Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) (Mme Annie Vidal et M. François Gernigon, rapporteurs) 2
– Informations relatives à la commission......................39
– Présences en réunion.................................39
Jeudi
10 avril 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 66
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) (Mme Annie Vidal et M. François Gernigon, rapporteurs).
Après l’article 7 (suite)
Amendement AS415 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Cet amendement demande un rapport destiné à affiner le dispositif proposé par l’amendement AS414, qui concernait la prise en charge par la sécurité sociale des activités sportives adaptées prescrites dans le cadre de soins palliatifs et d’accompagnement mais qui a été rejeté. Je le retire donc.
L’amendement est retiré.
Article 7 bis (nouveau) : Rapport sur l’opportunité de réformer le financement des soins palliatifs
Amendement AS309 de M. Yannick Monnet et AS46 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). Au-delà de demander un rapport au Gouvernement, mon amendement reprend la recommandation 7 de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, conduite à l’Assemblée nationale en mars 2023, visant à réformer le modèle de financement des soins palliatifs. Le rapport sollicité montrera que nous sommes offensifs sur la question des financements des soins palliatifs.
Mme Annie Vidal, rapporteure. Je considère moi aussi qu’il faut repenser le financement des soins palliatifs. Cet objectif est néanmoins déjà inscrit dans la stratégie décennale. Dans ce cadre, une réflexion sera conduite pour trouver un nouveau moyen de financement.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). J’ai participé à cette mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti, qui a mis en exergue les insuffisances du modèle de financement. Les responsables financiers des établissements arbitrent parfois en faveur du curatif plutôt que pour des lits en soins palliatifs. L’introduction d’un financement mixte des établissements de santé pour les soins palliatifs, sous la forme de recettes issues de l’activité et d’une dotation forfaitaire, permettra une approche globale et pluridisciplinaire. Mon amendement diffère du précédent en ce qu’il propose la création d’une dotation forfaitaire visant à sécuriser de manière pluriannuelle le financement.
La réforme du financement des activités de soins de suite et de réadaptation permet de mieux prendre en compte les actes non médicaux, comme le temps d’écoute. Cette réforme passera par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et nous avons besoin de disposer des éléments du rapport au début du mois d’octobre pour éclairer la discussion. Vous mettez en avant la stratégie décennale, mais je ne fais pour ma part pas suffisamment confiance au Gouvernement.
Mme la rapporteure. Si j’avais la certitude que le Gouvernement soit capable de fournir ce rapport avant le 1er octobre, je donnerais un avis favorable. Tel n’est pas le cas. Toutefois, nous avons besoin de réformer le financement des soins palliatifs. Sagesse sur les deux amendements.
La commission adopte l’amendement AS309. L’article 7 bis est ainsi rédigé.
En conséquence, l’amendement AS46 tombe.
Après l’article 7
Amendement AS90 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement a plusieurs objets. D’abord créer un forfait « soins de confort palliatifs » pour les patients pris en charge à domicile, et intégrer les prises en charge palliatives dans un nouveau modèle de financement des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). Ensuite aligner les allocations journalières versées au titre des congés de solidarité familiale sur les indemnités journalières de maladie. Enfin, augmenter ponctuellement le montant de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) que perçoit une personne âgée en fin de vie. Ces trois sujets méritent un rapport du Gouvernement.
Mme la rapporteure. Une réforme importante des Ssiad est en cours, afin d’aller vers des services d’autonomie à domicile (SAD). Cette réforme nécessite un délai pour que tous les acteurs puissent se constituer en SAD. D’ici là, nous aurons largement le temps de faire des évaluations, dans le cadre du Printemps social de l’évaluation ou de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Le relèvement de l’APA mérite également une évaluation plus structurante, qui ne pourra se faire en six mois.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement ne constitue pas une remise en cause de vos travaux dans le cadre de la loi « bien‑vieillir », madame la rapporteure. Simplement, ce n’est pas à nous qu’il revient de procéder à cette évaluation – nous n’en sommes pas capables – mais au Gouvernement. Les modèles de financement ne prennent pas en compte suffisamment d’éléments, notamment l’approche globale, hors établissement, et le temps de coordination spécifique à la fin de vie. Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait beaucoup d’avancées concernant les trois sujets que j’ai évoqués. Je souhaite disposer d’une expertise, et ensuite nous déciderons.
