Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

 Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques              2


Mercredi 16 octobre 2024

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 5

Session ordinaire de 2024-2025

Présidence de

Mme Sandrine Le Feur,

Présidente

 


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Madame la ministre, nous sommes heureux de pouvoir échanger avec vous au sujet des priorités de votre ministère et de celles de la commission, avant d’examiner les crédits de la mission Écologie la semaine prochaine. Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques : le champ précisé dans votre décret d’attribution est large et devrait nous amener à entretenir un dialogue régulier.

Parmi ses premiers travaux, la commission a décidé de mettre l’accent sur l’adaptation de l’aménagement des territoires au changement climatique, en commençant par la situation des territoires confrontés aux risques d’inondation, que vous connaissez bien, ou au recul du trait de côte. Toujours s’agissant de l’eau, nous avons entendu avec intérêt l’annonce par le Premier ministre d’une conférence nationale, soixante ans après la première loi sur l’eau. Nous serons là pour accompagner cette initiative, y participer et contribuer à la prise en compte de ses résultats.

Face à l’effondrement de la biodiversité, notre commission fait du ZAN, l’objectif de zéro artificialisation nette des sols, une autre priorité. Il faut trouver les conditions d’une application efficace et juste sur les territoires, sans vider cet objectif de sa consistance.

Si les effets déjà frappants du changement climatique imposent de s’y adapter, nous ne voulons pas renoncer à lutter contre le réchauffement. Les politiques publiques doivent désormais prendre en compte un risque de hausse des températures de 4 degrés d’ici 2100. C’est pourquoi nous sommes attachés à ce que les exercices de planification qui ont pris du retard – le Pnacc 3, troisième plan national pour l’adaptation au changement climatique, ainsi que la programmation pluriannuelle de l’énergie – soient rapidement menés à bien. Nous comptons sur vous et sur Olga Givernet.

C’est dans ce contexte que nous nous apprêtons à examiner le projet de loi de finances pour 2025. Chacun doit prendre sa part de l’effort budgétaire, en toute responsabilité. Et en matière de transition écologique plus qu’ailleurs, il faut le faire en ayant à l’esprit le coût de l’inaction. Il nous revient donc, ensemble, d’optimiser les ressources à y consacrer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques. Merci de m’accueillir pour ma première audition, qui me fournit l’occasion de tracer les principales priorités de ma feuille de route et de présenter quelques enjeux pour le budget 2025 de mon ministère, avant de répondre à vos questions.

Concernant ma feuille de route, le constat est clair : la situation politique, parlementaire et budgétaire n’a pas interrompu la course contre la montre climatique. Les effets du dérèglement climatique sont là, dans nos vies, des inondations dans mon département du Pas-de-Calais à la sécheresse inédite dans les Pyrénées orientales, de la disparition du manteau neigeux de nos montages à la crise de l’eau à Mayotte et aux épisodes climatiques violents à répétition dans nos outre-mer. L’érosion de la biodiversité est également là. Le vivant est fragilisé et, si nous ne faisons rien, c’est notre propre espèce qui est menacée. Ces deux combats vont de pair, car le climat et la biodiversité sont les deux faces d’une même pièce. Pour les mener, ma feuille de route sera chargée et je pourrai m’appuyer sur Olga Givernet s’agissant des enjeux énergétiques.

J’aurai d’abord à cœur, comme l’a indiqué le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, de reprendre le chemin de la planification écologique. Celle-ci repose sur l’idée selon laquelle c’est à l’État stratège de fixer le cap, et aux acteurs locaux – services déconcentrés, élus, entreprises, associations, citoyens –, au plus près de la réalité du terrain, de préparer l’application d’actions. Cette planification, engagée en 2022, fonctionne. Au cours des douze derniers mois, nos émissions ont diminué de 4,8 %. C’est la bonne trajectoire si nous voulons atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Il y a cinq ans, personne n’aurait imaginé que l’on puisse tenir une trajectoire comme celle des dix-huit derniers mois. Si nous voulons poursuivre dans cet élan, il va falloir accélérer, car le début est toujours plus facile. C’est dans cette optique que, dans les prochaines semaines, je soumettrai à la consultation publique trois textes essentiels pour notre planification écologique et énergétique : le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, la stratégie nationale bas-carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie. Ces textes ont été travaillés par mon prédécesseur Christophe Béchu et moi-même lorsque j’étais ministre de la transition énergétique.

Ensuite, avec ma ministre déléguée Olga Givernet, nous comptons accélérer s’agissant de chacun des quatre piliers de notre stratégie énergétique.

La sobriété, d’abord – dont je considère qu’elle doit être travaillée dans de nombreuses politiques publiques. La sobriété, ce n’est pas la décroissance. C’est ce que l’on pratique au quotidien dans le monde industriel quand on est attentif à l’utilisation des ressources, et que l’on appelle le lean management. Nous aurons besoin de sobriété à la fois en matière d’énergie, de foncier, d’eau et d’intrants.

L’efficacité énergétique, ensuite. Nous devrons continuer d’accompagner les Français dans leur quotidien, par exemple en leur permettant de rénover leur logement ou d’avoir accès à des transports en commun ou à des véhicules individuels décarbonés, ce qui pose la question de la baisse des coûts de ces solutions. Nous devrons aussi poursuivre le développement de toutes les énergies renouvelables – les éoliennes terrestres et marines, la chaleur renouvelable, la géothermie et l’énergie solaire –, parce qu’elles ont toutes un rôle à jouer, et la relance du nucléaire que nous avons engagée il y a plusieurs années. Je précise, à cet égard, que je ne suis pas pro-nucléaire, pas plus que je ne suis pro-énergies renouvelables. Chaque énergie a ses avantages et ses défauts et, en matière énergétique, il n’existe pas de solution parfaite, mais un panel de solutions. Ce qui est certain, c’est que je serai toujours une fervente pro-énergie décarbonée contre les énergies fossiles, au nom du climat mais aussi de notre sécurité d’approvisionnement et de la souveraineté de notre pays, qui ne produit pas d’énergies fossiles.

Concernant la protection de la biodiversité, j’aurai plusieurs ambitions. D’abord, assurer le bon déploiement de notre stratégie nationale biodiversité, qui vise notamment à placer 10 % de notre territoire sous protection forte. Il faut que nous atteignions cet objectif. Ensuite, je veux travailler avec l’ensemble des acteurs pour m’assurer que les textes ambitieux que nous avons adoptés en matière de lutte contre la déforestation importée soient appliqués. Toutefois, je ne serai pas dogmatique, car le dogmatisme s’accommode mal de la réalité du terrain et conduit souvent à l’inaction, comme on a pu l’observer.

Concernant la question de l’eau, enfin, grandement liée à celle de la biodiversité, les prochains mois seront guidés par trois priorités. D’abord, préparer et organiser la grande conférence nationale sur l’eau annoncée par le Premier ministre. Ensuite, lancer le plan Eau pour Mayotte, qui aidera l’île dans la crise d’approvisionnement en eau qu’elle connaît. Enfin, engager le plan de sécurisation de nos captages, pour mieux garantir la qualité de l’eau de nos concitoyens. Ce plan est prêt, j’y ai travaillé au ministère de l’agriculture.

Voilà pour une vision non exhaustive des sujets nationaux. Il en existe beaucoup d’autres, parmi lesquels la lutte contre les Pfas, substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées, l’économie circulaire et la responsabilité élargie des producteurs (REP), l’affichage environnemental pour les produits alimentaires et textiles, ou encore le ZAN, au sujet duquel je serai particulièrement vigilante. S’il est probablement utile d’en faire évoluer les modalités de façon pragmatique et différenciée, il ne doit pas s’agir de détricoter cet objectif.

En matière internationale, je souhaite que nous nous engagions pleinement pour que la future Commission européenne réaffirme l’ambition du Pacte vert, la couple avec une ambition industrielle et retienne dans ses actions un principe de neutralité technologique. Il est anormal que le nucléaire reste discriminé par rapport à d’autres technologies bas-carbone. Il conviendra également de défendre des principes de concurrence loyale, au niveau intra-européen autant qu’extra-européen.

Plusieurs événements internationaux nécessiteront que notre pays exerce un leadership fort : la COP16 Biodiversité en Colombie, où je me rendrai dans les prochains jours ; la difficile COP29 Climat à Bakou, où nous nous tiendrons la chaise sans concession vis-à-vis de la présidence ; les négociations à Busan, en Corée, pour réduire la pollution plastique ; la COP16 Désertification et le One Water Summit qui auront lieu à Ryad en fin d’année. Dans toutes ces instances, vous pourrez compter sur moi pour porter une voix forte et ambitieuse au nom de la France.

Voilà pour ma feuille de route. Je n’ai pas pu détailler tous les items et j’ai essayé d’aborder les sujets qui ont fait l’actualité ces dernières semaines. Mais je ne voudrais pas que les chapitres qui n’ont pas été évoqués soient considérés comme sacrifiés. Ce n’est pas le cas.

J’adjoins à cette feuille de route deux impératifs. Le premier est de défendre une écologie résolument populaire. Dans vos circonscriptions, en particulier les plus éloignées des métropoles, la transition écologique apparaît parfois comme lointaine, déconnectée, un luxe qui serait réservé aux urbains ou aux classes aisées. Il faut entendre ces critiques, mais l’écologie que je veux promouvoir doit partir du quotidien des Français. Elle doit s’intéresser à l’explosion de l’asthme des enfants liée la pollution de l’air et aux politiques pour y répondre – c’est là que nous pouvons parler des zones à faibles émissions. Elle doit apporter une réponse à la crainte de voir les économies d’une vie disparaître dans la prochaine inondation, avec un travail à mener en matière d’adaptation au changement climatique et d’assurance, par exemple. Oui, l’écologie à laquelle je crois doit être populaire, parce que concrète et accessible.

Le second impératif consiste à aller chercher l’argent où il est. Le budget 2025 de mon ministère est un budget de combat. Compte tenu de la situation dégradée des finances publiques, il a été demandé à tous les ministères de faire de gros efforts. C’est un budget de 16,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, qui marque un retour au niveau d’avant le plan de relance et la crise énergétique et s’inscrit dans la lignée des budgets de 2019 et 2021. Il s’appuie aussi, pour une bonne partie des programmes, sur la réalité des crédits consommés en 2024 – ce qui signifie qu’il n’y a pas de baisse par rapport au réalisé. Ce budget nous engage à être plus efficaces et plus sélectifs. Nous avons déjà beaucoup investi pour inciter nos concitoyens à effectuer certains investissements. L’enjeu, maintenant, consiste à mieux mobiliser les sources de financement privé.

Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, mon ministère prendra sa part et je serai une ministre responsable. Si nous ne sommes pas responsables maintenant, les intérêts de la dette croîtront, obérant du même coup notre capacité à investir demain dans les priorités d’avenir et dans la transition écologique et énergétique.

