Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Antoine Armand, rapporteur) 2
Mercredi 4 juin 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 109
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Aurélie Trouvé,
Présidente
— 1 —
La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Antoine Armand, rapporteur).
Après l’article 8
Amendements identiques CE161 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CE214 de M. Matthias Tavel, amendement CE163 de M. Matthias Tavel (discussion commune)
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Avec l’amendement CE161, nous proposons de remplacer, à l’article L. 311-1-2 du code de l’énergie, les mots : « combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone » par les mots : « installations de production d’électricité pilotable à partir d’énergie renouvelable ou des unités de stockage et de réinjection d’électricité dans le réseau ». Il s’agit de prévoir la conversion des dernières centrales à charbon, en particulier de celle de Cordemais où un projet à l’initiative des salariés est toujours sur la table (même s’il ne semble pas avoir l’assentiment d’EDF). Le 24 septembre 2023, le Président de la République avait promis la reconversion des centrales à charbon en centrales à biomasse.
M. Fabrice Roussel (SOC). Fruit d’un travail entre plusieurs parlementaires de Loire-Atlantique, l’amendement CE214 rappelle l’impératif de la conversion des sites existants. Le 28 mai dernier, EDF a acté la fermeture de la centrale de Cordemais sans proposer de plan de conversion, comme l’y oblige pourtant la loi d’avril 2025 visant à convertir des centrales à charbon. Outre qu’il dispose de compétences humaines existantes, le site présente l’avantage d’être pilotable et relié au réseau électrique.
M. Antoine Armand, rapporteur. J’émets un avis défavorable aux trois amendements. Le plan de conversion d’EDF pour la centrale de Cordemais ne relève pas du niveau législatif et ce n’est pas à nous de décider du contenu d’un projet industriel.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Cela ne doit peut-être pas relever de la loi mais, dans la mesure où l’État a racheté la totalité des actions d’EDF en 2023, le Gouvernement pourrait peut-être faire en sorte que la promesse du Président de la République soit respectée.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 9 (article L.100-4 du code de l’énergie) : Création d’objectifs spécifiques et chiffrés applicables à la rénovation des bâtiments
Amendement CE379 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je voudrais d’abord souligner – puisque nous sommes dans une situation particulièrement alarmante – que la suspension brutale de MaPrimeRénov’ n’est pas un simple ajustement budgétaire : c’est un coup d’arrêt porté à l’un des dispositifs les plus efficaces pour favoriser la transition énergétique en France ! Cette suspension va non seulement freiner la dynamique de rénovation, mais aussi envoyer un signal d’instabilité aux artisans, aux entreprises et aux collectivités. Depuis son lancement en 2020, MaPrimeRénov’ a permis la rénovation de près de 2,5 millions de logements, générant 38 millions d’euros de travaux. En 2023, ce sont 569 243 logements qui ont été rénovés grâce à cette aide. En 2024, 91 374 rénovations performantes ont été réalisées, en augmentation de 27 % par rapport à 2023. En 2023, les rénovations par geste ont permis une réduction de 2,8 tonnes équivalent CO2 par logement et par an. Le nombre d’aides accordées au premier trimestre 2025 a triplé. En réalité, la suspension menace des projets engagés depuis plusieurs mois, dont 78 % portent sur des passoires énergétiques.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je n’ai pas défendu l’amendement ! Celui-ci vise à inscrire dans la proposition de loi l’objectif de porter à 49 % la part des énergies renouvelables dans la consommation du secteur du bâtiment d’ici 2030. Ce chiffre, prévu par la directive sur les énergies renouvelables, dite « RED III », a été repris dans le plan national intégré énergie-climat (Pniec) que le Gouvernement a transmis à la Commission européenne et que nous avons lu attentivement. Le bâtiment est l’un des plus gros consommateurs d’énergie en France et reste très largement dépendant des énergies fossiles. Pour en sortir, il faut une stabilité, un cap, que les pouvoirs publics n’ont jamais garantis jusqu’ici : la décarbonation du bâtiment subit des stop and go, des signaux contradictoires et des incertitudes budgétaires qui démobilisent les acteurs du terrain. C’est pourquoi il faut absolument inscrire ce seuil dans la loi. Il ne s’agit pas d’une trajectoire nouvelle, mais d’une trajectoire sur laquelle nous avons déjà pris des engagements au niveau européen.
La commission rejette l’amendement CE379.
Amendement CE614 de M. Antoine Armand, sous-amendements CE632 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE640 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 9 de la proposition de loi porte sur la rénovation énergétique. Il propose de fixer un objectif de neuf cent mille rénovations d’ampleur par an et un niveau annuel d’économies d’énergie compris entre 1 250 et 2 500 térawattheures (TWh) cumulés actualisés de 2026 à 2030 et de 2031 à 2035. La rénovation thermique est une matière complexe, surtout lorsque l’on raisonne en gestes ou en « rénovations d’ampleur », sans ratio énergétique ou de quantification. Je propose donc, par l’amendement CE814, une réécriture de l’alinéa 2 visant à prévoir huit cent mille rénovations par an « permettant une amélioration de la performance énergétique des bâtiments rénovés de deux classes », afin d’établir un objectif concret et fixe.
Avec l’amendement CE615 à venir, je vous proposerai ensuite d’ajouter les objectifs énergétiques correspondants en remplaçant la phrase actuelle par « entre 825 et 1 750 TWh cumulés actualisés de 2026 à 2030 et entre 825 et 2 250 TWh cumulés actualisés de 2031 à 2035 » : la fourchette serait ainsi élargie et le plafond supérieur légèrement abaissé, en cohérence avec les auditions menées et avec les contributions écrites que j’ai reçues sur le sujet. L’amendement permet de lier les rénovations aux économies d’énergie à réaliser.
Je partage l’idée qu’il existe des dispositifs efficaces pour sortir de la précarité énergétique. Cela ne doit cependant pas nous empêcher de réfléchir à la transformation du système ! Il ne s’agit pas de faire de nombreuses rénovations, mais de réaliser des économies d’énergie. C’est la raison pour laquelle je propose de lier les deux et de qualifier les rénovations d’un point de vue réglementaire et énergétique.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous souhaitons préciser que le gain énergétique de deux classes permet « d’atteindre au moins la classe D », en cohérence avec les dispositions de la loi du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience ». Cette précision affecterait exclusivement les logements classés G et G+, considérant que l’atteinte de la classe E ne saurait être suffisante pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés et que les députés socialistes et apparentés ont porté dans la loi de finances.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Tout en partageant l’avis du rapporteur sur certains points, je considère que le critère proposé n’est pas satisfaisant. Pour les passoires énergétiques, un gain de deux classes de diagnostic de performance énergétique (DPE) n’est pas suffisant. Il y a en outre confusion, dans les différents textes, entre les rénovations qualifiées de « globales », de « performantes » ou « d’ampleur » qui n’ont pas de définition juridique.
Nous proposons donc d’aligner le texte sur la définition qui fait consensus dans les scénarios techniques, notamment dans ceux de RTE dont nous avons auditionné les représentants préalablement à l’examen du texte. Pour eux, il faudrait réaliser en moyenne 380 000 rénovations performantes, correspondant à une réduction moyenne de 75 kilowatts (kW) d’énergie thermique par mètre carré (m²) et par an d’ici à 2035. Les rénovations « performantes », définies dans le code de la construction et de l’habitation, garantissent en effet un sursaut et une performance réels. Nous proposons de nous appuyer sur les travaux techniques de RTE afin de dissiper toute ambiguïté. Par ailleurs, votre amendement, monsieur le rapporteur, n’indique pas les rénovations dont il s’agit. Nous proposons de le préciser et de fixer un objectif chiffré réalisable d’un point de vue pragmatique.
M. Antoine Armand, rapporteur. J’émets un avis défavorable au sous-amendement de madame Battistel, car il risque d’être contre-productif : je partage votre ambition d’en finir avec les passoires énergétiques, mais la réécriture que vous proposez cantonnerait l’objectif à l’atteinte de la classe D : elle serait donc moins exigeante, pour les bâtiments aujourd’hui classés E, que ma proposition.
J’émettrai un avis de sagesse sur le sous-amendement de madame Laernoes, dont je partage l’objectif, mais sur lequel j’ai besoin de travailler d’ici au passage du texte en séance. Je m’interroge sur l’objectif d’un gain de 75 kW/m²/an et sur la façon dont il faut qualifier la rénovation.
M. Philippe Bolo (Dem). Les termes « tendre vers » sont peu contraignants, alors que les rénovations sont un gisement important d’économies de CO2 et d’énergie. Que se passera-t-il si l’objectif n’est pas atteint ? De quels moyens de contrôle disposerons-nous ? Sur une période de cinq ans, le moindre écart peut peser beaucoup sur le résultat final et rendre ce que nous avons voté pas effectif…
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous voterons les deux sous-amendements. Je ne vois pas en quoi celui de madame Battistel empêcherait l’atteinte de la classe C, puisqu’il précise qu’il faudra atteindre « au moins » la classe D.
Je trouve dommage, comme notre collègue Bolo, d’utiliser les mots « tendre vers » et de viser huit cent mille rénovations sans préciser qu’elles doivent être performantes.
Enfin, je profite de la discussion de l’amendement pour dire que la suspension en juillet de MaPrimRénov’, au sujet de laquelle court une rumeur depuis hier, serait un scandale. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) le dit aussi : il faut arrêter le stop and go en matière de décarbonation de nos usages.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je ne comprends pas non plus l’avis que vous avez émis au sujet de mon sous-amendement, monsieur le rapporteur : la précision que je propose d’apporter s’ajouterait à votre objectif d’un gain de deux classes.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous voterons contre le sous-amendement de madame Battistel, car il est moins disant que le nôtre.
Je salue par ailleurs le signe d’ouverture envoyé par le rapporteur et s’il faut retravailler l’amendement ensemble, nous y sommes prêts. Alors que le critère d’un gain de deux classes peut masquer des rénovations peu ambitieuses apportant peu d’économies réelles, la notion de « rénovation performante » bénéficie d’une sécurité juridique renforcée et assure, pour les passoires thermiques, l’atteinte d’une performance minimale équivalente à la classe C. La proposition que j’ai faite est issue d’un rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments dont j’avais été corapporteure. Elle va nous permettre d’avancer, en dépit des annonces dramatiques au sujet de MaPrimeRénov’ !
Successivement, la commission rejette le sous-amendement CE632 et adopte le sous-amendement CE640.
Elle adopte l’amendement CE614 ainsi sous-amendé.
En conséquence, les amendements CE380, CE381, CE165, CE235, CE172, CE64, CE144 et CE382 tombent.
Amendement CE9 de Mme Olga Givernet
Mme Olga Givernet (EPR). Cet amendement vise à maintenir au niveau réglementaire la fixation des objectifs à atteindre dans le cadre des certificats d’économie d’énergie (C2E), plutôt que de la faire figurer dans la loi.
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous venons d’adopter un amendement qui permettra de quantifier une partie des économies d’énergie à réaliser : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L’amendement CE9 est retiré.
Amendements identiques CE234 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE337 de M. Vincent Rolland
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Au regard du retour d’expérience de la cinquième période des C2E, qui s’achève cette année, l’objectif d’économies d’énergie paraît inatteignable, au moins pour les premières années. Nous proposons de le rendre progressif et de l’adapter au rythme actuel de rénovations, ainsi qu’aux perspectives d’accélération des cadres réglementaire, budgétaire et fiscal – sachant que les dernières annonces nous amènent à nous interroger sur la suite. Je rejoins les positions exprimées par mes collègues sur ce sujet. Il importe d’éviter de voter des programmations qui ne se réalisent pas et dont les ressources finissent par revenir au budget général.
M. Vincent Rolland (DR). Par rapport à ce qui était proposé initialement, nous souhaitons nous aussi adapter l’objectif à la réalité.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait au profit de mon amendement CE615.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Le groupe Écologiste votera contre ces amendements, qui revoient à la baisse le renforcement prévu des C2E sans proposer d’alternative pertinente pour tenir les objectifs.
Les amendements CE234 et CE337 sont retirés.
Amendement CE45 de M. Joël Bruneau
M. Joël Bruneau (LIOT). Nous contestons le bien-fondé des C2E pour la rénovation des bâtiments. La Cour des comptes révèle en effet que, dans la mesure où les obligés répercutent les C2E sur leurs prix de vente, ce sont en définitive les consommateurs finaux qui en assument le coût.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait au profit de mon amendement CE615. À défaut, avis défavorable.
