Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

 Audition de M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports 2

 Examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) :

. Transports terrestres et fluviaux (Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis) 33

. Affaires maritimes (M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis)......33

. Transports aériens ; budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (M. Romain Eskenazi, rapporteur pour avis) 33


Mardi 22 octobre 2024

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 6

Session ordinaire de 2024-2025

Présidence de

Mme Sandrine Le Feur,

Présidente

 


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La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports, sur le projet de loi de finances pour 2025.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports, qui présentera sa feuille de route et les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 concernant les mobilités.

Notre commission s’investit particulièrement dans ces questions. Nous sommes convaincus de la nécessité de verdir les mobilités et d’accompagner les entreprises et les ménages. Nous accordons une attention particulière aux mobilités du quotidien, notamment en milieu rural, pour répondre aux besoins des trajets domicile-travail, ainsi qu’à l’équilibre des territoires lors de l’ouverture à la concurrence du ferroviaire.

La loi de finances devra soutenir cette démarche en optimisant l’efficacité des dépenses, compte tenu des économies nécessaires. Parmi nos préoccupations figurent la régénération et l’entretien du réseau ferroviaire, la création des futurs services express régionaux métropolitains (Serm) et leur financement, ainsi que le renforcement du verdissement du parc automobile. Ces projets requièrent un soutien public pérenne.

Les opérateurs de transports, les entreprises et les ménages ont besoin de visibilité. Nous serons donc attentifs aux précisions que le ministre pourra nous apporter et à la cohérence des exercices de planification en cours pour garantir de bonnes trajectoires d’investissement.

Notre commission s’est saisie pour avis de la seconde partie du projet de loi de finances, mais nous restons vigilants quant au débat sur la première partie qui s’engage dans l’hémicycle. De nombreux amendements en discussion concernent les transports, certains ayant un impact environnemental considérable, notamment pour ce qui concerne le domaine de l’aérien et le débat sur sa taxation.

Après l’intervention du ministre, nous passerons aux questions des députés. Ensuite, nous entamerons la présentation des avis et la discussion des amendements portant sur les transports. Monsieur le ministre, vous avez la parole pour dix minutes.

M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports. En tant que nouveau ministre délégué chargé des transports, je souhaite vous présenter mon parcours et les priorités de mon ministère.

Fort d’une expérience de vingt ans comme élu local à la tête du département de l’Essonne, je me suis particulièrement intéressé aux questions de mobilité. J’attache une grande importance au dialogue avec les élus de tous lesterritoires et de toutes sensibilités politiques.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable des agents du service public, notamment ceux qui ont affronté les récentes intempéries exceptionnelles dans le sud-est de la France. Je me suis rendu sur place pour constater les efforts des équipes de la direction des routes centre-est et de SNCF Réseau face à ces événements climatiques.

La multiplication de ces phénomènes extrêmes souligne l’urgence d’agir contre le dérèglement climatique et d’adapter notre pays à ses conséquences. Le secteur des transports joue un rôle majeur dans la transition écologique. Comme l’a rappelé le Premier ministre, nous devons répondre collectivement à deux défis, la dette climatique et la dette budgétaire.

La lutte contre le changement climatique constitue le défi principal de notre génération. Nous devons respecter la trajectoire carbone en réduisant les émissions de CO2 de 105 millions de tonnes d’ici 2030. Le secteur des mobilités représentant 32 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, il est à la fois une partie du problème et de la solution.

Je crois fermement au progrès technologique, notamment dans le développement des véhicules électriques et l’adaptation du mix énergétique aux besoins spécifiques des différents modes de transport. La décarbonation du transport aérien et le développement des carburants durables pour l’aviation sont également essentiels. Notre industrie aéronautique d’excellence doit être soutenue, en particulier via le Conseil pour la recherche en aéronautique civile (CORAC).

Parallèlement, nous devons transformer les usages dans les zones urbaines denses. Le développement des modes actifs, en particulier du vélo, doit être encouragé en complémentarité avec les transports collectifs. J’affirme que le vélo a toute sa légitimité sur la voirie, au même titre que la voiture. Des efforts conséquents ont été réalisés par l’État et les collectivités locales pour aménager ces espaces. Cette évolution doit s’accompagner d’une réflexion sur les usages. À ce propos, j’ai une pensée pour Paul Varry, ce cycliste parisien engagé pour une ville apaisée, tragiquement décédé la semaine dernière.

La réalité des mobilités, c’est aussi la précarité de 15 millions de Français en la matière, avec 84 % des déplacements domicile-travail effectués seul en voiture. Je souhaite donc prioriser la lutte contre l’autosolisme et développer l’offre de transports collectifs pour apporter des solutions concrètes sur les trajets longs du quotidien. Mon ambition est d’être le ministre des transports de ceux qui n’en ont pas, en garantissant un accès à la mobilité pour chaque citoyen.

Je rejoins les propos de Madame la présidente concernant l’importance des zones rurales. Au fil des dernières décennies, la France s’est dotée de nouvelles infrastructures de transport, notamment pour les longues distances et dans les grandes villes. Certains dispositifs s’avèrent satisfaisants, mais un angle mort subsiste dans nos politiques publiques. Les trajets longs du quotidien concernent 10 millions de Français qui parcourent plus de 50 kilomètres par jour, principalement en voiture.

Dans cette optique, je présenterai au premier trimestre 2025 un plan Cars express, englobant plus largement les mobilités routières, incluant le covoiturage. Cette solution rapide, écologique, économique et performante offrira une alternative de transport collectif complémentaire aux transports ferroviaires pour des centaines de milliers de nos concitoyens.

Le développement de l’offre des transports de voyageurs constitue un enjeu majeur de mon mandat ministériel. Néanmoins, je reste attentif aux priorités que représente la transition du secteur du fret et du transport de marchandises. Nous devons poursuivre notre soutien au développement du fret ferroviaire, malgré un contexte budgétaire contraint. La transition écologique de ce secteur passe également par le renforcement de nos interfaces portuaires et l’amélioration des connexions ferroviaires avec leur hinterland.

Nos grands ports français doivent irriguer l’ensemble du continent. Pour illustrer mon propos, le port du Havre a vocation à devenir le port de Prague, plutôt que celui d’Anvers ou de Rotterdam, comme c’est le cas actuellement.

Parallèlement, nous accompagnerons le développement et la transformation du secteur fluvial, capitalisant sur l’image positive dégagée lors des Jeux olympiques. Mes récents échanges avec les entreprises fluviales ont révélé l’impact considérable de cet événement, source de fierté pour le secteur et moteur de développement sur les corridors fluviaux, tant pour le fret et le développement économique que pour le tourisme.

Au-delà de l’axe Seine, qui a connu des avancées significatives ces dernières années, je pense aux enjeux que représentent l’axe Rhône-Saône et l’axe Rhin-Rhône, ce dernier ayant vocation à devenir une véritable dorsale européenne.

Pour concrétiser cette ambition, je présenterai début 2025 la stratégie nationale fluviale, sous forme d’engagements réciproques impliquant l’État, les collectivités et les professionnels du secteur. La réalisation de ces engagements nécessitera de nouveaux financements pour crédibiliser l’ambition portée par mes prédécesseurs, qui demeure ma feuille de route. Je pense notamment à la priorité d’investissement dans le ferroviaire, colonne vertébrale de notre système de transport, ainsi qu’aux stratégies de développement du fret ferroviaire, fluvial et portuaire évoquées précédemment.

Alors que votre commission s’apprête à examiner le projet de loi de finances, je souligne notre enjeu commun de sécuriser les moyens nécessaires à l’entretien de nos infrastructures de transport. Il me semble toujours pertinent de rappeler que le réseau routier national constitue, de loin, le premier patrimoine de l’État, évalué à 350 milliards d’euros.

Le dérèglement climatique laisse présager une aggravation de la dette grise de notre pays, avec un impact significatif sur l’ensemble des réseaux d’infrastructures. L’adoption de la loi d’orientation des mobilités il y a cinq ans, à laquelle votre commission a largement contribué, a permis d’établir une programmation consolidée par le Conseil d’orientation des infrastructures, auquel j’ai eu l’honneur de participer. Néanmoins, la question du financement reste tributaire du débat budgétaire annuel.

Le budget 2025 est avant tout un budget de résilience, finançant les fondamentaux et préservant le présent. Ma responsabilité consiste également à préparer l’avenir et à éviter les à-coups liés aux débats sur l’annualité budgétaire, familiers aux parlementaires expérimentés. Force est de constater que le modèle actuel de financement des mobilités deviendra bientôt obsolète dans le contexte de la transition écologique. Il repose sur des recettes volatiles ou menacées. Les prévisions indiquent que le produit de la fiscalité des carburants, qui contribue notamment au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) et des collectivités territoriales, diminuera de 13 milliards d’euros d’ici 2030.

Le budget 2025 met en lumière les limites d’un pilotage budgétaire annuel, voire infra-annuel, face aux besoins d’une trajectoire pluriannuelle de financement des infrastructures de transport s’inscrivant nécessairement dans le long terme. Pour pérenniser le financement de notre système de transport, il est impératif d’imaginer un nouveau modèle viable, tant sur le plan budgétaire qu’écologique. Sans cela, les engagements climatiques de la France ne seront pas respectés.

C’est pourquoi je souhaite initier, début 2025, une réflexion prospective sur l’avenir du financement des mobilités, des infrastructures et des services de transport. Le Parlement y sera naturellement associé, ainsi que les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les opérateurs du secteur et les usagers, afin de débattre et de formuler des propositions à moyen et long terme. Cette réflexion devra aborder globalement le financement des mobilités, en considérant à la fois les risques — notamment l’évolution de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) — et les opportunités.

Je souhaite également que nous puissions traiter plusieurs chantiers majeurs, à commencer par la mise en œuvre des projets de Serm, dont la conférence de financement, initialement prévue en juin dernier, se tiendra début 2025. Cette conférence ne devrait pas se limiter aux financements publics des mobilités, mais aussi examiner sans tabou la mobilisation de capitaux privés et la contribution des usagers, en fonction des avantages qu’ils tirent de ce service. Il me semble également nécessaire d’intégrer à ce débat la question de la fin des concessions autoroutières, prévue entre 2031 et 2036, qui offre selon moi une opportunité à saisir dès maintenant pour discuter des différentes options envisageables pour l’avenir des autoroutes.

En outre, cette réflexion devra prendre en compte les enjeux d’adaptation au changement climatique et ceux liés à l’innovation. Des avancées significatives ont été réalisées dans le domaine ferroviaire, mais il convient également d’explorer la manière dont la route peut contribuer à l’innovation, à la digitalisation et à l’émergence de nouvelles solutions décarbonées et plus économiques.

Je me réjouis de collaborer dès à présent avec vous, dans l’esprit que j’ai évoqué au début de mon intervention, pour faciliter le quotidien des Français et améliorer leur cadre de vie. Je suis à votre écoute pour répondre à vos questions.

M. Auguste Evrard (RN). Monsieur le ministre, le transport représente un enjeu majeur pour la réduction de l’impact carbone de la France. En 2023, ce secteur était responsable de 32 % de nos émissions. La décarbonation nécessite une stratégie claire dans le domaine ferroviaire, particulièrement pour le développement du fret. Le gouvernement précédent a mis en œuvre un plan de discontinuité contraignant Fret SNCF à se séparer de ses 23 flux les plus rentables. Malgré les résultats bénéficiaires de l’entreprise en 2021 et 2022, ce plan visait à éviter une sanction de la Commission européenne. Quelle est la position du Gouvernement sur le fret ferroviaire ? Auriez-vous approuvé ce plan de discontinuité ?

Il est également nécessaire de clarifier le financement des services express régionaux métropolitains, essentiels pour désengorger les zones urbaines et favoriser le report modal. Bien que leur déploiement initial soit encourageant, l’incertitude persiste quant à leur financement et leur organisation. Sans une mobilisation rapide des ressources, ce projet risque de rester lettre morte, alors qu’il pourrait apporter des solutions concrètes aux problèmes de mobilité quotidienne de nos concitoyens.

Concernant le secteur aérien, la France, avec Airbus, produit la moitié des avions dans le monde. L’industrie aéronautique française constitue un moteur économique et une voie d’avenir pour l’innovation et la décarbonation du transport aérien. Rappelons que ce secteur est responsable de 3 % des émissions mondiales de CO2. Il est donc primordial de soutenir cette industrie dans sa transition vers des technologies plus écologiques. En accompagnant nos entreprises, la France peut se positionner à l’avant-garde de l’aviation décarbonée de demain. Pouvez-vous nous exposer la vision du Gouvernement concernant le soutien à nos entreprises du secteur aéronautique ?

Suite aux inondations ayant touché mon département du Pas-de-Calais l’hiver dernier et plus récemment à la dépression Kirk qui a frappé de nombreux territoires en France, nous avons constaté qu’un mauvais entretien des voies fluviales peut aggraver l’ampleur des crues. L’État, par l’intermédiaire de Voies navigables de France (VNF), est chargé de maintenir le réseau en bon état. Face à ces épisodes de plus en plus fréquents, avez-vous élaboré un plan d’entretien pour éviter la surcharge des canaux ? Un plan national est-il prévu pour répondre à ces urgences ?

Monsieur le ministre, les secteurs ferroviaire, fluvial et routier doivent bénéficier d’un soutien cohérent afin d’accompagner la transition écologique, tout en préservant nos industries stratégiques.

M. François Durovray, ministre délégué. Concernant le ferroviaire, et plus particulièrement le fret, la situation s’avère complexe et déficitaire depuis des années, à l’instar de nombreux pays européens. Cette conjoncture a nécessité des aides étatiques prolongées, aboutissant à un arbitrage de la Commission européenne début 2023. Je ne remets nullement en question les décisions prises par mes prédécesseurs, sans lesquelles nous aurions dû solliciter un renforcement des aides à Fret SNCF de l’ordre de 5 milliards d’euros, entraînant inévitablement sa disparition sous sa forme actuelle.

Les choix effectués se sont traduits par des engagements, aujourd’hui respectés par Fret SNCF, notamment avec la création prévue de deux nouvelles entités en 2025. Cette démarche vise à redynamiser le fret ferroviaire et à établir un modèle économique pérenne. Les négociations se poursuivent avec la Commission européenne, et j’ai bon espoir d’aboutir rapidement. L’État maintiendra son soutien au fret ferroviaire, avec un engagement de 200 millions d’euros, en particulier pour le wagon isolé.

Concernant les Serm, vingt-quatre ont été labellisés, couvrant efficacement le territoire national. La question du financement sera abordée lors d’une conférence prévue en janvier, où nous explorerons de nouveaux outils juridiques et financiers, en collaboration avec les régions partenaires.

Pour l’industrie aéronautique, vous avez souligné que l’aviation représente 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et qu’Airbus produit plus de la moitié des avions. La décarbonation de l’aviation, notamment par Airbus, offre donc un potentiel considérable de réduction des émissions à l’échelle mondiale, dépassant peut-être même le poids des émissions de la France. Cet enjeu stratégique ne peut être négligé. Dans les dix à quinze prochaines années, le secteur connaîtra une profonde mutation. L’industrie aéronautique européenne, avec Airbus en tête, dispose actuellement d’une avance qu’il faut préserver pour façonner l’avenir d’un transport aérien décarboné. Le soutien de l’État sera déterminant, notamment via le CORAC.

Quant à l’entretien des voies navigables, particulièrement dans le Nord-Pas-de-Calais, je vous fournirai une réponse plus détaillée ultérieurement. D’après mes échanges avec les acteurs concernés, VNF semble suivre une trajectoire positive, avec des améliorations longtemps attendues. Je m’engage à effectuer un bilan plus précis sur les questions d’entretien que vous avez soulevées, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, région durement éprouvée ces derniers mois.

M. Jean-Marie Fiévet (EPR). Le secteur des transports est actuellement le plus polluant de la planète, avec environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale. Il est donc impératif de repenser et d’œuvrer en faveur de la transformation de nos mobilités futures pour évoluer vers un monde plus durable. Le déploiement des véhicules électriques, la recherche et le développement de l’aviation du futur, ainsi que l’essor des mobilités douces constituent autant d’exemples qui visent à verdir notre secteur des transports.

Bien que ces initiatives soient louables et encouragées, ma question portera aujourd’hui sur une innovation qui, malgré son importance au niveau européen, semble avoir disparu du débat public national depuis quelques années, les mégacamions. Ces véhicules, également appelés giga-liners ou éco-combis, mesurent entre 18,75 mètres et 25,25 mètres, avec un poids pouvant atteindre 60 tonnes. En comparaison, les camions actuellement autorisés à circuler sur les routes françaises et entre États membres de l’Union européenne mesurent au maximum 18,75 mètres pour un poids maximal de 44 tonnes. Des autorisations ponctuelles permettent aux camions de dépasser ces normes sous forme de convois exceptionnels.

Les États membres de l’Union européenne peuvent autoriser la circulation des mégacamions sur leur territoire national. Ainsi, depuis plusieurs années, ces véhicules circulent en Finlande, au Danemark et en Suède, où un décret entré en vigueur en août 2023 a porté la longueur maximale autorisée des poids lourds à 34,50 mètres.

Les mégacamions présentent plusieurs avantages indéniables. Ils permettent de transporter davantage de marchandises en un seul voyage, réduisant ainsi le nombre de camions sur les routes. Cette diminution du trafic engendre des externalités positives pour l’environnement, en limitant les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique, ainsi que pour la sécurité routière, en diminuant le risque d’accidents. De plus, leur capacité accrue de transport de marchandises réduit le nombre d’arrêts et de déchargements, contribuant à fluidifier le trafic et à raccourcir les temps de transport.

Bien que l’utilisation des mégacamions soulève des interrogations, notamment concernant la sécurité routière et l’impact sur les infrastructures, il convient de noter que ces questions ont déjà été étudiées dans les pays où ces véhicules circulent quotidiennement depuis plusieurs années.

Alors qu’une expérimentation des mégacamions était prévue sur les routes françaises en 2010, les transporteurs attendent toujours sa mise en œuvre plus de dix ans après. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer votre position ainsi que celle du Gouvernement quant à une éventuelle expérimentation des mégacamions en France ?

M. François Durovray, ministre délégué. Concernant la question des mégacamions, vous connaissez la position négative de la France. En tant que président d’une collectivité locale gestionnaire de voirie, représentant une institution qui gère 368 000 kilomètres de voirie, je me suis également exprimé défavorablement à ce projet. Néanmoins, ma conviction n’est pas définitive sur ce sujet et je souhaite travailler avec vous.

À mon sens, la priorité réside dans le renforcement de nos ports, compte tenu du fait que la majorité du transport de marchandises s’effectue par voie maritime. La France doit tirer parti de sa façade maritime en consolidant ses grands ports comme Le Havre, Marseille et La Rochelle. À partir de ces ports, nous devons réfléchir au développement de l’hinterland et à l’optimisation du transport fluvial. Des enjeux majeurs se présentent notamment sur la Seine, le Rhône et le Rhin. J’ai récemment visité le port autonome de Strasbourg et constaté l’importance de développer l’axe rhénan à partir des ports d’Europe du Nord.

