Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane (n° 1180) (M. Guillaume Garot, rapporteur) 2
– Audition de Mme Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie, et de Mme Soline Castel et M. Jean-Noël Jourdan, membres de la Convention, sur les propositions de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) et relative à la fin de vie (n° 1100) 3
– Présences en réunion.................................10
Mercredi
2 avril 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 60
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
— 1 —
La réunion commence à neuf heures trente.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane (n° 1180) (M. Guillaume Garot, rapporteur).
La commission a accepté les amendements figurant dans le tableau ci-après (*) :
N° |
N° Id |
Auteur |
Groupe |
Place |
55 |
X |
M. GAROT Guillaume |
SOC |
1er |
67 |
55 |
M. BRUN Fabrice |
DR |
1er |
56 |
X |
M. GAROT Guillaume |
SOC |
Ap. 1er |
68 |
56 |
M. BRUN Fabrice |
DR |
Ap. 1er |
84 |
56 |
M. MASSÉGLIA Denis |
EPR |
Ap. 1er |
97 |
|
M. BAZIN Thibault |
DR |
Ap. 1er |
112 |
|
M. CECCOLI François-Xavier |
DR |
3 |
45 |
|
M. GAROT Guillaume |
SOC |
3 |
43 |
|
M. GAROT Guillaume |
SOC |
4 |
19 |
|
M. BRUN Fabrice |
DR |
Ap. 4 |
36 |
|
M. CALIFER Elie |
SOC |
Ap. 4 |
15 |
|
Mme BANNIER Géraldine |
Dem |
Ap. 4 |
14 |
|
Mme BANNIER Géraldine |
Dem |
Ap. 4 |
(*) Les autres amendements étant considérés comme repoussés.
*
* *
La commission procède ensuite à l’audition de Mme Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie, et de Mme Soline Castel et M. Jean-Noël Jourdan, membres de la Convention, sur les propositions de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) et relative à la fin de vie (n° 1100).
M. le président Frédéric Valletoux. Notre commission poursuit ses auditions sur les propositions de loi relatives aux soins palliatifs et à la fin de vie, qui seront examinés en commission à partir du 9 mai, et en séance publique les semaines du 12 et du 19 mai.
Nous accueillons aujourd’hui des représentants de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’est tenue en 2023.
Mme Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Notre mission a débuté en septembre 2022, lorsque le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a été saisi par la première ministre, Mme Élisabeth Borne, pour organiser une convention citoyenne sur la fin de vie, conformément à la recommandation du Comité consultatif national d’éthique.
Pour répondre à la question « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? », 185 citoyens tirés au sort ont été réunis pendant neuf week-ends, soit vingt‑sept jours. Parmi eux, 184 sont restés engagés jusqu’au terme de la Convention, démontrant ainsi l’intérêt et l’engagement des Français pour la chose publique lorsqu’on leur en donne les moyens. La Convention s’est déroulée en trois phases : une phase d’appropriation et de rencontres, une phase de délibération, et enfin une phase d’harmonisation et de restitution.
En tant que témoin privilégié, je puis attester de la qualité exceptionnelle des débats et du respect mutuel entre les participants en dépit des désaccords évidents, et de la valeur de cet exercice démocratique délibérative.
Mme Soline Castel, membre de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Le rôle de la Convention citoyenne n’est pas de légiférer, mais d’apporter un éclairage issu de notre immersion totale dans cette thématique.
Sur une question aussi profonde et complexe que la fin de vie, il n’existe pas de vérité absolue. Toutefois, les membres de la Convention sont parvenus à forger une conviction commune, approuvée à la quasi-unanimité, indépendamment des positions individuelles sur l’aide active à mourir. Cette conviction se rapporte au constat alarmant que nous dressons sur l’état de notre système de santé : celui-ci ne répond plus adéquatement à la diversité des besoins des Français.
Après avoir auditionné une soixantaine d’experts, nous avons identifié neuf axes d’amélioration prioritaires : renforcer l’écoute du patient et le respect de sa volonté ; développer l’accompagnement à domicile ; sécuriser des budgets adéquats pour mettre en œuvre ces améliorations ; assurer l’accessibilité des soins palliatifs à chaque citoyen, qu’ils soient dispensés en unités spécialisées ou à domicile, et indépendamment de la situation géographique, de la catégorie socioprofessionnelle ou de l’âge du patient ; garantir l’égalité de l’accès aux soins palliatifs, en s’assurant que les considérations financières ne constituent jamais un obstacle ; améliorer l’information délivrée au grand public, notamment en matière de services d’aide à domicile spécialisés en soins palliatifs ; mieux former les professionnels de santé ; coordonner les instances et densifier le maillage territorial afin de structurer le parcours de soins en fin de vie nécessite ; enfin, favoriser la recherche et le développement dans le domaine des soins palliatifs.
