Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Antoine Armand, rapporteur) 2
Mardi 3 juin 2025
Séance de 21 heures 30
Compte rendu n° 107
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
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La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Antoine Armand, rapporteur).
Article 3 (suite) (articles L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Définition des objectifs de politique énergétique liés à l’énergie nucléaire et à la décarbonation des mix électrique et énergétique
Amendement CE547 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Il vise à supprimer les objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’uranium par le recours aux matières recyclées dans les combustibles nucléaires. Nous partageons l’objectif, mais inscrire des pourcentages dans la loi risque d’affaiblir notre capacité à suivre les évolutions technologiques du recyclage, voire du traitement du combustible.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE226 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous proposons de supprimer l’alinéa 11, qui prévoit de soutenir le développement de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium. Certes, les avantages sont indéniables, tant en matière de cycle du combustible que pour éviter la fusion du réacteur, mais ces réacteurs restent dangereux en raison des propriétés du sodium – risques d’embrasement dans l’air ou de réaction explosive avec l’eau. Par ailleurs, l’électronucléaire étant une énergie de transition, il n’est pas utile de fixer de tels objectifs.
M. Antoine Armand, rapporteur. Le refroidissement au sodium soulève des questions, cependant je suis défavorable à la suppression de toute référence aux réacteurs à neutrons rapides.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE548 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Les nombreuses auditions organisées dans le cadre de l’Opecst, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France l’ont montré : l’arrêt du surgénérateur Superphénix, à la fin des années 1990, était une grave erreur ; de même, il aurait fallu poursuivre le programme Astrid, consacré à l’étude à et la construction d’un réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle, même en réduisant la voilure.
Je propose donc de réécrire l’alinéa 11 pour y inscrire la décision de construire un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides au plus tard en 2030.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CE12 de Mme Olga Givernet et CE489 de M. Maxime Amblard tombent.
Amendement CE490 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Je propose de développer également la production de chaleur, soit avec des petits réacteurs calogènes spécifiquement construits, soit en recourant, comme la Suisse, à la cogénération nucléaire, grâce à de futures innovations. Le présent amendement vise à fixer l’objectif de 60 térawattheures par an de chaleur nucléaire en 2050.
M. Antoine Armand, rapporteur. Il faudra sans doute mentionner la fonction calogène, toutefois l’objectif me paraît difficile à atteindre.
M. Maxime Amblard (RN). Je l’ai évalué en discutant avec des représentants de Calogena et en prenant en compte la cogénération nucléaire que permettront les futures installations, à même de valoriser une bonne partie de la chaleur. L’objectif est donc raisonnable.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je regarderai plus précisément ces éléments d’ici à l’examen du texte en séance publique ; en attendant, je confirme mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission rejette l’article 3.
Article 4 (articles L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Définition d’objectifs de politique énergétique liés aux réseaux électriques, à la flexibilité, à l’hydrogène et aux technologies de capture et de stockage du dioxyde de carbone
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE540 de M. Antoine Armand, rapporteur.
Amendements identiques CE281 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CE367 de Mme Julie Laernoes
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’alinéa 3 prévoit de développer les réseaux de distribution et de transport d’électricité, afin notamment de les adapter aux effets du changement climatique. L’amendement CE281 vise à supprimer la mention de l’électricité nucléaire, car l’industrie qui la produit n’est pas résiliente : les réacteurs de bord de mer sont menacés par la montée des eaux, ceux de bord de fleuve par la baisse des débits – pour les affluents du Rhône, l’échéance est à 2040. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a annoncé la semaine dernière que nous allions passer le cap de + 1,5 degré entre 2025 et 2029. On voit difficilement comment nous pourrons refroidir les réacteurs, a fortiori ceux de type EPR 2, qui arriveraient vers 2040.
Mme Julie Laernoes (EcoS). S’agissant de stratégie énergétique, la question de l’adaptation des réseaux est primordiale. Ce n’est pas par dogmatisme que nous voulons enlever la référence au nucléaire, mais parce qu’elle est dépassée. Notre réseau électrique a été construit selon un modèle décentralisé. Afin de le décarboner, il faut le rendre plus robuste, non seulement en vue de l’électrification des usages, mais aussi pour l’adapter à accueillir la production d’énergies renouvelables, sans parler des conséquences du changement climatique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable. Il faut évidemment inclure le nucléaire dans le futur réseau, puisqu’il aura sa place dans la production.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Puisque nous avons rejeté l’article 3, il n’est plus question de nouvelles capacités de production nucléaire : par cohérence, nous devrions supprimer la mention du nucléaire à l’article 4.
Par ailleurs, le raccordement des nouvelles capacités nucléaires aurait un coût. Réseau de transport d’électricité (RTE) et Enedis ont annoncé 200 milliards d’investissements. Cette somme ne serait pas dépensée à perte pour le raccordement des seules énergies renouvelables, qui ne représenterait que 25 % du coût : les dépenses envisagées sont indispensables pour entretenir, renforcer et moderniser le réseau, qu’il faut adapter au changement climatique, en particulier si nous voulons électrifier les usages.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE10 de Mme Olga Givernet et CE120 de M. Jean-Luc Fugit (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’alinéa 3 prévoit de développer les réseaux afin « d’accompagner l’électrification des usages », or il faut aller plus loin. L’amendement CE10 tend à écrire qu’il faut la favoriser ; le CE120, qu’il faut l’encourager.
Jeudi matin, Daniel Salmon, sénateur du groupe Écologiste, et moi présenterons à l’Opecst notre note scientifique sur les réseaux électriques ; je vous invite à lire cette modeste contribution au débat.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose d’adopter le premier des deux amendements et je suggère donc à M. Fugit de retirer le second.
L’amendement CE120 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE10.
Amendement CE549 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Il tend à remplacer « l’abaissement des coûts unitaires » par « l’optimisation des investissements ». Il faudrait veiller à diminuer chaque coût ; par ailleurs, la notion de « coût unitaire » est imprécise. Enfin, l’importance du raccordement dans les années à venir ne devrait pas conduire à une baisse de son coût. L’objectif d’optimiser les investissements est plus précis et plus atteignable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE552 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement CE552 vise à supprimer l’alinéa 4, qui définit des objectifs très proches de ceux énoncés à l’alinéa 10, mais les inscrit à l’article L. 100-2 du code de l’énergie alors qu’il serait plus approprié de les placer à l’article L. 100-4, comme le prévoit l’alinéa 10. De plus, je défendrai dans un instant l’amendement CE554, qui tend à compéter l’alinéa 10 par un objectif d’effacement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE11 de Mme Olga Givernet
M. Antoine Armand, rapporteur. Je vous invite à retirer l’amendement CE11 au profit de l’amendement CE554.
L’amendement est retiré.
