Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et de M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins, sur les propositions de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) et relative à la fin de vie (n° 1100) Erreur ! Signet non défini.
– Présences en réunion.................................45
Mercredi
9 avril 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 63
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
Président
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La réunion commence à neuf heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission auditionne Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins, sur les propositions de loi relatives aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) et à la fin de vie (n° 1100).
M. le président Frédéric Valletoux. Nous commençons l’examen des deux propositions de loi respectivement relatives aux soins palliatifs et d’accompagnement et à la fin de vie, particulièrement importantes et attendues. La conférence des présidents a pris acte de la décision du gouvernement d’inscrire ces deux textes à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour les semaines des 12 et 19 mai. Ils seront appelés conjointement dans l’hémicycle dès le lundi 12 mai. Par conséquent, le délai de dépôt des amendements en séance publique expirera le mercredi 7 mai.
Par ailleurs, la conférence des présidents n’a pas encore arrêté les modalités de discussion et de vote en séance publique. L’examen en commission a fait l’objet d’une décision de notre bureau. Il se déroulera en deux temps. Nous travaillerons jusqu’à vendredi 11 avril au soir, date de la suspension des travaux de l’Assemblée nationale. Nous reprendrons nos débats le lundi 28 pour les achever mercredi 30 avril. Dans l’hypothèse où nous n’aurions pas terminé à cette date, nous nous retrouverions le vendredi 2 mai pour conclure. Le vote en commission de chacune des propositions de loi interviendra immédiatement après l’examen de l’ensemble des amendements.
Les propositions de loi ont été respectivement déposées par Annie Vidal et Olivier Falorni. Les sujets relatifs à la fin de la vie ont fait l’objet de nombreux travaux préparatoires au cours des dernières années. Des comités, des sociétés savantes, des institutions consultatives ont produit une réflexion riche. Une Convention citoyenne a été réunie à l’initiative du Président de la République de décembre 2022 à avril 2023.
Le Parlement n’a pas été en reste. Ainsi, notre commission a mené sous la présidence d’Olivier Falorni, en mars 2023, une mission d’évaluation de la loi n° 2016‑87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « Claeys-Leonetti », pour en déterminer les succès et en identifier les manques. Le gouvernement a ensuite élaboré un projet de loi dont l’Assemblée nationale a été saisie au printemps dernier : l’examen avait été confié à une commission spéciale présidée par Agnès Firmin Le Bodo, Olivier Falorni en étant le rapporteur général ; il était déjà porté par la ministre Catherine Vautrin. De l’avis de tous, les travaux ont été alors d’une qualité remarquable et d’une grande dignité, en commission spéciale comme en séance publique. Ils étaient sur le point d’arriver à leur terme quand est intervenue la dissolution, qui les a interrompus du point de vue politique et anéantis du point de vue juridique.
La discussion de ces dispositions est demeurée un objectif auquel il n’était pas question de renoncer malgré la configuration atypique de la présente législature. Je salue à cet égard la résolution de tous les acteurs concernés : la constance de la présidente de l’Assemblée nationale et des présidents de groupe au sein de la conférence des présidents ; le soutien du gouvernement, qui s’était engagé à programmer l’examen des textes une fois passée la période budgétaire. Promesse tenue : les deux semaines dont nous disposerons en séance publique seront prises sur l’ordre du jour gouvernemental.
Afin de respecter le travail accompli l’année dernière, Annie Vidal et Olivier Falorni ont déposé des propositions de loi, reprenant le projet de loi enrichi des discussions en commission spéciale et en séance publique. La méthode retenue – deux textes distincts discutés ensemble – donne satisfaction à tous et permettra à chacun de défendre au mieux ses convictions.
Nos débats seront éclairés par les auditions très utiles auxquelles la commission et les rapporteurs ont procédé depuis deux semaines. Ils doivent l’être aussi par l’action déjà accomplie depuis le printemps dernier. Les engagements du gouvernement en matière de soins palliatifs ont trouvé leur première traduction dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 grâce à une enveloppe de 100 millions d’euros, première étape de la stratégie décennale des soins d’accompagnement.
Sur la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, la commission a été saisie de 626 amendements. Le président de la commission des finances a estimé que 32 d’entre eux tombaient sous le coup de l’article 40 de la Constitution, 12 autres ayant été jugés irrecevables pour diverses raisons. Nous avons donc un peu moins de 600 amendements à examiner. Sur la proposition de loi relative à la fin de vie, la commission a été saisie de 1 163 amendements. Le contrôle de leur recevabilité n’est pas achevé, notamment en matière financière.
Lors de cette audition, qui tiendra lieu de discussion générale conjointe, le bureau de la commission, ayant pris en compte le fait que différents points de vue sont susceptibles de s’exprimer au sein d’un même groupe, a décidé que chaque groupe pourrait exceptionnellement désigner deux orateurs.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Il était essentiel pour les patients que ce débat puisse reprendre. Nous devons leur garantir, partout sur le territoire, des soins palliatifs renforcés – c’est le sens de la première proposition de loi. Elle vient appuyer la stratégie décennale, dont j’avais eu l’initiative, sur la fin de vie, dont nous souhaitons qu’elle soit un moment d’apaisement dans le cadre d’une prise en charge de la situation médicale spécifique du patient. C’était essentiel aussi pour ceux dont la souffrance ne peut être soulagée malgré l’accompagnement et qui, en conscience, demandent une aide à mourir médicalement encadrée et respectueuse de leur volonté, de leur autonomie. C’est ce que permet la seconde proposition de loi.
Ces deux textes sont issus de longs travaux : ceux des sociétés savantes ; le rapport Chauvin sur les soins palliatifs ; la Convention citoyenne ; nos échanges pendant trois semaines l’année dernière. Ils reprennent le projet de loi que j’avais eu l’honneur de défendre et ils seront examinés de manière conjointe.
Ces deux textes ne s’opposent pas. Ils se complètent. Ils constituent les deux piliers d’un seul et même socle éthique : assurer une prise en charge continue de la douleur dans le respect de la dignité de chacun. Depuis des mois, voire des années, cette question traverse notre société. Elle fait l’objet de convictions profondes, intimes, parfois douloureuses. Elle nous confronte à l’indicible : comment accompagner ceux qui approchent l’inéluctable ? Comment leur offrir la fin de vie la plus digne, la plus apaisée, la plus humaine possible ?
Interrompu par la dissolution, le projet de loi avait suscité des débats riches, exigeants et empreints de dignité. Je remercie l’Assemblée nationale pour la qualité de ses travaux. Ce sujet dépasse les clivages partisans et les appartenances politiques. Malgré les transitions et les remaniements, une chose demeure : l’attente de la société. Nous avons donc besoin de reprendre ce débat de la manière la plus éclairée et la plus apaisée possible, en donnant la priorité à l’accompagnement des malades et de leurs proches, pour soulager leurs souffrances. Je suis convaincue que ces deux textes peuvent rassembler car ce débat est juste et touche à ce que nous avons de plus humain. En 2003, Jacques Chirac affirmait : « mal prises en charge, la douleur et l’angoisse portent atteinte à la dignité humaine ».
Ce débat est aussi un enjeu démocratique : les Français se sont saisis du sujet de la fin de vie, qui les touche directement. Tous se savent susceptibles d’y être confrontés un jour. Le texte que j’ai eu l’honneur de défendre nourrissait la grande ambition, qui demeure, d’offrir à chacun la garantie d’une fin de vie digne dans le respect de son autonomie.
La proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement a pour objectif d’accompagner les Français dans les épreuves les plus difficiles de leur existence. Ce n’est pas un droit que nous donnons ; c’est un devoir que nous avons. Développer les soins palliatifs revient à affirmer que la République ne détourne jamais le regard de la souffrance. Toutefois, aujourd’hui, on ne peut pas recevoir partout sur notre territoire les soins palliatifs auxquels on a droit. Nous avons donc commencé à agir. Nous avons lancé une stratégie décennale des soins d’accompagnement. J’avais pris l’engagement d’un financement à hauteur de 1 milliard d’euros sur dix ans. C’est ainsi que la dernière loi de financement de la sécurité sociale inclut une enveloppe de 100 millions d’euros. L’ambition est claire : permettre à chaque Français, quel que soit son âge ou son lieu de vie, l’accès aux soins palliatifs.
La stratégie décennale a porté ses premiers fruits en matière d’offre de soins, notamment à domicile car beaucoup de nos concitoyens aspirent à être accompagnés aussi longtemps que possible dans leur cadre de vie familier. Les médecins de ville ont effectué en moyenne chaque trimestre plus de 17 000 visites longues, qui permettent une présence prolongée et un accompagnement renforcé à domicile. L’hospitalisation à domicile a enregistré une hausse de 22 % du nombre de patients pris en charge. Des équipes d’intervention rapide en soins palliatifs ont été créées, mobilisables en quelques heures. Le déploiement des équipes mobiles de soins palliatifs s’est poursuivi avec 420 équipes actives partout sur le territoire et couvrant l’ensemble des régions, pour soutenir soignants et patients.
Pour certains patients, ou lorsque les situations deviennent trop complexes, le recours au milieu hospitalier demeure essentiel. Les unités de soins palliatifs ont vu leur capacité augmenter : alors que vingt-deux départements n’en disposaient pas fin 2023, treize nouvelles unités ont été créées ou vont l’être dans les prochains mois dans le Cher, les Ardennes, les Vosges, l’Orne, la Corrèze, le Lot, les Hautes-Pyrénées, la Lozère, la Guyane, la Sarthe, l’Eure-et-Loir, les Pyrénées-Orientales et la Meuse. Le nombre de lits en soins palliatifs a progressé dans les services hospitaliers, notamment dans les départements dépourvus d’unité de soins palliatifs. Deux premières unités pédiatriques de soins palliatifs ouvriront cette année, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Guyane.
En parallèle, l’accent est mis sur la formation, condition de la montée en compétences de la filière. Plus de 100 postes ont été ouverts pour la rentrée 2024‑2025 : une filière universitaire commence à prendre corps.
Enfin, nous devons mieux faire connaître les droits des patients. Dès cette année, une campagne nationale d’information portera sur la désignation de la personne de confiance et la rédaction des directives anticipées. Un plan personnel d’accompagnement sera proposé à chaque patient dès l’annonce d’une affection grave. Ses contours seront débattus avec vous. Loin d’être un document administratif de plus, ce plan sera le reflet d’un véritable échange entre le patient et ses soignants : un temps d’écoute, de dialogue, de confiance pour anticiper les soins d’accompagnement et définir les souhaits d’accompagnement de la personne jusqu’au terme de son parcours. Il ne contiendra aucune mention de l’aide à mourir : ce n’est pas son objet et ce n’est pas le bon moment pour engager cette discussion avec le patient. Du reste, si le plan contenait des indications à ce sujet, elles ne suffiraient pas à rendre recevable une éventuelle demande.
Nous devons aller plus loin dans l’organisation des soins et l’accompagnement des patients. Tel était l’objet du titre Ier du texte gouvernemental, repris dans la proposition de loi de la députée Annie Vidal. Ses trois priorités sont la création d’organisations territoriales dédiées aux soins palliatifs et d’accompagnement pour structurer et garantir un accès effectif et équitable sur l’ensemble du territoire ; une formation spécifique pour les professionnels de santé du secteur médico-social pour que la culture palliative irrigue tous les lieux de soins et devienne un réflexe ; la généralisation du plan personnalisé d’accompagnement pour répondre aux besoins spécifiques de chaque patient dès l’annonce de l’affection grave et dans le respect de ses souhaits.
Les échanges avec les députés, l’année dernière, ont donné à voir combien ces textes étaient perfectibles. S’agissant des maisons d’accompagnement, j’ai souhaité proposer une nouvelle formulation, probablement plus consensuelle : « maison de répit et de soins palliatifs ». Ces structures offrent une alternative au domicile tout en proposant une prise en charge qui respecte l’esprit de l’hospitalisation à domicile – un accompagnement chaleureux, dans un lieu à taille humaine, où les patients peuvent être accueillis pour un temps de répit ou pour des séjours de durée plus longue. Je le rappelle, le personnel de ces maisons n’a pas vocation à pratiquer l’aide à mourir. Si les patients accueillis dans ces maisons en font la demande, ils pourront bien sûr y accéder dans les mêmes conditions qu’à leur domicile.
Force est de constater que la loi dite « Claeys-Leonetti », qui a instauré la sédation profonde et continue, ne permet pas de traiter la totalité des situations. Certains patients, malgré une prise en charge exemplaire, restent confrontés à des souffrances que la médecine ne parvient plus à soulager : des douleurs physiques réfractaires, des détresses psychologiques profondes, des pertes d’autonomie vécues comme des atteintes insupportables à la dignité. Le cadre actuel montre ses limites quant à ces situations extrêmes. D’où une attente à laquelle la seconde proposition de loi, relative à la fin de vie, répond. Il est des souffrances qu’aucun traitement ne peut apaiser et des parcours de fin de vie où les soins d’accompagnement ne suffisent plus, où l’enjeu est pour la personne de choisir sa propre issue dans un cadre strictement et profondément respectueux de sa dignité. C’est un devoir de la société que d’accompagner ceux qui, après un chemin médical éprouvant et une dégradation irréversible de leur état, formulent, en pleine conscience et liberté, une demande d’aide à mourir, en s’assurant à chaque instant de leur total discernement. Les Français nous demandent d’assumer cette responsabilité. Ils ne le font pas à la légère, mais en conscience.
Le texte que le gouvernement avait proposé l’année dernière ne surgissait pas du néant. Il s’inscrivait dans un continuum législatif et médical qui avait commencé avec la loi n° 99‑477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, suivie de la loi n° 2002‑303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dite « Kouchner », de la loi n° 2005‑370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie dite « Leonetti », de la loi « Claeys-Leonetti » du 2 février 2016 déjà citée, jusqu’aux avis du Comité consultatif national d’éthique et aux travaux de la Convention citoyenne.
Il reste un pas à franchir. Dans quelques situations, probablement rares mais bien réelles, la loi ne permet pas une réponse humaine à un malade qui, au stade ultime de sa vie, malgré des soins d’accompagnement palliatif de qualité, exprime avec clarté et de façon répétée sa volonté d’abréger sa douleur et son désespoir. Que pouvons-nous dire si ce n’est qu’il peut partir, s’il en a les moyens, en Suisse ou en Belgique, faute de quoi il mourra ici lentement, douloureusement, parfois dans la solitude ? Nous ne pouvons l’accepter. C’est pourquoi nous devons mettre en place un cadre strict, ancré dans l’éthique médicale, fondé sur deux piliers indissociables : la liberté du patient et celle du soignant.
Loin de constituer une rupture anthropologique, cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité d’un socle juridique bâti depuis vingt ans selon trois principes fondamentaux : le droit de refuser un traitement ; l’interdiction de l’acharnement thérapeutique ; le recours possible à une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Cette évolution reste fidèle aux fondements des textes précédents, centrés sur la personne malade : soulager les souffrances, protéger la dignité – principe à valeur constitutionnelle –, respecter une volonté exprimée de façon libre, éclairée et persistante.
Le gouvernement est profondément attaché aux cinq critères cumulatifs, garants d’un cadre éthique et responsable, qui encadrent l’aide à mourir. Celle-ci ne peut s’adresser qu’à des patients majeurs, de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, atteints d’affections graves et incurables, avec un pronostic vital engagé, souffrant de douleurs devenues insupportables et réfractaires aux traitements, exprimant leur demande de manière libre et éclairée. Chacune de ces conditions est une protection essentielle pour les patients : modifier l’une revient à compromettre un équilibre fragile et exigeant.
L’autonomie du patient est au cœur de nos réflexions. La demande d’aide à mourir ne peut venir que de lui, lorsqu’il est confronté à des souffrances insupportables malgré les soins d’accompagnement ou palliatifs, dans les derniers mois ou semaines de sa vie. Sa volonté doit être exprimée en pleine conscience et réitérée jusqu’au geste lui-même. À la suite des interrogations formulées lors du débat parlementaire l’an dernier, j’ai saisi le président du Comité consultatif national d’éthique. Sa réponse a été sans équivoque : la volonté du patient doit être écoutée et analysée dans le temps afin de s’assurer de son caractère libre, éclairé et persistant.
Concernant la condition d’un pronostic vital engagé, fondement du modèle français de la fin de vie, il est essentiel d’aboutir à une rédaction claire, éthique et conforme aux réalités médicales. Lors de vos travaux, vous aviez estimé que la notion de moyen terme était trop imprécise, lui préférant celle de phase avancée ou terminale. J’ai saisi à cet égard la Haute Autorité de santé. Elle rendra ses conclusions dans quelques jours, avant le début de l’examen des propositions de loi. Je ne peux préjuger de sa position, mais je m’engage à ce que le gouvernement propose la meilleure formulation pour créer le cadre le plus clair possible pour les patients et les soignants.
J’entends les inquiétudes d’une partie du corps médical. En aucun cas, nous ne renonçons à soigner. Nous répondons à des patients qui ne trouvent pas de solution. Nous prolongeons la main tendue de la médecine jusqu’à ce que la personne puisse, si elle le souhaite et avec discernement, la lâcher en paix. Le respect de la clause de conscience de chacun est impératif. Dans ce modèle de la fin de vie, la liberté du médecin est garantie. Aucun soignant ne sera jamais contraint à un acte contraire à sa conscience. C’est une ligne rouge et je souhaite vivement qu’elle le reste.
Mesdames et messieurs les députés, dans les jours à venir, vous serez appelés à débattre de l’un des sujets les plus sensibles, profonds et attendus de notre société, un sujet éthique, médical et juridique qui exige rigueur, humilité et humanité. Je veux saluer le travail remarquable conduit par la commission spéciale il y a un an, sous l’égide de la présidente Agnès Firmin Le Bodo et du rapporteur général Olivier Falorni. J’ai une pensée pour l’ensemble des rapporteurs de l’époque. Les auditions ont nourri un débat d’une rare densité. Ce travail parlementaire a posé les bases d’une discussion à la hauteur de l’enjeu. Il permet d’aborder le débat avec profondeur et exigence.