Ensuite, nous devons aborder la question du transport ferroviaire, qui a vocation à accueillir l’essentiel des flux de marchandises. Le transport routier conserve toutefois un rôle essentiel pour les trajets en amont, depuis les lieux de production vers les points de massification fluviale ou ferroviaire, et en aval, vers les lieux de distribution.

Les mégacamions présentent à mes yeux un risque pour les infrastructures en raison de leur poids excessif et du potentiel de dégradation qui en découle. Cependant, ce débat mérite d’être objectivé. Je propose que nous travaillions ensemble sur cette question afin de partager des faits avérés. Il s’agit d’un sujet important qui s’inscrit dans une perspective plus large. Dans dix ou quinze ans, nous pourrions ne plus parler de mégacamions, mais plutôt de convois de camions se suivant sur les routes, offrant des perspectives différentes. Nous sommes dans un environnement en constante évolution, c’est pourquoi je vous invite à collaborer sur ce sujet.

M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). La nouvelle configuration gouvernementale, où les transports ne sont plus rattachés au ministère de la transition écologique comme depuis 2007, soulève des interrogations. Comment comptez-vous garantir que les enjeux écologiques demeurent prioritaires ?

Concernant le budget 2025, vous avez annoncé que les crédits consacrés aux mobilités seraient identiques à ceux de 2023, omettant de préciser leur baisse par rapport à 2024 et l’absence de prise en compte de l’inflation. Pour moderniser et régénérer notre réseau ferré, au moins 1,5 milliard d’euros supplémentaires par an seraient nécessaires. Dans ce contexte de réduction des moyens, comment envisagez-vous de tenir vos engagements ?

Par ailleurs, nous devons saluer les cheminots de la SNCF, à qui vous prélevez encore 1,3 milliard d’euros cette année pour réinvestir dans la modernisation du réseau, tandis que les entreprises concurrentes ne contribuent pas et bénéficient de réductions sur le prix des sillons. Est-ce là votre conception d’une concurrence équitable ?

Malgré vos connaissances reconnues en matière de transport, votre bilan en Essonne révèle une préférence regrettable pour le domaine routier au détriment du ferroviaire, en dépit de l’urgence climatique. L’annonce de votre plan Cars express prévu pour le premier trimestre 2025 en témoigne. Vous le présentez comme un complément au train, mais j’y perçois plutôt une substitution.

Le bleu budgétaire souligne pourtant que le report modal constitue le premier levier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports, impliquant le développement d’alternatives aux mobilités routières et aériennes. Nous nous interrogeons sur l’avenir de ces Cars express, qui pourraient se transformer en services express régionaux métropolitains, toujours à l’état de projet malgré les annonces présidentielles.

Se pose également la question du renouvellement des trains couchettes, bientôt hors d’usage. Quel avenir prévoyez-vous pour nos trains de nuit qui rencontrent un véritable succès populaire ?

Plus globalement, le ferroviaire nécessite des investissements considérables. Quand le budget des 100 milliards sera-t-il effectivement mis en place, ainsi qu’un fonds vert conséquent et un soutien à la transition de la filière automobile ?

Face aux urgences, notamment climatiques, il est impératif d’abandonner le tropisme routier et de s’engager réellement pour le train et l’écologie, accompagnés d’un véritable investissement via un plan pluriannuel.

Concernant le fret, la question du dernier kilomètre est essentielle et soulève la problématique d’un transport multimodal efficace. Comment comptez-vous articuler transports routier, ferroviaire et fluvial pour une collaboration effective plutôt qu’une opposition ?

Enfin, un courrier adressé au Premier ministre demande un vote du Parlement, selon l’article 50-1, sur le plan de discontinuité imposé à Fret SNCF. Cette requête n’a pas encore reçu de réponse concrète. Notre patrimoine commun mérite que la démocratie parlementaire s’exprime et trouve, j’en suis convaincu, une solution pour préserver le fret ferroviaire.

M. François Durovray, ministre délégué. Je ne pense pas que nous puissions opposer la cohésion des territoires à l’écologie. Nous travaillons d’ailleurs au sein d’un même pôle ministériel, et je collabore quotidiennement avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher. J’ai souligné dans mon propos initial l’importance de la décarbonation du secteur des mobilités, celui-ci étant le seul à maintenir sa part dans le niveau des gaz à effet de serre du pays. Le niveau d’émission de gaz à effet de serre constitue pour moi le critère déterminant dans nos choix de mobilité.

Concernant le prétendu tropisme routier que vous m’attribuez au détriment du ferroviaire, je considère que nous évoluons dans un système de mobilité où le rail doit occuper toute sa place. La stratégie nationale vise à doubler la part du ferroviaire dans les mobilités. Néanmoins, même en doublant cette part, la route demeurera prépondérante pour les Français. Notre défi consiste donc à réussir non seulement l’augmentation de la part du rail, ce qui nécessite des investissements considérables, notamment pour améliorer l’accès aux grandes villes souffrant d’un manque de capacité, mais aussi à optimiser le transport routier.

Les grandes métropoles françaises comme Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, ainsi que les gares parisiennes de Saint-Lazare et de Lyon, requièrent des contournements et des accès supplémentaires. Il est impératif d’investir massivement dans le ferroviaire pour doubler sa part modale, tout en optimisant parallèlement le transport routier. Sans cette optimisation, nous continuerons à faire face à des problèmes de pollution et de dégradation de la qualité de vie de nos concitoyens, notamment à cause des embouteillages.

Notre responsabilité collective est d’apporter des solutions d’optimisation du transport routier. Dans cette optique, des solutions telles que le covoiturage ou les cars express doivent être développées. Je considère cela comme un enjeu écologique, puisque nous réduisons par dix les émissions de gaz à effet de serre lorsqu’un automobiliste opte pour un car express. De plus, nous divisons également par dix le coût de la mobilité pour ceux qui bénéficient d’un car express par rapport à l’utilisation d’une voiture individuelle.

Concernant le budget 2025, il s’inscrit dans un cadre contraint, marqué par la responsabilité. J’ai exprimé ma volonté, à travers la conférence sur le financement des mobilités, de nous projeter sur le long terme, à l’abri des aléas budgétaires. J’espère que nous parviendrons, au-delà des sensibilités politiques, à construire ensemble ce nouveau modèle.

Quant aux trains de nuit, sujet que nous partageons, des efforts ont été réalisés par l’État pour créer de nouvelles lignes. Nous sommes actuellement confrontés à des enjeux de capacité pour la SNCF dans le développement de nouvelles offres. Dès la livraison des rames, nous pourrons étendre le réseau ferroviaire nocturne pour desservir le pays.

M. Peio Dufau (SOC). Le 24 février 2023, Élisabeth Borne a annoncé un plan de 100 milliards d’euros en faveur du ferroviaire. Ce plan était attendu depuis longtemps pour enfin aligner les investissements sur nos ambitions de décarbonation du secteur des mobilités. Jean-Pierre Farandou, président de la SNCF, nous a rappelé ici que l’investissement dans le réseau est indispensable, nécessitant 1,5 milliard supplémentaire par an.

À l’examen de ce budget, il apparaît clairement que l’État ne répond pas à ces besoins d’investissements. La sous-action 41.06 pourrait laisser croire que l’État s’engage dans la régénération du réseau ferroviaire national. Cependant, celle-ci est financée par le fonds de concours de la SNCF. C’est donc la SNCF elle-même qui finance les régénérations du réseau sans aucun soutien de l’État. Plus préoccupant encore, ces trois dernières années, la SNCF a dû céder des actifs ferroviaires comme Akiem ou Ermewa pour alimenter ce fonds de concours.

Comment justifier que le Gouvernement refuse de mobiliser les fonds nécessaires pour régénérer son réseau ferroviaire, alors qu’il constitue un pilier de la politique de lutte contre les changements climatiques et la dette écologique ? Les Français ont besoin de transports quotidiens efficaces et respectueux de l’environnement. Les RER métropolitains ou Serm promis par le président Macron représentent une opportunité, et votre projet de conférence de financement début 2025 semble la placer sur la bonne voie.

Par ailleurs, alors que notre pays s’est fixé comme objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030, les tonnages transportés par rail ont diminué de 50 gigatonnes-kilomètres en 2002 à 33 gigatonnes-kilomètres en 2023, toutes entreprises confondues, tandis que le volume global de marchandises transportées a considérablement augmenté.

Envisagez-vous d’instaurer un moratoire pour arrêter la procédure de discontinuité de Fret SNCF, l’opérateur public historique seul capable de relancer le transport de marchandises par train en France ? La question centrale demeure celle de la concurrence entre la route et le rail. Êtes-vous favorable à la mise en place d’écotaxes au niveau local ou régional qui rendraient le fret ferroviaire plus attractif, tout en finançant les transports du quotidien ?

Je m’inquiète également pour Fret SNCF qui risque de disparaître si le plan de discontinuité s’applique effectivement. En effet, dix ans sans pouvoir se positionner sur les marchés porteurs équivaudraient à condamner l’entreprise dont le modèle économique est déjà très fragile.

M. François Durovray, ministre délégué. Je souhaite répondre à votre intervention centrée sur la SNCF en complétant mes précédents propos sur le financement et la lisibilité des infrastructures. Le budget 2025 prévoit des crédits au niveau de 2023. Notre objectif est d’éviter les à-coups, néfastes pour l’ensemble de nos infrastructures, pas uniquement ferroviaires.

Nous maintenons néanmoins une trajectoire positive sur le long terme, financée en partie grâce aux fonds de concours de la SNCF. Rappelons que cette entreprise est intégralement publique et que l’État réinvestit la totalité du dividende dans le réseau. Cependant, avec l’ouverture à la concurrence, nous devrons réexaminer ce modèle. La SNCF, malgré son statut public, ne pourra maintenir cette capacité de financement sans créer une distorsion de concurrence vis-à-vis des nouveaux entrants.

Concernant la discontinuité, j’ai évoqué les choix opérés par la France et le précédent gouvernement. Une dynamique est engagée au niveau du Groupe et de Fret SNCF, avec la création de deux entités pour relancer le fret. L’enjeu est de reconquérir des parts de marché dans le transport de marchandises, après la baisse alarmante observée ces vingt dernières années. Cela implique de repenser notre approche, notamment en améliorant la continuité entre transport maritime, fluvial et ferroviaire, ainsi que la question des accès. Je vous assure de ma pleine mobilisation sur ce sujet.

Quant à l’écotaxe, la loi l’autorise actuellement pour les régions et la collectivité européenne d’Alsace. Cette dernière a d’ailleurs validé à l’unanimité hier un projet d’écotaxe. Je partage leur constat. Les poids lourds paient 50 centimes par kilomètre sur le réseau allemand, contre une gratuité en France, ce qui entraîne des conséquences en termes de trafic, pollution et usure des infrastructures. L’écotaxe peut répondre à cette problématique, sous réserve d’aménagements pour les acteurs locaux — j’ai assuré le président de la collectivité de ma disponibilité sur ce point — et d’un réinvestissement dans l’infrastructure, condition d’acceptabilité d’une taxe portée par une collectivité locale.

M. Peio Dufau (SOC). Je propose de réaffecter les 14 milliards d’euros prévus pour le projet GPSO (grand projet ferroviaire du Sud-Ouest) ou la ligne à grande vitesse (LGV) Sud-Ouest à la rénovation du réseau existant. Concernant le fret ferroviaire, je tiens à souligner que le modèle actuel est voué à l’échec. Nous avons sollicité un entretien à ce sujet et j’espère que nous aurons l’opportunité d’en discuter. Fort de mon expérience de plusieurs années au sein de cette entreprise, je ne suis pas le seul à affirmer que si Fret SNCF et la SNCF ne peuvent se positionner pendant une décennie, cela signera l’arrêt de mort du fret ferroviaire.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Les crédits budgétaires alloués aux transports ferroviaires, routiers, fluviaux et maritimes diminuent d’environ 10 %, s’élevant à 9,5 milliards d’euros. Seule la mission de contrôle et d’exploitation aérienne conserve ses crédits intacts, le trafic aérien ayant retrouvé son niveau d’avant la pandémie de covid.

Nos interrogations portent sur les modifications de la fiscalité et les propositions de taxes additionnelles. Nous pensons notamment au renforcement du malus automobile, qui relève du ministère chargé de l’écologie mais concerne une thématique intéressant votre ministère, ou à la taxation exceptionnelle des grandes entreprises de transport maritime. Nous attendons des clarifications sur la position du Gouvernement concernant ces prélèvements lors des discussions en séance publique. Vous n’ignorez pas l’opposition des députés de la Droite républicaine à tout nouveau prélèvement, la France étant déjà en tête des pays européens dans ce domaine.

Un autre point de vigilance concerne la SNCF, qui ne doit pas pâtir davantage des incohérences des politiques publiques. Notre groupe avait déjà souligné, lors de l’examen du budget 2024, que la relance hésitante du ferroviaire, loin d’être à la hauteur du plan de 100 milliards d’euros annoncé par Madame Borne, reposait uniquement sur un effort financier de la SNCF.

Monsieur le ministre, bien que vous ne soyez pas responsable des politiques menées par vos prédécesseurs, nous reconnaissons votre attachement à un service public ferroviaire de qualité. Quelles recommandations formuleriez-vous concernant les trajectoires financières nécessaires pour préserver l’avenir de la SNCF et lui garantir la visibilité dont elle a besoin, sans tomber dans l’écueil des promesses non tenues comme par le passé ?

J’aimerais également aborder un sujet plus local, qui illustre l’enjeu national de sauvegarde des petites lignes ferroviaires. Dans ma circonscription de la Loire, la ligne Boën-Thiers est actuellement fermée. La région Auvergne-Rhône-Alpes, sur proposition du président Wauquiez, s’est engagée à financer le matériel roulant. Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, nous a confirmé le 2 octobre dernier son engagement à rénover cette ligne, à condition que l’État lui alloue les moyens nécessaires. Pouvez-vous à votre tour nous confirmer votre volonté d’investir sur cette ligne Boën-Thiers, comme sur toutes les petites lignes essentielles pour nos territoires ruraux ?

Enfin, pouvez-vous nous assurer à nouveau qu’aucun TGV ne sera supprimé sur la ligne Saint-Étienne-Paris, contrairement aux rumeurs récentes qui ont inquiété les usagers ? Je vous remercie.

M. François Durovray, ministre délégué. Je partage votre point de vue sur la sauvegarde des petites lignes ferroviaires. Nous devons réexaminer la question des investissements à la lumière des nouvelles solutions émergentes dans le secteur ferroviaire. Par le passé, des rapports concluaient que certaines petites lignes n’avaient pas d’avenir, faute de pouvoir atteindre la massification des trafics requise. Aujourd’hui, des solutions moins lourdes et moins coûteuses nous permettent de reconsidérer cette problématique. J’ai demandé à mes équipes d’étudier comment nous pourrions aborder ce sujet dans une perspective de cinq à dix ans.

Concernant la liaison Saint-Étienne-Paris et l’ensemble du réseau à grande vitesse, je veille à ce que toutes les villes, notamment les villes moyennes, bénéficient d’une desserte adéquate. J’ai également demandé à l’autorité de régulation d’examiner comment les nouveaux opérateurs pourraient contribuer à une offre de desserte plus large, au-delà des grandes villes françaises, dans le respect des règles de libre concurrence.

S’agissant du bonus-malus, les arbitrages ne sont pas encore finalisés. Nous travaillons avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher pour améliorer le dispositif d’aides à la conversion, en ciblant particulièrement les Français les plus modestes pour qui l’achat d’un véhicule électrique reste difficile. Il est important de rappeler que seuls 15 % des Français achètent une voiture neuve, le marché de l’occasion étant souvent privilégié. Nous devons donc prendre en compte cette réalité dans notre politique de conversion à l’électrique.

Quant au financement des mobilités et des infrastructures, j’ai évoqué la nécessité de mobiliser des recettes. Les transports contribuent significativement au budget de l’État, ce qui est positif, mais nous devons réfléchir à la pérennisation de ces recettes tout en nous prémunissant des aléas budgétaires annuels. C’est pourquoi je souhaite organiser une conférence pour aborder la question des concessions autoroutières et examiner comment nous pourrions capter une partie de ces recettes pour le financement des infrastructures.

D’autres pistes sont à l’étude, notamment l’utilisation des certificats d’économie d’énergie (C2E), qui génèrent actuellement 6 milliards d’euros de recettes appelées à augmenter, mais qui sont peu affectées à la mobilité. Nous envisageons de créer des fiches permettant de financer des projets de mobilité. Enfin, nous réfléchissons à l’utilisation des quotas carbone (ETS) pour le financement de la mobilité. Ces pistes visent à allouer davantage de ressources aux enjeux de mobilité, notamment dans les territoires.

M. Jean-Pierre Taite (DR). En tant qu’élu de terrain, je souhaiterais vous soumettre une proposition. Si vous envisagez de mettre en place une ligne pilote pour mener l’expérimentation que vous avez évoquée, je me tiens à votre disposition pour la ligne Boën-Thiers. Je serais ravi de vous rencontrer à ce sujet.

Mme Julie Ozenne (ÉcoS). Je souhaite d’abord exprimer mes condoléances à la famille et aux proches de Paul Varry, jeune cycliste de 27 ans tragiquement décédé la semaine dernière, victime d’un conducteur qui l’a délibérément percuté sur une piste cyclable. Suite à votre rencontre avec les associations de cyclistes hier, quelles mesures concrètes envisagez-vous, au-delà des réponses judiciaires, pour garantir le droit à la mobilité pour tous ? Prévoyez-vous notamment de débloquer les 400 projets d’aménagement cyclable en dégelant les crédits du fonds vélo 2024 votés au budget précédent ?

Concernant les infrastructures, nous observons l’émergence de projets disproportionnés et inadaptés. Citons l’autoroute A69, qui sacrifie 343 hectares de terres agricoles pour un gain de temps minime. Mentionnons également le Lyon-Turin et la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, deux projets ferroviaires onéreux qui doublent des lignes existantes. Le canal Seine-Nord-Europe, d’un coût de 5,1 milliards d’euros, menace la biodiversité et l’artisanat local. S’y ajoutent l’agrandissement des aéroports de Beauvais, Lille et Nice, les lignes de métro 17 et 18 avec des gares en pleine campagne, et le Charles-de-Gaulle Express, qui perturbe considérablement le fonctionnement du RER B. L’État persiste dans ces projets malgré des études socio-économiques et environnementales alarmantes.

Parallèlement, nous continuons d’investir massivement dans des projets routiers et autoroutiers nuisibles à l’environnement et à la santé. Les secteurs maritimes et aériens bénéficient d’avantages fiscaux conséquents. À titre d’exemple, la niche fiscale des armateurs coûtera près de 4 milliards d’euros à l’État cette année. Des fonds publics sont alloués au développement d’aérodromes, d’héliports ou de vertiports, en dépit des recommandations de la direction des services de la navigation aérienne de limiter ces implantations.

En revanche, le soutien aux lignes de transport du quotidien demeure insuffisant, particulièrement pour les petites lignes telles que la ligne des Hirondelles, la ligne Auray-Quiberon, la ligne Dijon-Belfort ou encore les lignes RER B, C, D et la ligne S. Cette situation éloigne les usagers du train, réduit les correspondances et entraîne une hausse des tarifs. De même, le fret ferroviaire est totalement délaissé.

