Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n°463) (M. Antoine Armand, rapporteur)              2


Lundi 2 juin 2025

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 105

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


  1 

La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Antoine Armand, rapporteur).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons à l’article 1er, qui traite de certains objectifs de politique énergétique, des prix de l’énergie, des péréquations tarifaires, de l’actionnariat d’EDF et d’Engie, des réseaux de transport et de distribution, ainsi que de la sécurité d’approvisionnement.

 

 

TITRE 1er

ACTUALISER LA PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE NATIONALE

 

CHAPITRE 1ER – FIXER UNE PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE AMBITIEUSE

 

Article 1er (article L. 100-2 du code de l’énergie) : Consécration de nouveaux principes auxquels l’État doit veiller pour atteindre les objectifs de politique énergétique

 

Amendement CE473 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise à modifier le 1° de l’article L. 100‑2 du code de l’énergie afin d’y remplacer la notion de « sobriété énergétique » par celle de « lutte contre le gaspillage énergétique ». En effet, l’expression « sobriété énergétique » est utilisée à tort et à travers, jusqu’à parfois aboutir à une réduction de la consommation finale s’apparentant à un appauvrissement. Il me semble donc plus raisonnable, y compris à des fins de quantification, de parvenir à évaluer le gaspillage évité plutôt que de s’en tenir à une sobriété dogmatique et inopportune pour le consommateur français : la meilleure énergie que nous avons est celle que nous consommons.

M. Antoine Armand, rapporteur. La sobriété fait l’objet d’une définition précise dans de nombreux documents scientifiques et institutionnels. Je réserve donc mon avis sur cet amendement à votre définition du gaspillage énergétique et de sa quantification. Dans l’attente de vos précisions, je demande le retrait de l’amendement.

M. Maxime Amblard (RN). Dans le domaine énergétique comme dans d’autres, le gaspillage est ce qui est utilisé ou consommé, mais qui pourrait être évité en l’absence d’utilité finale.

M. Charles Fournier (EcoS). Au contraire de vous, monsieur Amblard, j’estime qu’il faut conserver la notion de « sobriété », qui n’est pas synonyme d’« appauvrissement ». Certains versent dans l’ébriété énergétique, d’autres ont une consommation très faible ou nulle. La notion de sobriété renvoie à des comportements modérés et à une gestion plus efficace de l’énergie, ce que n’induit pas la lutte contre le gaspillage. Ce mot est le plus approprié, comme de nombreux scientifiques l’ont montré.

M. Antoine Armand, rapporteur. Si la lutte contre le gaspillage correspond à une baisse de la consommation sans impact sur le fonctionnement d’un processus industriel ni sur le confort personnel, alors il me semble, monsieur Amblard, que vous faites référence à l’efficacité énergétique.

Par ailleurs, qu’il s’agisse des ressources ou de la consommation d’énergie, tout montre que nous avons besoin de sobriété. Nous tombons souvent dans un débat consistant à opposer les « techno-solutionnistes », c’est-à-dire ceux qui estiment que la sobriété n’est absolument pas nécessaire, aux partisans de la sobriété, donc de la décroissance. La réalité physique montre que nous aurons besoin de sobriété et d’efficacité énergétiques ainsi que d’une production d’énergie décarbonée. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE470 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise à modifier le 3° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie. Il ne me paraît pas souhaitable d’opérer une diversification pour la diversification et de mentionner, parmi les objectifs de la politique énergétique, l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. En effet, nous sommes plus favorables à l’augmentation de la part des énergies décarbonées qu’à celle des seules énergies renouvelables. Il convient donc de viser une diversification des sources d’approvisionnement et de production énergétiques, tout en laissant inchangé l’objectif de réduction du recours aux énergies fossiles, ce qui requiert le développement prioritaire des sources d’énergie pilotables et décarbonées – au premier rang desquelles les énergies nucléaire, hydraulique, géothermique et de valorisation de la biomasse.

M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement a une faible portée normative. Avis défavorable.

M. Maxime Amblard (RN). Au risque de vous contredire, je crois que nous sommes tous d’accord ici pour parler des énergies bas-carbone et pas uniquement des renouvelables, afin d’inclure le nucléaire. La portée de cet amendement est donc importante. Chacun défend l’objectif de la réduction de la part des énergies carbonées, donc fossiles, dans le mix énergétique.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Justement, nous ne sommes pas tous d’accord. Nous refusons que les énergies renouvelables soient dissoutes dans l’appellation « énergies décarbonées », qui est particulièrement vague et vise en réalité à ce que l’on arrête de produire des énergies renouvelables pour ne faire que du nucléaire. Voilà ce qui se trouve derrière cet amendement et ceux que le rapporteur défendra tout à l’heure.

Il ne saurait d’ailleurs en être question pour une raison très simple, qui n’a rien de dogmatique : si nous voulons augmenter la production d’électricité dans les dix ans qui viennent, cela ne pourra se faire qu’avec les renouvelables, car il n’y aura pas de « nouveau nucléaire » au cours de cette période.

J’ajoute que le prix des énergies renouvelables est actuellement bien plus compétitif que celui de l’hypothétique nouveau nucléaire – qui produirait une électricité à un prix supérieur à 100 euros le mégawattheure (MWh), nous dit-on.

M. Charles Fournier (EcoS). En ce qui concerne le caractère pilotable ou non des énergies renouvelables, les choses ne sont pas immuables, puisque nous disposons déjà de solutions pour stocker l’énergie et pour prévoir leur production. On entend une petite musique selon laquelle il s’agirait d’énergies « intermittentes » ; je réponds qu’elles sont « variables », ce qui n’est pas exactement la même chose, et qu’elles peuvent être pilotables pourvu que nous investissions dans l’innovation. À l’inverse, lorsqu’une production d’énergie nucléaire s’arrête, son redémarrage n’a rien de simple ; les incidents sont très lourds de conséquences. J’aimerais donc qu’il ne soit pas fait référence au caractère pilotable des énergies car, ce faisant, nous sous-entendons que les renouvelables ne le sont pas et ne le seront jamais.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE164 de M. Matthias Tavel et CE186 de Mme Clémence Guetté (discussion commune)

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Depuis que l’électricité est une marchandise échangée sur un marché dans un cadre concurrentiel, les prix ont été multipliés par deux. À cet égard, tout le monde s’accorde sur le caractère insoutenable de cette situation, tant pour nos entreprises, qui doivent investir dans la décarbonation, que pour les ménages, qui sont confrontés à des difficultés croissantes, à des impayés, à des réductions de débit, voire à des coupures s’agissant des énergies autres que l’électricité.

Cet amendement vise donc à ajouter aux objectifs de l’État la sortie de l’énergie du marché – c’est-à-dire la démarchandisation de l’énergie – et la gestion de l’énergie comme un bien commun, à l’aune des enjeux climatiques et de souveraineté. Il s’agit pour nous d’une priorité absolue si nous voulons maîtriser le temps long et mener une politique publique de planification en accord, notamment, avec nos objectifs climatiques.

M. René Pilato (LFI-NFP). Le stockage et le pilotage des énergies renouvelables ne peuvent se faire que grâce à un pôle public de l’énergie. L’exemple du blackout en Espagne est parlant : la baisse de la consommation n’avait pas été prévue, si bien que le système a disjoncté et s’est mis en sécurité. Au-delà des tarifs, qui pourraient être les mêmes pour tous, et de l’idéologie, nous serions confrontés à de gros problèmes si nous nous en remettions au privé pour gérer l’énergie, en particulier tant que nous ne serons pas sortis du nucléaire multiforme.

M. Antoine Armand, rapporteur. Sans surprise, je suis défavorable à ces deux amendements.

Sur la forme, leur portée normative est faible : parler d’un « pôle public de l’énergie » ou de la « sortie de l’énergie du marché » n’aurait pas un grand impact.

