. Avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il est pourtant bien précisé que « les dispositions du présent article sont applicables sans préjudice de l’exercice par les organismes de leurs prérogatives en matière de contrôle et de lutte contre les fraudes, ainsi que de poursuite du recouvrement des indus portant sur des prestations obtenues frauduleusement ». Mieux vaut adopter cet amendement dès à présent ; rien ne nous empêchera de le préciser ou de le réécrire par la suite, si vous avez un doute ou une interrogation parfaitement légitime.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je réitère ma position : à défaut d’un retrait, mon avis sera défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le retrait ou le rejet de cet amendement nous priverait de dispositif antifraude.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Vous pourrez l’introduire en séance !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je préférerais que l’amendement soit adopté dès à présent et que le texte arrive en séance avec ce dispositif, dont nous avons besoin. Il faut avancer !
La commission adopte l’amendement CE239.
Elle adopte l’article 21 ainsi modifié.
Article 22 : Augmentation provisoire des niveaux de prise en charge de l’activité partielle à Mayotte
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE284 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CE280 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit de lever une ambiguïté. Le dispositif prévu pour l’activité partielle ne doit pas s’appliquer après le 31 décembre 2025.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 22 ainsi modifié.
Après l’article 22
Amendement CE164 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à prolonger jusqu’au 31 mars 2025 les demandes de logement social arrivant à échéance à compter du 14 décembre 2024 et non renouvelées.
La commission adopte l’amendement CE164.
Amendement CE115 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement vise un double objectif : restaurer un minimum de souveraineté alimentaire à Mayotte après le passage du cyclone, et rétablir l’activité économique stratégique qu’est l’agriculture. Il convient de dresser un diagnostic des dégradations subies, d’en évaluer l’impact économique pour les structures agricoles et d’orienter les premières mesures de solidarité dans le but de restaurer rapidement le bon fonctionnement de l’agriculture mahoraise, déjà fragilisée par la pression foncière avant même le passage du cyclone. En d’autres termes, il s’agit de renforcer au maximum l’autonomie alimentaire de Mayotte et de rendre l’île aussi peu dépendante que possible des importations. Au-delà de l’aide de mille euros par structure proposée par le Gouvernement, les activités agricoles doivent aussi être soutenues par des mesures de sécurisation foncière.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je partage vos préoccupations, mais crains que le délai de trois mois pour remettre le rapport soit trop court. Peut-être devriez-vous retirer votre amendement et le redéposer en prévoyant un délai de six mois.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Sagesse.
M. Benoît Biteau (EcoS). Il faut aller vite. Je maintiens mon amendement.
La commission rejette l’amendement CE115.
Amendement CE20 de Mme Anchya Bamana et sous-amendement CE297 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Anchya Bamana (RN). Les rapports thématiques que la Cour des comptes a consacrés à Mayotte en 2016 et 2022 indiquent que les plans élaborés ne font pas nécessairement l’objet d’un suivi dans le temps. Aussi me paraît-il nécessaire que le Gouvernement nous remette chaque année un rapport faisant état de l’avancement du chantier de reconstruction du territoire mahorais.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement CE297 visant à limiter à dix ans cette obligation de remise d’un rapport annuel.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Sagesse.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Madame la rapporteure, pourriez-vous rectifier les propos que vous avez tenus hier à l’encontre de la chambre d’agriculture de Mayotte ? Elle n’est pas concernée par les accusations de corruption que vous lui avez attribuées par erreur.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Vous avez tout à fait raison : c’est la chambre des métiers et de l’artisanat que je visais en réalité. Les abréviations étant voisines, je me suis trompée et je vous prie de me pardonner cette erreur. Je ne veux surtout pas diffamer la chambre d’agriculture. Je maintiens toutefois ma recommandation de ne pas prolonger de deux ans le mandat de ses membres : des élections doivent être organisées d’ici à trois mois. Le respect de cette échéance me paraît important compte tenu des enjeux évoqués, s’agissant notamment de la protection de l’environnement et de la replantation.
