Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, sur le 3e Plan national d’adaptation au changement climatique              2

 


Mardi 20 mai 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 46

Session ordinaire de 2024-2025

Présidence de

Mme Sandrine Le Feur,

Présidente

 


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, sur le 3e Plan national d’adaptation au changement climatique.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Mes chers collègues, je suis très heureuse d’accueillir avec vous Mme Agnès Pannier-Runacher devant notre commission, pour la première fois depuis la composition du gouvernement Bayrou, en tant que ministre chargée de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Le champ du ministère est large et l’actualité appellera certainement de nombreuses questions, mais nous avons souhaité que l’audition porte à titre principal sur l’adaptation au changement climatique, dans le cadre, notamment, du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc 3), qui compte parmi ses apports marquants la prise en compte d’une perspective de réchauffement, en France, de 4 degrés à l’horizon 2100.

Ce thème s’inscrit dans la progression des travaux de la commission. Nous avons étudié les dommages causés par le changement climatique et la perte de biodiversité, ainsi que les difficultés qui en résultent en matière d’assurance des collectivités, des entreprises et de nos concitoyens. Nous entendrons demain le Haut conseil pour le climat (HCC), qui a salué les avancées du cadre d’action publique tout en soulignant l’urgence d’intensifier les efforts. Selon lui, le décalage se creuse entre les mesures prises pour faire face aux impacts du changement climatique et les besoins d’adaptation. Nous souhaitons donc évoquer avec vous, madame la ministre, la cohérence de la stratégie d’adaptation, la portée normative qu’il faut lui donner et les financements à apporter.

Le Pnacc 3 fait partie d’un ensemble d’exercices de planification menés dans le cadre de la stratégie française sur l’énergie et le climat : programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ; stratégie nationale bas carbone ; stratégie nationale biodiversité 2030 ; projet de stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc) ; stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique.

La véritable épreuve de la cohérence et de la crédibilité de ces stratégies aura lieu à l’automne, au moment des choix budgétaires. Nous demandons des financements dignes de l’enjeu. Nous avons besoin d’investissements massifs pour l’adaptation climatique, notamment dans les logements et les bâtiments, ainsi que dans l’adaptation du modèle agricole.

Chacun doit y prendre sa part. L’État ne peut se substituer aux investissements privés, mais il doit être un moteur. La réorientation de la fiscalité à impact négatif sur l’environnement peut offrir des pistes. Réparer coûte plus cher qu’anticiper. Selon la Banque mondiale, 1 euro investi dans les politiques d’adaptation permet d’économiser à terme de 2 à 10 euros.

Le Pnacc 3 est une avancée essentielle pour un travail de fond. Nous avons besoin d’effectuer des diagnostics massifs afin de mieux adapter les pratiques. Je considère que le Pnacc 3 aurait pu aller plus loin, notamment en prévoyant l’inscription dans la loi de la trajectoire d’augmentation de la température de 4 degrés d’ici à 2100, ce qui lui aurait donné une valeur normative. Cette assise est indispensable pour garantir une stabilité, donner un cadre clair et prévisible aux acteurs économiques et envoyer un signal fort à nos partenaires européens.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Je vous remercie de m’accueillir pour cette audition sur un enjeu majeur pour nos concitoyens, notre environnement, notre biodiversité et notre souveraineté : l’adaptation au changement climatique. Les événements qui se déroulent dans le Var en témoignent. Je veux dire tout le soutien du gouvernement aux familles et aux proches des victimes – nous déplorons plusieurs décès. Mes équipes sont sur le pont pour suivre opérationnellement la situation.

Les événements climatiques ne sont pas des événements abstraits. Ils surviennent sur tous les territoires de notre pays. Ils ont des impacts matériels majeurs. Ils ont aussi des impacts sur des vies humaines. Il faut en prendre toute la mesure.

Je sais que votre commission est déjà très investie sur ce sujet, comme en témoignent les travaux en cours de la mission d’information sur l’adaptation de l’aménagement des territoires au changement climatique, présidée par Vincent Descoeur et rapportée par Philippe Fait et Fabrice Barusseau. Je serai très attentive à ses conclusions. Il y a urgence. Les vagues de chaleur, les inondations, le recul du trait de côte, les tensions sur la ressource en eau sont autant de signaux répétés appelant une stratégie d’adaptation à la hauteur des enjeux.

Dans ce combat, chacun est concerné, car chacun peut être impacté. Il n’y a plus aucun Français qui ne soit directement ou indirectement concerné par le besoin d’adaptation au changement climatique.

C’est pour répondre à cette urgence que j’ai présenté, le 10 mars dernier, la version finalisée du Pnacc 3. Il s’inscrit pleinement dans la planification écologique engagée en 2022 et dans la stratégie française sur l’énergie et le climat. Cette action d’ensemble vise à atténuer, à décarboner et à s’adapter. Avant de présenter un bilan actualisé du déploiement des cinquante-deux mesures du Pnacc 3 et de mes priorités pour le reste de l’année, je souhaite rappeler trois points essentiels.

Tout d’abord, mes priorités en matière d’adaptation sont claires : anticiper les risques, mieux les connaître et en partager la connaissance avec tous les acteurs du territoire ; investir dans nos infrastructures ; préparer nos concitoyens à un réchauffement pouvant atteindre 4 degrés d’ici à la fin du siècle – selon un scénario exigeant fondé sur l’hypothèse que notre pays atteindra la neutralité carbone en 2050.

Ensuite, le Pnacc 3 est le fruit d’une approche collaborative. Engagé par mon prédécesseur, Christophe Béchu, sous l’égide de la première ministre Élisabeth Borne, il a impliqué tous les niveaux de gouvernance : État, collectivités territoriales, parlementaires, acteurs économiques, citoyens.

Ce travail a fait l’objet d’une analyse approfondie par le Conseil national de la transition écologique (CNTE), où sont représentés les parlementaires, les fédérations d’entreprises, les syndicats représentatifs de salariés, les agriculteurs, les associations environnementales, les associations d’élus locaux et les associations de jeunes. Le CNTE a émis un avis à l’unanimité moins une voix sur l’ensemble du texte, ce qui prouve la qualité du travail collectif réalisé.

Enfin, je souhaite rappeler les moyens budgétaires consacrés à l’adaptation en 2025.

Près de 1 milliard d’euros est mobilisé pour les agences de l’eau, dont 40 % pour des solutions fondées sur la nature, et 1 milliard supplémentaire sera mobilisé sur cinq ans par la Banque des territoires pour accélérer l’adaptation des territoires au changement climatique.

Les crédits budgétaires ayant fait l’objet d’annulations par décret fin avril, la situation est la suivante après ces annulations mais avant surgel : en autorisations d’engagement, 374 millions pour le programme Prévention des risques, dont 283 millions pour le fonds Barnier, 62 millions pour la prévention des risques naturels et hydrauliques et 28 millions pour la prévention du risque retrait-gonflement des argiles (RGA). En dépit des rabots, ces moyens s’établissent à leur plus haut niveau historique. C’est même la première fois que nous disposons d’une enveloppe consacrée à la prévention du risque RGA, à l’initiative des parlementaires.

S’agissant du fonds Vert, 216 millions vont aux mesures d’adaptation au changement climatique prises par les collectivités locales, auxquels il convient d’ajouter les moyens du fonds versés au bénéfice des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant adopté leur plan climat-air-énergie territorial (PCAET), conformément à une disposition défendue avec force par les parlementaires. Rappelons que 1 euro investi dans l’adaptation, c’est jusqu’à 8 euros de dommages évités – je cite pour ma part, madame la présidente, les chiffres rétrospectifs de la Caisse centrale de réassurance (CCR) fondés sur les dommages constatés en matière de catastrophes climatiques. Ces investissements sont non seulement écologiquement nécessaires, mais surtout économiquement et budgétairement rationnels.

J’en viens au bilan actualisé du déploiement du Pnacc. Depuis la publication du Pnacc 3 en mars, plusieurs actions ont été engagées. D’abord, à l’issue d’un travail avec les partenaires sociaux, nous avons, avec la ministre du travail et la ministre de l’agriculture, renforcé les obligations de prévention des employeurs visant à protéger les salariés des fortes chaleurs si les seuils de vigilance météorologique de niveau « danger chaleur » sont activés. Ensuite, grâce au travail mené avec les fédérations professionnelles du tourisme, nous avons publié le 24 avril dernier les plans de sobriété hydriques (PSH) de trois filières touristiques importantes : « Hébergements touristiques et restauration » ; « Sports et activités de plein air » ; « Espaces de loisirs, d’attractions, culturels ».

Enfin, un guide sur la maladaptation destiné aux collectivités territoriales est en cours de rédaction. La maladaptation est l’investissement dans un ouvrage censé protéger, par exemple, d’une inondation ou d’une submersion marine, et qui ne résistera pas à la première inondation ou à la première submersion marine. Il faut dimensionner correctement ce que nous construisons. Ce risque est loin d’être négligeable et doit, au moment où nous devons être vigilants sur nos finances publiques, être traité avec le plus grand sérieux.

Ce guide définira un cadre de référence pour évaluer les risques de maladaptation. C’est essentiel, car les collectivités locales sont en première ligne, mais n’ont pas toujours des équipes formées aux politiques que nous menons en matière d’adaptation au changement climatique et de transition écologique. C’est pourquoi nous avons développé un outil permettant aux collectivités de mettre leurs documents en conformité avec la trajectoire de réchauffement climatique. Intitulé « patch 4 °C », il permet aux collectivités ayant adopté leur PCAET sur la base d’un autre scénario climatique de l’ajuster rapidement pour tenir compte de la trajectoire considérée par les scientifiques comme centrale.

Par ailleurs, nous avons engagé un travail sur l’intégration des enjeux d’adaptation dans les normes et référentiels techniques. Un groupe de travail réunissant les services et opérateurs de mon ministère et l’Association française de normalisation (Afnor) a été lancé. Comment construit-on pour s’adapter au changement climatique ? Comment anticiper la gestion des canicules ? Telles sont, parmi d’autres, les questions qui se posent.

Nous avons également introduit dans les aides du fonds Vert une conditionnalité liée à la prise en compte du climat futur. Une mission d’inspection sur la prise en compte du climat futur dans les aides aux entreprises a été confiée par mes soins et ceux des ministres de Bercy à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) et au conseil général de l’économie (CGE). Quant au guide sur la prise en compte de l’adaptation au changement climatique dans les évaluations environnementales et stratégiques des projets, il est en cours de finalisation.

Par ailleurs, j’ai annoncé faire de la territorialisation du Pnacc 3 l’une de mes priorités pour l’année 2025 et y travailler avec les élus locaux ainsi que les parties prenantes sur les territoires à enjeux spécifiques que sont les littoraux, les zones de montagne, la forêt et les espaces agricoles.

S’agissant des littoraux, j’ai chargé le Comité national du trait de côte (CNTC), présidé par la députée Sophie Panonacle, d’établir une feuille de route spécifique sur l’adaptation et d’avancer sur les propositions de financement. La vérité oblige à dire que les travaux sont assez largement finalisés. Nous avons engagé les discussions avec Bercy sur le financement de l’accompagnement des conséquences du recul du trait de côte. J’espère que nous pourrons nous appuyer sur les travaux du député Stéphane Buchou.

S’agissant des zones de montagne, Françoise Gatel, Nathalie Delattre et moi-même avons commandé au CGE et à l’Igedd un état des lieux des actions mises en œuvre ces dernières années et une évaluation de leur efficacité. Nous avons également missionné l’Association nationale des élus de la montagne (Anem), le Conseil national de la montagne (CNM) et les comités de massif pour élaborer sur cette base une feuille de route spécifique à l’adaptation des territoires de montagne.

Par ailleurs, nous poursuivons le déploiement de la stratégie relative aux risques d’origine glaciaire et périglaciaire pour anticiper les risques, notamment la vidange brutale de lacs glaciaires, qui peut malheureusement provoquer des catastrophes, comme cela a récemment été le cas dans les Alpes. Cette feuille de route inclura, à ma demande, les enjeux économiques et sociaux, au premier rang desquels la transition hors de l’économie du ski, ainsi que les enjeux de préservation de la biodiversité. Je sais la mobilisation de plusieurs d’entre vous, notamment M. Xavier Roseren, sur ce sujet.