Amendements CE493 et CE492 de M. Maxime Amblard (discussion commune)
M. Maxime Amblard (RN). Ils visent à modifier respectivement l’alinéa 4 et l’alinéa 3, afin de tendre vers une structure en arborescence et non vers un mélange de stockage, de back-up, de production fatale et diffuse et de production déconcentrée : non seulement on ne s’y retrouve plus, mais cela oblige à renforcer le réseau, ce qui coûte un bras. La structure en arborescence assure une production pilotable et concentrée ainsi qu’une consommation fatale et diffuse : c’est l’organisation la plus optimisée, raison pour laquelle le réseau a ainsi été conçu après-guerre.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable. Faire référence à la structure en arborescence ne permet pas de décrire au mieux les choix que nous devons faire pour le réseau électrique.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CE551 de M. Antoine Armand et CE494 de M. Maxime Amblard
M. Antoine Armand, rapporteur. L’amendement CE551 vise à supprimer l’alinéa 5. En l’état, les dispositions relatives à l’effacement et à la flexibilité suffisent ; en outre, il faut simplifier le code de l’énergie.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je suis en profond désaccord. On parle d’encourager l’autoconsommation individuelle et collective, mais celle-ci est principalement freinée par le trop faible recours au réseau. La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ne favorise pas suffisamment l’autoconsommation. En tant qu’élue locale, j’ai soutenu des projets en ce sens, mais ce fut difficile, alors qu’il faut produire là où l’on consomme, de manière décarbonée et renouvelable. Je ne comprends donc pas pourquoi il faudrait supprimer cet alinéa, qui prévoit d’adapter le réseau en ce sens.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’autoconsommation constitue un bon moyen pour gérer l’équilibre entre l’offre et la demande et pour éviter de surdimensionner les capacités de production en vue de supporter les pointes de consommation. Il ne faut pas la supprimer du texte. Néanmoins, il faut que l’autoconsommateur paie les frais de réseau, puisqu’il l’utilise – il achète et il vend –, comme l’ont montré les auditions que Philippe Bolo et moi avons menées dans le cadre de la mission d’information sur le prix de l’électricité.
M. Maxime Amblard (RN). Dans la mesure où la production d’électricité est connectée au réseau, il n’y a pas à proprement parler d’autoconsommation. Il n’y a pas de localisme en matière d’électricité. Si l’autoconsommation augmente, le réseau sera plus sollicité, il faudra le densifier, ce qui augmentera les coûts. Cela va à l’encontre de l’optimisation.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CE230 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE333 de M. Vincent Rolland et CE426 de M. Julien Brugerolles tombent.
Amendements CE324 de M. Jean-Luc Fugit, CE141 de M. Nicolas Bonnet et CE495 de M. Maxime Amblard (discussion commune)
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’amendement CE324 tend à rendre les objectifs de capacité installée d’hydrogène cohérents avec la Stratégie nationale de l’hydrogène décarboné révisée, que le Gouvernement a publiée le 16 avril. Celle-ci prévoit de porter les capacités de production à 4,5 gigawatts en 2030 et à 8 en 2035.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’amendement CE141 vise à réécrire l’alinéa 7 en vue de développer la production d’hydrogène bas-carbone et renouvelable, ainsi que de donner la priorité aux usages qui n’ont pas d’autre solution, notamment dans l’industrie. Nous regrettons par ailleurs que les transports, par exemple, ne l’utilisent pas davantage ; toutefois, l’hydrogène bas-carbone est essentiellement nucléaire : il ne faut pas le généraliser à des usages pour lesquels l’intérêt est surtout proclamé – c’est le cas par exemple des villes qui se dotent d’un petit réseau.
M. Maxime Amblard (RN). L’amendement CE495 vise également à réécrire l’alinéa 7 afin de fixer l’objectif de 100 % d’hydrogène bas-carbone en 2035.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’hydrogène est spécifique ; il est important que la loi définisse des objectifs en la matière. La stratégie prévoit que la capacité des installations pourra aller jusqu’à 4,5 GW. L’amendement CE324 vise à préciser qu’elle sera d’au moins 4,5 GW. Toutefois, puisque je soutiens cette ambition, j’émets un avis favorable à cet amendement et un avis défavorable aux deux suivants, qui tendent à réserver l’hydrogène à certains usages.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous pourrions discuter de la liste des usages réservés, mais il est nécessaire de fixer des priorités : nous n’aurons pas suffisamment d’hydrogène pour tous les emplois possibles. Il serait donc pertinent de le réserver aux consommations industrielles qui n’ont pas de solution alternative, afin qu’elles ne s’en trouvent pas privées parce que d’autres acteurs l’utiliseraient à des fins plus rentables. Une stratégie et une planification sont donc nécessaires pour utiliser au mieux cette ressource qui restera rare.
M. Charles Fournier (EcoS). Il ne faut pas reproduire avec l’hydrogène l’erreur commise par le passé avec le pétrole, en imaginant qu’il pourra tout remplacer, et entrer dans une logique productiviste. Il faut prioriser les usages, en particulier la décarbonation de l’industrie, ainsi éventuellement que les mobilités lourdes, comme le ferroviaire et les bennes à ordures. Enfin, des voies restent à explorer concernant le stockage des énergies renouvelables. Néanmoins, nous devons rester prudents : les investissements sont significatifs et les choix que nous ferons engagent l’avenir. Donc oui à l’hydrogène comme un élément du mix, et non comme une solution universelle.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Les capacités de production d’hydrogène que nous proposons de viser pour 2035 ne sont pas de nature à faire croire que l’hydrogène pourra tout remplacer. J’ajoute que la stratégie donne clairement la priorité à la défossilisation de l’industrie et à celle des mobilités lourdes, fluviale, maritime, ferroviaire et en partie routière, même si, le 28 avril, j’ai regretté à la tribune que cette dernière ne soit pas suffisamment considérée. Il est donc d’autant moins nécessaire d’inscrire des objectifs aussi précis dans la loi qu’il s’agit d’une technologie de rupture, qui connaîtra nécessairement, d’ici à 2035, des évolutions qu’il est trop tôt pour prédire.
La commission adopte l’amendement CE324.
En conséquence, les amendements CE141 et CE495 tombent ainsi que tous les amendements se rapportant aux alinéas 7 à 9.
Amendement CE122 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Il vise à inscrire l’objectif de mettre en service 3 térawattheures (TWh) de capacités de stockage souterrain d’hydrogène et à assurer leur connexion à un réseau d’ici à 2035. Ces infrastructures de transport et de stockage sont essentielles pour garantir un approvisionnement continu. L’hydrogène n’est pas une énergie mais un vecteur énergétique stable ; les industriels ont besoin de ces prévisions. J’ajoute que ces infrastructures contribueront à optimiser les coûts de production et à offrir une flexibilité précieuse pour équilibrer le système électrique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je comprends vos intentions, mais étant donné la maturité des projets et les incertitudes qui pèsent sur le secteur, il serait plus sage de nous en tenir pour commencer à un objectif en capacité installée. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE123 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’hydrogène renouvelable et bas-carbone est un vecteur incontournable pour la décarbonation de certains secteurs. Le développement de ses usages a fait l’objet d’une modélisation par RTE (Réseau de transport d’électricité) dans le cadre d’un bilan prévisionnel d’ici à 2035. L’inscription d’un objectif en la matière dans la programmation énergétique servira notamment de base pour le cadrage d’un mécanisme incitant à réduire l’intensité carbone des carburants. Mais je crains que M. le rapporteur ne soit un peu sceptique.
