Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

 Examen pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur)              2

 


Mardi 27 mai 2025

Séance de 13 heures 30

Compte rendu n° 49

Session ordinaire de 2024-2025

Présidence de

Mme Sandrine Le Feur,

Présidente

 


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n° 463) (M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur).

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je souhaite rappeler ici le souhait exprimé par tous les groupes lors de notre dernière réunion de bureau de disposer d’un programme de travail plus prévisible et du temps adéquat, dans un calendrier législatif très dense, pour une discussion de qualité s’agissant de textes de grande importance. J’ai relayé cette demande.

Sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat le 16 octobre 2024, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur de l’énergie, notre commission a délégation au fond sur les articles 11, 16 bis, 22 ter, 22 quater et 22 quinquies, sur lesquels les amendements ne sont, en conséquence, recevables que devant notre commission. Comme c’est l’usage, ils seront repris sans discussion par la commission des affaires économiques, qui commencera l’examen du texte lundi prochain.

Notre saisine inclut un article stratégique sur l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de notre pays d’ici 2030, et des articles plus spécifiques ; l’un relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs ; un autre relatif à l’énergie solaire et à l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) ; et deux articles sur la durée d’instruction de certaines autorisations environnementales, sur lesquels notre commission a déjà travaillé lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (Ddadue).

Ce périmètre est naturellement perfectible, mais, dans les conditions que j’ai évoquées, il me paraissait utile de faire entendre la voix de la commission.

M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. Le texte dont nous sommes saisis met en œuvre l’obligation qui incombe au Parlement de définir les orientations de la politique énergétique nationale. Depuis 2023, date butoir, aux termes du code de l’énergie, pour adopter la première loi quinquennale en la matière, aucun cap n’a été solennellement fixé. Or les porteurs de projet, des collectivités aux entreprises des différentes filières, réclament une visibilité indispensable lorsque plusieurs centaines de milliards d’euros d’investissements sont en jeu.

Le Sénat a donc pris l’initiative et nous transmet une proposition de loi de programmation assortie d’un volet de simplification. Mon collègue rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Antoine Armand, et moi-même nous attacherons à construire une loi solide, équilibrée et ambitieuse, qui déterminera le contenu de la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3). Il s’agit ainsi de définir ensemble la stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec).

Notre commission examine aujourd’hui cinq articles de la proposition de loi.

L’article 11 constitue la pierre angulaire de notre politique climatique. Il relève à 50 % l’objectif de réduction des émissions brutes de gaz à effet de serre. Il traduit les efforts d’atténuation encore nécessaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est à Paris, lors de la COP21, en 2015, que 196 pays se sont engagés à atteindre la neutralité carbone pour limiter l’augmentation de la température planétaire à 2 degrés, en faisant tous les efforts nécessaires pour arriver à 1,5 degré.

L’article 11 n’est rien d’autre que la mise en œuvre de nos engagements internationaux, désormais traduits dans le droit européen. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de maintenir une ambition forte en la matière. Pourtant, la rédaction issue du Sénat affaiblit la portée de l’objectif climatique, en préférant une formulation plus souple – « tendre vers une réduction » – à un objectif clair et contraignant. Or n’oublions pas que les futures PPE et SNBC seront fondées sur l’objectif que nous définissons. Un objectif contraignant est aussi préférable à une cible vague et soumise à interprétation pour construire des feuilles de route solides. Enfin, un objectif flexible nuirait à notre crédibilité internationale : la France étant l’un des pays les plus ambitieux en Europe et dans le monde en matière d’atténuation – et nous devons en être fiers –, elle doit se donner les moyens juridiques d’atteindre ses objectifs. C’est pourquoi je présenterai un amendement visant à asseoir le caractère contraignant de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L’article 16 bis crée la catégorie de stock stratégique pour les substances radioactives présentant un intérêt à moyen ou à long terme. L’utilisation de matières radioactives dans la relance du parc nucléaire français est louable, mais indissociable de perspectives de valorisation dans un horizon temporel suffisamment proche. Cependant, l’ampleur du stock d’uranium appauvri, qui pourrait atteindre 569 000 tonnes en 2040, invite en premier lieu à privilégier les solutions sûres et durables d’entreposage de ces matières. De plus, le travail de recherche et développement pour valoriser l’uranium appauvri doit être approfondi pour s’assurer que la valorisation pourra intervenir dans un délai raisonnable. Enfin, j’ai des réserves sur la portée juridique de cette nouvelle catégorie, qui ne prémunit pas contre une requalification en déchets si les perspectives de valorisation ne sont pas suffisamment établies. Je présenterai donc un amendement de suppression de cet article.