S’agissant de la forêt, j’annoncerai bientôt la création de territoires d’expérimentation sylvicole. Nous travaillons à l’amélioration du cahier des charges du dispositif d’aide au renouvellement forestier afin d’en renforcer le volet relatif à l’adaptation. L’enjeu est de continuer à travailler sur les outils existants pour ne pas retarder la mise en œuvre de politiques qui ne peuvent pas attendre.

Pour compléter la territorialisation du Pnacc 3, chaque territoire ayant ses spécificités, j’ai demandé aux COP territoriales d’inclure un volet spécifiquement consacré à l’adaptation. Plusieurs d’entre elles ont commencé à travailler en ce sens. Je participerai très prochainement, avec François Rebsamen, à plusieurs COP territoriales.

L’objectif de ces COP est clair : donner à voir de façon très concrète la trajectoire de réchauffement climatique à la maille infrarégionale et sélectionner les premières priorités d’adaptation. La montagne diffère des littoraux... Pour les gens du Nord, comme moi, les inondations sont un sujet majeur ; ceux du Sud connaissent surtout, comme c’est le cas actuellement, des événements violents tels que les épisodes cévenols et méditerranéens. Les uns et les autres n’appellent pas les mêmes réponses. Il faut donc déterminer les priorités à cibler dans chaque territoire.

En outre, nous compléterons la feuille de route régionale 2025-2030 par des priorités liées à l’adaptation et nous porterons à la connaissance des collectivités territoriales l’offre unifiée d’ingénierie de l’État, prévue par la mission adaptation et présentée au Salon des maires, ainsi que les sources complémentaires d’information sur le changement climatique et l’adaptation. Tous les outils de simulation et de modélisation dont nous disposons ont vocation à être mis à disposition des collectivités locales, des entreprises et, plus généralement, des acteurs pour qu’ils puissent très clairement savoir, par exemple, quelles sont les lignes de submersion marine, quelles sont les prévisions concernant le trait de côte, où sont les nouvelles zones d’inondation ou dans quel état sera la forêt à l’horizon 2050. De nombreux travaux sont en voie de territorialisation et de cartographie, avec le soutien de nos opérateurs. Ils seront centralisés par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).

La mission adaptation bénéficie à 100 intercommunalités aux risques et à la géographie très divers. Il s’agit d’obtenir une sorte de catalogue représentatif de la France et de les accompagner cette année pour établir un diagnostic et une feuille de route en vue de réaliser des projets d’adaptation, qui seront ensuite mis à disposition de territoires similaires pour accélérer le travail des collectivités locales. Par ailleurs, nous avons élaboré des outils permettant d’accompagner les collectivités dans la prise en compte des risques climatiques, tels que les cartes des submersions marines, des zones inondables et des îlots de chaleur, notamment pour les habitats verticaux.

J’en viens à mes priorités pour la fin d’année et à la préparation du projet de loi de finances pour 2026. J’engagerai dans les prochaines semaines une concertation avec les élus locaux pour donner, par voie réglementaire, une valeur juridique à la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc). Pour cela, je m’appuierai sur les travaux de votre commission, notamment ceux menés dans le cadre de la mission d’information sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur l’artificialisation des sols rapportée par Constance de Pélichy et par vous-même, madame la présidente, concluant à la nécessité d’améliorer l’intégration de l’adaptation dans les documents d’urbanisme.

Il faut un dispositif simple et protecteur des élus locaux. Dès lors qu’il a une valeur juridique, il doit avoir une traduction directe pour ces derniers, qui doivent savoir, lorsqu’il faut réviser leur plan local d’urbanisme (PLU), quel scénario retenir et quelles sont les nouvelles zones d’inondation. Il faut prévenir toute interprétation trop large par le juge pour ne pas créer une incertitude juridique.

Je souhaite que le confort d’été soit mieux pris en compte, à tous les niveaux, dans la réglementation des bâtiments et dans les dispositifs d’accompagnement, notamment MaPrimeRénov’. Je continuerai à y travailler. Je souhaite également que nous publiions, avec Météo-France, les projections climatiques de la Tracc pour les territoires d’outre-mer, afin d’y calibrer au mieux les actions d’adaptation. Ces territoires ont des trajectoires propres et des besoins absolument considérables. Leur culture du risque est meilleure que celle de la métropole, mais le niveau de jeu va se corser assez rapidement.

L’agriculture étant en première ligne face au dérèglement climatique, je souhaite que nous accélérions l’acquisition des connaissances sur l’impact de ce dérèglement dans le secteur agricole et que nous accompagnions plus efficacement nos exploitations agricoles, nos filières et l’industrie agroalimentaire.

Enfin, l’objectif est désormais de promouvoir la méthode française d’adaptation en Europe et à l’international. Elle constitue la contribution française à l’élaboration d’une stratégie européenne d’adaptation au changement climatique.

S’agissant du budget, je citerai, parmi les besoins identifiés, la nécessité de préserver des moyens ambitieux pour le fonds Barnier, pour la prévention des risques hydrauliques et du risque RGA et pour la pérennisation de la mission adaptation. Mon souhait le plus cher est que les territoires, notamment touristiques, aient la possibilité de s’équiper de ressources propres leur permettant de commencer à financer des mesures de protection, qu’il s’agisse du recul du trait de côte ou des risques inhérents aux zones de montagne. Il importe de leur donner la possibilité d’actionner des leviers. La question de savoir si la solidarité doit être nationale ou territoriale, par type de risque, est un sujet profondément politique, qui nous concernera tous.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Sébastien Humbert (RN). Le Pnacc 3 est à l’image du gouvernement : assez déconnecté, technocratique et éloigné des messages de simplification que tentent régulièrement de vous faire passer les élus locaux. Pire : toutes les politiques menées par l’État reposent désormais sur des stratégies dites d’adaptation au changement climatique, qui ont notamment pour conséquence une inflation normative sans précédent et l’alourdissement de procédures administratives compliquant l’action des décideurs publics.

L’un des objectifs de votre plan est de mettre progressivement en cohérence les documents stratégiques des collectivités territoriales avec la Tracc. Vous complexifiez de manière significative les capacités d’action des collectivités territoriales tout en appliquant une logique de décroissance propre aux écologistes.

La France a déjà fait sa transition énergétique. Notre pays, dont le mix électrique est d’ores et déjà décarboné à 95 %, est l’un des plus vertueux au monde grâce à ses centrales nucléaires. En raison d’un développement irrationnel des énergies renouvelables intermittentes, nos centrales nucléaires sont contraintes de moduler leur puissance, ce qui entraîne une corrosion sous contrainte susceptible de réduire considérablement la durée de vie de nos réacteurs.

Avoir massivement subventionné, avec l’argent des contribuables, l’implantation de parcs éoliens et photovoltaïques fragilise notre réseau électrique. Le gestionnaire RTE (Réseau de transport d’électricité) a même été contraint de débrancher treize parcs éoliens et solaires début mars 2025. Poursuivre cette politique dévastatrice pour nos paysages et notre biodiversité est une folie, d’autant que les services de l’État, notamment les directions départementales des territoires (DDT), freinent la remise en service de turbines hydroélectriques pourtant efficaces et pilotables.

De plus, vouloir imposer toujours plus d’éoliennes et de parcs solaires en y mettant des moyens de propagande pour agir sur l’acceptabilité par les citoyens, tels que le déploiement d’un plan de communication destiné à populariser l’adaptation au changement climatique, est une aberration. Ces moyens de communication massifs destinés à « donner à voir un récit positif pour 2100 » montrent eux aussi une forme de déconnexion, tout comme le lancement d’une étude prospective sur les conséquences du changement climatique sur notre système de santé. Ce n’est pas d’études prospectives dont nous avons besoin pour traiter la santé, mais bien de moyens humains, en particulier de médecins.

S’agissant des mobilités, nous réaffirmons que les zones à faibles émissions (ZFE) tendent à exclure les automobilistes les plus précaires de nos villes, alors qu’ils sont nombreux à devoir s’y rendre pour travailler, même si vous avez déclaré, à mauvais escient, que les moins riches n’ont pas de voiture. Quant aux politiques liées à l’eau, notamment dans le cadre du renforcement du plan Eau, elles demeurent insuffisantes. Par-delà les études et l’amélioration des connaissances, c’est surtout de moyens dont nous avons besoin pour investir dans le renouvellement des réseaux d’eau potable et l’assainissement.

Ne pensez-vous pas que le Pnacc 3 est trop technocratique pour être efficace ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Humbert, j’ai le sentiment que vous n’avez pas pris connaissance du Pnacc 3, qui ne comporte aucune réglementation, et que vous n’avez pas davantage écouté mon propos introductif. Le Pnacc 3 prévoit des actions très concrètes et très précises pour lutter contre des maux qui risquent d’impacter la vie, le patrimoine, les emplois et la santé de nos concitoyens.

C’est, par exemple, la lutte contre les inondations. Je viens d’un territoire inondé à cinq reprises en 2023 et en 2024. Peut-être cela n’a-t-il aucune importance pour vous, mais nous sommes plusieurs, dans cette salle, à avoir vécu de très près cette situation et à savoir la détresse dans laquelle étaient nos concitoyens. C’est la lutte contre la mortalité liée à la canicule, qui représente une part croissante des décès dans le cadre professionnel. C’est l’anticipation de nouvelles maladies telles que la dengue et le chikungunya. Peut-être cela n’a-t-il pas d’importance pour vous ou peut-être cela vous semble-t-il technocratique, mais le gouvernement, lui, prend tout cela très au sérieux et déploie plus de 200 actions très concrètes, au plus près du terrain, pour répondre point par point à ces difficultés.

L’adaptation des documents d’urbanisme, comme je l’ai dit en introduction, vise à donner les moyens à un maire d’être sûr de ne pas construire en zone inondable, ou grignotée par la mer s’il est maire d’une commune littorale, à l’horizon 2050. C’est très concret, et attendu par les élus. C’est aussi une protection juridique – qui sait si on ne lui reprochera pas, demain, de ne pas avoir bien fait les choses en bornant son PLU à 2030.

Vous avez dit que le mix électrique français est décarboné à 95 %. Je m’en félicite. J’ai été ministre de la transition énergétique. J’ai été celle qui a engagé la relance du nucléaire et imposé la reconnaissance du nucléaire à l’échelon européen. Je me permets de vous dire que le mix énergétique, qui désigne la réalité de la totalité de notre consommation énergétique, est encore à 60 % fossile, donc issu d’achats auprès de pays tels que la Russie, qui est peut-être un allié pour vous mais pas pour nous, les États-Unis, les pays du
Moyen-Orient et l’Algérie. Moi, j’ai choisi le camp de la souveraineté énergétique française, avec des emplois français et des entreprises françaises. Chacun son camp.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Au nom du groupe Ensemble pour la République, je salue votre engagement, votre dévouement et votre travail d’excellence sur le Pnacc 3. Adopté en mars 2025, il constitue un cadre de référence essentiel pour préparer notre pays aux effets du changement climatique, sur la base d’une trajectoire de réchauffement susceptible d’atteindre 4 degrés en France métropolitaine à l’horizon 2100.

Le Pnacc 3 couvre la période 2024-2028 et vise à intégrer les enjeux d’adaptation dans toutes les politiques publiques. Il repose sur une actualisation des projections climatiques. Il comprend cinq axes stratégiques regroupant cinquante-deux mesures déclinées en près de 200 actions : protéger la population ; assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels ; adapter les activités humaines ; protéger notre patrimoine naturel et culturel ; mobiliser les forces vives de la nation.

Pour protéger la population, des mesures tendent à renforcer les dispositifs existants et à déployer de nouvelles actions pour anticiper les conséquences de l’évolution du cycle de l’eau et atténuer les effets des fortes chaleurs, des inondations et des sécheresses, qui provoquent tant de dégâts et de désarroi parmi nos concitoyens. Pour adapter les activités économiques, sont prévus un diagnostic climatique pour chaque exploitation agricole d’ici à 2026 et des dispositifs d’accompagnement de l’industrie et des activités forestières. Pour la préservation du patrimoine naturel, des actions viseront à renforcer la résilience des écosystèmes.