Je suis consciente du fait que certains points appellent encore des clarifications. Le gouvernement a pris acte des amendements déposés. Il restera attentif aux débats en commission et prendra toute sa part à la discussion en séance publique pour que ces textes soient équilibrés, soutenus par la plus grande majorité possible. Cet équilibre est essentiel : il ne s’agit de rien de moins que de vie, parfois de mort. La réponse que nous proposons repose sur deux piliers : un accès effectif aux soins palliatifs pour tous sur l’ensemble du territoire ; une réponse encadrée à ceux pour qui la médecine, malgré tout son engagement, ne suffit plus à soulager la douleur.
Ces textes n’instaurent pas un modèle euthanasique : l’intervention d’un tiers n’est envisagée que si le patient, physiquement empêché, ne peut s’administrer lui-même la substance létale. Ils ne banalisent pas le suicide mais reposent sur des critères stricts, une évaluation médicale rigoureuse et l’expression d’une volonté libre et éclairée – un cadre d’exception pour des situations exceptionnelles.
Je veux dire aux soignants : « Vous n’êtes pas seuls ; nous serons à vos côtés pour accompagner, former, sécuriser vos pratiques. » Je veux dire aux patients et à leurs familles : « Vous êtes entendus ; votre souffrance, votre parole, votre dignité sont au cœur de ces textes. » Enfin, je veux dire aux Français : « Le Parlement est au rendez-vous de ses responsabilités ; il vous écoute, il vous comprend et il agit avec gravité, mais aussi avec courage. »
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Je rappelle tout d’abord l’importance du travail parlementaire passé sur les sujets des soins palliatifs et de l’accompagnement, ainsi que de la fin de vie, en rendant hommage à l’engagement d’Agnès Firmin Le Bodo. Les débats parlementaires de mai 2024 constituent la base de ces deux textes, qui intègrent l’ensemble des amendements adoptés avant la dissolution. Je salue également le travail des rapporteurs : Annie Vidal et François Gernigon pour la proposition de loi relative aux soins palliatifs et à l’accompagnement, Olivier Falorni – dont nous connaissons l’engagement dans ce domaine depuis des années – ainsi que Brigitte Liso, Stéphane Delautrette, Laurent Panifous et Élise Leboucher pour la proposition de loi relative à la fin de vie.
Je compte maintenir tout au long du débat parlementaire l’esprit de dialogue exigeant et constructif qui a prévalu jusqu’ici. Nous avons fêté cette année les vingt ans de la loi « Leonetti ». Je me suis replongé dans les débats parlementaires de 2005 : à l’Assemblée nationale, ils avaient été marqués par une grande sérénité et par la volonté de dépasser les oppositions partisanes. Cet état d’esprit avait permis de voter, unanimement, un texte équilibré, pertinent et fondateur de notre modèle français de soins palliatifs.
J’en viens à mon état d’esprit pour que le texte relatif aux soins palliatifs et à l’accompagnement honore la promesse faite en 2005 et réaffirmée en 2016 d’un accès universel aux soins palliatifs.
Notre modèle français est un socle solide. Il a renforcé considérablement les droits des malades et de leurs familles. Malheureusement, seuls 50 % des patients qui ont besoin de soins palliatifs en bénéficient. Nous devons donc agir, et vite : compte tenu du vieillissement de la population, d’ici à 2034, 440 000 personnes auront besoin de soins palliatifs, soit 15 % de plus qu’aujourd’hui.
Tel est le sens de la mobilisation générale en faveur de l’accompagnement et des soins palliatifs, adossée à des moyens importants et concrets. Les objectifs de la proposition de loi rejoignent et traduisent la stratégie nationale en faveur des soins palliatifs, pour laquelle un comité de pilotage a été installé le mois dernier et un financement à hauteur de 100 millions d’euros figure dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
Le premier objectif est de renforcer et garantir l’accès aux soins palliatifs pour tous dans tous les territoires.
Il s’agit d’abord de créer de nouvelles unités de soins palliatifs et des unités de soins palliatifs pédiatriques, en particulier dans les départements à l’offre déficitaire ou qui en sont totalement dépourvus. Mais les soins palliatifs en hospitalisation à domicile, notamment dans les maisons de répit, ont également vocation à être développés. Ce dispositif diversifie l’offre en fonction des besoins en proposant une alternative au domicile dans toutes les situations où il n’est pas possible de rester chez soi. Les cellules territoriales que prévoit la stratégie décennale renforceront la coordination entre les établissements, l’hospitalisation à domicile et les soignants de ville. Je pense aussi à l’action d’associations telles que Voisins & Soins ou à la maison médicale Jeanne-Garnier, dont les bénévoles interviennent directement au domicile. La proposition de loi tient compte du développement de ces nouveaux modes de prise en charge, qui correspondent aux aspirations de la majorité de Français souhaitant finir leur vie à domicile, en proposant un mécanisme de conventionnement avec des associations.
Améliorer l’accès aux soins palliatifs et à l’accompagnement, c’est aussi renforcer les connaissances et l’utilisation des directives anticipées, outil précieux pour que chacun prenne en main sa fin de vie et en soit acteur. Après un diagnostic grave, le plan personnalisé d’accompagnement laissera chacun indiquer précisément ses volontés afin de bénéficier du parcours le plus adapté à ses besoins comme à ses choix personnels.
Le deuxième objectif est de former plus et mieux pour développer une véritable culture palliative.
Il existe deux formations spécialisées transversales d’une durée d’un an, instaurées lors de la réforme du troisième cycle des études médicales et soutenues par les ministères de la santé et de l’enseignement supérieur et de la recherche, portant respectivement sur la médecine palliative et la prise en charge de la douleur. Si elles affichent une capacité de 112 places, seules 57 places sont actuellement pourvues.
Nous voulons tout faire pour améliorer la reconnaissance et l’attractivité de la médecine palliative. Grâce à la stratégie décennale, je veux poursuivre cet effort de création de postes dans le domaine de la médecine palliative et de l’accompagnement. À terme, 100 postes d’hospitalo-universitaires titulaires, 100 postes de chef de clinique et 100 postes d’assistants spécialistes, soit 300 postes, seront créés. Nous avons besoin d’une offre de filière universitaire. Notre pays souffre d’un certain retard alors qu’il est pionnier dans bien d’autres disciplines scientifiques. Je souhaite donc que nous disposions dans le domaine des soins palliatifs de professeurs des universités-praticiens hospitaliers, de publications, de chercheurs. Il faut que ce domaine devienne une discipline médicale et d’excellence à part entière.
De manière complémentaire, je veux que soit développée, pour tous les soignants et tous les étudiants en santé, une culture palliative. Que l’on soit infirmier, médecin ou aide-soignant, le domaine du soin est sans doute celui qui confronte le plus directement à la mort, à la perte d’un patient : il faut y être préparé. Pourtant, cet aspect n’est pas suffisamment évoqué durant les études. Je veux qu’il soit pris en compte dans tous les cursus dès le début de la formation.
Il faut enfin insister sur l’importance de la formation continue. Plus encore que dans d’autres secteurs, elle est un enjeu crucial de l’accompagnement de la fin de vie et des soins palliatifs. Elle correspond souvent à un deuxième parcours de vie professionnelle après une vie de soignant ou de médecin dans d’autres disciplines. Il n’est pas facile de se spécialiser dans ce domaine, dont je conçois parfaitement qu’il puisse ne pas convenir à un début de carrière. Cette vocation advient souvent au fil des années, parfois guidée ou provoquée par une expérience marquante. Je tiens à renforcer la formation continue et les passerelles pour que tous ceux qui voudraient ouvrir un nouveau chapitre de leur carrière puissent s’engager dans cette voie avec les moyens et les soutiens adéquats.
La proposition de loi et les amendements déposés à l’article 8 prennent en considération ces différents enjeux. Il faudra débattre des modalités pratiques. J’y travaille, en collaboration étroite avec mon collègue ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche Philippe Baptiste. Ce chantier est prioritaire et je tiens à le mener à bien avec le Parlement.
Si j’ai tenu à consacrer le début de mon propos au renforcement de l’aide territoriale et de l’accès aux soins palliatifs, c’est parce qu’il s’agit d’un objectif en soi. C’est aussi un préalable incontournable à tout débat apaisé, serein et éthique sur la possibilité d’une aide à mourir.
Nous nous interrogeons sur certains cas complexes qui ne seraient pas couverts par la sédation profonde et continue que prévoit la loi « Claeys-Leonetti ». Le sens du texte que vous proposez, monsieur Falorni, est de traiter ces cas. Toutefois, il s’agit d’un sujet distinct de celui des soins palliatifs. Nous avons suivi un ordre logique en commençant par le développement massif de l’offre territoriale de soins palliatifs et d’accompagnement. En effet, il a été empiriquement démontré que les patients souhaitant mourir se détournent de cette demande lorsque leur douleur et leur isolement sont traités efficacement. Il ne faut pas non plus perdre de vue la dimension sociale du problème : les personnes qui réclament cette aide sont souvent en précarité économique.
Dans le cadre du débat démocratique et parlementaire sur l’aide à mourir, je serai attentif à ce que les limites et les garanties éthiques soient clairement posées : je pense à la collégialité, à l’indispensable clause de conscience pour les soignants et à la protection des personnes sous tutelle et curatelle, autant d’angles morts de la première version du texte. Je souhaite que nous suivions une voie équilibrée qui prenne en compte autant les aspects sociaux que les enjeux médicaux, juridiques et éthiques très lourds de la question.
En ma qualité de ministre mais aussi de médecin, mon unique boussole sera toujours le respect de la vie ainsi que des droits et des choix de chaque patient. Je sais pouvoir compter sur votre commission, comme sur l’ensemble des députés de tous bords qui se sont investis dans ces débats importants, pour que nous maintenions la hauteur de vue et d’esprit qui a prévalu jusqu’ici. Nous la devons à nos concitoyens et à tous les patients qui comptent sur nous.
Mme Annie Vidal, rapporteure de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement. À la suite des nombreuses consultations menées en 2024 et de la Convention citoyenne sur la fin de vie, il est plus que nécessaire de relancer les travaux sur les soins palliatifs et la fin de vie suspendus l’été dernier en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. Le projet de loi initial ayant été scindé en deux propositions de loi conformément à la volonté du premier ministre, celle que j’ai déposée complète le texte originel par les amendements votés en commission spéciale et en séance publique, ce qui marque notre respect pour le travail parlementaire accompli sous la précédente législature.
Cette scission me semble tout à fait opportune pour traiter ces deux sujets liés à la fin de vie. Si le développement des soins palliatifs et l’ouverture d’un nouveau droit, à savoir l’accès à une aide à mourir, ne s’opposent pas, la réflexion du législateur ne relève pas tout à fait de la même logique selon qu’elle s’applique au premier ou au second cas. La première question correspond à un engagement sociétal, à une organisation territoriale et à une volonté de renforcement de l’accompagnement et des soins palliatifs. La seconde exige une réflexion éthique et philosophique sur l’ouverture d’un nouveau droit. Deux votes non dépendants l’un de l’autre me paraissent garantir la liberté du législateur et une parfaite lisibilité des décisions prises sur l’un et l’autre sujets.
En reprenant intégralement et scrupuleusement les dispositions du titre Ier du projet de loi telles qu’elles avaient été modifiées, j’ai accepté d’être rapporteure d’articles ou d’alinéas dont je ne partage pas nécessairement l’orientation ou que je juge parfois peu opérants. Aussi ai-je déposé des amendements avant tout pour améliorer la rédaction et la cohérence du texte, tout en préservant l’équilibre qui a émergé lors des débats précédents.
Plus globalement, je partage avec François Gernigon l’objectif d’un consensus, voire d’un accord unanime, afin d’adresser un message politique fort aux malades en fin de vie, à leur famille, aux soignants et aux bénévoles qui les accompagnent avec humanité. À cette fin, je proposerai, dès l’article 1er, de substituer aux termes « soins palliatifs et d’accompagnement » les termes « accompagnement et soins palliatifs ». Cette proposition me semble de nature à satisfaire ceux, dont je suis, qui sont attachés à la notion d’accompagnement, laquelle renvoie à une prise en charge globale, aussi bien que ceux, dont je fais également partie, qui veulent préserver la spécificité des soins palliatifs et qui soulignent que l’accompagnement n’est pas un soin. Madame et monsieur les ministres, j’aimerais votre avis sur ce point.
Chers collègues, vous savez combien notre calendrier est serré. J’espère pouvoir compter sur chacun d’entre vous pour un débat certes nourri, mais respectant un certain rythme, afin de préserver la séparation entre les deux propositions de loi. Je pense que nous pouvons raisonnablement nous fixer pour objectif de terminer vendredi au plus tard l’examen de ce premier texte afin de disposer du temps de discussion nécessaire à la seconde proposition de loi.
Les dispositions dont j’ai la charge ont pour objet, notamment, de redéfinir les soins palliatifs pour les intégrer dans une démarche globale comprenant l’accompagnement ; de créer des organisations territoriales destinées à déployer l’accompagnement et les soins palliatifs ; de coordonner la référence aux soins palliatifs par une disposition relative au droit de visite dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de la loi n° 2024‑317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie ; de rendre effectif le droit aux soins palliatifs et de donner une traduction législative à la stratégie décennale du gouvernement ; de définir la politique de soins palliatifs et de prévoir des lois de programmation quinquennale ; de renforcer la formation des professionnels. À ce sujet, monsieur le ministre, vous avez répondu à la question que je voulais poser sur ce que nous pouvions attendre. Je me permets d’insister sur le fait que toutes les personnes auditionnées ont alerté sur l’insuffisance de la formation, qu’elle soit initiale ou continue.
Le texte prévoit également que, lors de l’annonce d’une affection grave, un plan personnalisé d’accompagnement soit proposé à chaque malade et qu’un cycle de discussions anticipées soit lancé.
Je voudrais saluer l’ensemble des professionnels et des bénévoles qui s’engagent pour aider les malades à vivre, jusqu’à leur dernier souffle, et dire aux familles que nous sommes à leur écoute.
M. François Gernigon, rapporteur de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement. Les articles dont je suis rapporteur comprennent une mesure nouvelle et ils consolident l’édifice juridique issu des précédentes lois de bioéthique.
L’article 10 crée les maisons d’accompagnement, qui constituent une alternative au domicile et se présentent sous la forme de petites unités de vie se distinguant à la fois des Ehpad et des hôpitaux. Sans empiéter sur les débats relatifs à leur intitulé, je souhaite vous interroger sur leur statut juridique. L’alinéa 5 de l’article 10, issu d’un amendement adopté en 2024, prévoit qu’elles « sont gérées par des établissements de droit public ou de droit privé à but non lucratif » et « peuvent être rattachées à un établissement public de santé ou à un établissement de santé privé à but non lucratif ». Il y a quelques mois, le rapporteur comme le gouvernement s’étaient montrés hostiles à cette restriction. Le gouvernement souhaite-t-il toujours que ces nouveaux établissements sociaux et médico-sociaux puissent être créés et gérés aussi bien sous un régime de droit public que de droit privé à but non lucratif ou de droit privé à but lucratif et qu’ils puissent être rattachés à des hôpitaux publics ou privés, à but lucratif ou non ?
Nous avons plus d’une fois discuté de la question de savoir si ces maisons – auxquelles je crois beaucoup personnellement – sont des structures intermédiaires entre le domicile et l’hôpital, ou si elles constituent une alternative à ceux-ci. Le rapport du professeur Chauvin, l’étude d’impact de l’ancien projet de loi, de même que la presse, la plupart du temps, utilisent le premier qualificatif. Avec Annie Vidal, nous n’avons pas d’objection à ce qu’il soit conservé à partir du moment où chacun garde à l’esprit le sens que l’on entend lui donner : les maisons de répit ne se situent pas entre l’hôpital et le domicile classique ; elles ne sont pas moins bien que le premier et mieux que le second ; elles ne fournissent pas des soins palliatifs au rabais par rapport à ceux d’une unité spécialisée ; elles seront de fait le domicile des patients qui ne peuvent rentrer chez eux. Elles correspondent aux volontés de la Convention citoyenne. Des cahiers des charges, qui semblent pertinents, serviront à identifier les projets d’installation – les maisons de Gardanne et Jeanne-Garnier représentent de formidables modèles. Nous attendons des agences régionales de santé qu’elles jouent pleinement leur rôle.
Les articles suivants renforcent l’accompagnement bénévole, le recours aux directives anticipées ou encore la procédure relative à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, ainsi que sa traçabilité. Un point important, à mes yeux, est la création à l’article 16 d’une voie de recours précontentieuse : en effet, une médiation pourra être lancée en cas de contestation de la décision motivée prise à l’issue de la procédure collégiale. L’intervention d’un tiers autre que le juge, dans le cas où le patient est inapte à exprimer sa volonté, doit permettre la discussion la plus posée possible et rendre compréhensible la poursuite ou la limitation des traitements. Rappelons que le refus de l’obstination déraisonnable est un droit des malades comme un devoir légal et déontologique des membres de l’équipe soignante !
Je veillerai, au long de nos discussions, à ce que nous trouvions le meilleur équilibre entre la préservation de la grande sagesse dont le législateur, grâce à nos prédécesseurs, a fait montre en 2005, en 2009 et en 2016 et les modifications adoptées il y a un an.
Il me semble important que les conventions des associations, la procédure collégiale à l’issue de laquelle des traitements peuvent être interrompus ou l’utilisation par un tiers du dossier médical partagé soient sécurisées juridiquement et informatiquement contre les abus.
Comme Annie Vidal, je souhaite que nous puissions examiner chaque amendement sur les deux textes dans les délais qui nous sont impartis.
M. Olivier Falorni, rapporteur général de la proposition de loi relative à la fin de vie. Il y a quatre ans jour pour jour, je défendais dans l’hémicycle une proposition de loi sur la fin de vie dont l’article 1er, qui autorisait et encadrait l’aide médicale à mourir, avait été adopté par 83 % des députés avant que l’obstruction d’une poignée de collègues n’interrompe nos débats. Il y a dix mois jour pour jour, le projet de loi sur la fin de vie, défendu avec conviction par Catherine Vautrin, était, lui aussi, brutalement interrompu, cette fois par la dissolution.