Mme Justine Gruet (DR). Dans le même ordre d’idées, j’avais déposé une proposition de loi pour augmenter le temps de soin des personnels hospitaliers en supprimant la lourdeur administrative de la tarification à l’activité. Le système hospitalier favorise en effet la cotation d’actes et ne permet pas toujours aux soignants de prendre le temps. Or l’accompagnement du patient et de ses proches est au cœur des soins palliatifs. De même, une majorité de nos concitoyens souhaitent rester à domicile, alors que le financement actuel favorise l’hospitalisation : la prise en charge est intégrale pour la branche maladie, tandis que le reste à charge est énorme sur la dépendance et la perte d’autonomie.
Cette demande de rapport permettra de tirer des conclusions et de donner d’autres perspectives, notamment sur la prise en charge de la perte d’autonomie. Tant qu’on ne mettra pas les dirigeants devant leurs responsabilités, on ne prendra pas les bonnes décisions.
M. Yannick Monnet (GDR). Pour traiter la question du financement, nous avons besoin d’intelligence, d’expertise, de connaissance. Le système actuel est faillible. Nous ne pouvons donc pas faire l’économie d’un rapport dédié au financement des soins palliatifs.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Cette demande de rapport est importante. Soyons tout de même vigilants sur l’augmentation de l’APA, dans la mesure où les familles sont susceptibles de devoir rembourser après le décès.
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous avons besoin de disposer de statistiques et d’un état des lieux pour prendre des décisions éclairées. En l’occurrence, nous manquons d’éléments. Je soutiens donc l’amendement de M. Bazin.
Mme la rapporteure. Nous avons déjà accepté un premier rapport. Peut-être pourriez-vous travailler à regrouper vos demandes en une seule ? Je conviens que la question du financement mérite réflexion, mais pas avec deux rapports en six mois.
M. Thibault Bazin (DR). C’est vrai, nous ne pouvons pas multiplier les rapports. Je retire mon amendement pour travailler avec mon collègue Monnet.
L’amendement est retiré.
Article 8 : Renforcement de la formation aux soins palliatifs et d’accompagnement et à la fin de vie
Amendements identiques AS361 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS378 de M. Laurent Panifous et AS480 de Mme Danielle Simonnet
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit d’introduire un nouveau diplôme d’études spécialisées (DES) en médecine palliative et soins d’accompagnement. Nous avons adopté cette proposition lors de la discussion sur l’article 7, mais sa véritable place est à l’article 8.
M. Laurent Panifous (LIOT). Nous avons effectivement ajouté dans l’article 7 la création de la filière et du DES, conformément à l’engagement du Gouvernement dans le cadre de la stratégie décennale. Peut-être est-ce du niveau réglementaire, mais nous avons besoin que ce soit inscrit dans la loi pour que cela devienne réalité. Cet amendement répond aux attentes de celles et ceux que nous avons auditionnés et rencontrés sur les territoires pendant des années. Pourquoi les soins palliatifs ne seraient-ils pas une spécialité, au même titre que la dermatologie ? L’article 8 est sans doute la place la plus adéquate pour cet ajout.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). S’il est indispensable de développer la culture en soins palliatifs de l’ensemble des professionnels, il faut aussi construire une filière. Cela passe par un DES en médecine palliative et en soins d’accompagnement, avec des modalités d’accès et des conditions d’obtention du diplôme reconnues. Le sujet relève certes du pouvoir réglementaire, mais l’inscription dans la loi offre des garanties, comme l’a évoqué M. Panifous.
J’ai rencontré l’an dernier l’équipe en soins palliatifs de l’hôpital Tenon, qui comprend l’une des quatre maîtres de conférence en soins palliatifs : elle est très attachée à la création du diplôme, et je déplore qu’elle n’ait pas été associée à la réflexion.
Mme la rapporteure. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’un renforcement de la formation. Si la création d’un DES correspond à la mesure 27 de la stratégie décennale, la ministre tout comme la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs lui préfèrent une formation spécialisée transversale. En tout état de cause, nous ne saurions adopter à l’article 8 une disposition qui figure déjà à l’article 7.