En matière de foncier, l’article 22 ter étend au solaire thermique et aux dispositifs de stockage l’exemption en matière d’artificialisation des sols dont bénéficie le photovoltaïque. L’extension de cette exemption dite ZAN, qui a montré son utilité, est cohérente, car l’implantation des deux types d’installation de production d’énergie est similaire sur le plan technique. En revanche, je partage l’avis défavorable du gouvernement sur l’extension aux installations de stockage qui artificialisent les sols et ne satisfont pas aux critères de réversibilité et de maintien d’une activité agricole inscrits dans la loi « climat et résilience ». Je déposerai donc un amendement visant à supprimer l’extension aux installations de stockage.

Les articles 22 quater et 22 quinquies ont pour objet d’amplifier l’effort de simplification. Le premier limite à douze mois la durée d’instruction des nouveaux projets d’installations de production d’énergies renouvelables situés dans les zones d’accélération issues de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper ; le second encadre également les délais d’instruction pour les opérations de rééquipement des installations d’énergies renouvelables existantes. Ces propositions paraissent séduisantes et répondre à la demande des acteurs, qui réclament l’instauration d’un délai maximal d’instruction. Toutefois, elles demeurent en retrait par rapport à la procédure issue de la loi relative à l’industrie verte, qui fixe déjà un plafond théorique de six à neuf mois pour toutes les autorisations environnementales. Je proposerai donc la suppression de ces deux articles.

Notre commission doit, en amont de l’examen dans l’hémicycle, tracer une ligne claire : renforcer la programmation de l’énergie, soutenir la souveraineté nucléaire, simplifier le développement des énergies renouvelables, mais refuser de sacrifier notre cohérence écologique ou d’empiler des dispositifs incohérents qui pourraient se retourner contre les porteurs de projet. En légiférant sur les objectifs de la politique énergétique française, le Parlement est à sa juste place. Faisons honneur à la responsabilité qui nous est confiée. Je sais pouvoir compter sur vous pour que nos débats soient constructifs.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Timothée Houssin (RN). Le 11 avril dernier, à la tribune, je demandais au gouvernement quand il comptait nous présenter la programmation pluriannuelle de l’énergie que prévoit la loi.

Depuis cette date, aucun projet de loi ne nous a été présenté, mais, sous la menace d’une censure du Rassemblement national, nous voilà saisis d’une proposition de loi, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État, qui tiendra lieu de PPE. L’Académie des sciences, qui, elle, a rendu un avis, qualifie d’incohérent et d’irréaliste ce qui est supposé définir la politique énergétique de la France jusqu’en 2035.

Depuis huit ans, la politique énergétique d’Emmanuel Macron se résume à une suite d’improvisations coûteuses : sabordage de notre filière nucléaire par l’abandon du projet Astrid (réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle), fermeture de Fessenheim et ralentissement des projets d’EPR (réacteur pressurisé européen), avant de faire à la hâte un virage à 180 degrés. Résultat : des années perdues, des compétences sacrifiées et des milliards d’euros gaspillés. Dans le même temps, le gouvernement a misé à outrance sur les énergies renouvelables intermittentes – éolien et solaire –, sans jamais lever les interrogations sur leur pilotabilité ni sur leur coût réel pour les ménages. Les Français paient le prix de ces mauvais choix énergétiques : depuis 2007, le prix de l’électricité a plus que doublé.

Nous pouvons partager le constat de la nécessité de décarboner l’énergie que nous consommons, ce qui passera immanquablement par l’électrification. Ce processus permet de viser deux objectifs : lutter contre le réchauffement climatique, bien sûr, mais aussi assurer notre souveraineté énergétique. S’il y a un consensus pour sortir la France de sa dépendance aux énergies fossiles, pour des raisons écologiques et économiques, nos visions divergent sur les moyens d’y parvenir. Les auteurs de la PPE, aveuglés par le mirage des énergies intermittentes, veulent injecter 200 milliards d’argent public pour multiplier par cinq la production éolienne et par trois la production solaire en dix ans, alors même qu’en 2024, la production nucléaire a dû renoncer à près de 10 % de son potentiel de production au profit des énergies intermittentes. Ce choix va à l’encontre de la stratégie d’électrification, puisqu’il ne pourra y avoir d’électrification massive de la mobilité, du chauffage, de l’industrie sans une sécurité d’approvisionnement et un prix de l’électricité abordable.