Nous reprenons nos travaux en examinant deux propositions de loi, l’une sur les soins palliatifs et l’accompagnement, l’autre sur la fin de vie qui autorise une aide à mourir et dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur général. Le second texte est le fruit d’une riche histoire parlementaire ; il est le produit de centaines d’heures d’auditions et de délibérations. Jamais une loi sociétale n’aura autant donné lieu à concertation, n’aura été à ce point débattue. Cette maturation explique sans doute en partie l’adhésion massive à ce texte – toutes les enquêtes d’opinion, à l’instar de la Convention citoyenne, indiquent que plus des trois quarts des Français le soutiennent.
Cette proposition de loi reprend scrupuleusement le résultat des délibérations de la commission spéciale et de l’Assemblée nationale l’an dernier. Ce texte est équilibré et solide, solide car équilibré. D’une part, il répond aux aspirations de la société, exprimées notamment par l’intermédiaire de la Convention citoyenne dont les travaux ont été salués et qui a demandé, à 76 %, que la loi autorise l’aide à mourir. La proposition de loi est, d’autre part, conforme aux recommandations de nombreuses institutions, parmi lesquelles le Comité consultatif national d’éthique. Celui-ci a institué un groupe de travail dont les rapporteurs étaient Alain Claeys, coauteur de la loi actuelle, et Régis Aubry, médecin spécialiste des soins palliatifs. L’avis 139 du Comité consultatif, issu de ce groupe de travail, considère qu’il faut faire évoluer la loi, qu’il existe « une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes ». L’accès à ce nouveau droit exige en effet des précautions cumulatives, comme le prévoit la proposition de loi.
Légiférer sur la fin de vie exige de l’humilité : écouter avant de décider, ne pas prétendre détenir la vérité, avoir des convictions mais pas de certitudes. Cela implique aussi la volonté de faire plus et mieux pour les malades et leurs proches. Au fil des ans et des lois, entre 1999 et 2016, deux droits essentiels ont été obtenus : celui de ne pas souffrir car la souffrance n’est pas inévitable et encore moins nécessaire ; celui de ne pas subir, c’est-à-dire de s’opposer à l’acharnement thérapeutique. Ils semblent aujourd’hui des évidences, mais ils ne l’étaient pas naguère. Notre devoir est de faire de ces droits une réalité partout et pour tous. Cela passe par le renforcement et le développement massif des soins palliatifs, qui sont la réponse primordiale. Toutefois, la médecine a ses limites : malgré leur professionnalisme et leur dévouement, les soignants sont dans certaines circonstances démunis face à des souffrances réfractaires ou insupportables. C’est pourquoi la proposition de loi que je défends propose un ultime recours : une aide à mourir pour des personnes condamnées par la maladie, mais qui ne veulent pas être condamnées à l’agonie. Elle permet, au moment choisi par le malade, de mettre fin à une souffrance insupportable qu’aucun autre moyen n’a apaisée. Une réponse primordiale et un ultime recours : ces deux piliers, loin de s’opposer, se complètent et s’équilibrent.
Je voudrais évoquer plus particulièrement, concernant l’aide à mourir, les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité dont ce texte est porteur. La proposition de loi est respectueuse de la volonté de chacun et de la conscience de tous. Elle protège l’autonomie des personnes, leur droit de décider de ce qui est supportable et de ce qui ne l’est pas, tout en imposant de strictes conditions à la mise en œuvre de l’aide à mourir. La fin de vie d’une personne est toujours unique, comme l’existence de chacun de nous dans son infinie richesse et sa vulnérabilité. C’est pourquoi nous devons, en qualité de législateurs, demeurer à l’écoute de la diversité des expériences, en reconnaissant à chacun le droit de décider de ce qui est pour lui une fin de vie digne. Le texte respecte aussi la conscience de l’ensemble des parties prenantes en permettant aux professionnels directement impliqués dans la mise en œuvre de l’aide à mourir de ne pas y concourir. Dans le prolongement des lois « Leonetti » et « Claeys‑Leonetti », il confère de nouveaux droits aux malades sans attenter à la liberté de quiconque.
Aucun texte n’est parfait. Il est certain que, malgré les évolutions intervenues l’année dernière, nombre d’entre nous voudront apporter de nouvelles modifications, certains pour en amoindrir la portée et d’autres pour l’étendre. Il me semble néanmoins que notre première responsabilité est de permettre l’adoption de ce texte attendu par nos compatriotes, ce qui implique de respecter les équilibres atteints l’année dernière.
À l’orée de ces nouveaux débats, je forme le vœu que nous sachions nous montrer à la hauteur de l’exigence de respect et de dignité qui s’impose à nous tous, et que la représentation nationale soit à l’unisson d’une immense majorité de Français qui aspirent à pouvoir mourir comme ils ont voulu vivre : librement et sereinement.
Mme Brigitte Liso, rapporteure de la proposition de loi relative à la fin de vie. Les articles que j’ai l’honneur de rapporter définissent l’aide à mourir et prévoient les conditions de son accès. Ces dispositions reconnaissent un nouveau droit aux malades : mettre un terme à une souffrance insupportable qu’aucun soin ne peut apaiser. En effet, s’il est urgent de développer massivement les soins palliatifs et, plus généralement, les dispositifs consacrés à l’accompagnement des personnes à la fin de leur vie, nous savons que, malgré les progrès de la médecine et le dévouement des professionnels de santé, certaines souffrances résistent aux traitements et aux soins. La mission d’évaluation de la loi « Claeys-Leonetti » avait souligné que le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme.
C’est pourquoi, dans le prolongement des lois fondatrices dans la lutte contre l’acharnement thérapeutique et la prise en considération de la volonté des malades, cette proposition de loi autorise une aide à mourir dont elle définit strictement les conditions et les modalités. Suivant la définition issue des travaux de la commission spéciale et de l’Assemblée nationale en séance publique, figurant à l’article 2, l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 1111‑12‑2 à L. 1111‑12‑7 du code de la santé publique, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est physiquement pas en mesure d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou un infirmier. Je voudrais insister sur l’originalité de cette définition, qui ne correspond ni à celle du suicide assisté car le malade doit satisfaire à des conditions strictes et être accompagné jusqu’au dernier moment, ni à celle de l’euthanasie dans la mesure où il reviendra au malade de s’administrer la substance létale s’il en est physiquement capable. Cette dernière possibilité constitue une garantie d’égalité entre les malades. Dans les deux hypothèses, la volonté libre, éclairée et répétée du patient sera indispensable à ce dernier geste. Ce même article établit un cadre juridique clair pour les soignants en excluant pour eux toute responsabilité pénale.
L’article 3 consacre le droit d’accéder à l’aide à mourir dans les conditions fixées par la présente loi. Enfin, l’article 4 définit les conditions d’accès à l’aide à mourir. Y seront éligibles les personnes âgées d’au moins 18 ans, de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, atteintes d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital en phase avancée ou terminale, qui présentent une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable liée à cette affection et qui sont aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée. Ces cinq conditions sont cumulatives.
Au cours de l’examen du projet de loi, l’année dernière, ces dispositions ont connu d’importantes évolutions qui semblent bienvenues. La notion d’affection engageant le pronostic vital à moyen terme, qui figurait dans le texte initial, présentait l’inconvénient de ne pouvoir être définie de manière rigoureuse tant l’horizon temporel auquel ce terme fait référence est étendu. À l’inverse, les termes « phase avancée ou terminale » revêtent une signification médicale rigoureuse. À cet égard, j’espère que l’avis de la Haute Autorité de santé permettra d’éclairer nos travaux et que nous pourrons en tirer les conséquences lors de l’examen en séance publique. Je ne doute pas que cette partie du texte fera l’objet de débats très nourris, certains souhaitant étendre l’application de l’aide à mourir à un plus grand nombre de situations quand d’autres voudraient au contraire en restreindre la portée. Au moment où nous nous apprêtons à commencer nos travaux, je forme le vœu que nos discussions soient à la hauteur de l’exigence de dignité que, j’en suis sûre, nous partageons quelles que soient nos convictions.
M. Laurent Panifous, rapporteur de la proposition de loi relative à la fin de vie. Après plusieurs années de travail, d’auditions, de déplacements, d’évaluations, de débats en commission et en séance publique, nous voilà à nouveau réunis, après l’interruption de nos travaux par la dissolution, pour, je l’espère, renforcer l’accompagnement des personnes en fin de vie, les soins palliatifs et ouvrir un nouveau droit : l’aide à mourir. La proposition de loi dont j’ai l’honneur d’avoir été désigné rapporteur se traduira, je crois, par une avancée sociale majeure pour les Français, bien au-delà de cette législature. La responsabilité qui m’a été confiée concerne spécifiquement la procédure de la demande d’aide à mourir, objet des articles 5 et 6 sur lesquels vous avez déposé plus de 360 amendements.
L’article 5 définit les modalités de présentation de la demande d’aide à mourir par le patient et l’obligation d’information incombant au médecin. C’est à cet article, plus précisément à son alinéa 10, que s’est achevé l’examen du projet de loi en séance publique le vendredi 7 juin 2024, avant la dissolution. Les modalités de présentation de la demande, tout comme l’obligation d’information, ont été sensiblement améliorées ; je pense notamment à la proposition d’orientation vers un psychologue ou un psychiatre, à l’interdiction de présenter une demande en téléconsultation et au fait de vérifier si la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique. À ce sujet, la proposition de loi ouvre au médecin l’accès au registre prévu à l’article 427‑1 du code civil, qui recense les mesures de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle. Comment le ministère envisage-t-il cet accès ?
L’article 6 traite de la procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale. L’évaluation du médecin est rendue dans un délai maximal de quinze jours, au terme d’une procédure consultative impliquant au moins deux autres professionnels de santé, dont un médecin spécialiste qui n’intervient pas auprès de la personne. Lorsque les conditions sont remplies, que la personne réitère sa demande et qu’a été déterminé le professionnel de santé chargé d’accompagner l’administration de la substance létale, le médecin adresse sa prescription à l’une des pharmacies à usage intérieur d’un établissement de santé, désignées par arrêté. Cet arrêté fera l’objet de ma seconde question : quel maillage territorial envisagez-vous à ce jour pour ces pharmacies ? Au sein de quels établissements seront-elles localisées ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la proposition de loi relative à la fin de vie. J’ai l’honneur de prendre la suite de Laurent Panifous pour l’examen du chapitre III de la proposition de loi relative à la fin de vie, qui a trait à la procédure. Je suis également rapporteur du chapitre IV, relatif à la clause de conscience.
L’article 7 traite de la détermination de la date d’administration de la substance létale et de divers droits de la personne, notamment l’administration hors du domicile. S’il semble primordial de garantir ce droit, qui était contenu dans le projet de loi initial et qui peut être exercé par choix ou par nécessité, ce point peut toutefois susciter certaines inquiétudes. Pouvez-vous faire part de la position du gouvernement sur cette question ? A-t-elle évolué depuis l’examen du projet de loi en 2024 ?
L’article 8 détermine le circuit de préparation et de délivrance de la substance létale. Les modalités de préparation, de transport et de destruction des préparations magistrales létales suscitent des interrogations dont les représentants des pharmaciens entendus lors des auditions se sont fait l’écho. Le gouvernement a-t-il défini les modalités concrètes du circuit prévu ?
L’article 9 traite, quant à lui, de l’accompagnement de la personne pendant l’administration de la substance létale. Vous semblerait-il nécessaire de préciser que le certificat de décès établi, comme le prévoit l’alinéa 8, par le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne, atteste d’une mort naturelle lorsque le décès intervient à la suite d’une aide à mourir ?
L’article 12 définit les recours ouverts contre la décision du médecin consécutive à la demande d’accéder à l’aide à mourir. Dans un souci d’efficacité et de bonne administration de la justice, il réserve ce contentieux aux juridictions de l’ordre administratif. Pourriez-vous confirmer que l’ensemble des voies de recours existantes devant le juge administratif seront accessibles, en particulier les procédures de référé ?
L’article 13 renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des modalités d’application de la procédure d’aide à mourir. Les travaux préparatoires à la publication de ce décret ont-ils déjà débuté, ce qui garantirait une application rapide de la loi ?
Je forme à mon tour le vœu que nous nous montrions à la hauteur des attentes que nos compatriotes placent dans nos débats. Je sais pouvoir compter sur vous, madame la ministre, à cet égard.
Mme Élise Leboucher, rapporteure de la proposition relative à la fin de vie. C’est avec solennité que nous entamons nos travaux, conscients des attentes, mais aussi des responsabilités qui nous échoient. Comme souvent, la représentation nationale est amenée à répondre à un appel vibrant de la société. Nos travaux s’ancrent dans une réflexion de long cours. Déjà, dans les années 1970, le sénateur Henri Caillavet déposait une proposition de loi relative au droit de vivre sa mort. Le cadre légal de la fin de vie a évolué dans le sens d’une meilleure reconnaissance du droit de connaître sa mort, de la préparer et de l’organiser, notamment par l’adoption des lois « Kouchner », « Leonetti » et « Claeys-Leonetti ».
Pourtant, la moitié des besoins en soins palliatifs ne sont pas pourvus en raison des carences dans l’offre de soins, situation que le premier texte devrait nettement améliorer. Pour ceux que ni les soins, ni l’aide, ni les connaissances médicales, ni les traitements existants ne peuvent soulager et qui demandent à partir plus tôt, la seule option reste l’étranger. De multiples rapports, notamment celui de la Convention citoyenne, appellent à une évolution du cadre légal de l’accompagnement de la fin de vie.
L’année dernière, la dissolution a interrompu l’examen du texte sur l’accompagnement des malades et de la fin de vie, douchant les espoirs suscités par un nouveau droit : choisir les conditions de sa mort et disposer de son corps. Je salue l’engagement d’Olivier Falorni, qui n’a cessé de promouvoir ce sujet dans une démarche transpartisane, ce qui a permis au Parlement de s’en emparer à nouveau. Je veux aussi saluer la mobilisation des associations et des citoyens qui nous interpellent régulièrement et dont l’engagement, quel que soit leur positionnement, est essentiel pour éclairer les travaux de notre assemblée.
J’ai l’honneur d’être la rapporteure de la seconde proposition de loi pour ce qui concerne les articles 15 à 20, qui ont trait au contrôle de la procédure de la nouvelle aide à mourir et contiennent des dispositions pénales, budgétaires et assurantielles. Je voudrais rappeler le travail engagé par Caroline Fiat, qui m’a précédée dans cette fonction et qui a défendu de nombreuses mesures de garantie des droits que nous allons créer. Il s’agit de poursuivre sa démarche.
L’article 15 crée une commission chargée du contrôle a posteriori et de l’évaluation de la mise en œuvre de l’aide à mourir. Lors de l’examen du projet de loi, il avait été prévu que cette commission comprenne au moins deux médecins. Il semble nécessaire d’y assurer également la représentation de professionnels du droit, compte tenu de la nécessité d’une expertise pour contrôler le respect des conditions légales et signaler d’éventuels manquements. Je serai favorable à ce qu’on leur adjoigne des représentants des usagers du système de santé ainsi que des chercheurs en sciences sociales, qui pourraient se fonder sur des données agrégées et anonymisées. Madame et monsieur les ministres, que pensez-vous de ces propositions et comment envisagez-vous la composition de la commission ?
L’article 16 prévoit notamment d’insérer la préparation magistrale létale au sein d’un circuit sécurisé de préparation et de transmission. Pourriez-vous préciser les conditions de mise en œuvre de cette disposition ? Est-il prévu un protocole spécifique pour assurer la délivrance et, le cas échéant, la destruction de la substance létale ?
Sur le modèle de la disposition concernant l’interruption volontaire de grossesse, l’article 17 crée un délit d’entrave à l’aide à mourir. C’est une mesure de justice : on n’a ni le devoir de tout accepter, ni le droit d’imposer sa vérité aux autres en les empêchant d’être libres. Ainsi, sans exercer aucune contrainte sur ceux dont l’opinion, je dirais même la conviction intime, s’oppose à l’aide à mourir, le texte sanctionne pénalement le fait d’empêcher nos concitoyens d’user du droit nouveau qui leur est ouvert, de priver leurs proches de la possibilité de suivre les étapes de la procédure dans la dignité et de perturber l’exercice serein de leur métier par les professionnels concernés.
Bien que ce ne soit pas l’aspect prioritaire du texte, l’aide à mourir emporte des conséquences financières pour la puissance publique comme pour les assurances privées. En vertu de l’article 18, aucune avance de frais ni aucun reste à charge ne pourront être exigés des assurés. En outre, l’article 19 prévoit que le recours à l’aide à mourir ne pourra valoir exclusion de garantie dans les contrats de prévoyance en matière de décès. Ce sont, là encore, des dispositions inspirées par l’exigence d’égalité, qui visent à ce que le choix d’une aide à mourir soit fait librement, sans considération du coût individuel ni des conséquences pour les ayants droit.
Je ne l’aurais pas cru nécessaire, mais je dois aborder la question puisque des amendements ont été déposés : non, l’alinéa 8 de l’article 18 n’ouvre pas l’aide à mourir aux mineurs. Il réécrit l’article du code de la sécurité sociale relatif à la suppression de la participation de l’assuré de manière générale, car l’ajout de la mention de l’aide à mourir pour le public éligible, c’est-à-dire pour les majeurs, implique une énumération. Il s’agit de simples exigences légistiques.
L’article 18 renvoie à un arrêté la définition des prix de cession des préparations magistrales létales et des tarifs des honoraires ou des rémunérations forfaitaires des professionnels de santé pour les missions accomplies dans l’aide à mourir. Les travaux préparatoires à la prise de cet arrêté ont-ils débuté ? Pouvez-vous assurer que sa publication interviendra dans un délai compatible avec une application rapide de la loi ?
Cette proposition de loi offre la possibilité de faire évoluer la législation pour coller à la devise de la République et permettre à chacun de déterminer sa fin lorsque le pronostic vital est engagé. Il s’agit de la dernière des dignités. Il n’est pas de plus grande liberté que celle d’être maître de soi tout au long de sa vie, jusqu’au moment d’éteindre la lumière.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Madame Vidal, vous proposez de substituer aux termes « soins palliatifs et d’accompagnement » l’expression « l’accompagnement et les soins palliatifs ». Nous pourrons sans doute converger. Je suis en tout cas attachée à la double qualification des maisons. Elles seront « de répit et de soins palliatifs » car ce sont deux notions complémentaires.
Monsieur Gernigon, tous les statuts doivent être possibles pour les gestionnaires de ces maisons. En effet, elles se substitueront au domicile ; les soins y correspondront à ceux d’une hospitalisation à domicile.
