Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) (Mme Annie Vidal et M. François Gernigon, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................27
Mercredi
9 avril 2025
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 65
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Nicolas Turquois,
vice-président
puis de
M. Frédéric Valletoux,
président
— 1 —
La réunion commence à vingt et une heures cinq.
(Présidence de M. Nicolas Turquois, vice-président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) (Mme Annie Vidal et M. François Gernigon, rapporteurs).
Article 4 (suite) : Garantir l’effectivité du droit aux soins palliatifs et d’accompagnement
Amendement AS310 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement prévoit que la Haute Autorité de santé formule un avis sur la stratégie décennale des soins palliatifs.
Mme Annie Vidal, rapporteure. La stratégie décennale est déjà publiée. Par ailleurs, la Haute Autorité de santé n’a pas pour rôle de définir les orientations politiques et les stratégies des politiques publiques.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous demandons simplement un avis !
M. Thibault Bazin (DR). La Haute Autorité de santé a son rôle à jouer pour que soient atteints les objectifs de cette proposition de loi. Le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, « Financer la qualité des soins dans les établissements de santé : un levier pour redonner du sens aux soignants », préconise de renforcer le rôle de cette autorité en matière d’indicateurs de qualité et de certification ainsi que de formation. Elle pourrait être impliquée dans la montée en quantité et en qualité des soins palliatifs, même si ce ne sera peut-être pas sous la forme demandée ici. En tout cas, ne l’excluons pas !
Mme la rapporteure. Certes, mais l’amendement prévoit que la stratégie décennale sera définie après avis de la Haute Autorité de santé. Or, cette stratégie est déjà publiée. L’amendement est donc caduc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS320 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR). Il faut préciser que les moyens de la stratégie décennale seront « humains et financiers ».
Mme la rapporteure. Je ne vois pas de quels autres moyens il pourrait s’agir. D’ailleurs, la stratégie décennale les précise déjà.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il faut préciser que les moyens déployés seront également humains, et donc que des recrutements auront lieu. Sinon, les moyens seront interprétés comme exclusivement financiers.
M. René Pilato (LFI-NFP). N’oublions pas qu’outre les moyens humains et financiers, il existe des moyens matériels.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS224 de Mme Justine Gruet et AS53 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Mme Justine Gruet (DR). La proposition de loi prévoit la remise d’un rapport évaluant le déploiement de la stratégie décennale des soins d’accompagnement cinq ans après sa promulgation. Je propose que le rapport soit annuel afin de vérifier l’effectivité de cette stratégie et de mettre en lumière plus rapidement les dispositifs dont l’application serait imparfaite.
M. Thibault Bazin (DR). Les travaux de la mission d’évaluation de la loi dite « Claeys-Leonetti » du 2 février 2016, auxquels j’ai pris part en compagnie d’Olivier Falorni notamment, ont montré que le rapport annuel prévu dans ce texte n’avait jamais été remis. Nous avions préconisé un rapport biennal. Je reprends cette proposition ici. Il est en effet difficile d’y voir clair au-delà de 2027 comme l’a montré, le mois dernier, la présentation de la stratégie décennale.
La remise d’un unique rapport à mi-parcours serait insuffisante pour une stratégie décennale, surtout s’il faut corriger le tir. Il serait en revanche excessif d’exiger une remise annuelle – d’ailleurs, nous n’avons pas reçu de rapport l’an dernier.
Mme la rapporteure. Il ne serait pas raisonnable de demander un rapport annuel. Le comité de suivi de la stratégie décennale des soins d’accompagnement s’est réuni une première fois le 18 mars. Il satisfera la demande d’information et d’évaluation.
Avis défavorable.
Je rappelle que le comité de suivi de la stratégie « Agir pour les aidants », dont je faisais partie, s’est réuni très régulièrement. Ses échanges nourris ont permis de faire avancer les choses et de renouveler la stratégie suivie.
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous soutenons l’amendement AS224. Il mettra tout de suite au jour ce qui ne va pas afin d’appliquer un principe de pilotage par l’évaluation. Il est d’ailleurs mieux-disant que notre proposition initiale d’un rapport tous les deux ans et demi.
La commission adopte l’amendement AS224.
En conséquence, l’amendement AS53 tombe.
La réunion, suspendue à vingt-et-une heures quinze, est reprise aussitôt.
Amendement AS235 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Le rapport devra indiquer les éventuels crédits supplémentaires à allouer pour garantir la mise en œuvre de la stratégie décennale de soins palliatifs. Il importe que les moyens soient au rendez-vous.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas certaine que l’amendement soit opérationnel. La stratégie budgétaire est déjà établie. En outre, j’ai l’impression que vous doutez de l’ampleur des moyens alloués. Je vous confirme qu’ils s’élèvent à 1,1 milliard d’euros sur dix ans ; la première partie des fonds a été investie cette année.
M. Patrick Hetzel (DR). Pour que les évaluations de la stratégie décennale aient un sens, elles devront trouver une traduction concrète. Si elles montrent que davantage de moyens sont nécessaires, elles doivent permettre de modifier les crédits. L’amendement vise à expliciter ce principe.
M. Thibault Bazin (DR). Madame la rapporteure, à moins que vous ne considériez que la stratégie décennale relève du champ réglementaire, il faut prendre ces questions en compte. Si l’objectif est d’investir 1 milliard d’euros en dix ans mais que, pour la première année, seuls 50 des 100 millions d’euros d’investissements prévus ont effectiement été consommés, il faudra décaler les crédits. Il en va de même pour les moyens humains. Le ministre de la santé a indiqué que, sur les 120 postes qui devaient être déployés pendant la première année, seule la moitié l’ont été. L’évaluation doit permettre de modifier le plan d’investissement.
M. Philippe Vigier (Dem). Pour ma part, je n’ai jamais douté de la réalité de l’investissement de 100 millions d’euros. Monsieur Bazin, en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, vous mettrez un point d’honneur à vérifier l’exécution de ces crédits.
Par ailleurs, je m’étonne que cet amendement ait été jugé recevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Pas un sourcil n’a bougé, alors que le groupe Droite Républicaine se dit si attaché à la maîtrise de la dépense publique !
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Bien que je ne sois pas autant attaché que les députés du groupe Droite Républicaine à la règle d’or budgétaire, je pense aussi cet amendement cohérent et de bon sens. Dès lors que l’on assigne une ambition, il faut se donner les moyens d’évaluer la progression réelle pour résorber, si besoin, l’écart avec l’objectif prévu. Nous voterons cet amendement.
M. Yannick Monnet (GDR). Pour les raisons évoquées par notre collègue Philippe Vigier, je soutiendrai cet amendement. La logique est la même que pour le droit opposable : il faut une obligation de moyens pour les années à venir.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS507 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Si, un mois après avoir formulé une demande de soins palliatifs, le demandeur ne s’est vu proposer aucun soin, il doit pouvoir saisir la justice. C’est une question de dignité et de réactivité.
Mme la rapporteure. Le texte prévoit déjà la possibilité de saisir la justice en cas d’absence d’offre de prise en charge. Mais ce sera à l’issue d’un délai dont la durée sera définie par décret. Le délai d’un mois que vous privilégiez ne serait pas opérationnel.
Avis défavorable.
Mme Christine Loir (RN). La durée des soins palliatifs est en général de trois semaines. À cette aune, le délai d’un mois ne semble pas énorme.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il faudrait apprécier l’état de santé du demandeur. Un délai d’un mois pourrait être contre-productif, car insuffisant. Il est absurde de prétendre fixer ce délai dans la loi ; il doit l’être par voie réglementaire. Il pourra ainsi être adapté.