Le secteur des transports doit impérativement réduire ses émissions et s’adapter aux effets du changement climatique. Nous attendons des études sur la vulnérabilité des réseaux de transport et des plans d’investissement pour favoriser cette adaptation, plutôt que de grands projets superflus qui se réalisent au détriment des transports quotidiens. Le bureau d’études Carbone 4 estime qu’il faudra 22 milliards d’euros d’ici 2050 pour réparer les routes endommagées par les événements climatiques. Les récentes tempêtes, comme celle de Kirk, ou les épisodes cévenols en cours ne sont que les prémices de ce qui nous attend.

Nous pouvons être fiers de la réaction des services publics face à ces événements. Cependant, l’inadaptation des infrastructures ferroviaires, les inondations et la déformation des sols auront des conséquences directes sur les usagers des trains.

Monsieur le ministre, envisagez-vous enfin de renoncer aux grands projets superflus au profit des transports du quotidien et de leur adaptation au changement climatique ?

M. François Durovray, ministre délégué. Vous contestez le bien-fondé de certaines infrastructures, mais je tiens à rappeler que nous évoluons dans un État de droit où diverses procédures ont été menées à terme. Pour la plupart de ces projets, les chantiers sont déjà lancés. Mon rôle n’est pas de remettre en question des choix démocratiquement assumés et juridiquement validés. Néanmoins, je veille à ce que ces infrastructures ne se réalisent pas au détriment des mobilités quotidiennes.

Concernant le Lyon-Turin, au-delà du percement sous la montagne, nous devons nous pencher sur la question des accès. Ma priorité porte sur le contournement de Lyon, qui permettra de traiter à la fois les enjeux du fret et des déplacements quotidiens dans la métropole lyonnaise.

Je partage votre préoccupation quant aux défis du changement climatique et à la nécessité d’apporter des solutions aux mobilités du quotidien. Dans mon propos liminaire, j’ai exposé ma volonté de multiplier les options sans opposer les modes de transport entre eux.

Vous avez évoqué la ligne des Hirondelles dans le Jura, un axe important pour lequel nous pouvons trouver des solutions. J’en discute d’ailleurs avec la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté.

Concernant le vélo, il doit occuper une place prépondérante. L’avènement du vélo à assistance électrique a ouvert de nouvelles perspectives pour nos concitoyens, tant en milieu urbain que dans les zones moins denses. Suite au drame survenu l’an dernier, j’ai réuni hier les associations cyclistes et proposé une mission qui, au-delà des aménagements, examinera comment renforcer l’éducation, les sanctions contre les comportements dangereux sur la route, les évolutions réglementaires et la communication. Cette dernière est essentielle pour que les différents usagers de la route comprennent mieux les risques qu’ils peuvent faire courir aux autres. À l’issue de cette audition, je recevrai la famille de Paul Varry, durement touchée.

Enfin, concernant le transport maritime, je me permets d’exprimer mon désaccord. Le transport maritime international est soumis à une taxe sur le tonnage, une règle appliquée en France et dans d’autres pays. Adopter une réglementation différente pourrait nuire au pavillons français, dont nous souhaitons tous deux, je suppose, le développement et le renforcement à l’échelle internationale.

M. Jimmy Pahun (Dem). La nomination d’un élu local dans ce contexte complexe est appréciée, car son expérience de terrain sera précieuse. Vous pouvez compter sur notre soutien pour relever les défis à venir.

Concernant le budget dédié au transport, l’enveloppe allouée au verdissement du parc automobile diminue de 500 millions d’euros, passant de 1,5 milliard à 1 milliard d’euros. Les trois mesures incitatives semblent maintenues, mais la répartition entre le bonus écologique, la prime à la conversion et le leasing social n’est pas encore arrêtée. Une réduction significative de la prime à la conversion au profit du leasing social semble se dessiner.

Or, la combinaison de la prime à la conversion et du bonus écologique a démontré son efficacité en termes de gestion des finances publiques et de transition écologique. En 2023, la prime à la conversion, malgré ses modifications, n’a coûté que 150 millions d’euros pour 45 000 bénéficiaires, contre 650 millions d’euros pour 50 000 véhicules dans le cadre du leasing social. Pourriez-vous nous indiquer la répartition prévue pour cette enveloppe de verdissement ?

Je salue néanmoins le dispositif de leasing qui a permis à de nombreux ménages modestes d’accéder à des véhicules électriques, avec plus de 50 000 commandes en seulement six semaines, dépassant largement les attentes. Toutefois, ce succès s’accompagne de défis, notamment le coût élevé de 13 000 euros par véhicule, qui interroge sur sa pérennité. Face à une enveloppe budgétaire plus contrainte pour 2025, plusieurs options s’offrent à l’État, comme ajuster le nombre de dossiers ou réduire le niveau d’aide publique par véhicule, ce qui pourrait également impacter le nombre de modèles éligibles. Dans ce contexte, quelles évolutions envisagez-vous pour ce dispositif dans les années à venir ?

Enfin, le budget prévoit un durcissement du malus automobile, avec un abaissement progressif du seuil d’émission de CO2 de 118 grammes par kilomètre à 113 grammes dès 2025, puis à 106 grammes en 2026 et 99 grammes en 2027. Cet élargissement du malus concernerait jusqu’à 80 % du parc automobile d’ici 2027. Cependant, alors que le Gouvernement prévoit des recettes de 300 millions d’euros pour 2025, les estimations d’un cabinet d’experts projettent des recettes bien supérieures, de l’ordre de 2,1 milliards d’euros. Comment expliquez-vous cet écart important dans les prévisions des recettes ?

M. François Durovray, ministre délégué. Concernant l’électrification du parc automobile, les arbitrages pour 2025 ne sont pas encore finalisés. Des discussions sont en cours avec mes collègues Agnès Pannier-Runacher et Marc Ferracci.

Quant au bonus-malus, je doute de l’exactitude du chiffre avancé selon lequel 80 % des véhicules seraient concernés par le malus en 2027. Les constructeurs automobiles français progressent et proposent désormais des modèles répondant à nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, dont beaucoup à zéro émission. D’ici 2027, nous devrions franchir plusieurs étapes supplémentaires, réduisant significativement le pourcentage de véhicules soumis au malus. Cette projection nécessite néanmoins une expertise approfondie.

Concernant la prime à la conversion, je partage vos préoccupations, notamment pour les communes situées en zones à faibles émissions. Le cas de Paris et Lyon requiert une attention particulière. Nous devons accompagner les habitants de la périphérie qui travaillent dans ces villes dans la transformation de leurs véhicules.

Le leasing social connaît un grand succès, ce dont nous pouvons nous féliciter. Cependant, des effets secondaires ont été relevés, notamment des inquiétudes des concessionnaires sur la reprise des véhicules dans trois ans. Certaines utilisations du dispositif ne correspondent pas à l’objectif initial d’aider les familles les plus modestes. Nous travaillons à cibler plus efficacement les bénéficiaires.

Un enjeu majeur concerne les flottes automobiles d’entreprise. Les Français continuent d’acheter des véhicules électriques, mais nous devons également nous pencher sur le marché de l’occasion. Le rétrofit pourrait constituer une solution intéressante pour les artisans et les personnes effectuant peu de kilomètres, leur permettant de modifier la motorisation sans changer de véhicule.

Nous examinons de nouveaux modèles pour adapter les dispositifs actuels, notamment pour les flottes d’entreprises et de collectivités, qui ne comptent que 15 % de véhicules électriques. Avec mes collègues, nous étudions les moyens d’augmenter cette part d’acquisitions, déterminante pour l’ensemble de la filière.

M. Xavier Roseren (HOR). Notre système de transport s’avère primordial pour les déplacements quotidiens et les événements majeurs à venir, tels que les Jeux olympiques d’hiver 2030. Il constitue également un levier indispensable pour assurer la mobilité, particulièrement dans les territoires isolés, où il contribue à lutter contre l’isolement.

Premièrement, la relance des trains de nuit répond à une forte attente citoyenne, tant pour des raisons économiques qu’écologiques. Je pense notamment à la ligne Paris-Saint-Gervais-les-Bains, l’une des dernières à avoir été supprimée en 2016. Le train de nuit offre une alternative bas carbone particulièrement pertinente, notamment pour les trajets de longue distance. Pourriez-vous préciser les orientations stratégiques envisagées pour renforcer l’offre de trains de nuit en France, garantir leur réouverture et assurer leur attractivité ?

Deuxièmement, dans le cadre des préparatifs des Jeux olympiques d’hiver 2030, quelles mesures concrètes sont prévues pour développer les lignes ferroviaires, en particulier vers les régions montagneuses ? Ces territoires, à la fois poumons touristiques et écologiques de notre pays, doivent bénéficier d’infrastructures de transport performantes. Cela permettrait de garantir l’acceptabilité des projets, de réduire l’empreinte carbone de l’événement et d’ancrer ces investissements dans une vision durable pour la montagne de demain. Comment comptez-vous tirer parti de ces événements planétaires pour impulser une véritable dynamique d’investissement dans ces territoires qui en ont besoin ?

Nous sommes convaincus que le développement des infrastructures ferroviaires, notamment dans les zones montagneuses, constituera un atout majeur pour une France à la fois compétitive et écologique.

M. François Durovray, ministre délégué. Le développement des trains de nuit a connu une évolution significative ces dernières années. Après avoir quasiment disparu de notre paysage ferroviaire, ils ont fait leur retour grâce à la volonté politique, notamment en 2020. Nous avons ainsi vu renaître des liaisons emblématiques telles que Paris-Briançon, Paris-Rodez-Toulouse-Cerbère, ou encore Paris-Tarbes-Lourdes. En 2021, le Paris-Nice a été mis en service, suivi du Paris-Aurillac en 2023. La liaison Paris-Berlin est également opérationnelle, et dès décembre, elle fonctionnera de jour.

Cette trajectoire positive se heurte néanmoins à des limitations, principalement liées à la question du matériel roulant. Il convient également d’examiner attentivement le financement de ces trains d’équilibre du territoire, subventionnés par l’État, afin de déterminer les moyens disponibles pour développer cette offre. Depuis 2021, nous avons investi 100 millions d’euros pour rénover 129 voitures, ce qui a permis de soutenir l’offre actuelle. Cependant, nous n’avons pas encore répondu à tous les besoins et devons envisager d’étendre le réseau à d’autres destinations, comme la vallée de Chamonix, sous réserve de faisabilité technique.

Concernant les Jeux olympiques d’hiver de 2030, cet événement d’envergure internationale nécessite une préparation minutieuse en matière de transports. Forts du succès de l’accueil des Jeux d’été, où les entreprises et les agents du service public ont brillamment relevé le défi, nous devons nous préparer à accueillir les Jeux d’hiver sur un périmètre étendu, englobant le Sud-Est et le pourtour méditerranéen.

Il s’agit d’améliorer l’accès depuis Marseille-Briançon, depuis Nice avec la question de la nouvelle gare dont la livraison est envisagée pour 2030, sous réserve de résoudre certains aspects techniques comme le déménagement du marché d’intérêt national. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, nous devons améliorer l’accessibilité des gares de Chambéry, Aix-les-Bains, Saint-Pierre-de-Chartreuse et Bourg-Saint-Maurice. La desserte de certaines stations de ski constitue également un défi, notamment le projet de liaison vers le Massif des Aravis (La Clusaz, Le Grand-Bornand) qui pourrait se concrétiser par une offre routière au départ d’Annecy.

Nous collaborons étroitement avec les deux régions concernées pour relever ces défis. L’État a d’ores et déjà nommé un délégué interministériel, Monsieur Pierre-Antoine Molina, que je rencontrerai prochainement pour coordonner nos efforts. Toutes les structures nécessaires à la réussite de ces Jeux sont pleinement mobilisées pour garantir leur succès.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Notre politique de transport doit poursuivre un double objectif : mener à bien la transition écologique et renforcer la cohésion des territoires. Ce second objectif a été négligé ces dernières années. Le projet de loi de finances actuel risque d’accentuer la fracture territoriale entre les citadins et nos concitoyens vivant dans la ruralité ou les territoires d’outre-mer.

Concernant la taxation de l’aviation, le gouvernement envisage d’augmenter la taxe dite « Chirac » pour faire contribuer les passagers aériens au rétablissement des comptes publics. Pour nous, Ultramarins et Corses, cette mesure s’avère particulièrement pénalisante. Nous sommes contraints de prendre l’avion pour nous rendre dans l’hexagone, que ce soit pour voir nos proches, nous soigner ou poursuivre nos études. Cette augmentation accentuera le manque d’attractivité économique de nos territoires, les billets d’avion étant déjà excessivement onéreux. Certes, un effort a été consenti en notre faveur, pour assimiler ces vols aux vols intra-européens indépendamment de la distance. Néanmoins, nous ne percevons dans cette mesure qu’une hausse de la fiscalité, sans bénéfices tangibles, aggravant les conséquences des crises que nous traversons sur le pouvoir d’achat des Ultramarins.

Notre seconde inquiétude porte sur une taxation trop punitive et insuffisamment redistributive pour les flottes automobiles. L’alourdissement du malus menace notre industrie française, d’autant qu’il n’est pas compensé par une revalorisation du bonus électrique. De plus, la prime à la conversion pourrait, selon certaines rumeurs, être supprimée. Nous nous inquiétons également du sort réservé au leasing social, dispositif permettant aux plus précaires et aux classes moyennes de louer des véhicules électriques à moindre coût. Vous avez évoqué des adaptations potentielles de ce mécanisme, sur lesquelles nous resterons particulièrement vigilants.

Enfin, des préoccupations subsistent quant au plan de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire d’ici 2040. Vous avez vous-même, Monsieur le ministre, admis sa fragilité au vu des économies à réaliser sur le présent budget. Un financement insuffisant compromettrait la modernisation et la régénération du réseau, mettant en péril notre capacité à développer des alternatives viables à l’autosolisme dans les zones rurales.

M. François Durovray, ministre délégué. Je souhaite apporter des précisions sur les trois points que vous avez soulevés. Concernant les aides aux véhicules, je vous renvoie à ma réponse précédente. Les arbitrages n’étant pas encore rendus, je ne peux ni confirmer ni infirmer le maintien de dispositifs. J’ai néanmoins exprimé ma position sur chaque point. Notre objectif est d’optimiser l’utilisation de l’argent public pour maximiser l’impact en termes de décarbonation. Ce principe guidera nos choix, notamment sur les questions de mobilité.

Quant aux 100 milliards pour le ferroviaire, je confirme que cela demeure notre feuille de route. Nous devons consolider le financement, ce qui sera l’objet de la conférence sur le financement des mobilités que j’organiserai début 2025. Cette conférence visera à améliorer la lisibilité et à éviter les à-coups liés à l’examen annuel du budget. La mobilité finance largement le budget de l’État, et nous devons préserver des recettes affectées à ce secteur pour construire cette trajectoire. J’espère que nous trouverons un consensus, au-delà de nos différences politiques et territoriales.

Nous avons une responsabilité collective face aux besoins de financement des infrastructures et à l’évolution des dispositifs actuels, comme la TICPE. Il est impératif de concevoir un nouveau système de financement des infrastructures, et j’ambitionne d’être le ministre qui facilitera l’émergence de ce dispositif.

Enfin, concernant la taxe sur les billets d’avion, Catherine Vautrin a récemment répondu à ce sujet lors des questions au Gouvernement. Nous estimons légitime que l’aviation contribue au financement et aux enjeux de décarbonation, compte tenu de son impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Il paraît normal que ce secteur soit taxé, notamment pour maintenir la compétitivité du train par rapport à l’avion sur certaines liaisons métropolitaines.

Je tiens à souligner que nous avons veillé à minimiser l’impact de cette taxe sur les liaisons ultramarines. Le dispositif d’aide de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) permet aux Ultramarins de bénéficier d’un soutien pour l’achat de billets d’avion vers la métropole. Vous constaterez dans le projet de loi de finances que la contribution reste modeste par rapport au prix des billets d’avion.

M. Jean-Victor Castor (GDR). Dans ce budget, vous prétendez maintenir une trajectoire de continuité pour le secteur des transports, mais cette continuité s’apparente davantage à une stagnation, voire à une régression. Les crédits de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France accusent une baisse significative. Le projet de loi de finances ne prévoit pas le budget théorique de 4,6 milliards d’euros attendu cette année par l’organisme, soit 1 milliard de plus qu’en 2023, auquel s’ajoutent les 600 millions annuels de la nouvelle taxe anti-pollution versée par les sociétés d’autoroutes et les grands aéroports nationaux.

Concernant l’entretien et la modernisation du réseau ferré, une augmentation des crédits est prévue, notamment liée à la hausse des redevances d’accès au réseau ferré payées par l’État à SNCF Réseau pour les trains régionaux et Intercités. Vous contraignez ainsi la SNCF à accroître sa contribution au fonds de concours de 2,3 milliards d’euros supplémentaires entre 2024 et 2027, ce qui ne favorise pas l’accessibilité du train.

Le financement de la vingtaine de projets de services express régionaux métropolitains demeure flou. Les 1,8 milliard d’euros d’autorisations d’engagement identifiés dans le contrat de plan État-Région 2023-2027 pour contribuer au développement de ces projets, répartis entre l’État et les régions, s’avèrent nettement insuffisants au regard des coûts réels. Quel financement avez-vous prévu pour cette amélioration essentielle de l’offre ferroviaire attendue par nos concitoyens ?

Je ne peux omettre d’évoquer la situation en Guyane, où sept communes sur vingt-deux sont totalement enclavées. Un ministre du gouvernement précédent avait déclaré qu’en Guyane, une piste, c’est mieux que rien. Dans ce contexte, l’application du malus écologique constitue une double peine. Avez-vous déjà emprunté une piste sans véhicule tout-terrain ? Ce budget ne prévoit aucun crédit pour le désenclavement de la Guyane. Les crédits dédiés aux travaux d’aménagement de la RN1 sont entièrement absorbés par la construction d’un pont, dont les travaux sont interrompus en raison d’errements techniques des services déconcentrés de l’État. J’ai interpellé le Gouvernement par écrit à ce sujet le 25 septembre dernier, sans obtenir de réponse à mes interrogations et demandes de précisions.

Enfin, concernant l’ensemble des territoires d’outre-mer, non seulement vous ne prévoyez aucune mesure concrète pour réduire le prix des billets d’avion et assurer une véritable continuité territoriale, mais vous allez en plus alourdir la taxation du transport aérien, ce qui aura des conséquences désastreuses pour nos populations qui n’ont d’autre choix que de prendre l’avion. La solidarité nationale demandée, nos territoires, que vous percevez comme éloignés, l’assument déjà quotidiennement à travers le coût élevé de la vie et les inégalités structurelles. Pouvez-vous nous préciser quelles mesures adaptées et dérogatoires vous envisagez de prendre, car elles ne sont pas visibles dans ce budget ?