Oui, monsieur Falorni, ce texte est équilibré et solide, solide parce qu’équilibré. Il est respectueux de la volonté de chacun et de la conscience de tous.
Madame Liso, je suis également attachée aux cinq conditions d’accès à l’aide à mourir prévues dans le texte. C’est pour garantir leur clarté que j’ai interrogé la Haute Autorité de santé.
Monsieur Panifous, le circuit de la substance létale sera le plus opérationnel possible. Nous travaillerons avec les pharmacies à usage intérieur dans chaque territoire. Les officines transmettront ensuite le produit aux professionnels de santé concernés. Pour certains, cela justifierait d’instituer une clause de conscience pour les pharmaciens ; pas selon le gouvernement car, lors de ces prestations, le pharmacien n’aura pas de lien avec le patient, seulement avec le professionnel de santé à qui il remet la substance létale et qui lui en rapporte le reliquat après utilisation. Évidemment, ce reliquat ne sera pas abandonné dans la nature.
La création d’un registre recensant les mesures de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle, qui relève du ministère de la justice, est prévue dans la loi du 8 avril 2024. Il faudra peut-être en étendre l’accès à l’ensemble des professions de santé. Le gouvernement pourrait déposer un amendement en ce sens.
Selon nous, monsieur Delautrette, l’administration de la substance létale, évidemment possible au domicile, doit l’être ailleurs si la personne le demande et si le lieu choisi respecte des conditions de sécurité. Par définition, la substance létale ne pourra être administrée dans des lieux ouverts au public. De toute façon, il faut se replacer dans le contexte d’un état de santé très grave. Mais, pour clarifier mon propos par un exemple, cela ne pourra pas avoir lieu sur une plage.
L’article 19 de la proposition de loi relative à la fin de vie prévoit déjà que le recours à l’aide à mourir ne fait pas obstacle au bénéfice des contrats d’assurance.
Le circuit de la préparation magistrale sera fortement sécurisé pour une traçabilité maximale tout au long de la chaîne. La préparation sera réalisée dans un établissement hospitalier après autorisation de la pharmacie. Elle sera transmise à une pharmacie d’officine, qui la délivrera uniquement à la personne chargée de l’acte, juste avant la date d’administration prévue.
Des voies de recours seront ouvertes à la personne dont la demande d’aide à mourir a été refusée : référé, recours en annulation, recours indemnitaire. L’article 12 de la proposition de loi relative à la fin de vie renvoie à l’application des dispositions de droit commun du code de justice administrative.
Je ne peux répondre aux questions sur l’article 13, ni à certaines de celles d’Élise Leboucher sur les articles suivants, car nous n’avons pas commencé à travailler sur les décrets d’application, faute de stabilité suffisante du texte. Même si nous avons l’impression d’avoir déjà beaucoup avancé, nous n’en sommes qu’à la première lecture d’un texte qui sera probablement examiné quatre fois. Les débats parlementaires définiront les sujets sur lesquels des dispositions réglementaires auront à préciser les modalités d’application de la loi, dans le respect des domaines de la loi et du règlement.
Madame Leboucher m’interroge sur l’état d’avancement de l’arrêté définissant le prix de cession des préparations magistrales. Ceux qui seront au gouvernement lors de la deuxième lecture du texte devront accorder deux mois à la Haute Autorité de santé pour établir les recommandations concernant la prescription des prestations, leur composition et les conditions de sécurité. Sur la base de ces travaux, l’arrêté de prix de cession sera présenté sans autre délai que celui nécessaire à la saisine des caisses de sécurité sociale, d’une durée d’un mois. Le délai total sera donc de trois mois.
Pour que la commission de contrôle et d’évaluation exerce efficacement ses missions, sa composition devra respecter des critères liés à ses tâches. Elle devra comprendre des médecins, des juristes, des éthiciens et, pourquoi pas, des usagers, autrement dit des proches de bénéficiaires de l’aide à mourir.
M. Yannick Neuder, ministre. Madame Vidal, la stratégie décennale du gouvernement prévoit l’ouverture de formations universitaires et le recrutement des assistants spécialistes, des chefs de clinique et des professeurs des universités-praticiens hospitaliers nécessaires à la création d’une filière. Ce ne sera probablement pas suffisant. Je pense qu’énormément d’infirmiers et de médecins, forts de leur expérience dans les soins curatifs des services d’oncologie, d’hématologie, de réanimation ou aux urgences, connaîtront une vocation pour les soins palliatifs dans un second temps de leur vie professionnelle. Outre les diplômes universitaires de médecine palliative, la formation spécialisée d’un an sera ouverte aux spécialistes d’autres disciplines qui ne souhaitent pas changer d’orientation mais compléter leur approche.
Monsieur Gernigon, les établissements gestionnaires des maisons d’accompagnement et de soins palliatifs doivent pouvoir adopter tout type de statut. Ils seront de toute manière rattachés à des établissements de santé soit publics, soit privés à but non lucratif. Le cahier des charges est en cours d’élaboration. Ces maisons seront financées grâce au sous-objectif national de dépenses d’assurance maladie consacré aux établissements sociaux et médico-sociaux, et non grâce aux sous-objectifs dédiés aux établissements hospitaliers ou aux soins de ville. Ces maisons ne nécessiteront pas de moyens sanitaires spécifiques puisque c’est l’équipe de professionnels de ville du patient qui y interviendra. Elles ne seront qu’un substitut au domicile du patient dans les cas où il ne pourrait plus y résider.
Je voudrais appeler l’attention de Brigitte Liso sur les limites de la saisine de la Haute Autorité de santé. Les pronostics de court terme, et plus encore ceux de moyen terme, sont extrêmement difficiles. En tant que spécialiste de l’insuffisance cardiaque chronique, je n’étais pas en mesure d’en poser pour mes patients. L’avis de cette autorité indépendante nous permettra de forger notre intime conviction, mais la décision doit rester politique à la fin.
Monsieur Delautrette, le texte prévoit simplement que, dans les moments précédant et suivant l’administration de la substance, le professionnel de santé devra se trouver à une proximité suffisante du bénéficiaire. Cela signifie-t-il dans son logement, dans la rue, dans son cabinet ? Une précision sera nécessaire. Ce débat sera important.
Madame Leboucher, la commission de contrôle et d’évaluation comprendra les personnes que vous avez évoquées. Les associations représenteront les usagers. À l’heure où ils sont associés à la gouvernance concernant toutes les décisions médicales, il ne serait pas incroyable de créer un comité des usagers.
Une fois la navette parlementaire achevée, nous établirons un conventionnement avec la Caisse nationale de l’assurance maladie sur le prix de cession de la substance létale et le tarif des actes.
Le circuit de la substance létale sera spécifique. Le patient n’aura aucun contact avec la substance ; la pharmacie à usage intérieur la livrera à la pharmacie d’officine dans un cadre sécurisé. Le restant de la substance létale devra être restitué par le professionnel de santé, par mesure de sécurité.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Dans notre pays, 500 personnes meurent chaque jour sans pouvoir bénéficier de soins palliatifs. Vingt départements étaient encore dépourvus d’unité de soins palliatifs il y a quelques mois. Même si l’ouverture de neuf unités est programmée dans les mois qui viennent, les inégalités subsistent. Certaines unités doivent même fermer, faute de moyens et de soignants.
La proposition de loi d’Annie Vidal vise à favoriser les soins palliatifs. Toutefois, l’arsenal législatif dont nous disposons grâce aux lois du 9 juin 1999, du 22 avril 2005 et du 2 février 2016 est amplement suffisant pour leur développement tant attendu. On continue à mal mourir en France. Depuis des années, la priorité des Français est l’accès aux soins, mais les restrictions budgétaires font craindre que celui-ci se dégrade. L’urgence est d’ouvrir l’accès aux soins palliatifs partout et pour tous. Dans la stratégie décennale, vous avez annoncé 100 millions d’euros d’investissements par an. Pour rattraper les retards, il faudrait doubler cette somme et sanctuariser l’enveloppe consacrée au développement des soins palliatifs dans le budget de la sécurité sociale.
Vous mentionnez des « soins d’accompagnement ». Mais l’accompagnement n’est pas un soin. Cette nouvelle expression occulte la complexité de l’expertise et de la coordination pluridisciplinaires nécessaires aux soins requis et risque d’entraver de nouvelles approches. Elle est illisible et incompréhensible à l’étranger. Or, en s’écartant des standards internationaux, la recherche française s’isolera. Je crains que cette expression n’ait été choisie que pour introduire l’aide à mourir dans les soins proposés aux malades en fin de vie. Maintenons donc l’expression « soins palliatifs », reconnue par l’Organisation mondiale de la santé !
Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie en commission spéciale, l’année dernière, la ministre avait reconnu que l’aide à mourir pourrait être dispensée dans les maisons d’accompagnement. Nous serons donc vigilants concernant ces établissements. Rappelons que l’administration d’une substance létale n’est pas une question de souhait ou de bien-être ! Je défendrai des amendements pour l’interdire dans ces maisons.
La dépénalisation de l’euthanasie bouleverserait tant la philosophie que l’organisation des soins palliatifs. En Belgique et au Québec, des services de soins palliatifs ont été contraints de s’y plier. La clause de conscience se révèle préjudiciable à la filière palliative. Alors que la situation est déjà dégradée, le recours croissant à l’euthanasie, en vidant les lits d’hôpitaux, dissuaderait les pouvoirs publics d’y investir.
Enfin, en utilisant comme véhicule législatif une proposition de loi plutôt qu’un projet de loi, vous empêchez le dépôt d’une motion référendaire qui aurait eu toute sa place dans le débat. Notre groupe le déplore.
M. Christophe Bentz (RN). La scission de l’ancien projet de loi en deux propositions de loi est bienvenue, si tant est qu’il y ait bien deux votes distincts. Je remercie la rapporteure Annie Vidal et, bien que nos positions soient diamétralement opposées, le rapporteur général Olivier Falorni pour son travail. Il a organisé de nombreux débats de qualité, tenus dans le respect.
Le sujet qui nous occupe est grave, lourd, sensible, intime. Nous souhaitons que les débats se tiennent dans le respect des convictions de chacun, dans une atmosphère digne et apaisée. La diversité d’opinions sur ces questions vaut dans tous les groupes politiques. Les sensibilités différentes du groupe Rassemblement national pourront s’exprimer. Pour ma part, je considère que la France doit rester la nation du soin et que l’aide à mourir est une forme de démission.
La proposition de loi relative à la fin de vie risque notamment de conduire à un remplacement progressif des soins palliatifs par l’euthanasie et le suicide assisté, comme c’est le cas chez nos voisins belges et hollandais. Ce texte ne mentionne pas les mots « euthanasie » et « suicide assisté » alors qu’il s’agit bien de cela. Cela crée de l’incompréhension et de la confusion dans l’esprit des Français, comme l’a montré un sondage la semaine dernière. Pour une telle question qui concerne toute la société, il aurait fallu un débat de fond impliquant tout le monde. Il aurait fallu passer par un référendum plutôt que par le Parlement, car nous ne pouvons faire reposer sur la seule responsabilité des parlementaires une loi qui aura des conséquences irréversibles sur la vie humaine.
M. Vincent Ledoux (EPR). Ces propositions de loi s’inscrivent dans une approche médicale et sociétale forgée et affirmée au cours des dernières décennies, selon laquelle la médecine doit naturellement tout faire pour guérir, ce qui est sa mission première, mais, quand elle ne peut plus guérir et pour reprendre une formule de Jean Leonetti, doit tout faire pour soulager, écouter, accompagner. Vingt ans après la loi « Leonetti », à la suite d’une participation nationale qui a pris de multiples formes, de nombreux travaux parlementaires et d’un engagement important du gouvernement, la proposition de loi d’Annie Vidal donnera une nouvelle impulsion aux soins palliatifs. C’est la société entière qui ambitionne d’accompagner, de soutenir et de prendre soin des souffrants jusqu’au bout, en construisant un modèle français. Il repose déjà sur des bases juridiques solides grâce aux textes adoptés en 1999, 2005 et 2016, et sur des principes clairs : refus de l’obstination déraisonnable, droit à la sédation profonde et développement des soins palliatifs.
Ceux-ci incarnent une éthique du soin et de la relation. Ils sont centrés sur la dignité, le soulagement et la présence. Ils ne se résument pas à la gestion de la douleur. Ils impliquent une prise en charge globale : médicale, psychologique, sociale, spirituelle. Cet accompagnement suppose de reconnaître que la fin de vie n’est pas une période d’abandon ou de relégation, mais un temps d’humanité partagée. Ce modèle se heurte à des limites. La Cour des comptes pointe que 60 % des patients qui devraient bénéficier des soins palliatifs n’y ont pas accès. Il y a des disparités territoriales majeures. Le manque de professionnels formés est criant et la culture palliative insuffisamment partagée, y compris dans les structures médico-sociales. Bref, il y a du travail.
Cette proposition de loi s’inscrit dans la stratégie décennale. Elle structure l’offre ; elle garantit un droit effectif à l’accompagnement de la fin de vie ; elle renforce la formation en intégrant des modules spécifiques concernant les soins palliatifs dans les cursus médicaux et paramédicaux ; elle développe la culture palliative ; elle soutient les aidants en créant des dispositifs d’accompagnement pour les proches des patients en fin de vie et en reconnaissant leur rôle dans le parcours de soins ; elle coordonne l’hôpital, le domicile, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et les équipes mobiles ; enfin, elle crée les maisons d’accompagnement, structures médico-sociales destinées à accueillir des personnes gravement malades n’ayant pas à être hospitalisées mais ne pouvant rester à domicile.
Cette réforme ne s’oppose en rien à la future loi sur la fin de vie. Au contraire, elle en est le socle indispensable car il ne peut pas y avoir de liberté de choix en fin de vie sans un accès universel à des soins d’accompagnement dignes, accessibles, adaptés. L’une ne va pas sans l’autre.
Accompagner, ce n’est pas seulement soigner. C’est aussi écouter, entourer, respecter. C’est une responsabilité collective, une exigence éthique. Par cette proposition de loi, nous donnerons corps à cette exigence et nous ferons un pas concret vers une société plus juste, plus solidaire et plus humaine. Comme l’écrivait Albert Schweitzer, le seul vrai progrès, c’est celui qui rend la vie plus humaine. L’esprit de cette proposition de loi est assurément de rendre la vie plus humaine jusqu’au bout. Le groupe Ensemble pour la République la soutient pleinement.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il y a près d’un an, nous débutions l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Nous n’avions pas pu aller au terme de son examen en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. On ne peut que se féliciter que le débat reprenne sur ce sujet fondamental, d’ailleurs plébiscité par les Français qui sont 80 à 90 % à souhaiter une évolution législative concernant l’aide à mourir, d’après les dernières enquêtes d’opinion.
La proposition de loi relative à la fin de vie est dans la continuité de celle relative aux soins palliatifs et d’accompagnement. Ce texte, présenté par notre collègue Olivier Falorni, dont je salue l’engagement depuis des années, traduit les travaux menés depuis longtemps. Les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, du groupe d’études fin de vie et de la commission spéciale l’année dernière à l’Assemblée nationale, ou encore l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique ont permis d’aboutir à un texte équilibré. Il institue une aide à mourir, un nouveau droit, une réponse à la demande du patient. Le choix appartiendra au patient et nous n’aurons pas à le juger.
L’aide à mourir repose sur un cadre juridique précis. L’article 4 fixe des conditions rigoureuses et les articles 5 à 13 encadrent fortement la procédure. Le patient qui demandera l’aide à mourir devra par exemple manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Le texte exclut l’éligibilité des mineurs et des personnes atteintes d’une maladie psychiatrique, mais également des malades dans l’incapacité d’exprimer leur consentement. Nous examinerons des amendements permettant l’anticipation de l’aide à mourir. C’est un vrai débat.
Le droit à l’aide à mourir repose sur un double choix : donné aux malades, dans le respect de leur dignité, et donné aux soignants, par la clause de conscience prévue à l’article 14.
Après une si longue attente, il est temps pour le Parlement de se prononcer sur cette évolution importante. Le groupe Ensemble pour la République laissera à ses membres la liberté de vote, au nom du respect des valeurs de chacun.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Enfin ! Vous entendrez sans doute un peu d’exaspération dans ma voix, mais cela fait 738 jours que la Convention citoyenne sur la fin de vie a remis son rapport et qu’elle s’est prononcée, à l’image du pays, en faveur du droit à mourir dans la dignité et de l’accès universel aux soins palliatifs. Depuis, les manœuvres dilatoires se succèdent. La loi dédiée, prévue pour 2023 d’après Emmanuel Macron le 2 septembre 2022, a été repoussée une première fois car le Président de la République voulait faire des risettes au pape en septembre 2023 – choix qui procède de son intime conviction, mais pas de son mandat. L’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, qui a commencé en février 2024 et devait s’achever avant les élections européennes, selon une promesse d’Emmanuel Macron, a été torpillé par sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin. Ce temps perdu a servi la propagation de balivernes inacceptables à propos des dispositifs étrangers, comme les exemples fallacieux cités par le premier ministre concernant la Belgique ou encore l’intervention du Rassemblement national il y a quelques minutes.
Dernière opération de sabordage parlementaire : le texte a été scindé avec, d’un côté, les dispositions relatives aux soins palliatifs, de l’autre, celles concernant le droit à mourir dans la dignité. J’alerte sur cette opération, qui vise à permettre à certains conservateurs de saboter le texte relatif aux soins palliatifs. En supprimant par exemple le droit opposable en la matière, ils disposeraient ainsi d’un prétexte pour s’opposer au texte relatif à la fin de vie. La scission est d’autant plus inepte que beaucoup ont conscience du fait que ces deux propositions de loi vont ensemble, y compris les ministres, d’après ce que je comprends de leurs interventions. Toutefois, monsieur le ministre, vous exagérez encore le cloisonnement entre les deux questions. D’après le Comité consultatif national d’éthique, jusqu’à 9 % des personnes prises en charge en soins palliatifs expriment tout de même une demande d’accompagnement et d’aide à mourir.
Madame et monsieur les ministres, je vous demande de soutenir le maintien du droit opposable aux soins palliatifs, c’est-à-dire le droit de saisir un juge administratif en cas de défaut d’admission, qui est la clef de voûte du texte.