M. Antoine Armand, rapporteur. Pas sceptique, mais prudent – c’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’Académie des sciences a présenté à l’Opecst un rapport qui pointait un certain scepticisme quant à la possibilité de produire massivement de l’hydrogène, y compris par des électrolyseurs. On peut toujours dire que cela devrait marcher, sur le plan de la physique, mais les dispositifs ne sont pas forcément très performants, parce que très énergivores. Je pense néanmoins que l’hydrogène fait partie des solutions. J’ai à cet égard une question : l’hydrogène bas-carbone comprend-il simplement celui qu’on produit avec de l’électricité d’origine nucléaire ou aussi celui produit à partir d’énergies fossiles mais en utilisant des technologies de captage et de stockage du CO2 ?
Mme Dominique Voynet (EcoS). M. Fugit a expliqué avec force détails qu’il ne fallait pas se cantonner à l’industrie et ainsi insisté sur l’utilisation potentielle de l’hydrogène dans les transports lourds. Pourquoi pas, mais je suis désolée du déséquilibre de cet amendement d’appel, travaillé avec France Hydrogène, qui fixe un objectif de 4,5 % d’hydrogène bas-carbone dans le secteur des transports à l’horizon 2035, mais ne dit pas grand-chose des 95,5 % restants, alors que le texte devrait traiter de l’utilisation massive des énergies fossiles. Vous étiez là, monsieur Fugit, quand l’Académie des sciences nous a dit qu’on ne pouvait raisonnablement utiliser l’hydrogène que dans l’industrie.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Aujourd’hui, a dit l’Académie des sciences. Or, nous sommes en train de tracer des perspectives pour les dix années qui viennent. Nul n’est capable de dire ce qui se passera dans le cas : ne laissons donc pas entendre qu’on n’arrivera pas à faire un usage raisonnable de l’hydrogène pour les mobilités lourdes. Par ailleurs, c’est un vecteur énergétique qui s’ajoute aux autres. Nous croyons à l’addition des solutions et non à des solutions uniques – l’hydrogène est ainsi très complémentaire de l’électrification.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CE553 de M. Antoine Armand, rapporteur.
Amendement CE554 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Il vise à rétablir un objectif d’effacement de la consommation afin d’inciter l’ensemble des acteurs, industries, services et agrégateurs, à proposer des capacités afin de contribuer à la flexibilité générale du système.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Quel est l’ordre de grandeur actuel de l’effacement de la consommation ?
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). C’est une chose de disposer de capacités d’effacement pour absorber un déséquilibre entre l’offre et la demande ; c’en est une autre d’en arriver là parce qu’on n’a pas été assez rapide en ce qui concerne, par exemple, les électrolyseurs pour produire de l’hydrogène lorsque l’offre est abondante. En matière d’effacement, les chiffres ne doivent pas être « en dur ». Idéalement, au lieu de débrancher, il faudrait orienter une partie de la production vers de l’hydrogène ; encore faudrait-il se donner la possibilité de le faire en temps et en heure.
Les capacités d’effacement dont il est question concernent-elles seulement les consommateurs ou aussi les producteurs ?
M. Antoine Armand, rapporteur. On parle en général d’écrêtement quand il s’agit de la production ; l’effacement ne concerne que la consommation.
L’ordre de grandeur était de 3 gigawatts ces dernières années. Il faut évidemment développer nos capacités, parce que c’est à la fois rentable économiquement et bon pour le réseau. Je dis à celles et ceux qui veulent développer au maximum les énergies renouvelables qu’on ne peut pas monter en charge sans développer la flexibilité sur le réseau électrique : l’effacement en fait partie.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE446 de Mme Louise Morel
Mme Louise Morel (Dem). Je tiens à attirer votre attention sur la place du bois dans le mix énergétique. Nous avons débattu du nucléaire, des énergies renouvelables et de l’hydraulique et nous parlerons aussi du biogaz, mais la biomasse solide est toujours absente de nos discussions. Or, ne pas aborder cette question dans le cadre de la programmation de l’énergie serait une erreur. Nous défendrons donc plusieurs amendements à ce sujet.
Beaucoup de nos concitoyens utilisent pour se chauffer la biomasse solide, par exemple des granulés de bois, tout particulièrement dans les régions les plus forestières, qui parfois sont aussi les plus froides. Intégrer une référence à la biomasse solide à l’alinéa 10 de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie nous semble donc utile. Nous rendrons notre mix énergétique plus résilient en ne nous bornant pas à mettre en avant le tout-électrique. La biomasse solide est une énergie de stockage qui permet notamment de faire face aux pics hivernaux de demande d’électricité, donc de limiter le risque de black-out, comme en ont connu d’autres pays.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je souscris pleinement à votre ambition au sujet de la biomasse solide, mais cet article n’est pas forcément la meilleure place pour aborder cette question, puisqu’il concerne la flexibilité en matière de consommation ou de stockage d’énergie. Vous avez totalement raison sur le fond, les pellets sont une manière de stocker de l’énergie, mais ils n’offrent pas une flexibilité du même ordre que le reste au sein du réseau. Je vous propose de retirer cet amendement, pour trouver d’ici à la séance où insérer un objectif concernant la biomasse solide.
Mme Louise Morel (Dem). Merci pour ces explications. Je retire l’amendement, mais nous souhaitons vraiment trouver une accroche claire et précise pour la biomasse solide : il faut mentionner toutes les énergies quand il est question de programmation.
L’amendement est retiré.
Amendement CE142 de M. Nicolas Bonnet
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit de supprimer les objectifs très ambitieux portant sur la captation et le stockage de carbone. Il peut être intéressant d’évoquer dans ce texte les technologies de captation du carbone, mais nous avons des doutes en ce qui concerne le stockage, en particulier géologique. Il présente, en effet, des difficultés absolument colossales et peut poser des questions pour notre avenir. Plus on se fixe des objectifs ambitieux en matière de stockage, plus on laisse à penser qu’on pourrait se dispenser d’une atténuation du changement climatique passant par une réduction des émissions de gaz à effet de serre, qu’il s’agirait de capter et de stocker. Par ailleurs, les objectifs fixés sont considérables, alors que ces technologies sont très consommatrices d’énergie. Pour toutes ces raisons, il ne nous semble pas raisonnable de maintenir l’alinéa 11.