Face à ces mauvais choix, le Rassemblement national propose de préserver notre environnement mais aussi notre souveraineté, notre pouvoir d’achat et notre compétitivité en misant sur les énergies décarbonées pilotables que sont le nucléaire, l’hydroélectricité ou la géothermie, ainsi que sur les pompes à chaleur et les stations de transfert d’énergie par pompage. Une politique énergétique alternative décarbonée et souveraine existe.

Nous aurions voulu que notre commission débatte des grandes orientations de notre politique énergétique et nous regrettons l’irrecevabilité de nombreux amendements à l’article 11. Madame la présidente, si la commission du développement durable, qui n’a délégation au fond que sur une part infime de la proposition de loi, doit en plus s’autocensurer, autant laisser à la commission des affaires économiques l’examen du texte entier.

Notre vote en commission dépendra des débats et du contenu final des articles. En l’état, nous voterions contre, et je ne vous cache pas que les propos liminaires du rapporteur ne nous ont pas rassurés. Nous saluons cependant la volonté, inscrite dans l’article 16 bis, de relancer une filière nucléaire de quatrième génération, basée sur l’utilisation de certains de nos déchets nucléaires, après que la filière – il n’est pas inutile de le rappeler – a été détruite par Emmanuel Macron.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Si des amendements ont été déclarés irrecevables, c’est parce qu’ils ne portaient pas sur les articles dont nous sommes saisis.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre établi par la loi « énergie-climat » de 2019, qui impose une programmation quinquennale des objectifs énergétiques en France. Dès 2023, un dialogue a été ouvert par le gouvernement avec le Parlement, notamment.

À défaut d’une loi, un compromis est trouvé grâce à ce texte, qui représente un pas significatif vers la redéfinition des priorités de la politique énergétique française dans un contexte d’urgence climatique.

La proposition de loi vise non seulement à établir des objectifs clairs et mesurables, mais également à encourager l’innovation, à soutenir les collectivités et à protéger les consommateurs dans le domaine énergétique. J’en mentionne quelques points clés : la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; l’augmentation de la consommation d’énergie décarbonée ; l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments ; la diversification du mix énergétique, notamment par l’expansion du nucléaire.

Les amendements du gouvernement montrent une ambition nucléaire : la France sera au rendez-vous de la construction de nouveaux réacteurs EPR et de petits réacteurs modulaires. D’ici 2050, le mix énergétique sera majoritairement nucléaire, la part du nucléaire étant maintenue à 60 % de la production d’électricité d’ici 2030.

Nous pourrons aussi débattre de l’avenir du statut de l’hydroélectricité ; de la petite hydroélectricité, dont le potentiel est encore considérable ; de la valorisation des déchets, qui, plutôt que d’être enfouis, peuvent servir d’alternative aux combustibles fossiles.

L’objectif est aussi de garantir aux foyers, notamment ruraux, une solution de raccordement adaptée à un réseau de chaleur de gaz ou d’électricité ; de maintenir le principe de péréquation tarifaire ainsi que les tarifs réglementés de vente d’électricité et le prix repère de vente de gaz naturel ; de conserver la détention par l’État de la totalité des parts du capital d’EDF et d’une partie de celui d’Engie, la propriété publique des réseaux de distribution et de transport d’électricité ainsi que du réseau de distribution de gaz.

Il apparaît d’autant plus urgent de définir nos priorités d’action que les politiques en matière d’énergie supposent un temps très long. Toutes nos décisions, y compris pour les énergies décarbonées, ne seront concrétisées que dans plusieurs années.

Ce texte permet aussi d’envoyer des signaux forts aux acteurs économiques, qui sont très inquiets de la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Aucun industriel ne se lancera dans la production d’énergie si nous n’affichons pas des ambitions claires. De même, les acteurs économiques nous le disent, ils attendent un volume d’électricité suffisant et à un prix compétitif. Nous ne pourrons pas garder nos entreprises ni attirer des investissements et des industries performantes et décarbonées dans nos territoires sans cette assurance. Nous devons donc équilibrer les ambitions économiques et environnementales du pays.

Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Hier, vous êtes passés en force pour réintroduire les pesticides dans l’agriculture française. Vous avez inventé pour cette occasion un 49.3 déguisé, sacrifiant notre santé, celle des agriculteurs et celle de nos enfants.

Aujourd’hui, nous devons débattre de notre modèle énergétique, du futur que nous souhaitons pour notre pays en cette matière. Élue depuis trois ans, je n’ai jamais pu voter une loi de programmation sur l’énergie et sur le climat. C’est pourtant une obligation légale. Depuis 2022, en Macronie, c’est le discours de Belfort du président de la République qui fixe le cap. Il n’a jamais été débattu au Parlement, jamais validé. Conséquence logique de cette improvisation et de ce fait du prince, la France est en retard – un retard de plus d’un an s’agissant des politiques énergétiques et d’adaptation au changement climatique, d’après le Haut Conseil pour le climat, instance que vous avez vous-même créée.

Vous ne vous gênez pas pour désobéir aux règles européennes quand il s’agit de mener notre pays droit dans le mur, par exemple en refusant le nouveau plan de décarbonation. En revanche, pour empêcher les délocalisations des usines stratégiques et indispensables au développement du renouvelable, il n’y a plus personne. La Macronie organise patiemment le sabotage de notre bifurcation écologique. Nous ne savons plus comment vous alerter, vous dire qu’il y a urgence. L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée. La seule chose que les ministres de M. Macron savent planifier, c’est l’inaction climatique. En matière de délinquance environnementale, votre palmarès est très impressionnant : deux condamnations en moins de deux ans.

Pour débattre de la place du nucléaire et des énergies renouvelables, des investissements qu’ils requièrent de la part de l’État français ainsi que du calendrier, le gouvernement refuse de travailler sur un projet de loi digne de ce nom. Il n’y aura donc pas d’étude d’impact, pas d’analyse des hypothétiques emplois ainsi créés, pas d’avis des experts et, aujourd’hui, nous n’avons pas de ministre devant nous. À la place, vous faites arriver par la fenêtre un texte du Sénat qui prolonge un agenda climatosceptique et qui n’est pas, pour nous, une base de travail acceptable.

On y trouve des formulations très dangereuses : ainsi, au lieu de décider de réduire fermement nos émissions carbone, objectif indispensable alors que le changement climatique est commencé, vous proposez sans y croire de « tendre vers un objectif de réduction ». Il n’y a donc plus d’obligation : chaque entreprise privée pourra essayer, comme elle veut, comme elle peut, et on verra bien ce que ça donne. La droite et l’extrême droite pourraient même empirer le texte : des amendements du Rassemblement national visent à y introduire un moratoire sur les énergies renouvelables.

Ce texte est une démonstration de votre incapacité politique à faire face à la crise existentielle à laquelle l’humanité est confrontée. Il est aussi une preuve de l’échec cuisant des idéologues de la croissance verte. L’énergie est un bien commun ; elle est indispensable pour que les gens se chauffent, s’éclairent, se déplacent, cuisinent et vivent, tout simplement ; elle est aussi cruciale pour les entreprises, petites et grandes, les commerces, l’industrie. Or vous nous faites dramatiquement perdre du temps. Tôt ou tard, nous devrons organiser une planification énergétique démocratique et bâtir un pôle public de l’énergie pour reprendre la main sur ce bien commun contre le chaos du marché.

M. Fabrice Roussel (SOC). Je veux d’abord souligner l’absence d’ambition de notre gouvernement en matière énergétique. Il est urgent qu’il présente une nouvelle PPE pour définir notre stratégie, nous préparer aux conséquences du changement climatique, que nous subissons déjà, et rassurer nos industries. Cela fait trop longtemps que nous l’attendons, trop longtemps aussi que notre pays fait l’impasse sur les impacts budgétaires et l’établissement d’un calendrier réaliste.

Nous ne pouvons donc pas nous contenter de ce texte qui, soutenu par le gouvernement, demande à l’État de faire au mieux, remet en cause les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et altère un peu plus les équilibres biologiques de nos océans et de nos forêts, dont la dégradation s’accélère.