Ces propositions de loi ne sont pas sociétales, mais sociales. Elles nous confrontent à l’ultime inégalité, entre ceux qui finissent leur vie dans la solitude absolue et ceux qui disposent des moyens d’accéder à la substance létale, d’aller à l’étranger, d’être accompagnés jusqu’au dernier moment par des proches et des gens qui les aiment. Il faut ouvrir le droit à l’accompagnement aux personnes tierces, c’est-à-dire étendre le droit au congé proche aidant aux parents des malades hébergés dans une maison d’accompagnement, et ouvrir le droit au congé de décès à la personne de confiance désignée pour soutenir le malade durant ses dernières minutes. Il serait cruel de soumettre l’adieu final à l’arbitraire d’un employeur. Notre rôle est de remplacer la cruauté par l’affection. C’est le but de notre action politique.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Les occasions d’octroyer de nouveaux droits fondamentaux sont rares. Au même titre que le droit à l’interruption volontaire de grossesse, le droit à disposer de soi jusqu’au bout constituera une avancée majeure pour la société.
Nous regrettons que le texte, malgré la richesse et la solennité des débats de l’an dernier, ait été scindé après que le premier ministre a invoqué des considérations religieuses. La foi, si respectable soit-elle, ne saurait fonder la loi dans la République laïque. Quoi qu’il en soit, nous refusons la division artificielle de mesures qui forment un tout cohérent.
Plus que jamais, il faut renforcer le droit aux soins palliatifs et à un accompagnement humain, grâce à une stratégie décennale territorialisée. Hélas, les fonds spéciaux dédiés aux soins palliatifs sont inéquitablement répartis entre les départements. Nous demanderons une augmentation globale des moyens. Il faut en outre garantir le droit à la sédation profonde et continue. Conformément aux préconisations du rapport Chauvin, il faut des indicateurs fiables pour anticiper les besoins et des chiffres précis pour les sédations effectuées. Enfin, il faut garantir un reste à charge nul.
Concernant l’aide active à mourir, nos échanges doivent retrouver de la mesure et de la sincérité. La double page consacrée à la question lundi par Le Figaro est symptomatique d’une volonté extérieure de troubler les débats en agitant des peurs irrationnelles. Non, ce texte ne témoigne pas d’une volonté de susciter une culture de la mort. Non, nos concitoyens ne pourront pas mettre fin à leurs jours à cause d’un épisode dépressif ou comme bon leur semble. Non, il ne sera pas plus simple de recourir à l’aide active à mourir qu’aux soins palliatifs. Nous partageons la volonté de prendre soin, d’apaiser, d’accompagner. Mais notre société mesure les limites des unités de soins palliatifs, aussi extraordinaires soient-elles.
L’aide active à mourir, encadrée et stricte, ne doit jamais être un automatisme. Mais pour nombre de personnes atteintes de maladies incurables et irréversibles, qui subissent des souffrances terribles, elle est une issue, un soulagement et un acte de soin. Elle est aussi parfois l’anticipation d’une perte irréversible de soi, que l’on choisit d’affronter dans la dignité et la responsabilité, en parfaite conscience. Comme vous peut-être, j’ai été témoin des souffrances et de la prolongation acharnée de la vie, sans conscience et vide de sens, d’une patiente qui réclamait l’euthanasie devant l’équipe de médecins. J’ai une pensée pour ceux qui sont atteints de maladies neurodégénératives graves et qui doivent s’exiler pour recourir à une aide active à mourir.
Nous nous battrons en particulier, lors de l’examen de l’article 4 de la proposition de loi relative à la fin de vie, pour renforcer les directives anticipées et faire respecter la volonté ultime du patient. Je souhaite pour ma part que, en cas de perte de conscience, la mise en œuvre des directives soit confiée à une personne de confiance désignée.
Nous défendrons un droit inviolable et opposable à une fin de vie digne, par essence public et sorti de toute logique marchande. Nous, insoumis, sommes convaincus que le choix de sa fin de vie est la forme la plus aboutie de l’humanisme. Pour conclure, je me réfèrerai Jean-Luc Mélenchon, pour qui décider de notre propre fin de vie, c’est commencer à entrer dans une humanité radicale ; ne plus avoir peur de la mort, c’est commencer à être radicalement et intimement libres ; dès lors que nous sommes institués comme personnes par cette liberté-là, alors nous ne parlons plus d’une loi, nous parlons d’un droit fondamental de la personne humaine.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Je veux d’abord penser à ceux qui sont au cœur de ce débat : les patients confrontés à des souffrances insupportables dans leur parcours de soins, souvent jusqu’à la fin de vie, qui demandent à être entendus, soulagés et accompagnés ; les familles épuisées, parfois perdues, qui cherchent du soutien ; les soignants dévoués mais souvent seuls, dépourvus de moyens voire de formation, auxquels il manque du temps pour accompagner avec humanité. Je pense aux bénévoles qui accomplissent un travail remarquable aux côtés des patients, faisant preuve d’un souci poussé de l’éthique.
Le texte relatif aux soins palliatifs est important, bien sûr. Mais nous regrettons la méthode choisie par le premier ministre. En séparant cette proposition de loi de celle sur la fin de vie, le gouvernement a introduit une fracture où il fallait de la cohérence. Il a cloisonné un sujet qui exige une vision d’ensemble. Soins palliatifs et aide à mourir ne sont pas opposés, mais profondément liés. Ils répondent à une même exigence de dignité et, complémentaires, ils doivent être pensés ensemble dans un esprit de confiance. Il convient de conjuguer continuum et anticipation dans le parcours de soins et d’accompagnement de la fin de vie.
L’inégalité dans l’accès aux soins palliatifs est un autre sujet majeur. C’est une réalité brutale : vingt-deux départements n’ont aucun service de soins palliatifs et les équipes mobilisées sont souvent insuffisantes. En métropole comme outre-mer, des patients en fin de vie n’y ont accès ni à domicile, ni à l’hôpital, ni en établissement. Cette injustice est indéfendable. Nous devons garantir l’accès effectif aux soins palliatifs partout en France, quel que soit le lieu de vie, l’âge ou la pathologie. Cela suppose un vrai changement d’échelle, des moyens pérennes, des professionnels formés, des équipes mobiles sur l’ensemble du territoire, une offre organisée, coordonnée et lisible, mais aussi une meilleure information des patients. On estime que 440 000 personnes auront besoin de soins palliatifs d’ici à 2034. Soyons clairs : sans moyens humains et financiers, ce texte restera un vœu pieux.
Au-delà des moyens financiers, un plan national ambitieux de formation initiale et continue sur les soins palliatifs et la fin de vie devra être appliqué pour tous les personnels de santé dès le socle commun. Il permettra de relever les défis du déploiement des soins palliatifs, de la fin de vie, du vieillissement de la population et de la prévalence accrue des affections de longue durée. Il est indispensable de former, de recruter, de coordonner et de renforcer la recherche pour que les droits reconnus par la loi deviennent une réalité vécue.
Le groupe Socialistes soutiendra ce texte et défendra quelques points essentiels concernant notamment l’engagement budgétaire qui doit être pérenne, les modalités de financement des soins palliatifs, le contenu des directives anticipées ou encore les conditions de recours. Madame la ministre, vous proposez que les maisons d’accompagnement soient renommées. Pouvez-vous confirmer que les professionnels pourront y dispenser l’aide à mourir ?
Une majorité de Français attendent avec une grande impatience nos travaux. Soyons à la hauteur de leur attente !
Mme Océane Godard (SOC). C’est avec humilité que je m’exprime. Parce que la mort fait partie de la vie, parce que nous sommes tous concernés par la fin de vie, une large majorité des députés de notre groupe soutient l’avancée sociétale que constitue l’ouverture d’un nouveau droit : la liberté de mourir dans la dignité. Les Français sont prêts ; en témoignent les travaux de la Convention citoyenne, dont trois quarts des membres se sont prononcés, après vingt-sept jours de débat, pour le développement des soins palliatifs et l’ouverture sous conditions de l’aide active à mourir. La proposition de loi relative à la fin de vie permettra de traiter des questions absolues et primordiales, essentielles pour nos vies individuelles comme pour notre vie commune.
Notre groupe regrette la scission du texte. Mais il sera pleinement investi dans le travail qui s’ouvre. Vous déclariez en février dernier, madame la ministre, qu’un seul texte serait nécessaire pour traiter ce sujet dans sa globalité. Cette scission risque de rendre floue la distinction entre soulagement des symptômes et décision pour la fin de vie. Elle pourrait aussi perturber l’accompagnement des patients et de leurs familles car elle sépare artificiellement deux aspects souvent indissociables du processus de mourir. Le développement des soins palliatifs en France ne nécessite pas tant de légiférer que d’allouer des moyens, en matière notamment de formation et de recrutement.
Notre vigilance sera totale pour que la discussion aille jusqu’au bout. Notre repère reste la souffrance multiforme et insupportable de la personne. Voici quelques-unes des questions primordiales que nous aurons à traiter. Êtes-vous prêts à modifier la proposition de loi relative à l’aide à mourir pour inclure dans son champ les personnes accidentées souffrant de séquelles graves mais non terminales ? Y êtes-vous prêts pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives, dont la souffrance peut être prolongée sans fin ? Pour les mineurs, qui peuvent être confrontés à des souffrances chroniques insupportables ? Quelle réponse sera apportée aux patients qui ne souhaitent pas bénéficier de l’aide active à mourir, mais réclament un accès aux soins palliatifs adapté à leurs besoins ?
Notre groupe est majoritairement favorable à cette grande avancée sociétale. Sur un sujet aussi complexe, qui résonne avec notre sensibilité, notre vécu et notre cheminement intime et personnel avec la mort, certaines voix s’exprimeront librement.
M. Patrick Hetzel (DR). Notre groupe accueille la scission en deux textes comme une bonne nouvelle. Nous veillerons à ce que l’on n’instaure pas un continuum entre euthanasie et soins palliatifs. Le suicide assisté, de nature différente de l’univers du soin, doit en être distingué clairement. Nous rejetons l’idée qu’il serait un soin ultime. Cette euphémisation serait même de nature à créer un doute sur la finalité des soins palliatifs, fondés sur la confiance que les soignants bâtissent avec les patients. Un tel doute serait dommageable pour les premiers comme pour les seconds.
Nous sommes évidemment favorables à une stratégie décennale pour le renforcement des soins palliatifs. Au cours de la précédente législature, notre groupe a défendu une proposition de loi en ce sens, adoptée à l’unanimité dans l’hémicycle. Les soins palliatifs doivent être prodigués dans un délai compatible avec l’état de santé des patients. Le droit d’accès doit être réel. Notre crainte est que certains de nos concitoyens réclament finalement l’euthanasie parce qu’ils n’auraient pas accès aux soins palliatifs. Ce serait un échec majeur de nos politiques publiques. C’est pourquoi il est essentiel que la stratégie décennale soit dotée de moyens suffisants, non seulement financiers mais aussi humains. C’est là que réside la difficulté. Comme l’ont montré l’Académie nationale de médecine et la Cour des comptes, l’offre de soins palliatifs demeure à la fois hétérogène sur le territoire et très insuffisante. Dix-neuf départements n’ont toujours pas d’unité de soins palliatifs, ce qui est préoccupant.
Le groupe Droite républicaine sera attentif à ce que le texte garantisse à l’ensemble des Français un accès effectif aux soins palliatifs. Comment le gouvernement va-t-il s’en assurer et quels moyens humains et financiers va-t-il allouer ? Est-il favorable à un amendement qui sépare clairement la notion d’accompagnement de celle de soins palliatifs ? Enfin, est-il disposé à soutenir l’inscription dans la loi de la définition des soins palliatifs publiée par l’Organisation mondiale de la santé ?
M. Philippe Juvin (DR). Au nom des Républicains, qui voteront chacun librement, je veux rappeler que nous n’allons pas débattre d’un acte technique, mais de vie et de mort, de fraternité et de vulnérabilité.
Les rares garde-fous ont été supprimés du texte. N’ayons pas peur des mots : la procédure est devenue expéditive puisqu’elle prévoit un délai de zéro à dix-sept jours, alors qu’en Belgique il est au minimum d’un mois. La collégialité n’existe pas : le patient pourra ne rencontrer qu’un médecin, lequel prendra seul la décision. Enfin, le suicide assisté pourra concerner des patients ayant devant eux plusieurs années à vivre sans perte d’autonomie : ceux qui sont en phase avancée d’un cancer métastasé ou en phase terminale d’une insuffisance rénale et dialysés. On est loin du soin ultime.
La proposition de loi érige la liberté absolue de choix en valeur suprême. Est-on libre quand on décide de se suicider ? Est-on libre lorsque l’on souffre de dépression ? Les psychiatres savent que ce n’est pas le cas. Est-on libre de son choix lorsque l’on est seul, que l’on ne peut pas s’offrir ce qui rend la maladie moins pénible ? L’aide pour se faire conduire tous les jours dans la douche, le fauteuil roulant à 2 000 euros, l’ordinateur pour s’exprimer… Quand on est pauvre, la fin de vie est plus difficile que quand on est riche. Pourquoi, dans l’Oregon, les suicidés se trouvent-ils en majorité parmi les plus pauvres ? La liberté de choix n’est pas identique selon que l’on est riche ou pauvre, entouré ou isolé.
On dit que ce sera une loi de fraternité. Pourtant, face à une demande de mort, il y a deux réponses possibles. La première est celle que propose le texte : une réponse unique et automatique si l’on coche les cases. Mais la fraternité ne serait-elle pas plutôt dans la seconde réponse, qui consiste à essayer de comprendre ce qu’il y a derrière cette demande ? Lorsqu’ils arrivent en soins palliatifs, 3 % des patients souhaitent mourir. Une semaine plus tard, ils ne sont plus que 0,3 %. Dans l’intervalle, on a pris le temps de répondre à leurs besoins, à ceux de leurs proches fatigués. Et la demande de mort s’est envolée. La majorité des demandes d’euthanasie s’éteignent lorsqu’on apporte des réponses.
L’exaltation de la liberté individuelle ne peut pas être un projet de société. Nous ne sommes pas seuls. La proposition de loi relative à la fin de vie exprime en creux une fascination pour la performance, une dépréciation de la vieillesse et de la dépendance. Elle sous-entend que toutes les vies ne vaudraient pas d’être vécues. Nous ne parvenons pas à nous y résoudre et nous pensons qu’une autre voie est possible. Au Canada, on estime que la loi sur l’euthanasie a fait économiser 80 millions de dollars. C’est une vérité économique : la fin de vie coûte très cher. Madame la ministre, disposez-vous d’une évaluation de l’économie qui serait réalisée en France ?
Parmi les 1,5 million de personnes souffrant d’une insuffisance cardiaque dans notre pays, 200 000 sont en phase avancée et pourraient donc relever de l’aide à mourir. En tant que cardiologue, monsieur le ministre, à combien d’années évaluez-vous leur espérance de vie ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Plusieurs d’entre vous ont évoqué l’urgence de développer les soins palliatifs. Sur ce sujet, l’enjeu n’est pas uniquement financier. La preuve en est que, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, le gouvernement a tenu les engagements pris dans la stratégie décennale pour allouer les 100 millions d’euros prévus. En tant que commissaires aux affaires sociales, vous connaissez la situation de notre pays : concrètement, nous sommes confrontés à un manque de professionnels. Tous partis politiques confondus, qu’avons-nous manqué de faire ? Pourquoi les soins palliatifs sont-ils aussi peu développés ? On peut faire des effets de manche en affirmant que l’on va ouvrir des services partout mais, lorsque ce n’est pas possible, c’est faute de professionnels, pas de place. Le sujet est avant tout la formation. Nous y travaillons.
J’en viens aux maisons dont je souhaiterais qu’on puisse les qualifier de maisons de répit et de soins palliatifs. Ces lieux d’hébergement accueilleront les patients ne pouvant retourner chez eux parce qu’ils sont seuls ou que la configuration de leur domicile ne le permet pas. Ce sont donc des intervenants de l’hospitalisation à domicile qui y exerceront. Je le redis : les patients satisfaisant aux conditions prévues par le texte pourront y bénéficier de l’aide à mourir.
Vous avez été nombreux à aborder les conditions d’accès à l’aide à mourir. L’une des clefs, selon moi, est la notion de discernement du patient. Si le texte paraît équilibré, c’est parce qu’elle y figure. En la requérant à tous les stades de la procédure, on exclut de fait les pathologies neurodégénératives dès lors que le patient n’a plus sa conscience. L’avis du gouvernement à ce sujet restera conforme à cet esprit. Madame Erodi, les directives anticipées sont rédigées à un stade bien antérieur à cette situation ; or la volonté du patient sera recueillie tout au long de la procédure d’aide à mourir et jusqu’au dernier moment. C’est un élément essentiel.
Monsieur Juvin, le fauteuil roulant sera pris en charge à partir de décembre prochain. C’est un progrès important pour les personnes qui en ont besoin.
S’agissant de la collégialité, la proposition a été amendée et pourra de nouveau être débattue. Avant de prendre sa décision, le médecin recueillera sur l’éligibilité du patient à l’aide à mourir l’avis d’un médecin spécialiste et d’un autre personnel – un infirmier en contact quotidien avec le patient par exemple. Il ne sera donc pas seul, mais interviendra dans le cadre d’une procédure collégiale dont la traçabilité sera absolue.
Je ne peux vous suivre, monsieur Juvin, sur la question financière. Il n’existe aucune évaluation de cet ordre. Notre démarche consiste à répondre à la demande d’un certain nombre de patients, dans un contexte précis, à condition que les cinq critères déjà mentionnés soient réunis. Le texte n’a absolument pas pour objet la recherche d’économies.
Enfin, monsieur Clouet, le patient pourra saisir le juge administratif et un référé sera possible. S’il existait un droit opposable, que pourrait faire le juge pour un patient ayant demandé en vain une prise en charge de soins palliatifs ? Il pourrait enjoindre qu’elle lui soit accordée mais, à défaut de place, cette injonction resterait lettre morte. Les recours en justice n’apporteraient pas nécessairement la solution attendue. Ce qu’il faut, c’est que nous nous structurions pour répondre correctement aux attentes des patients.