Pour certaines réductions de dépenses, la logique est relativement évidente. Nous faisons ainsi le choix de réduire le soutien à certaines « dépenses brunes », au travers d’une augmentation du malus automobile, de la suppression du taux réduit de TVA à 5,5 % pour l’installation de chaudières à énergie fossile, et par voie d’amendements gouvernementaux, comme cela a été annoncé dans le dossier de presse du projet de loi de finances (PLF), avec une réflexion portant sur la fiscalité des billets d’avion et des énergies fossiles.

S’agissant de la fiscalité de l’électricité, la proposition du Gouvernement repose sur deux niveaux : un niveau législatif qui acte le retour à la fiscalité d’avant crise énergétique – c’est la fin du bouclier, qui a représenté plus de 50 milliards d’aides aux ménages et aux entreprises ces trois dernières années –, et le renvoi au pouvoir réglementaire de la capacité à aller au-delà, dans une fourchette encadrée par le législateur et dans le respect de l’engagement du Premier ministre de voir baisser les tarifs réglementés de vente de l’électricité de 9 % au 1er février 2025 pour les 60 % de Français concernés. Ce renvoi au pouvoir réglementaire permettra de définir finement le niveau de fiscalité, en tenant compte de l’actualisation attendue des coûts du réseau l’année prochaine.

Pour finir, je serai attentive à quatre points. Il s’agira d’abord de faire de la place au débat et aux améliorations parlementaires. Je suis à votre service pour éclairer vos débats et évaluer les implications des amendements qui pourraient être proposés. Ensuite, ma responsabilité budgétaire ne me fera pas oublier ma responsabilité écologique, et je mettrai un point d’honneur à ce que l’argent public permette aux solutions décarbonées de devenir plus compétitives. Je serai également attentive à l’enjeu du pouvoir d’achat. Je mesure les attentes, voire la colère, des classes moyennes et populaires qui travaillent. Aussi, je serai sensible à l’enjeu de justice fiscale et territoriale. Enfin, je serai vigilante à l’enjeu de réindustrialisation. Nous devons bâtir une écologie du partage de la valeur, qui crée de la richesse et de l’emploi pour tous nos territoires. Chacun sait que les filières industrielles ont besoin d’énergie pour fonctionner et que si le coût de l’énergie s’envole pour les entreprises, la réindustrialisation de risque de repartir en arrière.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Matthieu Marchio (RN). Depuis plusieurs années, la macronie nous impose une écologie qui vise à culpabiliser et à punir les Français. Macroniste de la première heure, vous êtes comptable de cette politique brutale faite de non-sens. L’obstination d’Emmanuel Macron à fermer la centrale de Fessenheim par idéologie est l’exemple criant de vos errements.

La gestion des risques et la prévention sont au cœur de votre ministère. Les récentes inondations nous interpellent et appellent des réactions rapides des pouvoirs publics. Des familles ont tout perdu ! Le ministère dont vous avez hérité aurait dû anticiper ces catastrophes et instaurer des systèmes d’alerte efficaces. Mais, comme souvent, vous arrivez trop tard. Vous avez osé minimiser la gravité de la situation en déclarant que « 50 millimètres d’eau, ce n’est pas les chutes du Niagara ». Votre désinvolture montre combien vous êtes hors-sol. Que prévoyez-vous, dans la gestion globale des catastrophes naturelles ? Où sont les infrastructures adaptées ?

L’écologie, ne vous en déplaise, n’est pas du matraquage fiscal. Vos déclarations concernant le budget ne peuvent qu’inquiéter les Français. En annonçant vouloir augmenter la fiscalité du gaz, vous vous retrouvez plus que jamais isolée. Jamais le groupe Rassemblement national ne cautionnera une hausse de la fiscalité qui touchera, une fois de plus, les classes populaires et les classes moyennes ! La hausse souhaitée de la TVA pour l’électricité est tout aussi scandaleuse. Vous la présentez comme une nécessité mais en réalité, sous couvert d’écologie, vous faites une fois de plus la poche des Français.

La révision des tarifs réglementés, en février prochain, doit permettre des économies pour les consommateurs. L’écologie ne doit pas se faire contre les Français. Vous parlez de transition écologique, mais pour qui ? Pour nos concitoyens incités par votre gouvernement à changer leurs vieilles chaudières pour des chaudières au gaz ou à condensation, à l’aide de subventions publiques et pour subir cette explosion de taxes ? Quel mépris, là encore ! Quel mépris pour ces familles et ces petites entreprises déjà étouffées par l’inflation ! Autre exemple de l’amateurisme de la macronie : le démantèlement de Fret SNCF par le gouvernement Borne, auquel vous avez appartenu. Le fret ferroviaire est pourtant l’une des solutions pour réduire notre empreinte carbone et désengorger nos routes. Cette décision irresponsable sur le plan écologique allait aussi à l’encontre de la compétitivité économique de la France.

Nous assumons notre vision de l’écologie, celle d’une écologie positive, porteuse d’espoir pour tous, tournant la page d’une écologie punitive et de mauvaise conscience. Il faut en finir avec les hausses d’impôts sous couvert d’écologie, mais aussi soutenir des solutions efficaces comme le développement du nucléaire, l’amélioration des infrastructures de prévention ou la relance du ferroviaire. Pour réussir la transition écologique, l’enjeu est l’adhésion des Français. Il ne faut rien faire contre eux, et rien sans eux. La concertation doit être au centre de la démarche de votre ministère.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous pouvons nous retrouver sur certains points. Concernant la relance du ferroviaire ou celle du nucléaire, nous ne vous avons d’ailleurs pas attendus pour agir.

S’agissant des inondations et de la lutte contre l’impact d’événements climatiques majeurs, la première réponse consiste à ne pas être dans le déni climatique et à agir pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Toute politique écologique doit avoir deux piliers, à commencer par la baisse des émissions de gaz à effet de serre – ce n’est pas moi qui le dis, mais le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Si nous n’atteignons pas la neutralité carbone à horizon 2050, nous risquons de faire face à une augmentation moyenne de la température de 1,5 à 2 degrés, ce qui représenterait pour la France un scénario à 4 degrés, avec une hausse drastique des aléas climatiques – et si nous allons au-delà, ce sera pire.

Vous mentionnez les inondations dans le Pas-de-Calais. Je les ai suivies de près et je n’en ai jamais parlé avec légèreté. Les « 50 millimètres » dont vous parlez font référence à un autre épisode. Factuellement, mes propos étaient exacts : alors que cet épisode était moyen d’un point de vue statistique, il y avait malgré tout une inondation. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.

Concernant notre politique écologique, nous avons enregistré de nombreux progrès. La baisse des émissions de gaz à effet de serre de 5,8 % en 2023 et 4,8 % ces douze derniers mois s’est faite en accélérant la rénovation thermique – donc en améliorant le confort dans nos maisons –, en accélérant l’investissement dans les transports en commun et dans l’électrification des véhicules – là aussi, dans l’intérêt des Français. Puisqu’on évoque les enjeux écologiques du quotidien, je peux aussi citer l’amélioration de la qualité de l’air. En 2023, elle s’est traduite par une amélioration de la santé publique. Les Français que j’ai rencontrés ces derniers mois m’ont parlé de la qualité de l’air, de la qualité de l’eau – nous avons un plan en la matière – et de la qualité de l’alimentation – les politiques que nous avons menées vont dans le sens d’une sécurisation. On peut toujours aller plus loin, mais prenons en compte la réalité du bilan de ces sept dernières années : c’est bien une politique écologique du quotidien que nous défendons.

Mme Sophie Panonacle (EPR). Notre commission n’est certes consultée que pour avis, mais je vous confirme que notre attention est pleinement mobilisée pour l’affectation des 16,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement dont vous avez la responsabilité.

Nous regrettons que les programmes du logement et des transports échappent désormais à votre ministère, tant la transition écologique et énergétique concentre des enjeux puissants dans ces deux domaines.

Votre budget s’inscrit dans le cadre du redressement des finances publiques, alors même que la dette écologique nous frappe au même titre que la dette financière. Avec 16,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, vous devrez effectuer des arbitrages, notamment en supprimant les « niches brunes ». Rien n’est choquant dans l’augmentation du malus automobile. Rien n’est choquant dans le retour de la TVA à 20 % pour l’installation de chaudières à énergie fossile. Rien n’est choquant dans la hausse de la fiscalité des billets d’avion, comme rien n’est choquant dans la meilleure priorisation de l’aide à l’électrification de véhicules pour les publics qui en ont le plus besoin.

Nous avons des raisons légitimes de satisfaction : la sanctuarisation du chèque énergie, la montée en charge de la stratégie nationale pour la biodiversité, le maintien des recettes affectées aux agences de l’eau, l’accroissement de la subvention de l’Agence de la transition écologique (Ademe) malgré la réduction de l’enveloppe du fonds Chaleur, le renforcement des moyens pour la sûreté nucléaire, le soutien au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et à Météo France, ainsi qu’une enveloppe de 2,3 milliards pour le dispositif MaPrimeRénov’.

En revanche, je suis inquiète quant aux conséquences de la baisse de 1 milliard de l’enveloppe du fonds Vert, et je comprends que nos élus locaux manifestent leur désarroi.

Nous attendons avec impatience le plan d’adaptation au changement climatique. Au Conseil national de la mer et des littoraux et au Comité national du trait de côte, j’ai souvent fait le constat que nous négligions les dispositifs d’adaptation. Aussi le Pnacc 3 devra-t-il faire la démonstration de nos efforts en la matière. Permettez-moi d’avoir une pensée pour Christophe Béchu, qui avait avancé l’hypothèse d’un réchauffement de 4 degrés en France avant la fin du siècle et défendu un nouveau plan, plus robuste que les précédents. Alors oui, nous attendons des mesures destinées à préparer le pays aux conséquences des effets du changement climatique – inondations, canicules, feux de forêt, érosion côtière et bien d’autres.

L’adaptation de nos forêts est aussi au cœur des enjeux écologiques et économiques. À cet égard, je vous alerte au sujet des ETP de l’Office national des forêts (ONF). Alors que son budget est constitué à 70 % par ses recettes propres, notamment la vente du bois, la réduction de ses effectifs risque de compromettre le modèle économique de cet établissement public industriel et commercial (Epic).

La concertation publique qui va s’engager ne doit pas freiner les initiatives relatives aux modalités de financement du recul du trait de côte ou de la création du fonds Érosion côtière, qui font l’objet de plusieurs amendements. Je ne doute pas, madame la ministre, de votre soutien. Sachez que vous pouvez compter sur celui du groupe EPR.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous rassure, la décarbonation du logement et du transport relève du périmètre de mon ministère. C’est notamment le cas de la politique de verdissement des flottes. S’agissant du logement, nous travaillons en étroite collaboration avec Valérie Létard. En outre, les deux enveloppes de MaPrimeRénov’ – rénovation globale et rénovation par geste – ont été réunies en une seule ligne, avant même cette nouvelle législature.

S’agissant de la sanctuarisation du chèque énergie, nous sommes dans une période de transition, puisque nous ne pouvons plus nous appuyer sur les bases de la taxe d’habitation. Dans un premier temps, ce chèque n’est plus automatique mais quérable pour une partie des Français, le temps de reconstituer une base qui permette de le réautomatiser. Je l’ai indiqué à la presse, mais vous avez aussi un rôle à jouer pour faire savoir que ceux qui pensent y avoir accès doivent en faire la demande. Nous nous tenons à votre disposition pour que ce dispositif soit connu. Sans cela, le taux de non-recours risque d’augmenter.