Il s’agit donc d’un plan ambitieux, très concret et pragmatique. Comment envisagez-vous de renforcer la coopération entre les acteurs pour assurer la mise en œuvre effective du Pnacc 3 en cohérence avec les COP territoriales et les PCAET ? Comment y faire adhérer la population pour que le Pnacc 3 ne soit pas un sigle de plus ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous posez la question essentielle : comment décliner un catalogue d’actions nécessaires à l’échelle du territoire afin que ses acteurs se les approprient efficacement, notamment les collectivités territoriales, qui sont en première ligne, qu’il s’agisse d’aménager une commune ou d’assurer le développement économique et l’aménagement régional ?

Pour ce faire, nous disposons de plusieurs outils.

Nous relançons les COP territoriales. Leur travail est de dresser un diagnostic et d’en diffuser les outils à l’échelon infrarégional. Quels sont les risques dans tel territoire, par exemple celui du Jura, où vous êtes élue ? Quels sont les risques d’inondation ? Quels sont les risques dans les forêts – incendie ou dépérissement en raison de nouveaux ravageurs ? Quelles sont les priorités ? Quelles sont les actions sans regret sur lesquelles il est possible de s’engager sans prendre de risque et avec un minimum de financements ? Quelles sont les actions qui, suscitant des débats politiques, doivent être mises en discussion ?

Nous équipons les intercommunalités ayant déjà un PCAET pour leur permettre de le revoir rapidement, hors de toute complexité administrative, afin de le mettre à jour autant que possible sur la base des nouveaux scénarios.

Nous travaillons à améliorer la culture du risque dans notre pays. En la matière, nous avons des réflexes : nous savons à peu près ce qu’il faut faire en cas d’accident de la route ou d’incendie. En revanche, nous n’avons pas toujours les bons réflexes en matière d’aléas et de catastrophes climatiques. Les récentes inondations l’ont illustré : des gens ont emprunté des routes barrées où l’eau montait très vite, d’autres sont descendus dans les sous-sols de parkings où l’eau montait également très vite.

Dans ce domaine, il faut expliquer. Nous travaillons également à créer une réserve nationale sur le modèle de celles rattachées à l’armée ou à la gendarmerie. Cette démarche a été engagée dans certaines communes, notamment dans le Pas-de-Calais. Il faut la diffuser, afin qu’au moins une partie de nos concitoyens dispose des bons réflexes pour guider un voisin, un proche, avant, pendant, mais aussi après la crise, pour nettoyer et réparer.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Madame la ministre, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique m’a à la fois surprise et terrifiée. Surprise parce qu’il semble prendre la mesure de l’impact du changement climatique sur notre territoire et prévoir des scénarios adaptés, et parce que cela montre que le gouvernement Macron accepte enfin l’échec de la stratégie climatique qu’il mène depuis dix ans. De fait, celle-ci n’a mené à aucune avancée majeure, alors que, dans le monde, les scientifiques répètent que le Vieux Continent est celui qui se réchauffe le plus fortement et le plus rapidement. Surprise, enfin, car il concède que la France n’a pas réussi à jouer son rôle de leader international concernant ce sujet.

Toutefois, ce plan m’a aussi terrifiée, car, alors qu’il évoque, à la suite des rapports du GIEC, une hausse de 4 degrés de la température d’ici à la fin du siècle, le gouvernement déploie de moins en moins de moyens pour y faire face. Les conséquences seront lourdes, notamment pour le monde agricole : les inondations et les sécheresses seront plus fréquentes et les périodes de canicule intense plus régulières – sans parler des difficultés d’accès à l’eau potable, qui concerneront 20 % de la population française en 2050, selon une étude américaine.

Comment les collectivités pourraient-elles résister, s’adapter, alors que vous sabrez le budget national ? Où est l’ambition ? Où sont les actions ? Où est le Macron champion de la Terre de 2018 ? C’est le même Emmanuel Macron qui, en 2023, avait voulu une pause sur les normes environnementales et qui, le 13 mai, a balayé la question écologique en moins de six minutes sur trois heures d’intervention télévisée. Vous faites de l’écologie un simple outil de communication que vous invoquez pour cacher les incohérences de votre politique écocidaire.

Il n’y a qu’à prendre connaissance de vos récents projets de loi pour constater l’imposture. Le projet de loi de simplification de la vie économique supprime de nombreuses instances indispensables à la protection de l’environnement. La loi Duplomb vise quant à elle « à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » en actant la réintroduction des néonicotinoïdes. Avec vous, une politique lobbyiste a depuis bien longtemps pris le pas sur une réelle ambition de bifurcation écologique.

Après avoir participé à la récente mission d’information sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur l’artificialisation des sols, je crains à la fois votre manque d’ambition et vos incohérences idéologiques. Nos concitoyens attendent des décideurs qu’ils les protègent des catastrophes climatiques. Les habitants de Seine-et-Marne n’en peuvent plus des inondations causées par le bétonnage à tout-va. À quand la mobilisation des logements vacants pour lutter contre l’artificialisation et un programme ambitieux de rénovation du parc de logements actuel pour remplacer la prime en vigueur, qui n’a que peu d’efficacité ? À quand un programme ambitieux de développement des transports en commun, un budget ambitieux pour le plan Vélo et pour le secteur ferroviaire ? À quand une fiscalité adaptée pour favoriser les projets de développement écologique respectueux de la biodiversité ?

Il est bien beau d’afficher ses idées pour lutter contre le changement climatique, mais, sans moyens, cela ne sert à rien.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vais devoir apporter quelques éclaircissements face aux contre-vérités que vous affirmez avec beaucoup d’éloquence.

Vous prétendez que la stratégie climatique n’a pas eu de résultat. Pourtant, depuis qu’Emmanuel Macron est Président de la République, les gouvernements successifs ont replacé la France sur la bonne trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre et nous avons rattrapé le retard pris pendant le quinquennat Hollande. Désormais, nous respectons exactement la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle nous nous étions engagés, ce qui nous a d’ailleurs permis d’éteindre le contentieux pour inaction climatique de l’État ouvert pendant le quinquennat Hollande.

Vous affirmez que la France n’est pas parvenue à jouer son rôle international. Pourtant, c’est un Français que l’on est venu chercher pour présider le cercle des présidences de COP, en amont de la COP de Belém sur les changements climatiques. C’est une Française qui a été choisie pour animer la préparation de cette conférence au niveau européen. C’est au Président de la République française que l’on a demandé d’accueillir la conférence des Nations unies sur les océans. C’est lui qui a pris l’initiative du One Planet Summit, du One Water Summit, du One Forest Summit et du pacte de Paris pour les peuples et la planète – un texte reconnu et utilisé dans les négociations de la COP29 et de la COP16 biodiversité, cette dernière s’étant tenue à Cali puis à Rome.

Enfin, contrairement à vous, je ne confonds pas les projets de loi et les propositions de loi. Du reste, votre groupe a voté pour la suppression d’un certain nombre d’organismes. Chacun doit balayer devant sa porte.

M. Fabrice Barusseau (SOC). Le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, construit à partir des recherches scientifiques les plus récentes et des acquis des précédents plans, fait figure d’avancée significative dans la planification de l’adaptation des sociétés humaines face aux risques du dérèglement climatique.

En intégrant une trajectoire de référence pour l’adaptation au changement climatique, ce plan fixe une nouvelle ligne directrice pour l’ensemble des acteurs. Dans le Pnacc 3, il s’agit de prendre davantage en compte les enjeux locaux que dans les plans précédents, comme l’ont souligné de nombreux acteurs, tels que l’Agence nationale de la cohésion des territoires et l’Agence de la transition écologique (Ademe). Ainsi, la mesure 25 prévoit de fluidifier les relations entre les opérateurs de l’État et les acteurs locaux dans les projets d’aménagement des territoires, grâce à la mission adaptation.

Néanmoins, pour les acteurs locaux, la stratégie nationale formulée dans ce plan reste éloignée de la réalité locale. L’étude des vulnérabilités n’est pas territorialisée, si bien que le plan est déconnecté du terrain.

Pour que les actions d’adaptation soient diffusées au cœur du territoire, l’État doit accompagner les élus locaux afin de leur permettre d’appréhender les conséquences du changement climatique et les démarches à suivre. Il doit instaurer un cadre juridique et budgétaire pour donner une place de premier rang à l’adaptation, comme mesure concrète face au changement climatique, et prévoir des évaluations indépendantes afin de surveiller l’application du Pnacc et de réviser régulièrement les mesures qui y sont prévues.

Surtout, la planification doit permettre de transformer les comportements et les pratiques d’aménagement du territoire, qui ne prennent pas forcément en compte la nécessité de s’adapter au changement climatique. Un bon exemple en est le déploiement de la fibre optique, surtout dans les zones rurales, souvent par voie aérienne ; alors que beaucoup d’argent a été dépensé, il va falloir revoir la méthode pour l’adapter aux éléments naturels en utilisant les deniers publics.

Les actions envisagées dans le Pnacc ont pour objectif le maintien d’un système, alors qu’il faut envisager la transformation des usages sur le long terme afin de permettre l’adaptation de nos sociétés au changement climatique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même si les entreprises ont un rôle à jouer, notamment en adaptant les protocoles prévus pour leurs salariés en période de canicule et en anticipant les risques encourus par leurs actifs, vous soulignez avec raison que la première condition de succès du plan est l’accompagnement des collectivités locales, car celles-ci sont en première ligne. Le plan prévoit donc des mesures relatives à l’ingénierie, dans le cadre de la mission adaptation, fondée sur les compétences des opérateurs de l’État – je livre ici un plaidoyer pro domo, en anticipation du budget que vous voterez dans quelques mois.

Vous mentionnez à juste titre l’importance du cadre budgétaire. Celui-ci est financé pour une large partie par les Français, puisque, sur les 450 millions d’euros de recettes de la surprime catastrophes naturelles, 300 millions abondent le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, et 80 millions d’autres politiques de gestion des risques. La surprime pourrait également servir à financer le fonds Vert, puisque l’on pourrait considérer que celui-ci relève de l’accompagnement du risque. Nous devons en tout cas nous assurer que l’argent versé par les Français en faveur de l’adaptation au changement climatique sert bien cet objectif.

L’évaluation du travail d’adaptation mené par le gouvernement est votre prérogative de parlementaires. Nous avons également prévu que le Conseil national de la transition écologique évalue chaque année l’avancement du plan et, le cas échéant, recommande des ajustements.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Les difficultés créées par le réchauffement climatique sont énormes. On peine à mesurer ses conséquences sanitaires, économiques, sociales et environnementales : multiplication des sécheresses, érosion du trait de côte, vagues de chaleur et ainsi de suite. Nous saluons toute initiative visant à prévenir l’apparition des problèmes.

L’objectif de ce plan est louable, mais il n’est pas certain qu’il puisse être atteint par la succession de mesures techniques proposées. Celles-ci paraissent manquer de vision et d’engagement politique. Madame la ministre, personne ne doute de votre volonté de traiter ce problème grave, mais nous regrettons que le cadrage du plan ne lui permette pas de s’adosser à une projection financière crédible.

Les changements auxquels nous devrons faire face nécessiteront des adaptations drastiques et coûteuses ; or la gabegie budgétaire des gouvernements successifs laisse les finances publiques dans un état déplorable et nous prive de toute marge de manœuvre.

Dans tous les domaines, nous avons besoin de l’État, mais l’État a besoin de moyens. Nous sommes donc reconnaissants envers Michel Barnier d’avoir courageusement annoncé aux Français la catastrophe annoncée si nous ne révolutionnons pas notre conception de la dépense publique. Le groupe Droite républicaine est attaché à l’assainissement des comptes publics non par goût pour l’austérité, mais par considération pour tous les champs de l’action publique qui requièrent des investissements importants.

Madame la ministre, partagez-vous l’idée qu’il faut rompre vigoureusement avec nos pratiques en matière de dépense publique pour redonner à l’État les moyens de ses ambitions ?