M. Jean-Noël Jourdan, membre de la Convention citoyenne sur la fin de vie. S’il est impossible à 184 citoyens de s’accorder sur une position univoque concernant l’aide active à mourir, les membres de la Convention partagent une conviction : l’aide active à mourir ne saurait être envisagée comme une alternative aux soins palliatifs et à l’accompagnement des patients. Nous la considérons comme une réponse dans un système où le patient peut, à un moment donné, exprimer le désir de mettre fin à ses jours face à une souffrance que la médecine ne parvient pas à soulager.
Les partisans de l’aide active à mourir, représentant 76 % des membres de la Convention, ont d’abord examiné les critères d’accès potentiels à l’aide active à mourir. Bien qu’une minorité significative ait plaidé pour un accès universel, la majorité a préféré définir des critères spécifiques, notamment le stade de la maladie, l’âge et la capacité de discernement du patient. Nous n’avons pas abordé les directives anticipées, dont nous reconnaissons toutefois l’importance en tant que moyen d’expression de la volonté des patients.
Nous avons débattu de la possibilité d’ouvrir un droit au suicide assisté, à l’euthanasie, ou bien à une combinaison des deux selon les circonstances. La majorité s’est prononcée en faveur du suicide assisté, tout en reconnaissant que cette formulation n’est pas satisfaisante. Nous avons également envisagé des exceptions pour l’euthanasie dans le cas de personnes incapables d’effectuer elles-mêmes le geste, même avec assistance.
Au terme de ces débats, nous sommes parvenus à trois points de consensus. Premièrement, nous souhaitons que l’aide active à mourir soit intégrée au processus des soins palliatifs, et non dissociée des soins. Deuxièmement, nous préconisons un suivi rigoureux et constant dès la demande initiale du patient, avec la possibilité de réitérer cette demande. Troisièmement, nous insistons sur la réversibilité du processus à tout moment, selon la volonté du patient.
Les exemples à l’étranger montrent que, dans le cas du suicide assisté, seul un tiers des personnes ayant obtenu le médicament létal l’utilisent effectivement. Cela prouve qu’offrir au patient la possibilité d’être maître de son choix est essentielle, et que l’idée que la souffrance puisse être interrompue est en elle-même apaisante.
Nous proposons également d’encadrer certaines situations exceptionnelles. Enfin, nous recommandons un encadrement strict de l’aide active à mourir, qu’elle soit soumise à une procédure collégiale impliquant des personnes extérieures au domaine médical, et qu’elle fasse l’objet d’un suivi rigoureux.
Mme Soline Castel. Après l’exposé par M. Jourdan des arguments en faveur de l’aide active à mourir, permettez-moi d’énumérer cinq objections formulées au cours des débats de la Convention citoyenne.
Premièrement, la loi Claeys-Leonetti n’est pas suffisamment appliquée ni même connue, et ce problème doit être résolu avant d’envisager l’aide active à mourir.
Deuxièmement, l’aide active à mourir fait courir un risque potentiel pour les personnes vulnérables, susceptibles de faire l’objet de pressions extérieures, notamment familiales, qui pourraient influencer leur décision.
Troisièmement, nous nous interrogeons sur la nature de la souffrance que l’on cherche à soulager. S’agit-il de celle du patient ou de celle de la famille, confrontée à la situation difficile de son proche ? À cet égard, l’aide active à mourir ne saurait faire l’économie de l’accompagnement des familles dans ce processus.
Quatrièmement, la légalisation de l’aide active à mourir représenterait un bouleversement pour notre système de santé, dans lequel le médecin ne dispose pas du pouvoir de mettre fin à la vie d’une personne, ce qui constitue une limite rassurante pour de nombreux patients.
Cinquièmement, l’aide active à mourir pourrait porter atteinte à notre modèle sociétal fondé sur la solidarité et l’accompagnement.