Sur le fond, nous sommes en désaccord. Il y a évidemment eu, ces dernières années, des failles et des dysfonctionnements de marché, lesquels doivent être corrigés, mais nous avons également connu – je le dis d’autant plus volontiers que vous n’étiez pas aux responsabilités – des faiblesses dans la régulation. Ce n’est pas toujours l’économie de marché qui fonctionne mal, cela peut être aussi l’économie administrée. Au cours des dernières années, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) a dysfonctionné au moins autant que le marché.

De plus, si vous appelez de vos vœux le développement tous azimuts des énergies renouvelables, thermiques et électriques, je présume que vous n’envisagez pas que l’État ou les pouvoirs publics financent seuls l’intégralité des investissements afférents – ou alors, vous ne croyez pas réellement aux objectifs de développement des renouvelables.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Effectivement, nous sommes en désaccord. Pour ce qui nous concerne, nous nous opposons à la libéralisation de l’énergie depuis qu’il a été procédé à l’ouverture du capital d’EDF et à la privatisation de GDF, toutes deux transformées en sociétés anonymes, et que le Président Nicolas Sarkozy a fait voter la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome). Nous sommes opposés à cette logique, au nom de laquelle la nation se dépossède de ses grands moyens d’action dans un secteur aussi essentiel pour sa souveraineté et sa prospérité.

Au demeurant, il m’avait semblé que vos propres amis avaient fini par se dire qu’il valait mieux reprendre 100 % du capital d’EDF, ce qui validait plutôt nos arguments, même si vous n’êtes pas allés au bout de la logique en retransformant l’entreprise en établissement public.

Nous sommes favorables à la maîtrise publique de l’énergie, au fait de garder ce qui est public et d’entamer la reconquête au fur et à mesure que les occasions se présenteront. Quant au développement des énergies renouvelables, après huit ans de macronisme et au vu des retards accumulés en ce domaine, la moindre des choses, monsieur le rapporteur, serait de faire preuve d’un peu de décence.

M. Julien Brugerolles (GDR). Je soutiens l’amendement de monsieur Tavel. « Failles », « dysfonctionnements », « défaillances de marché » : nous avons là, monsieur le rapporteur, tout un vocabulaire néolibéral qui exprime l’idée selon laquelle l’État aurait simplement pour rôle d’améliorer le fonctionnement du marché, alors que les biens dont on parle sont destinés aux usagers, particuliers comme acteurs économiques, ne sont pas (ou sont peu) stockables, particulièrement en ce qui concerne l’électricité, et requièrent donc une maîtrise publique.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). D’après M. Tavel, il faudrait que nous la « mettions en veilleuse » concernant la production d’énergies renouvelables réalisée depuis sept ans. Soyons sérieux ! L’an dernier, la France a produit le chiffre record de 150 térawattheures (TWh) d’électricité d’origine renouvelable. On ne peut donc pas dire que nous n’avons rien fait quand, dans le même temps, nous avons atteint un niveau de 95 % d’électricité d’origine bas-carbone, c’est-à-dire issue à la fois du nucléaire et, pour 27,8 %, des énergies renouvelables. Ce record de 150 térawattheures, encore fallait-il l’atteindre ! Ne dites pas des choses fausses pour accréditer une thèse.

M. Pascal Lecamp (Dem). Outre les arguments de fond développés par monsieur Fugit et le rapporteur, je conteste le lien que vous établissez, monsieur Tavel, entre nationalisation et maîtrise publique de l’énergie : ces deux notions n’entretiennent pas de relation directe. Si je vous comprends bien, les investissements relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie ne devraient pas être faits par le secteur privé, mais grâce au budget de l’État, c’est-à-dire par les contribuables, ce qui me semble très dangereux.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que l’amendement CE186 vise à assurer la maîtrise publique de l’énergie au travers d’un pôle public de l’énergie.

M. Maxime Amblard (RN). Nous parlons beaucoup d’investissement, mais ce qui permet d’obtenir une électricité au coût le plus faible, qu’elle provienne du nucléaire ou des renouvelables, c’est un taux d’actualisation le plus bas possible. Or lorsqu’on emprunte sur les marchés financiers ou que l’on fait confiance aux investisseurs privés, ce taux avoisine généralement les 8 %, contre 2 % quand on passe par la puissance publique ou une entité équivalente, comme un fonds souverain. La différence de prix en sortie de turbine de centrale nucléaire ou d’éolienne, suivant que le taux d’actualisation s’élève à 2 % ou à 8 %, va du simple au double. Avoir l’énergie dans le giron public permet donc de ne pas avoir une électricité trop chère.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE471 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement a pour objet de réécrire l’alinéa 2 et donc de modifier le 3° bis de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, afin de préciser qu’il convient de viser les coûts du système électrique – ce qui inclut la production, le transport, la distribution et le stockage – les plus bas pour définir les prix de l’électricité. De cette manière, nous aurions une base de raisonnement commune et éviterions certaines batailles de chiffres, ceux-ci n’étant pas toujours comparables. Dans le même esprit que les deux précédents, cet amendement vise à replacer dans le giron public la production, le transport, la distribution et la commercialisation de l’électricité sous la forme d’une entreprise unifiée regroupant EDF, Enedis et Réseau de transport d’électricité (RTE).

M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement est en effet inspiré par le même principe que les précédents. Même si, eu égard à votre philosophie politique, vous ne serez probablement pas sensible à l’argument, une telle mesure serait évidemment contraire au droit européen. RTE, Enedis et EDF feraient immédiatement face à des contentieux, de la même façon que ces entreprises y seront exposées du fait de l’adoption, cet après-midi, de l’amendement CE249, qui établit le principe du monopole public de la construction et de l’exploitation des réacteurs électronucléaires. J’espère d’ailleurs que nous trouverons une rédaction qui ne mette pas l’opérateur historique en difficulté.

Ensuite, cet amendement serait très défavorable à RTE, qui peut et doit investir dans le réseau. Même en mettant de côté l’investissement dans les énergies renouvelables électriques, RTE a besoin de fonds et d’une structure qui ne soit pas commune avec EDF. Ne serait-ce que pour ces arguments, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE154 de M. Maxime Laisney et CE156 de M. Matthias Tavel (discussion commune)

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Par cet amendement, nous proposons que le tarif de vente de l’électricité reflète les coûts de production du système électrique français. Je suis bien placé pour évoquer cette question puisqu’en tant que corapporteur de la mission d’information sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’État, j’examine actuellement le fameux mécanisme devant succéder à l’Arenh à partir de janvier prochain. Nous n’avons trouvé aucun partisan de ce dispositif, qui nous expose presque complètement aux mécanismes du marché. Les représentants de RTE, que nous avons auditionnés la semaine dernière, nous ont indiqué que, malgré la réforme du marché européen de l’électricité de l’an dernier, les prix allaient continuer, la plupart du temps, à suivre les marchés du gaz, selon le principe de l’ordre de mérite (merit order).

Évidemment, les factures des Français connaîtraient beaucoup moins de fluctuations si le prix de l’électricité était lié au coût de production, et ce, d’ailleurs, quelle que soit la nature du mix électrique – autrement dit, que nous souhaitions, ou non, de nouvelles productions nucléaires. Dans tous les cas, nous gagnerions en stabilité.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). L’amendement CE156 vise à étendre le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVe) à tous les consommateurs, entreprises comprises. C’est une proposition que nous n’aurons de cesse de défendre.

Comme vous le savez, la crise énergétique continue de faire des ravages, aussi bien chez les ménages – un sondage indique qu’une personne sur deux a du mal à payer ses factures d’électricité – que chez les entreprises, qui sont en grande difficulté. Or, concrètement, le système européen nous propose de parier nos économies sur la baisse du prix du gaz, et ce malgré la situation géopolitique – pour ma part, je ne parierais pas ma maison là-dessus.

Le prix de l’électricité pratiqué en Europe et payé par la France est, les trois quarts du temps, indexé sur celui du gaz. Que ce soit ou non contraire au droit européen, il va falloir avancer, sinon la faillite frappera toutes les entreprises et même les ménages.