J’aimerais corriger une autre erreur factuelle : la prime versée aux enseignants a concerné des titulaires comme des contractuels. En revanche, elle a été réservée aux agents dont l’indice est inférieur à 448, ce qui a été perçu comme très injuste sur le terrain. Errare humanum est.
M. Manuel Valls, ministre d’État. J’ai demandé que l’État soit attentif aux conditions de versement des primes aux agents originaires de l’Hexagone, pour ne désavantager ni certaines catégories de fonctionnaires ni les contractuels. Je suis tout à fait conscient de ce problème : les administrations du ministère de l’intérieur, de la santé et de l’éducation nationale, par exemple, fonctionnent en silo, alors qu’elles devraient harmoniser leurs pratiques. Du reste, les contractuels, notamment mahorais, peuvent toucher des aides directes dont le montant, de l’ordre de 300 euros pour une famille avec des enfants, n’a rien à voir avec celui de la prime, qui peut s’élever à 2 000 ou 3 000 euros. Il y a là une injustice, surtout après la catastrophe que l’île vient de connaître. Je m’engage à travailler sur ce sujet, qui n’est certes pas facile, en vue d’améliorer le fonctionnement de l’État sur ce territoire.
La commission adopte successivement le sous-amendement CE297 et l’amendement CE20 sous-amendé.
Amendement CE111 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin (DR). Le Gouvernement a annoncé un soutien financier à la reconstruction de Mayotte, mais nous ne voyons rien de concret pour le moment – et pour cause : le budget pour 2025 n’a pas encore été adopté. Aussi demandons-nous un rapport sur les modalités de ce soutien financier aux collectivités, entreprises et particuliers permettant de couvrir l’ensemble des champs économiques et sociaux du territoire.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE111.
Amendement CE198 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il sera utile de dresser, à un moment ou un autre – idéalement, dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la loi, ce qui nous laisse plusieurs semaines –, un bilan lucide et complet de la catastrophe survenue dans la nuit du 13 au 14 décembre et de ses suites. Combien de personnes sont-elles décédées, ont-elles disparu, été blessées ou amputées à cause du cyclone Chido ? Cela évitera toute polémique et permettra d’aller au-delà des réponses assez dilatoires apportées par le ministre de l’intérieur aux sénateurs de Mayotte qui l’ont interpellé à ce sujet.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis également favorable à cet amendement : nous avons besoin de clarté et de vérité, à rebours des propos inacceptables que j’ai entendus cet après-midi.
Je n’étais pas à Mayotte au lendemain du cyclone, mais le ministre de l’intérieur y était avec mon prédécesseur. De nombreux chiffres ont été avancés, y compris par le représentant de l’État et par des élus. Certains ont été jusqu’à évoquer cinquante mille morts. Par rapport au nombre de victimes constatées, il y a un écart qui peut susciter de multiples fantasmes, comme on l’a d’ailleurs vu sur les réseaux sociaux. Pour être allé sur des lieux de catastrophe ou de guerre, je sais ce qui arrive lorsque des dizaines, des centaines, voire des milliers de morts s’entassent dans la chaleur et la pluie – je n’entrerai pas dans les détails. J’appelle donc chacun à la prudence, par respect pour les victimes et pour la vérité.
Il n’empêche que nous devons faire ce travail. C’est pourquoi nous avons missionné une sous-préfète pour dresser un bilan en s’appuyant sur un maximum de sources, peut-être imparfaites, d’informations sur le terrain – mairies, cadis, missions et associations, gendarmes et policiers. Plusieurs signalements ont été transmis aux autorités, qui se sont déplacées pour vérifier les choses sur place. Lorsque j’étais à Mayotte, il y a à peine quinze jours, un maire – et non des moindres – a fait état d’une rumeur selon laquelle un charnier de quatre-vingts personnes aurait été découvert ; ce n’était pas le cas. Les chiffres précis avancés par les uns et les autres pourront évoluer : nous verrons notamment quelle sera la situation au moment de la rentrée scolaire. Quoi qu’il en soit, le travail que vous proposez est nécessaire, faute de quoi nous verrons se multiplier les fantasmes.