S’agissant du fonds Vert et des dispositifs que vous mentionnez, vous imaginez bien que nous sommes friands de voir augmenter nos leviers d’intervention quand nous en avons. Les enveloppes de rénovation de logements seront en augmentation par rapport au réalisé prévisionnel de 2024, tandis que celles d’électrification des véhicules seront en fort recul, après deux années très dynamiques. Les enveloppes du fonds Chaleur seront en tension, puisque certains projets de 2024 seront repoussés à 2025. Nous avons été nombreux à entendre les attentes des élus locaux concernant le fonds Vert. Vous êtes les législateurs. Plusieurs enjeux sont identifiés : les friches, l’adaptation au changement climatique ou encore la rénovation thermique des bâtiments, parmi lesquels les écoles. Ce sont des sous-enveloppes du fonds Vert.

Je note votre préoccupation concernant l’adaptation des forêts, mais aussi les ETP de l’ONF. Il convient de construire les meilleures solutions possibles, en conservant l’équilibre de la maquette, c’est-à-dire l’effort de finances publiques qui nous est demandé.

Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Vous faites partie de la fine équipe censée réduire la dette financière et la dette écologique de la France. On pourrait en rire si la situation n’était pas si dramatique. Nous connaissons le désastre du macronisme budgétaire, et nous savons que le macronisme écologique ne vaut pas mieux, en témoigne le ministère rétréci dont vous héritez.

Je rappelle votre bilan cette année : la double condamnation de la France pour inaction climatique, l’année de retard pour les politiques énergétiques et d’adaptation au changement climatique d’après le Haut Conseil pour le climat, ou encore le retrait par décret, en février, de 2,2 milliards du budget pour le programme « Écologie, développement et mobilités durables ». Pourtant, la seule et unique réponse que vous nous proposez est toujours le credo magique de l’austérité budgétaire.

On apprend que le budget 2025, que vous venez d’appeler un budget de combat, prévoit 500 millions en moins pour le verdissement automobile, alors que le secteur des transports reste le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre en France, et 1 milliard en moins pour la rénovation énergétique des logements, alors que celle-ci permettrait d’économiser 6 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année et que l’on vous a rappelé maintes fois dans le dernier mandat le retard que prenait la France en matière de rénovation thermique des bâtiments. Il prévoit aussi 400 millions de moins pour le fonds Vert. C’est du moins ce que j’avais noté, mais notre collègue vient d’évoquer une baisse de 1 milliard, ce qui est encore plus grave. Ce fonds permet aux collectivités de s’adapter au changement climatique et l’on sait qu’il leur faudrait au moins 12 milliards par an pour atteindre cet objectif.

Vous reconnaîtrez l’insolence et l’ironie de ces coupes drastiques, après les grandes phrases du Premier ministre concernant la dette écologique que nous laissons aux générations futures et après les grandes phrases de votre propos liminaire concernant votre ambition en matière écologique. En réalité, votre logiciel austéritaire ne s’arrête pas là : ce sont les plus précaires qui vont payer la facture de votre soi-disant transition écologique.

Vous affirmez faire une écologie populaire. Franchement ! Je suis navrée de vous le dire, mais vous êtes totalement déconnectée des conséquences de vos politiques. Ce budget prévoit une augmentation des taxes sur la consommation d’électricité, qui coûtera en moyenne plus de 160 euros aux ménages alors qu’ils ne parviennent déjà plus à boucler leur budget. Il prévoit aussi une multiplication par quatre de la TVA pour les abonnements à l’électricité et au gaz. En fait, vous allez continuer à aggraver la situation sociale des Français, comme vous le faites depuis sept ans.

Si vous manquez d’idées pour financer la bifurcation énergétique et écologique, nous en avons pour vous ! Il faut aller chercher des recettes. Par exemple, un impôt sur la fortune (ISF) avec un volet climatique renforcé rapporterait 15 milliards à l’État – et puisque vous avez déclaré être opposée aux énergies fossiles, cela permettrait de taxer les plus gros pollueurs de ce pays.

Qu’est-ce que cela fait de devoir mener une politique écologique validée et adoubée par le seul Rassemblement national, qui est climatosceptique ? Ce n’est pas demain qu’il faudrait investir, mais maintenant. Que prévoyez-vous de faire pour ce budget ? Attendez‑vous que les parlementaires aillent contre le projet de votre gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je répondrai par des éléments techniques et de fond.

Sur le plan technique, le contentieux sur le premier budget carbone ne date pas du dernier quinquennat, mais du quinquennat précédent. C’est donc la gestion de votre couleur politique qui a été contestée et condamnée. En revanche, c’est le précédent quinquennat qui a permis de rattraper le budget carbone, ce qui est reconnu par le Conseil d’État. Disons des choses vraies ! Jusqu’en 2018, le budget climat n’était pas au bon niveau, puis il a été rattrapé jusqu’en 2023 du fait de l’accélération de la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Sous le quinquennat de M. François Hollande, ces émissions ont baissé de 0,9 %, tandis qu’elles se sont réduites de 2 % sous le premier quinquennat de M. Emmanuel Macron, de 2,7 % en 2022, de 5,8 % en 2023 et de 4,8 % durant les 12 derniers mois glissants. Si l’on prend factuellement les chiffres, ce que vous dites est infondé.

Vous avez raison de mentionner une baisse de l’enveloppe pour l’électrification des véhicules. En revanche, vos propos ne sont pas exacts sur les rénovations thermiques : alors que la consommation réelle est de 1,7 milliard en 2024, l’enveloppe est de 2,3 milliards, légèrement inférieure au consommé 2023. Il faut être précis.

Par ailleurs, l’évolution de la TVA pour les abonnements au gaz et à l’électricité est compensée par une variation des accises. Si vous êtes un petit consommateur, vous aurez un léger désavantage. Si vous êtes un plus gros consommateur, vous aurez un léger avantage. En moyenne, c’est compensé pour les Français.

Vous vous inquiétez avec raison de l’impact de l’augmentation des accises sur l’électricité. J’ai dit qu’il fallait être vigilant aux enjeux de pouvoir d’achat, d’industrialisation et de transition écologique. Cela me permet de répondre aussi à votre collègue du Rassemblement national qui s’inquiétait d’une augmentation des accises sur le gaz : une augmentation de 500 millions n’affecte pas le pouvoir d’achat avec la même ampleur qu’une augmentation des accises sur l’électricité de 6 à 7 milliards d’euros. Je le dis très factuellement, et je pense que nous nous comprenons.

Je transmettrai tous les chiffres et toutes les évaluations propres à mon périmètre – vous parlez d’ISF avec un volet climatique, mais je n’ai pas la maîtrise de la maquette fiscale – pour éclairer les impacts des amendements que vous proposerez, afin d’aboutir aux meilleurs ajustements possibles. Il vous appartient d’avoir un budget qui ne soit pas climatosceptique. Il y a 577 députés et je compte sur eux pour prendre leur part dans cette discussion.

M. Fabrice Roussel (SOC). Alors que la transition écologique est une préoccupation majeure et nécessite de lourds investissements, nous exprimons notre inquiétude face à la volonté de votre gouvernement de rogner 2,3 milliards dans le budget de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». S’agissant des particuliers, vous souhaitez revenir sur MaPrimeRénov’ déjà amputée de 1 milliard par le gouvernement Attal. Mais avez‑vous en tête le rapport d’Oxfam, qui pointe les efforts insuffisants du soutien de l’État face aux 5,2 millions de passoires thermiques ? Concernant les collectivités territoriales, vous proposez de baisser de 60 % la dotation du fonds Vert. Ce véritable coup de rabot va ralentir la rénovation énergétique de nos bâtiments publics. Il est clair que la transition énergétique n’est défendue qu’en façade par votre gouvernement, créant beaucoup de désillusion.

Lundi dernier, j’étais dans ma circonscription pour soutenir les salariés de Saunier Duval qui entament une grève parce que la parole donnée n’est pas tenue : alors que le président de la République avait annoncé, lors du Conseil de planification écologique du 25 septembre 2023, un objectif de capacité de production d’un million de pompes à chaleur d’ici la fin du quinquennat, 225 des 750 postes que compte ce site sont visés par un plan social. Saunier Duval est pourtant l’un des plus gros fabricants en France. Cela présage-t-il d’autres licenciements économiques dans ce secteur ?

Par ailleurs, pourquoi souhaitez-vous fermer la centrale à charbon d’EDF de Cordemais ? Le président de la République s’était pourtant personnellement engagé à soutenir la reconversion du site à la biomasse. Aujourd’hui, 300 emplois sont en jeu alors que les salariés et les syndicats se mobilisent depuis près de dix ans pour défendre un projet de production engagé dans la transition énergétique.

Chez General Electric (GE), en Loire Atlantique, 360 emplois sont menacés. Ces salariés ont pourtant permis la réalisation exemplaire du champ éolien offshore de Saint‑Nazaire. Quelle est votre stratégie industrielle pour l’éolien en mer ?

Enfin, pourquoi le crédit carbone, qui taxe nos navires au niveau européen et qui est redistribué à hauteur de 75 % aux pays membres de l’Union, n’est toujours pas investi dans la décarbonation du transport maritime ? L’an dernier, pourtant, aux Assises de la mer, le président de la République avait pris l’engagement que 800 millions seraient alloués au secteur. Pourquoi cet argent va-t-il servir à éponger la dette et les dérapages budgétaires de votre gouvernement plutôt qu’à mener des études sur la décarbonation de nos flottes ?

Quelles seront vos priorités pour les années à venir, tant pour l’industrie française du secteur de l’énergie que pour la transition écologique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je le redis, la trajectoire de MaPrimeRénov’ est haussière par rapport au réalisé, puisque celui-ci se situe aux alentours de 1,7 milliard d’euros tandis que la trajectoire crantée dans le budget est de 2,3 milliards d’euros.

Vous avez raison de souligner l’importance du traitement des passoires thermiques, car elles engendrent des factures en moyenne trois fois supérieures à celle d’un logement classique classé C. C’est la raison pour laquelle nous travaillons, avec Mme Valérie Létard, à accélérer l’aller vers les passoires thermiques, en particulier celles classées G et F.

S’agissant de l’éolien en mer, si les trajectoires avaient été tenues et réhaussées sous le quinquennat de M. François Hollande, les entreprises qui fabriquent des nacelles et des composants ne connaîtraient pas de creux d’activité. En effet, nous constatons un retard : ce sont les décisions d’il y a sept ans qui pèsent aujourd’hui sur le tissu industriel. Pour notre part, nous accélérons le développement de l’éolien en mer. Vous avez pu constater que, chaque année depuis trois ans, un nouveau parc est connecté au réseau. Après-demain à Fécamp, avec Mme Olga Givernet, nous annoncerons la poursuite de la planification pour l’éolien en mer, dans les délais convenus avec la représentation nationale. Nous arrivons au terme des travaux de la Commission nationale du débat public, ce qui permettra d’accélérer le lancement d’un appel d’offres de 8 à 10 gigawatts, conformément à mes engagements au banc l’an dernier, lors de la discussion de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables que je remercie votre groupe d’avoir votée.