Vous voulez réduire de 50 % nos émissions de gaz à effet de serre en recourant au captage alors que l’installation elle-même peut consommer jusqu’à 30 % de l’énergie produite. C’est totalement contre-productif et ce n’est certainement pas une alternative à la transition énergétique.

Le texte fait disparaître les termes d’énergie renouvelable au profit de ceux d’énergie décarbonée pour englober le nucléaire, ce qui, une fois encore, n’est pas la marque d’une forte ambition en matière de transition énergétique.

Le mix énergétique envisagé repose beaucoup trop sur le développement du nucléaire. Nous savons que les projets annoncés sans concertation par le président Macron ne pourront voir le jour avant dix ans au moins. Pendant ce laps de temps, il est essentiel de bien entretenir le parc nucléaire existant pour assurer son efficacité et sa durabilité. Surtout, il est temps de se doter des moyens d’une autre stratégie, celle d’un mix électrique décarboné et compétitif.

À l’heure où nous devons assurer notre indépendance énergétique, le texte ne valorise pas assez les filières d’énergies renouvelables. Vous continuez de les mépriser en les privant des moyens de se projeter.

Par ailleurs, le gouvernement n’a pas anticipé la décarbonation de notre industrie, donc l’électrification de ses usages, condition essentielle de la décarbonation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce retard expose au risque de ne pas pouvoir absorber l’offre d’électricité renouvelable et bas-carbone qui est en train d’être développée.

Il est vraiment temps de faire autrement, d’accélérer le déploiement de l’éolien, du solaire ou encore de l’hydraulique pour décarboner la production d’électricité et de chaleur. Ces énergies disposent d’atouts non négligeables – le potentiel de l’hydraulique à l’horizon 2035-2040 est de 5 gigawatts supplémentaires.

Il faut enfin assurer notre souveraineté industrielle en favorisant le développement des filières françaises et européennes de production d’énergie décarbonée et en réduisant notre dépendance aux importations étrangères.

En l’état, nous serions opposés au texte, sur lequel nous avons néanmoins déposé des amendements.

Mme Christelle Petex (DR). Le texte dont nous examinons quelques articles est une réponse au contournement gouvernemental du Parlement sur les sujets énergétiques. En effet, en vertu de la loi « énergie climat », une loi de programmation sur l’énergie et le climat doit être soumise au Parlement tous les cinq ans afin que les représentants de la nation puissent se saisir de cette question stratégique. En manquant à cette obligation, les gouvernements passés ont contrevenu à la loi de la République, ni plus ni moins. Nous saluons l’initiative de notre collègue sénateur Daniel Gremillet, qui vient réparer ce manquement démocratique.

Par ailleurs, l’absence de loi de programmation actualisée pose des problèmes très concrets : notre cadre normatif se trouve en décalage avec des directives européennes qui doivent théoriquement être transposées avant la fin de l’année. Je pense notamment au paquet Fit for 55 – ou Ajustement à l’objectif 55 en bon français.

Enfin, l’absence de PPE au moment où nous décidions d’infléchissements majeurs de notre politique énergétique est très regrettable. Après des années d’errance sur le nucléaire, de soutien tous azimuts à des énergies nouvelles dont nous ne nous sommes même pas demandé si nous en avions besoin, Emmanuel Macron a revu sa ligne. Et les parlementaires Les Républicains ont pris toute leur part à cette réorientation, notamment par la création de la commission d’enquête sur l’abandon du nucléaire, qui avait permis de révéler l’ampleur des faillites et des divagations politiques.

Je ne reviens pas sur les articles dont nous ne sommes pas saisis. Pour ceux qui nous concernent, le groupe de la Droite républicaine approuve sans réserve les articles 11 et 16 bis, qui paraissent équilibrés au regard des objectifs. En revanche, nous sommes plus réservés sur les articles 22 ter, quater et quinquies.