M. François Durovray, ministre délégué. Je concentrerai ma réponse sur les sujets ultramarins, ayant déjà abordé la question des Serm lors d’une précédente intervention concernant la conférence de financement prévue en janvier. Cette conférence, sous réserve des débats parlementaires à venir dans le cadre de l’examen du PLF, devrait permettre d’identifier des solutions de financement pour ces services très attendus par l’ensemble des métropoles.

Vous avez évoqué la contribution de la SNCF au financement des infrastructures et la spécificité française en matière de péages ferroviaires. Ce sujet complexe et coûteux pourrait être examiné lors de la conférence mentionnée précédemment. Des arbitrages seront nécessaires, notamment concernant le poids considérable des péages sur le prix des billets pour les services longue distance librement organisés.

Concernant les crédits de l’Afit, je tiens à souligner que l’État est en mesure de respecter tous les engagements pris dans le cadre de ce budget. Au-delà de l’Afit, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement sont en augmentation sur le périmètre sous ma responsabilité, de 14,7 % pour les autorisations d’engagement et de 2,2 % pour les crédits de paiement, atteignant 4,75 milliards d’euros.

Pour les territoires ultramarins, j’ai mentionné notre volonté de maintenir un niveau de taxation symbolique pour les vols intérieurs et la desserte aérienne ultramarine. Nous renouvelons également le financement de la desserte aérienne intérieure de la Guyane à hauteur de plus de 6 millions d’euros. Des enjeux importants concernent aussi l’aéroport de Mayotte, nécessitant une rencontre prochaine avec les autorités locales pour faire avancer ce dossier.

Je partage votre préoccupation concernant les infrastructures routières dans les territoires ultramarins. Mon expérience au sein du Conseil d’orientation des infrastructures m’a permis de constater que la situation des réseaux routiers dans nos départements d’outre-mer est souvent méconnue en métropole, tant en termes de faiblesse du réseau que de l’offre de transport public et de la qualité de certaines infrastructures.

L’État s’engage fortement dans le renouvellement des routes, notamment en Guyane avec un investissement de 148 millions d’euros, incluant le chantier en cours du pont du Larivot. Je suis conscient de l’importance de ce franchissement pour votre département et vous assure de ma plus grande attention pour trouver des solutions adaptées aux besoins des territoires ultramarins.

M. Éric Michoux (UDR). Les zones rurales sont particulièrement sensibles à la question de la mobilité. En milieu rural, les voitures demeurent le mode de transport privilégié pour plus de 80 % des déplacements quotidiens. Cette dépendance engendre une fragilité économique, notamment lorsque le prix du gazole atteint des sommets proches de 2,30 euros le litre, entravant les possibilités de déplacement.

Cette situation m’amène à évoquer les engagements du plan France ruralité de 2023, entrepris sous le gouvernement d’Élisabeth Borne. Ce plan visait à établir un nouveau contrat avec les territoires ruraux et à réduire ce que la Première ministre qualifiait alors de nouvelle fracture de mobilité, s’ajoutant aux fractures sociale, géographique et technologique. Les zones blanches et les déserts médicaux affectent considérablement nos habitants et territoires ruraux. Nos concitoyens se retrouvent, selon les termes de Madame Borne, assignés à résidence. Ce constat, bien que potentiellement fondé, accentue dans l’esprit des Français la perception d’une dégradation, d’une relégation. L’image que nous projetons de notre ruralité et de notre terroir s’en trouve tristement ternie.

Que s’est-il concrètement passé dans la ruralité ces quatre dernières années ? Force est de constater que peu de choses ont changé. Malgré les annonces médiatiques du plan France ruralités, les personnes sans voiture demeurent isolées. Cette situation impacte tous les aspects de la vie quotidienne, l’accès aux soins, aux services publics, à l’alimentation, à l’emploi, aux loisirs et parfois même à l’éducation.

Concernant les transports, je souhaite évoquer la situation en Bourgogne, ma région. Prenons l’exemple des transports en commun, notamment les bus scolaires. Les enfants dont le domicile se situe à moins de trois kilomètres d’un établissement secondaire ne bénéficient pas du transport par bus organisé par le conseil régional. Un conseiller régional socialiste, en charge des transports, préconise même aux enfants d’opter pour la marche ou le vélo.

Pour conclure, je m’interroge sur l’état d’avancement du pacte de développement rural pour la mobilité. Quelles actions envisagez-vous, Monsieur le ministre, concernant la mobilité en milieu rural, notamment en ce qui concerne l’utilisation du diesel et sa distribution ?

M. François Durovray, ministre délégué. Je ne peux pas porter de jugement sur les choix opérés par les régions concernant les transports scolaires, qui relèvent d’une compétence décentralisée selon l’article 72 de la Constitution. Le critère de trois kilomètres appliqué en Bourgogne-Franche-Comté peut être différent dans d’autres régions, et je salue la mobilisation des élus locaux pour apporter des réponses adaptées à leur territoire.

Concernant la situation des habitants des zones rurales, elle constitue le cœur de mon engagement. Notre objectif est d’étendre l’offre de mobilité au-delà des zones urbaines et périurbaines, où elle est déjà satisfaisante avec des solutions ferroviaires, de tramway, de bus à haut niveau de service (BHNS) et d’autres options. Nous devons nous concentrer sur les 15 millions de Français en précarité de mobilité et les 10 millions n’ayant d’autre choix que la voiture.

Les solutions à développer sont principalement routières, le rail n’étant pas adapté aux flux faibles de passagers, tant pour des raisons économiques qu’écologiques. À titre d’exemple, un TER diesel transportant moins de 35 usagers génère davantage de pollution qu’une voiture.

Pour répondre à ces enjeux, nous avons mis en place le fonds mobilités rurales, doté de 30 millions d’euros par an de 2024 à 2026. De nombreux projets émanant des territoires émergent, que je soutiens en collaboration avec le président de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et ma collègue Françoise Gatel.

Au-delà du plan France mobilités rurales, nous devons évaluer la loi d’orientation des mobilités (LOM) et chercher comment accompagner les communautés de communes et d’agglomération qui ont pris la compétence mobilité mais ne l’exercent pas, faute d’ingénierie ou de moyens financiers. Notre ambition est d’impliquer ces territoires dans le développement d’offres de transport adaptées à leurs spécificités.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous passons maintenant à la séance de questions. Il y en a dix-sept. Je propose de les répartir en deux groupes pour une meilleure organisation.

Mme Lisa Belluco (ÉcoS). Le mandat du président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa) a expiré le 12 avril dernier. Cette fonction relevant de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République aurait dû proposer un candidat pour lui succéder. Cette nomination tarde à venir, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes. En effet, aucune disposition ne prévoit d’intérim en cas de vacance de la présidence, empêchant ainsi le collège de l’Acnusa de se réunir pour statuer sur les sanctions en cas d’infraction aux règles de protection des riverains des aéroports.

Cette situation entraîne une accumulation des dossiers non traités et risque de susciter un sentiment d’impunité chez les compagnies aériennes, au détriment des riverains. Des dizaines de milliers de nos concitoyens sont concernés par ce problème.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quand le Président de la République compte nommer un successeur à Monsieur Gilles Leblanc ? Quelles personnalités seraient envisagées pour ce poste ? Je suis convaincue que vous accorderez une attention particulière à cette question, étant donné la présence d’un des plus importants aéroports français dans votre département.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Comme vous l’avez souligné, le budget des transports connaît une augmentation tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. Je vous suis également reconnaissant de l’intérêt que vous portez aux petites lignes, et je note que vous connaissez parfaitement notre territoire, ayant mentionné la remarquable ligne des Hirondelles du Jura.

Cependant, je souhaite attirer votre attention sur une autre ligne, la liaison TGV Marseille-Strasbourg, qui a été supprimée en raison de travaux à Lyon-Part-Dieu. Vous l’avez évoqué, les Serm sont une solution pour relier les métropoles et désenclaver nos transports collectifs. Vous avez indiqué que les vingt-quatre Serm constituent effectivement une réponse, et que la réouverture de lignes précédemment fermées pourrait être envisagée une fois les 115 rames livrées.

Mme Sophie Panonacle (EPR). En tant que députée de la Gironde, je souhaite exprimer mon inquiétude concernant la création de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse. Bien que le développement du transport ferroviaire de passagers représente la solution la plus écologique, et que vous ayez annoncé vouloir doubler la part du rail, je considère que les crédits devraient prioritairement bénéficier aux trajets du quotidien, notamment à l’amélioration des lignes TER.

Il convient de rappeler que le coût estimé de la LGV s’élève à 14,3 milliards d’euros, dont 5,72 milliards financés par l’État et un montant équivalent par les collectivités. Par ailleurs, les travaux de construction de cette LGV risquent de perturber considérablement la biodiversité sur son tracé. À titre d’exemple, dans le sud de la Gironde, la forêt millénaire bordant le Ciron, affluent de la Garonne, est menacée par la construction de plusieurs franchissements de la vallée.

Monsieur le ministre, dans un contexte de restrictions budgétaires, est-il judicieux d’investir une telle somme dans ce projet, compte tenu de ses conséquences néfastes sur la nature et l’environnement ? Pouvons-nous véritablement soutenir cette initiative alors que s’ouvre la COP 16 sur la biodiversité à Cali, en Colombie ?

M. Sylvain Berrios (HOR). Je souhaite aborder la question de l’aéroport d’Orly, que vous connaissez bien et que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ensemble. Cet aéroport, situé dans une zone urbaine densément peuplée, représente un atout économique indéniable. Cependant, il constitue également une source de pollution et de nuisances pour les populations et les territoires survolés. C’est pourquoi un arrêté ministériel spécifique, datant de 1968, fixe des conditions d’exploitation particulières pour cet aéroport.

En 2024, une nouvelle étude d’impact, destinée à servir de base à un nouvel arrêté ministériel d’exploitation, a été réalisée dans le cadre d’une consultation publique. Les associations de riverains, les élus locaux et l’agence régionale de santé ont retenu un scénario, dénommé scénario C, qui s’avère le plus protecteur pour les populations et les territoires concernés. Ce scénario prévoit notamment l’extension du couvre-feu de 23 heures à 6 heures, l’interdiction des vols les plus bruyants à partir de 22 heures, ainsi que l’objectif d’un plafonnement à 200 000 mouvements annuels.

Monsieur le ministre, envisagez-vous de signer un arrêté ministériel privilégiant l’option la plus protectrice, à savoir le scénario C ?

M. Jean-Michel Brard (HOR). Le 27 novembre 2022, le Président de la République a déclaré que la création du RER métropolitain constituait une priorité nationale. En février 2023, Élisabeth Borne a annoncé un programme de 100 milliards d’euros d’ici 2030 pour développer le transport ferroviaire en France au cours des deux prochaines décennies. La région des Pays de la Loire a rapidement saisi l’opportunité de réaliser un service express régional métropolitain, notamment pour desservir le pays de Rennes et son littoral pornicais. Ainsi, lors de la signature de l’avenant mobilité du contrat de plan État-Région 2021-2027, plus de 38 millions d’euros ont été alloués à ce projet.

Depuis, le Gouvernement, dont vous êtes membre, a constaté que le déficit prévu de 4,4 % s’élevait finalement à 6,1 %. Vous envisagez des économies substantielles et avez déclaré que le financement du plan de 100 milliards d’euros annoncé par Élisabeth Borne est, je vous cite, fragile.

Monsieur le ministre, compte tenu de la situation budgétaire actuelle, la réalisation des Serm est-elle compromise ? L’État sera-t-il en mesure d’honorer ses engagements, en particulier concernant le Serm de Nantes ?

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). J’aimerais vous poser plusieurs questions. Tout d’abord, pouvez-vous confirmer la réouverture en mars 2025 de la ligne Lyon-Turin, interrompue depuis août 2023 par un éboulement qui était prévisible dès 1975 ?

Par ailleurs, concernant cette même ligne, envisagez-vous de demander à la SNCF de rétablir une fréquence de 130 trains quotidiens, comme c’était le cas en 1995, au lieu des 26 trains actuels ? Je rappelle que le PDG de la SNCF nous a précédemment indiqué que cette décision relevait simplement d’un choix politique. Il convient de souligner que cette ligne existante a bénéficié d’un investissement de 1 milliard d’euros pour sa modernisation.

Enfin, si vous recherchez des sources d’économies, je vous suggère de réaffecter aux trains du quotidien les 30 milliards d’euros initialement prévus pour le second projet Lyon-Turin.

M. Denis Fégné (SOC). Monsieur le ministre, le verdissement des flottes des collectivités et des entreprises s’avère primordial pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et développer un marché de l’occasion à destination des ménages. Nous partageons tous cette conviction. Une proposition de loi de notre ancien collègue Damien Adam, examinée en avril 2024, visait à renforcer le cadre établi par la loi d’orientation des mobilités, notamment par l’instauration de sanctions. Cependant, ce texte n’a pu être adapté pour prendre en compte les réalités des structures et des flottes d’entreprises, et son parcours législatif a pris fin.

Conscients de l’importance du verdissement des flottes des collectivités et des entreprises, nos collègues Gérard Leseul et Jean-Marie Fiévet se sont engagés dans une mission flash sur ce sujet, afin de prendre le temps d’écouter l’ensemble des parties prenantes. Alors que cette mission poursuit actuellement ses travaux avec diligence, un amendement a été déposé par Jean-Luc Fugit dans le cadre des débats budgétaires, reprenant les éléments du texte précédemment rejeté par notre assemblée. Cette initiative entre en contradiction avec le travail en cours et suscite à nouveau de vives inquiétudes parmi les acteurs concernés.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement sur cet amendement, au regard du travail parlementaire actuellement mené sur le sujet par la mission flash.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Mon intervention portera inévitablement sur des sujets déjà évoqués, notamment le déploiement des mobilités en zone rurale. Je tiens d’abord à vous exprimer ma gratitude pour l’attention particulière que vous accordez au réseau ferroviaire de ma circonscription, territoire enclavé pour lequel nous avons obtenu l’autorisation de rouvrir certaines lignes, notamment la ligne Sud-Léman reliant Évian-les-Bains à Saint-Gingolph.

Un autre point crucial concerne les disparités en matière d’équité dans le déploiement des mobilités ferroviaires. Vous avez affirmé que cette question se trouve au cœur de votre engagement. Je souhaite donc attirer votre attention sur cette zone particulièrement défavorisée en termes de dessertes ferroviaires, notamment pour les étudiants. Force est de constater que la situation n’a guère évolué depuis trente ans. À titre d’exemple, lorsque j’étais moi-même étudiante partant d’Évian, nous ne disposions pas de liaison directe entre Évian et Paris.

M. Nicolas Ray (DR). Je souhaite aborder la question de la ligne de la honte, reliant Clermont-Ferrand à Paris. Cette ligne se trouve dans un état de dégradation avancé, occasionnant de nombreux retards et pannes dus à la vétusté des infrastructures et à l’ancienneté du matériel roulant, certaines locomotives ayant plus de cinquante ans.

Pouvez-vous confirmer que les travaux de régénération et de modernisation prévus seront effectivement réalisés ?

Le plan d’action d’urgence annoncé par le gouvernement à Clermont-Ferrand le 23 février pour sécuriser la ligne sera-t-il maintenu, notamment en ce qui concerne l’engrillagement ?

L’étude envisagée pour réduire le temps de parcours sera-t-elle bientôt lancée ?

Enfin, concernant le retard de plus de deux ans dans la livraison des nouvelles rames Oxygène, le gouvernement précédent s’était engagé, en réponse à l’une de mes questions orales, à accorder des compensations tarifaires. Où en êtes-vous sur ce point ?

Les habitants du Massif central attendent des réponses concrètes concernant cette ligne essentielle pour l’attractivité de notre territoire.

M. François-Xavier Ceccoli (DR). Depuis 1976, la Corse bénéficie d’un dispositif de continuité territoriale visant à compenser les contraintes liées à son insularité. Ce dispositif, d’un montant de 187 millions d’euros, incarne la solidarité nationale envers la Corse. Il permet notamment à l’Office des transports de la Corse d’attribuer des délégations de service public dans les secteurs maritime et aérien, garantissant ainsi aux résidents insulaires une desserte à un coût relativement maîtrisé.

Cependant, cette somme, figée depuis 2009, ne suffit plus à couvrir les coûts des contrats. L’inflation et de nouvelles contraintes normatives ont entraîné un renchérissement du service. En 2022 et 2023, l’État a consenti des rallonges budgétaires à hauteur de 40 millions d’euros.

Dans ce contexte, je souhaite savoir si le Gouvernement envisage de pérenniser cet effort financier et de l’indexer sur l’inflation afin d’en consolider le principe et l’efficacité.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Le ministre va à présent répondre à cette première série de questions, après quoi nous aborderons les neuf questions suivantes.

M. François Durovray, ministre délégué. Je m’efforcerai de répondre précisément à chacune des questions soulevées. Concernant l’Acnusa, un nouveau président sera nommé dans le mois à venir, ce qui est essentiel pour que cet organisme puisse remplir sa mission et sanctionner les compagnies aériennes qui ne respectent pas les trajectoires imposées.

Je m’excuse auprès de Madame Brulebois de ne pouvoir lui apporter une réponse précise immédiatement, et je m’engage à lui fournir une réponse écrite. L’enjeu concerne probablement l’arrivée de nouveaux matériels ferroviaires. La SNCF a mené une politique de réduction de son parc TGV à la fin des années 2010, alors que le trafic était en baisse. Depuis quelques années, elle observe une augmentation de la fréquentation et peine à y faire face, notamment en raison de retards dans les livraisons de matériel, comme le TGV M. Je veillerai à ce qu’une réponse détaillée vous soit apportée, conscient de l’importance que vous attachez à ce sujet. Les dessertes pourront être rétablies au fur et à mesure de l’arrivée des nouvelles rames.

Madame la députée Panonacle, je me suis engagé à vous recevoir concernant le projet GPSO et l’ensemble des lignes ferroviaires. Ma priorité va à la régénération du réseau, puis au trafic quotidien. Le projet GPSO répond à certains besoins, notamment pour la desserte de Toulouse et Bordeaux, avec des accès ferroviaires indispensables au trafic du quotidien. Viennent ensuite les enjeux de nouvelles lignes. Je salue votre démarche collective et votre position légitime sur ce projet.

Monsieur Berrios, avant ma nomination, le processus était arrivé à son terme avec une préconisation de la préfète du Val-de-Marne en faveur du scénario A, et non du scénario C. Pour ma part, j’estime que nous devons concilier les enjeux technologiques — la modernisation des flottes permettant de réduire les nuisances sonores et la consommation — avec la protection des populations riveraines. C’est pourquoi, bien que le projet de scénario A soit sur mon bureau, j’ai demandé à la direction générale de l’aviation civile (DGAC) et aux autres acteurs de me proposer un scénario alternatif, sur lequel je travaille actuellement, afin de mieux prendre en compte la protection des populations.

Concernant la question de Monsieur Brard sur les RER métropolitains et les Serm, notamment dans les Pays de la Loire, je tiens à souligner que ma volonté est de faire aboutir les Serm. J’ai évoqué une conférence des financements en janvier, et j’espère que les débats parlementaires de cet automne permettront d’aborder la question des Serm et de trouver des solutions de financement. Le Gouvernement sera à l’écoute des suggestions de l’Assemblée. Bien que je ne connaisse pas précisément la maturité du projet dans les Pays de la Loire, je peux vous assurer que j’y serai très attentif, comme à l’ensemble des autres Serm pour lesquels nous devons trouver des modalités de financement.