M. Philippe Vigier (Dem). Pour revenir à l’amendement précédent, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoyait 100 millions d’euros au titre de la stratégie décennale. C’est un véhicule beaucoup plus efficace pour modifier les crédits !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS236 de M. Patrick Hetzel, amendements identiques AS20 de Mme Sylvie Bonnet, AS300 de M. Thibault Bazin, AS321 de Mme Karine Lebon et AS376 de M. Paul-André Colombani, amendements AS481 de Mme Danielle Simonnet, AS221 de Mme Justine Gruet et AS486 de Mme Christine Loir (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (DR). Les personnes dont l’état de santé requiert des soins palliatifs ne sont pas forcément en état d’intenter un recours juridictionnel, à cause de leur souffrance ou de la fatigue. Mon amendement permet à leurs proches de le déposer en leur nom.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Mon amendement autorise une personne de confiance ou un proche à déposer un recours au nom de la personne qui, au vu de son état de santé, requiert des soins palliatifs, si elle n’est pas en état de le faire elle-même.
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS321 est identique au précédent. Nous touchons ici directement à la possibilité d’exercer le droit opposable aux soins palliatif. Récemment, le tribunal administratif de Nantes a imposé l’emploi d’un accompagnant d’élèves en situation de handicap sous huit jours, sans pénalité financière, à l’éducation nationale. Elle a dû se conformer à ce jugement. Le droit opposable n’implique pas forcément de risque financier. Simplement, il oblige les administrations à tout mettre en œuvre pour appliquer la loi.
M. Laurent Panifous (LIOT). Nous avons maintenu le droit opposable aux soins palliatifs et la possibilité d’un recours, malgré des désaccords. Par l’amendement AS376, il faut désormais reconnaître que les personnes qui ont besoin de ces soins ne sont pas forcément capables d’agir en justice elles-mêmes. Un proche ou une personne de confiance doit pouvoir les remplacer.
Mme Julie Laernoes (EcoS). À la différence des amendements précédents, l’amendement AS481 que je défends ne précise pas que la personne nécessitant des soins palliatifs doit être hors d’état de déposer un recours pour qu’une personne de confiance la remplace. En effet, si nous mentionnons ainsi les capacités du malade, il faudra produire une attestation d’incapacité pour agir à sa place. Ne multiplions pas les procédures déjà lourdes !
Mme Justine Gruet (DR). Dans le même esprit, mon amendement prévoit que le recours peut être introduit à titre individuel ou par l’intermédiaire de la personne de confiance.
Mme Christine Loir (RN). Mon amendement accorde le droit d’introduire un recours aux proches lorsque la personne concernée n’est plus en l’état de le faire elle-même.
Mme la rapporteure. Je suis ennuyée par ces amendements, qui risquent de judiciariser la fin de vie. Mais si droit de recours il doit y avoir, il doit pouvoir être exercé par la personne de confiance ou par un proche. Les amendements identiques proposent la rédaction la plus acceptable : ils précisent que le malade doit donner son accord, et ils ouvrent ce droit tant aux proches qu’aux personnes de confiance. Je demande le retrait des autres amendements.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Une fois n’est pas coutume, nous sommes d’accord avec la rapporteure. Il faut qu’un tiers puisse déposer le recours, en évitant d’exclure les malades qui n’ont pas désigné de personne de confiance. Nous voterons en faveur des amendements identiques.
M. Patrick Hetzel (DR). Je retire mon amendement.
L’amendement AS236 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, les amendements AS481, AS221 et AS486 tombent.
Amendements AS256 de Mme Fanny Dombre Coste et AS122 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Pour garantir l’accès aux soins palliatifs, nous proposons de remplacer le recours traditionnel, difficile à déposer et associé à un long délai, par un référé. Cette procédure d’urgence est plus adaptée.
M. Patrick Hetzel (DR). Effectivement, il faut pouvoir statuer en urgence à travers un référé.
Mme la rapporteure. Je peine à saisir toutes les implications de ces amendements. En outre, l’alinéa 6 de l’article 4 prévoit déjà que la juridiction pourra ordonner la prise en charge ; cette formulation suppose une ordonnance de référé.
Votre demande étant déjà satisfaite, avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ces amendements répondent à l’une des objections soulevées tout à l’heure, selon laquelle le cadre requis pour exercer le droit de recours ferait défaut. Ce pourra être le référé mesures utiles – nous avions proposé la même chose il y a une heure et demie et les députés qui s’y opposaient alors y sont désormais favorables. C’est une victoire idéologique !
La commission rejette l’amendement AS256.
Puis elle adopte l’amendement AS122.
Amendement AS123 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Le droit de recours ne doit pas se limiter à la juridiction administrative puisque certains patients se trouvent dans des établissements de soins qui relèvent de la juridiction judiciaire. Le présent amendement vise à couvrir ces cas.
Mme la rapporteure. Parce que je m’oppose à cette logique de judiciarisation, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS275 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous demandons que la procédure de recours repose sur un référé administratif.
Mme la rapporteure. Votre amendement est désormais satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS237 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Le recours doit permettre la prise en charge du patient dans un délai compatible avec son état de santé. Si le patient a besoin d’une prise en charge rapide, ils devront être très courts.
Mme la rapporteure. Le recours reposera sur un référé, soit une mesure d’urgence. Il n’est pas possible d’aller plus vite. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement AS343 de M. Thibault Bazin
Mme la rapporteure. Demande de retrait pour les mêmes raisons.
L’amendement AS343 de M. Thibault Bazin est retiré.
Amendement AS392 de M. Guillaume Florquin
M. Guillaume Florquin (RN). L’accès aux soins palliatifs est un droit fondamental. Il doit être garanti avant toute décision relative au droit à mourir. Cet amendement assure que toute personne en situation de souffrance bénéficiera d’un accompagnement palliatif effectif, avant d’envisager d’autres options.
Mme la rapporteure. Vous pourrez déposer cet amendement sur la proposition relative à la fin de vie qui concerne, elle, l’aide à mourir. Avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Madame la rapporteure, cet amendement a bien sa place ici. Nous continuerons à le dire : 500 Français meurent chaque jour sans bénéficier d’un accès effectif aux soins palliatifs. Nous ne pouvons condamner nos compatriotes à l’alternative entre souffrir et mourir. Avant même de débattre de l’aide à mourir, les Français doivent disposer partout des soins palliatifs.
Mme la rapporteure. Autre difficulté : votre amendement prévoit qu’aucune orientation vers le droit à mourir ne peut être proposée. Or, le droit à mourir ne relèverait pas d’une orientation par un tiers, mais d’une demande du patient lui-même.
M. Philippe Vigier (Dem). Vous aurez beau tenter de créer des passerelles entre les deux textes, il faut vous résoudre au fait qu’ils sont distincts. Celui que nous examinons porte sur les soins palliatifs, n’en sortons pas. Nous passerons ensuite au second. Je vous rappelle que les directives anticipées s’appliquent aux soins palliatifs. S’appliquent-elles à l’aide à mourir ? Vous connaissez la réponse aussi bien que moi. Vous essayez de troubler les esprits alors que les propositions de loi sont parfaitement étanches. Cette étanchéité est même le gage d’honnêteté du présent texte.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les propos qu’a tenus la ministre ce matin au sujet des maisons d’accompagnement prouvent qu’il peut exister une passerelle entre les textes.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS555 de Mme Annie Vidal.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Amendement AS406 de M. René Pilato
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous souhaitons que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté soit compétent pour suivre les conditions de détention et de transfèrement des détenus qui requièrent des soins palliatifs. Ce sujet ne doit pas rester un angle mort de la politique publique que nous sommes en train de déployer, en dépit des obstacles identifiés tout à l’heure.
Mme la rapporteure. Votre amendement est satisfait. L’article L. 1110‑9 du code de la santé publique précise que toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Cela inclut évidemment les détenus, dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est déjà chargé de vérifier le respect des droits.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS168 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Je propose de confier aux commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge une mission relative aux difficultés d’accueil des patient atteints d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme dans les unités de soins palliatifs. Cette situation peut se produire dans n’importe quel service, mais elle a plus de risques de survenir dans ces unités‑là.