Le premier vise à étendre à l’énergie solaire thermique l’exemption dont bénéficie le solaire photovoltaïque en matière d’artificialisation des sols. Dans un contexte foncier déjà très tendu, nous doutons de l’opportunité de cette disposition. Les deux autres articles ne sont pas sans poser problème. L’accélération des procédures d’autorisation pour des projets complexes et parfois controversés ne nous paraît pas aller dans le bon sens. Notre groupe doute fortement que l’avenir de la politique énergétique française passe par un développement immodéré de l’éolien, pour ne citer que lui. L’heure est plutôt à réparer les dégâts causés par une fuite en avant qui a surtout profité aux entreprises chinoises et allemandes, rarement aux consommateurs français.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous voilà à nouveau réunis trois ans après le début d’un feuilleton totalement incohérent ayant pour objet la programmation énergétique de notre pays. Trois années d’atermoiements, de refus répétés de la part des gouvernements successifs de présenter une véritable loi de programmation énergie-climat pourtant exigée par la loi. Trois années rythmées par des travaux prospectifs, des groupes de travail à foison, des concertations multiples, pour aboutir in fine à une situation ubuesque : un premier ministre contraint de reprendre en urgence une proposition de loi en totale contradiction avec la PPE élaborée depuis trois ans, simplement pour se plier à une menace de censure venue de l’extrême droite – qui n’a que faire du climat et dont la connaissance des enjeux énergétiques laisse songeur.

Nous avions pourtant alerté. Nous avions même tendu la main en déposant une proposition de loi pour sortir de l’impasse, mais ce débat nous a été refusé. Et nous voilà face à deux textes qui se contredisent : une PPE juridiquement fragile et, la surplombant, une proposition de loi incohérente et politiquement inconsistante. Quelle étrange conception de la planification énergétique ! Quelle étrange manière de préparer l’avenir !

Il faut le dire avec franchise, cette proposition de loi n’est pas sérieuse ; elle est bâclée, sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État, ni du Conseil supérieur de l’énergie (CSE), ni du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Elle repose sur des illusions atomiques et technosolutionnistes totalement déconnectées des réalités techniques, industrielles, scientifiques, économiques et climatiques. Elle fait l’impasse sur l’essentiel : la réduction de la consommation d’énergie, le déploiement massif des renouvelables et la justice énergétique.

Ce texte ne peut pas faire office de cap solide. Il aurait dû être retiré. Mais puisqu’il nous est imposé, notre groupe prendra ses responsabilités, comme il l’a toujours fait sur ce sujet, et mettra tout en œuvre pour que le texte soit profondément revu, corrigé, réorienté. Guidés par les exigences de cohérence, d’ambition et de vérité, nous ferons des propositions, car une PPE crédible, sérieuse, construite sur des bases solides n’est pas une option mais une nécessité pour le climat, pour notre souveraineté énergétique, pour l’avenir.

Nous posons une question simple aux rapporteurs et aux parlementaires du socle commun : souhaitez-vous maintenir le pays dans cette impasse énergétique, fondée sur une vision passéiste où l’illusion du nucléaire sert de paravent à l’absence de cap, ou choisissez‑vous d’en sortir sérieusement, collectivement, lucidement ? M. le rapporteur a donné quelques pistes encourageantes. Une voie existe, elle est du côté de la gauche et des écologistes.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Nous nous réjouissons de cette proposition de loi, qui nous permet de débattre d’un sujet très attendu. La programmation pluriannuelle de l’énergie, qui n’a pas été actualisée depuis l’adoption de la loi « énergie climat », en 2019, est en effet essentielle pour réaffirmer notre ambition de réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, pour consolider la politique nucléaire de la France, colonne vertébrale énergétique grâce à laquelle notre pays est déjà l’un des plus décarbonés d’Europe, et pour promouvoir un mix énergétique incluant les énergies renouvelables et favorisant l’essor de filières telles que les biocarburants, l’hydrogène, l’éolien ou le photovoltaïque, mais aussi la géothermie, qui présente l’avantage d’être non intermittente et qui a fait ses preuves, notamment dans le Bassin parisien. Enfin, à l’heure de la réindustrialisation, qui ne se fera pas seulement à coups de subventions, les filières et les acteurs économiques ont besoin d’un cap et d’une meilleure visibilité pour se développer.

Certes, nous aurions préféré examiner un projet de loi, assorti d’une étude d’impact et validé par le Conseil d’État. Néanmoins, nous prenons acte de ce texte, car nous sommes convaincus de la nécessité d’en débattre pour nous éclairer, informer la population et influer, le cas échéant, sur le gouvernement, qui envisage de fixer les objectifs de la PPE par décret – ce qui, en tant que parlementaires, nous laisse dubitatifs. Reconnaissons donc au sénateur Gremillet le mérite de présenter un texte qui permettra à chacun d’exprimer ses idées et sa vision en la matière, même si nous aurions préféré le faire dans de meilleures conditions.