M. Yannick Neuder, ministre. Il faut distinguer, madame Dogor-Such, les soins d’accompagnement des soins palliatifs. Ils peuvent être complémentaires et faire partie d’un continuum. Mais ils ne recouvrent pas la même chose.
Les maisons de répit seront des substituts du domicile, où des soins palliatifs pourront être dispensés. Elles n’auront pas pour objet spécifique l’aide active à mourir, mais celle-ci pourra y être apportée aux patients tout comme elle pourra l’être à leur domicile.
La scission du texte, monsieur Bentz, correspond à une volonté du premier ministre.
Vous avez réaffirmé, madame Dubré-Chirat, monsieur Ledoux, la liberté de vote qui prévaut sur ces sujets. Les positionnements personnels transcendent les limites entre groupes.
D’après le Comité consultatif national d’éthique, monsieur Clouet, ce sont 9 % des personnes prises en charge en soins palliatifs qui expriment une demande d’aide active à mourir. Je ne saurais dire si ce chiffre est élevé ou non : il signifie que la prise en charge en soins palliatifs a satisfait la demande de plus de 90 % des patients. Cela nous oblige d’autant plus que, dans plus de 50 % des cas, ceux-ci n’y ont malheureusement pas accès : raison de plus pour les rendre possibles partout et pour tous.
Vous évoquez, madame Godard, une possible extension des indications de l’aide à mourir aux personnes accidentées, à celles souffrant de maladies neurodégénératives et aux mineurs. Le Parlement aura l’occasion de se prononcer. Comme je l’avais dit à propos des amendements d’extension aux mineurs à partir de l’âge de 13 ans, sans nier la complexité des situations ni la douleur des patients, je considère que l’on n’a pas la maturité nécessaire pour décider de sa mort à cet âge-là. Ce n’est pas l’esprit des textes qui vous sont soumis. Il faut en revanche développer des maisons de soins palliatifs à visée pédiatrique, avec un objectif régional dans un premier temps même si, compte tenu des distances, cela ne règle pas toujours les problèmes des familles.
Vous avez raison, monsieur Hetzel : les besoins ne sont pas tant financiers qu’humains. Il ne faut pas être dogmatique dans la répartition des financements. Dès lors qu’il y a les locaux et les professionnels, et qu’une volonté est exprimée dans le projet de l’établissement ou de la structure d’hospitalisation à domicile, il faut valider la démarche et délivrer l’ensemble des moyens d’accompagnement nécessaires. Ce qui conditionnera l’existence de soins palliatifs sur le territoire, c’est la présence de professionnels. En leur absence, les financements ne seront pas utilisés. Il n’y a pas lieu, ensuite, de distinguer deux types de maisons. Les mêmes lieux proposeront à la fois l’accompagnement et les soins palliatifs, assurés par les acteurs du domicile, parmi lesquels les équipes d’hospitalisation à domicile.
Dans la définition qu’en donne l’Organisation mondiale de la santé, les soins palliatifs ne hâtent ni ne retardent le décès. Je veux bien réfléchir à l’intégration de cette définition dans le texte, mais je voudrais que l’on interroge la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs pour s’assurer que cette précision n’entravera pas la pratique professionnelle en empêchant l’usage d’antalgiques puissants qui sont dépresseurs respiratoires à certaines doses. Développer les soins palliatifs implique d’utiliser les bonnes molécules aux bonnes doses.
S’agissant de l’insuffisance cardiaque, monsieur Juvin, la classification de la New York Heart Association définit quatre stades en fonction de la gravité de la maladie. Au premier stade, les symptômes sont très peu nombreux ; au quatrième, le patient ne peut accomplir aucun des actes courants de la vie. Le taux de mortalité de l’insuffisance cardiaque est globalement de 50 % à un horizon de quatre à cinq ans. Il est beaucoup plus élevé au quatrième stade où il s’établit à 20 % environ à un an. Toutefois, il ne s’agit que de pourcentage. Une mortalité de 20 % à un an, ce sont 80 % de patients qui ne meurent pas à cet horizon. Voilà pourquoi, comme je l’ai dit à Mme Liso, c’est une décision politique que nous prendrons. Si l’avis de la Haute Autorité de santé l’éclairera dans le cadre d’une médecine fondée sur les preuves, il ne devra pas servir à parer cette décision des atours d’un critère scientifique.
Mme Catherine Vautrin, ministre. J’ajoute que chaque cas étant singulier, il doit faire l’objet d’un examen et d’un avis particuliers.
M. le président Frédéric Valletoux. Je cède la parole aux représentants des groupes qui ne se sont pas encore exprimés.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Comment garantir le droit à une fin de vie digne et la liberté de choisir sa fin de vie ? Nous reprenons enfin nos travaux sur ces questions essentielles. Les membres du groupe Écologiste et social déplorent que le premier ministre ait choisi de scinder en deux textes distincts le projet de loi que nous examinions au moment de la dissolution. Les deux sujets sont étroitement liés. Nous devons impérativement assurer l’accès aux soins palliatifs afin de réduire au maximum les souffrances, et garantir, en ultime recours, la liberté de choisir librement l’aide à mourir lorsque, malgré tout, les tourments demeurent insupportables.
Il est urgent de rendre effectif le droit des patients de bénéficier de soins palliatifs dans tous les départements urbains, ruraux, ultramarins, en créant un droit opposable. Nous devons avoir conscience du retard qu’ont causé les politiques de casse de l’hôpital public, l’absence de volonté politique et l’insuffisante valorisation des professionnels. On estimait en 2023 que plus de 60 % des Franciliens décédés avaient eu besoin de soins palliatifs ; parmi eux, 43 % seulement en avaient bénéficié, et la part de ceux qui étaient à domicile est plus faible encore que celle des personnes hospitalisées. Il faut développer la formation à la fin de vie et créer un diplôme d’études spécialisées. Pourquoi, madame la ministre, n’avez-vous pas entendu les quatre seuls maîtres de conférences en médecine palliative, dont l’apport aurait été crucial ?
Une loi autorisant l’aide à mourir serait une grande loi de liberté, comme l’a été la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Elle donnerait le droit de choisir d’éteindre la lumière quand la souffrance réfractaire à tout traitement est insupportable. Nous espérons que peu voudront y recourir, mais chacun doit pouvoir en décider librement. Cette loi garantirait l’égalité. Aujourd’hui, ceux qui en ont les moyens partent en Suisse ou en Belgique. Laïque, elle respecterait la conscience de chacun, libre d’y recourir ou non.
Plusieurs questions restent posées. Faut-il étendre le dispositif à diverses causes d’affection, accidentelles notamment ? Faut-il prendre en considération les directives anticipées, afin de décider pour l’avenir quand on est pleinement conscient ? Faut-il réduire les délais pour garantir l’effectivité du droit ? Faut-il donner à la personne concernée le droit de choisir qui administrera le produit létal ? Faut-il instaurer un délit d’entrave, sur le modèle de celui existant en matière d’interruption volontaire de grossesse ? Toutes ces questions divisent à l’intérieur même des groupes politiques. J’espère que les conditions d’examen permettront l’expression de tous les points de vue, comme l’an dernier.
Nous nous interrogeons sur les intentions du gouvernement. Pourquoi avoir scindé le texte qu’il soutenait l’an dernier, si ce n’est pour satisfaire les opposants à ce nouveau droit ? Le grand nombre d’amendements que nous aurons à examiner en peu de temps laisse craindre que nous ne puissions aller au bout de la discussion.
Après tant de difficultés et de reports, il est grand temps d’inscrire dans la loi cette ultime liberté, afin que chacun et chacune puisse vivre sa fin de vie dans les meilleures conditions et en choisir l’issue. Ma vie, mon corps m’appartiennent ; ma vie, ma mort m’appartiennent si je le décide. Je remercie Olivier Falorni pour sa détermination, tous les professionnels en soins palliatifs rencontrés et les membres des associations qui militent pour le droit à mourir, comme l’Association pour le droit de mourir dans la dignité.
Mme Julie Laernoes (EcoS). La fin de vie est pour nos concitoyens une préoccupation majeure. Leur position est claire : ils veulent que la loi évolue pour garantir à chacun la liberté de choisir les conditions de sa propre fin de vie, en conscience, dans la dignité et selon ses convictions. Selon un sondage Ifop de mai 2024, 89 % des Français approuvent l’autorisation d’une aide active à mourir. Massive, l’adhésion dépasse les clivages politiques, religieux et générationnels. Notre débat n’est pas de circonstance. Il répond à une attente profonde. L’Association pour le droit de mourir dans la dignité et notre collègue Olivier Falorni, dont je salue la détermination, défendent de longue date cette revendication, fondée sur le principe essentiel du respect de la liberté. L’aide à mourir ne s’impose à personne ; le droit d’en disposer ne contraint personne. Elle ne remplace pas les soins palliatifs ; elle les complète en offrant un choix. C’est un droit. Rien de plus, rien de moins.
Pourtant, et malgré l’aspiration démocratique, le premier ministre a choisi de scinder la question en deux propositions de loi, rompant avec l’approche unifiée issue des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie qui guidait le projet de loi examiné en 2024. Ce texte équilibré avait été longuement débattu dans notre assemblée, qui l’avait enrichi, avant que la dissolution ne le balaie quasiment au terme de son examen. Cette séparation vise prétendument à clarifier. Il est difficile de ne pas y voir une manœuvre politique, une tentative de recul. Personne n’est dupe. Cette stratégie consiste à faire disparaître l’aide à mourir dans les limbes parlementaires pendant que les soins palliatifs sont brandis comme une caution. C’est une faute politique et humaine. L’aide à mourir n’est pas un affront aux soins palliatifs. Elle est leur prolongement éthique et médical. Les deux sont indissociables : sans vision d’ensemble de la fin de vie, il ne peut y avoir de soins palliatifs ambitieux ; sans liberté, il n’y a pas de dignité possible.
Les membres du groupe Écologiste et social participeront aux travaux aussi assidûment qu’en 2024 pour améliorer le texte et, surtout, aller au bout de son examen. Son parcours rend visible la mise à mal de la démocratie, qu’il s’agisse de la fin brutale du texte précédent, provoquée par la dissolution, ou du décalage qu’il révèle entre l’opinion publique et les députés censés représenter la nation. Madame et monsieur les ministres, serez-vous les garants de cette ambition ? Défendrez-vous l’unité politique et éthique ? Pouvez-vous assurer que nous irons au bout de l’examen des deux textes, sans délai ni renoncement ? Les Français attendent que nous fassions ce pas juste et humain. Il est temps.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous vivons un moment important, qui honore le Parlement. Ces textes en appellent à la conscience de chacun, parce que nous sommes les représentants du peuple réunis pour légiférer. Il n’est pas besoin de motion référendaire, le peuple ayant d’ailleurs déjà été consulté à travers une Convention citoyenne d’une grande qualité. Le groupe Démocrates respectera les convictions de ceux de ses membres favorables à ces textes, comme moi, qui ai cheminé au fil du temps, et les convictions des autres, qui s’y opposeront librement.
Il s’agit non d’enlever un droit, notamment aux personnes de l’entourage du malade, mais au contraire d’en donner un nouveau à ceux qui, un jour, seront exposés à cette décision. Ce sera peut-être notre cas. Nous ne devons penser qu’au malade. Loin d’opposer la fin de vie aux soins palliatifs, le choix d’examiner deux propositions de loi distinctes assure des avancées. Tous, nous avons dénoncé le trop faible développement des soins palliatifs. Quand la médecine palliative fera-t-elle l’objet d’une discipline universitaire spécifique ? Quand aurons-nous des moyens à déployer ? Quand disposerons-nous d’une validation des acquis de l’expérience ? Il faut que, demain, un médecin généraliste désireux de changer de voie puisse embrasser le métier formidable consistant à aider ceux qui sont en proie à la souffrance.
Vous avez évoqué les maisons d’accompagnement : combien, quand, comment ? Au-delà des mots, il y a des attentes.
Lors des nombreuses auditions, la question de la sédation profonde et continue est revenue. Quand aurons-nous une vision précise de ce qui est fait et proposé, ainsi que l’assurance d’une parfaite traçabilité ? Depuis le 1er janvier, un suivi est assuré. Les professionnels eux-mêmes regrettent que nous ne disposions pas de ces données.
S’agissant des modalités, nous sommes parvenus à un équilibre. En supprimant toute intervention d’une tierce personne dans le mode de décision comme dans le mode d’exécution, le texte protège les soignants. C’est un soignant qui vous le dit. Le président du Conseil national de l’Ordre des médecins dément l’opposition de 800 000 soignants. En effet, les médecins ont bien compris que leur sécurité serait assurée. Êtes-vous d’accord avec son estimation ?
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je remercie le gouvernement d’avoir proposé l’examen de deux textes, avec une discussion commune mais des votes distincts. Tous, nous affirmons nécessaire d’améliorer l’offre de soins palliatifs. Madame et monsieur les ministres, vous avez renouvelé l’engagement du précédent gouvernement en ce sens dans la stratégie décennale. Nous sommes attachés à son ambition : l’accès de tous, quel que soit leur lieu de résidence, à un accompagnement de qualité durant les derniers instants.
La question de l’aide à mourir interpelle nos concitoyens, qu’ils soient favorables à son instauration ou s’interrogent sur ses possibles conséquences. Je ferai entendre la parole nuancée de ceux qui se questionnent et qui doutent. La grandeur d’une société s’évalue à sa capacité à protéger les plus vulnérables. Mais qui sont-ils ? Les débats permettront de préciser la visée du texte : s’agit-il d’instaurer un nouveau droit ou de traiter des situations exceptionnelles, dans lesquelles la compassion impose d’ouvrir une possibilité encadrée et réfléchie ? Je crois profondément à l’attitude compassionnelle. Nous savons tous combien la perspective de la fin de vie peut générer de l’angoisse. Personne ne peut prédire son état physique et psychologique des derniers instants. La fin de vie s’accompagne aussi parfois de douleurs réfractaires contre lesquelles la médecine est impuissante. Nous les redoutons tous. L’instinct de survie se révèle quelquefois le plus fort, laissant les personnes en souffrance. Il faut les écouter. S’agissant des derniers instants, beaucoup de Français expriment une inquiétude légitime. Nous devons y répondre. Nous devons fournir une garantie, de celles dont on espère ne jamais avoir besoin. Il faut éviter d’en faire un droit opposable à se donner la mort, comme une incitation à renoncer à vivre.
Pour moi, les maisons de répit sont conçues pour les aidants. Le terme, qui suppose qu’il y aura un retour à l’équilibre, suscite la confusion.
Nous examinons un texte d’initiative parlementaire qui ne respecte plus l’équilibre défendu par le gouvernement en exercice en juin 2024. Madame et monsieur les ministres, quelle est votre position sur cette nouvelle version qui instaure un droit opposable mais ne contient plus la notion de court et moyen terme ? Cette extension rendrait possibles des évolutions que nous redoutons.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il y a deux ans, devant les membres de la Convention citoyenne réunis à l’Élysée pour la remise de leurs travaux, le Président de la République demandait au gouvernement de construire le modèle français d’accompagnement de la fin de vie. Je remercie les conventionnels et tous ceux qui ont participé à l’élaboration du projet de loi subséquent, que le Président de la République a endossé en décembre 2023 et que vous avez défendu devant notre assemblée, madame la ministre, en 2024.
Ce modèle français de la fin de vie reposait sur trois piliers : les soins palliatifs ; l’accompagnement du malade et de son entourage ; l’aide à mourir sous certaines conditions. Ne pensez-vous pas, madame et monsieur les ministres, que la scission du projet de loi risque de provoquer une rupture dans l’accompagnement des personnes en fin de vie, comme l’ont craint les représentants des associations lors des auditions ?
Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’accélérer le déploiement des soins palliatifs. Le diagnostic est clair : nous avons raté le développement de la formation et, peut-être, celui de la filière en nous concentrant trop sur les unités de soins palliatifs, qui ne sont pas la seule modalité de prise en charge. Nous devons faire un effort de pédagogie, étendre la culture du soin palliatif et de l’anticipation. Il faut sans doute en priorité renforcer la filière et prévoir une gradation de la prise en charge, pour l’étendre hors des unités de soins palliatifs. Il faut également élaborer de nouveaux indicateurs.
S’agissant des maisons de répit, je m’interroge sur le choix du terme. Les maisons de répit sont conçues pour soutenir les aidants, en particulier ceux des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il faudrait éviter de créer une confusion.
La proposition de loi relative à la fin de vie résulte des travaux menés ici avant le 7 juin 2024. Mais elle déstabilise l’équilibre alors trouvé. Que compte faire le gouvernement pour le rétablir ? Continuerez-vous à défendre à la fois la liberté du patient et celle du soignant ?
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Les deux propositions de loi vont susciter des débats nourris car elles soulèvent des questions intimes et complexes.
Les soins palliatifs demeurent le parent pauvre de la médecine. En juillet 2023, un rapport de la Cour des comptes précisait que seuls 48 % des besoins en soins palliatifs étaient satisfaits. Il relevait de grandes inégalités territoriales en la matière. Vingt départements ne disposaient alors d’aucun service de soins palliatifs. Les perspectives démographiques laissent présager une augmentation significative des besoins dans les prochaines décennies. On estime qu’il y aura 440 000 patients potentiels d’ici à 2035. Il est donc urgent de renforcer les infrastructures hospitalières et de développer les soins à domicile et dans les établissements médico-sociaux.
Je salue la stratégie décennale qui prévoit de mobiliser 1 milliard d’euros supplémentaires, soit 100 millions d’euros par an. Il faut développer les équipes mobiles de soins palliatifs, qui interviennent à l’hôpital et à domicile, en collaboration avec les services de soins infirmiers à domicile et d’hospitalisation à domicile. Ces dispositifs évitent les ruptures de prise en charge de patients souvent contraints d’effectuer des allers-retours entre l’hôpital et leur domicile. Leur développement apporterait une réponse adaptée aux besoins tout en garantissant un accès homogène et de qualité sur tout le territoire. Cela implique d’améliorer la formation initiale et continue de tous les soignants.
L’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie impose de répondre à une question fondamentale : l’aide active à mourir est-elle un nouveau droit ou un ultime recours ? Dans le second cas, il faut s’assurer que la demande du patient n’est pas, comme cela arrive souvent, l’expression de sa douleur, de sa peur, de sa solitude, lorsque la prise en charge n’a pas été suffisante. Pour y parvenir, il faudrait peut-être renforcer la collégialité et formaliser davantage la décision médicale, comme c’est le cas pour les soins palliatifs.