Mme la rapporteure. Votre amendement est satisfait puisque cette mission fait partie des attributions de la commission des usagers, chargée de veiller au respect des droits des usagers et de participer à la politique de qualité de l’établissement dans l’ensemble de son champ d’activité. Vous renvoyez par ailleurs les conditions de saisine de la commission à un décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé, ce qui paraît très contraignant.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 5 : Politique de soins et loi de programmation pluriannuelle
Amendements de suppression AS56 de M. Thibault Bazin, AS257 de Mme Fanny Dombre Coste et AS467 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
M. Thibault Bazin (DR). Je suis à l’origine de cet article : il provient d’un amendement que j’avais défendu sous la précédente législature, visant à imposer une loi de programmation pluriannuelle des soins palliatifs. Il est essentiel d’élaborer des projections en matière d’objectifs et de moyens, même si elles ne valent pas engagement. J’ai cru comprendre que la rapporteure voulait supprimer l’article 6, qui contient peu ou prou la même idée formulée à l’initiative de Jérôme Guedj. Je conviens que nous ne pouvons pas maintenir deux articles similaires. N’ayant pas l’orgueil de l’écrivain, je propose de me rallier à cette autre rédaction, qui a l’avantage de préciser le point de départ et d’évoquer les recrutements ainsi que la formation continue.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). À la différence de la rapporteure, nous préférons supprimer l’article 5 et maintenir l’article 6 qui identifie précisément et concrètement les besoins et les moyens nécessaires pour y répondre, qu’il s’agisse de ressources humaines ou de financements.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). L’article 5 pose un problème d’articulation entre la stratégie décennale et la loi de programmation. Son alinéa 2 affirme que la politique de soins palliatifs de la République est fondée sur la volonté de garantir à chacun, selon ses besoins et sur tout le territoire, l’accès aux soins palliatifs. C’est redondant avec le reste du texte, en particulier avec l’article 4 dans lequel nous venons d’introduire un droit opposable aux soins palliatifs. Il me semble donc raisonnable de supprimer l’article 5.
Mme la rapporteure. Il n’est pas pertinent de maintenir deux articles ayant le même objet, d’autant qu’ils n’ont rien de contraignant pour le Gouvernement. Je vous soumettrai un amendement AS629 tendant à maintenir l’article 5, en particulier parce que je suis attachée à son alinéa 2.
M. Thibault Bazin (DR). Je retire mon amendement.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Je maintiens le mien car il est important d’établir une programmation et une stratégie en partant des besoins.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je maintiens également le mien.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes favorables à la suppression de l’article 5 au profit de l’article 6, qui présente l’avantage d’évoquer les moyens nécessaires au déploiement des soins palliatifs. Cela nous prive, certes, du plaisir de répéter qu’il y a autre chose que des départements en France et d’en débattre avec Mme Mansouri ; à ce sujet, nous pourrions simplement vous renvoyer à l’article 74 de la Constitution.
M. Yannick Monnet (GDR). Si l’article 5 est supprimé, rien ne garantit que l’article 6 ne le sera pas également. Tout le monde ne veut pas d’une loi de programmation. Cette dernière est pourtant utile car elle permet de sanctuariser des moyens. Je ne voterai ni la suppression de l’article 5, ni celle de l’article 6.
Mme la rapporteure. Mon amendement AS629 fusionnera les articles 5 et 6, ce qui permettra à la fois de définir la politique de soins palliatifs de la République et d’en appeler à une loi de programmation pour déterminer les moyens nécessaires à cette politique. Il s’agirait de substituer aux alinéas 3 et 4 de l’article 5 l’alinéa suivant : « La loi de programmation pluriannuelle de l’accompagnement et des soins palliatifs détermine, tous les cinq ans, la trajectoire de développement de l’offre d’accompagnement et de soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110‑10, notamment à domicile et en établissement, en fonction de besoins pour lesquels elle établit des prévisions pluridécennales. Elle définit les objectifs, les moyens et les financements publics nécessaires pour assurer l’effectivité de cette offre et pour réaliser les recrutements suffisants ainsi que pour assurer la formation continue des professionnels. »
Je vous invite à retirer vos amendements de suppression de l’article 5 au profit de l’amendement AS629 qui le réécrit, avant de supprimer l’article 6.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). La rédaction proposée par la rapporteure nous paraît opportune. Nous la voterons.
Les amendements AS56 et AS257 sont retirés.
La commission rejette l’amendement AS467.
Amendement AS468 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Cet amendement étendait le champ de la loi de programmation aux soins d’accompagnement. Il est devenu inopérant puisque nous avons supprimé la référence à ces derniers.
Mme la rapporteure. En effet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS512 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes favorables à la fusion des articles 5 et 6. Mais nous gardons une petite part de méfiance. En effet, dans l’esprit des partisans du texte unique originel, les soins d’accompagnement recouvrent les soins précoces, les soins de support, les soins de confort, les soins palliatifs mais aussi l’aide à mourir, c’est-à-dire l’euthanasie et le suicide assisté. Nous souhaitons exclure explicitement l’aide à mourir. Le vote de l’amendement de la rapporteure, que nous soutenons, rendra certes le nôtre inopérant, mais nous tenons à vous alerter de cette dérive possible.
Mme la rapporteure. Avis défavorable pour les raisons déjà exposées.
M. Philippe Vigier (Dem). Pour la troisième fois, Christophe Bentz essaie d’établir une passerelle entre les deux textes. J’y vois le début d’une obstination déraisonnable. Ne nous entraînez pas sur ce chemin qui n’a pas été choisi par le Gouvernement !
M. René Pilato (LFI-NFP). Les soins palliatifs sont définis par la loi dite « Claeys-Leonetti », rien que cette loi, toute cette loi. Cet amendement est donc hors sujet.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous avons eu ce débat sous la précédente législature : nous considérons que l’aide à mourir n’est pas un soin. Pourtant, votre amendement induit le contraire.
M. Fabien Di Filippo (DR). Le diable est dans les détails. Si les deux textes sont étanches et si tout le monde a les idées parfaitement claires, il ne coûte rien de préciser que les soins palliatifs excluent l’administration d’une substance létale. L’amendement AS629 de la rapporteure réintroduira la notion de soins d’accompagnement, que personne n’est capable de définir et dont on ignore à quoi elle mènera à terme. Vous légiférez sur des sujets dont vous ne savez pas comment ils seront interprétés dans quelques années. Mieux vaut préciser les choses clairement !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS197 de Mme Hanane Mansouri
Mme Hanane Mansouri (UDR). Je le retire pour en présenter une version plus précise en séance. J’espère que M. Clouet me soutiendra alors !
L’amendement est retiré.
Amendement AS523 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes d’accord avec Yannick Monnet : l’aide à mourir n’est pas un soin, d’où notre proposition de le préciser une nouvelle fois à l’alinéa 2.
Mme la rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
M. Philippe Vigier (Dem). Bis repetita placent !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS629 de Mme Annie Vidal
Mme la rapporteure. Comme je l’ai expliqué, l’amendement fusionne les articles 5 et 6 en préservant toutes leurs dispositions initiales. Je proposerai tout à l’heure de supprimer l’article 6 en conséquence.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement AS200 de Mme Hanane Mansouri tombe.
La commission adopte l’article 5 modifié.
Article 6 : Politique de soins et loi de programmation pluriannuelle
La commission adopte les amendements de suppression AS569 de Mme Annie Vidal et AS469 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
En conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements AS498 de Mme Christine Loir, AS607 de Mme Annie Vidal, AS201 de Mme Hanane Mansouri, AS370 de M. Thibault Bazin, AS323 de M. Yannick Monnet, AS2 de M. Alexandre Portier et AS1 de M. Vincent Descoeur tombent.