Monsieur Amard, je me suis engagé à me rendre dans le secteur de la vallée de la Maurienne pour des travaux qui, je l’espère, seront achevés à la fin de cet hiver. Je ne peux pas vous en donner l’assurance, mais c’est le calendrier actuellement proposé par SNCF Réseau. Je crois savoir que ce calendrier est également partagé par le conseil départemental de Savoie concernant la réouverture de la route dont il a la maîtrise d’ouvrage. Je m’engage à ce que le trafic retrouve son niveau antérieur, que j’estime inférieur aux chiffres que vous avez mentionnés. Je vérifierai ces données et nous nous efforcerons d’optimiser la fréquentation et l’utilisation de cette ligne.

Concernant la décarbonation des flottes, sujet évoqué par Monsieur Fégné, j’ai déjà largement répondu à cette question. Ce sujet fait l’objet d’échanges avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ainsi qu’avec mon collègue Marc Ferracci au ministère de l’industrie. Je propose d’organiser une rencontre avec les parlementaires concernés, notamment ceux que vous avez cités, afin d’avancer de manière constructive sur cette question.

Madame Violland a abordé la desserte ferroviaire de la Haute-Savoie, en particulier des rives du Léman. Nous avons déjà échangé sur un projet routier qui vous tient à cœur et sur lequel nous progressons bien. Je suis conscient que les infrastructures routières ne suffisent pas pour desservir ces secteurs, tant vers la capitale que vers le pays genevois au sens large. N’ayant pas connaissance des capacités du réseau à développer l’offre, je propose d’étudier cette question avec les services de SNCF Réseau.

Nicolas Ray m’a interrogé sur la liaison Paris-Clermont, qui traverse également le département de l’Allier. Cette ligne est effectivement en difficulté, au même titre que la liaison Paris-Limoges-Toulouse. Je peux répondre positivement à la plupart des questions posées, à l’exception peut-être de celle concernant la réduction des temps de parcours, les études n’étant pas encore lancées. L’État sera au rendez-vous sur tous les autres points.

Je suis également informé du retard dans la livraison des rames, qui affecte aussi la ligne qui dessert Limoges. Le constructeur CAF prévoit une livraison pour 2027, ce qui contraint l’État à rénover les voitures existantes pour assurer le service jusqu’à cette échéance. Des discussions auront lieu entre l’État et CAF concernant les dédommagements prévus par les contrats, mais aussi pour envisager une compensation potentielle des usagers. Nous examinerons comment améliorer la qualité du service, priorité des usagers, tout en envisageant un dédommagement si les échéances ne sont pas respectées. Je suis particulièrement attentif à la desserte de qualité de ces territoires que vous qualifiez de Massif central au sens large.

Enfin, pour répondre à François-Xavier Ceccoli, concernant les liaisons entre le continent et la Corse, Catherine Vautrin se rendra sur l’île jeudi et vendredi prochains. Elle a déjà abordé ce sujet avec le président de la collectivité, directement concerné puisque c’est la collectivité qui a lancé toutes les délégations de service public. Vous avez souligné à juste titre le soutien de l’État, qui s’élève à 185 millions d’euros pour la continuité territoriale entre la Corse et le continent. Je suis conscient des enjeux liés aux 40 millions complémentaires résultant de l’évolution de ces délégations de service public. Je laisse à ma collègue le soin de faire des annonces plus précises lors de sa visite sur l’île.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Il nous reste neuf questions.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Monsieur le ministre, lors de votre nomination, j’ai entrepris une démarche avec vingt-six de mes collègues parlementaires, dont certains sont présents aujourd’hui, en collaboration avec l’association Objectif Capitales, pour attirer votre attention sur la situation préoccupante de la ligne ferroviaire Paris-Clermont.

Le schéma directeur de cette ligne, approuvé en 2019, prévoit un programme de travaux d’un montant total de 1,2 milliard d’euros. Ce montant se décompose comme suit : 760 millions d’euros pour la régénération, 350 millions d’euros pour l’acquisition d’un nouveau matériel roulant et 130 millions d’euros pour la modernisation de la ligne.

Les dysfonctionnements persistants sont devenus intolérables pour l’ensemble des usagers du train et inacceptables pour notre territoire. En réponse à cette situation, un plan d’action transitoire a été adopté début 2024.

Monsieur le ministre, dans ce contexte de restrictions budgétaires, pouvez-vous nous assurer du respect des engagements pris concernant la trajectoire budgétaire, malgré les contraintes qui pèsent sur le prochain projet de loi de finances ? Pouvez-vous également nous confirmer le planning des travaux, les nouveaux délais de livraison du matériel roulant par CAF, ainsi que la mise en œuvre complète du plan de sécurisation de la ligne Clermont-Paris ?

M. Vincent Descoeur (DR). Je souhaite attirer votre attention, Monsieur le ministre, sur la nécessité d’exempter les lignes intérieures d’aménagement du territoire de l’augmentation de la taxe sur la solidarité des billets d’avion que le Gouvernement envisage par voie d’amendement. Ces lignes s’avèrent essentielles pour des territoires comme le Cantal, mal desservis par la route et le rail.

Cette mesure entraînerait un renchérissement du prix du billet, déjà très élevé et souvent comparable à celui d’un vol long-courrier. Cela se traduirait inévitablement par une baisse de la fréquentation et, par conséquent, une augmentation du déficit pris en charge par l’État et les collectivités. Cette proposition s’apparenterait donc à une fausse bonne idée.

Concernant l’offre des trains de nuit que vous avez évoquée, je vous demande de veiller à ce que votre budget permette de respecter les engagements de votre prédécesseur, notamment le passage à une fréquence quotidienne du train de nuit Aurillac-Paris. Le président Farandou s’est déclaré favorable à cette évolution. S’agissant d’une ligne d’équilibre du territoire, il incombe à l’État d’assurer son financement.

M. Peio Dufau (SOC). Je souhaite revenir sur le fret ferroviaire en citant deux chiffres éloquents. Le coût externe d’une tonne-kilomètre transportée par voie ferrée s’élève à 25 euros, tandis que ce même coût atteint 80 euros pour un transport routier. Face à ce constat, je pose une question simple : pourriez-vous nous indiquer le montant total des investissements annuels de l’État et des collectivités territoriales dans les infrastructures routières ? Cette information permettrait d’établir une comparaison objective, car on nous répète constamment que le rail est trop onéreux, sans jamais mettre en perspective les coûts respectifs. C’est précisément ce différentiel qui rend aujourd’hui le transport ferroviaire apparemment plus coûteux.

Ma seconde interrogation porte sur les véhicules d’entreprise et les flottes professionnelles. Serait-il envisageable de faciliter l’utilisation de ces véhicules par les employés pour leurs déplacements personnels et quotidiens ? Cette mesure se justifie par le fait que nous vivons sur une planète aux ressources limitées, et qu’il n’est plus acceptable qu’une seule personne dispose de deux véhicules. Il convient désormais de favoriser l’usage des véhicules d’entreprise pour les besoins quotidiens des salariés.

Mme Marie Pochon (ÉcoS). Monsieur le ministre, le dense maillage routier de notre pays présente certes des avantages, notamment la possibilité de se déplacer aisément pour quiconque possède une voiture et peut en assumer les coûts. Cependant, il comporte également des inconvénients majeurs, un gouffre financier pour l’argent public, ainsi que des coûts sanitaires et environnementaux considérables.

De plus, ce recours au tout-routier creuse les inégalités sociales. Pour ceux qui n’ont pas le permis ou les moyens d’acheter une voiture, de payer le carburant, les réparations et l’assurance, cette logique conduit à renoncer à des déplacements.

Actuellement, le budget national alloué aux alternatives de mobilité en milieu rural s’élève à seulement 30 millions d’euros par an. Cette somme est censée couvrir la mise en place de navettes, la structuration du covoiturage, le développement d’alternatives cyclables, le transport à la demande et l’autopartage. Il est frappant de constater que 30 millions d’euros représentent également le coût d’un simple échangeur routier.

Ne serait-il pas temps de cesser d’investir des milliards dans des projets qui ne font qu’ajouter de nouvelles routes aux routes existantes, sans aider les personnes en difficulté à les utiliser ? Tiendrez-vous les promesses de votre prédécesseur concernant l’abandon de certains, voire de tous ces projets pharaoniques ?

M. Sylvain Carrière (LFI-NFP). Ma question porte sur le projet de contournement ouest de Montpellier, communément appelé COM. Ce projet vise à relier l’autoroute A75 à l’A9 par un tronçon autoroutier. Par cet ouvrage, Vinci cherche à augmenter le trafic de transit entre les deux autoroutes et, par conséquent, ses bénéfices. Cela se ferait au détriment de la santé des populations riveraines, de la biodiversité et de l’objectif de zéro artificialisation nette. Une fois de plus, la priorité semble accordée aux intérêts autoroutiers.

Les Shifters soulignent dans leur dernier rapport que le trafic induit par le COM n’a pas été pris en compte dans l’étude d’impact. Je cite : « Cela a donc mécaniquement conduit à une sous-estimation des émissions de CO2, mais aussi des particules fines. » Le Haut Conseil pour le climat recommande pourtant, dans son rapport de 2024, de limiter le développement des projets autoroutiers qui entraînent une hausse du trafic automobile, ainsi que de comptabiliser l’ensemble des gaz à effet de serre des projets, y compris l’induction de trafic.

La seule création de ce tronçon viendra annihiler l’ensemble des bénéfices écologiques des investissements réalisés par la métropole montpelliéraine en matière de mobilité au cours des six dernières années. Par conséquent, Monsieur le ministre, envisagez-vous de suivre les recommandations du Haut Conseil pour le climat et d’annuler ce projet de contournement ?

M. Fabrice Roussel (SOC). Depuis l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes il y a six ans, nous attendons toujours le réaménagement de Nantes-Atlantique. La procédure d’appel d’offres a été interrompue il y a un an, puis relancée avec la nomination d’un nouveau délégué interministériel. Au cours de l’année écoulée, les élus du territoire, notamment les vingt-quatre maires de la métropole, ont élaboré un socle commun de mesures visant à protéger la population, tout en modernisant Nantes-Atlantique. Cette modernisation s’avère indispensable pour garantir l’accessibilité du territoire, étant entendu que nous ne reproduirons pas Notre-Dame-des-Landes à Nantes-Atlantique.

Dans cette optique, je souhaiterais connaître vos intentions quant à l’intégration de l’étude sanitaire en cours dans le projet d’aménagement. De plus, comment envisagez-vous d’incorporer les études sur les nouvelles restrictions ? Enfin, sur quelles prévisions de trafic et de mouvements vous appuierez-vous pour finaliser le cahier des charges ?

M. Fabien Di Filippo (DR). Monsieur le ministre, vous avez précédemment abordé la question de l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire. Force est de constater que cette ouverture s’avère asymétrique, avec des contraintes différentes pesant sur les nouveaux acteurs et l’opérateur historique. Malheureusement, nous observons aujourd’hui que la SNCF gère cette transition en remettant en question certaines dessertes TGV des villes moyennes, afin de redéployer des rames et de monopoliser des sillons sur les grandes agglomérations.

Quelle est votre position face à cette situation ? Comment pourrions-nous envisager une modification des règles d’ouverture à la concurrence ? Plus spécifiquement, quelles mesures pourraient être mises en place pour protéger les villes moyennes et éviter que les territoires ne soient à nouveau pénalisés dans ce processus de développement ?

Mme Marie Pochon (ÉcoS). Je souhaite vous interroger sur le train de nuit Briançon-Paris, ligne essentielle pour le territoire du Drômois que je représente. Le service de train de nuit s’y avère particulièrement défaillant. Depuis plusieurs mois, moins de la moitié des trains arrivent à Briançon à l’heure prévue. Le matériel est vétuste et les habitants de la circonscription me rapportent des situations absurdes.

À titre d’exemple, pendant les vacances de février, afin de favoriser les skieurs effectuant le trajet de Paris à leur station, la SNCF demandait aux voyageurs souhaitant se rendre à Paris depuis Die dans la Drôme, de prendre d’abord un train vers Veynes dans les Hautes-Alpes, pour ensuite emprunter le train de nuit direction Paris qui repassait par Die sans s’y arrêter.

Cette situation est déjà problématique en temps normal. Cependant, dans six ans se tiendront les Jeux olympiques 2030, pour lesquels l’État vient de se porter garant à hauteur de 500 millions d’euros, démontrant ainsi qu’il dispose de ressources financières. Monsieur le ministre, cette perspective annonce-t-elle des trains et des trains de nuit vers les Alpes réservés aux skieurs et aux sportifs, au détriment des habitants de nos vallées ?

M. Vincent Thiébaut (HOR). Ma question porte sur la responsabilité budgétaire en matière d’investissements ferroviaires. Dans un contexte où la maîtrise de la dette publique s’avère primordiale, je m’interroge sur l’absence de développement en France de lignes ferroviaires intermédiaires, notamment celles qui permettent des vitesses jusqu’à 200 km/h. Actuellement, au-delà de cette vitesse, nous passons directement aux LGV sur lesquelles les TGV peuvent circuler à 320 km/h ou plus.

Je prends pour exemple les projets de lignes Bordeaux-Toulouse ou Bordeaux-Dax, qui représentent des investissements considérables. Pour la seule liaison Bordeaux-Toulouse, le coût estimé atteint 14 milliards d’euros. Ne serait-il pas judicieux d’envisager une ligne intermédiaire ? En effet, pour des distances et des temps de parcours similaires, une ligne permettant des vitesses de 250 km/h présenterait de nombreux avantages, avec des coûts de construction et de maintenance nettement inférieurs, réduisant ainsi la charge financière pour l’État et les collectivités, et surtout des tarifs plus abordables pour les usagers.

Dès lors, je souhaiterais comprendre les raisons pour lesquelles la France n’a jamais opté pour le développement de lignes ferroviaires intermédiaires à 250 km/h.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je donne la parole à Monsieur le ministre.

M. François Durovray, ministre délégué. Concernant la question de Madame Lingemann sur Clermont-Paris, je suis conscient de la sensibilité de ce sujet. J’ai déjà apporté une réponse sur cette ligne précédemment et je peux vous garantir que l’ensemble des acteurs est pleinement engagé pour atteindre les objectifs de performance fixés. Cette mobilisation s’étend également à la problématique des taxes aériennes.

Vincent Descoeur, dont je connais la sensibilité pour le Cantal et plus généralement pour la ruralité, m’a alerté sur le sujet des taxes aériennes.

Tout le monde est mobilisé pour améliorer la ligne reliant Clermont-Ferrand à Paris.

Le PLF affiche une progression de 1 milliard du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), mais nous avons travaillé, notamment avec le pavillon français et Air France, pour que le montant de la taxe soit adapté à chaque vol, en fonction de la distance et du service proposé à bord. La baisse du trafic des lignes intérieures est assez massive : au-delà du coût, les raisons en sont l’émergence de nouvelles habitudes et le recours plus régulier des entreprises aux visioconférences. Cette évolution est positive pour l’environnement et l’organisation du travail, mais elle peut pénaliser l’équilibre économique de certaines dessertes participant à l’aménagement du territoire comme celle d’Aurillac. Les collectivités locales et l’État s’engagent pour maintenir les liaisons. Dans le débat parlementaire sur la TSBA, le Gouvernement écoutera vos propositions. Au-delà de la taxe, il convient de réfléchir à la façon d’assurer l’avenir de ces dessertes à un horizon de dix ou quinze ans. Une période de turbulences est à prévoir avant l’avènement d’un nouveau modèle assis sur des avions décarbonés.

Je suis d’autant plus favorable à la proposition du député Dufau sur les flottes d’entreprise que je la pratique au conseil départemental de l’Essonne que je préside : nous mettons les véhicules de la collectivité à la disposition des employés pour des usages privés à une tarification accessible. Je suis prêt à réfléchir au déploiement du dispositif à l’échelle nationale. Des mesures fiscales intéressantes existent déjà pour les entreprises et les collectivités qui appliquent ce système.

Je ne vais pas répondre à la question précise portant sur les montants relatifs au fret. Le péage pour ce dernier est bien plus faible que celui des lignes TGV. L’usage facturé au fret peut être inférieur à celui d’une route nationale non concédée. Je suis très sensible à la question de la prise en charge des coûts, y compris externes entre les différents modes. Il convient de trouver des modèles économiquement et socialement acceptables et écologiquement intelligents. Nous parviendrons à avancer sur ce sujet complexe.

Le projet sur les Serm ne vise pas simplement à réunir les régions et les métropoles mais à rassembler les communautés de communes et d’agglomération qui possèdent la compétence mais qui n’ont pas pu l’exercer pour des raisons financières ou d’ingénierie. Il faut réamorcer un dialogue territorial entre les différents niveaux de collectivités. Les métropoles, qui ne peuvent actuellement pas agir pour des raisons principalement juridiques, doivent se préoccuper de leur périphérie et apporter des solutions de mobilité, qui sont souvent légères et peu coûteuses, aux territoires ruraux. Nous disposons d’outils pour étudier les flux, à partir desquels des offres de car ou des lignes de covoiturage sont proposées – j’ai rencontré une présidente d’une communauté de communes de la Somme, qui a obtenu une délégation de transport scolaire qu’elle utilise pour développer une offre routière régulière dans la journée en mobilisant les cars scolaires. Il y a lieu de multiplier ce type de solution intelligente : j’espère pouvoir revenir devant vous au début de l’année prochaine pour vous présenter des avancées, notamment pour les collectivités.

Je suis disposé à poursuivre la revue des projets autoroutiers lancée par mon prédécesseur Clément Beaune. Nous avons le devoir de réexaminer les projets à l’aune de considérations économiques et écologiques, car ce qui était vrai il y a vingt, dix ou même cinq ans ne l’est plus forcément aujourd’hui. J’agirai avec une radicale modération en la matière.

Je ne savais pas que les travaux du contournement de Montpellier étaient sur le point d’être engagés et je ne me prononcerai pas sur ce projet, conduit par Autoroutes du Sud de la France (ASF).

La préoccupation de Fabrice Roussel quant à l’aéroport de Nantes rejoint celle de la présidente de la région Pays de la Loire. Je me rendrai à Nantes en décembre pour présenter le plan de rénovation de l’aérogare par l’actuel concessionnaire – les conditions d’accueil du public étant dégradées, des travaux sont nécessaires avant même la fin de la concession – et le cahier des charges. Ce dernier me semble assez balisé : l’objectif n’est pas de revenir sur des projets antérieurs, mais de disposer d’un aéroport régional répondant aux fonctionnalités d’une grande ville de l’Atlantique. Vous pouvez échanger avec mon cabinet sur le sujet avant ce rendez-vous de la fin de l’année.