Les victimes s’avéreront peut-être plus nombreuses que celles comptabilisées jusqu’à présent, mais je tiens à dire très clairement que nous n’avons rien à cacher. Quel intérêt y aurions-nous ? Je ne permettrai pas que l’on mette en cause l’action du préfet, ni les déclarations du ministre de l’intérieur. Peut-être certaines victimes ont-elles été enterrées très vite, mais au vu de l’état des terres et des pluies qui ont eu lieu depuis, on s’en serait sans doute aperçu.
Un député du Rassemblement national a insinué cet après-midi que nous avions quelque chose à cacher. Pourquoi donc ? Quand survient une catastrophe naturelle, nous le disons ! Il n’y a aucune raison que l’État, son représentant, le ministre de l’intérieur, la sécurité civile, les pompiers et les médecins qui travaillent sur le terrain ne disent pas ce qu’ils y voient. Je suis favorable à la plus grande transparence et c’est en vertu de ce principe que ceux qui nous ont accusés à tort ou ont donné de faux chiffres, comme ils l’ont encore fait il y a quelques heures, devront répondre de leurs agissements, d’une manière ou d’une autre, devant la représentation nationale et les Mahorais.
Le nombre important de personnes en situation irrégulière et le silence qui s’est abattu sur l’île pouvaient nous faire craindre le pire. Cependant, deux éléments ont remis en cause un certain nombre d’analyses qui avaient été faites : d’une part, les bidonvilles ont été reconstruits très vite ; d’autre part, de nombreuses photos et vidéos ont montré que beaucoup de gens avaient fui les bangas à la dernière minute avant l’arrivée du cyclone.
Je ne mets pas tout le monde dans le même panier. Je comprends les questionnements quand il y a des ambiguïtés ou une grande confusion. Cependant, de grâce, soyons prudents lorsque nous évoquons ainsi des vies humaines. Nous parlons de choses graves, et nous n’avons rien à cacher.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Pouvez-vous nous donner acte que ces propos excessifs n’ont pas été tenus ici même, au sein de la commission ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Oui. J’aurais dû le préciser.
Mme Anchya Bamana (RN). J’aimerais mettre un bémol aux propos du ministre. Force est de constater qu’au lendemain du cyclone, personne n’a été envoyé fouiller les bidonvilles pour se faire une idée de la réalité de la situation. C’est de là que vient le flou. Si l’on avait cherché, on aurait trouvé. Or, pendant une semaine, le silence a été complet.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Non !
Mme Anchya Bamana (RN). Vous ne pouvez pas le nier : j’étais à Mayotte. Pendant une semaine, personne n’est allé fouiller les gravats et les bidonvilles.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je salue l’amendement de Mme Voynet. Au-delà des problèmes administratifs qui se posent, par exemple, pour la délivrance de certificats de décès, il est important de parler des morts et des disparus.
Nous parlons en réalité ici de la population clandestine, qui fuit les autorités, auxquelles elle ne fait pas confiance, et n’est par définition pas recensée. Cette population s’est montrée réticente à rejoindre les abris. Les migrants étant isolés, coupés de leur famille, ils n’ont pas bénéficié de la présence d’aînés ayant la mémoire des cyclones, qui les auraient incités à prendre au sérieux le risque cyclonique et leur auraient donné des instructions pour affronter pareille situation. Dans les autres familles mahoraises, les plus anciens, forts du souvenir des cyclones ayant traversé la région vingt-cinq ans plus tôt, ont expliqué aux plus jeunes ce qu’il fallait faire. On voit là toute l’importance de la tradition orale.