M. Antoine Armand, rapporteur. On peut discuter de l’ampleur des ambitions, mais supprimer toute mention des technologies de captage et de stockage du dioxyde de carbone laisserait entendre qu’il existe une hostilité à leur égard. Avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous restons entre deux eaux, tant ce texte comporte d’incohérences, de répétitions et de formulations qui font penser que rien de tout cela n’est très réalisable, bref qu’on est dans l’incantation et dans de mauvais discours pronucléaires. Par ailleurs, le stockage de carbone ne relève pas de l’équilibre énergétique, mais des émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire du climat. Cet alinéa pourrait faire croire qu’on peut continuer à cramer des énergies fossiles comme des cochons puisqu’une solution technologique magique permettra d’enterrer le CO2, comme les déchets radioactifs à Cigéo. Il faudrait travailler sérieusement pour proposer des dispositifs cohérents, moins bavards et permettant de fixer des objectifs énergétiques. Ce qui nous est proposé n’a pas sa place ici.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). La question de la captation et du stockage de carbone n’a pas grand-chose à voir avec l’équilibre du réseau électrique. Par ailleurs, les objectifs très précis qui sont prévus sont totalement disproportionnés par rapport à ce que nous pourrions raisonnablement être en mesure de faire et d’accepter. Il ne faut pas se contenter de l’idée qu’on pourra capter le carbone à la sortie : on doit défossiliser à la source. Le risque est de présenter le captage et le stockage comme une solution qui permettrait de s’exonérer de la réduction des émissions à la source partout où c’est possible : il serait plus sage de supprimer l’alinéa 11.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Vous nous dites en gros que le captage et le stockage de CO2 n’auraient rien à voir avec l’énergie. Or, les deux amendements suivants tendent à ajouter une référence à l’utilisation du CO2. Si, par exemple, on le récupère à la fin de la méthanisation, qui produit environ 55 % de méthane et le reste de CO2, et qu’on le combine avec de l’hydrogène renouvelable produit par électrolyse au moyen d’une énergie renouvelable, on augmente le rendement en CH4 en faisant, cette fois, de la méthanation, et c’est donc bien d’énergie qu’il est question. J’invite nos collègues à retirer leur amendement au profit du mien.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 4 parle des réseaux, mais comporte des renvois à différents articles du code de l’énergie qui ne traitent pas que de cette question : l’argument selon lequel l’alinéa 11 n’est pas placé au bon endroit tombe.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE14 de Mme Danielle Brulebois et CE105 de M. Jean-Luc Fugit
Mme Danielle Brulebois (EPR). L’article 4 fixe un objectif ambitieux de développement des technologies de captage et de stockage du carbone. Il serait bon de mentionner aussi son utilisation : le réemploi du carbone permet de créer une économie circulaire et d’aider les entreprises qui n’ont pas accès à des technologies bas-carbone à décarboner.
Ces technologies supposent de transporter le carbone par des canalisations, qui n’existent pas encore, ou par des camions et des bateaux, pour le stocker ensuite dans des bassins sédimentaires ou en mer du Nord ou Méditerranée, seuls exutoires possibles pour l’heure. Or, la recherche montre que le carbone peut aussi être utilisé comme ressource pour produire de l’éthanol et du diesel, qui sont alors considérés comme des carburants neutres en carbone, très recherchés par l’aviation. Par ailleurs, ces technologies permettront à des entreprises, notamment nos industries lourdes, comme la métallurgie, la chimie ou le ciment, qui n’ont pas d’autre solution, de se décarboner. Si nous voulons les garder, il faut leur donner l’espoir de parvenir à le faire un jour.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je crois aux techniques de couplage, comme la méthanation. Elles permettent de produire de l’énergie supplémentaire et, quand on raisonne en cycle de vie, d’arriver à la neutralité carbone évoquée par ma collègue. Le rapporteur nous a dit, au début de l’examen du texte, qu’il visait plus à développer une vision, à donner une orientation, qu’à fixer des chiffres précis pour toutes les filières. Mentionner l’utilisation du CO2 dans cet alinéa permettra de donner une orientation en faveur des technologies de couplage, qui se développent, et en faveur de la recherche. Ce sera un message pour nos chercheurs de très haut niveau qui, à l’IFP Énergies nouvelles et d’autres instituts, travaillent sur ces technologies de transition.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis évidemment favorable à ces amendements.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Quand on prévoit non pas simplement de capter le carbone pour le stocker, mais de le réutiliser, on fait un effort, et je suis bien placé pour en parler compte tenu des projets qui existent du côté de Saint-Nazaire, notamment pour produire de l’e-méthanol et d’autres types de carburants. La limite, néanmoins, est qu’ainsi on ne cherche pas à réduire les émissions en défossilisant à la source. Ensuite, il n’est question à Saint-Nazaire que de 15 % de réutilisation, au mieux ; le reste serait stocké. Un tel ratio est faible compte tenu des sommes considérables qu’il s’agit d’investir – plus d’un milliard d’euros. La réutilisation est une option à préserver, mais il faut en discuter autrement qu’en se fixant des objectifs aussi figés et ambitieux que ceux figurant dans ce texte.
M. Charles Fournier (EcoS). Ce qui me pose problème, c’est l’ampleur des objectifs qui sont fixés et les conséquences pour la défossilisation des activités humaines. Autrement, autant utiliser le carbone si on le capte, car le stockage pose de vrais problèmes : le risque de dégazage est réel. Au Cameroun, le lac Nyos a connu un dégazage naturel de CO2 qui a causé immédiatement plus de 1 000 morts et la perte de milliers d’animaux. Le stockage en couche géologique n’est pas d’une fiabilité absolue. Il faudrait prendre en considération les risques, au lieu de se fixer des ambitions un peu sans limite.
La commission adopte les amendements.
Amendements CE617 de M. Antoine Armand, CE278 de M. Maxime Laisney et CE227 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)
M. Antoine Armand, rapporteur. Mon amendement vise à réécrire la fin de l’alinéa 11, qui me paraît imprécise : il est question de stocker les émissions de dioxyde de carbone des usages « pour lesquels il n’existe pas de technologie ou d’alternative ». Je propose plutôt de mentionner l’absence « d’alternative techniquement et économiquement viable permettant de réduire ces émissions ».
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). On voit bien qu’il manque une étude d’impact. Les technologies de captage, de stockage et d’utilisation du CO2 ne sont pas de petits enjeux. Je travaille sur cette question avec le sénateur Piednoir au sein de l’Opecst – nous avons déjà conduit beaucoup d’auditions. Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) dit que c’est à la fois la solution la plus chère et la moins efficace, et l’Ademe (Agence de la transition écologique) que les émissions annuelles s’élèvent à 385 mégatonnes, quand le texte fixe un objectif de 15 mégatonnes, ce qui est assez dérisoire. Nous avons également compris que ces solutions étaient largement développées par des entreprises simplement désireuses de vendre des droits à polluer à d’autres acteurs qui ne trouveront pas de solutions ou, peut-être, ne feront pas d’efforts. Mais en réalité ils en feront d’autant moins pour décarboner leurs modes de production si on commence à mentionner des situations transitoires. C’est pourquoi nous proposons de supprimer la fin de cet alinéa.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous préférons les deux premiers amendements, qui tendent à supprimer la référence à des « situations transitoires », à celui que nous avions déposé – il est moins-disant puisqu’il vise à autoriser de telles situations jusqu’en 2035.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je préfère mon amendement à celui de M. Laisney, même s’il est quasiment identique. Avis défavorable à celui de Mme Battistel, parce que nous ne voulons pas de situations transitoires.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous sommes effectivement d’accord sur la suppression des situations transitoires. Le raisonnement est un peu le même qu’hier au sujet de la réouverture éventuelle de puits de pétrole ou de gaz : si on fait des investissements, ce n’est pas pour démonter les installations deux ou trois ans plus tard, vu les sommes en jeu et la nécessité de construire des réseaux. Il s’agit forcément de décisions de long terme, et non transitoires.