Monsieur Di Filippo, compte tenu du défaut de matériels et des besoins exprimés par les usagers, la SNCF a tendance à se recentrer sur les liaisons les plus directes, les plus centrales et les plus… – vous m’avez compris. Cette orientation peut s’entendre, mais elle s’extrait des exigences d’aménagement du territoire. J’ai demandé à la SNCF de maintenir la liaison vers les villes actuellement desservies. La SNCF effectue une péréquation entre les lignes les plus rentables et celles qui le sont moins et les nouveaux acteurs du marché ferroviaire national doivent participer à l’aménagement du territoire : je ne vois pas pourquoi ceux-ci n’assureraient que les lignes les plus rentables. J’ai demandé à l’administration de travailler sur la question et j’espère pouvoir vous faire des propositions d’ici à l’été prochain.

Le budget pour 2025 ouvre les crédits nécessaires au renouvellement du matériel de la ligne Paris-Briançon, l’actuel connaissant des défaillances.

Au-delà du GPSO – dont je recevrai les acteurs –, certains projets de lignes à grande vitesse ont été relancés après avoir été arrêtés pour répondre à des aspirations légitimes de territoires souhaitant bénéficier d’une liaison avec la capitale ou avec des métropoles régionales. Des arbitrages sont opérés entre des lignes performantes en termes de desserte et de vitesse effectuées par des trains roulant à 250 kilomètres par heure et des lignes à grande vitesse, les premières étant moins coûteuses que les secondes. Il faut se poser la question du bon niveau d’investissement, surtout dans un contexte où l’argent public est rare et où les ressources naturelles doivent être préservées.

M. Inaki Echaniz (SOC). Avec ma collègue sénatrice Frédérique Espagnac, nous vous avons adressé un courrier il y a quelques semaines sur la RN134, laquelle a subi de lourds dégâts dans la vallée d’Aspe qui interrompront le trafic entre la France et l’Espagne pendant au moins six mois.

Les conséquences des intempéries montrent que cette route n’est pas adaptée à un trafic international et à l’augmentation continue de la circulation de camions. Avec la région, nous défendons la réactivation du portique écotaxe, sur laquelle nous avions avancé avec vos prédécesseurs, et la reprise de la ligne Pau-Canfranc-Saragosse qui limiterait le nombre de camions, assurerait un transport international et développerait le tourisme et les mobilités douces.

M. François Durovray, ministre délégué. Je sais que la région est très pénalisée par les éboulements qui se sont produits il y a quelques semaines et les services de l’État sont pleinement engagés dans les travaux visant à rouvrir la route. Sauf mauvaise nouvelle, nous pourrons y parvenir pour la saison hivernale, l’échéance prévue étant mi-décembre pour les véhicules légers et le printemps pour les poids lourds.

Il n’y a pas d’engagement de l’État sur le projet de traversée ferroviaire de la frontière franco-espagnole entre Pau et Saragosse, mais je suis à votre disposition pour en discuter.

Je suis également disponible pour évoquer l’écotaxe. J’ai cru comprendre que Carole Delga était ouverte à ce projet et je l’accompagnerai, comme je l’ai fait pour la collectivité européenne d’Alsace.

L’État est totalement mobilisé dans les travaux et la livraison des matériels permettant de retrouver une ligne performante entre Paris et Clermont-Ferrand, cet axe étant essentiel au Massif central et, au-delà, à l’Allier, à la Nièvre et à de nombreux autres territoires. Tous les signaux sont au vert et les engagements de l’État doivent être tenus. Nous attendons la livraison du matériel de l’entreprise CAF, retardée à 2027. J’ai rencontré le patron d’Alstom et je verrai bientôt celui de CAF pour m’assurer que les délais seront tenus. En attendant, nous rénovons les matériels existants, ce qui entraîne des coûts et maintient une qualité de service inférieure à celle qu’elle devrait être.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Votre prédécesseur a entériné le principe d’une étude de modernisation portant sur la réduction du temps de trajet entre Paris et Clermont-Ferrand. Cette étude sera-t-elle menée à son terme et les engagements financiers seront-ils tenus ?

M. François Durovray, ministre délégué. L’étude n’est pas lancée. Nous souhaitons maîtriser les coûts mais également améliorer la ligne pour qu’elle réponde aux attentes des usagers. Je vous propose d’échanger sur le dossier dans quelque temps : je souhaite tenir les engagements de mes prédécesseurs même si nous devons les évaluer à l’aune de la situation budgétaire.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je vous remercie pour vos réponses, notamment sur la complémentarité des modes de transports, la nécessité de décarboner, la lutte importante contre l’autosolisme, votre proposition de plan « cars express », le développement du transport maritime et fluvial et la conférence de financement des Serm, qui est très attendue et qui est prévue au début de l’année prochaine.

Votre audition augure d’un dialogue très soutenu entre la commission et votre ministère et vous nous trouverez à vos côtés pour soutenir le développement de mobilités accessibles à nos concitoyens et tenant compte de la nécessaire adaptation au changement climatique.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures trente à dix-huit heures quarante.

 

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a ensuite examiné les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) sur les rapports pour avis de Mme Danielle Brulebois sur les crédits relatifs aux transports terrestres et fluviaux, de M. Jimmy Pahun sur les crédits relatifs aux affaires maritimes et de M. Romain Eskenazi sur les crédits relatifs aux transports aériens et ceux du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

 

Mission Écologie, développement et mobilité durables : Infrastructures et services de transports et budget annexe Contrôle et exploitation aériens (Mme Danielle Brulebois, M. Jimmy Pahun et M. Romain Eskenazi, rapporteurs pour avis)

 

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous examinons les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables consacrés aux transports. Le vote sur l’ensemble des crédits de la mission aura lieu demain, une fois achevé l’examen de tous les amendements. Nous allons tout d’abord écouter Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis pour les transports terrestres et fluviaux.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis (Transports terrestres et fluviaux). Je suis honorée de vous présenter le fruit de mes travaux de rapporteure pour avis sur les crédits consacrés aux infrastructures et services de transports dans le cadre de l’examen par notre commission du projet de loi de finances pour 2025.

Ces travaux, menés après de nombreuses auditions des acteurs de secteur, concernent, comme vous le savez, le programme 203 Infrastructures et services de transports et le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), principal contributeur financier en matière d’investissement. À eux deux, ils illustrent parfaitement l’engagement financier de l’État dans le développement des mobilités durables ainsi que l’orientation tracée par le scénario de planification écologique dans le dernier rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Les objectifs sont clairs : accélérer la décarbonation des transports, favoriser le report modal vers des alternatives au transport routier et aérien, et moderniser nos infrastructures pour accroître la résilience aux crises climatiques à venir.

À travers des investissements renforcés dans les infrastructures ferroviaires et les mobilités actives, et la gestion durable des voies fluviales, le budget pour 2025 consolide les priorités définies en matière de planification écologique tout en préservant l’équilibre budgétaire nécessaire à la soutenabilité de ces réformes. Il assure également la cohérence de nos infrastructures avec les réseaux européens et l’application du règlement sur le réseau transeuropéen de transport (RTE-T).

Le budget est ambitieux, alors que le contexte budgétaire est très difficile. L’État n’abandonne pas les territoires et il continue à y mettre le prix. Les crédits alloués au programme 203 augmentent par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Il est ainsi prévu 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 4,5 milliards en crédits de paiement (CP), soit une hausse respective de 15 % en AE et de 2 % en CP.

La hausse des crédits permettra ainsi de faire face à l’augmentation des redevances d’accès versées par l’État pour l’utilisation du réseau ferré national. Elle inclut aussi une compensation supplémentaire pour le fret ferroviaire visant à couvrir la différence entre le coût imputable à la circulation de trains de fret et les redevances facturées par le gestionnaire d’infrastructure. Une attention particulière est portée au wagon isolé.

La subvention versée à Voies navigables de France (VNF) est par ailleurs maintenue à 253,7 millions, couplée à une hausse du plafond de perception de la redevance hydraulique à 143,1 millions. Les recettes totales de VNF atteindront ainsi 774,1 millions, montant assurant la poursuite de la modernisation des infrastructures fluviales par l’établissement.

Concernant l’Autorité de régulation des transports (ART), le simple maintien des crédits à hauteur de 15 millions est un premier pas engageant, mais je vous proposerai un amendement visant à abonder de 3,6 millions la subvention de cet établissement. Cette augmentation me semble nécessaire pour répondre à l’élargissement des missions de l’ART, essentielles au bon fonctionnement et à la régulation du secteur des transports ainsi qu’à la défense des usagers.

Au-delà des crédits budgétaires du programme 203, l’Afit reste un partenaire central dans le financement des projets d’infrastructures de transport, en particulier pour les projets ferroviaires, fluviaux et routiers. Bien que les recettes de l’Afit diminuent en 2025, passant de 4,6 milliards à 3,7 milliards, l’Agence conserve un niveau de recettes affectées bien supérieur à celui de 2023. Elle disposera des moyens nécessaires à l’accompagnement des projets prioritaires du Gouvernement, au financement des restes à payer correspondant aux engagements antérieurs et à la participation aux programmes de régénération et de modernisation des réseaux.

Cependant, nous devons rester vigilants quant à la trajectoire des ressources de l’Afit à court et moyen terme. L’évolution des véhicules électriques pourrait avoir un impact significatif sur les recettes issues de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui représentent une part significative du financement de l’Agence. De même, la fin programmée des contrats de concession autoroutière remettra en cause la fiscalité autoroutière affectée à l’agence. Il est donc essentiel d’entamer une réflexion de fond sur la pérennisation des financements de l’Afit pour garantir la continuité des investissements.

En matière de dépenses, l’une des priorités du budget reste la poursuite des investissements dans les infrastructures ferroviaires. Ce choix stratégique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du Gouvernement en faveur d’une nouvelle donne ferroviaire, laquelle doit augmenter de 1,5 milliard les moyens engagés en faveur de la régénération et de la modernisation du réseau à l’horizon 2027. Nous partons de très loin après des décennies d’abandon du réseau ferroviaire.

Pour parvenir à cet objectif, le groupe SNCF donnera 2,3 milliards supplémentaires entre 2024 et 2027 par le biais d’un fonds de concours alimenté par les dividendes que le groupe verse à l’État. Le PLF prévoit que le montant du fonds de concours s’élèvera à 1,4 milliard en 2025 contre 1,1 milliard d’euros cette année. Cet effort est soutenable pour SNCF, dont le chiffre d’affaires a progressé de 8 % au premier trimestre 2024. Il est toutefois nécessaire de formaliser rapidement l’ensemble des modalités de financement des engagements pris par le Gouvernement précédent. Dans cette optique, l’actualisation du contrat de performance de SNCF Réseau doit être l’occasion de préciser la trajectoire de l’effort de régénération et de modernisation du réseau dans les années à venir ainsi que les sources de financement.

M. le ministre délégué chargé des transports vient de nous annoncer la tenue d’une conférence nationale de financement des Serm. Un travail doit être mené sur le déploiement de ces services, lesquels représentent une opportunité importante pour améliorer les connexions entre les métropoles et leur périphérie. Le déploiement des Serm doit s’inscrire dans une planification globale des mobilités, comprenant les mobilités actives, les solutions de rabattement et la billettique intégrée, afin de garantir une offre de transports cohérente et accessible. Une coordination étroite entre les autorités locales et régionales sera nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de ces services et faire en sorte que ceux-ci bénéficient autant que possible aux territoires périurbains et ruraux. Les besoins de financement sont considérables. Les contrats de plan État-région (CPER) pour les années 2023 à 2027 prévoient un financement de 2,66 milliards, dont 891 millions apportés par l’État pour la réalisation de la phase préalable. La conférence nationale de financement devra explorer de nouvelles pistes de financement, en particulier des ressources fiscales locales dédiées, afin d’assurer la pérennité des investissements et du fonctionnement des Serm.

Enfin, dans le cadre de mon avis, j’ai souhaité porter une attention particulière à deux dispositifs expérimentaux conçus pour faciliter l’accès aux transports collectifs et promouvoir la mobilité durable, à savoir le pass rail et le titre unique de transport.

Le pass rail, déployé l’été dernier et financé par l’État et les régions, permet aux jeunes de 16 à 27 ans de voyager dans l’ensemble du pays en transport express régional (TER) et trains Intercités, pour une somme de 49 euros par mois. Ce dispositif, inspiré de réussites étrangères comme le ticket D-Deutschland, vise à encourager un report modal vers des transports plus respectueux de l’environnement. Bien que les premières données montrent que le dispositif n’a pas atteint le nombre d’utilisateurs espéré, il constitue une première étape vers une offre plus accessible pour les jeunes. Les 235 000 pass rail vendus représentent environ 2,38 millions de trajets réservés. Ce chiffre est inférieur à la cible initiale de 700 000 utilisateurs, une mise en vente tardive et une promotion limitée pouvant expliquer ce résultat. Une analyse qualitative doit être menée afin d’évaluer le comportement des jeunes utilisateurs, leur perception du pass rail et l’impact de celui-ci sur leur pouvoir d’achat et leur capacité à voyager. Les conclusions de cette enquête, attendues à la fin de l’année, nous permettront de déterminer s’il est pertinent de reconduire ou d’adapter le dispositif en 2025.

Le titre unique de transport est un projet ambitieux destiné à simplifier l’achat de billets pour les usagers des transports interrégionaux et multimodaux. Cette initiative de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) vise à lever les barrières tarifaires et billettiques existant entre les différentes autorités organisatrices de la mobilité (AOM). L’objectif est de déployer progressivement un support universel facilitant les déplacements dans plusieurs réseaux à l’échelle nationale. L’expérimentation du titre unique commencera au début de l’année prochaine dans six collectivités pilotes, dont les régions Normandie et Pays de la Loire. Le bilan de cette phase permettra d’affiner et d’ajuster le dispositif avant de l’étendre.

Mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2025 est résolument tourné vers l’avenir. Catalyseur de croissance et de cohésion, il vise à assurer le maillage de nos territoires et il consacre les efforts du Gouvernement pour répondre aux défis de notre temps : transition écologique, adaptation aux crises climatiques et modernisation des infrastructures. Ces dernières se trouvent au cœur de l’actualité nationale et européenne car elles sont des composantes indispensables de l’activité économique, de la compétitivité internationale et de la décarbonation.

Je vous invite à soutenir ce budget ambitieux qui marque un effort continu pour les infrastructures et les services de transports de notre pays.

M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis (Affaires maritimes). Je retrouve avec bonheur la fonction de rapporteur pour avis du budget des affaires maritimes, qui correspond au programme 205 et à une petite partie du programme 203, après l’avoir exercée trois ans pendant l’avant-dernière législature. J’avais laissé un budget stable, je le récupère aujourd’hui en baisse.

Le programme 205 finance des actions relatives à la politique de sécurité et de sûreté maritimes civiles, à la régulation sociale de l’emploi maritime, au soutien au pavillon français, à la protection du littoral, ou encore à la politique des pêches. Ses crédits diminuent de 30 % en autorisations d’engagement et de 16 % en crédits de paiement, du fait de la suppression du fonds d’intervention maritime, de la non-reconduction d’un dispositif de soutien aux armateurs mis en place pendant la crise du covid, ainsi que de la baisse des exonérations de charges patronales visant à soutenir l’emploi français dans le transport maritime.

La subvention versée à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) est également en baisse, passant de 10,5 à 7,85 millions d’euros. Cette évolution s’explique par la hausse du produit de la taxe sur l’éolien en mer, dont la SNSM est affectataire. C’est un sujet auquel je suis particulièrement sensible : j’avais notamment défendu, dans l’un de mes précédents rapports, la hausse de la subvention à la SNSM après le drame des Sables-d’Olonne.

Les crédits de l’action 43 du programme 203 sont, quant à eux, relativement stables, puisqu’ils s’élèvent à 92,4 millions en AE comme en CP. Ils servent essentiellement à financer l’entretien des accès aux grands ports maritimes, que ce soit par des opérations de dragage ou par l’électrification des quais. Cette dernière avance vite, tant au Havre qu’à Marseille.

J’en viens à la partie thématique de mon rapport, qui porte sur la fermeture, cet hiver, du golfe de Gascogne. J’ai voulu dresser un premier bilan de cette mesure sur le plan environnemental, économique et social. J’ai aussi souhaité comprendre les raisons qui ont amené le juge administratif à prendre cette décision – les raisons, donc, de l’insuffisance de la politique de lutte contre les captures accidentelles de cétacés, ainsi que de l’échec du dialogue entre le monde de la pêche et celui de la science. Ce travail, je l’ai voulu le plus objectif et factuel possible : je n’ai cherché à soutenir ni les acteurs économiques affectés par la fermeture, ni les associations environnementales. J’ai tenu à porter un regard froid sur ce dossier pour contribuer à l’apaisement des tensions et au retour du dialogue entre deux mondes qui ne se comprennent et ne se parlent plus.

Ce sujet ne peut être étudié isolément des autres défis auxquels fait face le secteur de la pêche. Ce dernier va de crise en crise : le Brexit a laissé des traces ; le prix du gazole ne cesse d’augmenter ; la consommation des produits de la mer diminue, de même que le nombre de pêcheurs en activité, passé de 20 000 il y a vingt ans à 9 000 aujourd’hui et bientôt à 5 000, tandis que la France reste très largement dépendante des importations. Les pêcheurs ont le sentiment de subir ces aléas économiques en même temps que les exigences nouvelles liées à la protection de la biodiversité et à la lutte contre le changement climatique.

Ce dont la pêche française a besoin, c’est d’une vision à long terme, d’un projet d’avenir, d’une refonte globale qui lui permette de perdurer et même de prospérer dans un monde en constante mutation. Ce dont elle n’a pas besoin, c’est d’un discours qui la souhaite figée dans ses pratiques, survalorise ses habitudes récentes et l’imagine en forteresse assiégée. Bien accompagnés, tant par leurs instances représentatives que par les pouvoirs publics, les pêcheurs sauront s’adapter au monde de demain. Voilà le discours de vérité dont la pêche a désespérément besoin !

Du 22 janvier au 20 février 2024, certains engins de pêche ont été interdits d’activité dans le golfe de Gascogne, c’est-à-dire dans une zone de 220 000 kilomètres carrés allant du Sud de la Bretagne au Nord de l’Espagne. La mesure visait à réduire le nombre de captures accidentelles de cétacés dans une aire où leur population est à la fois abondante et variée. Les navires de plus de huit mètres utilisant des engins de pêche à risque, comme le chalut pélagique ou le filet, ont donc dû rester à quai pendant toute cette période.

Si la population de dauphins communs était estimée, en 2020, à plus de 600 000 individus dans le golfe, le nombre de captures accidentelles n’a cessé de croître ces dernières années, risquant de provoquer, à terme, l’extinction de ces petits cétacés. L’apparente contradiction entre l’abondance observée et les projections pessimistes n’est pas acceptée par la profession, qui refuse les conclusions de l’observatoire Pelagis chargé de suivre les échouages de cétacés sur la façade atlantique.

La fermeture du golfe de Gascogne n’a pas été décidée par le Gouvernement, mais imposée par le Conseil d’État à la suite d’un recours engagé par plusieurs associations environnementales. Ces dernières enjoignaient à l’État de respecter son obligation de garantir un état de conservation favorable des espèces protégées, une obligation de moyens à laquelle sont soumis les États membres de l’Union européenne en application du droit européen de la pêche et de la directive « habitats » de 1992. Le juge administratif a donc estimé que le Gouvernement n’avait pas pris les mesures appropriées pour réduire les captures accidentelles de cétacés.