Après l’article 6
Amendement AS51 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Dans un rapport de 2023, la Cour des comptes appelait à simplifier le pilotage de la politique nationale de soins palliatifs et à confier au ministère chargé de la santé le soin d’élaborer, de coordonner et d’évaluer la mise en œuvre de cette politique. Je la cite : « Il conviendrait donc d’accélérer la mise en œuvre du plan, en simplifiant la gouvernance nationale par l’identification d’un pilote unique, certes chargé de consulter, mais in fine seul centralisateur et décisionnaire. La DGOS [direction générale de l’offre de soins] devrait être le chef de file de l’élaboration des documents de planification, et avoir ainsi la responsabilité de la coordination et de la synthèse des contributions des autres directions (DGCS [direction générale de la cohésion sociale], DSS [direction de la sécurité sociale] et DGS [direction générale de la santé]) ; elle devrait être l’autorité de tutelle du CNSPFV [Centre des soins palliatifs et de la fin de vie]. »
Le législateur n’étant pas habilité à mentionner une administration centrale telle que la direction générale de l’offre de soins dans la loi, cet amendement pose un principe clair de simplification du pilotage des soins palliatifs. Le Gouvernement l’appliquera en respectant la recommandation de la Cour des comptes.
Mme la rapporteure. Cette disposition aurait plutôt sa place à l’article 5, sous réserve de quelques modifications. Vous souhaitez que la politique nationale de soins palliatifs soit sous la responsabilité exclusive du ministre chargé de la santé. Or, nous avons actuellement une ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et un ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins. Ce caractère exclusif n’est donc pas approprié. À cela s’ajoute une erreur dans l’appellation du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.
Je vous invite à retravailler votre amendement en vue de la séance publique.
M. Thibault Bazin (DR). Je retiens néanmoins que vous êtes favorable à ce principe, à quelques modifications près et à condition qu’il se rapporte à l’article 5. Si ce dernier était supprimé en séance publique, il faudrait tout de même conserver cette disposition qui répond à une recommandation de la Cour des comptes. Je retire l’amendement. Mais je demande qui soit maintenu l’article 5 en séance publique.
Mme la rapporteure. Je m’y engage pour ma part, sans préjuger du vote.
L’amendement est retiré.
Amendement AS458 de Mme Sandrine Rousseau
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il s’agit de consacrer un volet de la stratégie nationale de santé aux soins d’accompagnement.
Mme la rapporteure. Votre demande est satisfaite puisque la stratégie décennale est intégrée dans la proposition de loi. Je vous soumettrai, après l’article 11, l’amendement AS620 visant à mieux déployer cette stratégie au niveau local, en mobilisant les schémas régionaux de santé et les projets d’établissement des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Vous proposez une stratégie régionale de santé quand nous voulons nous assurer que la stratégie nationale sera garante d’une bonne répartition des soins d’accompagnement sur tout le territoire.
Mme la rapporteure. La stratégie nationale de santé mentionne déjà les soins palliatifs. Pour la déployer au niveau local de façon pragmatique, je propose que la feuille de route régionale, établie par le projet régional de santé et visée par le conseil territorial de santé, soit inscrite dans les schémas régionaux de santé et les projets d’établissement des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
La commission rejette l’amendement.
Article 6 bis (nouveau) : Débat annuel sur la mise en œuvre de la stratégie décennale
Amendement AS463 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le Parlement organisera chaque année, avant l’examen du projet de loi de finances, un débat sur la mise en œuvre de la stratégie décennale des soins palliatifs.
Mme la rapporteure. Cette proposition est pertinente. Mais ce débat pourrait avoir lieu au cours du Printemps social de l’évaluation ou sous l’égide de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
Pour ces raisons, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement. L’article 6 bis est ainsi rédigé.
Après l’article 6
Amendements AS456 de Mme Sandrine Rousseau et AS322 de Mme Karine Lebon (discussion commune)
Mme Julie Laernoes (EcoS). Par l’amendement AS456, nous souhaitons qu’un comité consultatif assure la gouvernance, le pilotage et le déploiement des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. J’ai entendu vos propositions relatives au déploiement régional de la stratégie, madame la rapporteure. Cependant, l’évolution démographique occasionnera une hausse des besoins en soins palliatifs. La création d’une instance de gouvernance multipartite, placée auprès du Premier ministre afin de résoudre le problème des attributions ministérielles en matière de santé, nous semble donc importante en application de la mesure 15 du rapport du professeur Franck Chauvin sur le modèle français des soins d’accompagnement.
Mme la rapporteure. Une instance de gouvernance, de pilotage et d’évaluation de la stratégie est prévue par la mesure 30 de la stratégie décennale. Elle a déjà vu le jour puisque la ministre Catherine Vautrin a réuni pour la première fois le comité ministériel de suivi, le 18 mars, afin de dresser le bilan de la première année.
Avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Le comité que nous proposons de créer ne serait pas consultatif. Il serait chargé d’assurer la gouvernance, le pilotage et le déploiement de la politique publique des soins palliatifs et d’accompagnement.
Mme la rapporteure. Le comité ministériel de suivi est à la fois consultatif et évaluatif. Je maintiens mon avis défavorable sur les deux amendements.
Mme Julie Laernoes (EcoS). La mesure 15 du rapport Chauvin est l’une des seules qui ne soient pas reprises dans la proposition de loi. Il est important de remédier à cet oubli. Nous avons proposé que le comité consultatif soit composé de bénévoles afin que notre amendement soit recevable au titre de l’article 40 de la Constitution. En réalité, il ne doit pas reposer sur le bénévolat : il doit s’agir d’un véritable comité de pilotage capable de répondre à l’immense défi du développement des soins palliatifs – défi renforcé par l’introduction d’un droit opposable.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise aussitôt.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
Article 7 : Crédits de la stratégie décennale des soins d’accompagnement
Amendements de suppression AS570 de Mme Annie Vidal, AS470 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS518 de M. Frédéric Valletoux
Mme la rapporteure. L’article 7 reporte dans la loi le tableau des engagements budgétaires de la stratégie décennale. Introduit l’an dernier par voie d’amendement lors de l’examen du projet de loi, il ne revêt aucun caractère contraignant et il n’emporte aucune conséquence juridique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce dispositif avait été jugé conforme à l’article 40 de la Constitution, bien que doublant les montants alloués. Autrement dit, même si cet article était adopté, les soins palliatifs ne bénéficieraient d’aucun crédit supplémentaire et il faudrait utiliser d’autres outils pour augmenter les budgets de la stratégie décennale.
Rappelons que la proposition de loi résulte d’un projet de loi initial qui a été élargi du fait de l’adoption de plusieurs amendements. Il nous revient de présenter un texte clair et normatif, et d’éviter que ces dispositions soient censurées par le Conseil constitutionnel.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis défavorable à la suppression de l’article 7, qui présente en détail les crédits alloués aux mesures nouvelles dans le cadre de la stratégie décennale des soins palliatifs et d’accompagnement annoncée par le Gouvernement. Cet article figurait déjà dans le projet de loi initial débattu avant la dissolution de l’Assemblée nationale. Il permet d’afficher dans la loi les engagements pris. Votre souhait de le supprimer enverrait un signal négatif qui pourrait être mal interprété, car il laisserait entendre que la stratégie décennale n’est pas si robuste et qu’une volonté existe de revenir sur les engagements qu’elle contient. Le meilleur moyen de couper court à ces bruits et de convaincre de votre ambition d’y consacrer les moyens nécessaires est de maintenir l’article.
M. Thibault Bazin (DR). Vous souhaitez maintenir l’équilibre du texte voté l’an dernier avec des éléments dont vous faites comprendre qu’ils n’ont rien à faire dans une loi mais qui, symboliquement, doivent pourtant y figurer. Par cet amendement, vous entendez supprimer les crédits de paiement supplémentaires de la stratégie décennale. Or, l’alinéa 4 de l’article 4 indique : « Une stratégie décennale des soins palliatifs et d’accompagnement, définie et rendue publique par le Gouvernement, détermine [...] les objectifs de développement des soins palliatifs et d’accompagnement ». La vraie question est donc de savoir ce que contient cette stratégie. Vous aviez déposé des amendements de suppression de certains alinéas de l’article 4, qui ont été rejetés. Par cohérence, ne faudrait-il pas renoncer à la suppression de l’article 7 ?