Nous avons une préférence pour l’amendement de M. Laisney parce que la dimension technologique y est centrale. Votre amendement, monsieur le rapporteur, inclut la notion de viabilité économique, ce qui nous semble ouvrir la voie à des interprétations qui pourraient aller à l’encontre de l’intention qui est sans doute la vôtre.
La commission rejette l’amendement CE617, puis elle adopte l’amendement CE278.
En conséquence, l’amendement CE227 tombe.
La commission adopte l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Amendement CE447 de Mme Louise Morel
Mme Louise Morel (Dem). Cet amendement du groupe Les Démocrates porte de nouveau sur les granulés de bois – nous espérons qu’il est placé au bon endroit… Il s’agit, cette fois, de compléter l’article L. 100‑2 du code de l’énergie. Issus à 90 % de produits connexes de scierie, les granulés permettent de valoriser la production de bois d’œuvre et d’industrie grâce à de nouveaux débouchés.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je comprends l’ambition de cet amendement. Néanmoins, dans sa rédaction actuelle, il supprimerait la priorité accordée à l’alimentation dans le code de l’énergie. Le 10° de son article L. 100‑2 demande, en effet, de « valoriser la biomasse à des fins de production de matériaux et d’énergie, en conciliant cette valorisation avec les autres usages de l’agriculture et de la sylviculture, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire [...] » Votre amendement ajouterait là : « ou aux usages de la biomasse qui viennent en valorisation de coproduits ». En pratique, l’alimentation n’aurait plus la priorité par rapport à ces usages. Selon l’exposé des motifs, il s’agirait des granulés de bois, mais le dispositif de l’amendement ne le précise pas : il s’appliquerait à l’ensemble de la biomasse. Par conséquent, demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
Mme Louise Morel (Dem). Je comprends la difficulté que vous évoquez, mais le 10° de l’article L. 100‑2 vise d’abord à valoriser la biomasse. Il nous semble donc que c’est le bon endroit pour discuter du granulé de bois. Voulez-vous dire qu’il faudrait abandonner l’idée de mentionner son importance dans cet alinéa ou suggérez-vous de retravailler l’amendement en vue de la séance ?
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je trouve qu’il serait raisonnable de conserver la priorité donnée à la production alimentaire, mais qu’il faudrait également insister sur le fait que la biomasse est utilisée pour se chauffer par des millions de personnes, notamment dans les zones rurales. C’est peu cher et cela permet de valoriser des coproduits, non seulement des granulés de bois, mais aussi des plaquettes et des bûches. Je suis disponible, et je pense que tout mon groupe le sera aussi, pour travailler d’ici à la séance à un amendement qui permettrait d’insister sur l’intérêt du bois énergie.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame Morel, ce n’est pas tellement une question de place, puisque nous avons transformé hier soir EDF en établissement public au sein du même article du code de l’énergie – il peut donc embrasser large –, mais plutôt de rédaction. On pourrait peut-être préciser qu’il s’agit de biomasse solide, en mentionnant le bois.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Si l’amendement que vous évoquez a pu être considéré comme recevable, c’est parce qu’il avait un lien au moins indirect avec le reste du texte. Il en est évidemment de même pour la biomasse.
Mme Louise Morel (Dem). Je retire l’amendement pour retravailler sa rédaction d’ici à la séance.
L’amendement est retiré.
Article 5 (article L. 100-4 du code de l’énergie) : Définition des objectifs de politique énergétique liés à la production et à la consommation d’énergie décarbonée
Amendement CE497 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Cet amendement vise à réécrire l’alinéa 4 de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie afin de le mettre en cohérence avec le programme du Rassemblement national. Il s’agit notamment de porter la part des énergies décarbonées à au moins 51 % de la production finale brute d’énergie en 2030, et à 99 % en 2050, ce qui signifie une production presque totalement décarbonée. Le reste de l’amendement permet de détailler ces objectifs, y compris en valeur absolue. Nous souhaitons ainsi arriver à 1 400 térawattheures de production d’énergie finale totalement décarbonnée par an à l’horizon 2050.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait au profit de l’amendement CE555 rectifié ; sinon, avis défavorable. Je considère que des objectifs exprimés en pourcentage, pour la production brute et la consommation par énergie, sont de nature à rendre les choses encore un peu plus complexes et ne sont pas les plus adaptés.
M. Maxime Amblard (RN). Des objectifs seulement en pourcentage, oui, mais la deuxième partie de l’amendement comporte des objectifs en valeur absolue, exprimés en térawattheures. Les deux se complètent parfaitement – c’est cohérent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE555 rectifié de M. Antoine Armand, sous-amendements identiques CE630 de M. Karim Benbrahim et CE631 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, en discussion commune avec les sous-amendements CE584, CE637 et CE636 de Mme Julie Laernoes, sous-amendements CE624 de M. Maxime Laisney et CE626 de Mme Clémence Guetté, en discussion commune, sous-amendement CE621 de M. Matthias Tavel, sous-amendements CE625 de M. Matthias Tavel et CE627 de M. Maxime Laisney, en discussion commune, sous-amendements CE623 de Mme Clémence Guetté et CE629 de M. Matthias Tavel, en discussion commune, sous-amendements CE628 et CE633 de M. Maxime Laisney et CE622 de M. Matthias Tavel
M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose de réécrire l’article pour ne conserver que l’objectif de 58 % d’énergies décarbonées dans la consommation finale brute, ainsi que des chiffrages quantitatifs pour la production d’électricité décarbonée, de chaleur renouvelable et de biogaz. Il ne me semble pas raisonnable, en effet, de fixer des objectifs relatifs à la part d’énergies renouvelables : dans la mesure où l’objectif final est la décarbonation du mix énergétique, ce sont bien les quantités d’énergie décarbonée produites qui nous intéressent. Il me semble aussi que celles-ci sont plus claires pour les industriels, peuvent se traduire plus facilement au niveau réglementaire et reflètent mieux l’ampleur de la transformation industrielle à mener. Pour concentrer l’article 5 sur l’électrification, je propose également de supprimer la mention de la part de biocarburants dans la consommation de carburants, visée par ailleurs par les articles 6 et 7.
Je le redis : je ne pense pas que nous soyons les plus à même de déterminer des objectifs en pourcentage ou en valeur pour chacune des énergies. Notre rôle est de fixer un cadre général permettant d’atteindre les objectifs de décarbonation et de résilience industrielle.