M. Joël Bruneau (LIOT). J’accepte de le retirer, dès lors que l’amendement CE615 tient compte de cette problématique.
La réunion, brièvement suspendue, est immédiatement reprise.
M. Antoine Armand, rapporteur. L’alinéa 4 propose des objectifs fondés sur les C2E. Si l’on supprimait la mention des C2E, il n’y aurait aucun sens à conserver des objectifs. Or je souhaite les garder, tout en modifiant la fourchette afin qu’elle soit précise et adaptée au regard des dispositions que nous avons adoptées. Je confirme mon avis défavorable, à défaut du retrait de l’amendement.
M. Joël Bruneau (LIOT). J’accepte de le retirer, mais j’insiste : ce dispositif, qui peut apparaître vertueux, ne l’est pas sans doute pas tant que cela. Au final, qui paie ?
L’amendement CE45 est retiré.
Amendement CE615 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet amendement, déjà évoqué tout à l’heure, vise à fixer des objectifs proportionnés dans le cadre des C2E et à les articuler avec nos objectifs de rénovation énergétique. Je propose que nous le votions, même si un travail de mise en cohérence globale sera nécessaire pour tenir compte de l’adoption du sous-amendement CE640 de Mme Laernoes.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Je rejoins notre collègue Bruneau : l’usage qui est fait des C2E pour la rénovation thermique ne nous paraît pas optimal. Outre les soupçons de fraudes massives – sur ce point, le rapport de la Cour des comptes est très instructif… –, se pose le problème de la répercussion des C2E sur les prix imposés aux consommateurs. Surtout, le Gouvernement s’appuie de plus en plus sur le dispositif pour financer la rénovation thermique. Dans ce contexte, le récent retrait de missions qui lui avaient été allouées laisse craindre une débudgétisation, alors que des investissements publics directs sont nécessaires à l’atteinte des objectifs.
La commission adopte l’amendement CE615.
Amendements CE18 de Mme Virginie Duby-Muller et CE173 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (discussion commune)
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons que l’État se fixe pour objectif de garantir la mise en œuvre effective de tous les moyens nécessaires à l’atteinte de l’objectif de rénovation thermique du parc de logements.
Le logement connaît une crise généralisée et la précarité énergétique, qui touche plus de douze millions de personnes en France, soit un ménage sur cinq, ne fait que s’accroître. Le nombre de passoires énergétiques, c’est-à-dire de logements classés en DPE F ou G, est estimé à 6,6 millions au 1er janvier 2023, dont 4,8 millions sont des résidences principales. Cela contribue à faire du secteur du bâtiment l’un des plus émetteurs, avec 18 % des émissions de gaz à effet de serre et 40 % de la consommation énergétique annuelle du pays. Le rythme de rénovation énergétique observé est largement sous-dimensionné par rapport à l’étendue du chantier de la rénovation. L’objectif annuel de deux cent mille rénovations énergétiques prévu pour 2024 est insuffisant et ne permettrait même pas de traiter les passoires énergétiques du pays d’ici à 2050. La suppression du dispositif MaPrimeRénov’ enverrait donc un très mauvais signal !
M. Antoine Armand, rapporteur. Je m’interroge sur l’origine de plusieurs de ces amendements… Même si certains n’ont pas été défendus, je constate qu’ils sont identiques, alors qu’ils proviennent de groupes politiques différents. Quelqu’un pourrait-il nous indiquer quelle en est la source, qui semble être commune ? Ce serait intéressant pour la bonne compréhension de nos débats... Je donnerai ensuite mon avis.
M. Inaki Echaniz (SOC). Monsieur le rapporteur, je ne répondrai pas à cette question. En tant qu’ancien locataire de Bercy, vous êtes sans doute bien placé pour nous donner des informations sur la suspension de MaPrimeRénov’ au 1er juillet 2025. Ce dispositif monte en gamme et aide les filières à se structurer, car les gens le sollicitent. Il répond à de véritables besoins en matière de santé publique, de rénovation de l’habitat et de soutien économique aux entreprises du BTP, dans une période où elles vont mal. L’annonce de sa suspension dans la presse – je suppose qu’elle provient de Bercy – soulève bien des interrogations sur les ambitions du « bloc central » concernant la rénovation énergétique et la rénovation du bâti.
M. Joël Bruneau (LIOT). La rénovation énergétique des bâtiments relève d’abord de la responsabilité du propriétaire : la puissance publique ne peut pas se substituer aux individus dans toutes leurs obligations. Lorsque j’étais maire, des élus du même bord que vous, cher collègue, m’incitaient à investir encore davantage d’argent. Ce à quoi je leur répondais que si un propriétaire n’arrive pas à financer les travaux, il peut revendre son bien à quelqu’un qui en aura les moyens. Pourquoi faudrait-il que la collectivité se substitue à tous ? Selon un représentant de la filière, environ 70 % des travaux de rénovation énergétique, représentant jusqu’à 70 000 euros, sont aujourd’hui subventionnés et la moitié de la population française peut y accéder. Le dispositif n’est-il pas trop étendu ? Ne serait-il pas tout simplement victime de son succès et, surtout, d’un effet d’aubaine ?
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le sujet des 6,6 millions de passoires thermiques est un enjeu d’intérêt général, car il touche aux enjeux du dérèglement climatique et de la santé publique. Il relève donc bien de la responsabilité de la puissance publique et il appartient à la collectivité de mettre les moyens pour que les rénovations soient faites rapidement.
Lors de l’examen du budget de MaPrimeRénov’, les acteurs du secteur nous ont rappelé qu’ils avaient surtout besoin de stabilité des dispositifs, y compris budgétaires. Or, c’est exactement l’inverse que vous allez faire en suspendant MaPrimeRénov’ en juillet, et le peu de dynamisme que conservait ce secteur sera complètement mis à terre. Tant pour les habitants des passoires thermiques que pour le secteur du BTP, qui était en train de se structurer autour de ces nouveaux enjeux, cette annonce est très préoccupante et nous inquiète sur le sérieux du Gouvernement dans sa volonté d’atteindre les objectifs en matière de rénovation thermique.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Un DPE très exigeant risque de rendre inlouables nombre de logements. Tous les propriétaires n’ayant pas forcément l’argent pour faire les travaux, cela posera un grave problème, car de nombreuses personnes ne pourront plus se loger. N’est-il pas préférable d’avoir un toit sur la tête, même dans un bien classé G, et de mettre un gros pull, plutôt que de se retrouver à la rue ? C’est à cette situation que l’on va aboutir !
D’autre part, je voudrais souligner les incohérences du DPE, des incohérences que l’on rencontre souvent. On veut absolument baisser la production d’électricité, mais on incite de plus en plus les automobilistes à rouler en voiture électrique. De même, dans le DPE, on déclasse les logements qui sont chauffés à l’électricité de deux rangs. J’aimerais que l’on me démontre la cohérence de tout cela ! Nos concitoyens sont tout à fait exaspérés par toutes ces incohérences qu’ils ne comprennent pas, alors qu’elles ont un impact sur leur quotidien.
M. Antoine Armand, rapporteur. Pour ce qui a trait aux questions relevant du Gouvernement, je vous propose de les lui poser directement.
J’émets un avis défavorable sur les amendements CE2 et CE18, car leur dispositif est inopérant – je ne sais d’ailleurs toujours pas quelle en est la source. Je souhaite le retrait et, à défaut, le rejet de l’amendement CE173, qui est une tautologie : l’État se fixe pour objectif de garantir la mise en œuvre des objectifs qu’il s’est fixés. Je constate comme vous que l’État ne respecte pas toujours ses objectifs, mais je ne crois pas que le fait de le rappeler dans la loi y changera quelque chose.
La commission rejette successivement les amendements CE18 et CE173.
Elle adopte l’article 9 ainsi modifié.
Article 10 (article L. 100-4 du code de l’énergie) : Objectifs de politique énergétique dans les collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution
Amendement CE311 de M. Romain Daubié
M. Romain Daubié (Dem). Il s’agit de remplacer, à l’alinéa 2, les mots : « parvenir à » par les mots : « tendre vers ». C’est un amendement de précision.
M. Antoine Armand, rapporteur. J’en profite pour faire un point sur ces questions qui ne sont pas que lexicales. Le texte a recours à de nombreux termes concernant l’atteinte des objectifs : « viser », « atteindre », « tendre vers », « à hauteur de », « parvenir », etc.
Comme je suis sûr que la loi sera votée dans des termes d’une « propreté » lexicale et légistique totale, nous pouvons travailler et nous mettre d’accord d’ici la séance sur ce point. Qu’il s’agisse d’objectifs à dix ou à trente ans, de quantité énergétique ou de pourcentages, il me paraît très risqué d’inscrire dans la loi qu’il faut « atteindre » un objectif. Je préférerais qu’on privilégie « tendre vers » ou « viser », pour des raisons évidentes de réalisme. Je vous propose donc d’adopter l’amendement CE311 ; nous choisirons ensuite en fonction des situations, mais dans un esprit de continuité légistique.
M. Inaki Echaniz (SOC). Les bras m’en tombent quand j’entends madame Brulebois, après les reculs sur le « Zéro artificialisation nette » (ZAN) et les zones à faibles émissions (ZFE) et tant d’autres détricotages.
Mme Danielle Brulebois (EPR). J’ai le droit de m’exprimer !
M. Inaki Echaniz (SOC). Moi aussi, je peux m’exprimer, madame Brulebois. Les bras m’en tombent de vous entendre remettre en cause le DPE.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Monsieur Echaniz peut prendre la parole sans être interrompu. Je l’ai déjà dit pour d’autres députés, tous groupes parlementaires confondus.
M. Inaki Echaniz (SOC). Je ne conteste pas, madame Brulebois, votre droit d’exprimer votre opinion, mais j’ai le droit d’être choqué quand j’entends ce genre de propos de la part de députés du bloc macroniste. Celui-ci, pourtant à l’origine de la loi Climat et résilience, est en train de tout détricoter, semaine après semaine. Je suis donc choqué de vous entendre dire qu’il vaut mieux avoir un toit sur la tête dans une maison où l’on tombe malade, où l’on a des factures énergétiques conséquentes, où l’on tombe dans la pauvreté, dans la précarité, dans la maladie.
J’entends cette petite musique venue de l’extrême droite, qui commence visiblement à séduire le bloc commun : plutôt que de mettre les moyens dans la rénovation énergétique, faisons sauter le DPE ! J’espère, madame Brulebois, que vous serez présente et mobilisée, avec monsieur Fugit, lors de la niche UDR pour repousser le texte rétrograde de monsieur Ciotti, qui porte atteinte à des enjeux de santé publique. J’aimerais que monsieur Fugit exprime l’avis de son groupe sur les DPE.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Essayons de nous écouter jusqu’à la fin des prises de parole, quels que soient les groupes ! Monsieur Echaniz, votre temps de parole est écoulé…
M. Inaki Echaniz (SOC). On vient de me traiter d’antisémite, madame la présidente ! (Exclamations.)
M. Patrice Martin (RN). On vient de me traiter de « fasciste ». Je ne suis pas fasciste !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je ne l’ai pas entendu. Je vous propose donc de continuer. (Les exclamations se poursuivent.) Est-ce que l’on peut continuer dans le calme, s’il vous plaît ?
La réunion est suspendue de quinze heures cinquante à quinze heures cinquante-cinq.
La commission adopte l’amendement CE311.
Amendement CE187 de M. Maxime Laisney
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous proposons d’indiquer que les zones non interconnectées devront être autonomes en énergie non pas en 2050 mais en 2030. Je ne partage pas l’approche du Rassemblement national qu’a défendue monsieur Amblard, hier, sur l’arborescence, car il suffirait de « taper au sommet » pour que la panne s’étende sur une zone géographique très vaste. Nous considérons qu’une meilleure résilience passe par l’autonomie en énergie des zones non interconnectées. Si nous devions attendre la mise en place du nucléaire, vers 2045 ou 2050, nous prendrions un gros risque pour pas grand-chose. Il faut donc « assurer le coup » dès 2030 !