Par ailleurs, les 10 millions d’euros annoncés dans le budget pour l’installation de bornes de recharge électriques en zone rurale ont-ils bien été débloqués ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Durant ma carrière dans la fonction publique et en entreprise, j’ai été amenée à redresser mon département dans le secteur automobile et l’entreprise que j’étais chargée de gérer. Les questions économiques et financières ne me sont pas étrangères. J’ai également participé à l’équipe qui a redressé les comptes de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris entre 2003 et 2006. J’ai toujours considéré que ce n’est pas parce qu’un service est public qu’il doit être mal géré.

Outre qu’il faut éviter de creuser notre dette écologique, il faut privilégier les projets d’investissements qui augmentent le potentiel de croissance et diminuent le risque de dépenses publiques futures. Or, comme l’indique la Caisse centrale de réassurance, 1 euro investi dans l’adaptation au changement climatique permet d’éviter 8 euros de dépenses. Cette dépense publique permettra ainsi d’éviter d’insulter l’avenir et de laisser déraper les finances publiques.

Il faut associer la trajectoire de décarbonation avec une politique industrielle et économique, comme la Chine parvient à le faire. Ce pays a diminué de 48 % l’intensité carbone de son économie, sans perdre en compétitivité et en créant des filières industrielles pour lesquelles elle est devenue leader mondial en matière de créations d’emplois et de richesses. Ces investissements-là ont un sens. Nous avons conçu la vallée de la batterie électrique, dans les Hauts-de-France, sur ce modèle.

La trajectoire des finances publiques doit être crédible. J’invite chacun à se saisir des enjeux de la dette écologique et de la dette financière. Nous risquons de les creuser si nous ne prenons pas les décisions nécessaires pour transformer notre économie, si nous loupons le virage des industries vertes et si nous n’anticipons pas les aléas climatiques, qui sont malheureusement connus – nous savons par exemple avec une précision clinique où sera le trait de côte en 2050 et quelles maisons, quelles activités de loisir et de tourisme auront disparu. C’est maintenant qu’il faut agir et investir.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Une actualité médiatique en chassant une autre, nous pourrions presque nous habituer à la multiplication des événements climatiques extrêmes. Hier encore, à la suite de fortes précipitations dans la région de Toulouse, des routes et des voies ferrées ont été coupées. Aujourd’hui, des personnes sont décédées à la suite de violents orages dans le Var. N’oublions pas que le changement climatique est à l’origine de ces événements. Il faut agir pour s’y adapter.

C’est tout l’objectif du Pnacc 3, dont nous saluons la publication récente, même si nous craignons qu’il ne soit pas à la hauteur des besoins. Malheureusement, ce ne sont pas seulement les événements climatiques extrêmes qui sont récurrents, mais également les coupes budgétaires – cette année, 3 milliards d’euros de crédits ont été annulés, dont 550 millions d’autorisations d’engagement pour la mission Écologie, développement et mobilité durables. Parmi ces annulations, lesquelles concernent l’adaptation au changement climatique ? Ne risquent-elles pas de réduire les ambitions du Pnacc 3 ?

La Cour des comptes évoque un « mur d’investissement ». Il faut une vision de long terme. Envisagez-vous une loi de programmation sur l’adaptation au changement climatique, afin de garantir des financements dans la durée et de donner de la visibilité à tous les acteurs concernés ?

Vous évoquez l’inscription de la Tracc dans la loi. J’en suis ravi, travaillant depuis quelques mois sur une proposition de loi en ce sens. Votre objectif est de permettre une mise à jour plus rapide des PCAET. Même si cet outil est très intéressant, tous les EPCI n’en sont pas encore dotés ; au demeurant, il n’est pas contraignant. Pourquoi ne pas passer plutôt par des documents d’aménagement du territoire qui le sont davantage, tels que le PLU (plan local d’urbanisme), le Scot (schéma de cohérence territoriale), le plan de prévention des risques d’inondation ou le plan communal de sauvegarde ? Il est urgent d’éviter la maladaptation.

Signalons enfin que quatorze sinistrés climatiques et plusieurs associations, dont Oxfam, Notre affaire à tous et Greenpeace, ont engagé une démarche en justice, arguant que les lacunes de l’adaptation au changement climatique étaient trop importantes et que, sur les 310 actions prévues par le Pnacc, seulement 48, soit 15 %, ont fait l’objet d’une évaluation budgétaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je redonne les chiffres. Les mesures consacrées à l’adaptation représentent, en autorisations d’engagement, 374 millions d’euros dans le programme Prévention des risques, dont 283 millions pour le fonds Barnier, 62 millions pour la prévention des risques naturels et hydrauliques et 28 millions pour la prévention du retrait-gonflement des argiles. L’effort budgétaire consenti est de 22 millions d’euros, soit un peu moins de 6 % du total de ces crédits.

Au sein du fonds Vert, je l’ai dit, 216 millions sont consacrés aux mesures d’adaptation au changement climatique – c’était 229 millions avant l’annulation de crédits. Le financement des PCAET est passé de 200 millions à 189 millions après annulation.

Tout ministre qui défend une politique de long terme apprécie les lois de programmation pluriannuelle. De manière plus générale, pour les sujets écologiques, il est intéressant de disposer d’une trajectoire pluriannuelle. Le bloc central a engagé des démarches afin que ce soit le cas pour le budget vert. Bercy publie chaque année une analyse de la trajectoire pluriannuelle du financement de la transition écologique.

S’agissant du projet de donner une valeur juridique à la Tracc, je propose de passer non par la loi, mais par la voie réglementaire. La mesure concernera effectivement les documents d’urbanisme. Elle concerne déjà le PCAET – c’est l’objet du patch °C –, même si l’intégration de la Tracc dans ce document est plus informelle, puisque le PCAET n’est pas un document d’urbanisme contraignant.

M. Hubert Ott (Dem). Face à la crise profonde qui modifiera sensiblement les conditions de la vie sur terre, ce troisième plan national d’adaptation au changement climatique est une nécessité.

Dans ce contexte, la ressource en eau est centrale. Nous devons sortir de la gestion de crise et privilégier dès maintenant l’anticipation, en prenant des décisions éclairées pour l’avenir. Qu’il s’agisse des zones humides, des prairies permanentes, des sols vivants, des haies ou des retenues collinaires, tous les dispositifs qui permettent de mieux retenir l’eau dans chacun de nos territoires doivent être promus. Cessons d’opposer les mécanismes naturels qui favorisent le maintien de l’eau et sa disponibilité aux infrastructures historiques ou contemporaines qui prolongent cette logique et la renforcent – telles que les fossés d’irrigation, entre autres ouvrages permettant de décharger localement les cours d’eau lors des crues saisonnières. Le bon sens paysan nous invite à réconcilier les deux. C’est plus que jamais la voie d’avenir.

La zone humide est un capital naturel fabuleux, qui héberge une biodiversité spécifique. C’est également un outil pour conforter la disponibilité de la ressource en eau. Ces deux valeurs sont fondamentalement compatibles. Sans eau, ni la nature, ni l’agriculture, ni les êtres humains n’auront d’avenir. Les intérêts convergent. Agissons en conséquence.

Le pacte en faveur de la haie, promu par Marc Fesneau quand il était ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et qui vise la plantation de 50 000 kilomètres de haies d’ici à 2030, reste d’actualité. Il permettra d’atténuer les fluctuations thermiques et de préserver l’humidité. Toute réduction du budget alloué à cette priorité affaiblira la dynamique de terrain lancée pour atteindre cet objectif.

Agriculteurs, collectivités, chambres d’agriculture, associations et fédérations de chasseurs ont là l’occasion d’un combat commun dans l’intérêt du pays. L’État doit donc réaffirmer son soutien à ce projet d’agroécologie concrète, qui est un outil de résilience au service de tous. L’agriculture est d’intérêt général majeur ; la ressource en eau est d’intérêt général vital. La recherche de résilience est une obligation absolue, que nous devons inscrire dans le marbre des politiques publiques. Tout modèle d’avenir qui fera converger ces questions indissociables bénéficiera aussi bien aux agriculteurs, aux décideurs et aux entrepreneurs qu’au reste de nos concitoyens. Le moment est venu de dire non à tous ceux qui divisent et de dire oui aux projets qui rassemblent.

Comment mieux associer les savoirs scientifiques, les savoir-faire locaux, les nouvelles compétences agricoles et les contributions citoyennes pour construire une stratégie d’adaptation véritablement partagée, à la hauteur des défis qui nous attendent ?

Nous avons l’occasion de fonder notre politique de l’eau sur l’anticipation, la sobriété, les impératifs de notre agriculture et le respect des écosystèmes. Ne la laissons pas passer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Oui, pour anticiper l’évolution de la ressource en eau, nous devons prendre en compte tous les actifs naturels. Les zones humides ont la capacité de capter l’excès d’eau lors des inondations et de le restituer pendant les périodes de sécheresse. Elles ont donc une grande valeur. Il faut s’assurer que celles qui subsistent sont en bon état de fonctionnement et envisager la restauration des autres – les investissements nécessaires sont souvent raisonnables. Ce sera l’un des enjeux de la consultation que je lancerai à la fin de la semaine sur la restauration de la nature, dans le cadre de la politique que nous défendons à l’échelle européenne.

Le pacte en faveur de la haie a effectivement montré son efficacité. Encore fallait-il simplifier la définition de la haie. Nous l’avons fait dans la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Jusqu’alors, la haie faisait l’objet de près de quatorze définitions différentes, avec des modes de gestion différents.

Les agriculteurs doivent disposer d’une sorte de mode d’emploi de la haie pour savoir rapidement comment la valoriser, quand il est opportun d’intervenir et quand ce n’est pas le cas. L’entretien des haies doit devenir habituel et les agriculteurs ne doivent pas perdre un temps infini sur ces questions.

Les mesures de la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie ont été intégralement reprises dans le projet de loi d’orientation agricole. Elles seront financées par des paiements pour services environnementaux – un levier très intéressant, qui devra être mieux intégré aux exercices budgétaires à venir et à la politique agricole commune – et par le Label bas-carbone, qui apparaît moins efficace en matière agricole qu’en forêt – je travaille donc avec les agriculteurs aux ajustements nécessaires. En outre, le bonus haies de la politique agricole commune a été revalorisé ; reste à savoir s’il a atteint le bon niveau.

Concernant la ressource en eau, notre politique repose sur une approche quantitative et qualitative. Le plan « eau » vise à favoriser autant que possible la sobriété et les économies d’eau. Un gros travail doit encore être mené concernant la réutilisation, une pratique qui n’est pas aussi ancrée en France que dans les pays qui ont été exposés plus tôt au changement climatique ou à des canicules fortes, tels qu’Israël et l’Espagne. Nous devons par ailleurs accompagner les acteurs pour garantir la fonctionnalité du stockage et de la gestion de l’eau ainsi que le partage de cette ressource. Dans le cadre de la Conférence nationale sur l’eau, je lancerai sur ces points des débats au niveau de chaque agence de bassin, voire de chaque sous-bassin.

Derrière la question de l’accès à la ressource en eau, il y a celle de l’accès à l’eau potable. Qualité et quantité sont indissociables. Ainsi, pendant les canicules, les pollutions se concentrent dans l’eau et les seuils de qualité risquent d’être franchis. À l’heure actuelle, plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens dépendent d’un unique point de captage, ce qui les rend vulnérables. Cela pose la question plus large du financement du grand cycle de l’eau, que nous ne réglerons pas en deux minutes, mais que nous devons nous poser pour disposer d’une vision solide et crédible jusqu’en 2050.

M. Jean-Michel Brard (HOR). La transition est un défi majeur. L’année 2024 a illustré de manière saisissante la réalité du dérèglement climatique. Des températures records et des précipitations exceptionnelles ont eu une incidence tant sur la quantité que sur la qualité de l’eau dite brute. Le Pnacc 3 doit nous permettre d’adapter nos infrastructures, nos politiques et nos activités économiques.

La qualité des ressources en eau brute se dégrade à cause des produits phytosanitaires, des pesticides et des polluants éternels. Ces pollutions sont issues des industries, des collectivités, des particuliers et, bien sûr, de l’agriculture. Des objectifs ambitieux ont été formulés en 2008, lors du Grenelle de l’environnement, mais ils sont loin d’être atteints. Cet échec tient en grande partie au manque de moyens. Seulement 11 % des financements publics versés aux acteurs de l’agriculture sont orientés vers la baisse des pesticides et seulement 1 % de cette part contribue véritablement à cette baisse. Pourtant, l’utilisation des pesticides coûte très cher à la France, notamment si l’on prend en compte le coût sanitaire des maladies qui y sont liées – pensons aux cancers pédiatriques, dans certains secteurs – et le coût de la dépollution de l’eau pour la rendre potable. Ces coûts continueront à augmenter de manière exponentielle dans les années à venir.