M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement CE154 est pleinement satisfait puisque le texte prévoit déjà que les prix doivent refléter « les coûts complets du système de production électrique ». Mon avis est donc défavorable pour cette question de forme ; nous sommes d’accord sur le fond.

En ce qui concerne l’amendement CE156 : vous l’avez dit vous-même, madame Dufour, il est contraire au droit européen. Cela n’épuise pas l’argumentation, mais son adoption aurait pour conséquence le déclenchement d’un contentieux, puis la nécessité, pour tous les consommateurs, industriels comme particuliers, qui auraient bénéficié de ce nouveau TRVe, de devoir rembourser les sommes gagnées, avec toutes les difficultés que cela représenterait.

Faut-il aborder cette question au niveau européen et envisager une directive ou une proposition de résolution européenne ? Pourquoi pas. Mais je ne crois pas que cette mesure ait sa place dans cette proposition de loi : le remède serait pire que le mal.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Je comprends donc que nous sommes prêts à laisser faire faillite toutes les industries françaises, qui sont confrontées à une concurrence européenne sévère, avant de se réveiller. Nous avons déjà vu ce que l’Union européenne était capable de produire en temps de crise, à savoir une directive qui ne change absolument rien. En tant que premier exportateur net d’électricité, notre pays a largement de quoi négocier politiquement le fait de rester dans le marché européen de l’électricité, tout en appliquant un prix national à ses consommateurs. Nous ne cesserons de pousser en ce sens, car c’est la seule voie à emprunter.

M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement de monsieur Laisney vise à ce que les tarifs réglementés de vente reflètent les coûts de production du système électrique français. Il s’agit de faire en sorte que ces tarifs n’englobent pas les superprofits et les superdividendes qui peuvent être réalisés par les producteurs français ou européens. Il n’y a pas, dans cette mesure, de distorsion de concurrence ni d’inquiétude à nourrir vis-à-vis du droit communautaire.

M. Antoine Armand, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit, monsieur Benbrahim. J’ai simplement indiqué que le texte précise déjà que les prix doivent refléter les coûts complets de production. Nous pouvons toujours le dire deux fois, mais ce serait légistiquement inutile.

La commission adopte l’amendement CE154.

En conséquence, l’amendement CE156 tombe.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE535 et CE536 de M. Antoine Armand, rapporteur.

 

Amendement CE160 de M. Matthias Tavel

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Dans la lignée des amendements CE164 et CE186, celui-ci vise à inscrire l’objectif de la transformation d’EDF en établissement public industriel et commercial (Epic) et, ainsi, à ne pas se satisfaire du simple rachat par l’État de 100 % du capital de l’entreprise, maintenue sous la forme d’une société anonyme. Cette mesure est nécessaire, d’abord, parce que, face aux enjeux à venir, le financement des investissements serait ainsi moins coûteux. Ensuite, qui dit « société anonyme » dit actionnaires et dividendes. En l’occurrence, c’est l’État qui a prélevé 2 milliards d’euros, mais on peut très bien imaginer que, demain, une réouverture du capital offre à d’autres des dividendes ; nous avons vu que le secteur de l’énergie pouvait donner lieu à des superprofits.

M. Antoine Armand, rapporteur. Contrairement à d’autres, voilà un amendement qui a une forte portée normative ! À tel point, d’ailleurs, qu’il excède largement, selon moi, le cadre de la proposition de loi. Nous avions eu cette discussion lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Philippe Brun visant à protéger le groupe EDF d’un démembrement. De nombreux arguments s’opposent, à mon avis, à la transformation de l’entreprise en Epic. Parmi ceux-ci, il y a celui, très important – même si vous n’y serez pas nécessairement sensible –, des investissements qu’EDF va devoir engager non seulement pour la construction de nouvelles installations nucléaires, mais aussi pour la maintenance et le développement des autres énergies. Il faudra, à cet effet, emprunter sur les marchés, à moins de faire porter une charge extraordinairement lourde sur l’État, dont les finances sont dans un état que je n’ai pas besoin de décrire. Ne serait-ce que pour ce motif, mon avis est défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », monsieur le rapporteur. Vous avez beau jeu de mettre en avant l’état dégradé des finances publiques, mais pardonnez-moi de vous rappeler que la faute principale en revient à ceux qui dirigent le pays depuis huit ans, c’est-à-dire vos amis et vous.

Par ailleurs, nous souhaitons effectivement que l’État dispose des outils pour mener la politique que les parlementaires décident. On ne peut, d’un côté, voter des lois, dont l’ambition dépasse d’ailleurs souvent la lettre, et, de l’autre, se voir opposer que nous ne pouvons concrétiser cette ambition au motif qu’EDF est une société anonyme, qu’il existe des mécanismes de marché ou encore que le droit européen s’y oppose. Vous avez organisé l’impuissance publique en matière d’énergie ; nous voulons reconstruire cette puissance.

M. Antoine Armand, rapporteur. Au-delà de la transformation interne qu’une telle mesure impliquerait, je répète qu’elle fragiliserait le futur programme nucléaire.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE167 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à supprimer l’objectif de la recherche d’exportations en matière énergétique. L’an dernier, la France a battu un record en la matière. Je fais partie de ceux qui considèrent que c’est une bonne chose, pourvu que cela s’accompagne d’une décarbonation chez nos voisins et que notre pays ne soit pas le « dindon » d’une organisation européenne au sein de laquelle nous supporterions des coûts que d’autres refusent d’assumer.

Au demeurant, notre position nous confère un pouvoir de négociation à l’égard de partenaires qui voudraient, par exemple, s’opposer à des évolutions du droit que nous défendons concernant la protection des consommateurs, les TRVe ou peut-être, demain, les barrages hydroélectriques. L’organisation européenne de l’énergie ne nous convient pas ; elle ne correspond pas au modèle qu’a suivi la France dans le cadre du développement de son système électrique. Quand donc allons-nous utiliser notre pouvoir de négociation, par exemple pour demander à la Commission européenne d’abandonner immédiatement les précontentieux contre nos barrages hydroélectriques ou pour dire à l’Allemagne que si elle ne veut pas s’associer à cette pression, elle devra se passer de l’électricité produite par les Français ?

M. Antoine Armand, rapporteur. Je perçois dans ce discours des accents offensifs envers nos voisins allemands ; cela donne le sentiment que nous pourrions nous livrer à leur égard à une sorte de chantage à l’électricité.

Vous le savez aussi bien que moi : l’électricité ne se stocke pas, mais elle se transporte. Cette énergie doit donc avoir un débouché quelque part, faute de quoi elle n’est pas produite. Nous ne pouvons pas faire de chantage en amont car, si nous privions les Allemands de notre électricité, cela mettrait notre réseau en difficulté. En effet, la modulation nucléaire est difficile et coûteuse pour le parc, et, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, les énergies renouvelables intermittentes ne se pilotent pas comme celles issues d’autres centrales.

Enfin, alors que vous venez de transformer EDF en établissement public, je m’étonne que vous souhaitiez renoncer à des exportations qui lui rapporteraient de l’argent. Je conçois la logique de flagellation et de mutilation sévère de l’économie – après avoir administré l’économie, vous voulez la tuer –, mais je crains que cela n’aille un peu loin. Avis défavorable.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Il faut comprendre que le réseau n’est pas entièrement interconnecté. Il arrive que les interconnexions existantes ne suffisent pas et que nous nous retrouvions à payer un prix européen nationalisé. C’est dans cette configuration que l’on perçoit à quel point nous sommes les dindons de la farce dans notre relation avec l’Allemagne. Le prix peut en effet varier du simple au double entre celui payé par l’Allemagne quand les interconnexions sont saturées et celui payé par la France.

Vous dites que nous sommes offensifs, mais je rappelle que M. Robert Habeck, ancien ministre allemand de l’économie, a déclaré qu’il en voulait à EDF, car l’entreprise pouvait assurer des prix stables et inférieurs à ceux du marché.