M. Antoine Armand, rapporteur. J’en appelle aux souvenirs de nos collègues ayant contribué aux consultations sur la stratégie française pour l’énergie et le climat. Lorsque nous avons abordé spécifiquement le cas des zones non interconnectées, nous avions très clairement conclu que l’objectif d’instaurer l’autonomie énergétique en 2030 était totalement irréaliste et qu’il fallait se donner le temps. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable.
M. René Pilato (LFI-NFP). Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur. Que faire de ces zones non interconnectées si on ne se fixe pas une ambition pour 2030, sachant que souvent le calendrier dérape ? Peut-on attendre 2045 ou 2050 pour les rendre hypothétiquement autonomes – à condition que les réacteurs de type EPR fonctionnent ? Il faut se fixer une ambition forte et y aller : si cela dérive ensuite d’un ou deux ans, ce ne sera pas grave.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je préférerais qu’on se fixe des objectifs réalistes et qu’on les tienne, plutôt que de se fixer des objectifs dont on sait déjà qu’ils sont irréalistes… Vous dites que ce n’est pas grave si on ne les atteint pas, mais vous ne cessez de proposer des amendements visant à imposer l’atteinte d’objectifs à l’année près et dont le Gouvernement doit absolument assurer la mise en œuvre effective ! Je maintiens donc mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement CE187.
Amendement CE506 de M. Maxime Amblard
M. Maxime Amblard (RN). En cohérence avec nos discussions depuis le début de l’examen du texte, je propose de remplacer le mot « renouvelables » par les mots « décarbonées et de récupération, à l’horizon 2030, » afin de rappeler que l’important est de disposer de sources d’énergie décarbonées, et pas uniquement renouvelables.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je partage le principe de neutralité technologique. Néanmoins, il s’agit de territoires dont les caractéristiques géographiques sont spécifiques. En l’état actuel des technologies, j’ai du mal à imaginer si le terme « décarbonées » permet d’ouvrir la voie à d’éventuelles formes d’énergie nucléaire. Je ne suis pas défavorable au principe, mais j’ai le sentiment que cette modification lui enlèverait toute sa portée. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
M. Maxime Amblard (RN). Il s’agit juste d’ouvrir le champ des possibles dans la loi, car on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait. L’objectif reste l’énergie décarbonée.
Mme Julie Laernoes (EcoS). J’aimerais bien que monsieur Amblard aille au bout de son raisonnement. Projetez-vous d’installer des centrales nucléaires dans ces territoires qui se trouvent souvent dans des zones géologiquement instables ? D’un point de vue pragmatique et technique, cela me paraît totalement infaisable et irresponsable !
La commission rejette l’amendement CE506.
Elle adopte l’article 10 ainsi modifié.
Chapitre II – Adapter la programmation énergétique à l’évolution technologique
Article 12 (article L. 100-1 A du code général des collectivités territoriales) : Report de la date d’entrée en vigueur et actualisation des objectifs de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie
Amendements de suppression CE589 de M. Antoine Armand, CE193 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE263 de M. Karim Benbrahim et CE384 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. Il est toujours difficile de parler de quelque chose qui n’existe pas. Et je suis ravi de voir que c’est sur l’absence de quoi que ce soit que nous arrivons enfin à nous accorder tous… Plutôt que de ne parler de rien, je propose que nous supprimions la possibilité d’en parler ! L’article 12 porte sur le contenu de la loi de programmation énergie-climat. Il reporte la date d’entrée en vigueur de la loi de programmation énergie-climat (LPEC) du 1er juillet 2023 au 1er janvier 2025. Cette nouvelle date étant déjà passée, cela n’apporte pas grand-chose – si j’étais taquin avec le Gouvernement actuel, je proposerais même de conserver la date initiale, afin de souligner le retard pris.
Par ailleurs, les nouvelles modalités me paraissent confuses. Ainsi, l’alinéa 3 vise à remplacer les mots : « pour trois périodes successives de cinq ans » par les mots : « , pour trois périodes successives de cinq ans, et de déploiement de dispositifs de captage et de stockage du dioxyde de carbone, pour trois périodes successives de cinq ans, afin de stocker par ces dispositifs les émissions de dioxyde de carbone des usages pour lesquels il n’existe pas de technologie et d’alternative », avec un lien un peu étrange entre les technologies. Je ne suis pas sûr que cela apporte davantage de clarté. Si l’ambition de l’Assemblée est de marquer le retard pris par les gouvernements successifs en la matière, le texte actuel du code de l’énergie est plus clair et efficace.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous voulons supprimer l’article 12, parce qu’il recule la date d’entrée en vigueur de la LPEC dans le but d’effacer la faute du Gouvernement, qui est responsable de ce retard. Nous ne voyons pas pourquoi nous devrions faire cela.
L’article intègre un nouvel objectif de décarbonation du mix de production d’électricité, terme qui amalgame énergies renouvelables, nucléaire et technologies de captage et de stockage de carbone. Chacun comprend que la part des énergies renouvelables va en pâtir.
Enfin, l’article 12 prévoit un nouvel objectif de relance du nucléaire sous prétexte de décarbonation. Nous maintenons que c’est un choix irresponsable : le nucléaire est une énergie du passé, qui n’est pas adaptée à l’urgence climatique et qui n’est pas résiliente au changement climatique. Nous ne maîtrisons ni la technologie des EPR 2, ni le traitement des déchets, et cela fait plus de soixante-dix ans que cela dure ! Même la Cour des comptes dit que nous courons au fiasco : supprimons cet article !
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous souhaitons la suppression de l’article 12 parce que, outre les raisons évoquées par monsieur le rapporteur, il fixe des objectifs de captage et de stockage du CO2 alors que, sur le long terme, notre économie sera plus décarbonée et nécessitera moins de stockage. De plus, la référence aux petits réacteurs modulaires soulève de sérieuses interrogations, notamment sur la dissémination du nucléaire dans le territoire, qui ne nous semble pas aller dans le sens de la maîtrise de la sûreté nucléaire et de l’acceptabilité de cette technologie.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je remarque qu’il existe un axe entre les formations du « socle commun », les écologistes et les autres forces du Nouveau Front populaire en faveur de la suppression de cet article. C’est en effet un fourre-tout et du grand n’importe quoi ! Sous couvert d’une loi de programmation énergie-climat qui n’existe pas encore, l’article 12 propose non seulement le décalage d’un calendrier déjà obsolète, mais aussi – et c’est encore plus dangereux – une préemption de choix politiques et démocratiques lourds de conséquences pour l’avenir. Il est donc indispensable de supprimer cet article !
La commission adopte les amendements CE589, CE193, CE263 et CE384.
En conséquence, l’article 12 est supprimé et les amendements CE308, CE385, CE49, CE386, CE616, CE157, CE387, CE195, CE197, CE200, CE388, CE456, CE463, CE349, CE185, CE185, CE390, CE389, CE389 et CE134 tombent.
Article 13 (article L. 141-1, L. 141-2 et L. 141-4 du code de l’énergie) : Fixation, au sein de la programmation pluriannuelle de l’énergie, d’objectifs explicites relatifs à la production nucléaire, à la production d’hydrogène, et au développement des carburants renouvelables et des dispositifs de captage de carbone
Amendements de suppression CE607 de M. Antoine Armand, CE202 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE264 de M. Karim Benbrahim et CE391 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. Encouragé par l’ambition destructrice de notre commission, je persévère en proposant la suppression de l’article 13. J’ouvre ici une parenthèse. Nous souhaitons tous respecter l’esprit et la lettre des objectifs que nous nous sommes fixés. Toutefois, la multiplication de documents qui sont censés concorder parfaitement – nous avons une stratégie nationale bas-carbone, une stratégie française pour l’énergie et le climat, un projet important d’intérêt européen commun (Piiec), une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – conduit naturellement à des difficultés d’interprétation. Ainsi que l’a montré l’Académie des sciences, la dernière PPE comporte ainsi des chiffres de projection de consommation énergétique différents, parce qu’ils proviennent de plusieurs sources. Ce foisonnement est donc problématique.
Avec l’article 13, nous allons rigidifier encore plus ce que l’on intègre dans ces divers documents, à commencer par la synthèse de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il en va de même à l’article 13 bis qui traite de la Sfiec. Parce qu’il introduit de la complexité, je vous propose de supprimer cet article.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous proposons également de supprimer l’article 13 pour à peu près les mêmes raisons – comme quoi, nous pouvons avoir pas mal d’« atomes crochus » sur ce texte… (Sourires). Nous nous opposons, non à la publication d’une synthèse de la PPE destinée au grand public, mais au contenu que l’article 13 propose d’intégrer dans la PPE et dans sa synthèse.
Mme Julie Laernoes (EcoS). L’article 13 prévoit que la synthèse, document stratégique, mentionnera explicitement certains choix technologiques, comme le réacteur de type EPR 2 et les petits réacteurs modulaires (SMR), malgré l’absence d’évaluation. On peut se demander pourquoi le Sénat leur réserve un tel traitement de faveur ! La PPE ne concerne que les dix prochaines années. Or, les EPR 2 ne seront pas prêts avant 2040. Quant aux SMR, ils ne sont encore que des concepts de marketing, puisqu’il n’existe à ce jour ni prototype, ni usage commercial, ni cadre industriel sérieux : on en est au stade du Powerpoint… On ne peut leur donner un statut privilégié dans la PPE censée prévoir notre mix énergétique jusqu’en 2035. C’est non seulement absurde, mais dangereux !
À mon tour, je le souligne : le socle commun et les groupes Socialistes, Écologiste et social et La France insoumise forment un quatuor gagnant pour travailler sérieusement à élaborer une stratégie énergétique.
La commission adopte les amendements CE607, CE202, CE264 et CE391.
En conséquence, l’article 13 est supprimé et les amendements CE204, CE204, CE125, CE304, CE469, CE205, CE392, CE509, CE508, CE510, CE511, CE207 et CE46 tombent.
La réunion est suspendue de seize heures quinze à seize heures vingt-cinq.
Article 13 bis (article L. 141-1 du code de l’énergie) : Exposé de la stratégie française pour l’énergie et le climat dans la synthèse de la programmation pluriannuelle de l’énergie
Amendements de suppression CE608 de M. Antoine Armand et CE236 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Antoine Armand, rapporteur. Adopté par le Sénat en séance publique, l’article 13 bis explicite le contenu de l’introduction de la PPE, alors qu’il s’agit déjà d’une synthèse de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec). De telles précisions ne relèvent pas du niveau de la loi et risquent d’introduire de la confusion. Je propose donc de supprimer cet article.
La commission adopte les amendements CE608 et CE236.
En conséquence, l’article 13 bis est supprimé.
Titre II – Poursuivre une simplification idoine des normes applicables aux projets d’Énergie et d’hydrogène, nucléaires comme renouvelables
Chapitre Ier – Simplifier les normes applicables aux projets d’énergie nucléaire
Article 14 (articles 7 et 14 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes) : Renforcement de certaines mesures de la loi d’accélération du nucléaire de 2023
Amendements de suppression CE557 de M. Antoine Armand, CE208 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE247 de M. Karim Benbrahim et CE393 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 14 prévoit des simplifications sans doute légitimes mais qui n’ont pas leur place dans une loi de programmation. Je vous propose de le supprimer.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des installations nucléaires, j’ai demandé à deux reprises à la ministre et à la rapporteure si les petits réacteurs modulaires seraient implantés partout dans le territoire, y compris dans des sites Seveso : on m’a répondu que la réponse était dans le titre – « à proximité de sites nucléaires existants ». Le présent article prévoit pourtant de les disséminer un peu partout : c’est une raison supplémentaire de le supprimer.
M. Karim Benbrahim (SOC). Les dispositions de l’article 14 ne relèvent pas de la programmation. Nous soutenons donc sa suppression, de même que celle de tous les autres articles du titre II.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 14 est supprimé et les autres amendements tombent.
Après l’article 14
Amendement CE383 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). Cet amendement vise à interdire l’exportation et le stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement (URT), enrichi ou non. Depuis 2022, les gouvernements successifs relancent le nucléaire au nom de la souveraineté énergétique. Soyons cohérents : une telle politique ne peut dépendre d’envois massifs d’uranium de retraitement à l’étranger, en particulier en Russie. Des volumes considérables d’URT quittent discrètement le territoire français pour être enrichis ou stockés hors de tout contrôle démocratique. Le retraitement, présenté comme la clé de fermeture du cycle, produit en réalité des matières dont on ne sait que faire et qu’on envoie ailleurs pour s’en débarrasser. Selon un rapport de la Cour des comptes paru en 2019, EDF prévoit que le taux de recyclage de l’uranium atteindra seulement 20 % à 25 % à l’horizon 2030. Il est temps d’assumer nos responsabilités : nous devons gérer les déchets nucléaires en France, sous le contrôle du Parlement et de manière transparente, en respectant le principe de non-délégation de nos responsabilités environnementales.