Mme la rapporteure. Mme Simonnet me fait un procès d’intention quant à notre détermination à soutenir la stratégie décennale. L’article 4 lui confère en effet une existence législative. C’est précisément la raison pour laquelle nous pouvons supprimer l’article 7, inutile car dépourvu de valeur juridique. Si nous voulons préserver la cohérence et l’équilibre du texte selon l’esprit qui a animé nos débats l’an dernier, il faut le toiletter. L’article 7 serait même incohérent par rapport à la stratégie décennale puisque les chiffres mentionnés ne sont pas les bons, pas plus que le périmètre des dépenses.
M. Philippe Vigier (Dem). J’entends l’intention de nos collègues de réaffirmer les engagements de la stratégie décennale mais sans chiffres exacts, aucune déclinaison n’est possible. Nous serons attentifs à ce que les montants appropriés figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Nous vivons de bonne soupe et non de beau langage : sans chiffres concrets, nous n’aboutirons à rien.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Que les chiffres soient inscrits au projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans ce texte, ils ne sont pas contraignants en raison de l’annualité du budget. Néanmoins, il serait intéressant de les maintenir ici. Qui sera encore député en 2034 ? Lorsque le temps viendra d’évaluer la loi, nos successeurs pourront déterminer si le Gouvernement a tenu les engagements de la stratégie décennale.
M. Patrick Hetzel (DR). Il est vrai que l’article 7 n’est pas contraignant, pas plus qu’une loi de programmation pluriannuelle puisque seule prévaut l’annualité budgétaire. Cela ne nous empêche pas d’en adopter. Nous sommes plusieurs à plaider en faveur des lois de programmation parce qu’elles envoient un signal. Quel message recevront nos concitoyens et nos soignants si nous supprimons des engagements qui figuraient dans le texte ? Ce serait révélateur d’un manque d’ambition et ce pourrait même être contre-productif.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Vous ne pouvez pas dire cela : vous savez bien que les chiffres inscrits ne sont pas en cohérence avec ceux de la stratégie décennale et que l’article ne revêt aucune portée. Le plus inquiétant, c’est le périmètre budgétaire qui dresse la liste des dépenses concernées, parmi lesquelles certaines n’apparaissent pas, d’où le risque qu’elles ne soient pas financées.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Je suis favorable à la suppression de l’article 7, même si elle aurait pour effet de faire tomber l’un de mes amendements soutenant les associations de bénévoles. Il n’a aucune portée juridique et il ne présente pas grand intérêt. Nous avons déjà adopté l’article 4, qui prévoit la stratégie décennale, ainsi que l’amendement de la rapporteure sur le principe d’une loi de programmation. Par conséquent, c’est dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous devrons définir les besoins et les moyens financiers nécessaires pour développer les soins palliatifs.
M. Yannick Monnet (GDR). Au contraire de beaucoup, je suis attaché à l’article 7. C’est un amendement de notre ancien collègue Pierre Dharréville qui avait permis, lors de l’examen du projet de loi entamé avant la dissolution, de doubler les crédits alloués au développement des soins palliatifs pour les porter à 222 millions d’euros en 2034. Il avait aussi fait en sorte qu’ils ne soient pas figés. Pourquoi supprimer l’article alors qu’il affiche notre volonté de mobiliser les moyens nécessaires ? Si vous voulez éliminer tous les articles additionnels, autant en revenir au texte initial qui ne comportait que quatre dispositions !
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Reprenons les arguments de la rapporteure. Premièrement, il faudrait supprimer l’article au motif que le tableau n’est pas contraignant. Il figurait pourtant dans le texte initial : nos compétences légistiques de l’époque étaient-elles si lacunaires que nous adoptions des dispositions inutiles ? En outre, l’article avait une dimension politique : il a permis de convaincre certains parlementaires, et nos concitoyens, de la volonté du Gouvernement de consacrer les moyens nécessaires aux soins palliatifs.
Deuxième argument : les chiffres ne seraient pas les bons. Qu’à cela ne tienne : adoptez mon amendement AS482 qui, sur proposition de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, les rectifie puisque les crédits alloués aux mesures prévues par la stratégie décennale pour l’année 2024 n’ont pas été totalement engagés après la dissolution de l’Assemblée nationale. Ils se sont limités à 89 millions d’euros.
Votre troisième argument frise la mauvaise foi : le catalogue des bénéficiaires des dépenses inscrites dans la stratégie décennale ne serait pas exhaustif, ce qui nous empêcherait de financer d’autres actions. Vous ne pouvez pas affirmer d’un côté que l’article n’est pas contraignant et, de l’autre, qu’il contraindrait à ne pas faire davantage. On peut toujours faire plus qu’une loi.
Puisque la suppression de l’article 7 suscite manifestement l’inquiétude de certains parlementaires, elle sèmera d’autant plus le doute dans la population. Dans ces conditions, maintenons-le : nous discuterons de la pertinence des montants qui y sont inscrits et, le cas échéant, nous envisagerons leur hausse.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mieux vaut l’article 7 que rien : il autorisera un débat sur les sommes allouées pendant la stratégie décennale. Je m’interroge néanmoins : comment expliquer les fluctuations à la baisse en 2028 mais de nouveau à la hausse après 2030 ? Ensuite, le périmètre budgétaire dresse la liste des dépenses : hôpital de jour et courts séjours, séjours en service de médecine générale, etc. Or, le tableau budgétaire qui figure dans le document provisoire que nous avons reçu le 9 avril indique que 80 millions d’euros sont attribués aux soins d’accompagnement. Nous ne sommes pas contre ces soins, mais pourquoi ne pas consacrer un maximum d’argent aux unités de soins palliatifs, qui travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, d’autant que certains départements en sont dépourvus ? En somme, les crédits de paiement nous semblent mal répartis.
M. Laurent Panifous (LIOT). Certes, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra de préciser les crédits alloués. Toutefois, il s’agit d’une stratégie décennale et même si les montants ne sont pas opposables, puisque nous ne savons pas ce qu’ils seront dans les futures lois de financement, l’objectif du tableau est d’afficher l’intention des législateurs actuels. Nos successeurs se souviendront que nous avions voulu fixer ce cap. C’est pourquoi il ne faut pas supprimer l’article 7.
M. le président Frédéric Valletoux. J’ai moi aussi déposé un amendement de suppression de l’article afin de rendre la loi efficace. On peut toujours, par volonté d’affichage, se faire plaisir et écrire un chiffre qui n’aura aucune valeur. Dans deux ans, nous aurons d’ailleurs tous oublié cet article qui ne lie personne et qui ne traduit aucunement notre ambition, puisque les crédits budgétaires ne peuvent être inscrits que dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Mme la rapporteure. Rappelons d’où vient cet article : d’un amendement de notre ancien collègue Gilles Le Gendre au projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, que la commission spéciale a adopté contre l’avis du rapporteur. Ensuite, un amendement de la députée Émeline K/Bidi doublant les montants de la stratégie décennale a été adopté en séance publique, là encore contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement. L’article 7 ne figurait donc pas dans le texte initial du Gouvernement.
Nous voulons un texte clair et concret, qui rende partout et pour tous effectif l’accès aux soins palliatifs et qui évite le risque de censure du Conseil constitutionnel. Or l’article 7 n’a aucune portée. Les montants qui y figurent sont erronés. Le périmètre des dépenses ne correspond pas à la stratégie décennale. Bref, il ne sert à rien.
M. Yannick Monnet (GDR). L’efficacité d’un texte est toujours limitée par l’article 40 de la Constitution. Ne sous-estimons pas les symboles : nous avancerons sur le sujet autant ainsi que par des mesures concrètes.
M. Thibault Bazin (DR). On aura beau faire des annonces, déployer des stratégies et y allouer des crédits, le vrai problème demeurera : les engagements en matière de soins palliatifs n’ont pas été tenus. Renvoyer le débat au projet de loi de financement de la sécurité sociale n’y changera rien puisque les dépenses y sont inscrites sous forme d’objectifs quand ce qui compte est leur exécution. C’est plutôt dans le cadre des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale qu’on assure le contrôle et l’évaluation des crédits consommés et de leur déploiement. Autrement dit, il faudrait consacrer davantage de temps à l’évaluation au détriment des propositions de loi de « niche », qui se multiplient...