Le plan national de lutte contre les captures accidentelles prévoit notamment l’installation d’équipements de dissuasion acoustique, aussi appelés « pingers », à bord des navires. Une convention a été signée à cet effet entre la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) et le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPEM), pour 2,2 millions d’euros de financement public. Le deuxième volet du plan vise à améliorer nos connaissances du phénomène en imposant la déclaration des captures, en déployant des observateurs embarqués et en équipant les navires de caméras. Ces différentes mesures n’ont pas encore produit les effets escomptés : le déploiement des observateurs et l’équipement en caméras sont trop lents et limités ; quant aux pingers, ils n’ont pas encore prouvé leur efficacité à grande échelle. Le Conseil d’État a donc enjoint au Gouvernement de fermer le golfe en janvier et février, lorsque les captures accidentelles sont les plus nombreuses.

Au total, 338 navires sont restés à quai, soit 30 % des navires en activité dans le golfe. La moitié était des fileyeurs. Selon les services de l’État, l’interdiction a été bien respectée, tant par les navires français qu’étrangers. Selon le CNPEM, la perte de chiffre d’affaires de ces entreprises de pêche s’élève à 22,4 millions d’euros. Les quantités débarquées ont nettement diminué, de 24 % en janvier puis de 47 % en février. Ces chiffres varient selon les espèces : par exemple, les quantités pêchées de merlus et de soles ont baissé de près de 50 %, tandis que les quantités de bars sont restées stables en raison d’un report vers d’autres engins de pêche comme le chalut de fond. On a observé un rebond aux mois de mars et d’avril, lors de la reprise de l’activité de pêche, qui demeure toutefois moindre que les baisses enregistrées pendant la période de fermeture.

La filière aval a également été touchée. Je pense notamment aux dix-sept criées présentes dans le golfe : celle de Lorient a enregistré une baisse en volume de 1 200 tonnes, soit 350 000 euros de pertes alors que vingt-cinq navires sur cent étaient arrêtés. Le mareyage, qui fait le lien entre la pêche et la distribution, a aussi subi des baisses de chiffre d’affaires : ainsi, 33 % des entreprises interrogées par l’Union du mareyage français estiment leurs pertes à plus de 30 %. Les entreprises de l’économie portuaire n’ont pas été en reste. Les coopératives d’avitaillement, qui n’ont pas été indemnisées, évaluent leurs pertes à 1,3 million d’euros. Au total, selon le CNPEM, les fournisseurs de biens et de services ont perdu 7,5 millions d’euros, et la filière aval 6,3 millions.

La fermeture a eu des conséquences sur les importations, qui ont progressé de 5 % en volume en janvier et février, sur les prix, qui ont augmenté de 15 % en Bretagne, et sur la consommation de poissons frais, qui a diminué.

Pour compenser les préjudices liés à l’arrêt des activités de pêche, l’État a décidé des mesures d’indemnisation à destination des armateurs des navires restés à quai et des entreprises de mareyage affectées. Une enveloppe de 30 millions d’euros a été prévue pour l’indemnisation des pêcheurs : 291 demandes ont été déposées et 288 indemnisations accordées, pour un montant total de 16,3 millions d’euros. En moyenne, les pêcheurs ont touché près de 56 000 euros d’aides, versées entre avril et août. Par ailleurs, les entreprises de mareyage ont pu bénéficier d’un dispositif d’indemnisation, à hauteur de 10 millions, et, pour 36 % d’entre elles, d’un recours à l’activité partielle, l’État prenant alors en charge une partie de la rémunération des salariés arrêtés.

Du point de vue environnemental, il faut constater la réussite de la mesure puisque, selon la DGAMPA, le nombre d’échouages a été divisé par cinq, pour s’élever à près de 1 400 entre décembre 2023 et mars 2024.

Je conclurai en évoquant les quelques enseignements que je crois pouvoir tirer de ce bilan provisoire.

Tout d’abord, nous devons rétablir les conditions du dialogue et de la confiance entre pêcheurs, ONG et scientifiques afin d’assumer une politique offensive et de quitter le terrain juridictionnel, qui ne fait qu’accroître l’incompréhension et les tensions.

Nous devons également préparer avec plus d’anticipation la prochaine fermeture, tant pour permettre aux entreprises concernées de prendre leurs dispositions que pour informer le public de la disponibilité des produits frais. Sans doute les équipages pourraient-ils profiter de cette période d’arrêt pour monter à bord de leur navire et effectuer les réparations nécessaires – ce qui leur a été interdit cette année.

En outre, il faut continuer de tester des solutions susceptibles d’éviter la fermeture, comme la généralisation des pingers.

Enfin, il convient de réaliser une évaluation exhaustive des effets économiques, directs et indirects, de la mesure sur l’ensemble de la filière afin d’objectiver les conséquences sur la totalité de l’année civile. Si l’on accepte de pêcher moins en février, peut-être pêchera‑t‑on mieux le reste de l’année.

Je vous invite à donner un avis favorable au budget des affaires maritimes.

 

La réunion est suspendue de dix-neuf heures à dix-neuf heures dix.

 

M. Romain Eskenazi, rapporteur pour avis (Transports aériens ; Contrôle et exploitation aériens). Habitant le Val-d’Oise, j’ai grandi sous les avions, de même que mes enfants. En tant qu’élu local, je me suis également beaucoup investi, depuis plusieurs années, sur la question des transports aériens. Je suis donc particulièrement honoré de vous présenter cet avis budgétaire, tant pour décrire les enjeux du secteur que pour défendre son nécessaire accompagnement et les régulations indispensables afin de protéger le climat et notre santé. Pour effectuer ce travail, j’ai auditionné en un temps record des représentants d’ONG, d’associations de riverains, de constructeurs, de compagnies aériennes, de plateformes aéroportuaires, ainsi que des syndicats professionnels.

Le secteur aérien est indispensable pour le commerce, les transports familiaux, sanitaires et culturels, ainsi que le tourisme. Du point de vue économique, il représente 1,2 million d’emplois et 4,3 % du PIB ; il contribue de manière excédentaire à notre balance commerciale, pour plus de 30 milliards d’euros. Le groupe ADP et Airbus, fleurons de notre économie, comptent parmi les leaders mondiaux du secteur tandis qu’Air France, filiale du groupe Air France-KLM, fait partie des dix plus grandes compagnies.

Après une crise sanitaire ayant lourdement affecté l’activité et la situation financière du secteur, l’activité a largement repris : l’an dernier, nous avons accueilli 199 millions de passagers dans nos aéroports, et nous devrions retrouver cette année le niveau d’activité de 2019, avant la crise du covid.

Le secteur fait face à de nombreux défis : il doit notamment poursuivre son désendettement important tout en maintenant un niveau d’investissements très important, tant pour les plateformes que pour les constructeurs et les compagnies. Tous ces acteurs sont confrontés à une rude concurrence européenne et mondiale, dans le cadre d’un marché globalisé. Des changements d’habitudes, notamment le recours accru à la visioconférence, ont également affecté l’activité. La sécurité, en particulier dans le domaine cyber, reste la priorité du secteur.

L’un des enjeux majeurs est cependant celui de la décarbonation. Très objectivement, le secteur s’y est mis : il fournit un certain nombre d’efforts en actionnant trois leviers principaux.

Je pense tout d’abord au changement des flottes pour des avions « néo », qui consomment 20 % à 30 % de carburant en moins. L’État doit continuer de soutenir la filière afin de favoriser l’émergence des avions de future génération, qui consommeront encore moins mais nécessiteront des investissements très importants de la part des compagnies aériennes.

Le deuxième levier concerne la navigation, qui peut réduire les émissions d’environ 7 %, grâce notamment à la descente continue. La direction générale de l’aviation civile (DGAC) a lancé un grand programme de modernisation du contrôle aérien, à l’horizon 2030, qui passe par des investissements et des réorganisations.

Le troisième levier est celui des carburants d’aviation durables : dans le cadre de l’initiative « Refuel EU Aviation », une nouvelle loi européenne impose l’incorporation de 2 % de carburants d’aviation durable en 2025, un taux qui passera à 6 % en 2030. Force est pourtant de constater que la France n’est pas prête et que nous allons remplacer notre dépendance actuelle au pétrole par une dépendance aux importations de carburants d’aviation durable. Il me paraît donc essentiel d’investir aujourd’hui pour répondre à ce défi demain. Aussi ai-je déposé un amendement visant à flécher une partie de la taxe sur les billets d’avion vers l’investissement en recherche et développement sur les carburants de synthèse, qui sont les plus vertueux.

Malgré tous ces efforts, le compte n’y est pas. Si la France a réussi cette année à baisser de 5,8 % ses émissions de gaz à effet de serre, grâce aux efforts conjoints des acteurs de l’agriculture, des transports et de l’énergie, le secteur aérien est quasiment le seul qui ne parvient pas à contribuer à cette dynamique. En 2023, il était responsable de l’émission de plus de 21 millions de tonnes de CO2, soit 5 % des gaz à effet de serre émis en France. Entre 2020 et 2023, la consommation de carburant par passager et par kilomètre a été réduite de quasiment un tiers, mais dans le même temps, les émissions de CO2 ont augmenté de 4,4 %. Les efforts consentis par le secteur, notamment dans le développement de solutions technologiques, sont donc bien réels, mais malheureusement systématiquement rattrapés par la croissance continue du trafic depuis vingt ans. Or les prévisions de trafic sont encore à la hausse…

Ma conclusion est donc simple : si nous voulons que le secteur aérien participe à la décarbonation, nous n’avons pas d’autre choix que de limiter la croissance du trafic, en actionnant plusieurs leviers.

Le premier est fiscal. Le secteur aérien peut se permettre un tel effort, d’autant qu’il bénéficie d’un certain nombre d’avantages fiscaux : le kérosène n’est pas taxé, les billets pour les vols intérieurs sont soumis à un taux de TVA préférentiel de 10 %, tandis que les vols internationaux n’y sont pas du tout assujettis. Quant à la taxe sur les billets d’avion, elle est moins élevée que chez nos voisins et concurrents directs comme les Pays-Bas, l’Allemagne et surtout le Royaume-Uni. En tenant compte de la totalité des coûts fiscaux, il est plus avantageux pour un avion d’atterrir en France que dans un aéroport britannique, à Amsterdam ou à Francfort. Nous avons donc une marge de manœuvre pour augmenter la fiscalité sans nuire totalement à la compétitivité de notre pays. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement propose d’augmenter la taxe sur les billets d’avion à hauteur de 1 milliard d’euros.

Pour ma part, je pense que nous devons aller plus loin. Aussi ai-je déposé un amendement visant à aligner le taux français de cette taxe sur le taux allemand, ce qui rapporterait 2,5 milliards, et à introduire une dose de progressivité en fonction du type d’avion utilisé – les jets privés polluent beaucoup plus, par passager, que les avions commerciaux classiques –, de la classe – la classe économique serait moins taxée que la classe affaires et la première classe – et de la distance parcourue, en définissant trois paliers – plus on va loin, plus on consomme du carburant et plus on serait taxé.

Il me semble essentiel d’affecter une part plus importante de cette taxe à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) afin de financer les infrastructures ferroviaires. Je propose de porter de 230 à 500 millions les crédits permettant notamment de développer les trains de nuit.

Il convient également d’exonérer de cette taxe les trajets vers, depuis et à l’intérieur des outre-mer. Cela se justifie par un enjeu évident de continuité territoriale, par l’impossibilité des reports modaux et par la solidarité que nous devons à nos compatriotes dans leur lutte contre la vie chère, un combat dans lequel l’ensemble de la nation doit s’engager.

Au-delà des enjeux climatiques, le transport aérien a un impact sur la santé de nos concitoyens. Ne serait-ce qu’en Île-de-France, 2,17 millions de personnes sont exposées à des niveaux de bruit au-delà des normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui préconise d’éviter les événements sonores dépassant 45 décibels. À cela s’ajoute, pour les riverains des pistes, l’exposition aux microparticules et au dioxyde d’azote, qui favorisent les maladies respiratoires. Ces 2,17 millions de personnes habitant autour de Roissy subissent 172 vols par nuit, entre minuit et cinq heures du matin, ce qui constitue un record absolu en Europe. L’ensemble des pays européens légifèrent pour lutter contre ces nuisances causées par leurs aéroports : un couvre-feu a été instauré à Francfort, une telle mesure est à l’étude à Amsterdam et au Royaume-Uni, mais la France a édicté très peu de restrictions.

Les conséquences épidémiologiques de cette pollution ont été démontrées : elle augmente de 24 % le risque de développer une maladie cardiovasculaire et de 28 % celui d’être victime d’un infarctus du myocarde. Je ne parle même pas de ses effets négatifs sur le sommeil, du risque de dépression, des troubles de l’attention, du diabète… L’espérance de vie en bonne santé des riverains des aéroports est ainsi réduite de trois ans.

Il paraît nécessaire de légiférer car, là encore, malgré des efforts significatifs ayant permis une réduction du bruit par passager, l’augmentation du trafic provoque des nuisances toujours plus importantes. L’interdiction des décollages et atterrissages de nuit, pendant une durée de huit heures, dans les principaux aéroports me semble être la seule mesure efficace pour protéger véritablement les riverains. Si les nuisances de jour, que l’on qualifie souvent de « gêne sonore », doivent être réduites, les atteintes à la santé de nuit doivent être proscrites. La protection de la santé est d’ailleurs un droit constitutionnel. L’instauration d’un couvre-feu à Francfort depuis 2011 n’a pas empêché l’aéroport de conserver son statut de hub au niveau européen. À Orly, où un couvre-feu partiel est appliqué, les habitants demandent davantage : ils aimeraient avoir une nuit complète sans nuisances. Une telle mesure n’anéantirait pas totalement la filière : à Roissy, le plus grand aéroport français, qui a totalisé 448 000 mouvements l’année dernière, les vols de nuit ne représentent que 3,9 % des vols ; ils concernent d’ailleurs essentiellement le fret, donc les avions les plus anciens, les plus polluants et les plus bruyants, ce qui représente une double peine. C’est pourquoi je défendrai prochainement, dans le cadre d’une démarche la plus transpartisane possible – je sais que nous sommes nombreux à partager cet objectif de santé publique –, une proposition de loi visant à obliger le secteur aérien à respecter le sommeil des riverains.

L’augmentation de la fiscalité et l’instauration d’un couvre-feu répondent, à mon sens, à une approche véritablement équilibrée conciliant la préservation nécessaire de l’activité économique et la défense indispensable de l’environnement et de la santé.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-Marie Fiévet (EPR). Dans un contexte budgétaire tendu, je me félicite que la mission Écologie, développement et mobilité durables poursuive plusieurs ambitions, en particulier celles de la transition écologique et de l’accélération de la décarbonation des principaux secteurs stratégiques émetteurs de gaz à effet de serre.

Malgré une diminution du budget global alloué la mission, qui passe de 24,103 à 21,809 milliards d’euros en autorisations d’engagement, il convient de saluer certains efforts budgétaires proposés, notamment en faveur des infrastructures et des services de transport.

Alors que le secteur des mobilités connaît une demande croissante, les transports routier, ferroviaire et fluvial ont vu en 2023, pour la première fois depuis la crise du covid, leurs émissions de gaz à effet de serre baisser. Représentant encore près d’un tiers de l’ensemble des émissions françaises, le secteur des transports est l’un des premiers gisements de décarbonation de notre économie. Aussi est-il nécessaire que le Gouvernement s’engage en faveur d’une planification écologique ambitieuse. Cette dernière prévoit, à l’horizon 2030, une diminution, par rapport à 2023, de 31,5 % des émissions des transports terrestres de voyageurs et de 28,5 % de celles des transports terrestres de marchandises.

Dans ce contexte, le groupe EPR ne peut que saluer les efforts en ce sens proposés dans le cadre du programme 203, dont les autorisations d’engagement augmentent de 637 millions d’euros, soit une hausse de près de 15 %. Toutes les actions du programme, à l’exception de l’action 52, voient leurs crédits s’accroître en AE comme en CP. L’action 44, Transports collectifs, fait l’objet d’un effort particulièrement important puisque ses AE progressent de 141,55 %, atteignant 812 millions. Une grande part de ces crédits concernent la sous-action 44-06, Financement du déficit d’exploitation des trains d’équilibre du territoire.

Malgré la réduction des crédits au niveau de la mission, le groupe EPR salue donc ce budget, par lequel le Gouvernement met au cœur de son action le développement des mobilités durables en prévoyant des efforts importants en faveur du déploiement des infrastructures et des services de transport. Nous demeurerons vigilants s’agissant des éventuelles évolutions qui seraient apportées au projet de loi au cours de nos débats.

M. Pierre Meurin (RN). Le budget relatif aux transports ferroviaire, routier, fluvial et maritime est en légère baisse, aux alentours de 9,5 milliards d’euros.

Je le dis depuis deux ans et demi, la France a un réseau routier extraordinaire. Or, en vingt ans, il est passé de la première à la dix-huitième place au classement mondial de la qualité des infrastructures routières car notre pays a sous-investi dans l’entretien et le développement de son réseau. Pourtant, en dépit de l’idéologie propagée par la gauche et les écologistes, nous ne pouvons pas nous passer de la route – c’est d’ailleurs ce que nous disent la totalité des acteurs économiques et des particuliers. Si nous approuvons le développement du transport ferroviaire, nous considérons que les 1,2 milliard d’euros alloués au plan Vélo seraient plus utilement consacrés à l’entretien et la rénovation des ouvrages d’art, qui coûtent très cher et que les collectivités territoriales n’ont plus les moyens de financer. À ce sujet, le Sénat a publié en 2019 un rapport alarmiste. Il ne faudrait pas que se produise en France un accident tel que l’effondrement du pont de Gênes en 2018 !

En 1930, nous avions 50 000 kilomètres de voies ferrées. Il n’en reste que 28 000 aujourd’hui. Je me réjouis d’entendre qu’il faut redévelopper les transports ferroviaires et élaborer une programmation pluriannuelle dans ce domaine, mais il faut aussi admettre que les politiques de transport menées ces dernières décennies ont abîmé notre réseau, notamment les petites lignes et les dessertes fines.

Madame Brulebois, j’approuve votre idée d’une loi de programmation pluriannuelle pour le transport, notamment routier. Nous devrions y travailler au sein de notre commission.

Je regrette que ce budget soit techno, sans vision. Nous verrons comment il évoluera au cours de nos travaux.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Avez-vous déjà visité la septième circonscription de Seine-et-Marne – c’est la mienne ? Pour vous y rendre, prenez l’avion. C’est le moyen de transport le plus efficace au point que les nuisances sonores qu’il occasionne font perdre trois ans d’espérance de vie en bonne santé à nombre des habitants. Ce sera bientôt davantage puisqu’une augmentation du trafic, y compris la nuit, est annoncée.

Sinon je vous déconseille le RER B qui fonctionne correctement quand il a le temps et dont il vaut mieux ignorer l’état des rames. Le Gouvernement lui a préféré le Charles‑de‑Gaulle Express, ce train pour les riches.