Avis défavorable.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Ce sujet est essentiel. Au-delà du diplôme, la création d’une filière universitaire est importante, en ce qu’elle permet la recherche ; or il faut une recherche pour qu’il y ait une formation. L’exemple de la loi de 2005 sur le handicap montre bien que lorsque les professionnels ne sont pas formés, la loi n’est toujours pas appliquée au bout de vingt ans.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS294 de M. Éric Liégeon
M. Éric Liégeon (DR). L’amendement vise à renforcer les formations initiale et continue des professions médicales – médecins, infirmiers, aides-soignants – avec des modules d’enseignement spécifiquement dédiés à la connaissance des soins palliatifs et d’accompagnement. Actuellement, les étudiants en médecine ne bénéficient que de quelques heures de formation sur les soins palliatifs – entre deux et dix heures sur les six premières années de médecine. Une fois en poste, les soignants doivent également recourir à la formation continue : les volontaires pour les former sont hélas trop peu nombreux.
Mme la rapporteure. C’est vrai, il y a un manque crucial de formation, mais votre dispositif n’est pas placé au bon endroit du code de l’éducation : vous l’insérez dans un titre sur les professions de santé alors que vous visez également les professionnels du médico-social. De plus, il est satisfait par l’article 1er de la loi Claeys-Leonetti, qui dispose que « la formation initiale et continue des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des aides‑soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens comporte un enseignement sur les soins palliatifs ». C’est bien une obligation pour les professionnels de santé. Je vous invite à retirer cet amendement pour le retravailler d’ici à la séance.
L’amendement est retiré.
Amendement AS278 de Mme Sandrine Dogor-Such et AS58 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous sommes favorables à l’article 8, qui permet un renforcement de la formation. Mon amendement vise à préciser qu’il s’agit d’une formation « aux soins palliatifs définis à l’article L. 1110-10 du code de la santé publique et à l’accompagnement de fin de vie », afin de conforter la notion de soins palliatifs, qui se trouve déclassée dans ce texte.
Mme la rapporteure. Ces amendements apportent une précision terminologique, au motif de revaloriser les soins palliatifs. Or, depuis l’amendement que nous avons voté à l’unanimité à l’article 1er, le texte emploie la formule « l’accompagnement et les soins palliatifs », ce qui redonne toute leur place et leur valeur à ces derniers.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Les deux amendements ne sont pas identiques. Le fait qu’il y ait deux propositions de loi peut prêter à confusion, dans la mesure où les soins palliatifs ne concernent pas systématiquement une personne en fin de vie. Ils doivent pouvoir débuter à un stade très précoce, y compris au domicile. Il est donc important de le mentionner.
Mme la rapporteure. La notion de prévention, qui s’apparente à l’approche précoce, a déjà été ajoutée à l’article 1er.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS416 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement vise à élargir la formation des praticiens et des professionnels de santé du secteur médico-social à l’accompagnement du deuil. En effet, la réponse à cette demande sociale nécessite un apprentissage, afin de gérer les états émotionnels, moraux et physiques provoqués par le deuil.
Mme la rapporteure. L’introduction d’un volet de formation sur l’accompagnement au deuil est une proposition pertinente, même si l’accompagnement de l’entourage est déjà envisagé. Toutefois, le dispositif proposé n’intègre pas l’ensemble des professionnels de santé du secteur médico-social.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Pouvez-vous préciser, madame la rapporteure ? Quel serait le dispositif adéquat ?
M. Thibault Bazin (DR). L’article 1er modifie le code de la santé publique, tandis que l’article 8 complète le code de l’éducation. Il est proposé de compléter l’article L. 632-1 de ce dernier par « une formation à l’accompagnement de la fin de vie et à l’approche palliative ». La fin de vie suppose le deuil. Ce sujet nous concernera tous un jour et il me semble opportun de le mentionner.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je partage le point de vue de M. Clouet. Le deuil est un sujet peu abordé, ce qui n’est pas sans conséquences. Peut-être pourrait-il y être fait référence uniquement à l’alinéa 3, qui englobe tout.
M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement propose justement de procéder à l’insertion du mot « deuil » à l’alinéa 3.
M. Thibault Bazin (DR). Mais l’alinéa 3 est relatif au code de la santé publique, tandis que l’alinéa 1er renvoie au code de l’éducation.
Mme la rapporteure. L’article du code de l’éducation référencé à l’alinéa 1er ne concerne que le régime des études médicales, ce qui ne correspond pas au public que vous visez – les professionnels de santé et du secteur médico-social.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS472 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Puisque nous souhaitons créer des passerelles entre les deux propositions de loi, ce serait une erreur que de ne pas mentionner à cet article qui concerne la formation celle relative à l’aide à mourir.