La commission rejette les amendements.
Amendements AS608 de Mme Annie Vidal et AS504 de Mme Christine Loir (discussion commune)
Mme la rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination concernant la dénomination « accompagnement et soins palliatifs ».
La commission adopte l’amendement AS608.
En conséquence, les amendements AS504 de Mme Christine Loir et AS276 de Mme Sandrine Dogor‑Such ainsi que les amendements identiques AS14 de M. Alexandre Portier, AS57 de M. Thibault Bazin et AS314 de Mme Karine Lebon tombent.
Puis la commission adopte l’amendement rédactionnel AS556 de Mme Annie Vidal.
Amendement AS491 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). En matière de soins palliatifs, les disparités territoriales sont fortes. Il est impératif que les crédits soient répartis en fonction des réalités du terrain. Pour ce faire, il faut en prévoir la révision périodique. Il y va de l’accès équitable et effectif aux soins palliatifs et de leur qualité.
Mme la rapporteure. La proposition de révision périodique des crédits n’est pas plus normative que l’article 7. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS557 et AS558 de Mme Annie Vidal.
En conséquence, l’amendement AS125 de M. Patrick Hetzel tombe.
Puis la commission adopte l’amendement rédactionnel AS559 de Mme Annie Vidal.
Amendements AS579 de Mme Annie Vidal, AS503 de Mme Christine Loir, AS482 de Mme Danielle Simonnet et AS412 de Mme Karen Erodi (discussion commune)
Mme la rapporteure. Puisque l’article 7 a été maintenu, cet amendement corrige le tableau pour que les montants correspondent aux engagements pris dans la stratégie décennale, qui prévoit d’y consacrer un effort de 1,1 milliard d’euros et non pas de 2,2 milliards d’euros.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement rectifie le montant des crédits alloués pour 2024, qui n’ont été consommés qu’à moitié du fait de la dissolution, et à abonder d’autant les crédits pour 2025.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). En effet, il faut reporter sur 2025 les 89 millions d’euros non consommés en 2024. Tous les acteurs le disent, des experts et aidants aux associations pour l’aide à mourir : il faut renforcer les moyens alloués aux services de soins palliatifs et d’accompagnement. Il y va de l’universalité du droit à une fin de vie digne. L’amendement répond aussi à la volonté clairement affirmée par les rapporteurs de la majorité et appuyée par les soignants de structurer les maisons d’accompagnement selon un maillage solide.
Mme la rapporteure. Les amendements AS503, AS482 et AS412 proposent différentes modifications qui ne sont pas conformes au tableau de la stratégie décennale.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes surpris. Vous expliquez que l’article 7 est symbolique et sans portée, mais vous voulez quand même abaisser les chiffres de moitié ! Cela invite à réfléchir sur les symboles... Deux choix s’offrent à nous : réviser le tableau à la baisse ou à la hausse. Quel message souhaitons-nous envoyer ? Au reste, il ne serait pas purement symbolique : toute mesure adoptée donne l’énergie d’aller au-delà. J’en veux pour preuve la modification du tableau d’équilibre général du financement des retraites, qui a mobilisé plusieurs millions de personnes demandant l’abrogation de la réforme. Mieux vaudrait augmenter les crédits en adoptant les amendements de nos collègues Simonnet et Erodi !
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je remercie la rapporteure de rétablir les chiffres qui correspondent effectivement à la feuille de route établie par la ministre.
Mme Justine Gruet (DR). Communiquer, c’est bien. Mais nous devons aussi être efficaces. Si ces chiffres devaient s’appliquer, les amendements auraient certainement été déclarés irrecevables. L’essentiel est d’être capables de tenir un cap et d’évaluer à la fois les moyens financiers et humains nécessaires à l’accompagnement en soins palliatifs. On peut continuer éternellement à mentir aux gens, mais que vous réduisiez ou augmentiez les crédits, cela ne changera rien au déploiement des soins palliatifs.
La commission adopte l’amendement AS579.
En conséquence, les amendements AS503, AS482 et AS412 tombent.
Amendement AS277 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La stratégie décennale ne concerne que les dépenses relatives à l’hôpital de jour et aux courts séjours en soins palliatifs. Il faut préciser que le périmètre budgétaire couvre les dépenses en soins palliatifs.
Mme la rapporteure. L’avis est favorable car l’amendement apporte une précision intéressante.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS126 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de compléter la liste des dépenses intégrées dans le périmètre budgétaire en y ajoutant celles relatives aux séjours en service d’oncologie.
Mme la rapporteure. Tous les séjours en service d’oncologie ne sont pas liés aux soins palliatifs. L’amendement aurait pour effet d’intégrer dans ce périmètre des séjours déjà pris en charge par ailleurs. Il montre à quel point la suppression de l’article aurait été opportune. On aura beau déposer des milliers amendements pour allonger la liste, aucun n’aura la moindre valeur. Le sujet des soins palliatifs est grave et il n’y a pas lieu de se faire plaisir en insérant dans la loi des dispositions sans portée juridique. Nous devrions consacrer notre énergie à la déclinaison de la stratégie décennale.
Avis défavorable.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je suis d’accord avec la rapporteure. Mais, dans les départements dépourvus d’unité de soins palliatifs, les services d’oncologie souhaitent parfois se doter d’une unité supplémentaire pour compléter leur offre de soins. Il n’y a actuellement aucune structure de soins palliatifs dans les Pyrénées-Orientales, même si une création est prévue dont j’espère qu’elle sera menée à son terme. Il n’en reste pas moins qu’il faut rester attentif aux possibilités d’ouvrir des unités à l’intérieur de services déjà existants.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS517 de M. Julien Odoul
M. Christophe Bentz (RN). Nous souhaitons ajouter dans la liste la construction d’unités de soins palliatifs dans les départements qui n’en sont pas dotés. Il y va de l’égalité territoriale. Comme dix-neuf autres départements, la Haute-Marne n’a ni unité de soins palliatifs pour adultes ou pour enfants, ni maison d’accompagnement. Les trois équipes mobiles de soins palliatifs sont dépourvues de médecins référents. Il est urgent de combler ces carences.
Mme la rapporteure. Votre demande est satisfaite puisque la huitième mesure de la stratégie décennale prévoit la construction d’unités de soins palliatifs. Par ailleurs, les amendements que nous pourrions adopter à l’article 7 n’auront aucune portée juridique.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les départements dépourvus d’unité de soins palliatifs ne sont pas les seuls territoires dans ce cas, puisque certaines collectivités d’outre-mer pâtissent de la même lacune. Peut-être pourrions-nous penser, d’ici à la séance publique, à couvrir l’ensemble du territoire national ?
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis défavorable à l’amendement. On ne construit pas des services de soins palliatifs : nous ne manquons ni de murs ni de locaux, mais de personnel.
M. Philippe Vigier (Dem). Mon département ne compte pas non plus d’unité de soins palliatifs. Lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement avait dressé la liste des départements dépourvus : il sera facile de vérifier si les créations prévues dans les territoires jusqu’alors non dotés ont été effectuées. Votre amendement est superfétatoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS127 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). L’alinéa 13 fait figurer dans la liste les actes des professionnels de santé libéraux. L’amendement limite ces actes aux soins palliatifs.
Mme la rapporteure. Mon avis sera défavorable sur tous les amendements visant à compléter la liste : qu’ils ajoutent des structures, précisent des actes ou mentionnent les interventions à domicile, les centres d’évaluation et de traitement de la douleur, les soins palliatifs à domicile ou encore l’activité physique et les associations de bénévoles. Toutes ces précisions sont dispensables car largement satisfaites. La liste étant dépourvue de tout effet juridique, la compléter est vain.