Madame la ministre, seriez-vous prête à défendre un mécanisme réglementaire d’indemnisation pérenne des agriculteurs cultivant sur les bassins-versants des aires de captage et d’alimentation en eau brute, en contrepartie de l’interdiction des pesticides ?

La pêche côtière artisanale, l’un des piliers des territoires littoraux, contribue à notre souveraineté alimentaire et constitue un patrimoine vivant et un savoir-faire précieux. Or elle fait face à une crise écologique et économique. Dans ce contexte tendu, certaines ONG, comme Bloom, mènent des actions particulièrement violentes. Nos pêcheurs sont très inquiets.

Envisagez-vous de réserver une place particulière à la filière de la pêche artisanale, à terre comme en mer, dans les politiques publiques maritimes ? Pourriez-vous territorialiser les quotas de pêche pour qu’ils répondent aux besoins des façades maritimes, comme celle de Loire-Atlantique ? Enfin, pouvez-vous garantir la protection des activités de pêche côtière – c’est-à-dire au sein de la zone des 3 milles nautiques – face au développement des zones de protection forte ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour réduire l’usage des produits phytosanitaires, nous nous appuierons sur deux démarches. La première, qui a prouvé son efficacité, consiste à accompagner les agriculteurs dans leur conversion au bio grâce à des systèmes de soutien. Il faut également s’assurer que leur production aura des débouchés, pour garantir la soutenabilité de l’agriculture bio.

La deuxième démarche repose sur les paiements pour services environnementaux, pour encourager les pratiques d’agriculture régénératrice. La stratégie Écophyto 2030 vise à réduire de 50 % l’usage des produits phytopharmaceutiques. Tous les produits ne se valent pas ; les produits de biocontrôle n’appellent pas la même vigilance que les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR). Nous avons à peu près éradiqué tous les produits classés CMR 1. Pour certaines substances classées CMR 2, il nous reste à trouver non pas des produits alternatifs, mais des solutions alternatives, reposant sur des itinéraires techniques complexes, nécessitant un changement de pratique agricole. Souvent, cela suppose davantage de main-d’œuvre et cela coûte plus cher, même si les agriculteurs concernés peuvent économiser sur les produits phytosanitaires.

On peut également envisager de se tourner vers les nouvelles techniques génomiques, qui permettent de sélectionner des semences plus résilientes – mais il faudrait que le cadre européen évolue en la matière –, vers l’alternance des assolements et vers la superposition de différents types de semences, certaines pouvant protéger les autres.

Le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) doit être maintenu, à un niveau élevé. Au-delà, nous défendons au niveau européen une vision qui consiste, comme nous l’avons fait pour d’autres terrains de jeu, à investir massivement dans les alternatives aux produits phytosanitaires. Cela ira probablement plus vite si nous mettons tous nos moyens en commun, comme le propose une note des autorités françaises que j’ai adressée en début d’année, avec la ministre de l’agriculture, à la commissaire européenne chargée de l’environnement. Il faut des moyens pour permettre la redéfinition des itinéraires techniques.

Je signale également l’existence du programme Praam (prise de risque amont aval et massification de pratiques visant à réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques sur les exploitations agricoles), qui « dérisque » les agriculteurs d’une manière efficace, en leur apportant un soutien en fonction des résultats obtenus. En effet, ceux qui s’engagent dans un nouvel itinéraire technique font un lancer de dés : outre l’incertitude sur les résultats au bout de cinq ans, si c’est la durée prévue pour l’itinéraire technique, il existe chaque année des aléas météorologiques – gels tardifs, inondations, épisodes de grêle, etc.

Ces pistes, sur lesquelles Marc Fesneau avait travaillé, me paraissent efficaces. Je pense que nous aurions intérêt à y réfléchir au niveau européen et à l’échelle nationale, dans la perspective du prochain budget.

Par ailleurs, je me tiens évidemment aux côtés des pêcheurs. Pour ce qui est du Brexit, vous l’avez vu, nous avons reçu hier une excellente nouvelle. Je travaille aussi dans le cadre de la conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc) avec la communauté des pêcheurs, les scientifiques et les organisations non gouvernementales, notamment celles impliquées dans la gestion d’aires marines protégées, sur la façon de concilier amélioration de la protection des zones les plus fragiles – comportant des posidonies, des têtes de canyon en Méditerranée, des maërls ou des frayères de poissons – et pratiques de pêche. Ce n’est pas tout noir ou tout blanc : il faut faire de la dentelle, notamment sur la base des travaux d’analyse des risques des activités de pêche que nous avons déjà lancés, mais on peut aussi définir assez vite avec les pêcheurs des zones plus évidentes où il serait possible de progresser tout de suite. Voilà ce que nous sommes en train de faire avec eux et les autres parties prenantes.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Je ne m’étendrai pas sur le plan d’adaptation au changement climatique : il a le mérite d’exister et comporte des mesures cohérentes. Soyons pragmatiques : il faut un plan de ce type. J’évoquerai plutôt l’outre-mer, qui ne fait pas l’objet d’un seul mot alors que ce sont les territoires les plus fragiles et sans doute les plus exposés, où des problèmes se posent déjà du fait de l’élévation du niveau de la mer et de la disparition de la biodiversité, et où les tempêtes sont de plus en plus violentes – même si c’est aussi le cas dans l’Hexagone.

La difficulté, face au défi qui nous attend, est de composer avec la temporalité politique, qui est par nature instable, donc changeante, et la temporalité des aménagements nécessaires pour s’adapter, qui vont s’étirer sur cinquante ou quatre-vingts ans. Dans beaucoup de coins d’outre-mer, on est déjà dans l’action : on doit déménager des populations. Le village de Miquelon, par exemple, a déjà amorcé le mouvement. Son maire a fait des choix et, même si je ne les partage pas, je respecte toujours ceux des élus.

Madame la ministre, je plaide pour la création d’un guichet unique et je voudrais avoir votre avis à ce sujet. Tout est beaucoup plus compliqué dans l’outre-mer. À Miquelon, il faut déplacer un peu plus de 200 habitations : un projet qui va se réaliser dans les deux ans qui viennent en concerne à peu près quinze ; la suite doit s’enclencher. Je voudrais que le maire de Miquelon ait de la visibilité sur cinq, dix ou quinze ans. Nous n’avons pas réglé le problème de l’aérodrome, qui fera partie des premières zones sous l’eau, ni celui du port, qui sera, lui, le premier touché. Vous comprendrez bien que sur une île, sans port ni aérodrome, la situation devient un peu compliquée.

Nos territoires ont besoin d’une vision stratégique, de synergies à leur échelle, de technicité et d’un accompagnement. Nous avions notamment un projet pour réhabiliter l’usine EDF, mais il est suspendu parce qu’on ne sait pas s’il faut conserver le site d’origine. Même pour des dossiers urgents – cette centrale arrive en fin de vie –, les décisions tardent. Nous avons l’avantage d’écrire le mode d’emploi, d’essuyer les plâtres, mais il faut nous accompagner d’une manière plus simple.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’ai mentionné l’outre-mer dans mon propos introductif – j’en ai même parlé un peu plus longuement que prévu. Les territoires d’outre-mer font évidemment partie de notre feuille de route : ils sont très directement concernés par le plan national d’adaptation au changement climatique, par ses actions en général et par des actions spécifiques. En effet, les risques, je l’ai dit, sont spécifiques à chaque territoire. Saint-Pierre-et-Miquelon est ainsi concernée par un risque de submersion et non par l’érosion du trait de côte, tandis que la Guyane, La Réunion et la Polynésie font face à d’autres difficultés.

Je tiens à vous rassurer : Saint-Pierre-et-Miquelon, dont la situation est bien connue, dispose d’un appui dans le cadre du fonds Vert et du fonds Barnier. Dans un premier temps, les services de l’État ont choisi de travailler sur le déplacement des réseaux, considérant que c’était la priorité dans ce territoire. Nous avons demandé à tous les opérateurs, EDF, Enedis, RTE, ADP ou la SNCF, d’établir leurs propres plans. Ils sont équipés pour préparer des plans d’adaptation au changement climatique en faisant appel à leur propre ingénierie et à leurs propres bureaux d’études. Ils ont des capacités de financement des investissements, mais aussi de diagnostic et d’élaboration de feuilles de route. Tout cela est en cours. EDF a un plan d’adaptation au changement climatique qui est décliné par territoire et prévoit des options différentes selon la nature de celui-ci. Au-delà du cas de Saint-Pierre-et-Miquelon, nous avons évidemment étudié les enjeux pour le réseau nucléaire, colonne vertébrale de notre système électrique.

Un ministre dépensier a le goût des lois de programmation ou des trajectoires budgétaires pluriannuelles, qui lui donnent de la visibilité, mais la règle du jeu, je le déplore, est l’annualité budgétaire. Il serait utile de créer une mission qui permette de prévoir les investissements de l’État, des collectivités locales, de la Caisse des dépôts – ils ont augmenté, à ma demande, de 2 milliards d’euros en 2025 pour compenser les baisses dans le budget de mon ministère – et de l’Union européenne – ils sont loin d’être négligeables dans ce domaine.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions de Philippe Fait, Fabrice Barusseau et Vincent Descoeur dans le cadre de leur mission d’information sur l’adaptation de l’aménagement des territoires au changement climatique.

M. Philippe Fait (EPR). Les inondations qui ont frappé le Pas-de-Calais nous rappellent, une fois de plus, que le dérèglement climatique n’est plus un horizon lointain : il est là, brutal, imprévisible et désormais permanent, comme l’ont également montré les inondations dévastatrices à Valence, le passage destructeur du cyclone Chido à Mayotte, la tempête Kirk dans l’Essonne et les Yvelines ou les orages et les fortes pluies qui ont balayé, lundi, l’Occitanie.

Les experts auditionnés dans le cadre de notre mission d’information l’affirment : les aléas se multiplieront et s’intensifieront dans les deux sens, excès d’eau et sécheresse extrême, à quoi s’ajoute le recul du trait de côte. Dans le Pas-de-Calais, où nous avons tous deux été élus, madame la ministre, nous souffrons depuis plus de trois mois d’une sécheresse rarement observée auparavant au printemps, mais nous avons aussi connu des inondations sans précédent – parmi les 164 communes de ma circonscription, 100 ont été touchées, violemment.

Ce constat impose de changer de paradigme. Le défi de l’adaptation de notre société au changement climatique ne relève plus de la prospective mais de l’urgence. Les impacts sont là, tangibles. Ils appellent des réponses coordonnées, efficaces et à la hauteur des enjeux. Notre action se heurte à deux obstacles majeurs : le financement des mesures d’adaptation et la clarté de la gouvernance.

Je laisserai le soin à mon corapporteur, Fabrice Barusseau, d’exposer la question des modalités de financement. S’agissant de la gouvernance, il nous est apparu, au fil de nombreux échanges avec les élus et les habitants de nos territoires, qu’il était essentiel de la calibrer en fonction du périmètre pertinent pour chaque territoire. Madame la ministre, envisagez-vous une nouvelle organisation qui permettrait de regrouper plusieurs collectivités et EPCI ?

M. Fabrice Barusseau (SOC). Notre mission d’information, sur le point de se conclure, a mis en lumière l’hétérogénéité du changement climatique, qui affecte différemment les territoires et les Français. Ainsi, les inondations dans le Pas-de-Calais et en Charente-Maritime n’avaient pas les mêmes causes ni les mêmes effets et elles traduisent des vulnérabilités différentes. Les solutions ne peuvent donc pas être dupliquées à l’identique.