M. Antoine Armand, rapporteur. C’est si discret que tous les commissaires aux affaires économiques et tous les Français qui nous suivent sont au courant ! Pour faire court, j’ajoute qu’il y a une raison à cela : seule la Russie peut convertir l’uranium de retraitement. Je suis évidemment favorable au développement de cette capacité en France ou en Europe – les propositions de la commission d’enquête relative à notre indépendance énergétique allaient en ce sens. En attendant, il n’est ni souhaitable ni raisonnable d’arrêter ce processus. J’émets donc un avis défavorable. Par ailleurs, la fermeture du cycle dépend d’une autre technologie, les neutrons rapides, qui utilise un autre combustible.
M. Maxime Amblard (RN). Nous sommes également défavorables à la mesure à court terme ; à long terme, il faudra nous doter d’une capacité de retraitement : il est dommage de gâcher de l’uranium 238 et de l’envoyer en Russie, alors que nous pourrions le faire transmuter en plutonium 239 puis le mettre dans des réacteurs de quatrième génération, ce qui décuplerait notre potentiel énergétique et notre réserve.
M. Karim Benbrahim (SOC). Nous soutenons l’objectif de souveraineté nationale. Cependant, puisque nous voulons limiter le texte à sa fonction programmatique, nous nous abstiendrons.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous voterons cet amendement. Nous en sommes au dix-septième train de sanctions européennes contre la Russie – pour laquelle je n’exprime ici aucune sympathie, en particulier dans le contexte de l’agression de l’Ukraine. C’est Rosatom, une entreprise qui s’occupe à la fois de nucléaire civil et militaire, entièrement à la main du président Poutine, qui s’occupe de réenrichir notre uranium de retraitement. Il y a là une hypocrisie. Lorsque nous soulevons la question, on nous répond que le nucléaire ne fait pas partie du train des sanctions – c’est un peu court.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE326 de M. Romain Daubié.
Amendement CE79 de M. Jean-Luc Fugit
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Cet amendement, élaboré avec Orano, vise à soumettre les projets d’installations du cycle du combustible aux exigences de l’article L. 425-12 du code de l’urbanisme : la construction des bâtiments pourrait commencer dès la clôture de l’enquête publique. Quant aux autres opérations d’aménagement, comme l’excavation sans évacuation des terres à l’extérieur du site, elles pourraient y déroger et débuter dès la délivrance, par décret, de l’autorisation environnementale mentionnée à l’article L. 181-1 du code de l’environnement. Ces mesures feraient gagner du temps.
M. Antoine Armand, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Julie Laernoes (EcoS). On le voit, la proposition de loi Gremillet sert de réceptacle aux dispositions du projet de loi d’accélération du nucléaire que le Conseil constitutionnel a censurées parce qu’elles n’étaient pas cohérentes avec notre corpus législatif. L’article 16, anti-Greenpeace, l’illustre également. Il ne s’agit pas de faire entrer par la fenêtre ce qu’on n’a pas réussi à faire passer par la porte : nous voterons contre.
La commission rejette l’amendement.
Article 15 (articles 7 et 14 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes) : Application au projet Iter de certaines mesures de simplification de la loi « Accélération du nucléaire »
Amendements de suppression CE611 de M. Antoine Armand, CE220 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE275 de M. Maxime Laisney et CE394 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. Nous proposons de supprimer l’article 15. D’une part, ses dispositions ne sont pas programmatiques ; de l’autre, il tend à faciliter les démarches administratives pour le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter), alors que le décret d’autorisation de création a été publié en 2012 : il n’est pas indispensable d’accélérer des procédures déjà achevées.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Les mesures de simplification inscrites à l’article 15 ne relèvent nullement de la programmation ; de plus, elles sont déjà prévues par la loi du 22 juin 2023. Nous proposons de supprimer cet article.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’amendement CE275 tend également à supprimer l’article. Nous ne nous opposons pas à la recherche. Toutefois, il ne faut pas faire croire que nous aurons de l’électricité issue de la fusion avant la fin du siècle – c’est encore une chimère. En outre, le présent article prévoit d’exonérer le projet Iter de la loi sur le ZAN. On projette déjà de bétonner des kilomètres carrés pour le nouveau nucléaire – 330 hectares autour de Bugey, notamment : cela suffit !
Mme Julie Laernoes (EcoS). En application de l’article 15, Iter serait également exempté des obligations prévues dans la loi Littoral et de toutes les procédures environnementales, et il bénéficierait d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) – c’est « open bar » !
Iter accuse dix ans de retard, son budget a explosé, ses effets éventuels ne seraient sensibles qu’en 2080 : il n’existe aucun intérêt à s’asseoir sur toute la réglementation environnementale pour accélérer ce projet, auquel nous sommes défavorables.
Nous retrouvons ici l’accord gagnant de la gauche et du socle commun pour supprimer les lubies nucléaires des sénateurs.
M. Romain Daubié (Dem). Comme beaucoup d’autres avant lui, monsieur Laisney a évoqué les « 336 hectares » d’emprise au sol des EPR 2 à Bugey. En fait, il est question de 140 hectares, qui ont été entièrement compensés par le schéma de cohérence territoriale Bugey-Côtière-Plaine de l’Ain (Bucopa).
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Ce calcul oublie la moitié des zones bétonnées. À elle seule, l’emprise des nouveaux EPR sera supérieure à celle des quatre réacteurs en fonctionnement et de celui qui est à l’arrêt mais qu’on ne démantèle pas, faute de savoir comment s’y prendre. Il faut ajouter les routes, les parkings, etc., qui seront nécessaires pour la construction. D’ailleurs, il est plutôt question de 370 hectares.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 15 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 16 (articles L. 1333-13-12, L. 1333-13-13, L. 1333-13-14 et L. 1333-13-18 du code de la défense) : Renforcement des sanctions applicables aux délits d’intrusion sur les sites nucléaires
Amendements de suppression CE606 de M. Antoine Armand, CE248 de M. Karim Benbrahim, CE287 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE395 de Mme Julie Laernoes et CE430 de M. Julien Brugerolles
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 16 n’est pas programmatique ; je vous propose de le supprimer.
M. Karim Benbrahim (SOC). Je défends cet amendement de suppression pour la même raison.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). L’article prévoit de rehausser encore les peines applicables aux gens qui voudraient alerter l’opinion sur les dangers du nucléaire. S’agissant des dispositions similaires prévues dans le projet de loi d’accélération, ma collègue Anne Stambach-Terrenoir et moi avions déposé un recours au Conseil constitutionnel, qui nous a donné raison. Il est donc inutile de revenir à la charge.
Depuis quarante-huit heures, deux militants de Greenpeace sont en garde à vue. Qu’ont fait ces écoterroristes ? Ils ont volé la statue d’Emmanuel Macron au musée Grévin afin de dénoncer l’obsession nucléariste de certains parmi vous. Prévoir des peines de plusieurs années de prison et de cent mille euros d’amende pour des gens qui ne font que mettre en garde leurs concitoyens, ce n’est pas sérieux.
Mme Julie Laernoes (EcoS). L’article 16 en témoigne, cette proposition de loi a été « écrite avec les pieds » puisque ses dispositions, déjà inscrites dans le projet de loi d’accélération du nucléaire, ont été censurées par le Conseil constitutionnel en 2023. Le seul objectif est donc politique. Par ailleurs, les militants de Greenpeace qui se sont introduits dans des centrales nucléaires montrent que la sécurité n’y est pas garantie. Ils n’ont pas cherché à provoquer un accident nucléaire, ni un quelconque désordre, mais à révéler comment ceux qui le voudraient le pourraient. De telles intrusions pourront donc permettre d’améliorer le système de sécurité.
M. Julien Brugerolles (GDR). Même si nous ne soutenons pas les actions des militants antinucléaires, nous jugeons les peines prévues à l’article 16 disproportionnées. Nous ne pouvons partager l’objectif de criminaliser les militants associatifs.
M. Romain Daubié (Dem). Si l’article 16 est supprimé, mon amendement CE318 tombera. Il faudra quand même que nous discutions des moyens que nous nous donnons pour sanctionner les intrusions, c’est-à-dire pour faire respecter l’État de droit et éviter que ne s’installent des « zones à défendre » (ZAD) permanentes – je force le trait à dessein.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 16 est supprimé et les autres amendements tombent.
Après l’article 16
Amendement CE328 de M. Romain Daubié
M. Romain Daubié (Dem). Pour fluidifier la situation dans le domaine de l’énergie nucléaire, où nous avons la chance de disposer de savoir-faire, nous proposons que l’interdiction de confier la surveillance des sous-traitants à des tiers ne s’applique pas aux filiales que l’exploitant détient à plus de 50 % et sur lesquelles il conserve un droit de contrôle.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne varie pas, malheureusement : s’agissant des dispositions non programmatiques, demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CE289 de M. Matthias Tavel
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous nous opposons, par cet amendement, au projet de sous-traitance de la sécurité qui est envisagé pour certaines installations nucléaires de base (INB), notamment certains sites du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). La réglementation relative à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport, ainsi que l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), demandent un niveau d’exigence élevé, que le recours à la sous-traitance met en danger. En effet, elle signifie toujours une perte de transmission de savoir-faire et de compétences – en l’occurrence, une perte de capacité de réaction en cas de menace, mais aussi de dissuasion, parce que les salariés des sous-traitants sont moins formés et moins équipés, alors qu’il est question de sites abritant des activités nucléaires. On ne peut pas prendre un tel risque. Nous considérons, de plus, que cette évolution serait une atteinte sociale au statut protecteur des salariés, qui contribue au maintien de la sûreté nucléaire et de la sécurité des travailleurs. Nous ne pouvons pas l’accepter.
M. Antoine Armand, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, demande de retrait. Nous avons écarté des amendements auxquels nous pouvions être favorables sur le fond, pour nous contenter, au nom de la clarté de la loi, de dispositions programmatiques.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Même si cela ne devait pas être retenu dans cette proposition de loi, il faudrait que le Gouvernement se préoccupe du recours constant à la sous-traitance. Dans les centrales nucléaires, 80 % des opérations de maintenance sont réalisées par des sous-traitants, qui prennent 80 % des doses. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans cet amendement, mais de la surveillance de certaines INB, notamment celles gérées par le CEA – nous avons été contactés par des salariés très inquiets. Pour être très précis, il s’agit de salariés sous statut, qui portent une arme à la ceinture, ce qui peut dissuader – non pas des militants de Greenpeace, mais de vrais méchants – de s’introduire dans des INB. Demain, les sous-traitants n’auront pas le même statut, ni le droit de porter une arme et il sera beaucoup plus facile de pénétrer dans ces sites.
La commission rejette l’amendement.
Chapitre II – Accroître la participation des collectivités territoriales à la transition énergétique
Article 17 (articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales) : Renforcement des soutiens financiers des collectivités territoriales aux entreprises productrices d’énergie renouvelable ou d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone
Amendements de suppression CE609 de M. Antoine Armand, CE237 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE396 de Mme Julie Laernoes
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 17, qui tend à modifier le code général des collectivités territoriales, pose des questions importantes de partage de la valeur qui nous emmènent très loin du périmètre d’une loi programmatique.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Même si cet article peut avoir un intérêt du point de vue du soutien public au développement des énergies renouvelables, nous proposons également de le supprimer.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Dans cette proposition de loi sans queue ni tête, le présent article prévoit tout simplement une extension, qui serait une trahison, du modèle originel instauré par le code général des collectivités territoriales pour les sociétés locales de production d’énergies renouvelables. Vous avez malheureusement rejeté un amendement relatif à la participation citoyenne, de notre collègue Fournier et du groupe Socialistes, alors que ces sociétés permettent une appropriation citoyenne de projets concrets qui, développés par les territoires, sont fondés sur des ressources locales et renouvelables – le solaire, l’éolien, le bois, la méthanisation ou la géothermie.