Mme la rapporteure. Les passerelles entre les deux textes se poseront d’elles‑mêmes lorsqu’il y aura une obligation législative, ce qui n’est pas encore le cas. Je n’émettrai pas d’avis favorable sur des mesures relevant d’un texte que nous n’examinerons qu’après celui-ci.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Je soutiens la position de Mme la rapporteure, car il ne faut pas tout mélanger. Il est prématuré d’évoquer l’aide à mourir alors que nous n’avons pas encore commencé la discussion à ce propos. C’est un très mauvais signal envoyé à l’ensemble des professionnels. La culture d’une prise en charge palliative du patient et des proches est très différente de l’aide active à mourir et elle doit, à la différence de celle-ci, infuser de façon transversale dans tous les cours et dans l’ensemble de la formation.
M. Patrick Hetzel (DR). Cet amendement créerait une sorte de continuum entre les soins palliatifs et l’aide active à mourir. Certains considèrent cette dernière comme le soin ultime : comme nous l’avons déjà dit, nous ne pouvons souscrire à cette vision.
M. Jean-François Rousset (EPR). Je considère pour ma part qu’il y a une continuité dans les soins, de la naissance jusqu’à la mort, et qu’il n’est pas bon de saucissonner les tranches de vie. La continuité entre le séjour en soins palliatifs et le décès est évidente. Il est donc très important de former tous les étudiants à la fin de vie, à l’accompagnement et à l’aide à mourir.
M. René Pilato (LFI-NFP). Évitons les confusions sémantiques : l’amendement évoque l’aide à mourir, et non pas l’aide active à mourir. La loi Claeys-Leonetti prévoit la sédation profonde et continue jusqu’à la mort. L’aide à mourir fait donc bien partie du continuum de soins palliatifs lorsqu’on arrive au bout, il n’y a rien de choquant à l’écrire.
M. Thibault Bazin (DR). Il y a certes là un problème sémantique. Pour certains, l’aide à mourir, ce sont les soins palliatifs, tandis que d’autres parlent d’un « ultime soin ». Or, pour certains soignants très investis dans les soins palliatifs, le suicide assisté ou l’euthanasie n’est pas un ultime soin. Il revient au législateur que nous sommes de clarifier cela. Si nous en croyons M. Pilato, aider à mourir consisterait à aider à vivre jusqu’au décès, à accompagner et à soulager sans provoquer la mort : très bien, mais nous ne pouvons pas faire abstraction du texte dont nous sommes saisis en parallèle. Or ce dernier présente un biais sémantique. Il ne nomme pas exactement les choses. D’ailleurs, l’avis du Conseil d’État employait en plusieurs dizaines d’occurrences les termes de suicide assisté et d’euthanasie, qui ne figurent pas dans le texte. Nommons bien les choses et évitons la confusion.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). L’article 8 est consacré à la formation des professionnels de santé. Sans préjuger du vote de la seconde proposition de loi, la formation à l’aide mourir n’y est pas prévue. Or, si la sédation profonde et continue jusqu’au décès n’est pas répandue, c’est parce que les professionnels n’y sont pas formés. Il ne s’agit pas de savoir si l’on est pour ou contre l’aide à mourir, mais juste de former les professionnels.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Je ne rouvrirai pas le débat sur le choix qui a été fait de traiter en deux textes les soins palliatifs et l’aide à mourir. Nous en tenir à l’intention initiale, qui était d’assurer une continuité et une cohérence, aurait facilité le dialogue – Mme la rapporteure a d’ailleurs bien dit qu’il faudra trouver des passerelles lorsque les deux textes auront été examinés.
La question de la formation arrive dès le premier texte. L’amendement, qui porte sur la formation relative à l’aide à mourir, y est à sa place. L’adopter n’est pas tronquer le débat sur le second, qui permettra, lui, de définir l’aide à mourir. C’est très cohérent et le groupe Socialistes et apparentés soutiendra l’amendement.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je ne connais pas un soignant, où qu’il exerce, qui ne fasse pas d’accompagnement à mourir. C’est de cela qu’il est question, pas de l’aide active à mourir. Par ailleurs, même en soins palliatifs, les gens peuvent mourir « simplement ». On peut légitimement parler d’aide à mourir, ce n’est pas un gros mot, et il faut y former tous les soignants.