L’enjeu est de nous préparer à l’évolution du climat tout en luttant contre ce phénomène grâce à des politiques d’atténuation. Bien que la lutte contre le changement climatique soit une affaire transnationale, les réponses doivent venir d’une articulation des échelons locaux et nationaux des pouvoirs publics afin d’éviter les maladaptations et les surcoûts. Les solutions pilotées par l’État doivent être agiles et spécifiques, cohérentes et adaptées à la diversité des territoires.

S’agissant de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi), nous avons constaté un déséquilibre territorial préjudiciable. Les EPCI à fort potentiel fiscal, souvent situés en aval, ne sont pas incités à mobiliser la taxe prévue en la matière, ce qui fait peser l’investissement sur les EPCI situés en amont, plus ruraux et moins peuplés, donc à faible potentiel fiscal, tout en étant fortement exposés aux risques.

Le mécanisme de financement devrait traduire une solidarité territoriale entre l’amont et l’aval afin de mieux répondre aux besoins d’adaptation face aux risques d’inondation par débordement de cours d’eau. Un tel mécanisme doit être pensé à l’échelle des bassins, pour que l’ensemble des riverains puissent bénéficier des réaménagements, et l’approche territoriale doit être définie par l’État de manière à garantir une bonne coordination des actions d’adaptation. L’État doit insuffler une dynamique nationale d’adaptation, en coopération avec les parties prenantes : collectivités territoriales, entreprises, chercheurs et associations. Les décideurs publics et les acteurs privés doivent se saisir de leurs responsabilités : la question de l’adaptation mérite une politique spécifique qui soit d’ampleur.

M. Vincent Descoeur (DR). Je me concentrerai sur la prévention des inondations, qui pose effectivement la question de la solidarité entre les territoires. Celle-ci s’ajoute à la difficulté principale, qui est le décalage entre les moyens mobilisables et les investissements à financer. Madame la ministre, que préconiseriez-vous pour instaurer plus de solidarité territoriale entre l’amont et l’aval ? La compétence détenue par les EPCI peut être transférée à des syndicats mixtes. Faut-il envisager de rendre automatique ce transfert dans les cas les plus graves ? S’agissant des moyens de financement, que penseriez-vous d’une augmentation du plafond de la taxe Gemapi, voire de son déplafonnement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Si j’avais des réponses très claires à ces questions, je les aurais déjà présentées dans un projet de loi. La mécanique nécessaire est fine et complexe. Nous l’avons vu dans le Pas-de-Calais, où une série d’exercices pratiques nous a fait toucher du doigt les difficultés de mise en œuvre, qu’il s’agisse de l’utilisation de la taxe Gemapi, du volume des budgets, des soutiens de l’État ou de la gouvernance, au sujet de laquelle différents avis ont été formulés.

Nous sommes arrivés à l’idée que la création d’établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) était une bonne façon d’assurer la gouvernance de l’ensemble des EPCI concernés, mais qu’il ne fallait pas nécessairement l’imposer. Certaines obligations de transfert de compétences ont été détricotées ; de plus, on trouvera toujours des moutons à cinq pattes qui n’entreront pas dans le cadre d’une loi standard, a fortiori pour ce type de questions. Il est, du reste, assez probable que la logique administrative ne corresponde pas toujours à celle du bassin-versant, comme on le voit dans les territoires de montagne.

Par ailleurs, si les EPTB paraissent une bonne approche, elle est difficile à mettre en œuvre parce que les élus de terrain peuvent avoir le sentiment de perdre leurs compétences dans des domaines où ils sont en première ligne et, pour le dire vulgairement, à portée d’engueulade. J’ai vu des tensions entre des présidents d’EPCI qui faisaient leur job et des maires ayant le sentiment de ne pas être suffisamment associés aux décisions aux effets très quotidiens qui étaient prises pour lutter contre les inondations.

Les programmes d’action pour la prévention des inondations (Papi), cofinancés par le fonds Barnier, donc par la solidarité nationale, créent une solidarité entre l’amont et l’aval, dans le but d’améliorer les systèmes de prévention. On pourrait se donner pour objectif d’en avoir un maximum qui soient fondés sur des diagnostics territoriaux.

Les questions de financement sont également délicates. Une augmentation de la taxe Gemapi reviendrait à annoncer qu’on taxe plus. D’un autre côté, on sait que les moyens nécessaires sont élevés et que plus on déploie rapidement des politiques permettant d’assurer une bonne adaptation, plus on protège les patrimoines, l’intégrité physique des personnes – nous avons eu la chance, dans le Pas-de-Calais, de ne pas déplorer de décès, mais ce n’est pas le cas partout, on l’a vu dans le Var – ainsi que l’ensemble des ouvrages, au lieu d’avoir à nettoyer ou à refaire les ponts, les berges, les routes, les cantines scolaires, les écoles, les bâtiments des services administratifs, ce qui est impossible pour des collectivités locales dotées de budgets minuscules sans en appeler à la solidarité étatique.

Je reste disponible pour échanger sur ces questions, en soulignant qu’une mission d’information assez proche a été conduite par les sénateurs Rapin et Roux et qu’une proposition de loi abordant certains des points dont nous parlons a été déposée par la sénatrice Lavarde. Il serait probablement utile de créer un groupe transpartisan pour cristalliser dans un vecteur législatif ce qui ressort de vos différents travaux. Nous en avons besoin, et sans que cela prenne trop de temps.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Nicolas Thierry (EcoS). Le Conseil d’État a rappelé en 2023, dans l’affaire de Grande-Synthe, l’obligation juridique de l’État en matière de protection contre le changement climatique. En avril dernier, quatorze sinistrés climatiques et des associations, dont l’Affaire du siècle, ont lancé une nouvelle action en justice contre l’État. Leur recours pointe les nombreuses limites du troisième plan d’adaptation au changement climatique, notamment le manque de chiffrage des mesures et de prise en compte des inégalités sociales et territoriales. Il montre à cet égard que les ménages modestes, les quartiers populaires, les territoires d’outre-mer et les personnes vulnérables risquent d’être les oubliés de l’adaptation. Votre ministère prévoit-il de faire évoluer le plan national afin de répondre à ces critiques ? Quelles mesures envisagez-vous pour le renforcer sur le plan budgétaire et social et, ainsi, prémunir l’État contre une nouvelle condamnation ?

Mme Sophie Panonacle (EPR). Alors que les sécheresses s’intensifient et que les mégafeux s’étendent à des régions jusque-là épargnées, il est urgent de renforcer la protection des écosystèmes forestiers en franchissant un cap en matière d’opérationnalité.

Tout d’abord, un droit de préemption forestier a été instauré par la loi du 10 juillet 2023 pour des parcelles forestières exposées à un risque d’incendie mais, en l’absence de décret d’application, ce droit demeure inopérant. Pouvez-vous nous dire à quelle échéance le décret sera publié ?

Seconde priorité : les coupes rases, au sujet desquelles le Pnacc reste silencieux. Leur pratique intensive a pourtant des effets bien documentés : perte de carbone dans le sol, dégradation des sols et atteinte à la biodiversité. Vous l’avez vous-même rappelé, éviter les coupes rases rendait la forêt plus résistante et il faut chercher un juste équilibre. Selon vous, quel est-il ? Je propose, avec des collègues, un encadrement progressif et proportionné des coupes rases, qui seraient notamment interdites en zone protégée et à proximité des cours d’eau. Seriez-vous favorable à l’inscription d’un tel encadrement dans une nouvelle loi ?

M. Belkhir Belhaddad (NI). Une des mesures du plan national d’adaptation au changement climatique concerne la qualité de l’air extérieur lors des vagues de chaleur, qui accentuent la concentration de certains polluants et leurs effets sur la santé. Les Jeux olympiques et paralympiques ont été l’occasion d’expérimenter des dispositifs visant à améliorer la qualité de l’air, qui font partie de l’héritage de Paris 2024. Les immeubles du village des athlètes ont ainsi été érigés en plots pour permettre la circulation de l’air et des purificateurs dits aérophiltres, qui ont fait beaucoup parler d’eux, ont été installés. Je pense aussi à des dispositifs de traitement au moyen de microalgues et d’un lavage à l’eau qui permettent de diffuser de l’air purifié dans l’espace public. A-t-on pu dresser un bilan de la mise en œuvre de ces dispositifs ? Pourrait-on les tester à nouveau ou les déployer à grande échelle ?

Mme Julie Lechanteux (RN). Ce matin encore, les habitants du Var ont été durement touchés par de violentes inondations. Trois vies ont été emportées, des routes coupées et des habitations sinistrées. Notre territoire subit de plein fouet les effets du dérèglement climatique, qui ne sont plus des exceptions, mais la norme. J’ai lu le nouveau plan national d’adaptation au changement climatique ; je n’y ai vu aucune réponse concrète pour protéger nos territoires. Sur le terrain, les élus veulent agir mais sont bloqués par une avalanche de procédures, d’études écologiques interminables et très coûteuses, souvent déconnectées de l’urgence, au détriment de vies humaines : pendant que les dossiers stagnent, les habitants subissent. Madame la ministre, quand lèverez-vous enfin les freins administratifs et idéologiques afin de permettre aux collectivités d’agir vite pour protéger efficacement les habitants ?

M. Julien Guibert (RN). Notre pays s’engage, avec ce troisième plan national d’adaptation, dans une nécessaire anticipation des bouleversements à venir. Parmi les cinquante et une mesures annoncées, celle qui vise à assurer la résilience de la filière bois a particulièrement retenu mon attention. En effet, cette filière n’est pas simplement une variable économique, mais un mode de vie et un pilier de notre patrimoine rural, notamment dans mon département, la Nièvre.

La mise en place de la fiscalité REP (responsabilité élargie du producteur) sur les combustibles à base de bois, notamment le bois bûche, entre en contradiction avec votre plan et alourdit la charge fiscale sur une ressource énergétique locale, renouvelable et économique. Dans les territoires ruraux, se tourner vers le bois de chauffage est un choix de bon sens, dicté par les réalités financières. La nouvelle taxe pèse directement sur les ménages en situation de précarité énergétique. Par ailleurs, peut-on décemment prétendre renforcer la résilience de la filière bois tout en pénalisant son principal débouché ?

Autre difficulté, les scolytes qui continuent de ravager les épicéas provoquent des pertes économiques majeures pour nos sylviculteurs. Vous avez évoqué la résilience économique de la filière, mais les professionnels attendent des garanties. À quelle hauteur l’accompagnement prévu par le plan d’adaptation sera-t-il financé ? Quelles évolutions sont prévues pour soutenir le reboisement, la diversification des peuplements et l’équipement des scieries ?

Mme Julie Ozenne (EcoS). « Les zones humides sont essentielles. Leur préservation n’est pas qu’une question environnementale : elle est un enjeu de résilience territoriale. » C’est ce que vous avez déclaré le 12 novembre 2024. Dans un contexte marqué par le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, la dégradation et la disparition des zones humides exposent les Français à des risques majeurs, tels que les inondations et les sécheresses, qui sont de plus en plus violentes. Il est urgent de préserver toutes les zones humides possibles et de restaurer celles qui ont été dégradées, comme vous l’avez dit tout à l’heure.

C’est pour cette raison que notre commission a supprimé l’article 5 de la proposition de loi Duplomb, qui donnait le droit de détruire des zones humides dégradées, en contradiction totale avec le règlement européen relatif à la restauration de la nature, la directive-cadre sur l’eau, le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, le troisième Pnacc et les propositions que vous avez faites jusqu’à présent. Pouvons-nous compter sur vous pour que le gouvernement ne soutienne pas la réintroduction de cet article en séance ?

M. Vincent Rolland (DR). L’enfant du massif de la Vanoise que je suis est bien placé pour dire que les glaciers alpins souffrent particulièrement du réchauffement climatique. À l’occasion du colloque « Agir pour les glaciers » qui s’est tenu à Bourg-Saint-Maurice, dans ma circonscription, vous avez déclaré votre intention de classer 100 % des glaciers français en zone de protection forte d’ici à 2030. Cette intention, aussi ambitieuse et louable soit-elle, suscite des interrogations, qui concernent notamment ses conséquences concrètes dans nos territoires de montagne. Quelle en sera la traduction, par exemple, pour les guides de haute montagne, habitués à amener des clients sur les glaciers, ce qui est d’ailleurs l’occasion d’une sensibilisation à la question du réchauffement climatique ? Pourront-ils continuer leur activité ? En sera-t-il de même pour les quelques glaciers équipés en remontées mécaniques ?