L’article 17 propose d’en étendre le cadre juridique aux projets dits d’hydrogène « bas-carbone », ce qui brouillerait totalement les lignes ! C’est en effet une expression floue qui regroupe de l’hydrogène produit aussi bien à partir du nucléaire que de gaz, avec captage de CO2. Cela reviendrait à dévoyer complètement des outils qu’on devrait renforcer, s’agissant de leur objet initial, et non étendre à tout un tas de choses qui n’ont rien à voir avec la production d’énergies renouvelables. Il faut donc absolument supprimer cet article !
La commission adopte les amendements CE609, CE237 et CE396.
En conséquence, l’article 17 est supprimé.
Article 17 bis (art. L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales) : Délégation aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité de compétences relatives au développement des énergies renouvelables et rôle de coordination de ces autorités
Amendements de suppression CE610 de M. Antoine Armand et CE238 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 17 bis prévoit d’élargir les conditions de délégation de compétences aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité, ce qui n’est pas programmatique. Je propose de continuer à supprimer ce genre de dispositions.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Même demande, pour les mêmes raisons. C’est un article non programmatique.
La commission adopte les amendements CE610 et CE238.
En conséquence, l’article 17 bis est supprimé.
Article 18 (articles L. 314‑41 et L. 812‑3‑1 [nouveau] du code de l’énergie) : Élargissement aux projets d’éoliennes en mer et d’hydrogène du dispositif de partage territorial de la valeur
Amendement de suppression CE612 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article aborde de nombreuses questions relatives au partage territorial de la valeur en ce qui concerne, notamment, les éoliennes en mer. Je vous propose de supprimer cette disposition non programmatique. J’en profite pour dire, comme d’autres collègues l’ont déjà fait, qu’il faudra sans doute se pencher à nouveau sur ce sujet. Le meilleur moment sera quand l’intégralité des décrets d’application de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi « Aper », auront été pris – j’aurai l’occasion d’en parler au Gouvernement en séance. Ces textes étant préparés par l’administration – j’ai une petite expérience en la matière –, les changements de gouvernement n’empêchent pas de prendre les décrets d’application d’une loi.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). En cohérence avec notre position sur les articles non programmatiques, nous voterons cet amendement, mais nous tenons à rappeler notre attachement au contenu de l’article 18. Nous avions obtenu d’aller en ce sens dans la loi Aper ; mais l’ensemble des décrets ne sont pas sortis et nous souhaitons donc appeler l’attention sur ce point.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Je trouve un peu étonnant qu’on nous dise qu’on ne peut pas parler de grand-chose dans cette proposition de loi, parce qu’elle concerne la PPE et que certains éléments doivent être adoptés par décret – au motif que nous ne serions pas forcément les mieux placés pour regarder dans le détail tout ce qui relève de la politique énergétique –, et qu’on se plaigne, par ailleurs, du fait que 47 %, me semble-t-il, des décrets d’application de la loi Aper n’ont toujours pas été pris, deux ans plus tard. On ne peut pas renvoyer à des décrets tout en se plaignant qu’ils ne sont pas adoptés. De plus, il n’est pas possible de se décharger sur l’administration : si les décrets ne sont pas pris, c’est peut-être à cause des responsables politiques. Mais j’ai peut-être mal compris ce que vous avez dit à ce sujet.
M. Antoine Armand, rapporteur. En effet, je ne voulais pas donner cette impression. Mon propos était au contraire que les alternances n’empêchent pas les décrets d’être pris, puisqu’ils peuvent être travaillés même lorsqu’un gouvernement expédie les affaires courantes. Je partage votre avis – il est préférable que les décrets soient pris – mais ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas adoptés qu’il faut inscrire dans la loi ce qui relève du règlement.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 18 est supprimé et les amendements CE149 de M. Jérôme Nury et CE313 de Mme Clémence Guetté tombent.
Article 18 bis (articles L. 332‑6, L. 332‑15 et L. 332‑17 [nouveau] du code de l’urbanisme) : Mise en cohérence du code de l’urbanisme avec le code de l’énergie au sujet du coût du raccordement au réseau public de transport de l’électricité
Amendement de suppression CE613 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Outre que cet article n’est pas programmatique, ses dispositions ont été intégrées dans la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) d’avril 2025.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 18 bis est supprimé.
Chapitre III – Simplifier les normes applicables aux projets d’énergies renouvelables
Article 19 (article L. 314 A du code de l’énergie) : Prise en compte du bilan carbone des projets d’installations hydroélectriques souhaitant bénéficier d’une obligation d’achat dans le cadre d’un guichet ouvert
Amendements de suppression CE530 de M. Antoine Armand et CE239 de Mme Marie-Noëlle Battistel
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article prévoit d’appliquer aux petites installations hydroélectriques un critère relatif au bilan carbone. Je vous propose, toujours pour les mêmes raisons, de le supprimer.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous demandons également la suppression de l’article. Je reviendrai à l’article 20, d’une manière plus générale, sur nos positions en la matière.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 19 est supprimé.
Article 20 (articles L. 511-6-2 du code de l’énergie et L. 214-18 du code de l’environnement) : Faciliter les augmentations temporaires de puissance et les dérogations temporaires aux débits minimaux pour les ouvrages hydroélectriques
Amendements de suppression CE529 de M. Antoine Armand, CE240 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE317 de M. Matthias Tavel, CE397 de Mme Julie Laernoes et CE431 de M. Julien Brugerolles
M. Antoine Armand, rapporteur. Je n’ai pas besoin de rappeler que de nombreux élus, dont des collègues au Parlement, se mobilisent depuis longtemps pour que nous sortions de l’impasse juridique actuelle s’agissant de l’hydroélectricité. Nous avons à la fois un besoin de modernisation des installations existantes et un potentiel de progression pour la production et le stockage de cette énergie renouvelable, qui est produite dans notre pays grâce à une industrie et à un savoir-faire 100 % français. Je propose de supprimer cet article, qui n’est pas programmatique mais vise à faciliter les augmentations temporaires de puissance, en espérant que nous puissions bientôt débrouiller le contentieux avec l’Union européenne sur la question des concessions, au sujet de laquelle nos collègues Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel ont largement travaillé dans le cadre d’une mission d’information.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je vous propose également de supprimer cet article. Même si une partie de ses dispositions est intéressante, notamment celles relatives aux augmentations de puissance, il permettrait de n’invoquer qu’une simple menace sur la sécurisation de l’approvisionnement électrique pour débloquer les différents mécanismes auxquels il se rapporte et supprimerait des obligations de suivi environnemental. Nous avons donc deux bonnes raisons de demander sa suppression : il est non programmatique et conduirait à une régression sur plusieurs points.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous souhaitons la suppression de cet article, car nous ne sommes pas d’accord avec un élargissement des dérogations en matière d’augmentation de puissance, qui peut nuire à l’environnement.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Que l’hydroélectricité soit une énergie renouvelable essentielle ne justifie pas de desserrer toutes les règles de protection de l’eau et des milieux aquatiques, en particulier dans un contexte de tensions croissantes sur cette ressource. Le présent article supprimerait non seulement l’obligation de démontrer l’existence d’une menace grave sur l’approvisionnement pour l’octroi de certaines dérogations, mais aussi le suivi environnemental de l’impact sur les poissons et les écosystèmes, ce qui n’est absolument pas anodin – cela peut créer des précédents extrêmement inquiétants. Nous ne remettons pas en cause l’hydroélectricité, mais nous souhaitons qu’elle reste, comme toute production d’énergie, encadrée, respectueuse des milieux et cohérente avec la hiérarchie des usages de l’eau.
M. Julien Brugerolles (GDR). Cet article prévoit notamment un assouplissement des dérogations en ce qui concerne les débits réservés, ce qui pourrait avoir des conséquences environnementales non évaluées en l’absence d’étude d’impact ; d’où notre demande de suppression.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Grâce aux petites stations de transfert d’énergie par pompage (Step), il est possible d’obtenir une production supplémentaire d’une énergie fiable, pilotable et renouvelable. Dans le Jura, la Step du Saut-Mortier, parallèle au barrage de Vouglans, permettra ainsi de gagner 250 gigawattheures, soit la consommation de 81 000 habitants dans l’année, ce qui n’est pas négligeable. Toutes les précautions ayant été prises pour l’environnement, c’est une réalisation modèle.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 20 est supprimé et les amendements CE320 de M. Maxime Laisney et CE325 de Mme Clémence Guetté tombent.
Article 21 : Expérimentation du passage en régime d’autorisation pour les concessions hydroélectriques prorogées sous le régime des délais glissants
Amendements de suppression CE528 de M. Antoine Armand, CE82 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE331 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CE449 de M. Philippe Bolo
M. Antoine Armand, rapporteur. Les deux rapporteurs de la mission d’information sur l’hydroélectricité ayant déposé des amendements identiques, je les laisse les présenter.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet article permettra à titre expérimental, pour une durée de trois ans et par dérogation, de passer du régime de la concession à celui de l’autorisation pour certaines installations. Nous sommes opposés à une expérimentation dans ce domaine, car le passage d’un régime à l’autre impliquera un transfert de propriété. Or, peut-on le faire à titre expérimental, avant de rendre la propriété transférée si l’expérimentation ne marche pas ? C’est un peu compliqué. Par ailleurs, cet article nous semble non programmatique, donc cavalier. Enfin, outre nos travaux, qui nous ont conduits à formuler des propositions pour sortir du contentieux actuel, le sénateur Daniel Gremillet et plusieurs de ses collègues, dont M. Fabien Gay, conduisent actuellement une mission d’information. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 21.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous avons également déposé un amendement de suppression, parce que nous sommes contre le recours à un régime d’autorisation en la matière. Nous partageons la principale préconisation des rapporteurs de la mission d’information de notre assemblée, qui est de renégocier la directive européenne « Concessions » pour obtenir une dérogation quant à la mise en concurrence des barrages. Le passage à un régime d’autorisation marquerait la fin de la propriété de l’État. Nous voudrions plutôt qu’on explore un statut de quasi-régie, qui n’est certes pas défendu par tous les syndicats d’EDF, mais au moins par l’un d’entre eux, et qui constituerait une première étape dans le retour des barrages dans le giron de l’État et vers un rétablissement de son monopole.
M. Philippe Bolo (Dem). J’ajouterai quelques raisons de supprimer cet article. Il méconnaît totalement les conclusions de notre mission d’information, qui a actualisé la réflexion à ce sujet. Une expérimentation durant trois ans ne permettra en rien de lever les freins à l’investissement liés au contentieux actuel. Cet article s’inscrit dans un chapitre consacré à la simplification, mais je ne vois pas en quoi une expérimentation permettrait de simplifier la situation. Enfin, la suppression de cet article ne suscitera aucune frustration, puisqu’aucun autre amendement n’a été déposé.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 21 est supprimé.
Article 22 (article L. 461-1 du code de l’urbanisme) : Extension du droit de visite des installations photovoltaïques sur terres agricoles
Amendements de suppression CE560 de M. Antoine Armand, CE265 de M. Karim Benbrahim et CE450 de M. Pascal Lecamp
M. Antoine Armand, rapporteur. Le dispositif législatif proposé dans cet article a déjà été adopté dans le cadre de l’article 24 de la loi Ddadue du 30 avril dernier.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 22 est supprimé.
Article 22 bis (article L. 321-13 du code de l’énergie) : Élargissement du périmètre des obligés du mécanisme d’ajustement
Amendements de suppression CE561 de M. Antoine Armand et CE266 de M. Karim Benbrahim
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article vise à étendre l’obligation de participer au mécanisme d’ajustement du système électrique aux installations de production d’électricité raccordées aux réseaux publics de distribution et à ouvrir leur participation aux ajustements à la baisse comme à la hausse. Là encore, il ne s’agit pas d’un article programmatique.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 22 bis est supprimé.
Après l’article 22 bis
Amendement CE435 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). J’avais déposé cet amendement dans l’hypothèse où l’idée de supprimer les articles non programmatiques ne ferait pas consensus. La réalisation de petits projets d’énergies renouvelables, de moins de 250 kilovoltampères (kVA), peut être freinée par des difficultés de raccordement au réseau de distribution – notamment parce que le coût peut être excessif par rapport à la taille du projet, compte tenu des spécificités du réseau de distribution dans la zone concernée. L’amendement demande donc aux gestionnaires des réseaux de distribution d’établir un forfait pour le raccordement de tels projets, de manière à faciliter leur développement.