En résumé, nous craignons que le cadre d’une éventuelle ouverture à l’aide active à mourir soit compliqué à respecter et les dérives difficiles à contenir. Ces inquiétudes sont partagées par les 25 % des membres de la convention citoyenne opposés à l’ouverture de l’aide active à mourir.
Mme Annie Vidal, rapporteure. Je tiens avant tout à féliciter les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie pour la grande qualité de leurs travaux.
Depuis la fin des sessions de la Convention, la stratégie décennale des soins d’accompagnement a apporté certaines réponses à vos préoccupations. Quel regard portez‑vous sur ce texte ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Que retirez-vous de la comparaison entre le modèle de loi produit par les membres de la Convention favorables à l’aide active à mourir, et la proposition de loi qui est présentée aujourd’hui ?
M. Jean-Noël Jourdan. La question fondamentale des soins palliatifs est celle de l’accès à ces soins. En France, une inégalité d’accès, essentiellement territoriale, persiste, puisque les citoyens de nombreux départements sont privés d’un accès aux soins palliatifs, ce qui contrevient aux principes mêmes de notre République.
Mme Soline Castel. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’établissement d’une stratégie décennale des soins palliatifs, qui s’inscrit dans le temps long.
À titre personnel, j’étais relativement satisfaite du premier texte de loi, parce qu’il était restrictif et insistait sur d’indispensables garde-fous. A contrario, la proposition de loi me semble par trop ouverte, au sens où elle donne davantage de libertés, ce qui m’inquiète au regard des dérives potentielles.
M. Jean-Noël Jourdan. Le projet de loi est conforme aux souhaits de la majorité des conventionnels favorables à l’ouverture de l’aide active à mourir. Cependant, les notions de court et moyen terme restent insuffisamment précises, et le texte laisse une porte ouverte au secteur privé, quand la Convention estime unanimement que l’aide active à mourir ne peut être pratiquée ailleurs que dans les structures médicales publiques.
Mme Brigitte Liso (EPR). La Convention a mis l’accent sur l’accompagnement psychologique. Doit-il porter, selon vous, sur le patient seul, ou bien sur le patient et son entourage ?
Par ailleurs, jusqu’où doit s’étendre la collégialité de la prise de décision ? Une collégialité trop large ne compliquerait-elle pas la prise de décision ?
M. Laurent Panifous, rapporteur. Ma première question prolonge celle de ma collègue, puisque j’aimerais vous demander si la collégialité telle qu’elle est envisagée dans le texte présenté aujourd’hui vous parait suffisante, et ce que vous pensez de la présence facultative d’un psychologue ou d’un psychiatre.
Ma seconde question s’adresse à madame Thoury : dans le cadre de vos travaux, avez-vous examiné le profil socio-économique des personnes accédant aux dispositifs d’aide à mourir légalisés dans d’autres pays ? Une critique récurrente porte en effet sur la variabilité de l’accès à ces procédures en fonction de la catégorie socioprofessionnelle, du niveau d’éducation ou des moyens financiers des personnes.
Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je souhaite connaître votre point de vue sur la composition de la commission de contrôle et d’évaluation. Serait-il pertinent selon vous d’inclure dans sa composition un avocat ou un juriste, afin d’évaluer la conformité de la procédure et déterminer si une saisine de la justice est nécessaire ? Faut-il également envisager l’intégration dans cette commission de représentants des usagers, voire une représentation citoyenne en lien avec la Convention ?
Par ailleurs, et pour rebondir sur la question de M. Panifous, estimez-vous que la commission devrait produire une analyse sociologique des personnes ayant recours à l’aide active à mourir ?
M. René Pilato (LFI-NFP). Ma question s’adresse à Mme Castel, qui porte la voix des conventionnels opposés à la légalisation de l’aide active à mourir, à laquelle je suis pour ma part favorable.
Madame, vous avez évoqué à juste titre la nécessaire garantie d’une égalité de l’accès aux soins palliatifs. Actuellement, deux à trois mille personnes sont contraintes de se rendre à l’étranger pour bénéficier de l’aide active à mourir, ce qui constitue à mes yeux une rupture d’égalité. Contrairement aux idées reçues, les personnes ayant recours à l’aide active à mourir comptent parmi les 20 % des personnes les plus aisées de la population.
J’aimerais comprendre ce qui vous contrarie, de manière fondamentale, dans l’octroi d’un nouveau droit permettant de disposer de son corps jusqu’aux derniers instants, face à des souffrances réfractaires. Ne devons-nous pas assurer une égalité de droit pour mettre fin à ces souffrances ?