Nous fermons le site de la centrale à charbon de Cordemais conformément à notre trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Nous serons l’un des premiers pays à fermer nos sites de production électrique à partir de charbon. Par ailleurs, dans le cadre du travail de reconversion de ce site, EDF a reçu une commande claire pour un projet industriel, durable et qui répond aux attentes des salariés. Cette commande est toujours d’actualité : il est question d’un arrêt de la production électrique en 2027 et d’une fermeture définitive du site en 2029, une solution devra être trouvée pour chaque salarié et le tissu industriel devra se développer en lien avec nos politiques de décarbonation. D’autres projets sont d’ailleurs étudiés pour ce site.

Mme Christelle Petex (DR). Je suis certaine que vous entendrez nos interrogations et nos positions. C’est bien par un travail collectif que nous pouvons être judicieux et percutants.

Paradoxalement, alors que vous vous réjouissez de la hausse du budget de votre ministère, le Haut Conseil des finances publiques met en lumière que cet effort repose essentiellement sur une augmentation des prélèvements obligatoires. En effet, 70 % des mesures proposées reposent sur des hausses de taxes et non sur de véritables économies structurelles. Les taxes se multiplient et elles touchent directement les ménages et les classes moyennes, sans pour autant garantir un impact positif pour la transition écologique.

La taxe sur l’électricité, par exemple, présentée comme une mesure écologique, frappera tous les Français, des plus modestes aux classes moyennes. Pour les abonnés au tarif réglementé, elle réduira les bénéfices attendus de la baisse des prix, et pour ceux ayant souscrit à des offres à tarif fixe, elle entraînera une hausse mécanique des factures. Cette mesure est non seulement injuste, mais également incohérente avec nos objectifs de décarbonation. La Droite républicaine a proposé un amendement pour supprimer cette hausse et un plan d’économies de plusieurs milliards. Quelle est votre position en la matière ?

J’en viens au durcissement du malus automobile, qui concernera dès 2025 les véhicules émettant dès 113 grammes de CO2 par kilomètre. En 2026, ce seuil passera à 106 grammes. Cette extension ne concerne plus uniquement les modèles très polluants, mais un grand nombre d’autres, indispensables pour de nombreux Français – notamment dans les zones rurales où la voiture est la seule option. Ce malus renforcé frappera de plein fouet les ménages. Nous avons donc proposé un amendement pour le limiter.

Je pourrais aussi revenir sur l’augmentation du taux de TVA pour les chaudières à gaz, ou sur la hausse envisagée des taxes sur les énergies fossiles. Cela alourdit encore le fardeau fiscal, sans apporter de solution durable.

Enfin, je m’inquiète de constater la baisse drastique des aides à la transition écologique. Le fonds Vert pour les collectivités locales, essentiel pour soutenir la transition sur le terrain, voit son budget réduit de 60 %. Cette diminution des ressources ralentira les projets de transition pourtant indispensables pour atteindre les objectifs environnementaux que vous avez rappelés. Comment justifiez-vous un tel déséquilibre dans ce budget, qui repose trop souvent sur des hausses de taxes pénalisant les Français et sur la coupe d’aides pourtant cruciales pour réussir la transition écologique ?

L’écologie n’est pas réservée à un parti. Elle est l’affaire de tous, et surtout des actions quotidiennes de chaque citoyen. Les citoyens sont prêts. Beaucoup agissent depuis longtemps. Ne leur faisons pas considérer l’écologie comme une punition.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ne me suis jamais réjouie de l’augmentation de mon budget. Jamais ! J’ai été factuelle et claire. Cette augmentation est liée à celle de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui vise à honorer des contrats conclus par le passé sur les énergies renouvelables. C’est un effet logique, qui ne signifie pas une augmentation de nos crédits d’intervention. Il est important que l’on soit transparent.

Je sais votre attachement à la responsabilité financière. Ce budget difficile nécessitera de faire des choix. Nous devrons ainsi augmenter les taxes de manière équilibrée, raison pour laquelle le retrait du bouclier énergétique et le retour d’une fiscalité à 32 euros du mégawattheure font du sens, sans perdre de vue les enjeux de pouvoir d’achat, de réindustrialisation et de transition écologique. Envoyer des signaux contradictoires au sujet du coût d’une énergie décarbonée – notre électricité étant décarbonée à plus de 90 % – peut créer de la confusion pour nos concitoyens, a fortiori ceux qui sont amenés à changer de mode de chauffage. Par ailleurs, nous n’avons jamais présenté l’augmentation de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) comme une mesure écologique. Là encore, il faut être transparent.

Je me tiens à votre disposition pour travailler ces questions. En tout état de cause, la maquette budgétaire nous fixe un chemin de responsabilité, sur lequel je ne peux pas augmenter les dépenses et baisser les taxes – même si tout ministre aimerait augmenter ses crédits d’intervention, baisser les taxes et, au passage, augmenter le nombre de travailleurs et le nombre d’opérateurs ! Nous travaillerons de bonne foi pour trouver les bons équilibres. J’entends vos préoccupations.

Par ailleurs, je tiens à vous rassurer : le malus s’applique aux voitures neuves et a vocation à orienter les Français vers des voitures moins émettrices de CO2. Cela peut représenter des montants non négligeables pour des modèles de type SUV très émetteurs, mais ce sont des niveaux très modestes pour des voitures neuves comme celles que l’on voit en ruralité – où l’on conduit aussi des voitures d’occasion. Au total, 5 % des voitures se verront appliquer un malus. Cela signifie que 95 % y échapperont.

Enfin, j’ai déjà répondu concernant le fonds Vert.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Le ministère chargé de la question environnementale est le grand relégué de l’architecture gouvernementale de Michel Barnier. Le budget proposé par ce gouvernement illégitime renonce tout bonnement à financer la transition écologique. Mais la crise environnementale est chaque jour plus grave.

Le WWF rapporte que les populations de vertébrés sauvages ont décliné de 73 % en cinquante ans. Cela signifie que nous avons divisé par quatre le nombre d’animaux sauvages sur terre. Pourtant, il n’y a même pas de ministère ou de secrétariat d’État responsable de la protection de la biodiversité dans ce gouvernement, comme si ce n’était plus un problème !

Vous êtes dépourvue de marge de manœuvre pour tous les sujets prioritaires. Les transports relèvent d’un ministère à part, comme l’industrie. La lutte contre la bétonisation des sols ? C’est la ministre du partenariat avec les territoires qui ne s’en occupera vraisemblablement pas, si ce n’est pour détricoter le ZAN. Idem pour la transition écologique des collectivités. Quant à la gestion des forêts et de notre agriculture, c’est évidemment le ministère de l’agriculture qui la pilote, sans trop vous consulter. Il y a tout de même un domaine qui revient dans votre giron : l’énergie. Ce n’est pas anodin, si l’on considère vos liens familiaux avec le numéro 2 du pétrole en France. Comment comptez-vous gérer un ministère dans lequel vous êtes soit en situation de potentiel conflit d’intérêts, soit en situation d’impuissance ?

Cette impuissance institutionnelle est entérinée par le budget proposé par le Gouvernement. Nous avons une agence de la transition écologique, l’Ademe. Vous baissez son budget de 40 % ! Nous avons un fonds Vert, qui finance la transition écologique des collectivités. Vous réduisez son enveloppe – je n’ai pas compris s’il s’agit de 400 millions ou de 1 milliard, et je n’ai pas entendu le montant dans votre réponse. Nous avons un plan Haies. Cela peut paraître anecdotique, mais il devait être doté de 110 millions et il n’y a plus que 30 millions à l’arrivée. Des haies seraient pourtant utiles contre les inondations.

C’est irresponsable et c’est un peu bête ! Le coût de l’inaction représente entre 5 et 25 % du PIB mondial. Faire des économies aujourd’hui, c’est se préparer des dépenses plus importantes pour plus tard. Si ce budget était voté, le financement de la transition écologique serait tout bonnement abandonné. Réussirez-vous à inverser cette tendance ? D’ailleurs, le voulez-vous vraiment ? Dans vos réponses, vous semblez plutôt prête à accepter d’être à la tête du ministère de la renonciation environnementale. C’est dommage. Nous le déplorons. Les écologistes et le Nouveau Front populaire seront le rempart des Français contre votre renoncement à assurer un monde vivable à nos concitoyens.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous sommes ici pour interroger la ministre sur sa feuille de route, pas sur sa vie personnelle.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Néanmoins je répondrai car j’éprouve une certaine forme de lassitude vis-à-vis de cette rumeur que l’on s’emploie à répéter pour décrédibiliser l’action d’une personnalité politique. J’ai été la ministre française qui a obtenu la sortie des énergies fossiles à la COP28 et qui a joué un rôle crucial dans cette négociation – peut-être pas avec le langage que les plus engagés souhaiteraient, mais c’est un fait. Mon père a travaillé pour une société pétrolière, dans laquelle il est entré en 1979. Il n’a plus de contrat avec cette société, d’aucune manière. Il a 79 ans et mes enfants n’ont à aucun moment été actionnaires de cette société, ni directement ni indirectement. Ils ne sont en aucune manière actionnaires d’une entreprise pétrolière. Je souhaite que cela soit dit et ne pas avoir à y revenir, car cela devient fatigant ! C’est également douloureux, à la fois pour mes enfants et pour mon père.

Pour le reste, je vous invite à relire le décret d’attribution du ministère de la transition écologique : pour la première fois, cette dernière dispose de la direction générale du Trésor, de l’Agence des participations de l’État et de la direction générale des entreprises. Nous avons également la responsabilité de la sobriété foncière – cela semblait vous inquiéter – et de toutes les politiques de décarbonation, transversalement au logement et au transport. Je me réjouis, par ailleurs, d’être une ministre pleine pour la biodiversité. C’est une innovation de ne pas avoir confié ce domaine à un secrétariat d’État, mais à un ministre plein.

J’ai répondu aux questions portant sur le fonds Vert et sur les différents éléments financiers que vous avez pointés.

Je note votre préoccupation concernant le plan Haies. Vous avez raison, les haies sont importantes dans la lutte contre les inondations. Les effets de ruissellement que nous avons constatés dans le Pas-de-Calais en témoignent. Nous travaillerons dans ce domaine, pas nécessairement dans le cadre du plan Haies mais dans celui des actions d’adaptation au changement climatique. Il existe plusieurs enveloppes d’intervention et il est important de les orienter vers le maximum d’efficacité. La Cour des comptes avait rendu un rapport relatif au fonds Vert, dans lequel elle montrait comment recentrer ce dispositif pour obtenir le maximum d’impact en matière écologique.