Il va falloir comprendre que le marché européen de l’électricité produit des gagnants et des perdants et que nous appartenons à la seconde catégorie. Dans la mesure où nous sommes le premier exportateur net d’électricité en Europe, nous avons les moyens de négocier quelque chose.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous pourrions partager l’objectif consistant à ne pas encourager les exportations et la logique de production, qui impliquent des investissements considérables.

Toutefois, nous ne sommes pas favorables à la logique du repli, du chacun chez soi ; nous lui préférons le principe de solidarité électrique à l’échelle européenne. En 2022, quand la moitié du parc nucléaire français était à l’arrêt, nous avons été heureux de pouvoir récupérer de l’énergie en provenance d’autres pays. Cela étant, nous n’avons pas de désaccord de fond sur l’amendement ; donc, nous nous abstiendrons.

Plutôt que de supprimer l’objectif de la recherche d’exportations, nous proposons, par l’amendement suivant, de lui substituer l’objectif de promotion de la solidarité énergétique à l’échelle européenne. Il s’agit de favoriser la sobriété partagée et la sécurité mutualisée, ce qui implique également la mutualisation des tarifs.

M. Antoine Armand, rapporteur. Je relève une contradiction manifeste dans vos propos. La seule solution pour parvenir, à terme, à un niveau de 100 % d’énergie électrique d’origine renouvelable est d’accroître considérablement le nombre d’interconnexions électriques et de les étendre, dans le cadre de ce que vous appelez la « solidarité électrique », à l’ensemble du continent européen. Vous ne pouvez donc pas refuser de créer de nouvelles interconnexions et vous plaindre que nous exportions de l’électricité, c’est-à-dire que nous en produisions trop, d’autant que la croissance de la production s’explique principalement, en dehors de la montée en puissance du parc, par le développement des énergies renouvelables.

Il faut faire un choix entre un système complètement européen reposant intégralement sur les énergies renouvelables et un système national caractérisé par une forte prépondérance du nucléaire. Les deux projets ne sont pas compatibles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE359 de Mme Julie Laernoes

M. Charles Fournier (EcoS). Nous proposons de remplacer la logique d’exportation par celle de « solidarité électrique européenne ». L’objectif consistant à produire toujours davantage – par des réacteurs de type EPR, par exemple – nécessiterait des investissements très lourds. Il faut plutôt ajuster nos productions en fonction d’objectifs de maîtrise de l’énergie.

En 2022, quand la moitié du parc nucléaire était à l’arrêt, nous étions bien contents que la solidarité et les interconnexions existent. Ces dernières sont nécessaires. Il faut développer un système plus robuste et une efficacité collective plutôt que de privilégier une logique de surproduction solitaire.

M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable, car la notion de « solidarité électrique européenne » ne veut rien dire. Contrairement aux exportations ou aux interconnexions électriques, elle ne fait l’objet d’aucune définition dans les textes techniques européens ou nationaux et est donc inopérante. On peut certes définir une nouvelle approche du réseau électrique mais mieux vaut consulter préalablement l’ensemble des gestionnaires de réseaux nationaux.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Demander la fixation d’un prix national n’implique pas d’arrêter les interconnexions : personne ne suggère cela. Avant que la logique de merit order ne fasse son apparition au niveau européen, les États échangeaient de l’électricité selon un système de gré à gré. Nous pourrions rester dans le marché en appliquant un prix national : autrement dit, continuer à échanger avec nos voisins en redéfinissant nos conditions tarifaires.

M. Pascal Lecamp (Dem). Tout à l’heure, monsieur Tavel a affirmé que, dans le cadre des négociations, il fallait « fermer le robinet » de nos exportations vers l’Allemagne pour arriver à obtenir quelque chose de la Commission européenne. Au sein du groupe Les Démocrates, nous sommes très choqués d’entendre que vous souhaitez défaire soixante-dix ans de construction européenne.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE472 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Dans un contexte d’instabilité géopolitique et de volatilité des prix du gaz, cet amendement vise à garantir l’existence d’un tarif réglementé de vente du gaz naturel. Cela assurerait, jusqu’à ce que l’on puisse se passer de cette réglementation, une prévisibilité des prix qui serait profitable aux ménages et aux industries.

M. Antoine Armand, rapporteur. Le Conseil d’État a déclaré les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) contraires au droit de l’Union européenne. Nous pourrions reconstruire un dispositif de ce type, mais il ne me semble pas approprié de le faire par voie d’amendement dans une proposition de loi programmatique.

Par ailleurs et contrairement à ce que vous indiquez, les TRVg ne permettaient pas de lisser les prix du gaz dans le temps long, contrairement aux TRVe. Il faudrait donc créer un nouveau dispositif.

M. Maxime Amblard (RN). Oui, il faut construire un nouveau dispositif – je n’ai pas dit qu’il fallait calquer ce TRV sur l’ancien. Il permettrait de stabiliser les prix, ce qui apporterait à nos industries une plus grande visibilité jusqu’à ce que l’on puisse substituer au gaz naturel un gaz peut-être plus renouvelable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE100 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’article 1er vise à garantir « le maintien d’un prix repère de vente de gaz naturel, publié par la Commission de régulation de l’énergie » (CRE). L’amendement a pour objet de supprimer cette mention, qui n’a pas sa place, me semble-t-il, dans cet article programmatique. Nous proposerons une nouvelle rédaction de l’article 24 qui laissera à la CRE la possibilité de publier un prix repère en cas d’évolution importante des prix ou de nécessité particulière. Le prix repère, s’il est utile pour accompagner les contrats des consommateurs, demeure purement indicatif. Il peut prêter à confusion, dans la mesure où les variations mensuelles ne reflètent pas toujours l’évolution des contrats. Cela peut nuire à la lisibilité des factures et troubler nos concitoyens.

M. Antoine Armand, rapporteur. Avis favorable. Cette mention n’est en effet pas à sa place à l’article 1er, qui est programmatique. La modification qui sera proposée à l’article 24 me paraît bienvenue dans la mesure où une publication mensuelle pourrait être source de confusion pour le consommateur.

M. Jérôme Nury (DR). L’argumentation est trop jésuitique pour moi. Vous nous dites qu’il faut un repère mais que cela peut créer de la confusion dans l’esprit des consommateurs et qu’il ne doit pas être obligatoire. Nos concitoyens sont suffisamment éclairés pour comprendre ce qu’est un repère. Il importe que la CRE fixe une ligne directrice pour que chacun sache où en sont les prix.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’actualisation mensuelle du prix repère pourrait troubler nos concitoyens, qui risqueraient de le confondre avec le prix du marché. Nous proposons que le prix repère ne soit publié que lorsqu’il convient d’apporter une information nouvelle, en cas de fluctuation importante ou de nécessité particulière. En outre, cette disposition serait plus à sa place à l’article 24, qui concerne la protection des consommateurs.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE169 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous nous sommes abstenus sur l’amendement de monsieur Fugit, car nous nous moquons un peu du tarif de référence. Il faudrait revenir au tarif réglementé de vente du gaz, qui a été supprimé en juillet 2023. Le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVe), lui, existe toujours, mais son mode de calcul repose à l’excès sur les mécanismes de marché.

Les familles ont de plus en plus de mal à s’acquitter de leurs factures. Le Médiateur national de l’énergie indique que 30 % des Français ont souffert du froid en 2024 et que les fournisseurs d’énergie sont intervenus auprès d’un million de ménages en 2023, un chiffre en augmentation de près de 50 % par rapport à 2019, ce qui témoigne de l’extension de la précarité.

Vous autres, libéraux, prenez nos concitoyens pour des traders. La très grande majorité d’entre eux ne se lèvent pas, le matin, en consultant les cours de l’électricité et du gaz. Ils veulent simplement être protégés par des tarifs stables.