L’amendement est retiré.
Article 23 (articles L. 111-3, L. 131-1, L. 131-2, L. 131-2-1, L. 131-2-2 [nouveau], L. 134-2, L. 134-19, L. 134-25, L. 134-28, L. 134-29 et L. 134-30 du code de l’énergie) : Attribution à la Commission de régulation de l’énergie de compétences en matière de régulation et développement de l’offre d’hydrogène et de transport et stockage du dioxyde de carbone
Amendements de suppression CE618 de M. Antoine Armand et CE267 de M. Karim Benbrahim
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article vise à étendre les missions de régulation ainsi que les pouvoirs de contrôle et de sanction de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). J’en profite pour souligner que l’article 24 porte aussi sur des pouvoirs de sanction, s’agissant des prix de vente et, plus généralement, de la fourniture d’énergie. Si je vous propose de supprimer ces articles, ce n’est pas parce qu’ils ne me paraîtraient pas importants, mais parce que nous devons aller au bout de notre travail sur la programmation – j’ai cru comprendre que nous n’étions pas encore parvenus à un consensus absolu ou, du moins, à un socle de programmation majoritaire, qui nous permettrait d’avoir un dispositif robuste... Par ailleurs, s’il est totalement logique de renforcer les pouvoirs de la CRE, j’inviterai en séance le Gouvernement à se saisir de cette question, parce qu’il est le mieux placé, compte tenu de toutes les expertises techniques dont il dispose, pour proposer les modifications pertinentes, notamment pour ce qui est de l’extension des pouvoirs de la CRE, laquelle interagit – je le dis sous le contrôle de notre collègue, ancienne ministre, Olga Givernet – avec de très nombreuses autorités de régulation.
La commission adopte les amendements CE618 et CE267.
En conséquence, l’article 23 est supprimé et les amendements CE145, CE146, CE342 tombent.
Article 24 (articles L. 122-3, L. 131-1, L. 134-9-1 [nouveau], L. 332-5, L. 332-8 [nouveau] du code de l’énergie et articles L. 224-2-1, L. 224-3, L. 224-10 et L. 224-12 du code de la consommation) : Renforcement de la protection des consommateurs d’électricité et de gaz naturel par la comparaison des offres et l’approfondissement des obligations des fournisseurs en matière d’informations précontractuelles
Amendements de suppression CE619 de M. Antoine Armand et CE268 de M. Karim Benbrahim
M. Antoine Armand, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, nous proposons de supprimer l’article 24. Nous espérons que le renforcement de la protection des consommateurs d’énergie fera l’objet d’un projet de loi, car nous avons besoin de l’expertise des administrations et de l’exécutif. À défaut, nous pourrions déposer une proposition de loi, si le Gouvernement ne veut pas s’en saisir. Certains jalons ont déjà été posés par les parlementaires avant 2024, mais un texte global d’actualisation serait le bienvenu. Il existe par ailleurs des dispositions contradictoires avec les textes qui ont pu être examinés. Il y aurait d’ailleurs matière à étendre cet exercice de simplification et de clarification à d’autres parties du code de l’énergie.
M. Karim Benbrahim (SOC). J’aimerais appeler votre attention sur deux mesures nouvelles de protection du consommateur, que j’entendais défendre dans des amendements qui vont sans doute tomber si les amendements de suppression sont adoptés. Le premier porte sur les comparateurs d’offres d’énergie qui se développent sur internet car, du fait de la dérégulation du marché, les consommateurs peuvent être un peu perdus dans la recherche d’un fournisseur d’électricité ou de gaz. L’amendement CE418 propose d’interdire aux fournisseurs d’énergie de mettre en ligne des comparateurs d’offres d’énergie afin d’assurer la fiabilité de l’information délivrée par ces outils. L’amendement CE410 impose, par ailleurs, aux fournisseurs de proposer à leurs clients l’offre la plus adaptée à leurs habitudes de consommation.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je vous rejoins, monsieur le rapporteur : s’agissant de la protection du consommateur, il importe de trouver un texte transpartisan pour faire entrer dans un cadre adapté les pratiques qu’a dû adopter la CRE par nécessité et pour procéder à un toilettage du code de l’énergie. Pour le reste, il faut être cohérent avec la ligne que nous nous sommes fixée en ce qui concerne les dispositions non programmatiques.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’article 24 est très intéressant du point de vue de la protection du consommateur. Le Conseil supérieur de l’énergie travaille beaucoup avec la CRE, qui fête cette année ses vingt-cinq ans d’existence, sur les textes réglementaires en la matière, compte tenu des évolutions du prix de l’énergie. Plusieurs de mes amendements portent sur l’amélioration de la transparence de l’information délivrée aux consommateurs. Même si nous souscrivons à la ligne défendue par le rapporteur, il serait bon de revenir sur cet enjeu de manière transpartisane, peut-être en lien avec le Gouvernement. Pour l’heure, j’espère que le sénateur Gremillet arrivera à se remettre, une fois qu’il aura pris connaissance de la version de la proposition de loi issue de nos travaux… (Sourires.)
La commission adopte les amendements CE619 et CE268.
En conséquence, l’article 24 est supprimé et les amendements CE103, CE452, CE99, CE345, CE33, CE114, CE109, CE517, CE84, CE518, CE110, CE111, CE112, CE83, CE113, CE418, CE410 tombent.
Après l’article 24
Amendement CE398 de Mme Julie Laernoes
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je m’écarte ici de la logique programmatique suivie par le rapporteur, car cet amendement porte sur un sujet extrêmement important. Il vise à établir une information claire sur l’origine du gaz consommé et propose d’obliger les fournisseurs de gaz à faire figurer, une fois par an sur la facture, les pays dans lesquels le gaz a été produit ainsi que son contenu carbone comparé à d’autres sources d’énergie. C’est un non-sens que le consommateur ne dispose pas de cette information à l’heure où la responsabilité environnementale impose davantage de transparence.
La France consomme une part significative de gaz de schiste, alors que son extraction, qui libère de grandes quantités de méthane et de gaz à effet de serre, est interdite sur son territoire. Notre pays est le premier importateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) américain, composé à 79 % de gaz de schiste dont le bilan carbone est bien plus « sale » que d’autres sources d’approvisionnement en énergie – jusqu’à deux fois et demie plus élevé, par exemple, que le gaz acheminé par gazoduc.
La loi Hulot de 2017 avait pourtant prévu des dispositions en ce sens, mais elles n’ont fait l’objet d’aucun décret. Aucun rapport au Parlement n’a été publié. Les consommateurs achètent donc à l’aveugle. Notre amendement vise à remédier à un besoin que l’État refuse d’assumer. En outre, des informations sur le gaz russe seraient susceptibles d’intéresser le consommateur.
M. Antoine Armand, rapporteur. Même si je partage le raisonnement et l’objectif de transparence, je demande le retrait de votre amendement. Il pourra être déposé ailleurs, dans une proposition de loi ou dans un projet de loi relatif à la protection des consommateurs, que le Gouvernement ne manquera pas d’annoncer à la suite de nos demandes répétées et unanimes en séance.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Compte tenu du grand nombre d’articles supprimés, je me demande à quelle partie du texte raccrocher cet amendement. Je le maintiens, mais nous pourrons toujours l’introduire ailleurs.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je ne voudrais pas vous suggérer trop de possibilités de déposer de nouveaux amendements en séance ! (Sourires.) Sachez néanmoins que les premiers articles du texte comportent plusieurs références au gaz et que nous avons introduit la notion de « pays inamicaux » et la mention de l’origine géographique.
La commission rejette l’amendement CE398.
Titre III – DISPOSITIONS DIVERSES
Article 25 A (article L. 152-7 du code de l’énergie) : Application de certaines dispositions programmatiques à Wallis-et-Futuna
Amendement de suppression CE269 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Peut-être s’agit-il d’un article de coordination, raison pour laquelle vous n’avez pas déposé d’amendement de suppression, monsieur le rapporteur ?
M. Antoine Armand, rapporteur. En effet, cet article assure que certaines dispositions du présent texte s’appliquent à Wallis-et-Futuna. Il importe de le conserver.
L’amendement CE269 est retiré.
La commission adopte l’article 25 A non modifié.
Article 25 B : Demande de rapport évaluant l’application de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec)
Amendement de suppression CE527 de M. Antoine Armand
M. Antoine Armand, rapporteur. Je crois que nous pouvons nous passer du rapport évaluant l’application de la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) que demande cet article. Elle fait déjà l’objet d’évaluations, tout comme la programmation pluriannuelle de l’énergie et les modifications qui lui sont apportées. Continuons à suivre la logique de clarté et de simplicité qui nous a guidés et supprimons cet article.
Mme Julie Laernoes (EcoS). La Sfec engage l’État français et donc la politique énergétique de notre pays. Comment sera-t-il rendu compte de l’application des promesses qu’elle contient ? Comment nous, parlementaires, pourrons évaluer la cohérence de ses objectifs avec ceux que nous avons définis dans cette proposition de loi ? Mon avis n’est pas tranché, mais je pose la question.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je propose à tous les groupes qui le souhaitent de travailler à un amendement unique qui engloberait dans un même rapport, remis dans un délai de deux ans à deux ans et demi, plusieurs points dont nous pourrions dresser la liste. Toute la difficulté est dans l’ajustement : une demande de rapport de portée générale comme celle formulée dans l’article 25 B pourrait être considérée comme étant satisfaite par les annexes des projets de loi de finances ou les rapports consacrés aux modifications apportées à la PPE, tandis que les demandes portant sur des dispositions ou infrastructures très spécifiques, comme celles visées aux articles 25 C et 25 D, risquent de passer à côté de choses importantes.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 25 B est supprimé et l’amendement CE353 de Mme Stambach-Terrenoir tombe.
Article 25 C : Rapport sur la mise en œuvre des mesures liées à la reconversion des centrales de production d’électricité à partir de charbon
Amendements de suppression CE525 de M. Antoine Armand et CE245 de M. Karim Benbrahim
M. Antoine Armand, rapporteur. Cet article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an – ce qui peut poser problème, compte tenu de notre calendrier – puis tous les ans un rapport annuel exposant les mesures, y compris financières, prises ou envisagées pour assurer la pérennité de l’activité industrielle des sites de centrales à charbon. Il me semble que les plans de conversion proposés par les entreprises concernées et les débats que nous avons au sujet de ces sites dans cette commission sont plus utiles.
M. Karim Benbrahim (SOC). Mon élan m’a emporté trop loin dans la suppression des articles et je vais retirer cet amendement pour que soit maintenue cette demande de rapport. L’avenir des centrales à charbon, dont nous avons débattu à de multiples reprises ces derniers jours, pose d’importantes questions sur les plans social et industriel.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Les deux centrales à charbon concernées sont séparées par des différences majeures. Saint-Avold va continuer à produire de l’électricité, alors que pour Cordemais, la préfecture et EDF n’ont rien prévu. Les salariés ont proposé un projet de reconversion qui a été purement et simplement écarté et Framatome a été dépêchée pour élaborer un projet de fabrication de tuyaux qui n’a aucun sens : il fait appel à des compétences tout autres que celles mobilisées pour le fonctionnement d’une chaufferie ; en Loire-Atlantique, les soudeurs manquent, compte tenu des besoins des chantiers navals et d’Airbus, et l’opposition au nucléaire est forte. Pourquoi, en outre, implanter là une usine promise ailleurs ? Enfin, il y a une raison supplémentaire de supprimer cet article : les rapports portant sur ce type d’activité industrielle sont trompeurs.
L’amendement CE245 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE525.
En conséquence, l’article 25 C est supprimé.
Article 25 D : Rapport permettant d’évaluer le fonctionnement des parcs éoliens en mer
Amendements de suppression CE256 de M. Antoine Armand, CE244 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE244 de M. Matthias Tavel
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 25 D prévoit une demande de rapport pour évaluer le fonctionnement des parcs éoliens en mer – coûts globaux, durabilité technique, impact sur la biodiversité, etc. Il serait plus efficace, je le répète, de regrouper en une seule demande de rapport plusieurs points à évaluer, d’où cette nouvelle proposition de suppression.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous retenons la proposition du rapporteur de converger vers un rapport global, mais, pour plus de crédibilité, il nous faudrait cibler avec précision nos demandes, compte tenu du nombre important de rapports portant déjà sur les sujets dont nous traitons.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous proposons une suppression pour les mêmes raisons, mais je note que ce n’est sans doute pas un hasard si, parmi les énergies décarbonées, l’éolien en mer a été choisi.