Mme Justine Gruet (DR). S’agissant des forêts, je crois que l’université Marie-et- Louis-Pasteur mène des recherches sur les scolytes. Quelles mesures pourrions-nous prendre dans ce domaine ?

Je souhaite faire un parallèle avec la filière du comté, à laquelle j’espère que vous apporterez votre plein soutien : ses trois piliers sont rémunérés à leur juste valeur sur la base d’un cahier des charges très strict, qui est un gage de qualité. J’ai dans ma circonscription la deuxième forêt de feuillus de France, celle de Chaux. Comment pourrions-nous structurer, selon le même modèle, la filière bois pour faire en sorte que chacun y trouve sa place ? Cette filière repose localement sur des acteurs précieux, les communes, l’Office national des forêts (ONF), des opérateurs privés tels que les scieurs et les constructeurs, ou encore les lieux de formation. Comment l’État pourrait-il réinvestir dans les outils de transformation ? Nous arrivons à remettre en place la première transformation, mais nous restons complètement démunis pour la deuxième et la troisième, ce qui fait que nous laissons partir nos grumes et de la valeur ajoutée liée à ce noble produit qu’est le bois.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Thierry, vous avez évoqué l’affaire de Grande-Synthe. Nous n’avons pas été condamnés, parce que le retard pris lors du quinquennat Hollande en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre a été rattrapé grâce au travail engagé sous les gouvernements successifs du président Macron, qui ont permis de réduire les émissions de l’ordre de 20 % en sept ans, contre 15 % seulement au cours des vingt-sept années précédentes. Nous sommes donc allés trois fois plus vite que nos prédécesseurs. Ces éléments factuels sont importants, car ils nous encouragent à agir.

La question des inégalités territoriales est absolument majeure, vous avez raison. Nous avons décidé dans le cadre du Conseil de planification écologique de lancer une mission sur la fracture écologique pour mesurer, avec des économistes de référence, la façon dont le dérèglement climatique impacte différemment les territoires et les populations. Notre intuition est que, comme vous l’avez dit, les plus vulnérables, ceux dont les moyens sont les plus modestes, seront les premiers touchés par les pollutions, les inondations et les pertes d’emploi liées au dérèglement climatique. Je rappelle à cet égard que 80 % des emplois en France ont une relation directe ou indirecte avec des actifs naturels. C’est donc aussi un sujet majeur sur le plan économique, notamment pour le pouvoir d’achat.

S’agissant du chiffrage des mesures, le budget est annuel, je l’ai dit. Une dimension pluriannuelle est intégrée dans des trajectoires, notamment celle du pacte de stabilité, mais nous n’avons pas de loi de programmation ou d’équivalent en la matière. Il existe cependant des dispositifs financés par des prélèvements, comme la surprime catastrophes naturelles, assise sur les contrats d’assurance.

Madame Panonacle, s’agissant du droit de préemption des communes forestières, le projet de décret doit être prêt d’ici aux congés d’été. Le Conseil d’État disposera de deux mois pour l’examiner, hors mois d’août ; je pense donc que le décret sera publié au début de l’automne.

En ce qui concerne les coupes rases, ma doctrine est bien celle du juste équilibre. Je travaille sur le cahier des charges du renouvellement forestier afin d’intégrer cette dimension, mais ma vision de la manière dont on pourrait assurer une réglementation plus transversale n’est pas encore arrêtée. Il existe des propositions, notamment au sujet des situations dans lesquelles plusieurs propriétaires privés font des coupes rases au même moment dans des parcelles proches, ce qui produit le même effet que des coupes rases massives tout en échappant à l’application du plafond de 25 hectares. Nous travaillons sur différents sujets avec le Centre national de la propriété forestière, l’ONF et l’Office français de la biodiversité (OFB).

Monsieur Belhaddad, la qualité de l’air est un sujet absolument essentiel. Dans les grandes agglomérations françaises – j’entends par là les zones de plus de 150 000 habitants et non pas seulement les grandes villes –, la pollution de l’air, bien qu’inférieure aux seuils fixés par notre réglementation, est supérieure aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Santé publique France met régulièrement à jour son évaluation de l’impact de cette pollution et les chiffres publiés par cet organisme au début de l’année donnent le tournis : ce sont chaque année plusieurs dizaines de milliers de cas supplémentaires d’asthme chez l’enfant, des dizaines de milliers de morts, des cancers, des infarctus et des accidents vasculaires cérébraux.

Le premier retour d’expérience sur les dispositifs de traitement de l’air déployés pendant les Jeux olympiques est intéressant, mais ces dispositifs perdent de leur efficacité à 4 mètres. Il ne faut pas pour autant négliger cette solution, qui fait partie d’une boîte à outils plus vaste. Il faut absolument réduire la pollution de l’air si nous voulons protéger la santé des Françaises et des Français.

Madame Lechanteux, selon vous, le plan national d’adaptation au changement climatique ne viserait pas à protéger la population. Mais « protéger la population » n’est rien de moins que le premier axe de ce plan ! Il comporte des mesures très concrètes portant sur la santé, sur les dispositifs que nous instaurons chez les employeurs pour prévenir les maladies et sur les moyens de faire face à des épisodes cévenols ou méditerranéens. J’ai déjà dit au début de cette audition, mais vous n’étiez pas là, tout mon soutien aux familles et aux proches des personnes décédées dans votre département. J’espère que votre groupe politique soutiendra ce plan d’adaptation au changement climatique.

Pour ce qui est de lever les freins dont vous parlez, je vous donnerai un exemple très concret. Dans le Pas-de-Calais, nous avons réalisé 600 opérations de travaux d’urgence à la suite des inondations et plus de 272 opérations structurantes en moins de quinze mois. On peut donc faire des travaux, mais il faut le faire au plus près du terrain. Nous avons pris des décisions fortes, au niveau du préfet de région, pour alléger certaines procédures ou pour passer en mode urgence : c’est possible, mais cela suppose d’accompagner les élus locaux. Je suis la première à chercher à simplifier les procédures administratives lorsque cela a un sens pour la protection des populations.

Monsieur Guibert, face à l’augmentation des prélèvements liés à la REP – qui ne relève d’ailleurs pas de la fiscalité, mais constitue un dispositif contractuel privé –, j’ai lancé voilà quelques semaines un moratoire pour la filière bois.

Pour ce qui concerne les scolytes, et cette réponse concerne également Mme Gruet, les territoires que vous évoquez sont typiquement ceux qui sont visés par le plan de renouvellement forestier, qui a notamment concerné des forêts touchées par un dépérissement accéléré causé par des ravageurs ou par un stress hydrique prolongé.

Quant à l’aide aux scieries, elle fait partie des fonds déployés par l’Ademe et je vous invite à soutenir cette politique.

La recherche est sollicitée en tant que de besoin et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, dispose de programmes spécifiques à cet égard, mais des agences de programmes sont également chargées d’examiner tout ce que produit la recherche afin de s’assurer que ces résultats sont bien utilisés.

Si nous disposons d’infrastructures qui valorisent bien les résineux, la valorisation des forêts de feuillus est plus difficile. C’est l’un des défis que rencontre la filière bois, et qui relève du comité stratégique de filière, mais nous ne sommes pas encore satisfaits à ce sujet, comme pour ce qui concerne la deuxième et la troisième transformation. Des soutiens financiers sont assurés dans le cadre du plan France 2030 et il faudra veiller à ce que ce mouvement se poursuive au moins dans des dimensions raisonnables.

Madame Ozenne, à propos des zones humides, j’ai travaillé avec ma collègue Annie Genevard à une rédaction de l’article 5 de la proposition de loi qui sera proposée par amendement gouvernemental lors de l’examen du texte dans l’hémicycle. La version issue du Sénat, dont les articles consacrés à l’élevage, aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), aux zones humides et au stockage, qui ont été travaillés par le ministère de la transition écologique, nous convient. Je vous rassure donc : cette version de l’article 5 n’est pas contraire à l’ensemble des textes que vous avez énumérés et répond à notre besoin de disposer d’outils efficaces sans nuire aux zones humides.

Monsieur Rolland, pour ce qui est de placer les glaciers sous protection forte, le plan visant les glaciers et subglaciers ne prévoit pas d’interdiction a priori de certaines activités, mais il entend traiter les surfréquentations d’ici à 2030, dans le cadre de plans par sous-massif. Je le répète, l’objectif est de tendre vers une protection à 100 %, car il s’agit de mesures sans regret. J’ai vu clairement le retrait des glaciers dans une vie professionnelle antérieure, à Chamonix-Mont-Blanc, à Tignes, aux Deux-Alpes et même à La Plagne -Les Arcs, ou Paradiski. On voit chaque année l’impact du dérèglement climatique et la difficulté à opérer dans ces zones, mais on sait que ce retrait va profiter à une nouvelle biodiversité qui est un enjeu important pour vos territoires, car elle sera probablement très protégée. Il faut donc anticiper dès maintenant cette gestion, ce que j’ai fait notamment en saisissant, voilà quelques jours, votre président de région pour l’informer et l’associer à cette concertation lancée par zone géographique, en tenant compte aussi du fait que ces espaces sont déjà très largement couverts par des parcs nationaux.

M. Xavier Roseren (HOR). Les glaciers des Alpes françaises ont perdu 40 % de leur volume depuis le début des années 2000 et l’accélération a été dramatique ces dernières années. Vous avez cité Chamonix, où la mer de Glace a perdu 120 mètres d’épaisseur depuis le début du XXe siècle, soit en moyenne 1,20 mètre par an. Même en comptant sur une baisse immédiate des émissions de gaz à effet de serre, un tiers du volume glaciaire alpin aura disparu d’ici à 2050.

Cette fonte rapide, qui menace la stabilité des terrains et la ressource en eau, aggrave les risques naturels tels que les lacs glaciaires, les éboulements et les crues torrentielles. Le troisième plan d’adaptation au changement climatique évoque ces enjeux, notamment dans sa mesure 6. Pouvez-vous nous en dire plus ? Comment le gouvernement compte-t-il renforcer concrètement la surveillance, l’alerte et l’adaptation des infrastructures ?

Mme Chantal Jourdan (SOC). Ma question fait écho à celle de Mme Ozenne. Vous nous avez dit, madame la ministre, que vous envisagiez de modifier l’article 5 de la proposition de loi Duplomb. Il est important de préserver les zones humides, essentielles pour lutter notamment contre les effets des inondations et du réchauffement climatique. Pouvez-vous apporter des précisions à cet égard ?

Par ailleurs, le Pnacc est présenté comme un « projet collectif pour une société […] plus sociale » qui ne doit laisser personne au bord du chemin. Comment le Pnacc 3 prend-il en compte les inégalités sociales et territoriales face aux impacts du changement climatique ? Je souhaiterais surtout vous interroger sur les aspects sociaux : que prévoyez-vous pour que les Français soient sensibilisés aux enjeux d’aujourd’hui et de demain ?

Enfin, qu’envisagez-vous pour la formation, que vous évoquez, des agents de l’État aux mesures d’adaptation ?

M. Denis Fégné (SOC). Dans les Hautes-Pyrénées, à la suite de l’épisode de grêle des 3 et 4 mai derniers, les viticulteurs du Madiran ont vu leur vignoble ravagé à 80 %. Sur le plan de la prévention, le système de surveillance et de gestion des orages n’a pas détecté de danger au passage du couloir orageux, ce qui est à rattacher aux restrictions budgétaires. Sur le plan assurantiel, certains viticulteurs avaient dû renoncer à la couverture multirisque climatique des récoltes, malgré la réforme de 2022, car son coût était trop important. Quelles réponses apporter face à ces aléas climatiques qui ne cessent de se multiplier ?

Le 6 mars, nous avons définitivement adopté, à l’unanimité, une proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole. On nous avait demandé de ne pas voter d’amendements, malgré un texte imparfait, afin d’aller vite pour permettre la publication des décrets d’application. Or, deux mois plus tard, la filière apicole et l’ensemble des acteurs concernés sont, sauf erreur de ma part, dans l’attente du lancement d’une réunion de travail avec votre ministère et celui de l’agriculture.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). L’un des aspects du changement climatique est que la ressource en eau sera de plus en plus rare ou, en tout cas, que sa disponibilité sera beaucoup plus variable. Il nous faut donc adapter nos systèmes agricoles et, avant même cela, éviter les maladaptations.