M. Antoine Armand, rapporteur. Votre amendement est très similaire à celui défendu par monsieur Amblard tout à l’heure. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

M. Maxime Amblard (RN). Oui, notre objectif est le même. Contrairement à nos collègues de La France insoumise, qui font passer leur sectarisme avant l’intérêt des Français, nous voterons en faveur de l’amendement, qui passera certainement grâce à nous.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Notre amendement est tout simplement mieux rédigé que celui du Rassemblement national, comme c’est toujours le cas. Surtout, nous avons toujours défendu la maîtrise publique et les tarifs réglementés de l’énergie. Nous nous sommes opposés à la privatisation de GDF et n’avons jamais cru qu’en matière d’énergie, le libéralisme constituait une solution, contrairement à votre parti, monsieur Amblard, qui s’en vantait à l’époque de Jean-Marie Le Pen.

La commission adopte l’amendement.

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous venons donc de rétablir, en très peu de temps, le statut d’établissement public d’EDF et les tarifs réglementés du gaz.

 

Amendement CE171 de Mme Clémence Guetté

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Je me réjouis de l’adoption de l’amendement précédent. D’ailleurs, nous ne comprenons toujours pas que vous refusiez les tarifs réglementés du gaz, alors qu’on se bat au niveau européen pour maintenir les tarifs réglementés de l’électricité.

Il y a deux ans, l’État a racheté 100 % des actions d’EDF, sans pour autant nationaliser la société. Par le présent amendement, nous proposons qu’il rachète l’intégralité des parts d’Engie afin d’assurer la planification de l’approvisionnement en gaz et de préserver notre souveraineté.

M. Antoine Armand, rapporteur. Nous sommes tous saisis de vertige en voyant les mesures qui ont été adoptées en quelques minutes, sans aucune réflexion sur les conséquences qu’elles sont susceptibles d’avoir. Ce nouvel amendement en est l’illustration.

Alors qu’EDF connaît une transition majeure, la transformation de cette entreprise en établissement public a été votée sans que ni La France insoumise, ni le Rassemblement national n’aient mené de réflexion préalable sur les conséquences financières de cette mesure pour le programme nucléaire et les énergies renouvelables. De même, le rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz aura des conséquences contentieuses gigantesques pour les consommateurs que vous prétendez défendre.

Désormais, vous voulez nationaliser Engie, qui est un leader mondial de l’énergie, sans y avoir davantage réfléchi. Évidemment, vous empêcherez ainsi cette entreprise de poursuivre les activités – critiques pour la France – qu’elle mène dans soixante-dix pays. Les conséquences en matière d’emploi seraient colossales.

Les groupes La France insoumise et Rassemblement national, qui voteront sans doute, ensemble, cet amendement, appelaient depuis longtemps de leurs vœux une programmation dans le domaine de l’énergie. Je ne suis pas sûr que nous rendions service à notre travail de parlementaires en adoptant « par-dessus la jambe » des amendements d’une telle portée, qui méritent des discussions préalables approfondies. Avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je comprends que vous soyez marri des votes précédents. Certaines de ces dispositions auraient pu être intégrées en amont, si le Gouvernement avait bien voulu organiser une concertation puis déposer un projet de loi, au lieu d’agir comme il le fait.

On ne peut pas vous laisser dire que nous avons adopté « par-dessus la jambe », sans réflexion, des amendements aussi structurants pour le système énergétique, alors que nos projets de transformation d’EDF en établissement public, de rétablissement du tarif réglementé du gaz et de renationalisation de ce qui était hier GDF sont très précis, pensés depuis des années et se fondent sur le bilan désastreux de la libéralisation de l’énergie.

Vous pensez que celle-ci a produit un miracle, que chaque Français peut constater sur sa facture d’électricité ou de gaz ; nous pensons, pour notre part, qu’elle a engendré un désastre et qu’il est temps d’y mettre fin.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE533 et CE534 de M. Antoine Armand, rapporteur.

 

Amendement CE420 de M. Julien Brugerolles

M. Julien Brugerolles (GDR). Outre la diversification des importations de gaz naturel, nous devons également viser leur diminution. L’article ne traite pas de la question de la part du gaz naturel dans notre mix énergétique, qui est pourtant centrale.

M. Antoine Armand, rapporteur. Le code de l’énergie énonce cet objectif, me semble-t-il. J’émets toutefois un avis favorable car l’objectif mentionné a sa place dans la proposition de loi. Je serai en revanche défavorable à l’amendement CE537, qui est similaire.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Depuis le début de l’examen du texte, nous insistons sur les nécessités de réduire l’usage des énergies fossiles et de décarboner l’économie, d’autant que nous dépendons, pour une partie de nos importations de gaz, des productions américaines ou russes de gaz de schiste, qui ont un lourd impact climatique. L’objectif ne peut donc pas être uniquement de diversifier nos importations de gaz : il nous faut également en réduire le volume. Nous nous rallions très volontiers à la rédaction proposée par monsieur Brugerolles.

M. Jérôme Nury (DR). L’affichage d’un objectif de diminution des importations de gaz est hypocrite. Il faut bien que certaines énergies apportent une contrepartie à l’intermittence des énergies éolienne et photovoltaïque, dont vous avez prévu le développement au cours des dix prochaines années. La plupart du temps, cette contrepartie est le gaz naturel. Vos objectifs sont bien beaux, mais je ne suis pas sûr que nous ayons les moyens de les tenir.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Les spécialistes parlent de variabilité des énergies renouvelables plutôt que d’intermittence. Les nombreux travaux en cours relatifs à cette question, aussi bien chez RTE qu’à l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou à Enedis sont très rassurants concernant le développement de ces énergies.

En outre, dans les dix années qui viennent, la part du nucléaire n’évoluera pas beaucoup, à moins que l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) ne décide de fermer les vieux réacteurs.

Rappelons enfin que nous modulons déjà la production électrique du parc nucléaire, y compris pour des raisons économiques – nous produisons moins quand l’électricité se vend moins cher.

On travaille beaucoup, à l’heure actuelle, sur la question de la flexibilité, y compris de la demande. Quantité de travaux visent à ce que l’on décale les usages et que l’on adapte la consommation à la courbe en cloche de la production quotidienne d’énergie solaire – même si ce ne sera pas toujours possible, évidemment. En tout état de cause, ce n’est pas la peine d’effrayer nos concitoyens.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE183 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

M. René Pilato (LFI-NFP). L’extraction du gaz de schiste est interdite en France depuis 2011. Nous demandons de graver dans le marbre de la loi l’objectif d’exclusion des importations de ce gaz. Ce dernier doit être extrait à des profondeurs allant de 1 500 à 3 000 mètres, là où les nappes phréatiques se remplissent par un procédé de filtration nécessitant dix à cinquante ans. Alors que 43 % des eaux du robinet sont polluées, de grâce, ne polluons pas ces nappes phréatiques : pensons à nos enfants et à nos petits-enfants.

M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage votre objectif. Toutefois, je ne sais pas exactement quelle proportion représente le gaz de schiste dans nos importations totales de gaz. Je pense toutefois qu’elle est suffisamment élevée pour que nous ne puissions pas nous en passer l’année prochaine. Je vérifierai cela d’ici à la séance. Si la part en question est très faible, nous pourrions éventuellement faire le choix de l’évolution, de la résilience, de la sévérité ; mais je crois qu’elle est extrêmement élevée, d’autant plus que nous avons réduit, tout à l’heure, nos importations de gaz russe – c’est ce que vous avez souhaité faire, avec vos alliés politiques, même si je sais que vous ne partagiez pas cette position, monsieur Tavel –, ce qui accroît notre dépendance au gaz américain. Avis défavorable, à ce stade, pour des raisons de sécurité d’approvisionnement.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je ne peux pas vous laisser dire cela. Pour notre part, que le gaz provienne de Russie, des États-Unis, du Qatar ou d’ailleurs, nos exigences sont les mêmes. Ce qui nous importe, c’est le bilan carbone des importations et leur usage. Nous souhaitons leur diminution, car nous pensons qu’il faut sortir des énergies fossiles – y compris, à terme, du gaz naturel, d’où qu’il vienne.