M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement de M. le rapporteur ne mentionne que les énergies décarbonnées, et non les renouvelables. De surcroît, un objectif de 58 % d’énergies décarbonées nous placerait parmi les mauvais élèves de l’Union européenne et ne nous permettrait pas d’atteindre les objectifs de la directive « RED III » relative aux énergies renouvelables. Nous proposons donc de substituer aux mots « décarbonées à 58 % » les mots « renouvelables à 44 % » : au regard des ambitions affichées en matière de développement des énergies électronucléaires, un tel objectif porterait la part d’énergies décarbonées à 67 %.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons nous aussi de fixer un objectif de 44 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute à horizon 2030, en cohérence avec les engagements européens découlant de la directive « RED III » et conformément à la recommandation adressée par la Commission européenne à la France en décembre 2023. Comme nos collègues, nous tenons à ce que les objectifs portent sur les énergies renouvelables et non sur les énergies décarbonées : celles-ci englobent aussi l’énergie nucléaire et les énergies fossiles associées à des techniques de capture du carbone, si bien qu’on ne sait pas quelle serait la part des énergies renouvelables.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Mes trois sous-amendements visent un objectif similaire. Un pays comme la France, qui a accueilli la COP21 et se veut le champion du climat, doit au moins respecter les directives européennes qu’il a contribué à édicter. Or, pour atteindre l’objectif de 44 % d’énergies renouvelables, il faut porter de 58 % à 67 % l’objectif exprimé en termes d’énergies décarbonées.
Je propose aussi de ne pas évoquer un nombre précis de térawattheures, mais de viser un niveau suffisant en métropole continentale pour permettre à la France de respecter son objectif de part minimale d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie tel que fixé par la directive « RED III ».
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous avons bien compris que l’objectif était de remplacer « renouvelables » par « décarbonées », afin de substituer du nucléaire au renouvelable. Les sous-amendements CE624 et CE626 visent donc à fixer dans la loi la part d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie : le premier propose de la fixer à 44 %, tandis que le second, de repli, propose de la porter à 42,5 %. Ce serait déjà beaucoup par rapport à la situation actuelle et cela nous rapprocherait de nos engagements internationaux.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Le sous-amendement CE621 vise à fixer à l’horizon 2050 un objectif de 100 % d’énergies renouvelables, dont plusieurs scénarios – comme celui de négaWatt ou comme le scénario M0 de Réseau de transport d’électricité (RTE) – ont démontré qu’il était atteignable. Un rapport de Greenpeace met en évidence qu’en investissant dans les énergies renouvelables les sommes investies dans le nucléaire, on éviterait quatre fois plus d’émissions de CO2 d’ici 2050, tout en produisant sur la période trois fois plus d’électricité. Nous pensons que ce modèle reste l’avenir souhaitable, qu’il répondrait à l’urgence climatique – on ne sait pas comment refroidiront les réacteurs en 2050 – et qu’il nous éviterait de crouler pendant des millénaires sous des déchets dangereux que nous ne savons pas traiter.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous rejetons la catégorisation en énergies décarbonées, qui vise à effacer la distinction entre nucléaire et renouvelables, et nous nous opposons à la suppression de tout objectif pour les différentes filières d’énergies renouvelables. Vous prenez le risque d’installer un brouillard législatif alors que ces filières ont besoin, au contraire, de sécurité juridique et de visibilité à long terme pour pouvoir réaliser les investissements industriels nécessaires. De surcroît, vous avez conservé des objectifs chiffrés pour le nucléaire : la moindre des choses serait qu’il y en ait aussi pour les énergies renouvelables qui, selon le Président de la République et le Premier ministre, sont à la fois abondantes, décarbonées, compétitives et souveraines.
Nous proposons, avec le sous-amendement CE625, de porter la capacité installée de production d’électricité d’origine photovoltaïque à au moins 60 gigawatts et, avec le sous-amendement CE627, à au moins 54 GW. Ces objectifs correspondent à la fourchette des scénarios de RTE, et l’utilisation de l’expression « au moins » est un geste d’ouverture qui permettra au Gouvernement d’aller plus loin si les besoins en électricité devaient augmenter. Le développement des énergies renouvelables en général, et du photovoltaïque en particulier, est une nécessité pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Les sous-amendements CE623 et CE629 concernent l’énergie hydrolienne. Il est très important que cette énergie soit mentionnée dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et que lui soient fixés des objectifs atteignables à court et à moyen terme. Le premier, travaillé avec le Syndicat des énergies renouvelables (SER), fixe un objectif minimal de 250 mégawatts immédiatement – dans l’idéal, pour atteindre 1 GW en 2030 comme le propose le second. La France dispose, avec le raz Blanchard et le passage du Fromveur, d’atouts considérables. L’énergie hydrolienne, fondée sur les marées, est renouvelable et totalement prédictible, gage de stabilité pour le réseau.
Enfin, le sous-amendement CE622 concerne l’éolien en mer. J’insiste pour que figure l’objectif de 18 GW en 2035, avec des attributions d’au moins 1 GW par an. Ce n’est pas moi qui ai fixé ce rythme, qui découle d’échanges avec les turbiniers et les Chantiers de l’Atlantique. Pour consolider et développer une filière qui compte 8 000 emplois en France, il faut lui donner de la visibilité. L’échelonnement annuel lui permettra de débloquer des investissements importants. Tout le monde reconnaît les atouts de cette énergie, en particulier sur son facteur de charge particulièrement élevé.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Le sous-amendement CE633 vise à ajouter que la part des énergies renouvelables doit représenter au moins 40 % de la production d’électricité. Quant au CE628, il propose de préciser que la production d’énergie éolienne terrestre atteint au moins 35 GW. Cet objectif permettrait de sécuriser une trajectoire proche de la trajectoire de développement actuelle, qui atteint environ 1,5 GW par an. Même dans son scénario le plus nucléarisé, RTE estime qu’il faudrait multiplier par 2,5 les capacités installées d’éolien terrestre : quoi qu’on en pense, on n’a pas le choix. Il serait donc préférable d’inscrire cet objectif dans la loi, pour être certain de l’atteindre.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis défavorable à l’ensemble des sous-amendements.
Je rappelle d’abord que mon amendement propose que la part d’énergies décarbonées atteigne 58 % au moins de la consommation finale brute : cet objectif n’est pas un plancher.
Ensuite, je ne comprends pas le calcul ayant permis de déterminer l’objectif de 67 % de la consommation finale brute.
Enfin, je suis défavorable à la réintégration d’un pourcentage d’énergies renouvelables pour les raisons déjà évoquées – a fortiori énergie par énergie.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Vous aurez mal lu ces sous-amendements : ceux qui concernent les différentes énergies ne mentionnent pas des pourcentages de production ou de consommation mais une puissance installée, c’est-à-dire exactement ce que vous avez défendu pour le nucléaire. Le Président de la République lui-même, à Belfort comme à l’occasion des assises de l’économie de la mer, a donné des objectifs chiffrés. Si vous êtes en rupture avec lui, dites-le nous !
Je le répète : vous ne construirez pas de filières industrielles, ne créerez pas d’emplois et ne produirez pas d’énergie décarbonée si vous noyez les objectifs de développement des énergies renouvelables au milieu de ceux qui concernent le nucléaire. C’est une faute majeure.
M. Karim Benbrahim (SOC). Pourquoi ne mettez-vous pas votre amendement en conformité avec les objectifs européens auxquels la France a souscrit, monsieur le rapporteur ?