Deuxièmement, le traumatisme des personnes dont nous ne connaissons pas le destin pèse sur la psyché collective. Il est évident que ces absences nous interrogent tous et mettent en jeu la responsabilité morale, mais aussi pénale – car le rapport que vous demandez, Madame Voynet, vise aussi à établir les responsabilités. Disons les choses clairement : comment a-t-on pu laisser prospérer des bidonvilles dont on savait qu’ils étaient insalubres et dangereux ? J’y insiste, le bilan de la catastrophe est une question à la fois morale, pénale et politique.
Je souligne aussi que personne ne réclame ces disparus, ce qui nous heurte profondément. Ils ont des parents, un État d’origine, mais que personne ne les réclame, voilà qui défie l’entendement.
Enfin et le ministre y a fait allusion, l’éducation nationale pensait compter les enfants absents à l’occasion de la rentrée scolaire. C’est dire l’horreur à laquelle les professeurs se préparent. Or, compte tenu des difficultés qui s’annoncent, la rentrée ayant déjà été reportée et devant se faire dans des tentes, avec des enfants souvent déplacés dans un autre village en raison de la destruction des écoles, ce « recensement en creux » risque de ne pas être possible. En tout état de cause, je m’attends à ce que le bilan du cyclone soit impossible à dresser, ce qui est extrêmement grave. Cela signifie que Mayotte a perdu toute capacité à se compter.
Ce que dit notre collègue Bamana est vrai : en raison de la faiblesse des secours disponibles, les autorités n’ont pas été en mesure d’envoyer des équipes de recherche dans les bidonvilles avant plusieurs jours. Et si tel avait été le cas, j’affirme publiquement que la population mahoraise aurait été scandalisée, étant donné qu’elle n’avait, elle-même, pas encore vu l’ombre d’un service de secours.
La faiblesse des secours sur place nous interroge donc aussi et j’espère qu’une réponse sera donnée à l’occasion du bilan de Chido. Le groupe LFI-NFP a d’ailleurs demandé la conduite d’une enquête sur l’appréhension des risques naturels à Mayotte. Comment l’archipel était-il préparé aux potentielles catastrophes, sachant qu’il est soumis aux risques cyclonique, sismique, volcanique et de tsunami ?
En définitive, il y a une dimension traumatique pour l’ensemble des populations. Nous avons ce sentiment empirique – renforcé par le fait que Mayotte, c’est tout petit – d’être beaucoup moins nombreux qu’avant. Cela se voit : il y a eu de nombreux reportages sur les bidonvilles, qui étaient des zones très densément peuplées. Non seulement ils sont détruits, mais les populations ne sont plus là. Je rappelle d’ailleurs que, contrairement à ce que certains semblent croire, il n’y a plus de végétation. Les gens ne peuvent donc être cachés dans la forêt, car il n’y en a plus. Et il n’y a pas non plus eu de départs massifs, ni en avion, ni en bateau – sachant que des corps n’ont pas été ramenés par la mer dans les jours qui ont suivi. Voilà ce qui nous fait croire que ces personnes ont été tuées ou, à tout le moins, qu’il y a des disparus.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous reviendrons sur cette question en séance et au Sénat, tout comme nous aurons l’occasion de faire le bilan de la catastrophe. J’ai pris mes fonctions de ministre une dizaine de jours après le passage du cyclone et si j’estime que la continuité de l’État a été assurée, j’admets aussi qu’il puisse y avoir des interrogations au sujet de personnes disparues. Je rappellerai simplement que les forces de sécurité civile ont été multipliées par deux dans les heures qui ont suivi la fin de l’alerte « violette ». Je l’ai dit tout à l’heure : il y a effectivement eu un phénomène de sidération ; les bidonvilles étaient détruits, tout comme une partie des toits des Mahorais et de la forêt ; les gens se demandaient où les populations étaient passées ; puis les bidonvilles ont été partiellement reconstruits.