S’agissant de la structuration d’une filière universitaire dédiée aux soins palliatifs et à l’accompagnement, je renvoie à la vingt-sixième mesure de la stratégie décennale, qui prévoit la création d’une filière dotée de 100 postes de chef de clinique, dont 10 postes dès 2024. Dès cette année, 10 postes d’universitaires titulaires seront ouverts annuellement pendant dix ans. En outre, 100 postes d’assistants spécialistes seront créés.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). On ne peut pas cantonner les professionnels de santé aux soins palliatifs dans la mesure où des patients occupant des lits dans des unités qui ne leur sont pas consacrées reçoivent des soins de toute nature.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS496 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Les soins palliatifs reposent sur les professionnels de santé libéraux, qu’il s’agisse des médecins généralistes ou des infirmiers à domicile. Ceux‑ci sont trop faiblement rémunérés et leur travail pâtit d’un manque de soutien et de coordination avec les hôpitaux. La plupart des patients préfèrent finir leurs jours chez eux, entourés de leurs proches, mais cela n’est possible que si les professionnels libéraux disposent des moyens nécessaires à une bonne prise en charge à domicile.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS495 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). La douleur chronique touche des millions de Français. Elle reste insuffisamment prise en charge, faute de moyens alloués aux services spécialisés, notamment les centres d’évaluation et de traitement de la douleur. L’amendement insère ces centres ainsi que les consultations spécialisées dans la prise en charge de la douleur à l’intérieur du périmètre budgétaire de la stratégie décennale sur les soins palliatifs. L’objectif est de garantir des financements dédiés au renforcement des équipes, à la modernisation des équipements et à l’amélioration de l’accès aux soins.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Mme Christine Loir (RN). Le centre d’évaluation et de traitement de la douleur le plus proche de chez moi se situe à 200 kilomètres. Il serait temps d’agir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS247 de Mme Sylvie Bonnet
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’une des mesures de la stratégie décennale consiste à favoriser le maintien à domicile pour les soins palliatifs. À cet effet, l’article 7 intègre les dépenses relatives aux journées d’hospitalisation à domicile, aux actes des professionnels de santé libéraux et aux médicaments délivrés en ville et relevant d’un parcours palliatif. Toutefois, il omet les dépenses relatives aux dispositifs médicaux et aux prestations associées telles que l’oxygénothérapie, souvent prescrite aux patients en fin de vie, alors qu’ils sont nécessaires au maintien à domicile.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS414 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Je propose d’intégrer au périmètre budgétaire la prise en charge des activités sportives adaptées prescrites dans le cadre de soins palliatifs et d’accompagnement. La Haute Autorité de santé reconnaît depuis 2011 le bénéfice, pour les patients atteints de maladies chroniques, de la prescription d’activités physiques comme thérapeutiques non médicamenteuses. Elles améliorent la santé mentale, psychique et physique, mais les dépenses associées ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale. Il serait normal que chacun puisse, indépendamment de sa fortune, finir plus dignement sa vie.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS377 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Je suggère certes d’allonger la liste d’un élément supplémentaire, mais c’est en écho à l’engagement du Gouvernement de créer, avec la stratégie décennale, une filière universitaire dédiée aux soins palliatifs ainsi qu’un diplôme d’études spécialisées. L’objectif est de faire des soins palliatifs une véritable spécialité.
Nous avions déposé le même amendement l’année dernière lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Il avait été adopté en commission spéciale mais ensuite écarté en séance publique, au motif que la disposition relevait du domaine réglementaire. Le Gouvernement s’était engagé à agir en 2024. Il ne l’a pas fait. Inscrire cette mesure dans le marbre de la loi ne coûte pas cher.
Tous les interlocuteurs rencontrés lors de nos auditions et de nos déplacements ont pointé le manque de formation, de culture palliative et de reconnaissance de cette branche du soin. Certains sont opposés à une évolution dans ce domaine. Ce n’est pas notre cas.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). L’intention est bonne. Mais ce n’est pas le périmètre budgétaire de la stratégie décennale des soins palliatifs qui finance la formation des étudiants. C’est la mission Recherche et enseignement supérieur.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous n’examinons pas un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; la discussion peut donc excéder le budget de la sécurité sociale. J’entends l’objection sur la nature réglementaire d’une mesure de création d’une filière universitaire. Mais, dans notre travail actuel d’évaluation de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, nous constatons que les acteurs attendent depuis vingt ans une action résolue en faveur de la formation autour du handicap et que celle-ci ne vient pas.
La culture est essentielle dans le domaine des soins palliatifs. Dans cette optique, il est indispensable de diffuser les avancées de la recherche dans toutes les formations. Envoyer ce message est important et cela ne coûte rien. Il sera impossible de développer les soins palliatifs si les gens ne sont pas formés et si la recherche n’est pas à la hauteur.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’ai déposé sur le même sujet un amendement portant article additionnel après l’article 8. L’importance de la création d’une filière est reconnue par tous. Qui dit filière, dit diplôme. Même si la disposition est de nature réglementaire, il est opportun que le législateur lui apporte explicitement son soutien.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La création d’une filière universitaire relève du pouvoir réglementaire. Mais au point où nous en sommes, peu importe. Surtout, cette mesure n’a rien à faire à l’article 7, qui porte sur le financement des soins palliatifs. Si l’amendement est adopté, les crédits nécessaires à la création de la filière ponctionneront l’enveloppe des soins palliatifs. Tout le monde sait que la formation est la priorité et qu’il aurait été opportun d’agir il y a déjà plusieurs années.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je suis partagée entre les arguments de Laurent Panifous et ceux d’Agnès Firmin Le Bodo. Inscrire cette mesure dans la loi constitue un appel utile, mais l’article 7 est étranger à l’objet de la disposition. Des chefs d’unités de soins palliatifs ont souligné l’importance d’accueillir en stage des étudiants en médecine pour que ceux-ci choisissent de se former dans cette spécialité.
M. Laurent Panifous (LIOT). L’article 7 porte sur des crédits supplémentaires destinés aux mesures nouvelles prévues dans la stratégie décennale. En outre, l’amendement n’est pas si contraignant car il ne fixe aucune date, alors que le Gouvernement s’est engagé à créer un diplôme d’études spécialisées en 2024.
Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras ». La promesse d’adopter cette mesure à l’article 8 ne me satisfait pas. Il est important d’inscrire cette disposition dans la loi. Faisons‑le dès l’article 7.
M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement de Laurent Panifous présente l’intérêt d’affirmer une volonté politique. Le développement des soins palliatifs se heurte à un problème de bras et non de locaux, ce pour quoi je me suis opposé à l’amendement AS517. La culture des soins palliatifs n’existe pas : cela fait longtemps que nous entendons parler de créer une filière universitaire, mais la Conférence des doyens de médecine doit se réunir et donner son accord, puis il faut faire monter les maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers et les professeurs des universités-praticiens hospitaliers. Un tel processus est long car il faut susciter des vocations, chez les jeunes comme chez les soignants déjà en poste. L’inscription dans la loi de la création d’une filière universitaire en soins palliatifs est un gage de réussite : l’argent n’est pas suffisant, il faut également des personnels.
M. Thibault Bazin (DR). Nous souhaitons tous créer un diplôme d’études spécialisées en médecine palliative. Je me réjouis que cette perspective nous rassemble. Comment y parvenir ? Les crédits dédiés à la formation initiale, dans le budget de l’enseignement supérieur, ne sont pas ceux visés à l’article 7. Pour les professionnels de santé, il peut s’agir de formation continue : l’assurance maladie verse une dotation de 214 millions d’euros à l’Agence nationale du développement professionnel continu, laquelle pourrait financer une partie de cet effort. Pourquoi attendre le terme de la stratégie décennale ? Il faut créer ce diplôme le plus rapidement possible, ce qui requiert une mobilisation collective.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). La Conférence des doyens a émis un avis défavorable à la création d’un diplôme d’études spécialisées en soins palliatifs. Cette position est gênante alors que nous sommes tous d’accord sur l’urgence de développer la formation à tous les niveaux. Devons-nous le créer tout de même ou suivre l’avis des doyens en privilégiant les formations courtes dispensées dans l’ensemble des spécialités concernées, y compris la médecine générale ?