Nous allons débattre de sujets sensibles, qui touchent à l’intime. Ils nous amèneront à réfléchir à nos convictions personnelles et au modèle de société que nous voulons. Chacun a ses propres lignes rouges. Madame la ministre, monsieur le ministre, quelles sont les vôtres ?
M. Paul-André Colombani (LIOT). Un an après la dissolution qui a brutalement arrêté l’examen du projet de loi relatif à la fin de vie, je me félicite que nous reprenions nos travaux. Le premier ministre a fait le choix de scinder le texte ; chacun jugera de l’opportunité du procédé. Il est certain que l’aide à mourir ne doit jamais constituer une solution à des soins palliatifs insuffisants. Elle ne peut être qu’une voie possible, jamais un choix par défaut.
Le premier texte soumis à notre examen est donc essentiel. En dépit des efforts législatifs et budgétaires, nous ne parvenons pas à garantir à tous les malades une fin de vie apaisée et sans souffrance. Malgré le dévouement des professionnels de santé, des bénévoles et des aidants, le système palliatif est défaillant. Le nombre de professionnels est insuffisant alors que les besoins augmentent. Les inégalités territoriales sont fortes. L’organisation territoriale est inadaptée. Le financement est illisible et insuffisant. Le bilan de la loi « Claeys-Leonetti » est mitigé, en particulier concernant le recours aux directives anticipées et à la personne de confiance. Les membres de notre groupe défendront des amendements améliorant l’information dans ce domaine et l’organisation territoriale. Par ailleurs, nous réitérerons notre demande de création d’un diplôme d’études spécialisées en médecine palliative, disposition malheureusement supprimée lors de l’examen en séance publique du précédent projet de loi.
Afin d’enrichir un texte encore trop timide, notre assemblée avait adopté de nombreuses mesures comme la création d’un droit opposable, des dispositions relatives à la formation des professionnels et à la stratégie décennale. Elles devront également figurer dans les présentes propositions de loi. Par ailleurs, nous devons étendre la réflexion au rôle des aidants, dont on parle peu, alors que, face à la maladie de leur proche, ils sont en première ligne. Enfin, la question subsiste de l’application aux territoires ultramarins : aucune disposition qui les concerne n’est prévue.
Sur les deux textes, la liberté de vote dans mon groupe sera totale. Chacun se prononcera selon sa conscience, ses certitudes ou ses doutes. Dans tous les cas, notre objectif sera de garantir le respect de la volonté et la dignité des malades et de toujours favoriser le dialogue avec l’équipe médicale et les proches.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous avons examiné entièrement en 2024 la première des deux propositions de loi. Quant à l’autre, sa discussion en séance publique a été soudainement interrompue par la dissolution. Nous n’avions toutefois pas épuisé toutes les questions qu’elles soulèvent. Il est donc juste de reprendre leur examen à nouveaux frais, en partant des modifications alors adoptées, et de profiter de la scission du projet de loi initial pour débattre avec sincérité et mesure de deux objets distincts.
Le premier texte doit poursuivre le chemin emprunté depuis la loi du 9 juin 1999, qui prévoit que toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et de bénéficier du meilleur apaisement possible de sa souffrance. Personne ne contestera l’urgente nécessité de rendre les soins palliatifs pleinement efficaces et accessibles sur tout le territoire. Les débats de 2024 ont abouti à une définition des soins palliatifs et d’accompagnement, mais la question des moyens humains et financiers reste cruciale. Pour les développer, il faut accorder en priorité des moyens suffisants à l’hôpital. Je m’inquiète d’entendre la porte-parole du gouvernement annoncer que le prochain budget sera « un cauchemar ».
Comment légiférer sur la fin de vie en contournant une fois de plus la promesse d’une loi relative au grand âge ? Si l’on ne définit pas préalablement les conditions favorables pour vieillir chez soi, comment réussir le virage domiciliaire et favoriser les soins palliatifs à domicile ? Comment prévoir une aide à mourir respectueuse des malades et des soignants sachant que, dans la proposition de loi, le domicile apparaît comme son lieu par défaut ?
Le Comité consultatif national d’éthique a bien défini l’enjeu de la proposition de loi relative à la fin de vie. Il existe des tourments auxquelles ni les soins curatifs ni les soins palliatifs ne peuvent remédier. Ils peuvent rendre inopérant le droit à une fin de vie digne, pourtant consacré par la loi. L’option retenue est l’aide à mourir, c’est-à-dire le suicide assisté et l’euthanasie. À titre personnel, comme d’autres membres de mon groupe, je n’y suis pas opposé. Toutefois, j’entends les doutes et les réticences. Il faut mesurer le poids de cette évolution législative compte tenu de l’état de notre système de soins et de notre société, en particulier de nos valeurs de solidarité, afin que ce droit nouveau constitue une réponse exceptionnelle et encadrée à un besoin identifié. La condition d’être atteint d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale peut sembler encore trop vague. La collégialité fait cruellement défaut : le médecin décidera seul d’accorder l’aide à mourir après avoir recueilli quelques avis. La question demeure également du lieu ; le texte reste sur ce point peu précis ; or, il ne faudrait pas ouvrir la voie à une activité lucrative. Ainsi, des ajustements demeurent nécessaires.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Mesdames Simonnet et Laernoes, je m’engage à aller au bout de l’examen des deux textes. Je ne maîtrise pas le temps parlementaire mais, si besoin, je prendrai moins la parole pour gagner du temps. Je souhaite que les votes aient lieu.
Madame Laernoes, les soins palliatifs ne servent aucunement de caution. Nous aurons deux débats distincts. Le premier renvoie beaucoup au domaine réglementaire, mais il permet de rendre visible l’engagement du gouvernement de travailler au progrès des soins palliatifs. Vous avez tous souligné la nécessité d’organiser une filière pour qu’ils soient dispensés partout en France.
Monsieur Monnet, à l’exception de la condition de majorité, l’âge ne doit aucunement entrer en considération : seul l’état de santé du patient peut le rendre éligible. Il est primordial de ne pas lier le droit à mourir et le grand âge. J’insiste : seule la pathologie rend admissible le patient doué de discernement. C’est une ligne rouge fermement tracée.
Monsieur Vigier, la clause de conscience garantit aux soignants une protection concrète, dont l’inscription dans la loi est essentielle. Personne n’est obligé de dispenser l’aide à mourir. Nous demandons seulement que le professionnel qui décline puisse fournir une liste de soignants qui acceptent de faire. De plus, nous voulons qu’un médecin qui ne figure pas sur la liste puisse néanmoins agir pour un patient en particulier, s’il le souhaite.
Monsieur Isaac-Sibille, je confirme que la discussion sur les propositions de loi sera commune et les votes distincts. Comme votre collègue Philippe Vigier, vous m’avez interrogée sur l’appellation « maisons de répit et de soins palliatifs ». L’idée serait d’en ouvrir à terme une centaine, dans tout le territoire, afin d’accueillir des patients en fin de vie qui ne peuvent rentrer chez eux après une hospitalisation, notamment parce que leur logement n’est pas adapté, ou des personnes qui vivent seules et ne peuvent être autonomes chez elles. Il peut aussi s’agir de malades dont les accompagnants ont besoin de répit : ils seraient accueillis quelques jours en hospitalisation à domicile dans cet établissement. C’est, madame Firmin Le Bodo, ce qui justifie l’emploi du terme « répit ». Ces maisons pourraient également recevoir des patients en établissement médico-social, s’ils le souhaitent.
Le projet de loi initial n’a pas connu de profond bouleversement. Certes, la mention de l’engagement du pronostic vital à moyen terme n’a pas été conservée. Nous disposerons sous peu de l’avis de la Haute Autorité de santé. La possibilité qu’un tiers procède à l’injection a également été supprimée. L’aide à mourir reste fermement encadrée. Les cinq conditions demeurent et leur respect est essentiel. C’est pour moi une autre ligne rouge.
Madame Colin-Oesterlé, nous discuterons de l’opportunité de renforcer la collégialité. Vous demandez si l’aide à mourir constitue un droit. Nous réfléchissons à instituer non un droit à mourir, mais le droit pour chaque personne de décider à quel moment sa vie doit prendre fin lorsque son état de santé soulève cette question, dès lors que son discernement n’est pas altéré. La Cour européenne des droits de l’homme considère qu’il s’agit d’un aspect du droit au respect de la vie privée au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Il est vrai, monsieur Monnet, que nous réexaminons les questions : même si nous avons tous tendance à faire référence à nos précédentes réflexions, nous allons, avec vingt-quatre mois de recul, rediscuter tous les éléments en respectant les convictions de chacun.
M. Yannick Neuder, ministre. Ce n’est pas à nous de dire si la discussion pourra aller à son terme : cet aspect relève du Parlement. Par-delà le recours à l’obstruction, certains sujets déjà abordés lors de l’examen du projet de loi ne sont pas propices à l’accélération des débats. Je pense notamment aux amendements évoqués par Mme Laernoes qui proposaient d’ouvrir l’aide à mourir aux mineurs. Il appartient à chaque parlementaire, fort des discussions menées, de se montrer responsable. Ce sujet est complexe et il touche aux convictions intimes. Pour ma part, je ne suis pas du tout favorable à l’aide à mourir aux mineurs, ce qui ne veut pas dire que l’on puisse négliger le développement des soins palliatifs pour les enfants.
Je remercie Philippe Vigier d’avoir évoqué le sujet fondamental de la formation. Cette dernière peut être qualifiante ou diplômante. La validation des acquis de l’expérience est au cœur des discussions avec les personnels paramédicaux. Tous les diplômes universitaires sont maintenus. Il est prévu que la formation spécialisée transversale permette soit d’acquérir une compétence dans le cadre d’une formation d’un an, soit d’obtenir une qualification reconnue par le Conseil de l’Ordre grâce à un cursus de deux ans. Vous avez été nombreux à souhaiter, comme nous, que des modules concernant les soins palliatifs soient intégrés aux études médicales et paramédicales, et que certains personnels paramédicaux puissent accomplir des stages dans des unités de soins palliatifs. Dans la réforme du second cycle des études de médecine, il est prévu d’intégrer différents items portant sur la prise en charge des douleurs aiguës et chroniques, sur les soins palliatifs et la fin de vie, ainsi que sur l’accompagnement du patient et de ses proches.
On estime que 2 000 à 3 000 patients font l’objet d’une sédation profonde chaque année, ce qui représente entre 1 et 2 % des décès. Il n’est pour l’instant pas possible d’avoir des données plus fines, car les certificats de décès ne sont pas assez précis.
Monsieur Isaac-Sibille, je suis rassuré quand les gens doutent et au contraire plutôt inquiet quand ils ont des certitudes sur ces sujets. Chaque cas est différent. Je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il faudra trouver un autre nom pour les structures où l’on fournit des soins palliatifs lorsque ce n’est pas possible à domicile, car la notion de maisons de répit désigne déjà des structures notamment destinées à accueillir les aidants. Peut-être faudra-t-il tout bonnement en venir à « maisons de soins palliatifs ».
Madame Firmin Le Bodo, la notion de filière est en effet importante. En médecine, il est rare de ne pas être confronté au décès. Il faut donc une prise en charge globale, qui va du diagnostic à l’évolution terminale. Je ne veux pas ouvrir de nouveau le débat pour savoir si l’acte de donner la mort constitue un soin, mais la prise en charge allant jusqu’à l’accompagnement du patient vers sa fin en est très certainement un.
Je peux comprendre que vous estimiez l’équilibre entre les soins palliatifs, l’accompagnement des soignants et des patients et la fin de vie rompu avec deux textes. Mais, d’un autre côté, la scission permet de ne pas complètement lier le sort des deux propositions, en particulier lorsque l’on connaît les difficultés d’accès aux soins palliatifs. Hadrien Clouet a bien rappelé qu’ils n’apportent pas une solution satisfaisante dans 9 % des cas, même si on peut symétriquement faire valoir qu’ils résolvent 91 % des situations.
Mme Colin-Oesterlé a évoqué le secteur médico-social. Le déploiement du dispositif au sein de structures médico-sociales ne pourra se faire que dans un cadre d’hospitalisation à domicile. Il faut donc être vigilant quant aux moyens requis. Pour y assurer une prise en charge en soins palliatifs et la possibilité, si le Parlement en décide, de recourir à l’aide active à mourir, une présence paramédicale permanente sera nécessaire alors qu’elle n’existe actuellement pas dans 80 % des établissements médico-sociaux. Il faudra donc recourir à des astreintes ou à des unités mobiles.
S’agissant d’une décision aussi importante que la mort, je suis partisan de la collégialité. On y a recours dans beaucoup d’autres cas et la décision prise collectivement figure dans le dossier du patient, ce qui prévient les recours contre tel médecin ou tel soignant. On fait peser une lourde responsabilité sur le médecin sollicité pour accorder l’aide active à mourir. Il faut être prudent car les conséquences d’une telle décision sont irrévocables.
Voici quelles sont mes lignes rouges. La décision d’accorder l’aide à mourir doit être collégiale ; elle ne peut concerner un patient sous tutelle ou curatelle, ou plus généralement dont le discernement est altéré ; enfin, son pronostic vital doit être engagé à court terme. Ce n’est pas ce qui est prévu par le texte, qui fait référence à une affection grave et incurable qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. Nous aurons l’occasion d’en débattre.
M. Colombani a demandé à juste titre que l’on accorde une attention particulière aux problèmes rencontrés outre-mer.
Monsieur Monnet, malgré l’état des finances publiques, la stratégie décennale des soins d’accompagnement sera confortée par l’adoption du texte sur les soins palliatifs.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Justine Gruet (DR). L’attente de nos concitoyens est considérable. Mais on ne doit pas y répondre à n’importe quel prix. Nous devons être vigilants car nos choix engageront la société. Les rapporteurs des deux textes mettent sur le même plan les soins palliatifs et l’aide active à mourir. Mais le sujet nécessite de repenser l’ensemble du financement de la sécurité sociale. En effet, comment osons-nous ouvrir le débat sur l’aide à mourir alors même que l’accès aux soins palliatifs n’est pas garanti partout de manière égale ? Comment ouvrir immédiatement un nouveau droit effectif alors que les restes à charge lorsque l’on souhaite être accompagné à domicile ou ailleurs sont très différents selon les territoires ?
Vous me répondrez que des critères sont prévus. Mais des partisans du droit à mourir rétorquent qu’il s’agit de la liberté de chacun de disposer de son corps et de choisir sa fin de vie. Quels sont les garde-fous face à une volonté d’autodétermination qui pourrait aboutir à un droit opposable à mourir, ce qui réduirait à néant les différents critères ? La facilité consisterait à répondre à la forte attente sociétale. Mais, en tant que législateur, il nous revient de déterminer un cadre qui protège l’ensemble de nos concitoyens.
Pourrions-nous prévoir clairement que l’aide active à mourir ne sera pas pratiquée dans les maisons d’accompagnement, rebaptisées de répit et de soins palliatifs, afin d’y privilégier l’accueil et le suivi des personnes, et de leur famille, qui souhaitent bénéficier de soins palliatifs ? En effet, l’acte létal ne requiert pas longtemps et il serait dommage qu’il conduise à occuper la place de personnes voulant un accompagnement palliatif de qualité.
Que pensez-vous de l’idée consistant à faire vérifier le consentement libre et éclairé par le président du tribunal judiciaire, professionnel habitué à le faire, plutôt que par un médecin ?
Enfin, quel est l’avis des doyens des facultés de médecine s’agissant de la manière de mieux former à la culture palliative partout, par tous et pour tous ?
M. Thibault Bazin (DR). Moi aussi, je doute. J’ai de nombreuses questions à vous poser. Les thérapies contre la douleur ont-elles évolué depuis la loi « Claeys-Leonetti » ? Y a-t-il eu des innovations pour soulager les souffrances ? Des programmes de recherche en cours, par exemple au sein de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, sont-ils susceptibles de modifier notre regard ? Contrairement à ce qui était promis, l’accès universel aux soins palliatifs n’a pas été mis en place. La proposition de loi et la stratégie décennale sont-elles suffisantes pour remédier à cette situation ? N’y a-t-il pas d’autres freins ? Dans quelle mesure envisager une réforme du financement des unités de soins palliatifs et des équipes mobiles de soins ?
Alors que la moitié de ceux qui sont susceptibles de bénéficier des soins palliatifs en sont actuellement privés, n’y a-t-il pas un risque que ces personnes vulnérables se sentent contraintes d’abréger leur vie, faute de soins ? Dans son avis 139, le Comité consultatif national d’éthique estimait l’accès effectif aux soins palliatifs dans l’ensemble du territoire un préalable éthique à toute évolution législative. Tant qu’il ne sera pas assuré – et cela prendra du temps ! –, les personnes précaires ne risquent-elles pas de ressentir la nouvelle loi comme une remise en cause de leur dignité ? Quel en serait l’effet sur les personnes qui ne sont plus autonomes ou qui sont en situation de handicap ?
La Haute Autorité de santé doit se prononcer sur le critère de phase avancée d’une maladie grave sans que le pronostic vital soit engagé à court terme. Elle aurait dû publier ses conclusions en juin si elle avait suivi la procédure habituelle destinée à rendre un avis sérieux. Vous lui avez demandé de le faire de manière anticipée. Les experts disposeront-ils du temps nécessaire ? N’aurait-il pas fallu attendre cet avis pour commencer l’examen en commission ? Cette saisine porte-t-elle également sur le mode d’administration de la substance létale et sur les problèmes concrets qui peuvent se poser à cette occasion ? Ils ne sont pas sans incidence pour les personnes impliquées.
La proposition diffère du projet de loi initial, notamment en ce qui concerne les critères d’accès au suicide assisté et à l’euthanasie. Pourquoi ne pas avoir sollicité au préalable un avis du Conseil d’État sur la nouvelle rédaction ? L’une des évolutions touche à l’éligibilité de personnes atteintes d’une maladie grave et incurable et dont les souffrances seraient psychologiques, mais pas forcément physiques. Ne créerait-elle pas un risque pour les personnes souffrant de dépression ? Comment le dispositif s’articule-t-il avec les actions menées pour aider les personnes qui ne sont pas en fin de vie mais qui souffrent de mal-être ?