Je suis prêt à tout remettre à plat, à identifier les responsabilités, à comprendre ce qui s’est passé, mais je mets en garde sur les mots que nous utilisons. Je comprends votre analyse de la situation, mais l’usage des mots « disparus », « morts » ou « recensement » peut conduire à certaines extrapolations. Ce n’est pas ce que vous avez fait, Madame la rapporteure, mais certains pourraient être amenés à penser que nous cachons des victimes ou que l’État minimise les choses, alors que ce n’est pas le cas. Je demande simplement de la prudence.
La commission adopte l’amendement CE198.
Amendement CE19 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Terrible constat : si, à ce jour, nous ne connaissons pas le nombre de victimes du cyclone Chido, c’est parce que nous n’avons pas de recensement fiable des vivants ! C’est la raison pour laquelle nous demandons, par cet amendement, la remise d’un rapport qui donnerait à l’État et au département une photographie précise de la collectivité. Cela serait très utile pour la reconstruction, mais aussi pour le calcul des dotations, qui est un sujet important à Mayotte.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Premier ministre a annoncé que l’Insee, en lien avec les maires, allait procéder à un recensement complet. Votre demande doit donc être honorée et j’espère que cette opération pourra avoir lieu rapidement, mais ce n’est pas son inscription dans la loi qui le garantirait.
Mme Dominique Voynet (EcoS). C’est une question délicate, car les personnes concernées se méfient des uniformes bleu marine. Si nous voulons procéder à un recensement efficace, il faudra nous appuyer sur les personnes de confiance que sont les professionnels de santé, qui gèrent les « carnetti » dont disposent presque tous les Mahorais, les agents de santé communautaires, les enseignants, ou encore les personnes issues des quartiers. Sans ces personnes de confiance, nous n’y arriverons jamais.
Il en va de même s’agissant des dispositifs d’alerte. À cet égard, leur efficacité dépend de l’utilisation de canaux variés. Je pense aux réseaux sociaux, aux sites qui, à Mayotte, permettent de diffuser très rapidement une information, ainsi qu’à la télévision. Nous ne l’avons pas évoqué, mais Mayotte La Première a réalisé un travail extraordinaire pendant les vingt-quatre heures qui ont précédé le cyclone. M. Said Hachim, par exemple, qui a tenu l’antenne pendant des heures pour demander aux gens de se mettre à l’abri, mériterait notre reconnaissance. Quoi qu’il en soit, il faudra que nous réfléchissions aux moyens de lancer l’alerte.
M. Hervé de Lépinau (RN). La boucle est bouclée, Monsieur le ministre : souvenez-vous des observations faites dès l’article 1er ! Si nous ne sommes pas capables de calibrer les travaux de reconstruction – car nous raisonnons toujours en fonction du nombre d’habitants –, qu’il s’agisse de l’assainissement, de l’adduction d’eau, du traitement des déchets ou des établissements scolaires, nous ne remplirons pas notre mission. Or il y a une forme d’hypocrisie à maintenir le flou sur la population réelle de l’archipel, constituée pour partie non négligeable de clandestins. Il va falloir trancher dans le vif ou nous risquons de créer du ressentiment chez les Mahorais qui, alors qu’ils sont installés, qu’ils sont Français et qu’ils payent leurs impôts, se demanderont si des populations qui n’ont rien à faire sur le territoire ne sont pas prioritaires par rapport à eux.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis d’accord avec vous. Je me suis fait rappeler à l’ordre par le directeur général de l’Insee lorsque j’ai émis le chiffre de 500 000 personnes, me fondant sur ce que j’avais entendu, notamment de la part de la rapporteure en qui j’ai grande confiance. Je peux me tromper, mais je demande que l’Insee accomplisse rapidement ce travail, lequel doit être conduit en confiance et avec le soutien des maires, car sinon nous passerons à côté de tout.
La commission rejette l’amendement CE19.