Il faut sortir plus vite encore du gaz de schiste, dont les conditions d’extraction sont particulièrement dommageables pour les écosystèmes, notamment à cause des fuites de méthane. Nous proposons donc d’exclure son importation, même si nous pourrions discuter de la phase d’ajustement, qui ne doit pas durer plus de quelques années. Il serait hypocrite de rejeter ce mode d’extraction chez nous tout en accueillant à bras ouverts le gaz américain qui en est issu.

M. Charles Fournier (EcoS). Il serait problématique de s’affranchir de toute exigence concernant nos importations et de reporter à un horizon lointain la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la décarbonation, au nom de la sécurité d’approvisionnement. Nous devons également agir pour que les autres pays réduisent leur production de gaz de schiste, car celle-ci pose de sérieux problèmes.

Si le gaz de schiste représente une part majoritaire de nos importations de gaz naturel, peut-être pourrions-nous discuter d’un délai avant d’interdire son importation mais il serait déraisonnable d’y renoncer alors que nous avons prohibé l’extraction du gaz de schiste en France. Nous vivons tous sur la même planète.

M. Antoine Armand, rapporteur. D’ici à l’examen du texte en séance publique, nous pourrions réfléchir à une évolution réaliste, sous réserve de la proportion que représente le gaz de schiste dans nos importations de gaz naturel. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE537 de Mme Julie Laernoes

M. Benoît Biteau (EcoS). Le texte fixe un objectif de « diversification » des importations de gaz naturel. Ce n’est pas acceptable car cela revient à justifier l’augmentation de notre dépendance au gaz, notamment au gaz naturel liquéfié (GNL) américain ou russe issu du gaz de schiste, qui a un lourd impact climatique. Nous proposons de clarifier la trajectoire en fixant un objectif de réduction graduelle de nos importations de gaz, ce qui constituerait un signal politique majeur.

Pour respecter nos engagements climatiques, nous devons en effet sortir de l’énergie fossile plutôt que d’en diversifier la provenance, et encourager les alternatives par la sobriété, l’efficacité et le recours aux énergies renouvelables.

En outre, la notion de diversification entretient l’illusion que le gaz naturel serait propre, parce que produit autrement ou ailleurs.

M. Antoine Armand, rapporteur. Nous venons d’adopter l’amendement CE420, dont la rédaction me paraît plus adaptée. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE178 de M. Nicolas Meizonnet.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE467 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Le présent amendement vise à réécrire l’article L. 100-2 du code de l’énergie. La France ne pourra atteindre ses objectifs énergétiques, climatiques et industriels qu’en déployant des moyens cohérents, techniquement réalistes, économiquement soutenables et politiquement souverains. À cette fin, nous proposons plusieurs leviers d’action, regroupés en six axes. Il convient, à notre sens, de recentrer la politique énergétique sur les besoins fondamentaux de la nation, en affirmant le rôle stratégique de l’État dans la garantie d’un accès universel, stable et abordable à l’énergie ; de reprendre le contrôle public et stratégique du système énergétique, en réaffirmant le rôle central de la puissance publique dans la planification et la fourniture d’électricité ou de gaz ; de prioriser le développement des énergies pilotables et bas-carbone – nucléaire, hydraulique, géothermie, biomasse, chaleur nucléaire et cogénération. Il faut également structurer des filières industrielles stratégiques et moderniser les infrastructures ; enfin, il importe de soutenir l’innovation, la formation et la transparence, en renforçant l’engagement de l’État dans la recherche et l’innovation énergétique, notamment dans le nucléaire et l’hydrogène bas-carbone, dans une logique de long terme.

Nous voulons remettre les moyens de la politique énergétique en cohérence avec ses finalités, dans une logique d’efficacité de la décarbonation, d’optimisation des coûts, de minimisation des prix, de maîtrise industrielle et de souveraineté nationale.

M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement vise à réécrire l’article dans lequel s’inséreront de nombreuses dispositions de la proposition de loi. Pour la clarté des débats et pour éviter de voter des dispositions contradictoires, mieux vaut procéder à une réécriture alinéa par alinéa. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE468 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Nous proposons de réécrire l’article L. 100-4 du code de l’énergie, afin de refonder la politique énergétique nationale sur des principes de pragmatisme, de souveraineté et de cohérence scientifique. Nos trois impératifs sont de renforcer notre souveraineté énergétique, de réduire durablement notre dépendance aux énergies fossiles et de répondre efficacement à l’urgence climatique et écologique, sans sacrifier la sécurité d’approvisionnement, la compétitivité industrielle et le pouvoir d’achat des Français.

La politique énergétique doit être recentrée sur des piliers robustes, pilotables et décarbonés, en particulier le nucléaire, l’hydroélectricité, la géothermie et la biomasse. Nous ne nions pas l’intérêt de certaines énergies renouvelables, mais nous refusons de construire l’ensemble de notre stratégie sur des ressources intermittentes, dépendantes du vent et du soleil, car ce serait une erreur stratégique et technique.

Notre amendement ne marque pas un renoncement, mais un choix d’efficacité. Il privilégie des filières éprouvées, dont la performance est reconnue, la disponibilité, constante et la décarbonation, réelle.

M. Antoine Armand, rapporteur. Même argument que pour l’amendement précédent. La quasi-totalité des articles de la proposition de loi font référence à l’article 100-4 du code de l’énergie. Si nous le réécrivions intégralement, la clarté de nos débats s’en trouverait compromise.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE133 de M. Jérôme Nury

M. Jérôme Nury (DR). L’amendement vise à préciser que la politique énergétique de la France est fondée prioritairement sur la production d’électricité d’origine nucléaire et hydraulique « dans le respect des exigences de sécurité de l’approvisionnement, de compétitivité, de maîtrise des coûts pour les consommateurs et de préservation de l’environnement ».

M. Antoine Armand, rapporteur. Cette disposition risquerait d’entrer en contradiction avec le code de l’énergie, puisque l’amendement ne l’insère pas en son sein. Je demande donc son retrait afin que nous discutions de son éventuelle insertion dans le code en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

 

Article 1er bis (article L. 100-2 du code de l’énergie) : Garantie d’accès à l’énergie pour les foyers ruraux mal raccordés au réseau

 

Amendements de suppression CE538 de M. Antoine Armand et CE360 de Mme Julie Laernoes

M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose la suppression de l’article, qui a été introduit par le Sénat en séance publique. Ses dispositions sont déjà satisfaites par le code de l’énergie : le 5° de l’article L. 100-1 prévoit en effet que « la politique énergétique garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources » et le 9° de l’article L. 100-2 fixe comme priorité d’« assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins. ».

Mme Dominique Voynet (EcoS). Plusieurs termes de cet article – « notamment ruraux », « sans coût excessif »… – sont imprécis. La rédaction n’est pas exempte d’ambiguïtés, puisqu’on ne sait pas exactement à quelles énergies l’article se réfère : s’agit-il, par exemple, d’encourager le maintien du raccordement au fioul ou à d’autres énergies fossiles, ou bien de choisir des énergies écologiquement propres et financièrement supportables ?

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet article pose le principe d’un traitement différencié des zones rurales en prévoyant le versement d’exonérations. Il aurait pu être utilement réécrit, plutôt que supprimé, pour accompagner les territoires dans le cadre de la sortie du chauffage au fioul. Notre amendement CE218, qui tomberait en cas d’adoption des amendements de suppression, propose ainsi de modifier la rédaction de son alinéa 2 de façon à garantir à chaque foyer, sur l’ensemble du territoire national, « un soutien public à la conversion des modes de chauffage ».

M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage votre objectif mais, si une telle disposition devait être adoptée, elle aurait davantage sa place dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er bis est supprimé et les autres amendements tombent.