M. Jimmy Pahun (Dem). Revenons aux bonnes nouvelles. La baisse des gaz à effet de serre est une belle victoire, réjouissons-nous ! Nous serons les premiers ports européens à électrifier nos quais. Disons-le et reconnaissons que c’est bien ! La taxe éolienne permettra d’aider la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), les pêcheurs et les communes littorales.

Il y a un an, nous avions auditionné le secrétariat général à la planification écologique. Nous en étions ressortis motivés par la ligne de route, avec la perspective d’un long travail. Quel sera le rôle de ce secrétariat, qui disposait de fonds importants mais fait face à des baisses budgétaires ? Où en sommes-nous, concernant notamment le verdissement de nos flottes de véhicules ?

Par ailleurs, la première proposition de loi que nous avions adoptée sous la précédente législature, et que j’avais défendue avec mon groupe politique, concernait la lutte contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé. Ce texte est en attente d’examen au Sénat. Il visait notamment à mieux informer les consommateurs de la présence de plastiques dans les emballages apparemment en papier ou carton. Il permettait d’interdire certains plastiques dans les aires protégées. Dans sa version initiale, il devait interdire purement et simplement les emballages en polystyrène au 1er janvier 2025, alors que la loi Climat prévoyait leur interdiction uniquement s’ils n’étaient pas recyclables. Nous avions finalement reculé, les industriels ayant réitéré leur promesse de parvenir à les recycler à cette échéance. Mais, comme on pouvait s’y attendre, ils n’y arriveront pas. J’ai été plus surpris d’apprendre que le Gouvernement ne comptait pas faire respecter l’interdiction prévue par la loi Climat. Je crains donc pour la crédibilité de la transition écologique que nous avons engagée, si les échéances que nous votons au Parlement ne sont pas respectées. J’aurai la même réflexion concernant le verdissement des flottes prévu par la loi d’orientation des mobilités (LOM).

Pourrai-je compter sur votre soutien pour inscrire la loi contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé à l’ordre du jour du Sénat ? Partagez-vous ma déception face au non-respect de la loi Climat s’agissant des emballages en polystyrène ?

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous auditionnerons M. Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique, le 6 novembre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous me donnez l’occasion de dire tout le bien que je pense du secrétariat général à la planification écologique (SGPE). On peut considérer que, depuis sept ans, les gouvernements n’ont rien fait, mais il se trouve qu’en la matière, nous affichons l’une des meilleures performances en Europe, laquelle enregistre l’une des meilleures performances dans le monde. L’équipe du SGPE a effectué un travail remarquable de documentation, de croisement des données et de planification, qui nous a permis de lancer plusieurs chantiers. Je souhaite poursuivre dans cette voie pour passer aux étapes suivantes, avec le plan national d’adaptation au changement climatique qui a vocation à être soumis à la concertation d’ici la fin octobre, avec la programmation pluriannuelle de l’énergie et avec la stratégie nationale bas-carbone. Je compte continue à travailler très étroitement avec cette équipe, qui est une chance pour la France.

Je connais votre engagement en matière de lutte contre les pollutions plastiques. Nous participerons aux négociations internationales de Busan, visant à adopter un traité contre ces pollutions. J’espère que nous y parviendrons. Notre niveau d’ambition est élevé. La proposition de loi que vous aviez défendue posait quelques difficultés au regard du droit européen, comme vous en aviez discuté avec le ministre. Elle a été adoptée à l’Assemblée nationale mais le Sénat, à ce stade, n’a pas témoigné d’une volonté d’examen rapide. Je me tiens à votre disposition pour poursuivre ce projet.

S’agissant du verdissement des flottes, les particuliers ont davantage basculé vers l’électrification que les entreprises. En effet, la part des plaques électriques est de 25 % pour les particuliers, contre 15 % pour les flottes d’entreprise. Or ces dernières pourraient être un vecteur d’accélération pour développer les véhicules électriques, mais aussi créer un marché de l’occasion de ces véhicules lorsqu’ils sortent du champ de l’entreprise, après trois ou quatre ans suivant les types de contrats. Nous avons l’intention d’y travailler. Alors qu’il existe des obligations mais pas de sanction, nous verrons comment déplacer les curseurs pour que le dispositif soit plus efficace. Là encore, il faudra de la concertation et je suis à votre disposition pour y travailler.

M. Xavier Roseren (HOR). Merci pour votre engagement, dans un contexte où les défis climatiques et énergétiques sont plus pressants que jamais. Nous sommes conscients de l’importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière efficace et soutenable.

Les territoires de montagne, auxquels je suis particulièrement attaché, sont à la fois des espaces fragiles face aux dérèglements climatiques et des laboratoires d’innovation en matière d’énergies renouvelables et de préservation de notre biodiversité. Ils font face à des défis spécifiques, notamment en matière de rénovation énergétique des bâtiments – avec plus de 50 % de passoires énergétiques dans les stations – et de transports durables. Le financement des actions de transition écologique et de décarbonisation demeure un sujet central, et je suis attentif à la manière dont les dispositifs liés à l’efficacité énergétique, comme le certificat d’économie d’énergie (CEE) ou la rénovation thermique des logements, peuvent être optimisés pour allier efficacité et maîtrise budgétaire. En outre, la simplification des démarches pour les citoyens et les collectivités est primordiale. Quels sont, d’après vous, les dispositifs qui ont le maximum d’impact de décarbonisation pour un budget public minimal ?

Enfin, quelles seront les actions de votre ministère pour assurer une sécurité sanitaire stricte de l’eau potable ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Identifier les mesures les plus efficaces est la bonne démarche. Là encore, mon objectif est d’être à votre disposition pour vous fournir les éléments factuels dont nous disposons.

Une mesure efficace est d’abord celle dont le coût d’abattement exprimé en euro de la tonne carbone évitée est faible. En l’occurrence, les mesures comme MaPrimeRénov’ et le fonds Chaleur sont assez compétitives. Pour ce dernier, le coût d’abattement est de 48 euros. Pour MaPrimeRénov’, il s’échelonne entre 70 et 90 euros suivant les types d’intervention. Il est intéressant d’avoir ces données en tête. S’agissant d’une plus petite ligne, les aides aux centres de tri d’emballages ont un coût de 14 euros par tonne abattue.

Une autre approche est celle du pouvoir d’achat. Le fonds Chaleur peut faire baisser la facture, et il la limite à tout le moins par rapport aux approvisionnements en énergies fossiles dont nous ne maîtrisons pas les coûts comme nous avons pu le vivre lors de la crise énergétique. MaPrimeRénov’ permet aussi de faire baisser la facture lorsque les rénovations sont bien faites, avec un couplage isolation/système de chauffage qualifié.

Une troisième approche est la structuration de la filière et la capacité à développer des projets. Ceux-ci sont très nombreux au titre du fonds Chaleur. L’enjeu consiste à ne pas arrêter la dynamique enclenchée. Avec 10 millions de crédits de paiement, ce fonds peut financer des projets de longue haleine à hauteur de plusieurs dizaines de millions en autorisations d’engagement. L’effet de levier est loin d’être négligeable. Concernant MaPrimeRénov’, alors que le budget était supérieur à 2 milliards, seul 1,7 milliard a été consommé. Il faudra analyser ce qui a freiné le passage à l’acte. Quant au fonds Vert, sa souplesse est plébiscitée par les collectivités locales. Il est difficile de mesurer le coût de la tonne abattue dans la mesure où ce fonds couvre plusieurs types de projets, mais la réalisation de projets illustre l’efficacité d’un tel dispositif.

Il sera intéressant de vous communiquer, au fil de vos travaux, les éléments dont nous disposons du point de vue du coût de la tonne abattue et de l’efficacité écologique, de l’impact sur le pouvoir d’achat, de l’opérationnalité des instruments, de la rapidité d’emploi, de l’existence de projets et de leur impact économique lorsqu’ils permettent de soutenir une filière industrielle.

Concernant la gestion de l’eau, nous avons une feuille de route pour améliorer la qualité des captages. C’est essentiel dans la mesure où dans certaines collectivités, parfois densément peuplées, dépendant d’un seul captage, tout incident ou pollution diffuse peut mettre en danger l’accès à de l’eau potable. Nous améliorons notre connaissance des pollutions, en constatant la présence permanente de métabolites qui correspondent pourtant à des produits interdits depuis vingt ou trente ans. Un plan d’action doit être déroulé. Le cadre est fixé, et nous devons agir main dans la main avec les collectivités locales. Je sais, pour en avoir discuté avec Intercommunalités de France, que cet enjeu les préoccupe aussi. Je souhaite y travailler avec le bloc communal et le bloc régional.

M. David Taupiac (LIOT). Depuis la dissolution, des pans entiers de la politique environnementale sont restés en suspens faute d’interlocuteurs. C’est donc peu dire que votre budget était attendu, pour connaître la place réservée à la transition écologique. La détérioration de la situation budgétaire a conduit le Gouvernement à effectuer des choix et des renoncements dans le financement de cette transition. Les coupes budgétaires sont-elles légitimes ? Remettent-elles en cause notre capacité à lutter contre le dérèglement climatique ?

Certaines décisions nous alertent particulièrement. Le coup de rabot porté au financement du fonds Vert, sur fond de diminution des recettes des collectivités locales, laisse planer la menace d’une forte rétractation de l’investissement local. C’est pourtant dans et par les territoires que commence la transition. Nos inquiétudes sont les mêmes concernant MaPrimeRénov’ – alors que ce dispositif nécessite, outre des financements, un peu de stabilité – ou le budget restreint consacré à l’électrification des véhicules.

Nous nous interrogeons aussi après les messages contradictoires du Gouvernement sur la hausse de la taxation du gaz. Certes, les solutions carbonées doivent coûter plus cher que les solutions décarbonées. Veillons, pour autant, à ne pas pénaliser les efforts d’innovation de certaines entreprises. En Occitanie par exemple, une entreprise a développé et breveté avec le soutien de la région une chaudière couplée à un électrolyseur, avec un fonctionnement hybride fondé sur du gaz vert, de l’hydrogène vert et de l’électricité verte. Cette solution peut être adaptée aux chaudières existantes et répondra parfaitement aux spécificités des territoires ruraux.

Un autre point d’alerte concerne la hausse de la fiscalité de l’électricité. Cette perspective de surtaxation est un signal négatif pour l’accélération de l’électrification des usages – voiture, chauffage –, à rebours des objectifs de la France pour sortir des énergies fossiles. C’est un sujet sensible, car cette hausse aura une incidence directe sur les factures des particuliers et des entreprises. Nous avons tous en mémoire les difficultés récentes rencontrées par certaines filières comme le secteur de la boulangerie, encore très fragiles d’autant que le niveau de cette hausse reste flou au-delà de la promesse du Gouvernement d’adapter la fiscalité, pour tenir sa promesse d’une baisse de 9 % du montant des factures.