M. Pascal Lecamp (Dem). N’aurait-on pas intérêt à attendre les conclusions du groupe de travail sur la souveraineté énergétique dont le Premier ministre a confié le pilotage au rapporteur, avec notre collègue sénateur Daniel Gremillet ?
M. Antoine Armand, rapporteur. Ce groupe de travail transpartisan, dans lequel chacun des groupes du Parlement est représenté, a vocation à se pencher sur la version actuelle de la programmation pluriannuelle de l’énergie, sur les conséquences potentielles de la présente proposition de loi et sur l’articulation entre les deux. Nous avons adressé au Gouvernement une soixantaine de questions précises relatives aux éléments techniques du projet de PPE, allant du nouveau nucléaire à la géothermie en passant par les énergies marines et les énergies renouvelables électriques. Nous attendons ses réponses pour formuler nos observations. Nous sommes tous favorables à ce qu’une coordination soit assurée entre les dispositions issues du débat parlementaire et les mesures qu’adoptera le Gouvernement, même si c’est par décret.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 25 D est supprimé et les amendements CE404 de M. Maxime Laisney et CE513 M. Antoine Golliot tombent.
Après l’article 25 D
Amendement CE190 de Mme Clémence Guetté
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous avons déposé plusieurs amendements portant sur des demandes de rapport et je garde en tête la possibilité évoquée par le rapporteur d’un amendement global. Il s’agit ici d’un rapport évaluant les coûts de la décarbonation du mix énergétique dans les départements et régions d'outre-mer. Lors des auditions menées dans le cadre de la mission d’information sur le prix de l’électricité, la compétitivité des entreprises et l’action de l’État, notre collègue Philippe Bolo et moi-même avons été alertés sur les incidences du projet d’EDF pour les départements et régions d’outre-mer (Drom) : un passage au « tout-biomasse » est prévu, mais cette biomasse serait dans sa presque totalité importée – une très mauvaise solution sur les plans écologique et financier ! Le Gouvernement pourrait peut-être remettre en question cette orientation.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait au profit d’un amendement transverse, intégrant l’évaluation du coût de la décarbonation dans les Drom et l’ensemble des territoires ultramarins.
M. Philippe Naillet (SOC). À La Réunion, la production d’électricité ne repose plus sur le fioul et le charbon, mais utilise des copeaux de bois acheminés depuis le Canada !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE314 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Plus de deux ans après la promulgation de la loi Aper, certains décrets nécessaires à son application n'ont toujours pas été publiés. Cet amendement d’appel demande un rapport au Gouvernement sur les raisons de ce retard.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CE409 de Mme Clémence Guetté
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Je suis prêt à retirer cet amendement relatif à une demande de rapport évaluant le potentiel des énergies osmotique, houlomotrice et thermique des mers, car il me semble que nous avons déjà adopté un amendement allant en ce sens.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je vous le confirme.
L’amendement est retiré.
Amendement CE412 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). La demande concerne un rapport évaluant l'opportunité de lancer des appels à projets de France 2030 portant sur le développement des énergies marines. La plus utilisée, du fait de sa maturité technologique, est l’éolien en mer, mais les autres énergies appellent des recherches plus approfondies. La France, dont les courants marins sont parmi les plus puissants du monde, recèle un potentiel hydrolien estimé entre 3 GW et 5 GW.
M. Antoine Armand, rapporteur. Demande de retrait pour les mêmes motifs qu’au précédent amendement.
À la demande du rapporteur, l’amendement est retiré.
Amendement CE417 de M. Matthias Tavel
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous demandons un rapport visant à évaluer l’état de maturité du programme EPR2 et l’avancement de son design détaillé. La délégation interministérielle au nouveau nucléaire assure un suivi pour l’État, mais elle n’en rend pas forcément compte devant le Parlement.
Je profite de cette dernière prise de parole pour dire que nous sommes plutôt satisfaits de l’examen de cette proposition de loi, même si certaines dispositions manquent, notamment la fixation d’objectifs pour les énergies renouvelables. Les groupes qui vous soutiennent, monsieur le rapporteur, et ceux qui se trouvent à gauche de l’hémicycle ont convergé bien des fois dans leur vote et nous espérons pouvoir travailler avec vous d’ici à la séance. Reste que nous n’avons toujours pas de loi de programmation pour l’énergie et le climat. Vous avez répondu de la manière la plus claire possible à la question très pertinente de notre collègue Lecamp, mais nous ne savons pas encore ce que tout cela va donner.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je vous renvoie à ma proposition d’amendement global. S’agissant de l’EPR2, il y aurait d’autres points, comme le schéma de financement ou le prix de sortie estimé, sur lesquels nous aimerions avoir des précisions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE460 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Notre demande de rapport porte sur le décalage considérable entre les ambitions initiales du projet Iter et son état d’avancement, qui nous semble difficilement compatible avec les impératifs de décarbonation que la PPE prétend défendre. En 2024, ses responsables estimaient encore à huit ans le retard supplémentaire pour la seule construction de la structure pour laquelle quatre cent mille tonnes sont nécessaires, dont 10 % rien que pour les fondations et le radier du tokamak.
M. Antoine Armand, rapporteur. Là encore, je propose qu’une demande unique de rapport reprenne l’ensemble des précisions souhaitées. Toutefois, la façon la plus simple d’obtenir rapidement des informations sur le projet Iter serait sans doute que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) mène des auditions sur le sujet, voire une mission d’information.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’Opecst serait en effet un bon véhicule. Je suis également d’accord avec l’idée de rassembler toutes les demandes de clarification en un seul amendement. Je retire donc mon amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CE419 de M. Julien Brugerolles
M. Julien Brugerolles (GDR). Puisque notre commission a créé un établissement public industriel et commercial (Epic) pour EDF, je propose de prolonger ce bel élan révolutionnaire. Cet amendement vise donc à demander un rapport afin d’évaluer l’opportunité d’une maîtrise complète du secteur de l’énergie et les modalités de création d’un Epic global, dénommé « Groupe Énergie de France », chargé d’assurer le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle et l’unité sociale du système énergétique national.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je note qu’avant de nationaliser l’ensemble du secteur de l’énergie, vous êtes prêt à solliciter un rapport du Gouvernement sur la possibilité et les limites d’une telle transformation – laquelle a été adoptée sans rapport s’agissant d’EDF ! Je ne vois pas d’inconvénient à intégrer votre demande dans un amendement global sur la stratégie énergétique, même si, sur le fond, nous ne sommes pas d’accord sur ce point.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous voterons contre cet amendement, car nous préférons la proposition du rapporteur de reprendre dans un amendement commun toutes les demandes de rapport.
Au cours de l’examen du texte, nous avons avancé pour favoriser le développement des énergies renouvelables et nous sommes parvenus à écarter tous les articles non programmatiques. Nous ne sommes pas opposés au nucléaire, même si nous avons une opinion divergente sur le calibrage – nous pourrons y travailler avec le rapporteur en vue de la séance. Nous sommes favorables à un mix équilibré – mais je vois que le rapporteur a déjà en main le dossier réalisé par notre groupe afin de présenter notre doctrine en matière de stratégie énergétique… (Sourires.)
La commission rejette l’amendement.
Article 25 (supprimé) : Gage financier
M. Antoine Armand, rapporteur. L’article 25, qui figurait dans le texte initial, a été supprimé au Sénat, en séance. Nous sommes donc amenés à nous prononcer sur le maintien de la suppression de cet article, qui concerne le gage.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Je ne comprends pas comment fonctionne une proposition de loi sans gage financier ?
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Le Gouvernement a levé le gage.
La commission maintient la suppression de l’article 25.
Titre
Amendement CE454 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à tenir compte de la restriction du champ de la proposition de loi à sa dimension programmatique et à intégrer le fait que ce texte se substitue – et nous le regrettons – à la loi de programmation sur l’énergie et le climat qui devait fixer les grandes orientations pour la décennie à venir. Nous proposons donc le titre suivant : proposition de loi de programmation énergie et climat pour les années 2025 à 2035.
J’en profite pour préciser que nous voterons le texte issu des travaux de la commission, compte tenu des évolutions évoquées à l’instant par ma collègue Marie-Noëlle Battistel.
M. Antoine Armand, rapporteur. Je suis favorable à votre amendement, puisque la modification proposée correspond au travail que nous avons mené.
M. Maxime Amblard (RN). L’examen de ce texte ne se sera pas déroulé sans surprises. Je regrette que le bloc central se soit associé à la gauche sur la question de la production nucléaire, alors qu’il savait très bien que le Rassemblement national était un allié de poids pour maintenir, voire augmenter, la puissance de notre parc, qui sera nécessaire pour décarboner notre mix énergétique sans trop de contraintes ni appauvrir les Français. J’espère que les signaux envoyés auront été compris et que nous y reviendrons en séance de façon plus judicieuse, dans l’intérêt des Français et de la souveraineté énergétique.
M. Jérôme Nury (DR). La proposition de loi sénatoriale constituait une bonne base en matière de stratégie énergétique, puisqu’elle intégrait à la fois la relance du nucléaire et la poursuite du développement des énergies renouvelables intermittentes. Malgré les efforts d’équilibriste, voire de funambule, du rapporteur pour conserver cette double approche au cours de plusieurs heures de débat, le texte est désormais déstructuré, sans aucune logique, avec des propositions fantaisistes, telles que celle de transformer EDF en Epic. Surtout, il a été vidé de la partie relative à la relance du nucléaire, ce qui le rend rédhibitoire à nos yeux.
En séance, il faudra opérer un choix clair entre la relance du nucléaire ou l'accélération de l’éolien et du photovoltaïque : le « mi-figue mi-raisin » n’est plus tenable. Notre système électrique a payé ce non-choix et les Français avec lui. Nous appelons donc le rapporteur et les collègues à une relance assumée du nucléaire, à la poursuite des renouvelables intermittents déjà autorisés et à un moratoire sur les futurs projets, seul moyen d’assurer la sécurité énergétique et de garantir aux Français un prix acceptable.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte dénaturé et déstructuré, en espérant qu’une boussole soit trouvée afin de définir une stratégie énergétique claire.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). Nous voterons favorablement l’amendement portant sur le titre.
En définitive, le texte issu de nos travaux est bancal, puisqu’il n'intègre plus la partie relative au nucléaire. Il aurait été plus raisonnable, madame Battistel, de retirer votre amendement qui a semé la panique hier soir et accru l’entropie du système énergétique. C’est regrettable. L’enjeu majeur est de sortir des énergies fossiles, en s’appuyant à la fois sur le nucléaire et sur les énergies renouvelables. Autant, sur ce dernier point, le texte n’est pas si mal – même s’il reste des choses à améliorer –, autant il est déséquilibré en matière nucléaire.
Nous regrettons également ce qui s’est passé s’agissant de la transformation d’EDF en Epic, à la suite de l’adoption d’un amendement. Le groupe Engie a même failli être nationalisé !
Il faudra avancer rapidement sur ce texte, car de nombreux projets et investisseurs restent dans l’attente – je pense notamment aux appels d’offres lancés pour l’éolien en mer.
Enfin, si nous avons suivi le rapporteur dans sa volonté de simplifier le texte, de s’en tenir au volet programmatique et d’écarter, entre autres, la protection des consommateurs en matière de prix, nous maintenons l’idée qu’il faudra travailler sur ce sujet : nous devons donner les moyens à la CRE d’adapter les modalités actuelles aux évolutions énergétiques.
Nous voterons ce texte. Mais beaucoup de travail reste à faire en vue de la séance, notamment pour rééquilibrer les parts respectives du nucléaire et des énergies renouvelables, car les deux vont ensemble : pour défossiliser, il faut faire du « en même temps ».
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous ne savions pas très bien à quoi aboutirait la mission quasi impossible du rapporteur, puisque le groupe de travail sur la souveraineté énergétique de la France qu’il copilote avec le sénateur Daniel Gremillet revêt un caractère flou, tant dans sa composition que dans son objectif final – si ce n’est celui d’éviter au Premier ministre une possible censure du Rassemblement national.