 

 

Article 2 (article L. 100-2 du code de l’énergie) : Abrogation de l’objectif de croissance de la composante carbone des taxes intérieures sur la consommation d’énergie

 

Amendements de suppression CE541 de M. Antoine Armand, CE7 de Mme Olga Givernet, CE55 de Mme Cyrielle Châtelain, CE221 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE422 de M. Julien Brugerolles et CE445 de M. Philippe Bolo

Mme Olga Givernet (EPR). La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, qui a défini l’objectif de neutralité carbone en 2050 pour répondre à l’urgence climatique et à l’accord de Paris, instaure la sortie progressive des énergies fossiles. En conséquence, la fiscalité des énergies décarbonées doit être plus incitative que celle des énergies fossiles importées. La trajectoire d’élargissement progressif de la part carbone dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies, prévue par le 4° de l’article L. 100‑2 du code de l’énergie, doit donc être maintenue.

M. Charles Fournier (EcoS). La fiscalité carbone est l’un des leviers pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Lorsque la taxe carbone a été mise en œuvre, le Président Emmanuel Macron a commis l’erreur de ne prévoir ni concertation, ni compensation, mais le principe doit être maintenu.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) confirme que les Français ne sont pas hostiles à une taxe carbone, pourvu qu’elle soit accompagnée de mesures de compensation sociale ou territoriale. Il faut donc rétablir cette taxe, supprimée par le Sénat, et l’orienter différemment.

M. Julien Brugerolles (GDR). On peut être opposé à certaines modalités de la taxe carbone mais il faut rétablir cette disposition du code de l’énergie, qui prévoit la compensation à due concurrence de l’augmentation de la fiscalité carbone au profit des usagers.

M. Philippe Bolo (Dem). Ne nous berçons pas d’illusions : nous ne parviendrons pas atteindre nos objectifs de lutte contre le changement climatique sans signal-prix. Il ne nous sera pas possible, en effet, de stocker le carbone émis dans l’atmosphère depuis l’ère préindustrielle. En outre, renoncer à cet outil reviendrait à ignorer le coût de l’inaction, qui pèsera alors sur nos enfants. L’acceptabilité de la hausse de la fiscalité sur les énergies fossiles passe par une juste répartition des efforts de décarbonation en fonction des revenus, des territoires et des responsabilités.

M. Antoine Armand, rapporteur. La fiscalité carbone est un sujet impopulaire et difficile, mais renoncer à son principe et à son nécessaire rééquilibrage serait très dangereux et très démagogique, même si nous devons encore trouver les solutions pour financer une transition plus juste.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous partageons l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre – nous n’avons cessé de plaider en ce sens – mais nous avons toujours préféré la réglementation aux taxes. C’est une position républicaine, planificatrice et, surtout, de justice, car la taxe ne pénalise que ceux qui ne peuvent pas la payer ; les plus riches peuvent s’en acquitter sans rien changer à leur mode de vie.

L’augmentation de la taxe carbone sans accompagnement ni compensation finit par faire de l’écologie un produit de luxe, ce qui alimente le rejet de l’exigence de transformation écologique, alors que nous devrions chercher à construire la majorité sociale la plus large possible. Aussi faudrait-il s’attaquer, en premier lieu, aux nombreuses injustices fiscales et sociales – absence de transports en commun dans certaines parties du territoire, leasing social à éclipse concernant les véhicules électriques, aménagement du territoire inexistant, report du paiement du chèque énergie, absence de taxation du kérosène utilisé dans l’aviation, etc.

M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Tavel, votre argumentation traduit une certaine gêne. Vos critiques sont pertinentes, mais notre débat porte précisément sur les modalités et le champ de la taxation carbone ; notre réflexion prend en compte la taxation du kérosène, par exemple. Il est fondamental que la fiscalité du carbone évolue et que nos dispositifs fiscaux et financiers soient davantage orientés vers la décarbonation. Il est plus facile de dire qu’il ne faut pas bouger, comme vous le faites, au nom des conséquences de ces mesures pour les plus modestes, que de trouver des moyens pour que ces derniers sortent des solutions carbonées. Renoncer au principe de la taxation carbone compromettrait notre capacité à atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Il est irresponsable de défendre des amendements pour dire que l’on ne va pas assez vite en matière de décarbonation tout en s’opposant à l’emploi du levier fiscal. Je vous invite donc à dépasser votre position partisane et à voter en faveur de ces amendements ou, à tout le moins, à vous abstenir.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements CE42 de Mme Olga Givernet, CE126 de M. Jean-Luc Fugit, CE423 de M. Julien Brugerolles, CE250 de M. Karim Benbrahim et CE8 de Mme Olga Givernet tombent.

 

La réunion est suspendue de vingt-trois heures cinq à vingt-trois heures quarante-cinq.

 

 

Après l’article 2

 

Amendement CE477 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Le 5° de l’article L 100-2 du code de l’énergie emploie le terme assez flou de « filières industrielles de la croissance verte ». Nous proposons une nouvelle rédaction afin de préciser que l’État doit participer à la structuration de « filières industrielles dans les secteurs du nucléaire, de l’hydroélectricité, de la géothermie, de la valorisation de la biomasse, des pompes à chaleur et de la rénovation thermique des bâtiments, en veillant à leur compétitivité économique et leur ancrage territorial ».

M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis d’accord sur le fait que l’expression « filières industrielles de la croissance verte » ne veut pas dire grand-chose. Cela étant, je m’interroge sur les critères que vous avez retenus pour opérer ce choix de filières : à moins que vous ne soyez favorables à leur démantèlement, pourquoi ne pas mentionner les filières de l’hydrogène, des panneaux photovoltaïques et de l’éolien ? Je vous propose de retirer votre amendement, quitte à discuter d’une disposition plus complète en séance ; à défaut, avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). En creux, cet amendement affirme qu’il faut déstructurer des filières dans le domaine des énergies renouvelables. Je rappelle que l’éolien en mer représentait à lui seul, en 2023, 8 600 emplois directs – et sans doute un peu plus aujourd’hui. Si l’objectif de structuration des filières peut s’entendre, il ne concernerait, selon vous, que certaines d’entre elles et rien ne nous est dit quant aux moyens d’y parvenir. Il faut donc rejeter cet amendement totalement incomplet.

M. Maxime Amblard (RN). Structurer ne veut pas dire déstructurer : ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas. Conformément à ce que défend le Rassemblement national, les filières choisies sont pilotables et décarbonées.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE478 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise, dans une logique pragmatique, à autoriser et à développer l’exploration et l’exploitation des réserves nationales d’hydrocarbures jusqu’à ce que la France puisse se passer économiquement et techniquement de ces énergies fossiles. Cela serait préférable à la pratique hypocrite consistant à importer de telles énergies de pays où l’on ne sait pas forcément dans quelles conditions sanitaires et environnementales elles sont exploitées. Autant valoriser les réserves existantes en France. Les revenus issus de cette exploitation devraient être entièrement consacrés au financement de la transition écologique et à l’effort national de réindustrialisation.

M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement a au moins le mérite de la clarté : pour vous, la transition énergétique et écologique n’est pas urgente au point d’exiger l’allocation immédiate de moyens à la décarbonation. Si une telle exploitation devait être réautorisée, j’imagine que vous expliqueriez ensuite qu’on ne doit pas l’arrêter compte tenu des investissements réalisés. C’est ce que l’on constate dans des pays en régression écologique qui ne sont ni plus souverains, ni plus sobres énergétiquement. Avis défavorable.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Monsieur Amblard, je suis étonné par votre proposition, qui vise à éviter d’importer de l’énergie fossile de pays étrangers. Il me semble en effet vous avoir entendu proposer, la semaine dernière, dans une interview, d’importer des technologies nucléaires de Corée. J’ai du mal à suivre votre pensée et vous invite à davantage de cohérence sur les questions énergétiques.

M. Benoît Biteau (EcoS). Les propositions de nos collègues du Rassemblement national se distinguent par l’absence d’une approche globale et par des raccourcis simplistes. Vous nous présentez un amendement qui pourrait conduire à ce qu’on aille chercher des gaz de schiste dans notre sous-sol sans imaginer les déséquilibres que cela créerait dans de nombreux domaines tels que la gestion des ressources en eau, la gestion des sous-sols, etc. J’espère qu’on ne vous confiera jamais l’avenir de notre pays.