Enfin, je voudrais vous interroger au sujet de la prévention des risques. Le système assurantiel est à bout de souffle, avec la multiplication accélérée des aléas climatiques. Le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, mis en pause avec la dissolution, est un début de réponse car nous devons repenser en profondeur notre modèle de développement. Quel sera son avenir ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nombre de vos questions concernent la taxation. Le niveau de l’accise sur le gaz est de l’ordre de 18 euros. Celui de l’accise sur l’électricité était de 36 euros avant la crise énergétique, et le budget est construit pour permettre de la monter par arrêté à des niveaux supérieurs de 5 à 25 euros afin d’assurer une baisse du tarif réglementé de 9 % – et ce, parce que le coût de l’énergie sur les marchés a fortement baissé. Cette évolution s’explique donc par un système de vases communicants. Cela concernera les 60 % de Français qui sont au tarif réglementé, tandis que les 20 % qui ont un tarif indexé sur le tarif réglementé constateront une baisse de 7 à 9 % suivant la nature de l’indexation. Enfin, les Français qui ont des contrats différents ont déjà bénéficié de la baisse du coût de l’électricité et constateront une hausse de leur facture.

Grâce à la loi que vous avez votée, les très petites entreprises qui ont des compteurs de plus de 36 kilovoltampères (kVA) peuvent bénéficier du tarif réglementé. Les boulangers seront donc traités comme des particuliers, étant précisé qu’ils ont plutôt des contrats avec un tarif libre et risquent de connaître un effet de ressaut. Quant aux entreprises électrosensibles, dès lors qu’elles sont toutes hors tarif réglementé, la hausse de l’accise aura un impact sur leurs facteurs.

Les comparaisons internationales montrent qu’en projection 2025, les tarifs s’établiraient autour de 240 euros du mégawattheure en France, 218 euros au Royaume-Uni, 233 en Allemagne et 174 en Belgique.

Les industriels électro-intensifs payant le niveau minimum d’accise, la France conserve son avantage compétitif. Pour eux, la baisse jouerait à plein et le tarif de l’électricité serait de l’ordre de 91 euros, contre 95 euros en Belgique, 115 euros en Allemagne et 138 euros au Royaume-Uni.

Je vous communiquerai les chiffres, qui pourront évoluer au fil de l’eau dans la mesure où ils sont établis sur la base des trajectoires budgétaires et fiscales des autres pays. Il est intéressant d’éclairer la représentation nationale.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Après la tempête Kirk qui a balayé le pays, c’est bien la tempête Barnier qui est passée sur les budgets de l’écologie, en particulier celui de la rénovation des logements. Vous envisagez de couper 1 milliard de crédits pour MaPrimeRénov’, alors qu’il faut viser non pas une tendance haussière, mais une massification rapide et planifiée, d’autant que les acteurs observent une augmentation de ces dossiers. Il faudrait donc que les fonds publics puissent suivre. Mais vous calquez les orientations budgétaires sur le bilan calamiteux des années précédentes. Cette année, il n’y a eu que 85 000 rénovations globales, tandis que votre propre objectif était de 200 000 par an et que le Haut Conseil pour climat indique qu’il faudrait en compter jusqu’à 700 000 à partir de 2030. Ainsi, s’il est une chose planifiée par ce budget, c’est bien l’échec de l’atteinte de cet objectif !

Confirmez-vous que ce budget enterre les objectifs de rénovation du parc de logements, donc l’horizon de neutralité carbone à l’horizon 2050 ?

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous vivons la sixième extinction des espèces et votre gouvernement sacrifie la biodiversité sur l’autel de l’austérité. Le secrétariat d’État est supprimé. Les budgets sont laminés, avec un quart en moins pour le programme « Paysage, eau et biodiversité », moins 72 % pour le plan Haies ou moins 35 % pour la réduction des produits phytosanitaires. Pourtant, le WWF nous apprend que les populations de vertébrés sauvages ont décliné de 73 % en cinquante ans. C’est vertigineux !

Votre portefeuille comprend la lutte contre le changement climatique. Mais sans protéger de la biodiversité, elle est vouée à l’échec. Le rapport conjoint du Giec et de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) l’indiquait clairement en 2021 et, avant-hier, le Guardian révélait que nos puits de carbone se sont effondrés en 2023. Les forêts, prairies, tourbières et océans n’ont pratiquement pas absorbé de carbone – CQFD ! La vie s’effondre sous nos yeux et l’horizon de votre ministère, c’est de construire des centrales nucléaires. Parfois, je vous le jure, j’ai l’impression de vivre un mauvais film d’anticipation.

Comment justifiez-vous d’appartenir à un gouvernement qui méprise ainsi la préservation du vivant ? Comptez-vous faire quelque chose ?

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Pour son soixante-dixième anniversaire, j’ai été invitée à visiter, dans ma circonscription, le mythique barrage de Cap de Long. Cet ouvrage contribue, avec plus de 2 500 autres installations hydroélectriques, à la moitié de la production brute d’énergie renouvelable. Cependant, je m’inquiète des lettres de mise en demeure adressées par la Commission européenne au sujet des concessions hydroélectriques. Les gouvernements successifs, depuis la première lettre en 2015, s’accordent à considérer que la politique européenne de concurrence est dévastatrice pour notre souveraineté énergétique. Les négociations restent d’ailleurs inachevées Mais temporiser ne suffit, plus car les concessions arrivent à leurs termes et leur avenir incertain dissuade les concessionnaires d’engager les investissements cruciaux pour leur modernisation. La solution du régime d’autorisation reviendrait à casser la concession pour un transfert de propriété du public au privé. Que faites-vous ou que comptez-vous faire pour mettre un terme à l’incertitude qui pèse sur le secteur hydroélectrique français ?

M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Face à une précarité énergétique généralisée, vous prévoyez dans le PLF 900 millions en autorisations d’engagement pour le chèque énergie, mais seulement 615 millions en crédits de paiement, bien en dessous des 795 millions de l’année dernière. Le Gouvernement mise donc, sans honte aucune, sur le non-recours au dispositif du chèque énergie pour réaliser des économies. Quelle imposture ! Alors que 12 millions de Français souffrent de précarité énergétique et 26 % des consommateurs ont souffert du froid en 2023, comment peut-il être sérieusement envisagé de mettre fin à l’automaticité de ces aides, et d’assumer dans le budget le risque du non-recours ? Cette aide dispensée au compte-gouttes est un pansement, mais elle n’est pas assez protectrice. Nous défendons un autre modèle de l’énergie : le blocage des prix et le retour à un vrai service public de l’électricité et du gaz au service des usagers et non du capital. Votre choix n’est ni plus ni moins qu’un moyen de faire des économies sur le dos des plus précaires, et vous le savez pertinemment. Comment justifiez-vous une telle approche, alors qu’elle risque d’aggraver la situation des plus fragiles et pourrait réduire le nombre de bénéficiaires dès l’an prochain ?

M. Julien Guibert (RN). La louveterie est une institution séculaire, enracinée dans les pratiques locales, assurant la régulation des animaux sauvages pour protéger les activités humaines. Dans le département rural de la Nièvre, les lieutenants de louveterie sont en première ligne face à la surpopulation des sangliers et aux attaques de loups. Avec 250 ovins attaqués en seulement deux mois, la situation est critique. Les lieutenants de louveterie, personnes privées assermentées et commissionnées, jouent un rôle essentiel dans l’application des arrêtés de tir pour limiter les dégâts causés par ce prédateur. Toutefois, leur mission quasi bénévole ne reflète pas les enjeux actuels et leur statut mérite une évolution, de vrais moyens fléchés, en équipements – lunettes thermiques, véhicules, armes – mais aussi indemnitaires, sont nécessaires pour qu’ils puissent continuer à remplir efficacement leur mission. Envisagez-vous de réformer ou d’ouvrir le débat sur le statut des lieutenants de louveterie, pour mieux répondre aux besoins des territoires et assurer une protection adéquate des éleveurs et leurs troupeaux ?

M. Sébastien Humbert (RN). Dans les Vosges, ma circonscription concentre 75 % des implantations d’éoliennes du département. Ses habitants comme les défenseurs de l’environnement et du patrimoine sont largement opposés à ce saccage paysager imposé aux forceps pour répondre à des objectifs européens et nationaux totalement délirants. Réponse aux enquêtes publiques, pétitions, manifestations, entrevues avec la préfecture, réunions publiques contre les projets : rien n’y fait ! L’administration centrale reste sourde aux échos des appels du pied des habitants qui ne veulent pas voir leur territoire défiguré. En plus de dégrader leur cadre de vie, cette énergie est profondément anti-écologique puisqu’elle sacrifie largement la biodiversité. Comptez-vous enfin prendre en compte les effets néfastes de ces implantations et mettre un coup d’arrêt définitif à cette politique dans des territoires déjà saturés ?

M. Sylvain Berrios (HOR). La conférence de l’eau est une bonne nouvelle, d’autant que l’eau sera un enjeu majeur des politiques publiques compte tenu de l’accélération de la crise climatique. Or l’eau a ceci de particulier que les recettes sont connues, grâce aux redevances. Il s’agit donc d’ajuster et de consolider les dépenses y afférentes. Confirmez-vous le maintien du relèvement du plafond des recettes de ces redevances au bénéfice des agences de l’eau à hauteur de 2,5 milliards ? Par ailleurs, lors de la transposition de la directive européenne dite eau potable, l’État s’était engagé à compenser financièrement l’accroissement des charges des collectivités locales en résultant. Comment pourrez-vous tenir cet engagement ?

Mme Chantal Jourdan (SOC). Selon le bilan 2021-2023 paru en août, plus de 85 % des projets financés par le plan de relance pour le renouvellement forestier se sont soldés par des plantations après coupe rase, avec un taux d’échec de 38 %. Les 550 millions consacrés au renouvellement forestier dans le budget de l’État depuis 2021 constituent donc, en partie, une subvention dommageable pour la biodiversité, le climat et l’adaptation. Les aides ne sont pas assez ciblées et conditionnées. Le milieu forestier et les zones Natura 2000 comptent trop de plantations monospécifiques, ce qui affaiblit notre capacité de résilience et conduit à la diminution du puits de carbone forestier. Pourtant, le fonds de roulement forestier pourrait être un outil incitatif à l’adaptation de pratiques durables comme la sylviculture irrégulière et le couvert continu. Œuvrerez-vous pour que le cahier des charges évolue ?

M. Peio Dufau (SOC). En février 2023, la Première ministère Élisabeth Borne avait promis d’investir 100 milliards dans le réseau ferroviaire. M. Jean-Pierre Farandou a affirmé ici que le réseau ferré classique structurant avait été le parent pauvre des dernières décennies, puisque le TGV, né en 1981, a absorbé l’essentiel des capacités financières. Or le réseau ferroviaire qui réunit et irrigue les territoires est crucial. Il faut le maintenir en bon état pour garantir la desserte territoriale. Il faudra 1,5 milliard par an. Combien à la charge de l’État ? Rien ! Autrement dit, la SNCF finance les régénérations du réseau par le fonds de concours, sans aucune aide. Comment l’expliquez-vous ? Où en est la promesse de votre Première ministre ? Le ministre délégué aux transports semble faire des cars une priorité, et l’on consacrerait 14 milliards pour la ligne à grande vitesse du sud-ouest. Cela doit-il primer sur le réseau ferré des transports du quotidien ?