Une étude d’impact des évolutions envisagées a-t-elle été réalisée sur les conséquences pour les soignants et les proches ? Enfin, la liberté des personnels de santé est essentielle et ne concerne pas que les médecins. Les infirmiers pourraient-ils bénéficier de la même protection que ces derniers ?
M. René Pilato (LFI-NFP). Dans un monde qui change, le statu quo est une régression. Refuser d’accorder un droit opposable aux soins palliatifs, de même que refuser qu’ils s’inscrivent dans un accompagnement compatible avec la dignité humaine, signifierait que tout le travail fait serait inutile et que les choses resteraient en l’état s’agissant de la fin de vie. Je ne peux pas imaginer que nous l’acceptions. Il n’est donc pas question de supprimer ce droit opposable, déjà voté par le Parlement et qui garantit l’égalité de traitement face à l’inéluctable.
Actuellement, entre 2 000 et 3 000 personnes recourent à une aide active à mourir à l’étranger. Elles déboursent environ 15 000 euros pour cela. Au nom de l’égalité devant la souffrance réfractaire, nous ne pouvons accepter que les pauvres souffrent atrocement parce qu’ils manquent de moyens. Contrairement aux propos tenus par certains au sein de cette commission, dont monsieur le ministre, ce sont bien les plus fortunés qui sont en mesure d’exercer leur droit à l’aide active à mourir, non les plus pauvres. L’argument selon lequel les plus modestes sont surreprésentés parmi les morts par suicide assisté ou par euthanasie est balayé par diverses études internationales. France Info a publié un graphique montrant que, dans l’Ontario, ce sont les personnes qui font partie des 20 % les plus fortunés qui ont le plus recours à l’aide à mourir. Vous affirmez le contraire, monsieur le ministre. Quelles sont vos sources ?
M. Serge Muller (RN). Nous discutons d’une proposition qui organise le recours à l’euthanasie ou au suicide assisté. C’est un texte grave qui, à ce stade, évacue totalement la question du discernement et n’exclut pas clairement du dispositif les personnes souffrant de troubles psychiatriques sévères. Il n’est pas non plus prévu de recourir obligatoirement à une évaluation psychiatrique, ni même de former les médecins à ce type d’analyse. C’est une faille majeure. Dans quel pays vivons-nous pour ouvrir une porte aussi dangereuse ?
Je connais les malades. J’ai été aide-soignant en psychiatrie pendant une dizaine d’années. Je suis profondément choqué par ce texte. Plus de 12 millions de nos concitoyens souffriront de troubles psychiatriques au cours de leur vie ; pour 3 millions d’entre eux, il s’agit de troubles sévères, chroniques et invalidants. Schizophrénie, dépression résistante, mélancolie, bipolarité, anorexie : autant de pathologies qui altèrent le jugement et modifient le rapport à la mort. Or, rien dans ce texte ne protège ces personnes. Rien n’est prévu pour empêcher qu’un état de souffrance mentale temporaire débouche sur une décision irréversible. Allons-nous réellement légaliser l’euthanasie et le suicide assisté pour ceux dont il est possible que la volonté soit altérée sans même une évaluation de leur état psychiatrique ? C’est une forme de non-assistance à personne en détresse. C’est une démission collective de notre responsabilité de législateur.
Ce texte aura plus de sens s’il protège les plus vulnérables et ceux qui souffrent en silence du fait de leur état psychiatrique. La douleur n’est pas éternelle. Les effets d’une décision impulsive peuvent l’être.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je remercie notre collègue Pilato d’avoir adopté un ton plus modéré que son camarade de groupe Clouet. Nous avons impérativement besoin de discuter en respectant les convictions de chacun. Le sujet est difficile et les conditions d’un débat qui va durer quinze jours pourront jouer sur nos nerfs.
Je suis d’autant plus favorable à la dissociation en deux textes que je suis pour l’amélioration des soins palliatifs, mais aussi pour l’ouverture d’un nouveau droit à l’aide active à mourir. Le débat sera beaucoup plus clair ; à chaque parlementaire de se déterminer en fonction de sa sensibilité et de ses convictions.
L’évocation par Christophe Bentz du recours au référendum a suscité quelques contestations au sein de cette commission. J’ai l’intime conviction que tout sujet de société doit être tranché par la société. En découle mon attachement particulier au référendum. Le peuple a le droit inaliénable de s’asseoir à la table des débats. Et, lorsqu’il s’exprime, il a toujours raison. Pourquoi le gouvernement, au sein duquel différentes sensibilités s’expriment, n’a-t-il pas choisi de déposer un projet de loi, ce qui aurait permis une motion référendaire ? En se repliant derrière une proposition de loi, il nous prive de cette possibilité.
M. Eddy Casterman (RN). Monsieur le ministre, dans un entretien paru dans Le Journal du dimanche, vous avez rappelé une évidence : plus on soulage les souffrances, moins il y a de demandes de mort. Il aurait donc fallu laisser au législateur un temps suffisant pour mesurer l’effet de la loi améliorant les soins palliatifs avant de légiférer sur l’euthanasie.
Je considère que c’est précisément sa légalisation qui va entraver l’accès aux soins palliatifs pour les patients en fin de vie, plus particulièrement l’article 17 de la proposition de loi relative à la fin de vie. Il punit d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende le fait d’exercer des pressions psychologiques à l’encontre des patients souhaitant recourir à l’aide à mourir ou de l’entourage de ces derniers. L’interprétation jurisprudentielle d’un tel dispositif placera une cible dans le dos de tous les soignants. Elle les dissuadera de convaincre un patient ou son entourage d’avoir recours aux soins palliatifs, voire de les informer de leur existence, plutôt que de demander une euthanasie. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre position personnelle sur cet article. S’il vous revient d’exprimer la position du gouvernement lors des débats, quel avis donnerez-vous ?
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous devons aborder le débat avec gravité, en espérant qu’il soit de qualité comme au printemps dernier. Nonobstant la scission en deux textes, qui n’était pas notre choix, je suis convaincu que nous aboutirons à un résultat intelligent, notamment grâce au travail du rapporteur général. Mais les discussions que nous venons d’avoir illustrent la part d’incertitude qui subsiste dans l’interprétation du texte ; je pense notamment aux propos du ministre Yannick Neuder. Comme Thibault Bazin, je souhaite vraiment que l’avis de la Haute Autorité de santé soit disponible pour éclairer nos débats, au moins en séance publique, donc à partir du 12 mai.
Nous avons les mêmes lignes rouges que vous, madame la ministre : ne sauraient être éligibles à l’aide à mourir à raison seulement de leur âge, de leur situation ou de leur maladie ni les vieux, ni les handicapés, ni les fous – qu’on me pardonne ce dernier terme ; disons ceux touchés par la maladie mentale. Mais ils peuvent aussi être concernés par le dispositif s’ils souffrent de manière insupportable et sont atteints d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. Nous devrons faire preuve d’une très grande intelligence pour concilier ces deux exigences.
M. Nicolas Ray (DR). La sédation profonde et continue permet-elle de traiter toutes les situations ? Je pense notamment à des pathologies neurodégénératives comme la maladie de Charcot. Ne faudrait-il pas restreindre l’accès au suicide assisté à ces seuls cas non couverts par la loi « Claeys-Leonetti » ?
Le monde médical est très majoritairement opposé à la proposition de loi sur l’aide à mourir. C’est notamment le cas des professionnels qui pratiquent les soins palliatifs. Ils considèrent que ce texte entraînera une profonde rupture philosophique et médicale. Avez-vous anticipé l’effet de son adoption sur le milieu médical ?
Mme Josiane Corneloup (DR). Je partage les doutes que beaucoup parmi nous ont exprimés au sujet de la proposition de loi relative à la fin de vie. Ce texte soulève d’importantes questions éthiques, juridiques et médicales. S’il entend poser les bases d’un nouveau droit à l’aide à mourir, je souhaite appeler votre attention sur une disposition qui suscite de profondes inquiétudes, tant chez les professionnels de santé que chez les juristes. Il s’agit de la création d’un délit d’entrave. Il serait constitué par le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher par tout moyen de recourir à l’aide à mourir ou de s’informer sur elle. Il serait puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Une telle mesure pourrait sembler protectrice au premier abord. Elle pose en réalité des problèmes majeurs.
Quels sont précisément les comportements que cette infraction entend sanctionner ? Le texte est particulièrement large et flou. Un médecin ou un soignant qui proposerait des alternatives, notamment des soins palliatifs ou un accompagnement psychologique, pourrait-il être accusé d’entrave ? L’expression d’un doute, l’ouverture d’un dialogue ou la volonté de retarder une décision jugée prématurée pourrait-elle tomber sous le coup de cette nouvelle disposition pénale ?
Les psychiatres, régulièrement confrontés à des patients exprimant un désir de mort, rappellent que ce type de demande peut être le symptôme d’une pathologie dépressive, délirante ou liée à une détresse existentielle. Dans un tel contexte, pourrait-on considérer qu’écouter, interroger, accompagner ou proposer d’autres perspectives constitue une entrave ? Je pense pour ma part qu’il s’agit au contraire d’un soin.
Cette disposition semble incompatible avec l’obligation de porter assistance à une personne en danger, principe qui fonde une part essentielle de la responsabilité médicale et humaine. En l’état, le texte pourrait conduire à dissuader ou à sanctionner des professionnels qui, estimant qu’un acte d’aide à mourir ne s’inscrit pas dans un cadre médicalement ou éthiquement acceptable, choisiraient de ne pas y participer ou proposeraient d’autres voies. Enfin, cette disposition est sans équivalent dans les législations étrangères. Un tel délit n’existe ni en Belgique, ni aux Pays-Bas, ni au Canada, pourtant cités comme source d’inspiration pour le modèle français.
Dès lors, pourquoi introduire dans notre droit une infraction pénale qui pourrait fragiliser la liberté d’expression et bouleverser en profondeur la relation de soin ? Ne craignez-vous pas que cette disposition, loin de protéger les personnes vulnérables, réduise l’aide à mourir à une simple prestation technique au détriment d’une approche globale, humaine et éthique de l’accompagnement en famille ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Vous avez raison de m’interroger sur notre modèle social, madame Gruet. Nous aurons à en débattre car, avec un budget de la sécurité sociale de 650 milliards d’euros et un déficit de 22 milliards d’euros, dont respectivement 280 milliards d’euros et 15 milliards d’euros pour la seule assurance maladie, la question de sa pérennité est posée. Nous devons en discuter avec l’ensemble de la société.
S’agissant de l’avis du président du tribunal judiciaire, il est important de rappeler que le texte traite d’une procédure médicale. Il en résulte le choix de confier au corps médical la décision d’autoriser l’accès à l’aide à mourir.
Monsieur Bazin, je souligne l’action menée pour garantir un accès universel aux soins palliatifs. L’hospitalisation à domicile a ainsi bénéficié d’une revalorisation de 1,5 % dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, ce qui a été salué par la présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile.
Eu égard à l’importance de ses avis, vous imaginez bien que la Haute Autorité de santé respecte parfaitement les délais d’examen. Je l’ai sollicitée en avril 2024 et elle devait initialement rendre son avis en juin. Son président, qui engage non seulement sa responsabilité mais aussi celle de l’institution, m’a assurée que nous pourrions bénéficier du fruit de ses travaux pour la discussion en séance publique, qui commence le 12 mai. Il n’est bien entendu pas question de brusquer la Haute Autorité. Nous aurons connaissance de sa position au moment où nous discuterons du texte.
Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, la clause de conscience protège l’ensemble des professionnels de santé, donc aussi bien les infirmiers que les médecins.
Monsieur Muller, les personnes atteintes de maladies psychiatriques ne se sont pas exclues de manière générale. Le texte prévoit que la maladie psychiatrique, dans la mesure où elle n’engage pas directement le pronostic vital, ne peut justifier à elle seule l’aide à mourir. Par ailleurs, je rappelle que cette aide est ouverte en fonction de la situation individuelle des personnes et non de pathologies. Chaque cas est unique et il fera l’objet d’une évaluation par les professionnels de santé. C’est cette dernière qui permettra de décider si l’aide à mourir peut être accordée. Les critères sont cumulatifs. Si le discernement est altéré par une crise liée à une maladie psychiatrique, la demande ne pourra pas être validée. C’est un élément important qu’il faut garder à l’esprit.
Monsieur Dussausaye, je suis entièrement d’accord sur la nécessité de débats sereins et d’un respect mutuel, comme nous y étions parvenus l’année dernière.
Il faudrait une révision de la Constitution pour soumettre à référendum ce sujet dit de société. Il n’entre pas actuellement dans le champ des questions qui peuvent être tranchées de la sorte.
Les dispositions législatives relatives à la sédation profonde et continue sont reconnues adaptées aux patients dont le pronostic vital est engagé à court terme, monsieur Ray. En revanche, la loi n’offre pas un cadre juridique satisfaisant pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à moyen terme. C’est ce constat, formulé aussi bien par le Comité consultatif national d’éthique que par l’Académie de médecine, qui a conduit le gouvernement à travailler sur une meilleure réponse.
Madame Corneloup, selon la proposition de loi, le délit d’entrave à l’aide à mourir est constitué par le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir, soit en perturbant l’accès aux établissements soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation. L’action des associations œuvrant dans le domaine de la prévention du suicide n’entre donc pas dans son champ d’application, qu’il s’agisse de l’élément moral ou de l’élément matériel. Le Conseil constitutionnel a estimé, s’agissant du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse dont s’inspire cette disposition, qu’une telle incrimination permet seulement la répression d’actes ayant pour but d’empêcher ou de tenter d’empêcher une ou plusieurs personnes déterminées de s’informer sur ce droit ou d’y recourir. Il faut également que soit sollicitée une information, non une opinion, et que cette information soit donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière. Le délit d’entrave à l’aide à mourir ne fait donc pas obstacle à la lutte contre le suicide et au travail de prévention et d’accompagnement mené par des associations. La création d’un tel délit se justifie pour sanctionner, par exemple, les actes ou tentatives de perturbation ou d’intimidation.
Monsieur Guedj, les trois points que vous avez soulignés feront de nouveau l’objet de discussions. Il est extrêmement important de conserver l’ossature du texte, qui en garantit l’équilibre et la force.
M. Yannick Neuder, ministre. Le député René Pilato a posé une question précise ; ma réponse le sera également. De manière générale, j’ai acquis l’habitude au cours de ma vie professionnelle de citer la source des éléments que j’avance. Les résultats des études sur le recours à l’aide à mourir selon le niveau de richesse sont divergents. Je ne conteste nullement celles qui ont été citées concernant le Canada. D’autres montrent que, dans ce même pays, les demandes d’aide à mourir sont plus nombreuses parmi les personnes issues de milieux socio-économiques défavorisés, car ces dernières peuvent être plus vulnérables à la souffrance et avoir moins accès aux soins palliatifs. Aux Pays-Bas, les patients qui demandent l’aide active à mourir sont le plus souvent des hommes âgés aux niveaux d’éducation et de revenu moins élevés. On peut se référer sur ce point à une étude rétrospective de 2018 sur la sédation profonde en fin de vie ainsi qu’à un travail réalisé par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Je peux aussi citer des études de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Enfin, je pourrais montrer un graphique qui indique que, dans l’Ontario, le niveau socio-économique peut avoir un impact sur les demandes d’aide à mourir. Cela étant, je ne crois pas qu’il soit utile de s’envoyer des études à la figure.
Selon ce que le Parlement décidera, il pourrait être plus rapide pour certaines personnes d’obtenir une décision d’aide à mourir que de trouver un logement ou d’être accueillies dans un centre antidouleur. Il faut donc organiser une prise en charge très globale.
Je partage l’inquiétude de M. Muller s’agissant des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Mais le texte n’interdit pas de recueillir l’avis d’un psychiatre dans le cadre d’une prise en charge médicale globale.
Je confirme ce que j’ai dit dans l’entretien que cite le député Casterman : on sait que le développement et l’accessibilité des soins palliatifs changent la perception du patient. Dans 9 % des cas, ces soins ne soulagent pas, ce qui peut inciter à demander l’aide active à mourir. Mais dans 91 % des cas, le patient est satisfait de la manière dont il est pris en charge. Je préférerais donc que l’accès à ces soins soit étendu à tous ceux qui en ont besoin, avant que l’on analyse si certains cas justifient d’aller plus loin. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à la scission en deux textes, même s’ils auraient pu ne pas être examinés dans le même temps. En effet, je ne souhaite pas que l’on fasse un saut sociétal alors que l’on ne s’est pas donné les moyens de l’éviter en développant les soins palliatifs pour tous et partout.
Monsieur Guedj, le fait que nous ayons des incertitudes est plutôt rassurant.
On ne peut pas légiférer pour un type de pathologie, monsieur Ray, même si la maladie de Charcot est terrible. Elle peut aussi toucher des patients d’une trentaine d’années, qui savent très bien quels sont son évolution et son pronostic.
Les conséquences sur les personnels soignants des dispositions qu’adoptera le Parlement sont difficiles à mesurer. Si certains d’entre eux ne voudront probablement pas administrer une substance létale à un patient, il faudra en tout cas soutenir ceux qui accepteront de le faire, car un tel geste aura certainement des conséquences psychologiques.
Le sujet évoqué par Josiane Corneloup est intéressant et des réponses juridiques précises peuvent être apportées à ses questions. Mais il faudra aussi l’aborder concrètement avec les soignants, afin d’éviter qu’ils aient peur de commettre un délit d’entrave dans le cadre de leur pratique professionnelle.
M. le président Frédéric Valletoux. Merci, madame la ministre, monsieur le ministre.
La réunion s’achève à treize heures quinze.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Eddy Casterman, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, M. Stéphane Delautrette, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Olivier Fayssat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Julie Laernoes, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Élise Leboucher, M. Vincent Ledoux, Mme Pauline Levasseur, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Marie-France Lorho, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, M. René Pilato, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Runel, Mme Danielle Simonnet, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés. – Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Estelle Youssouffa
Assistaient également à la réunion. – Mme Émilie Bonnivard, M. Arthur Delaporte, M. Philippe Juvin, M. Alexandre Portier, M. Nicolas Ray, M. Jean-François Rousset, M. Stéphane Viry