Pourquoi, par ailleurs, considérez-vous que les parlementaires ne seraient pas légitimes pour fixer des objectifs chiffrés par filière énergétique, ou bien qu’ils seraient incapables de le faire, alors que le Gouvernement pourrait le faire à travers la PPE ?
Mme Julie Laernoes (EcoS). Le texte est certes très imparfait, mais je trouve surprenant que vous refusiez de surcroît d’appliquer des directives européennes. C’est un aveu d’impréparation, ou d’absence de stratégie. Les députés français au Parlement européen, y compris de votre groupe politique, ont contribué à la rédaction des textes européens. Il est paradoxal qu’il n’y ait plus personne pour les concrétiser dans la stratégie française et que l’on masque l’absence des énergies renouvelables par du gros décarboné.
M. Antoine Armand, rapporteur. Vous ne m’avez pas répondu au sujet de l’objectif de 67 %.
Pourquoi, ensuite, les objectifs relatifs aux énergies renouvelables ne sont-ils pas inscrits dans la loi au même titre que ceux relatifs à l’énergie nucléaire ? En votant le monopole de la construction et de l’exploitation des centrales nucléaires, vous apportez vous-même une première réponse à cette question !
Enfin, le Gouvernement est plus à même que nous de fixer des objectifs car il dispose de l’ensemble des éléments d’informations nécessaires, notamment de l’étude d’impact et des consultations très larges organisées pour l’élaboration du décret de la PPE. Peut-être vous sentez-vous capables de fixer des objectifs chiffrés pour chaque énergie, année par année. Ce n’est mon cas, et ce ne serait pas sérieux. Il est important de respecter le travail technique réalisé dans le cadre de la PPE.
La commission rejette successivement l’ensemble des sous-amendements et adopte l’amendement CE555 ; en conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 2 à 8 tombent.
Amendement CE294 de M. Matthias Tavel
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous proposons de porter la part des énergies renouvelables à 100 % de la production d’énergie à l’horizon 2050. Ce n’est pas seulement l’un des objectifs de notre programme : c’est aussi l’un des scénarios considérés par RTE et par l’Agence de la transition écologique (Ademe) comme étant praticable. Il aurait des incidences, mais assurerait la fourniture d’électricité à un prix comparable à celui des autres scénarios, tout en permettant l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone. Vous devriez vous en satisfaire, monsieur le rapporteur, car l’énergie produite serait aussi 100 % décarbonée !
M. Antoine Armand, rapporteur. Je me satisferais d’une énergie 100 % décarbonée – contrairement à vous, qui voulez aussi 0 % de nucléaire ! C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). RTE va réviser son étude « Futurs énergétiques 2050 », dont il devrait rendre une nouvelle version en octobre 2026. Je rappelle toutefois que, sur les six scénarios établis en 2021, trois ne prévoient aucune nouvelle construction nucléaire et visent un objectif de 100 % d’énergies renouvelables à des échéances différentes. Aucun en revanche n’exclut totalement les énergies renouvelables ! Le nucléaire n’est qu’une option – une mauvaise option, pour les raisons déjà évoquées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE556 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Les objectifs par filière doivent être fixés dans la PPE et non dans la loi, afin que nous dispositions d’études d’impact et d’analyses techniques. Je propose de ce fait de substituer aux alinéas 9 à 17 l’alinéa suivant : « 2° Les 4° bis à 4 quater sont abrogés. »
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). J’ai compris que vous souhaitiez supprimer l’ensemble des objectifs précis portant sur les énergies renouvelables. Vous avez indiqué que, pour le nucléaire, l’existence d’un monopole justifiait que les pouvoirs publics fixent les objectifs. Je vous propose de ce fait de limiter la discussion aux énergies pour lesquelles les projets ne peuvent naître que d’une initiative publique. Cela exclut par exemple le photovoltaïque et l’éolien terrestre, filières dans lesquelles les projets ne répondent pas nécessairement à des appels d’offres ou à des commandes publiques. Les installations produisant de l’énergie hydraulique, en revanche, sont forcément soumises au régime de la concession ou de l’autorisation. En matière d’éolien maritime et d’énergie hydrolienne, une procédure d’appel d’offres est nécessaire, puisque les installations sont sur le domaine public. Voilà au moins trois énergies qui échappent à votre argumentaire et pour lesquelles nous devrions mettre dans la loi des objectifs chiffrés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE498 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). Nous proposons, d’une part, de fixer des objectifs en matière de développement de l’énergie hydraulique, afin d’augmenter de 10 TWh la capacité de production annuelle et, d’autre part, d’accroître de stockage d’électricité au moyen des stations de transfert d’énergie par pompage (Step), en déployant au moins 42 GW de puissance. C’est ce que prévoit le scénario Terrawater des Voix du nucléaire.
M. Antoine Armand, rapporteur. La stratégie énergétique du Rassemblement national a dû changer en quelques minutes : après avoir rejeté le maintien du parc nucléaire existant et les nouvelles capacités nucléaires, vous proposez de déployer au moins 42 GW grâce aux Step. Or, d’après l’ensemble des analyses indépendantes françaises utilisées pour élaborer la PPE, le potentiel de développement de l’hydroélectricité en France est de 3 GW. Je ne sais pas si vous avez prévu d’inonder certaines vallées françaises, mais je suis curieux de savoir où vous trouvez le potentiel que vous annoncez et de comprendre votre logique, car vos amendements et vos votes sont manifestement contradictoires. Vos explications me permettront d’émettre un avis sur votre amendement.
M. Maxime Amblard (RN). Je peux vous envoyer la source. Cela représente une capacité de stockage de 8 TWh. Les 3 GW correspondent à l’hydroélectricité nette – les Step ne fournissent pas d’hydroélectricité nette.
Notre position sur l’amendement précédent ne veut pas dire que nous voterons pour l’article 5.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). L’énergie hydroélectrique, première énergie renouvelable de France, produit quelque 15 % de l’électricité que nous utilisons. Affirmer que l’on fera 42 GW de Step est une erreur – ou alors cela signifie qu’on ne comprend rien au fonctionnement d’une Step et de l’hydroélectricité. Nos collègues du Rassemblement national seraient bien inspirés de retirer leur amendement.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’explication la plus vraisemblable en effet est que vous ayez oublié une virgule : vous vouliez peut-être écrire 4,2 GW de puissance supplémentaire. S’agissant de Step, 42 GW semblent très excessifs. Plutôt que de me prononcer sur cet objectif totalement irréaliste, je vous propose de retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
Amendements CE170 de M. Robert Le Bourgeois, CE136 de M. Jérôme Nury et CE499 de M. Maxime Amblard (discussion commune)
M. Robert Le Bourgeois (RN). L’amendement CE170 vise à supprimer la promotion explicite de l’éolien en mer, qui suscite de nombreuses oppositions de la part des pêcheurs, des habitants des littoraux et même des associations de protection de l’environnement, ainsi que des interrogations d’ordre budgétaire – RTE a annoncé un investissement, disproportionné, de 37 milliards d’euros –, environnemental et paysager.