Mme Julie Laernoes (EcoS). Nos entreprises de la transition énergétique et des énergies renouvelables sont en péril. Dans mon département, l’écosystème industriel s’écroule : Systovi, General Electric, Saunier Duval, Enedis, Cordemais… J’irai d’ailleurs soutenir les salariés de General Electric qui se mobilisent pour préserver leurs emplois. La vague de suppressions d’emplois et de pertes de compétences est le résultat du refus persistant de tous les gouvernements depuis deux ans, auxquels vous avez appartenu, de tracer une trajectoire financière et opérationnelle en matière d’énergie et de climat. Comment vous sortirez-nous de cette impasse industrielle ? Combien de temps devrons-nous encore attendre avant d’obtenir une vraie planification énergétique, qui permette une stabilité pour notre industrie française ? Quand allez-vous enfin protéger nos filières des énergies renouvelables ? Avez-vous des pistes à nous proposer pour garantir le maintien des sites de General Electric en Loire-Atlantique ? On est plutôt dans la désindustrialisation verte ! Je rappelle que 1 euro investi dans les énergies renouvelables permet de diminuer de quatre à cinq fois plus les émissions que 1 euro investi dans le nucléaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. MaPrimeRénov’ ne manque pas de crédits, mais de projets : nous avions prévu plus de 2 milliards de crédits, mais 1,7 milliard a été consommé. Quant à notre « inaction », les bilans des années précédentes montrent une baisse sans commune mesure des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment – 15 % pour la seule année 2023. Regardons la réalité des chiffres. En outre, l’enveloppe des certificats d’économie d’énergie représente 4 à 6 milliards, investis notamment dans la rénovation thermique.

Vous avez une ministre pleine en charge de la biodiversité, c’est plutôt une bonne nouvelle ! La biodiversité relève de mes compétences et je compte bien m’investir dans ce domaine. C’est aussi l’une des priorités du Conseil environnement.

Je partage vos préoccupations concernant l’hydroélectricité, qui est une énergie pilotable, renouvelable et efficace. Un contentieux ne nous permet pas de sécuriser les investissements des concessionnaires dans de nouvelles facilités. Nous avions fait évoluer le curseur dans la loi dite Accélération des énergies renouvelables, à la faveur du travail de Mme Marie‑Noëlle Battistel, qui avait permis que des investissements qui ne déséquilibraient pas les concessions existantes soient financés par les concessionnaires. Il faut aller plus loin, au nom de l’urgence climatique. J’ai demandé à mon cabinet d’étudier ce sujet sur le plan juridique. Nous devons aussi trouver une réponse avec la Commission européenne, étant entendu que l’autorisation est accompagnée d’un cahier des charges très strict, que la quasi-régie pose des problèmes d’organisation entre les activités lorsqu’il existe différents modes de production – dans le cas d’EDF, il faudrait séparer les équipes mobilisées pour le nucléaire de celles qui le sont pour l’hydroélectrique, ce qui pourrait entraîner une perte d’agilité industrielle, donc d’efficacité – et que la remise en concurrence des concessions ne recueille pas l’unanimité, pour des raisons évidentes de service public et de souveraineté. Nous soutenons la démarche de Mme Battistel et de M. Bolo, députés, qui préparent des propositions.

Ne faites pas dire au budget ce qu’il ne dit pas : le chèque énergie est sanctuarisé. C’est une réalité. Si les crédits de paiement sont dépassés, ils sont payés puisqu’il s’agit d’une aide de guichet. Il n’y a donc pas de limite, et vous le savez aussi bien que moi ! Nous mettons en place une automaticité pour les consommateurs dont nous pouvons croiser le revenu fiscal de référence et l’adresse. Utiliser les bases dont nous disposons, qui étaient celles de la taxe d’habitation et qui ne sont plus actualisées depuis 2021, induirait davantage de non-recours ou de versements infondés. L’enjeu est que personne ne reste entre le quai et le bateau. Je compte sur vous pour doubler les alertes concernant la quérabilité de ce chèque. Certains l’auront automatiquement, nous y travaillons d’arrache-pied, mais d’autres devront le demander. C’est à nous de faire connaître ce droit indispensable pour les Français les plus vulnérables.

S’agissant de la louveterie, un important travail a été effectué cette année, y compris au niveau européen. Le retour du loup est une bonne nouvelle pour la biodiversité. Une mission de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) a émis des propositions, qui ne remettent pas en cause le statut des louvetiers. Des propositions d’accompagnement et de reconnaissance ont également été discutées. La décision a été prise de mettre des lunettes thermiques à disposition, et il faut s’assurer qu’elle est correctement déployée. De manière générale, des dispositions de la loi d’orientation agricole visent à renforcer le statut des louvetiers et à mieux reconnaître la spécificité de la louveterie.

Les scientifiques recommandent d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Monsieur Humbert, votre groupe s’inquiétait des inondations et de la multiplication des épisodes de violentes précipitations pouvant s’apparenter à des orages cévenols. C’est une préoccupation légitime, qui doit nous inviter à accélérer la transition énergétique. En la matière, je fonde mes politiques sur la science et sur le meilleur consensus scientifique. Les travaux du Giec, mis à disposition des décideurs publics et du grand public, recommandent d’actionner quatre leviers : la sobriété, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables – parmi lesquelles l’éolien terrestre et marin – et le nucléaire. Je m’appuie sur ces travaux en faisant la différence entre les énergies pilotables et celles qui ne le sont pas. Il se trouve que le taux de charge de l’éolien marin se rapproche de 50 %, contre 60 à 65 % pour le nucléaire en 2022. Ces données nous invitent à une forme de précaution, et à ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Les éoliennes sont recyclables, et nous les recyclons jusqu’à 95 %. Un système finance leur démantèlement. Vous l’avez voté et vous l’avez même renforcé ces dernières années. S’agissant de la gestion de l’intermittence, nous travaillons au niveau européen car il faut se préoccuper de la volatilité croissante du prix de l’électricité résultant de la non-adéquation entre périodes de production et périodes de consommation électrique. Nous travaillons les sujets de flexibilité, de capacités de stockage et d’effacement. Ce sont des mix énergétiques équilibrés qui nous permettront d’atteindre la décarbonation et de minorer le coût de l’électricité. Je suis à votre disposition pour vous transmettre les éléments qui vous rassureront quant au fait que l’éolien terrestre a toute sa place dans notre mix énergétique. Il ne s’agit pas de tout miser sur les éoliennes terrestres, mais elles font partie de la boîte à outils.

S’agissant du plan Eau, la trajectoire prévoyait un rehaussement du plafond pour les agences de l’eau mais il est reporté à 2026, d’une part, parce que tous les votes n’ont pas encore eu lieu dans les agences de l’eau, d’autre part, parce que ces dernières affirment que leurs projets sont correctement financés jusqu’en 2026.

S’agissant du plan forestier, le manque de sélectivité d’attribution de l’argent public est précisément le sujet dont j’ai à traiter avec des enveloppes d’intervention en baisse. Il faut identifier systématiquement ce qui fonctionne ou non, et recentrer le cahier des charges autour de ce qui a le plus d’impact. Le risque d’effet d’aubaine existe, comme dans d’autres domaines. Il nous invite collectivement à plus de sélectivité et d’exigence dans l’utilisation des fonds publics, et à actionner le maximum de leviers avec l’argent privé. Des analyses montrent ainsi que le fonds Friche exerce un effet de levier de 1 à 6 pour le privé, tandis que l’éclairage dans les villes est un peu moins impactant. Tirons-en les conclusions de manière clinique et documentée. Je suis à votre disposition pour le faire.

Vous mentionnez le décalage des fonds de concours et la non-tenue, par la Première ministre Mme Élisabeth Borne, de sa promesse. Il ne vous aura pas échappé que vous n’avez pas face à vous le gouvernement de Mme Borne ! Je suis à l’écologie, mais une ministre ne peut être comptable de l’action d’un gouvernement qui n’est pas le sien – je le dis sans taquinerie aucune. En tout cas, vous avez raison de souligner l’importance du développement du train.

Nous sommes désormais dans un gouvernement de coalition. C’est une façon inédite, dans la Ve République, de faire de la politique. Il vous appartenait d’accepter d’être dans le Gouvernement. Vous auriez ainsi pu défendre vos sujets. Je crois savoir qu’un certain nombre de figures politiques de votre camp ont été appelées et ont préféré ne pas prendre leurs responsabilités. C’est un choix et il faut en assumer les conséquences.

J’en viens à la question relative au couplage entre l’industrialisation et le déploiement des énergies renouvelables. C’est tout l’enjeu de la planification éolienne marine et des appels d’offres que nous préparons, conformément au calendrier indiqué. Comme vous, je m’inquiète pour la situation de GE. Mais plusieurs années s’écoulent nécessairement entre la décision d’implanter des éoliennes marines et la livraison de ces dernières. J’aurais été ravie que votre groupe se mobilise pour accélérer ces opérations quand il était en situation de le faire, durant la législature 2012-2017. Nous serons aux côtés des salariés et des industriels. Je me suis suffisamment battue pour l’industrie au cours des six dernières années pour ne pas minorer ces enjeux. Je rencontrerai le ministre de l’industrie ce soir, avec Mme Olga Givernet, pour aborder ces sujets. Vous pouvez compter sur moi pour trouver tous les moyens d’accompagner GE, y compris au niveau européen, car sa charge peut aussi être renforcée par des projets européens, à condition d’assurer le rythme de déploiement des éoliennes marines.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je confirme que ces installations prennent du temps. En Bretagne, le parc éolien de Saint-Brieuc vient d’être inauguré, quatorze ans après la naissance du projet – auquel des associations environnementales se sont fortement opposées.

M. François-Xavier Ceccoli (DR). Le Gouvernement envisage une augmentation significative de la taxe de solidarité sur les transports aériens. Cette mesure devrait rapporter plus de 500 millions, contribuant ainsi au rétablissement de nos finances publiques. Si je soutiens l’effort de redressement, il est de mon devoir de souligner, en tant qu’élu de la Corse, les impacts préjudiciables d’une telle hausse pour la desserte de notre île. Quand on vit en Corse, seule région insulaire métropolitaine, se déplacer par avion vers le continent n’est pas un luxe mais une nécessité souvent dictée par des raisons sanitaires ou professionnelles, l’alternative du bateau n’étant pas toujours envisageable. Par ailleurs, l’économie de notre île dépend fortement du tourisme, qui représente près de 40 % du PIB et la moitié de ces visiteurs se déplacent par avion. Le Gouvernement prévoit-il d’appliquer cette hausse aux vols à destination de la Corse ? Dans le cas contraire, de quelle manière procéderez-vous ?