M. Thibault Bazin (DR). La Convention citoyenne a-t-elle, au cours de ses travaux, abordé la problématique des personnes en situation de handicap, et la difficulté à appréhender leurs besoins, notamment par rapport à la douleur ? Quelles pistes envisagez‑vous pour améliorer la prise en charge de la douleur chez les personnes en situation de handicap ?
Par ailleurs, nous savons que dans le cas de la sédation profonde et continue, la question de l’intention revêt une importance capitale pour les soignants, en termes d’impact psychologique. Avez-vous pris en compte cette dimension dans vos travaux ?
Enfin, vous avez mentionné le choix entre le domicile et l’établissement. Avez‑vous abordé cette question sous l’angle de la solitude ?
M. Philippe Vigier (Dem). Madame Castel, je suis surpris par votre affirmation selon laquelle le texte qui nous est soumis serait moins sécurisant et moins précis que les précédents, dans la mesure où la notion de pronostic vital à court et moyen terme y fait l’objet d’une attention particulière. De plus, le collège des professionnels de santé et la présence d’une tierce personne pour veiller au respect des directives anticipées et des souhaits du patient me semblent apporter des garanties solides et rassurer le corps médical. Enfin, l’intervention d’une personne extérieure, initialement envisagée, a été retirée du texte actuel.
Le texte me semble donc apporter davantage de garanties et de sécurité pour les patients, les professionnels de santé et l’entourage. Pourriez-vous clarifier votre position ?
M. Olivier Fayssat (UDR). J’ai noté que 76 % des conventionnels se sont exprimés en faveur de l’aide active à mourir. Mais je me demande si ces personnes se sont projetées dans la situation où elles devraient elles-mêmes décider entre prolonger la souffrance et donner la mort. Si elles devaient assumer personnellement cette responsabilité, pensez-vous que ces personnes maintiendraient leur avis sur l’aide active à mourir ?
M. Christophe Blanchet (Dem). J’aimerais demander à Mme Castel de développer son opposition au texte, en particulier sur la question de l’incertitude relative au pronostic vital.
Mme Marine Hamelet (RN). Je dois vous dire que la tenue d’une Convention citoyenne sur la fin de vie m’interpelle. D’abord sur le plan de la crédibilité : la Convention a été organisée par le Cese, dont le président, M. Thierry Beaudet, est un fervent militant de l’euthanasie qui, de plus, a fait carrière dans le secteur des mutuelles de santé. N’y a-t-il pas là un conflit d’intérêts ? De plus, je reste perplexe devant le coût de cette Convention, qui s’élève à 4,3 millions d’euros, soit 863 euros par personne et par jour. Cela me paraît disproportionné. Dans le même ordre d’idées, j’aimerais savoir si Mme Castel estime que le point de vue des personnes opposées au texte a bien été respecté.
M. Arnaud Simion (SOC). Permettez-moi avant tout d’exprimer ma totale opposition aux propos tenus par Mme Hamelet.
Ma question porte sur les biographes hospitaliers, dont la formation est validée depuis 2019 par un diplôme universitaire. Avez-vous évoqué cette démarche au cours de vos travaux ?
Mme Claire Thoury. Je précise d’emblée que M. Beaudet s’est déporté de la présidence du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie précisément parce qu’il avait pris position, à titre personnel, sur ce sujet. Il s’est par la suite tenu à distance de nos débats, du début à la fin, et d’ailleurs je souligne qu’aucun parti politique ne s’est ingéré dans nos travaux. Quant à moi, je suis une personne indépendante.
Je vous laisse libre de vos propos, madame Hamelet, concernant le coût de la Convention, mais il me semble que la démocratie mérite quand même qu’on y investisse quelques euros. Durant quatre mois, 184 personnes se sont engagées pour la République. Elles ont donné de leur temps, malgré leurs contraintes familiales et professionnels, et malgré les longs trajets, parce qu’on leur a demandé de construire un chemin qui soit accepté par le plus grand nombre. Elles ont débattu sans s’invectiver. Il y a eu des tensions, certes, mais la démocratie est une matière vivante, et humaine. De nombreux conventionnels ont changé d’avis en cours de route, souvent deux fois. Ils ont trouvé des points de convergence, buté sur des divergences, identifié celles qui pouvaient être dépassées et celles qui persistaient. Et cela en toute transparence, avec le souci de n’humilier personne, de ne rabaisser aucun point de vue. Une soixantaine de personnes ont été auditionnées. De nombreux soignants sont venus nous expliquer leur travail et, contrairement à ce que l’on a pu entendre, une majorité s’est prononcée contre l’aide active à mourir.