Je soutiens le principe d’une formation universitaire. Mais la forme du diplôme doit être laissée à la discrétion des unités de formation et de recherche en médecine.
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous soutiendrons l’amendement car nous défendons la qualification des métiers. L’accompagnement et les soins palliatifs exigent une grande technicité. Prendre des gens qui traversent la rue pour les nommer responsables de soins palliatifs ne semble pas opportun. Si nous-mêmes avions besoin un jour de soins palliatifs, nous souhaiterions être pris en charge par des professionnels formés et qualifiés.
M. Patrick Hetzel (DR). Le financement de la formation initiale relève du budget de l’enseignement supérieur.
Prenons garde à ne pas jeter l’anathème sur la Conférence des doyens. Au-delà de la création d’une filière, on élude un autre aspect tout aussi important : le développement d’une culture palliative dans l’ensemble des professions de santé. La création d’une filière ne suffira pas à relever ce défi. Or, nous devons contribuer à l’émergence de cette culture pour rendre service à nos concitoyens. Il faut agir dans l’ensemble des formations, dans les instituts de formation en soins infirmiers, auprès des aides-soignants et de tous ceux qui se forment dans le domaine de la santé. Le sujet est plus vaste que ce qu’on pense. Nous devons sensibiliser le Gouvernement et la Conférence des doyens, qui n’oppose aucun refus catégorique à des évolutions dans ce domaine.
M. le président Frédéric Valletoux. Les soignants ont exposé une position identique lors des auditions que nous avons menées.
Mme la rapporteure. Nous mélangeons le fond, la forme et la faisabilité des choses dans ce débat. Sur le fond, nous souhaitons tous développer la formation, initiale et continue, théorique et pratique : toutes les personnes auditionnées ont insisté sur ce point. Notre discussion montre que nous aurions dû supprimer l’article 7, qui n’a aucune portée et qui ne sert à rien. Adopter cet amendement ne permettra ni de développer la culture palliative, ni de créer des diplômes, ni de renforcer la formation.
Les crédits visés par cet article sont dédiés à la stratégie décennale d’accompagnement et de soins palliatifs. Le Gouvernement a consenti un effort, que d’aucuns jugent insuffisant. Je me réjouirais si ces crédits étaient plus élevés, mais leur affectation est claire. L’avis est donc défavorable, même s’il est impossible d’être contre le renforcement de la formation.
M. Laurent Panifous (LIOT). Dans le tableau synthétique présenté par la rapporteure figure une action dédiée au développement de la recherche et de la formation.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous sommes tous d’accord sur le fond. La rapporteure a raison sur le fait que l’article 7 ne sert pas à grand-chose. Dans un tel article de pur affichage, on a envie de tout dire. Mais ce faisant, on crée de la confusion car la portée normative est nulle.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS258 de Mme Fanny Dombre Coste et AS324 de M. Yannick Monnet et amendement AS448 de Mme Agnès Firmin Le Bodo (discussion commune)
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Les associations de bénévoles effectuent un travail remarquable. Le soutien budgétaire dont elles bénéficient n’a pas évolué depuis vingt ans. Pourtant, la proposition de loi et la stratégie décennale leur reconnaissent une place particulière puisqu’elles prévoient de doubler le nombre de bénévoles d’ici à dix ans. L’amendement, qui recueillera sans surprise un avis défavorable, augmente les crédits affectés à ces structures.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Mon amendement, rédigé en lien avec l’association Jalmalv, vise à former les bénévoles d’accompagnement des soins palliatifs et de la fin de vie. Leur nombre doit doubler d’ici à 2034 pour passer de 4 500 à 9 000 personnes.
Mme la rapporteure. Il est nécessaire de donner aux bénévoles la place qu’ils méritent. Ils sont d’ailleurs présents dans toute la proposition de loi puisque les articles 1er, 2, 10, 13 et 14 traitent de leur situation. Mais, pour les mêmes raisons que précédemment, je suis défavorable à ces trois amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’article 7 modifié.
Après l’article 7
Amendement AS447 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il s’agit de mettre fin pour les soins palliatifs à la tarification à l’activité. Ce système fonctionne ainsi : pour chaque acte est prévue une rémunération codée dans une nomenclature. Il a généré, pour les soins palliatifs, un ensemble d’effets pervers avec lesquels il faut rompre. L’un d’entre eux est le parcours nomade, à savoir l’admission d’une même personne dans différentes structures. Un autre est le classement de certaines situations dans la catégorie des soins palliatifs alors qu’elles n’en sont pas. Un autre consiste à sous-coter des maladies à évolution lente car elles sont moins rémunérées à temps égal de suivi des patients. Un autre, enfin, revient à sélectionner les entrées selon la durée prévue du séjour afin de maximiser les financements.
Nous souhaitons soustraire les soins palliatifs à la tarification à l’activité. Il faudrait en faire de même pour de nombreux autres soins comme en témoigne la rupture, il y a quelques jours, de la convention entre la Fédération nationale des centres de santé et l’assurance maladie.
Mme la rapporteure. Votre proposition d’exclure l’accompagnement et les soins palliatifs de la tarification à l’activité en milieu hospitalier pour lui préférer une dotation forfaitaire populationnelle ouvre un débat intéressant. Les responsables de soins palliatifs expliquent que la tarification à l’activité les dessert puisque la tarification est élevée pendant douze à quatorze jours avant de plonger drastiquement. Ce système pourrait inciter à n’accepter que les patients dont on pense qu’ils ne resteront pas longtemps en soins palliatifs. Le Gouvernement a récemment réformé le financement des activités de médecine, de chirurgie et d’obstétrique dans les établissements de santé.
Toutefois, nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour traiter un sujet aussi complexe. La neuvième mesure de la stratégie décennale prévoit la réforme du financement des soins palliatifs. Il serait intéressant d’interroger le Gouvernement pour connaître ses intentions en la matière et le degré d’avancement de sa réflexion. Ne disposant pas de ces éléments, je ne peux que vous inviter à poser la question en séance publique, car il est impossible de lancer une réforme d’une telle envergure avec un simple amendement. Vous pourriez le retirer pour le retravailler ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. René Pilato (LFI-NFP). Le texte a encore un long parcours législatif à suivre. Je suis favorable à ce que nous adoptions cet amendement pour ouvrir le débat et inciter le Gouvernement à élaborer sans tarder des solutions viables.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Vous reconnaissez, madame la rapporteure, que la tarification à l’activité encourage à pratiquer des actes onéreux et à réduire la durée des séjours à l’hôpital. En proposant une dotation forfaitaire et populationnelle, les auteurs de l’amendement montrent des voies alternatives possibles. Si la solution proposée n’est pas aboutie, le Gouvernement pourra revoir la copie. Je suis favorable à l’amendement : en l’adoptant, nous aurons signifié que la tarification à l’activité ne doit pas s’appliquer aux soins palliatifs et d’accompagnement.
M. Laurent Panifous (LIOT). La tarification à l’activité fait l’objet de nombreuses critiques de longue date. Une réflexion est engagée sur son maintien dans certains domaines et sa suppression dans d’autres. À ce stade peu avancé de l’examen du texte, il me semble souhaitable de la remettre en question pour les soins palliatifs et d’accompagnement, auxquels elle est particulièrement inadaptée.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de vingt-trois heures trente à vingt-trois heures cinquante-cinq.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous reprendrons nos travaux demain matin.
La réunion s’achève à vingt-trois heures cinquante-cinq.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Eddy Casterman, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, M. Stéphane Delautrette, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, Mme Zahia Hamdane, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Julie Laernoes, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Marie-France Lorho, Mme Hanane Mansouri, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés. – Mme Béatrice Bellay, M. Didier Le Gac, Mme Karine Lebon, M. Jean‑Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Estelle Youssouffa
Assistait également à la réunion. – M. Alexandre Portier