M. David Taupiac (LIOT). Nous avons quelques certitudes en matière énergétique.

La première est qu’il faut réduire notre dépendance aux énergies fossiles et renforcer notre souveraineté énergétique. Pour cela, nous devons électrifier massivement nos usages, ce qui entraînera mécaniquement une hausse de la demande, donc de la production.

La deuxième, qui en découle, est que le mix énergétique devra s’appuyer sur ses deux jambes : les énergies renouvelables, pour répondre à la demande immédiate, et le nucléaire, dans un second temps, pour prendre le relais d’un parc vieillissant.

La troisième est que ces changements impliquent des adaptations majeures du système électrique français et des investissements massifs ; il est donc nécessaire de fixer un cap clair pour que les énergéticiens, quels qu’ils soient, puissent se projeter.

Autrement dit, il devenait urgent d’inscrire à l’ordre du jour un texte législatif permettant de débattre de la programmation énergétique de la France. Notons néanmoins que les réticences à passer par un projet de loi nous privent d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État sur des sujets pourtant fondamentaux. En ce qui concerne la méthode, nous avons la curieuse impression d’une improvisation, alors que le gouvernement était tenu depuis juillet 2023 de présenter une loi de programmation.

Nous devons également composer avec plusieurs incertitudes qui grèvent notre capacité à déterminer ce que sera le mix énergétique demain. Le niveau de consommation électrique ne suit pas tout à fait la trajectoire escomptée, le calendrier de déploiement des prochaines centrales nucléaires est incertain et le financement des futurs projets, en particulier des EPR, reste à établir.

Ces éléments importants ne doivent toutefois pas nous détourner de l’objectif majeur que nous nous sommes fixé : réduire de 50 % les émissions brutes de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, afin d’atteindre l’objectif arrêté au niveau européen de réduire les émissions nettes de GES de 55 % à cette même échéance. C’est pourquoi la formulation retenue à l’article 11, « tendre vers », n’est pas satisfaisante.

En outre, je suis circonspect quant à l’article 16 bis, qui crée une nouvelle catégorie de déchets nucléaires, qualifiée de stock stratégique ; les effets juridiques en seraient incertains et potentiellement dangereux.

Enfin, les transpositions de directives européennes en matière de délais mériteront quelques ajustements pour nous mettre en conformité.

Nous serons constructifs, puisqu’il nous faut bien avancer en matière de planification énergétique.

M. Éric Michoux (UDR). C’est avec intérêt que nous avons pris connaissance de la proposition de loi de nos collègues sénateurs, après le retrait délibéré par le gouvernement du volet relatif à la programmation du projet de loi sur la souveraineté énergétique. Nous allons enfin pouvoir débattre de notre souveraineté énergétique et de son avenir, alors que le programme EPR 2 a déjà deux à trois ans de retard et que la troisième édition de la programmation pluriannuelle de l’énergie table sur une baisse de la consommation d’énergie. Pourtant, le gouvernement parle de réindustrialiser le pays, d’héberger des data centers, de développer l’intelligence artificielle et de rouler à 100 % à l’électrique.

Face à cet enjeu de souveraineté, la gauche dans son ensemble – extrême, écolo‑bobo – propose une douce utopie, complètement hors-sol, fondée sur des énergies dites renouvelables qui ne sont en réalité qu’intermittentes, instables et non maîtrisables – un vrai problème pour la gestion des réseaux électriques.

L’honnêteté nous oblige pourtant à voir ce que font nos voisins européens champions des énergies vertes. L’Allemagne a mis à l’arrêt des parcs éoliens et a dû venir au secours de l’entreprise Siemens qui les gérait et traversait de graves difficultés économiques. L’État a même préféré sacrifier un parc éolien pour garder une mine à charbon.

Si nous voulons passer au tout-électrique, arrêtons avec les batteries chinoises, les panneaux photovoltaïques chinois, les éoliennes chinoises. Tous contiennent des PFAS (substances per- ou polyfluoroalkylées) – produit peu apprécié au sein de notre commission – et des terres rares exploitées en Chine.