Je vous dis cela, madame, non pas pour revendiquer une perfection dans la conduite des débats, car j’ai bien conscience des limites de l’exercice. Je le dis pour souligner que la réponse à la question posée à la Convention est une réponse non pas médicale, mais citoyenne. L’aide active à mourir ne relève pas d’un choix médical, il s’agit d’un choix de société, et de tous ces débats je retiens qu’à la fin des fins nous devons faire un choix qui, comme tous les choix, est porteur de conséquences. Que le Parlement vote ou non en faveur de cette loi, nous devons nous rappeler que ce débat porte aussi sur notre capacité à vivre mieux, collectivement.
M. Jean-Noël Jourdan. Dès le début de la Convention, nous nous sommes opposés à toute évaluation, tout sondage, tout vote. Ce n’est qu’à la fin du processus, une fois consolidées nos positions, que nous étions prêts à nous soumettre à un vote. Nous avions à cœur de forger notre opinion de manière indépendante et éclairée, en rejetant toute forme de pression extérieure, et j’estime que nous y sommes parvenus.
La collégialité dans le processus d’aide active à mourir est une question complexe. Certains conventionnels préconisaient une approche allégée pour répondre rapidement aux demandes, considérant l’urgence inhérente à ces situations. Mais il me semble crucial de trouver un équilibre : une collégialité trop lourde risquerait de rendre ce droit inopérant, tandis qu’une procédure trop légère pourrait compromettre la qualité de l’évaluation. En outre, il convient de prendre en compte la souffrance du demandeur, qui exige une réponse dans des délais raisonnables.
Mme Soline Castel. Je tiens à préciser que, lors de la Convention citoyenne, les représentants de la minorité opposée à l’ouverture de l’aide active à mourir ont bénéficié d’au moins 50 % du temps de parole pour exposer leurs arguments. À titre personnel, la Convention m’a fourni les outils nécessaires pour développer mon argumentation.
L’accompagnement psychologique doit porter selon moi sur les trois parties prenantes : le patient, son entourage et les soignants impliqués dans l’acte d’aide active à mourir. Si cet accompagnement ne peut être rendu obligatoire, je préconise la programmation systématique d’un rendez-vous, laissant ensuite le choix à chacun de s’y rendre ou non.
Concernant l’évaluation de la douleur chez les personnes en situation de handicap, je sais, pour travailler moi-même dans ce secteur, combien il est difficile, parfois, de comprendre les besoins de ces personnes, surtout quand la communication est défaillante. On y parvient seulement, je le crois, à force de temps, par une connaissance approfondie de la personne.
Je déplore vivement que la commission de contrôle et d’évaluation n’intervienne qu’a posteriori à propos d’un acte par nature irréversible. Le caractère non obligatoire de cette commission soulève également des interrogations.
Ma préoccupation majeure concerne l’ouverture de ce nouveau droit sans que toutes les alternatives aient été pleinement explorées et mises en œuvre. Je considère qu’il est impératif d’appliquer intégralement la loi Claeys-Leonetti et d’assurer un maillage territorial complet des soins palliatifs avant d’envisager l’aide active à mourir.
Enfin, mes réserves sur la proposition de loi portent sur son caractère à mon sens plus permissif que la proposition initiale. Je m’inquiète notamment de la possibilité pour les infirmières de réaliser l’acte et des implications potentielles du délit d’entrave, qui pourrait compromettre l’accompagnement et la prévention du suicide.
M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie, mesdames et monsieur, pour avoir participé à cet échange.
La réunion s’achève à dix heures trente.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Sylvie Bonnet, M. Xavier Breton, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Olivier Fayssat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Guillaume Garot, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Marietta Karamanli, M. Michel Lauzzana, Mme Élise Leboucher, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Hanane Mansouri, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Laurent Panifous, Mme Angélique Ranc, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, M. Jean Terlier, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Anchya Bamana, M. Didier Le Gac, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Assistaient également à la réunion. – M. Christophe Blanchet, Mme Justine Gruet, Mme Marine Hamelet, M. Philippe Juvin, M. René Pilato