Je vous déconseille aussi la ligne K sur laquelle un train circule toutes les deux heures ; si vous vous arrêtez à Compans, mieux vaut ne pas avoir le vertige. L’escalier est très raide, autant dire très pratique pour les personnes à mobilité réduite, les parents avec une poussette et les personnes âgées.

Je vous déconseille aussi la ligne P : à partir de dix-neuf heures, il n’y a plus que des trains courts dans lesquels les usagers sont parqués comme du bétail ; le week-end, n’y pensez même pas, il n’y a pas de trains du tout.

Je ne parle ici que des liaisons entre ma circonscription et Paris car les déplacements à l’intérieur de ma circonscription sont quasiment impossibles sans voiture. C’est ce qui explique les nombreux bouchons notamment sur l’A104 et aux alentours de Claye-Souilly.

Rappelons que la pollution de l’air tue 48 000 personnes par an. De ce point de vue, mes administrés sont très chanceux.

Quand je fais part de ce problème aux personnes compétentes, elles me répondent que nous ne sommes pas prioritaires car nous sommes loin de Paris. Il ne faut pas s’étonner que les gens se sentent méprisés et abandonnés. Mes administrés n’en peuvent plus d’être considérés comme des déchets humains, condamnés à supporter toutes les pollutions possibles et imaginables sans jamais profiter de services publics dignes de ce nom. Les classes populaires n’ont que faire des avions qui décollent toutes les deux minutes de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Elles n’ont pas à payer le prix sanitaire des caprices des plus riches.

Dans toute la France, les transports du quotidien doivent primer. La politique en matière de transport doit être écologique et responsable. Je ne vous parle pas d’une écologie au service des plus riches, ni déconnectée de la réalité. Je vous parle d’une écologie populaire et sociale ; au service des gens et de notre survie commune.

Les priorités du Gouvernement ne sont vraiment pas les bonnes. Les grands projets autoroutiers vont à l’encontre de l’urgence écologique. L’autoroute A69, même peinte en vert, demeurera un projet écocidaire. Investissons plutôt dans un véritable plan de relance du ferroviaire ; dans la modernisation de notre réseau ; dans le développement des infrastructures cyclables. Nous pourrons dire alors que nous avons compris le sens de notre mission. Soyons dignes de notre fonction et non des fossoyeurs.

M. Peio Dufau (SOC). Votre rapport vante des objectifs clairs : accélérer la décarbonation des transports, favoriser le report modal vers les alternatives au transport routier et aérien ; moderniser nos infrastructures. En revanche, il est plus discret sur l’inadéquation du budget à leur réalisation.

Depuis plusieurs années, les crédits du programme 203 varient au gré des gouvernements ainsi que du contexte budgétaire et financier. L’instabilité et l’insuffisante hausse des crédits confirment que le plan d’investissement ferroviaire promis d’ici à 2030 est un mensonge. Le nouveau gouvernement ne marque pas d’inflexion sur le sujet.

Nous avons avec l’Allemagne une illustration du manque d’investissements dans le réseau ferré : le réseau craque, le taux de ponctualité des trains est tombé à 60 %. En manquant à sa promesse d’investissement, l’État met en danger nos infrastructures ferroviaires qui doivent pourtant être le fer de lance de la politique de report modal que vous appelez de vos vœux.

La sous-action 41-06 pourrait laisser penser que l’État soutient la régénération du réseau ferré national. Cependant, il apparaît que celle-ci est financée par le fonds de concours de la SNCF, sans aucune aide de la part de l’État. Pire, ces trois dernières années, la SNCF a dû vendre des actifs ferroviaires – Akiem ou Ermewa – pour alimenter ledit fonds de concours. Il faut mettre fin à cette hypocrisie.

Pour concrétiser la nouvelle donne ferroviaire – modernisation du réseau ; relance du fret ferroviaire et du train de nuit –, un amendement du groupe Socialistes et apparentés propose de créer un fonds d’investissement doté de 1,2 milliard d’euros.

La trajectoire budgétaire de l’Afit est une autre source d’inquiétude. Les 8,2 milliards en crédits de paiement et 8,5 milliards en autorisations d’engagement alloués ces deux dernières années sont loin des 23,7 milliards préconisés par le Conseil d’orientation des infrastructures. Il est urgent de changer de cap.

Le financement des Serm est un autre exemple de promesse en l’air. Le budget nous laisse présager, plutôt que des moyens, des solutions au rabais faisant appel à des cars.

De même, la relance des trains de nuit nécessite une commande urgente de matériel roulant. Où en est-elle ? Nous présentons un amendement pour financer la commande des 600 voitures et soixante locomotives préconisées par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités.

En somme, nous vous proposons de passer des paroles aux actes en votant des amendements de bon sens.

M. Vincent Descoeur (DR). Le budget des transports n’échappe hélas pas à l’effort demandé par le Gouvernement.

Selon la rapporteure pour avis, la stabilité des crédits du programme 203 permet de préserver les priorités en matière de mobilité. Je note toutefois qu’elle ne compense pas la diminution des fonds de concours de la SNCF, de l’Afit ou des collectivités territoriales.

Nous ne pouvons que souscrire à votre appel en faveur d’une programmation pluriannuelle pour le ferroviaire. Nous avions souligné l’année dernière combien la relance du ferroviaire, notamment le plan à 100 milliards, reposait sur un hypothétique effort de la SNCF. Force est de constater que cette critique demeure fondée.

Jimmy Pahun s’est montré moins enthousiaste en faisant état d’un budget en baisse. Les lignes budgétaires dédiées aux formations aux métiers de la mer et à la surveillance maritime sont relativement épargnées par les économies.

Enfin, dans le débat sur la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), je défends l’idée d’en dispenser les lignes intérieures d’aménagement du territoire. L’intérêt des dessertes peut être un critère de modulation qui viendrait s’ajouter à la distance parcourue.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je commencerai par évoquer les recettes. Afin d’éviter la SUVisation et d’encourager le recours à des voitures plus légères donc moins consommatrices d’énergie, nous préconisons de renforcer le malus poids.

En matière de transport maritime, nous souhaitons l’introduction d’un malus écologique pour les navires polluants – c’est l’objet d’un amendement de Christine Arrighi – ainsi que l’augmentation de la taxe sur les bateaux de luxe – amendement de Damien Girard.

S’agissant du transport aérien, nous voulons mettre fin à la niche sur le kérosène. Cela permettrait de dégager au moins 3,6 milliards d’euros, voire davantage si la taxation était alignée sur celle des automobiles. Nous soutenons également la hausse de la TSBA, comme le préconisait la Convention citoyenne pour le climat.

Pour ce qui concerne les dépenses, nous privilégions évidemment celles en faveur des transports en commun. Il nous faut décarboner nos modes de transport et sortir de l’usage excessif de la voiture individuelle.

Pour proposer une offre de transport alternative, les besoins d’investissement dans le réseau ferroviaire trop longtemps délaissé sont énormes. Le plan d’investissement de 100 milliards devra pour ce faire être financé. Divers outils sont à disposition parmi lesquels la taxe poids lourds instituée en Allemagne. Je regrette que cette option ne soit pas envisagée.

Pour garantir la mobilité de tous, notre groupe propose plusieurs amendements visant à mettre en place le ticket climat ou le leasing social mais aussi à réserver les financements de l’Afit aux projets ferroviaires et non routiers. Je déplore à cet égard le fonctionnement un peu opaque de l’Agence pour les députés qui ne sont pas en mesure de flécher les moyens.

Le transport est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France. Nous devons diminuer son empreinte écologique tout en assurant à chacun la possibilité de se déplacer, quels que soient ses revenus.

M. Mickaël Cosson (Dem). Malgré la baisse des crédits nécessaire pour accompagner l’effort global de redressement des finances publiques, les députés démocrates sont attachés au maintien d’une politique ambitieuse, tant en matière de décarbonation que d’égalité territoriale.

Le Gouvernement a déposé un amendement sur la TSBA, qui diffère un peu des premières annonces et devrait rapporter un milliard d’euros. Le relèvement de la taxe est bienvenu pour faire contribuer ce secteur à la hauteur de son impact carbone.

J’ai été intéressé, dans votre rapport, par la notion du coût de touchée moyen et la comparaison avec les autres pays européens. Si la TSBA française est relativement faible par rapport à nos voisins européens, d’autres taxes, dont le tarif de sûreté et de sécurité (T2S), viennent s’ajouter. Quel serait le coût de touchée moyen en France si l’amendement du Gouvernement était adopté ? Quel serait-il si votre proposition – une hausse permettant d’atteindre 2,5 milliards de recettes – était retenue ?

Je regrette que le produit de cette taxe ne soit plus affecté au moins en partie au fonds de solidarité pour le développement, l’éloignant ainsi de sa vocation originelle. Ce choix corrobore malheureusement la baisse généralisée de l’aide publique au développement.

Enfin, le rapporteur pour avis a appelé de ses vœux une réforme d’ampleur de la pêche. L’exemple de la fermeture d’une zone immense allant du golfe de Gascogne à la Bretagne l’hiver dernier doit nous interroger sur la pérennité du modèle que nous souhaitons léguer. Ne serait-il pas plus durable et finalement plus intéressant économiquement d’accompagner la modernisation des flottes pour pouvoir pêcher dans des conditions respectueuses de l’environnement ? Quelles évolutions de la réglementation européenne peut-on espérer pour garantir la survie de la pêche française face à une concurrence européenne redoutable ?

M. Jean-Michel Brard (HOR). La France est une grande puissance maritime et elle doit le rester. C’est un atout économique mais aussi pour la biodiversité.

La SNSM, seul organisme agréé par l’État pour cette mission, bénéficie du soutien de celui-ci et des collectivités territoriales. Modèle unique auquel nous sommes tous attachés, la SNSM compte 11 000 bénévoles, 130 salariés et 756 embarcations de sauvetage. Son budget de fonctionnement était de 71,3 millions d’euros en 2023 dont 60 % provient de la générosité du public.

Fragilisée par la crise du bénévolat, la SNSM doit aussi relever le défi du renouvellement de sa flotte. Alors que le nombre d’interventions de sauvetage a crû de 39 % en six ans, je m’inquiète vivement de la baisse – de 10 millions en 2024 à 7,85 millions – des subventions qui lui sont allouées. Il est indispensable de préserver le fléchage de la taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel et de la taxe sur les éoliennes maritimes pour que la SNSM puisse continuer à assurer ses missions et son engagement bénévole au service de la sécurité maritime.

Second sujet de préoccupation, la pollution des littoraux consécutive à des aléas climatiques tels que la tempête Kirk. Le déversement d’eaux pluviales en mer à cause de la saturation des réseaux d’assainissement pollue nos eaux côtières et affecte la biodiversité ainsi que les filières conchylicole et ostréicole. Or ces activités historiques, présentes sur nos quatre façades maritimes, contribuent à la santé globale des écosystèmes marins ainsi qu’à notre souveraineté alimentaire. Elles sont pourvoyeuses d’emplois non délocalisables, qui participent au dynamisme économique et à l’attractivité de nos territoires littoraux.

Dès lors qu’il s’agit d’élevage en milieu ouvert, les filières sont entièrement dépendantes de l’état du milieu marin et de la qualité de l’eau. À chaque crise, elles subissent des interdictions de vente de la production dont les conséquences socio-économiques, comme celles de fermeture des zones de pêches sont tout à fait préoccupantes. Il importe de mieux concilier l’exploitation responsable du milieu marin et sa protection en continuant à soutenir l’effort d’innovation, en simplifiant la réglementation et en permettant l’accès à de nouvelles zones de production en mer.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Monsieur Meurin, pour mémoire, l’État consacre 1 milliard d’euros au réseau routier sachant qu’il gère 18 200 kilomètres de routes, dont 9 200 concédées, les départements 380 000 et les communes 700 000.

Le ministre a évoqué, non pas une loi, mais une réflexion à laquelle les parlementaires et les collectivités locales seront associés sur le financement des infrastructures, comprenant notamment les ressources de l’Afit, la TICPE et la fin des concessions autoroutières.

Monsieur Dufau, on ne peut pas parler de désengagement de l’État. Le plan d’investissement ferroviaire de 100 milliards doit nous aider à combler notre retard, notamment dans le déploiement de l’ERTMS (système européen de gestion de trafic des trains). Quant au sort des dividendes de la SNCF, il ne faut pas oublier l’effort historique qu’a constitué pour l’État en 2018 le rachat de la dette de 35 milliards d’euros permettant à l’entreprise de repartir du bon pied – elle payait à l’époque près de 2,5 milliards d’intérêts de dette. Il est donc normal que la régénération du réseau ferroviaire soit financée par le versement des dividendes à SNCF Réseau. En ce qui concerne les SUV, le malus a été rehaussé à juste titre.

Madame Soudais, l’examen des crédits n’est pas le lieu pour débattre du bien-fondé des grands projets d’infrastructure.

Monsieur Descoeur, je souscris à votre souhait d’une programmation pluriannuelle en faveur du rail.

M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. Monsieur Descoeur, le budget dédié aux affaires maritimes est passé de 312 à 216 millions, principalement en raison de la fin de l’aide exceptionnelle accordée à un transporteur transmanche, laquelle prenait la forme d’une exonération de charges salariales pendant trois ans.

Monsieur Bonnet, le malus écologique sur les navires polluants existe déjà d’une certaine manière. Que ce soit dans la Manche ou en Méditerranée, les navires doivent utiliser des carburants plus propres. S’agissant des yachts de luxe, nous devons trouver une solution pour qu’ils ne produisent plus aucune émission de carbone. Ils devraient être les fers de lance de recherches sur les motorisations propres qui pourraient ensuite être transposées à des bateaux plus lourds.

Monsieur Cosson, il y a deux pêches : la pêche européenne, au-delà des 12 miles, qui est un succès ; la pêche dans nos eaux territoriales, pour laquelle nous devrions travailler dans plusieurs directions : l’interdiction des navires d’une certaine taille afin de mettre en avant la pêche artisanale ; la création de zones de cantonnement dans lesquels la pêche est suspendue pour favoriser la régénération de la biodiversité ; la formation des jeunes ; la réforme de la gouvernance de la pêche – je pense à la renaissance des quartiers maritimes dans lesquels l’administrateur des affaires maritimes était au contact des pêcheurs et parvenait à les aider.

Monsieur Brard, je suis content que la SNSM perçoive 5 % de la taxe sur les éoliennes maritimes, le reste étant réparti de la manière suivante : 50 % pour les communes, 35 % pour les pêcheurs et 15 % pour l’OFB (Office français de la biodiversité). Je déplore le retard pris dans la construction des navires et je plaide pour que la SNSM crée son propre chantier. Tous les quarante ans, sans compter les accidents graves, il faut renouveler la flotte. Les marchés passés avec des chantiers ne sont pas toujours tenus.

Les ostréiculteurs et les conchyliculteurs sont des vigies ; ils nous garantissent la bonne qualité des eaux. Nous devons les aider, par exemple en rénovant les réseaux d’assainissement et les stations d’épuration – il faut un plan Marshall sur plusieurs années. Les bassins de purification, qui commencent à être installés, sont aussi une piste prometteuse. Ils permettent en cas d’alerte de transférer la production dans de l’eau pure. Cela existe depuis longtemps dans le bassin de Marennes-Oléron.

M. Romain Eskenazi, rapporteur pour avis. Madame Soudais, je subis, comme vous, les nuisances aéroportuaires. À cause de la continuité territoriale mais aussi du tourisme sur lequel repose une partie de l’économie française, l’avion ne sera jamais supprimé. Néanmoins, l’équilibre actuel entre intérêts économiques et santé des riverains n’est pas satisfaisant. Je compare souvent avec le vin, produit d’exportation incontournable et fierté française. L’interdiction de l’alcool dans un certain nombre de cas pour répondre à l’impératif de santé n’a pas été sans conséquences sur l’économie et les emplois du secteur. S’agissant du transport aérien, il faut encore ajuster le curseur. La hausse de la fiscalité et l’instauration d’un couvre-feu pourraient y aider.

Monsieur Descoeur, la TSBA ne distingue actuellement que deux catégories : vols intérieurs, Union européenne et assimilés ; vols long-courriers. L’amendement du Gouvernement crée une nouvelle distinction entre aviation d’affaires – les jets privés –, plus fortement taxée et modulée selon la motorisation, et service aérien régulier. Je salue l’ambition de cette mesure. Quant au critère de distance, l’amendement instaure une catégorie supplémentaire : le moyen-courrier. Je plaide pour la suppression de la TSBA sur les liaisons avec l’outre-mer au nom de la continuité territoriale et de la lutte contre la vie chère.

Les territoires auxquels vous faites allusion entrent dans la première catégorie pour laquelle l’augmentation est la plus faible – la taxe serait portée à 9 euros. Le montant de la taxe, bien que non négligeable, resterait bien inférieur à celui que fixent nos voisins européens. Nous serons plusieurs à essayer de rendre la réforme la plus juste possible mais aussi à souligner son objectif de sobriété, ce que le Gouvernement se refuse à faire préférant mettre en avant les recettes qu’il escompte. Si la trajectoire de croissance du trafic aérien n’est pas infléchie, nous ne serons pas en mesure de respecter les accords de Paris. À ce jour, le plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) de Roissy prévoit une hausse de 33 % du nombre de vols en trois ans.

Monsieur Bonnet, les accords de Chicago interdisent la taxation du kérosène pour les vols internationaux. C’est profondément injuste, j’en conviens, pour les automobilistes et les autres secteurs économiques. La TSBA, en vertu de laquelle plus on va loin, plus on est taxé, est une manière déguisée de taxer le kérosène. La convention citoyenne pour le climat demandait une taxe qui rapporterait 4,5 milliards, le Gouvernement propose 1 milliard, je défends un produit équivalent à celui de l’Allemagne, soit 2,5 milliards, niveau qui serait suffisamment dissuasif pour avoir un effet sur la croissance continue du trafic aérien.

Enfin, monsieur Cosson, le T2S est bien compris dans les coûts de touchée. Le graphique, tiré des données de la DGAC, montre bien que nous sommes bien au-dessous de nos concurrents directs – Londres, Amsterdam ou Francfort – même si nous nous situons dans la moyenne européenne. Je ne suis pas à ce stade capable de vous dire quel sera le coût de touchée avec la nouvelle version de la TSBA.

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du mardi 22 octobre 2024 à 16 heures

 

Présents. - M. Gabriel Amard, M. Fabrice Barusseau, M. Olivier Becht, M. Sylvain Berrios, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Yves Bony, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, M. Jean-Victor Castor, M. François-Xavier Ceccoli, M. Bérenger Cernon, M. Mickaël Cosson, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, M. Aurélien Dutremble, M. Romain Eskenazi, M. Auguste Evrard, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Marie Fiévet, M. Julien Guibert, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, Mme Claire Lejeune, M. Stéphane Lenormand, M. David Magnier, M. Pascal Markowsky, M. Éric Michoux, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Constance de Pélichy, Mme Christelle Petex, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Raphaël Schellenberger, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, M. Vincent Thiébaut, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland

 

Assistaient également à la réunion. - M. Karim Benbrahim, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Danièle Carteron, M. Roger Chudeau, M. Fabien Di Filippo, M. Nicolas Ray