M. Maxime Amblard (RN). À l’heure actuelle, 40 % de notre mix énergétique final est composé d’énergies fossiles. Je ne vois pas comment nous pourrions nous en passer d’ici à cinq ou dix ans : c’est physiquement impossible. Exploiter notre sous-sol pour éviter d’importer de l’énergie est donc simplement pragmatique.

Monsieur Armand, l’amendement indique noir sur blanc que l’exploitation de ces énergies aura lieu jusqu’à ce que l’on arrive à s’en passer, et qu’elle servira à financer la transition écologique. Ne me faites donc pas dire ce que je n’ai pas dit.

Monsieur Fugit, je n’ai pas eu l’occasion de préciser dans l’interview à laquelle vous faites référence – ce que j’ai fait dans un autre entretien qui sera publié prochainement – qu’EDF passera toujours en priorité et qu’il ne serait donc pas en concurrence avec des réacteurs coréens.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Cet amendement est incohérent : si on réautorise l’exploitation des hydrocarbures en France pour les fermer demain, ce sera un gaspillage d’argent public ; si on les réautorise pour les garder ouverts, ce sera incohérent avec les objectifs climatiques de la France, la préservation de la biodiversité, de la ressource en eau, etc.

Face à la dépendance aux importations d’hydrocarbure, la meilleure solution est de s’en passer grâce à la sobriété, à l’électrification ou par d’autres moyens.

Vous avez évoqué plusieurs fois, avec monsieur Tanguy, votre volonté d’extraire du gaz et du pétrole de schiste en France, mais vous semblez désormais plutôt mal à l’aise avec cela, sans doute parce que cela n’a pas bonne presse dans vos circonscriptions.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE479 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise à réécrire le 6° de l’article 100-2 du code de l’énergie pour assurer l’information de tous et la transparence sur les coûts complets de chaque source d’énergie, en prenant en compte tous les éléments du système, à savoir la production, le transport, la distribution et le stockage. Cela permettrait de faire des choix éclairés sur les sources d’énergie à privilégier en prenant en compte l’ensemble des coûts. Lorsqu’on ne dispose que d’une partie des chiffres, on peut parfois faire croire que certaines énergies sont plus vertueuses que d’autres, ce qui n’est pas le cas en réalité.

M. Antoine Armand, rapporteur. Sur le fond, je partage l’objectif de cet amendement. Les coûts complets manquent en effet dans les études relatives aux énergies renouvelables comme à l’énergie nucléaire. Ces données seraient très utiles. Ainsi, pour obtenir le coût réel de certaines énergies renouvelables électriques, en particulier lorsqu’elles sont disséminées, il faut prendre en compte le coût de raccordement et l’impact sur le réseau ; cela permet de constater qu’elles sont plus chères que les prix négatifs auxquels elles s’affichent parfois. Toutefois, je suis gêné par l’emplacement de cette disposition au sein du code de l’énergie et par son niveau de détail. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). On comprend le sous-entendu : les énergies renouvelables coûteraient plus cher, une fois l’ensemble des coûts pris en compte, que l’énergie nucléaire. Or les chiffrages existent. L’étude de RTE « Futurs énergétiques 2050 », publiée en 2021, avait estimé à 10 % à 15 % l’écart entre le scénario le plus nucléarisé et celui où le mix était composé à 100 % d’énergies renouvelables. Il se fondait sur la première estimation par EDF de son programme de six EPR 2, qui était de l’ordre de 52 milliards d’euros. Depuis, son coût a augmenté de 30 % et la Cour des comptes a affirmé qu’il serait multiplié par deux. La comparaison ne sera donc peut-être pas favorable au nucléaire. RTE indiquait également que les investissements dans le réseau se chiffraient à 100 milliards d’euros, pour lui comme pour Enedis, dans les dix à quinze ans à venir. Le montant de ces investissements, nécessaires en raison de la vétusté des réseaux et de l’adaptation au changement climatique, est indépendant de la composition du mix.

M. Maxime Amblard (RN). Cette étude montre que, plus on augmente la part du nucléaire, moins le mix énergétique coûte cher. Concernant les investissements de RTE dans le réseau, près de 60 milliards d’euros devront être consacrés à l’intégration des énergies renouvelables : 38 milliards d’euros, soit l’équivalent du coût de construction de quatre EPR 2, pour les éoliennes en mer et le reste pour les énergies renouvelables intermittentes. Pour Enedis, cette part est de 56 milliards d’euros.

M. Antoine Armand, rapporteur. Monsieur Laisney, vous avez omis de préciser dans quel sens penchait l’écart de 10 % à 15 % que vous avez cité : les scénarios les plus récents de RTE montrent que le mix composé à 100 % d’énergies renouvelables est le plus onéreux.

Si, comme vous le souhaitez, EDF devenait un établissement public, cela aurait des conséquences immédiates – et fatales pour le consommateur – sur le prix de l’électricité et sur la quantité produite. La capacité du parc nucléaire existant est actuellement de 360 TWh. L’ambition d’EDF est d’atteindre une capacité de 400 TWh, ce qui demande une capacité supplémentaire de 40 TWh, soit environ les deux tiers de ce que la programmation pluriannuelle actuelle prévoit au titre de la production d’énergie renouvelable électrique supplémentaire, alors que celle-ci n’est pas disponible à tout moment. Il faut intégrer aux coûts de production et aux coûts du réseau ce qui a déjà été investi dans le nucléaire existant, ce qui renchérit certaines énergies par rapport au nucléaire.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. RTE estimait effectivement en 2021 que les énergies renouvelables seraient 10 % à 15 % plus chères, mais il faut actualiser cette estimation en tenant compte des coûts du nouveau nucléaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE491 de M. Maxime Amblard

M. Maxime Amblard (RN). L’amendement propose de remplacer le terme générique « économies d’énergie » par celui, plus précis et plus concret, de « lutte contre le gaspillage énergétique ».

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE542 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur. Dans une logique de clarification du code de l’énergie, cet amendement a pour objet d’abroger son article L. 100‑3, aux termes duquel : « Pour contribuer aux objectifs définis à l’article L. 100-1, la fiscalité des énergies tient compte de l’incidence de leur utilisation sur la compétitivité de l’économie, la santé publique, l’environnement ainsi que la sécurité d’approvisionnement et vise, au regard de ces objectifs, à un traitement équilibré des différents types d’énergie. Elle tient compte, par ailleurs, de la nécessité de rendre les énergies renouvelables compétitives, afin de favoriser leur développement. ». Cet article n’a aucune portée normative et risque de créer une confusion avec certaines dispositions des articles L. 100-1 et L. 100-2 du même code.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). On peut s’accorder sur le fait que cet article énonce des principes d’une grande généralité, mais on touche du doigt la limite de notre exercice : nous supprimons des dispositions relatives à la fiscalité, mais nous n’avons pas la possibilité d’en ajouter. Nous ne disposons pas des éléments d’information propres à une loi de programmation et sommes privés de débats budgétaires depuis trois ans. La question est donc de savoir dans quel cadre nous pourrons avoir une discussion globale sur la fiscalité. Dans l’attente de cette discussion, il me semble préférable de conserver la rédaction actuelle. Je m’opposerai donc à votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du lundi 2 juin 2025 à 21 h 30

Présents. - M. Charles Alloncle, M. Maxime Amblard, M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Philippe Bolo, M. Julien Brugerolles, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Alma Dufour, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, Mme Olga Givernet, Mme Géraldine Grangier, M. Maxime Laisney, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Eric Liégeon, M. René Lioret, Mme Sandra Marsaud, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. René Pilato, M. Jean-Pierre Taite, M. Matthias Tavel, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Frédéric Weber

Excusés. - M. Laurent Alexandre, M. Moerani Frébault, M. Harold Huwart, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet

Assistait également à la réunion. - Mme Dominique Voynet