M. Jérôme Nury (DR). L’amendement CE136 vise également à suspendre l’accélération du développement de l’éolien en mer, qui fait face à plusieurs difficultés : stagnation, voire diminution de la consommation électrique, intermittence de l’éolien offshore, qui déstabilise le réseau, coût élevé de la filière pour les finances publiques et pour les consommateurs – ainsi, les coûts de raccordement des parcs éoliens en mer sont répercutés sur les usagers dans le cadre du Turpe (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité), lequel ne cesse de croître.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’objectif ne peut pas être celui présenté par le groupe Rassemblement national, qui s’est abstenu un peu plus tôt sur l’abrogation de l’article 4 ter – à moins qu’il ne l’ait fait pour d’autres raisons ? Il faut avoir une vision globale et non raisonner énergie par énergie. Avis défavorable.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je souhaite rétablir quelques vérités sur l’éolien en mer, filière dans laquelle la France excelle : plus de 8 000 emplois fin 2023 et un objectif de 20 000 emplois en 2035 ; 4 TWh produits en 2024 ; 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 1,5 milliard à l’export en Europe ; des retombées fiscales considérables pour les pêcheurs et pour les communes en covisibilité, qui permettent d’investir localement ; un prix très compétitif, puisque le dernier appel d’offres attribué pour de l’éolien posé a été attribué à 45 euros le MWh, soit un montant trois fois inférieur à celui de l’électricité fournie par Flamanville 3 – si tant est qu’il produise un jour. Ce prix est même sans doute encore trop bas : il reste de la marge pour financer des productions en France, notamment à Saint-Nazaire, où les Chantiers de l’Atlantique sont prêts à avancer sur les solutions électriques et où l’usine d’assemblage de nacelles de General Electric sera bientôt la dernière de France, celle du Havre ayant vocation à fermer en 2027.
L’éolien en mer est une industrie de souveraineté, raison pour laquelle nous nous opposerons à ces amendements tendant à sa suppression.
M. Karim Benbrahim (SOC). Avec sa façade maritime, la France dispose d’un potentiel de développement de l’énergie offshore qui offre une chance de réaliser la transition écologique et de développer de nouvelles filières industrielles créatrices d’emplois ainsi que de nouveaux moyens de production à des coûts très compétitifs comparés à d’autres, notamment au nucléaire.
Nous avons commis une erreur, il y a quelques années, en imposant un moratoire trop brutal sur le développement du photovoltaïque, ce qui a eu pour conséquence de couler les producteurs français de panneaux photovoltaïques et d’ouvrir le marché aux Chinois. Ces derniers ont pris une longueur d’avance que nous n’avons pas été capables de rattraper.
Il conviendrait de ne pas reproduire la même erreur avec l’énergie offshore. Les usines en France sont en mesure de proposer des turbines qui répondent aux besoins du marché. Toutefois, General Electric, en Loire-Atlantique, a engagé un plan social en raison d’un creux dans les commandes pour l’année 2027. J’appelle donc à tirer les leçons du passé et à repousser ces amendements.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous ne pouvons pas nous passer de l’éolien en mer car il est très compétitif – les tarifs ont été divisés par trois en sept ans –, même en intégrant les coûts de raccordement. Avec trois parcs en fonctionnement et des emplois créés, ce n’est pas une lubie : c’est une réalité. En outre, les perspectives sont importantes, puisque nous pourrions atteindre 18 GW en 2035 et 45 en 2050. Il serait donc très dommageable de se priver de cette source d’énergie.
L’amendement CE499 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements CE170 et CE136.
Amendements identiques CE25 de M. Didier Le Gac, CE128 de M. Jean-Luc Fugit et CE512 de Mme Marie-Noëlle Battistel, amendement CE91 de M. Charles Fournier (discussion commune)
M. Didier Le Gac (EPR). L’intérêt d’inscrire l’objectif de 18 GW en 2035 pour l’éolien en mer dans la proposition de loi, et pas seulement dans la PPE, c’est que cela donnerait de la visibilité à la filière. Celle-ci en a besoin pour tenir son engagement de doubler le nombre d’emplois créés d’ici 2035 et d’investir plus de 40 milliards d’euros.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le Gouvernement a signé le pacte éolien en mer en 2022 : il est temps de transformer l’essai. L’amendement que je propose permettrait de lancer très rapidement les appels d’offres requis pour honorer les engagements du pacte ; ils sont très attendus. Cela m’ennuie beaucoup que l’on n’inscrive pas dans la loi les objectifs à atteindre.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). La filière progressant rapidement, il est essentiel à ce stade qu’elle dispose de visibilité sur les objectifs fixés après 2024, conformément au pacte éolien en mer.
M. Charles Fournier (EcoS). Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que l’on ne pouvait pas s’amuser à fixer des ambitions énergie par énergie. Or, en l’occurrence, les objectifs sont issus du pacte éolien en mer : il faut donc les inscrire dans la loi. Cela est attendu par toute une filière qui joue un rôle dans l’industrialisation de notre pays.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je serai malheureusement défavorable aux amendements identiques, car ils visent à inscrire dans la loi, de manière pérenne, une disposition qui relève de la dérogation, à savoir le dépassement des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie, alors qu’il s’agit d’un problème ponctuel.
Monsieur Fournier, votre amendement propose d’atteindre une capacité d’au moins 18 GW « en 2023 » : j’imagine que ce n’est pas ce que vous souhaitiez écrire. Demande de retrait.
M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Ces amendements concernent une filière de souveraineté concernant le domaine public maritime, où l’action de l’État est indispensable. J’espère que nous parviendrons à nous entendre pour les adopter. Pour notre part, nous les voterons avec la ferme conviction qu’il est nécessaire de développer l’éolien en mer en France.
M. Karim Benbrahim (SOC). La dérogation proposée concerne seulement l’objectif de 18 GW à l’horizon 2035 : il ne s’agit pas d’une dérogation pérenne. L’argument que vous avez fait valoir pour vous y opposer n’a donc pas lieu d’être.
M. Antoine Armand, rapporteur. C’est bien ce que j’ai dit : pour régler un problème de retard dans le programme d’appels d’offres de cette année, vous voulez inscrire dans la loi une dérogation jusqu’en 2035.
L’amendement CE91 est retiré.
La commission adopte les amendements CE25, CE128 et CE512.
En conséquence, les amendements CE319 de M. Matthias Tavel et CE259 de M. Karim Benbrahim tombent.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 3 juin 2025 à 21 h 30
Présents. - M. Maxime Amblard, M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Benoît Biteau, M. Philippe Bolo, M. Julien Brugerolles, M. Joël Bruneau, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Virginie Duby-Muller, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Clémence Guetté, M. Didier Le Gac, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. René Lioret, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, Mme Manon Meunier, Mme Louise Morel, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. René Pilato, M. François Piquemal, M. Dominique Potier, M. Joseph Rivière, Mme Valérie Rossi, M. Fabrice Roussel, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Matthias Tavel, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, Mme Dominique Voynet, M. Frédéric Weber
Assistaient également à la réunion. - Mme Danielle Brulebois, Mme Olga Givernet