M. Yannick Monnet (GDR). Je souscris à cet amendement et à l’argumentation de Mme Firmin Le Bodo. Je ne considère pas l’aide à mourir comme étant du soin, mais il me semble évident que les professionnels de santé doivent y être formés – ou alors on crée une formation spécifique de bourreau ! Il est fondamental d’inscrire dans le texte l’aide à mourir, y compris parce que cela établit un lien avec le second texte que nous examinerons. J’étais pour ma part favorable à la séparation des deux textes, qui donne plus de force aux deux sujets, même s’ils sont liés, mais on ne peut pas dénier cette formation aux soignants, qui sont toujours au contact de l’aide à mourir.
M. Philippe Juvin (DR). Dans ce débat, chacun a manifestement une arrière-pensée. Certains veulent utiliser le terme d’aide à mourir comme cheval de Troie pour introduire l’euthanasie dans le texte sur les soins palliatifs. (Exclamations.) Or, si les deux textes ont été séparés... Vous voyez, vous dites que vous êtes prêts à discuter de tout et que le débat est ouvert, mais vous êtes incapables de supporter la moindre contradiction !
Nous avons voulu séparer le débat sur les soins palliatifs de celui qui porte sur l’aide active à mourir. Nous parlons ici du premier. S’il faut former les professionnels de santé à l’aide active à mourir, cela devra être prévu dans le second texte.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je m’offusque de ces faux-semblants, pour ne pas dire cette hypocrisie. Nous parlons ici de la formation des professionnels de santé : il est très clair qu’il n’est pas question d’aide active à mourir, malgré vos efforts pour le faire croire. Si nous voulons des soins palliatifs pour tous et partout, il faut que les professionnels de santé soient parfaitement formés et informés, ce qui n’est pas le cas. Il faut regarder les choses en face et arrêter de tout mélanger, car on ne parle plus que de vos lubies et non pas des soins apportés aux patients. Les soins palliatifs sont insuffisants aujourd’hui à cause du manque de formation, et c’est le fond du débat.
M. Julien Odoul (RN). Il n’y a pas des lubies d’un côté, mais plutôt un mélange des genres de l’autre. Nous avions déjà observé cette confusion l’an dernier : elle a justifié la séparation en deux textes, qu’il ne faut pas remettre en cause. Les personnels soignants, quels qu’ils soient, aident à vivre et n’ont pas vocation à aider à mourir. Comme on l’a vu à l’étranger, plus on accélère dans le sens de l’aide mourir et plus on encourage la formation en la matière, plus on oublie la formation aux soins palliatifs. Viendra un moment où l’on ne formera plus à ces derniers et où l’on ira directement vers l’aide à mourir. J’y suis opposé.
M. Michel Lauzzana (EPR). En tant que soignant, je ne peux pas accepter ce qui vient d’être dit. Je suis pour le soin définitif, si j’ose dire, qui aide les gens à accomplir leurs volontés. Saucissonner l’enseignement en distinguant l’approche palliative et l’aide à mourir n’a aucun sens, car les médecins et le personnel soignant sont formés dans un continuum. Vous avez le droit d’être contre l’aide à mourir comme nous avons le droit d’être pour, nous en parlerons dans le second texte. Mais cette opposition n’a aucun sens lorsqu’il est question de la formation des médecins.
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’aide à mourir n’a rien à voir avec une sédation profonde et continue. Former à l’aide à mourir, c’est former à une pratique interdite.
Mme la rapporteure. Ce débat souffre d’une certaine confusion, chacun donnant aux termes d’aide à mourir et d’aide active à mourir un sens différent. Quoi qu’il en soit, il sera question d’aide active à mourir dans le second texte, pas dans le premier.
Les professionnels des soins palliatifs m’ont bien dit pendant les auditions qu’il était nécessaire de renforcer la formation aux soins palliatifs : c’est ce que propose l’article. L’amendement, lui, propose de renforcer la formation à l’aide à mourir. C’est peut-être nécessaire, mais il me semble que c’est dans l’autre texte, lorsqu’elle aura été créée, qu’il faudra ajouter un volet de formation à cette pratique qui n’existe pas aujourd’hui.
Par ailleurs, nos discussions ont été, jusqu’ici, respectueuses. Chacun débat selon ses convictions et je suis gênée d’entendre le terme de « lubies ».
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS325 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). Les conclusions du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) soulignent qu’en France, on meurt mal. L’amendement vise à intégrer dans la formation des soignants la prise en charge de la douleur.