Plus généralement, nous devons nous interroger sur notre modèle énergétique, en particulier sur EDF. L’indexation du prix de l’électricité sur celui du gaz a fait anormalement monter le coût de l’énergie, grevant les budgets des ménages et des entreprises. Le carburant de notre économie reste l’électricité ; le problème est que, sans une vision claire sur le prix de l’électricité à moyen et à long terme, nos entrepreneurs n’investiront pas. Il faut de la stabilité et de la visibilité pour encourager l’investissement.

Par ailleurs, la France est le leader européen de l’hydroélectricité, qui représente 20 % de notre production. Cette énergie verte permet d’ajuster les pointes de consommation et de stabiliser nos réseaux électriques. Là encore, les nombreux projets de création de barrages hydroélectriques sont à l’arrêt, du fait des fluctuations du prix de vente de l’électricité et du manque de visibilité en la matière.

Vous l’aurez compris, notre groupe privilégie deux axes principaux : l’hydroélectricité et le nucléaire.

M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. Je remercie l’ensemble des groupes pour la clarté et la richesse de leurs interventions. Je suis reconnaissant à ceux qui ont salué l’utilité de la proposition de loi et je reste ouvert au dialogue avec ceux qui ont exprimé des réserves ou formulé des propositions d’amélioration et d’enrichissement du texte – j’ai moi-même fait part de certaines réserves. Enfin, j’entends les critiques de principe, parfois systématiques, de la part de certains collègues. Toutefois, refuser toute planification, toute anticipation et toute simplification dans un secteur aussi stratégique que l’énergie, ce n’est pas faire preuve de rigueur ; c’est renoncer à agir, alors que nos concitoyens attendent autre chose que du fatalisme et du repli. C’est pourquoi je vous invite à poursuivre ce travail avec sérieux, exigence et responsabilité.

Je vous rejoins, madame Guetté, au sujet des émissions de gaz à effet de serre ; c’est pourquoi j’ai déposé un amendement qui vise à rendre l’objectif contraignant.

Pour répondre à M. Roussel, ce texte inclut bien des objectifs en matière d’énergies renouvelables : 45 % de la consommation finale de chaleur et au moins 200 térawattheures dans la production électrique en 2030.

Je suis d’accord avec Mme Petex sur les articles 22 quater et 22 quinquies, dont je proposerai la suppression.

Madame Laernoes, nous ne sommes pas dans l’illusion. Ce texte fixe un cap en matière nucléaire afin de permettre à la filière de s’organiser : construction de six nouveaux EPR 2 « engagée d’ici 2026 », puis de huit d’ici 2030. Il définit des objectifs de production de chaleur et d’électricité fondée sur les énergies renouvelables, de réduction de la consommation énergétique finale, ainsi que des objectifs en matière d’hydrogène, d’hydraulique ou de photovoltaïque.

Comme l’a souligné M. Thiébaut, ce texte n’est pas idéal. Toutefois, le rejeter en bloc serait contre-productif. Il est essentiel que le Parlement s’en saisisse pour définir nos objectifs en matière de programmation pluriannuelle de l’énergie et de stratégie nationale bas‑carbone.

Je vous rejoins, monsieur Taupiac, sur la formulation de l’article 11, qui n’est pas satisfaisante et je vous invite à adopter mon amendement visant à asseoir la portée contraignante de l’objectif de réduction des émissions. J’ai également exprimé des réserves sur l’article 16 bis, que je vous proposerai de supprimer. Nous devons en effet garantir la sécurité de la gestion des matières et leur valorisation.

Enfin, s’agissant des objectifs énergétiques, les débats se tiendront en commission des affaires économiques.

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

 

Réunion du mardi 27 mai 2025 à 13 h 30

 

Présents. - M. Fabrice Barusseau, Mme Danielle Brulebois, M. Peio Dufau, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Olga Givernet, Mme Clémence Guetté, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, M. David Magnier, M. Eric Michoux, Mme Christelle Petex, M. Fabrice Roussel, M. Freddy Sertin, M. David Taupiac, M. Vincent Thiébaut

 

Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Jean-Victor Castor, M. Marc Chavent, Mme Élise Leboucher, M. Stéphane Lenormand, M. Marcellin Nadeau, M. Olivier Serva, Mme Anne-Cécile Violland, M. Frédéric-Pierre Vos

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Jean-Luc Warsmann