Pour revenir à l’actualité, l’article 5 de la proposition de loi Duplomb tend à attribuer la qualification de raison impérative d’intérêt public majeur à tous les projets de mégabassines. Considérez-vous que c’est une bonne façon de s’adapter ou, au contraire, une maladaptation de notre système agricole ? Ne vaudrait-il pas mieux encourager le stockage naturel dans les sous-sols, afin que la ressource en eau soit aussi disponible que possible, et adapter les cultures à la disponibilité des ressources en eau, au lieu de courir après une ressource qui ne sera plus disponible comme avant et qui ne permet déjà pas de continuer les mêmes types de cultures, notamment les grandes cultures que nous exportons largement et qui sont très consommatrices d’eau ?

M. Pierre Meurin (RN). Je me félicite de la suppression des zones à faible émission en commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de simplification. Considérez-vous donc que les six membres du groupe Ensemble pour la République qui y siègent sont des populistes, puisque vous expliquez sur tous les plateaux de télévision que c’est le cas de ceux qui sont opposés aux ZFE ? Ma modeste minute de temps de parole ne pourra pas contrebalancer les heures que vous avez consacrées à ce sujet dans les médias.

Si vous considérez que la qualité de l’air n’est pas bonne, pourquoi présentez-vous un amendement visant à circonscrire ces zones à Paris et Lyon, au lieu de les maintenir pour toutes les agglomérations ?

Enfin, quelle étude pouvez-vous me fournir qui démontre précisément l’efficacité des ZFE pour améliorer la qualité de l’air ? À ce jour, une telle étude n’existe pas ; c’est le renouvellement naturel du parc automobile – en particulier l’amélioration technologique de nos voitures diesel – qui permet l’amélioration de la qualité de l’air dans nos villes.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Moins de la moitié des cours d’eau français sont en bon état. Les enseignements des travaux que nous menons dans le cadre de la mission d’information sur l’état des cours d’eau sont clairs : il nous faut restaurer massivement nos rivières. Or, en la matière, le Pnacc demeure bien trop vague, voire contre-productif. Je m’inquiète notamment de l’action visant à promouvoir l’entretien des cours d’eau. Dans la très grande majorité des cas, notamment en zone rurale, ces interventions sont en effet néfastes et accentuent le risque d’inondation par l’aval. Pouvez-vous préciser quelles situations sont visées par cette action ?

Par ailleurs, au-delà des déclarations d’intention, êtes-vous prête à soutenir des mesures visant à doter les collectivités de réels outils de maîtrise foncière pour leur permettre de restaurer leurs cours d’eau ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Madame Jourdan, je vous confirme que la rédaction de l’article 5 issue des travaux du Sénat convient au gouvernement. Elle résulte d’un travail mené avec la ministre de l’agriculture et préserve les équilibres écologiques auxquels je suis attachée.

Les aspects sociaux sont, en effet, tout à fait essentiels. Pour ce qui est de savoir comment associer tout le monde, nous travaillons sur la dimension de la prise de connaissance du risque, notamment grâce à l’activation d’une réserve civile qui s’appuie sur les réserves civiles municipales déjà créées et qui s’accompagnerait de formations. Nous travaillons aussi au partage d’informations en veillant à ce que les différents opérateurs de la gestion de ces risques que sont Vigicrues, Météo-France et le ministère utilisent les mêmes visuels.

Il faut par ailleurs développer la connaissance de l’adaptation et celle de l’impact du changement climatique sur chacun d’entre nous en matière de santé, de patrimoine ou de risques pour l’emploi. De fait, la filière de l’agroalimentaire et les emplois qui lui sont liés sont fragilisés si la matière première de ce secteur l’est par un dérèglement climatique provoquant un effondrement de notre capacité à produire des produits agricoles. Le conseil de planification écologique a validé la mission que j’ai suggérée pour mesurer cet impact sur les personnes et nous permettre un accompagnement plus précis par type de territoire. Il s’agit de savoir ce qui pèse sur les ruraux et sur les habitants des zones périphériques, ou quels sont les risques auxquels sont exposés, par exemple, les quartiers relevant de la politique de la ville, risques qui, compte tenu de l’habitat vertical et de la concentration des îlots de chaleur, ne sont pas du même type que dans la ruralité. Nous devons aussi pouvoir en déduire des éléments d’aide à la décision pour mieux conduire nos politiques publiques et assurer un meilleur accompagnement par le biais des dispositifs de soutien aux collectivités locales.

Quant à votre troisième question, nous avons lancé une formation de 25 000 cadres de l’État qui comporte un chapitre assez important consacré au dérèglement climatique et un module relatif à l’adaptation. Notre objectif est d’aller plus loin et de former l’ensemble de nos agents publics d’ici à 2030.

Monsieur Fégné, nous avons amélioré notre niveau de prévision météo : la prévision à trois jours est aujourd’hui meilleure que n’était voilà dix ans la prévision à un jour. C’est le fruit de l’investissement réalisé dans des modèles de prévision renforcés. En revanche, certains éléments climatiques sont difficiles à prévoir. Quand il s’agit par exemple de localiser un épisode de type cévenol ou méditerranéen, on sait que ça va tomber sur le département, mais être plus précis est délicat : on peut se tromper. Les zones d’erreur sont plus importantes que pour des prévisions plus génériques. En effet, s’il est facile de prévoir des phénomènes lents, comme les inondations dans le Pas-de-Calais, c’est plus difficile pour les phénomènes très brutaux et très localisés. Et pourtant, Météo-France figure parmi les meilleures agences au monde en matière de prévisions météorologiques et un énorme travail de partage de modèles et d’open data est en cours pour améliorer nos capacités de prévision, certains modèles étant meilleurs pour les incendies et d’autres pour les épisodes d’orages violents. Il s’agit de relever notre niveau de jeu collectif au niveau européen et, au-delà, par l’intermédiaire de l’Organisation météorologique mondiale.

Le dérèglement climatique apparaît de plus en plus massivement, depuis plusieurs années, comme un facteur de perte de revenu des agriculteurs. Le gel tardif, l’épisode de grêle que vous avez rappelé, l’inondation, la canicule et la sécheresse sont autant d’éléments susceptibles de ruiner un an de travail dans les quinze derniers jours qui précèdent la récolte, obligeant à tout recommencer. C’est ce qui se produit dans le Pas-de-Calais : au sortir d’une période d’inondation, rebelote, on repart sur une période de sécheresse.

Nous allons donc devoir – et cela nous amène à la question de M. Bonnet – accompagner la transformation de notre agriculture pour lui permettre d’être plus résiliente.  À cette fin, une approche par territoire est nécessaire. C’était tout le sens du plan méditerranéen qu’appelait de ses vœux le Président de la République pour accompagner notamment l’ancienne région Languedoc-Roussillon : comment faire évoluer une agriculture confrontée à un climat désormais qualifié de semi-désertique ? De fait, on ne peut pas faire pousser exactement les mêmes choses qu’avant, la végétation ne connaît pas exactement les mêmes cycles, on ne plante et on ne récolte pas exactement au même moment et les besoins hydriques sont différents. Un gros travail est en cours, notamment avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, pour réfléchir à cette nouvelle agriculture, à ces nouvelles filières que nous devons bâtir.

Cela ne nous dispense pas de réfléchir à l’irrigation. Ainsi, dans les territoires du Pas-de-Calais, nous y recourons très peu, mais nous savons que nous en aurons besoin demain pour des cultures tout à fait raisonnables et qui nourrissent les gens. La sobriété hydrique ne sera pas appréciée en brut, mais en relatif, c’est-à-dire en se demandant, pour chaque type de culture dont on a besoin, quelles sont les meilleures pratiques d’utilisation de la ressource en eau, comme le goutte-à-goutte, les outils d’aide à la décision qui se déploient de plus en plus, l’emploi de semences plus résistantes grâce, notamment, aux nouvelles techniques génomiques, l’association de différentes plantes pour une plus grande résilience ou le travail sur la qualité des sols visant à permettre de mieux retenir l’eau lorsqu’elle est abondante et de la restituer en période de sécheresse. Nous devons accompagner ces éléments d’adaptation.

Monsieur Meurin, comme vous le savez, plusieurs amendements visant à rétablir des zones à faible émission ont été déposés, certains groupes proposant leur rétablissement intégral et d’autres se fondant sur le fait que Lyon et Paris dépassent les seuils réglementaires. J’ai distingué le niveau réglementaire et la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé, qui n’est pas celle que nous appliquons, compte tenu de notre choix de combiner la liberté de circuler, qui est essentielle, et la liberté de respirer, qui l’est tout autant, en particulier, comme le prouvent les études, pour les gens les plus vulnérables.

Les études démontrant l’impact des zones à faible émission existent ; je peux vous les communiquer. Santé publique France met des références à disposition. Des études, pas seulement françaises, détaillent les bénéfices attendus de la création de ce dispositif, qui existe dans des pays de culture très différente, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne. Son impact est prouvé. L’enjeu est de donner aux gens qui ont besoin de circuler des solutions qui fonctionnent et qui soient accessibles à leur portefeuille. C’est très exactement ce que nous faisons. Je rappelle qu’aucune zone à faible émission n’interdit absolument la circulation, du moins pour les dispositifs nationaux – car l’organisation de la circulation est une prérogative du maire, qui n’a pas besoin de la loi pour l’interdire, au titre de la libre administration des collectivités territoriales prévue par l’article 72 de la Constitution.

M. Pierre Meurin (RN). Il existe une base légale qui permet aux élus de le faire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cette base légale existe déjà et certains maires n’avaient pas besoin pour cela de la loi d’orientation des mobilités. J’invite donc chacun à être mesuré dans ses propos quant aux choix faits par les maires en la matière.

Lorsque j’ai réuni l’ensemble des élus locaux concernés par des niveaux de pollution dépassant de deux à quatre fois celui de la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé, beaucoup ont dit que leur dispositif fonctionnait et qu’ils ne voulaient pas le changer. Cette approche est très transpartisane. Il s’agit de ce que disent les maires, des gens de terrain, les plus concernés et qui sont, en outre, à la veille de remettre en jeu leur mandat.

Madame Ozenne, la restauration des cours d’eau est un sujet très important. Comme je l’ai indiqué rapidement tout à l’heure, nous lançons d’ici à la fin de la semaine, dans le cadre du texte relatif à la restauration de la nature, la concertation sur la restauration des zones naturelles dégradées, qui concerne également les cours d’eau. Nous devons établir une feuille de route pour l’été 2026. L’ambition est de restaurer 30 % de nos habitats naturels dégradés, tant marins que terrestres, car ces deux dimensions sont importantes. Le financement reposera beaucoup sur les agences de bassin : la restauration des cours d’eau a trait à l’enjeu important de la qualité de l’eau, dont relèvent les questions d’accessibilité de l’eau potable et des pollutions véhiculées par les cours d’eau.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Madame la ministre, je vous remercie très chaleureusement pour ces échanges précis et constructifs, qui se prolongeront lors du prochain examen par notre commission de certains aspects de la programmation pluriannuelle de l’énergie ou dans l’accompagnement des propositions que fera début juin la mission d’information sur l’adaptation des territoires au changement climatique. Nous prendrons évidemment en compte vos remarques dans la perspective des travaux budgétaires de l’automne.

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

 

Réunion du mardi 20 mai 2025 à 16 h 30

 

Présents. - M. Fabrice Barusseau, M. Belkhir Belhaddad, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Michel Brard, Mme Danielle Brulebois, M. Vincent Descoeur, M. Denis Fégné, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, M. Stéphane Lenormand, M. David Magnier, M. Pierre Meurin, M. Éric Michoux, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, M. Xavier Roseren, M. Freddy Sertin, Mme Ersilia Soudais, M. Jean-Pierre Taite, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry

 

Excusés. - M. Gabriel Amard, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Anthony Brosse, M. Jean-Victor Castor, Mme Clémence Guetté, M. Olivier Serva

 

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Fait, M. Vincent Rolland