M. Vincent Descoeur (DR). Vous avez répondu à la question concernant le relèvement du plafond mordant des agences de l’eau, mais il faudra veiller à ce qu’il ne s’agisse que d’un report. Dans un rapport que nous avions rendu avec notre collègue Yannick Haury au sujet de l’adaptation de la politique de l’eau changement climatique, nous avions pointé du doigt le différentiel entre les besoins en investissement pour assurer la rénovation des réseaux et la sécurisation de la ressource et les moyens disponibles – ceux des maîtres d’ouvrage et des partenaires, au premier rang desquels les agences. Nous avions également estimé qu’il faudrait 120 ans pour assurer le renouvellement des réseaux existants. Les agences ont besoin de moyens.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Le PLF inclut le futur dispositif postérieur à l’accès régulé à l'électricité nucléaire historique (post arenh). Vous avez répondu à mon collègue Vincent Descoeur que toutes les TPE auront droit à un tarif régulé et qu’il n’y aura plus de seuil à 36 kilowattheures. C’est une bonne nouvelle. En revanche, les grandes entreprises et l’industrie sont très inquiètes car la redoutable complexité du mécanisme ne leur permettra pas d’anticiper les coûts et de planifier les investissements, ce qui serait dommageable pour la réindustrialisation à laquelle nous tenons tant. Vous êtes suffisamment battue pour l’industrie pour répondre à cette inquiétude.

S’agissant de MaPrimeRénov’, les rénovations se sont effondrées en 2024. En mai, nous avons été obligés de revenir sur le critère de rénovation d’ampleur pour rendre éligible le monogeste. Qu’en est-il dans votre budget ? La plupart de nos concitoyens n’ont pas les moyens d’effectuer en une fois une rénovation d’ampleur.

Mme Sophie Panonacle (EPR). Dans le cadre des travaux du comité national du trait de côte, nous nous étions entendus sur la répartition de la taxe éolienne en zone économique exclusive et je vous avais proposé d’attendre le PLF pour 2025. Une part devait être affectée aux communes pour financer leur stratégie d’adaptation au changement climatique, en particulier l’érosion côtière et le recul du trait de côte. Ces intentions sont-elles confirmées ?

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’ONG Générations futures estime que 71 % des métabolites de pesticides à risque pour l’eau potable ne faisaient l’objet d’aucun suivi dans les eaux souterraines et l’eau potable. L’Agence européenne pour l’environnement, quant à elle, souligne que les objectifs européens pour la préservation des cours d’eau ne sont pas atteints, puisque seuls 37 % des cours d’eau étaient en bon état écologique en 2021. Depuis avril et en dépit de son absence totale d’ambition, les dispositions sur la qualité de l’eau de la stratégie Écophyto 2030 n’ont pas vu l’ombre d’un commencement. La mission flash sur le scandale des eaux en bouteille présidée par la sénatrice écologiste Antoinette Guhl révèle que des ministres ayant eu connaissance de la fraude industrielle n’ont pas pris les mesures correctives nécessaires. Les chantiers relatifs à l’eau sont nombreux, complexes et stratégiques. Ils sont l’un des principaux défis à relever de votre mandat. Quand l’arrêté définissant les captages sensibles ainsi que le guide de gestion des risques, tous deux prévus avant fin 2024, seront-ils publiés ? À quelle date le groupe national captage se réunira-t-il et quelles seront ses missions ?

M. Vincent Thiébaut (HOR). Je suis en train d’élaborer le rapport pour avis sur le programme 181, qui concerne notamment l’Ademe et le fonds Chaleur, qui présente l’une des meilleures rentabilités – 36 euros la tonne de CO2 évitée, et non 48. Le maintien de ce budget permettra juste de subventionner les projets conventionnés. L’incertitude demeure concernant les projets qui ont fait l’objet d’un accord de principe. Qui plus est, la baisse de 30 à 35 % des autorisations d’engagement aura une répercussion en 2026 et 2027. Par ailleurs, les auditions au sujet du fonds Barnier mettent en exergue des difficultés de gouvernance et de lenteur. Enfin, il manquerait une trentaine d’ETP pour que les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) puissent atteindre l’objectif de 27 000 contrôles par an.

M. Gérard Leseul (SOC). La loi du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, que nous avons combattue, prévoit la publication par le Gouvernement de deux rapports sur l’avancement du processus de fusion. L’article 15 de votre loi indique : « avant le 1er juillet 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ». Ce rapport doit porter sur les moyens humains, techniques et financiers, prévisionnel. En outre, l’article 21 indique : « au plus tard le 1er juillet 2024, le Gouvernement remet à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dont je suis vice-président, un rapport faisant état de l’avancée des travaux préparatoires à la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) » – Opecst dont je suis vice-président. Aucun de ces documents n’a été remis aux instances concernées. Ce n’est pas sérieux ! Par ailleurs, les récentes auditions menées dans notre commission laissent entrevoir une difficulté majeure au bon fonctionnement de l’ASNR au 1er janvier. Alors faut-il un report de six ou douze mois ?

M. Peio Dufau (SOC). N’ayant reçu aucune réponse et juste une invective, j’attends de vous une réponse sur le financement du renouvellement du réseau ferroviaire. Rien n’est fait pour le ferroviaire, et l’on ne voit aucune volonté d’y remédier.

Par ailleurs, ce serait bien de ne pas tomber dans la politique politicienne et les attaques contre tel ou tel gouvernement. Il vous suffisait, vous macronistes, de faire comme Mme Marine Le Pen : ne pas censurer de fait, et attendre de voir s’il est possible de tomber d’accord. Mais vous avez décidé de censurer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Ceccoli, vous vous inquiétez de l’impact de l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion, pas dans son principe auquel vous adhérez, mais pour la desserte de votre territoire. C’est une préoccupation que l’on entend dans un certain nombre de territoires, notamment ultramarins, vers lesquels l’accessibilité par d’autres moyens que l’avion est difficile. Ce point est en cours de discussion. La continuité territoriale est un fort enjeu. Cette préoccupation est partagée par ma collègue Vautrin et par mon ministère.

Monsieur Descoeur, merci d’avoir éclairé mon propos. Votre rapport sera analysé par mes équipes.

S’agissant du post-arenh, une clause de revoyure est prévue dans l’accord. Je rencontrerai le président-directeur général d’EDF dans les prochains jours. J’ai demandé un bilan précis de l’application de l’accord. La situation est particulière, puisque le niveau de prix de déclenchement de l’accord est aujourd’hui supérieur à celui de l’électricité sur les marchés. De fait, on se fournit sur les marchés à un prix qui s’établit entre 70 et 75 euros du mégawatt, tandis qu’avec le tarif de réseau et des taxes, le prix sur les factures atteint plutôt 250 euros. Cet enjeu est pris en compte avec sérieux par mes collègues Antoine Armand et Marc Ferracci à Bercy, ainsi que par Mme Olga Givernet et moi-même.

Concernant la stabilisation de MaPrimeRénov’, la demande de maintenir le monogeste est forte. Je l’entends et Mme Valérie Létard entretient des contacts étroits avec les acteurs comme la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Toutefois, il ne faut pas mettre les Français en difficulté en finançant des rénovations de pompe à chaleur dans des passoires thermiques, ce qui entraînerait des travaux plus onéreux qui feraient in fine exploser la facture. Nous sommes sensibles aux arguments relatifs aux difficultés d’organisation de la filière. Un arrêt des dossiers a d’ailleurs été constaté durant les cinq premiers mois de l’année. C’est factuel et il faut le prendre en compte. Mais il faut aussi effectuer des réglages pour éviter que des margoulins opèrent auprès d’entreprises qui travaillent bien. Vendre des pompes à chaleur comme un bien de consommation va à l’encontre du pouvoir d’achat et de l’écologie, et les pompes à chaleur de piètre qualité ne facilitent pas la réindustrialisation. Je chercherai le point d’équilibre, avec Mme Valérie Létard.

Un travail a été conduit sur la répartition de la fiscalité des éoliennes en mer, mais le budget 2025 n’en porte pas l’empreinte – étant entendu que ce dernier a été construit pour partie par un gouvernement qui n’a eu que trois semaines pour se concentrer sur différents sujets. Nous verrons comment la représentation nationale peut s’en emparer. Vous connaissez ma position en la matière. Les propositions me semblaient intéressantes. Elles doivent être concertées et liées aux travaux de la CNDP.

Nous lançons une feuille de route consacrée à la qualité des captages de l’eau. Je souhaite en faire une priorité, en lien avec les orientations européennes et les intercommunalités

En matière de chaleur, la métrique est la suivante : pour des crédits de paiement de 10 millions d’euros, on débloque environ 300 millions de projets. Un dispositif comme le fonds Chaleur est donc important, sans impact direct sur la trajectoire financière.

J’ai pris note de votre préoccupation concernant le fonds Barnier.

S’agissant des ICPE, nous avions augmenté de plus d’une centaine les effectifs de l’instruction l’an dernier. La trajectoire pour le périmètre est très légèrement haussière. La transition écologique n’a donc pas été sacrifiée. J’appelle votre attention quant au fait que 14 000 instructions sont en cours, avec un délai moyen de deux ans et demi – ce qui signifie que certaines seront effectuées dans cinq ans. Le rapport de la Cour des comptes ne pointe pas un défaut d’organisation ou de mobilisation des instructeurs, mais la durée d’instruction. Un satisfecit est donné aux autorités instructrices, ce qui est rare venant de la Cour des comptes.

Monsieur Leseul, les deux rapports que vous mentionniez ont été transmis par le secrétariat général du Gouvernement et sont en cours d’arrivée chez vous. J’ai suffisamment suivi la réforme pour faire attention, dès les premiers jours de mon arrivée, à tenir les engagements que j’avais pris l’an dernier – mais il se trouve que, pendant neuf mois, je n’étais pas là.

Concernant les transports, le Gouvernement privilégie les solutions les plus décarbonées – le fluvial et le ferroviaire – en mobilisant les recettes des modes de transports les plus carbonés, comme les autoroutes avec la taxe sur les gestionnaires d’infrastructures de l’an dernier, la hausse de la fiscalité environnementale figurant au PLF ou les mesures prévues dans la maquette budgétaire, puisque des amendements gouvernementaux sont annoncés. Mon collègue du ministère des transports y travaille également.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Merci, madame la ministre. Je retiens la poursuite de votre investissement en matière d’énergie, la prise en compte des enjeux de biodiversité avec la poursuite de la lutte contre la déforestation, la grande conférence de l’eau et la sécurisation des captages, à laquelle je suis attachée, et le maintien des objectifs de la ZAN – avec, peut-être, une adaptation pour une meilleure application dans les territoires.

 


Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 17 heures

Présents. - M. Fabrice Barusseau, Mme Lisa Belluco, M. Sylvain Berrios, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Yves Bony, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. François‑Xavier Ceccoli, M. Bérenger Cernon, M. Mickaël Cosson, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, M. Romain Eskenazi, M. Auguste Evrard, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, Mme Clémence Guetté, M. Julien Guibert, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Julie Laernoes, Mme Sandrine Le Feur, Mme Claire Lejeune, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, M. Matthieu Marchio, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Christelle Petex, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. David Taupiac, M. Vincent Thiébaut, Mme Anne-Cécile Violland

Excusés. - M. Gabriel Amard, M. Jean-Michel Brard, M. Jean-Victor Castor, M. Marc Chavent, M. Aurélien Dutremble, M. Pierre Meurin, M. Marcellin Nadeau, M. Raphaël Schellenberger, M. Olivier Serva