Amendement CE78 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin (DR). Puisque d’autres amendements sur le sujet ont été rejetés, je tente à nouveau ma chance en demandant au Gouvernement de présenter un rapport non pas sur la reconstruction, mais sur la construction d’infrastructures nouvelles – piste longue de l’aéroport, retenue collinaire d’Ourovéni, réseau haut débit et ainsi de suite. Ces projets, parfois de très longue haleine, requièrent un engagement fort de l’État. Le rapport permettra d’enclencher la mécanique.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable. Les élus locaux espèrent en effet que le nouvel établissement public, outre la reconstruction, sera également chargé d’entamer ces grands projets. La tragique tabula rasa qui fait suite au cyclone Chido est l’occasion de redémarrer d’un bon pied en lançant enfin les chantiers structurants que sont notamment la deuxième retenue collinaire, l’aéroport, les routes de contournement et d’autres équipements qui permettront à Mayotte de rattraper son retard.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Défavorable : les rapports s’accumulent déjà et il va de soi que l’examen de ces projets entre dans le champ des travaux de l’établissement public.
La commission rejette l’amendement CE78.
Amendement CE80 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin (DR). C’est une nouvelle demande de rapport – là encore pour contourner l’obstacle de l’irrecevabilité – sur, cette fois l’égalité sociale. Il s’agit d’évaluer l’écart entre les prestations sociales versées à Mayotte et celles qui sont versées dans d’autres départements, ainsi que ses répercussions sur le niveau de vie.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Favorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Favorable.
M. Benoît Biteau (EcoS). Il y a notamment des inégalités à résorber dans le domaine agricole. Les territoires ultramarins bénéficient du programme européen d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei), mais il est très inéquitable et il faut le revoir : l’enveloppe est accaparée dans sa totalité ou presque par une poignée de grosses entreprises bananières ou sucrières, tandis que les petits exploitants qui pratiquent une agriculture vivrière pourtant susceptible de renforcer l’autonomie alimentaire de Mayotte voient passer le train des aides sans en profiter.
La commission adopte l’amendement CE80.
Amendement CE89 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin (DR). Cet amendement d’appel vise à envisager la création d’une zone économique spéciale en matière fiscale et douanière. Le moment est venu d’en étudier l’opportunité.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Favorable, évidemment. Le Premier ministre a annoncé la création d’une zone franche globale ; tous les acteurs économiques attendent de savoir en quoi elle consistera. Compte tenu de la concurrence régionale et de la situation de Mayotte, la question de l’octroi au département d’avantages fiscaux et douaniers se pose en effet avec urgence.
M. Manuel Valls, ministre d’État. J’espère pouvoir donner davantage d’éléments de réponse lors du débat en séance, mais la zone franche globale qui sera établie pour cinq ans est l’un des piliers du plan « Mayotte debout ». Le débat se poursuivra surtout lors de l’examen du futur projet de loi de refondation. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement CE89.
Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.
La réunion s’achève mercredi 15 janvier 2025 à zéro heure quarante.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 14 janvier 2025 à 21 heures
Présents. - M. Laurent Alexandre, M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, M. Karim Benbrahim, M. Benoît Biteau, M. Arnaud Bonnet, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, Mme Cyrielle Chatelain, M. Julien Dive, M. Frédéric Falcon, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, M. Philippe Gosselin, M. Frantz Gumbs, Mme Mathilde Hignet, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Pascal Lecamp, M. Hervé de Lépinau, M. Laurent Lhardit, M. Max Mathiasin, Mme Manon Meunier, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, Mme Sandrine Nosbé, Mme Maud Petit, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Davy Rimane, Mme Valérie Rossi, M. Matthias Tavel, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé, M. Stéphane Vojetta, Mme Dominique Voynet, M. Frédéric Weber, Mme Estelle Youssouffa
Assistaient également à la réunion. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Anchya Bamana, M. Christophe Bentz, M. Pierre Meurin, M. Jean-Hugues Ratenon