Nous sommes partis d’un texte bancal, très bavard, qui comportait plusieurs mythes sur la filière nucléaire. Nous avons réussi à le clarifier et à le simplifier, même s’il reste beaucoup de travail, notamment pour préciser et concrétiser les objectifs en matière d’énergies renouvelables. Sans un cap clair, aucun industriel n’investira dans ce domaine.
Nous devrons également travailler sur la transparence s’agissant de la provenance du gaz, ainsi que sur le suivi des engagements français en matière de stratégie énergétique. En effet, en l’absence de loi de programmation énergie et climat et d’assise législative, le Parlement est privé de sa mission de contrôle et d’évaluation de l’action du Gouvernement : il ne peut pas contrôler l’application de la Sfec ni celle du plan national intégré énergie-climat de la France (Pniec). Pourtant, la planification énergétique est un sujet essentiel, qu’il s’agisse des questions de prix pour les consommateurs, de sécurité d’approvisionnement électrique pour les années à venir ou de décarbonation et de défossilisation du mix énergétique. Nous sommes devant un choix clair : c’est avec la gauche que nous parviendrons à adopter une stratégie énergétique digne de ce nom.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je voudrais demander à notre collègue Fugit de faire preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle et de reconnaître que mon amendement CE224 ne visait qu’à supprimer l’alinéa 7 de l’article 3 : il ne peut donc pas dire que son adoption a conduit à supprimer l’ensemble du nucléaire ! C’est le rejet de l’ensemble de l’article 3, à l’aide des votes du Rassemblement national, pourtant pronucléaire, qui en est la cause. Par conséquent, même si nous avions retiré notre amendement – nous aurions probablement dû le faire, mais le texte manquait de clarté –, l’article 3 aurait été rejeté.
M. Philippe Bolo (Dem). Le côté positif, c’est le souhait réaffirmé du rapporteur d’inscrire nos débats dans une logique de programmation, sans entrer dans tous les détails. Certes, plusieurs votes ont compromis la cohérence globale nécessaire à une bonne programmation et du travail reste à faire. N’opposons pas les énergies entre elles et travaillons encore sur le mix énergétique et la sobriété, en inscrivant ces enjeux dans le temps.
Nous voterons ce texte, qu’il faudra encore améliorer en séance. L’objectif est d’influer sur le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie et de contribuer ainsi à un débat qui, sans cette proposition de loi, n’aurait pas eu lieu.
M. Joël Bruneau (LIOT). Il n’est plus temps de rejeter les torts sur les uns ou les autres. Toujours est-il qu’après avoir passé un certain temps à débattre, le texte a été clairement dénaturé et n’a plus ni queue ni tête, puisqu’il manque l’article 3, de sorte que je suis partagé entre la tentation de le voter et celle de m’abstenir. J’espère qu’il y aura en séance une majorité de gens raisonnables pour rétablir l’esprit dans lequel la proposition de loi avait été écrite initialement.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Nous voterons contre l’amendement qui vise à modifier le titre de la proposition de loi : il ne faudrait pas laisser croire que ce texte constitue une loi de programmation énergie-climat en bonne et due forme.
Le rejet de l’article 3 et, ce faisant, de la partie relative au nucléaire est le fruit de l’obstination de certains jusqu’au-boutistes nucléaristes. Malgré l’adoption de l’amendement de madame Battistel qui visait à supprimer l’alinéa 7, il restait encore 27 gigawatts de nouvelles capacités de production d’électricité d’origine nucléaire. En réalité, ce sont ceux qui voulaient y ajouter six EPR supplémentaires, puis huit, ainsi que des petits réacteurs modulaires (SMR) et avancés (AMR), qui ont conduit, par leur jusqu’au-boutisme, à la disparition du volet nucléaire.
Nous voterons le texte issu des travaux des commissions du développement durable et des affaires économiques et restons disponibles pour amender, d’ici à la séance, cette programmation qui ne concerne, je le rappelle, que les dix années à venir.
La commission adopte l’amendement.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Notre commission ayant délégué au fond à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire les articles 11, 16 bis, 22 ter, 22 quater et 22 quinquies de la proposition de loi, ainsi que tous les amendements liés à ceux-ci, la procédure de la délégation au fond implique que nous ne débattions pas de ces articles et amendements adoptés par cette commission. Par conséquent, nous devons nous en tenir, pour ceux-ci, comme nous l’avons fait pour la proposition de loi dite « Duplomb », à entériner les amendements adoptés par la commission du développement durable, procédure dont la présidente de l’Assemblée nationale a rappelé, en Conférence des présidents, le 3 décembre dernier, qu’elle est la seule valable en cas de délégation au fond.
Article 11 (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE70 de la commission du développement durable.
Elle adopte l’article 11 modifié.
Après l’article 11 (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE71 de la commission du développement durable.
Article 16 bis (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE86 de la commission du développement durable.
En conséquence, l’article 16 bis est supprimé.
Article 22 ter (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE72 de la commission du développement durable.
Elle adopte l’article 22 ter modifié.
Article 22 quater (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE73 de la commission du développement durable.
En conséquence, l’article 22 quater est supprimé.
Article 22 quinquies (examen délégué) (précédemment réservé)
La commission adopte l’amendement CE74 de la commission du développement durable.
En conséquence, l’article 22 quinquies est supprimé.
M. Antoine Armand, rapporteur. Madame la Présidente, je vous remercie pour la manière dont vous avez dirigé nos débats. Je remercie tous les collègues pour nos débats constructifs – qui nous ont parfois amenés à changer d’avis – malgré des positions quelquefois diamétralement opposées, à partir d’une proposition de loi élaborée dans les circonstances que nous connaissons tous.
Ce texte comprend la transformation d’EDF en établissement public, le rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz, la suppression – par les deux parties les plus éloignées du centre de l’hémicycle – de la relance du nucléaire et le maintien du parc existant ou encore, à l’article 5, un volet sur les énergies renouvelables électriques et thermiques qui est criblé d’incohérences et ne propose en rien une véritable programmation – au contraire, il produit plus d'instabilité que le code de l'énergie, qui prévoit moins de dispositions.
Dans le même temps, nous avons réussi à supprimer de nombreux articles qui ne relevaient pas d’une loi de programmation. Au-delà de la nécessité d’améliorer la qualité légistique du texte, cela prouve notre volonté sincère, malgré nos divergences, d’aboutir à l’adoption d’un texte qui traduise une position majoritaire de notre assemblée en matière énergétique. Nous l’avons fait précisément parce que le Gouvernement a renoncé à présenter un projet de loi de programmation. Nous sommes donc enclins à lui montrer notre capacité à débattre sereinement pour parvenir à une loi de programmation qui sera examinée en nouvelle lecture par le Sénat, puisque le Gouvernement n’a pas engagé la procédure accélérée. Nous avons ainsi réduit la proposition de loi à une douzaine d’articles au lieu d’une bonne trentaine, ce qui n’est pas négligeable et nous laissera davantage de temps pour travailler en séance.
Je note aussi une volonté de convergence en matière de rénovation énergétique : il faudra trouver les bons équilibres physiques et arrêter de parler de parcours « par geste » – je le dis, alors que le ministère de l’économie vient de confirmer la suspension de MaPrimeRénov’ jusqu’à la fin de l’année, ce qui appelle notre attention collective, quels que soient nos positionnements politiques.
J’ajoute qu’il n’est pas possible d’entrer dans le détail des énergies renouvelables – énergie par énergie, voire sous-énergie par sous-énergie – sans créer des incohérences. Plusieurs amendements, finalement tombés en raison de l’adoption d’un amendement et non examinés, visaient ainsi à substituer à la proposition d’atteindre une capacité de production d’électricité d’origine photovoltaïque d’au moins 50 gigawatts, le chiffre de 54, voire de 60 gigawatts, tandis que d’autres voulaient au contraire la plafonner à 40 gigawatts. En entrant dans ce niveau de détail, nous n’obtiendrions que des éléments disparates qui, à la fin, n’aboutiraient pas à une addition cohérente pour le système énergétique, en adéquation avec nos besoins de consommation finale brute d’énergie à l’horizon 2030 ou 2035. Or c’est ce dont nous avons besoin !
Cela implique que chacun soit prêt non pas à changer radicalement de position sur ces sujets fondamentaux, mais à parvenir au moins à des convergences élémentaires. Par exemple, je ne comprends pas que nous n’arrivions pas à tomber d’accord sur le maintien du parc nucléaire existant, sous réserve bien sûr du respect des conditions de sûreté. Nous devrions trouver des consensus sur ce plan et montrer à nos concitoyens que nous sommes favorables à la décarbonation, d’autant plus lorsqu’elle est pourvoyeuse d’emplois locaux. Et je ne parle pas du « nouveau nucléaire » qui fera l’objet de ma part d’un amendement de rétablissement en séance, avec une dimension claire et des ajustements pour que les objectifs collent à la maturité industrielle et à la capacité d’EDF à faire. Ce n’est pas parce qu’on est pronucléaire – c’est mon cas et celui de nombre de nos collègues dans cette salle – qu’on ne doit pas être exigeant. Ne faisons pas croire aux Français que nous aurons, à une échéance de dix ou quinze ans, des dizaines de réacteurs qui ne sont pas encore construits et dont la technologie n'existe pas encore dans le monde ! Ce ne serait pas responsable et cela ne s’appelle pas faire de la « programmation énergétique ». Ce sujet pose aussi la question des coûts des futurs projets : plusieurs ont évoqué les surcoûts liés aux retards et aux délais, ainsi que le taux d’actualisation. Ce n’est pas parce qu’on est pro-nucléaire que l’on ne peut pas être exigeant sur ces points !
Cela vaut aussi pour les énergies renouvelables. Il faut regarder les choses objectivement : quels sont les besoins en électricité supplémentaire dans les cinq prochaines années et quelles sont les capacités du réseau à absorber cette variabilité ? Si nous nous engageons dans le développement de l’énergie renouvelable électrique sans que cet investissement corresponde à un besoin électrique, avec de surcroît la perspective d’une déstabilisation du réseau, même modeste, nous ne favoriserons ni le système énergétique, ni l’industrie, ni le coût énergétique – sans parler du phénomène des « prix négatifs » que nous avons brièvement évoqué.
Je proposerai donc en séance des amendements de réécriture, qui doivent nous permettre d’aboutir sur plusieurs points.
Par conséquent, j’ai deux options à vous proposer. Soit vous rejetez la proposition de loi telle qu’elle a été amendée et dans ce cas, vous annulerez la suppression de tous les articles non programmatiques – ce qui aurait pour vertu de ne pas avoir à rétablir l’article 3 sur le nucléaire, rejeté par le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national. Soit – et cette option a ma préférence – vous l’adoptez, et cela permettra la prise en compte de tout le travail réalisé au cours d’une vingtaine d’heures de débats et des pistes de convergence obtenues en matière de programmation énergétique. Voter la proposition de loi en l’état ne vaut pas, pour moi, approbation d’un texte qui est encore en chantier et plein d’incohérences. Il a néanmoins le mérite de nous permettre d’aborder tous les sujets énergétiques et nous donnera l’occasion de poursuivre ce travail en séance, afin d’opérer des choix clairs. Je vous remercie encore de ces échanges !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je remercie également le rapporteur et l’ensemble des collègues. Je me réjouis que nous ayons eu un débat riche et nourri, malgré (ou grâce à) nos désaccords. En séance, un temps législatif programmé de quarante heures est prévu sur ce texte, ce qui encadre les temps de parole de chacun des groupes parlementaires. Il sera donc important que nous puissions avoir ce débat dans l’hémicycle, le 16 juin prochain, sur la base de tout le travail effectué en commission.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 4 juin 2025 à 15 h 05
Présents. - M. Maxime Amblard, M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Benoît Biteau, M. Philippe Bolo, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Julien Brugerolles, Mme Danielle Brulebois, M. Joël Bruneau, Mme Cyrielle Chatelain, M. Romain Daubié, M. Inaki Echaniz, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, Mme Olga Givernet, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Mathilde Hignet, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, Mme Claire Lejeune, M. Guillaume Lepers, M. Eric Liégeon, M. René Lioret, Mme Claire Marais-Beuil, M. Bastien Marchive, M. Patrice Martin, Mme Manon Meunier, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Joseph Rivière, M. Fabrice Roussel, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, Mme Dominique Voynet, M. Frédéric Weber
Excusés. - M. Harold Huwart, M. Max Mathiasin
Assistait également à la réunion. - M. Vincent Rolland