Mme la rapporteure. J’ignore ce que c’est que bien ou mal mourir. En revanche, mourir est de toute façon difficile, car l’approche de la mort s’accompagne de questionnements, d’angoisse, de souffrances, de douleurs physiques et psychologiques.
L’apaisement et le soulagement des douleurs étant le cœur même des soins palliatifs, il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Je rappelle en outre que le développement de la recherche et de la formation est l’un des quatre grands objectifs de la stratégie décennale mentionnée dans la loi.
Avis défavorable.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le mal mourir, c’est le sort des personnes qui meurent sans que leurs souffrances soient soulagées. Le bien mourir, celui des personnes qui meurent dans de bonnes conditions.
Mme Justine Gruet (DR). Le texte désormais se contredit. En effet, nous avons voté à l’article 1er l’amendement AS391, aux termes duquel « l’accompagnement et les soins palliatifs ne visent ni à hâter, ni à différer la survenue de la mort ». Pourtant, nous venons de décider de former les soignants à l’aide à mourir, qui est un geste létal.
Vous ne voulez pas parler sémantique, mais il faudrait tout de même clarifier les choses entre l’accompagnement, censé ne pas hâter la survenue de la mort, l’aide à mourir, qui ne serait pas active – mais est-elle de l’accompagnement ? – et l’aide active à mourir, que vous ne voulez pas définir comme suicide assisté ou euthanasie. Le législateur est tout de même censé fixer un cadre précis pour aider le pouvoir judiciaire à faire appliquer la loi !
Je ne sais pas si vous vous rendez compte que nous venons de voter la formation à un acte illégal. Nous ne sommes absolument pas cohérents : si vous voulez former les professionnels de santé à l’aide active à mourir, il faut le faire dans le cadre du second texte.
M. Yannick Monnet (GDR). Madame la rapporteure, c’est le CCNE qui avait fait le constat partagé que, pour de nombreuses raisons, on meurt mal en France. L’amendement vise seulement à prévoir qu’un volet de la formation médicale sera spécialement consacré à la prise en charge de la douleur. Cela ne préempte en rien le débat que nous aurons sur le second texte.
Quant à l’amendement que nous venons d’adopter, il vise bien l’aide à mourir et non pas l’aide active à mourir. L’aide à mourir se pratique dans tous les établissements : les soignants entourent les personnes qui arrivent en fin de vie et les accompagnent. C’est une réalité, à laquelle il faut former.
M. Patrick Hetzel (DR). La question est sensible et fait l’objet de divergences. Je ne vois aucun inconvénient à ce que nous parlions d’aide à mourir, mais il faudrait préciser dans le présent texte qu’elle n’est en rien assimilée à l’aide active à mourir. Le législateur doit en effet lever toute ambiguïté. Certains ont utilisé le terme de « soin ultime » en parlant de l’euthanasie ; or euthanasier, c’est tuer. On en vient donc à utiliser le terme de « soin » pour décrire son exact opposé. Pour éviter cela, il faut introduire cette précision dans le texte.
Mme la rapporteure. Le débat qui vient d’avoir lieu portait largement sur l’amendement précédent. Sur l’amendement AS325, j’ai émis un avis défavorable parce qu’il existe une formation aux soins palliatifs, qui est par définition une formation à la prise en charge de la douleur.
Je maintiens, par ailleurs, mon commentaire sur le mal et le bien mourir : je ne comprends pas cette terminologie – mais peut-être n’ai-je pas les neurones qu’il faut.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS10 de M. Alexandre Portier
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement est défendu.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il n’est pas utile d’ajouter « obligatoirement » après « reçoivent », car le présent de l’indicatif a déjà valeur d’obligation.
M. Thomas Ménagé (RN). Je souscris à l’avis de Mme la rapporteure. On est tellement habitué, en France, à ce que la loi ne soit pas respectée qu’on en oublie les bases : la loi s’impose, et il n’est pas nécessaire de préciser que ses dispositions sont obligatoires. Le texte n’a rien de facultatif et l’amendement est donc satisfait.
Sur le fond, l’adoption de l’amendement AS472 pose un problème d’articulation entre les deux textes. Je suis, pour ma part, favorable au second texte et à l’aide active à mourir, mais le fait même qu’il y ait deux textes montre l’existence de sensibilités différentes et nous ne sommes pas certains que le second sera voté. Inscrire dans le code de l’éducation une formation à un acte aujourd’hui interdit pose question. C’est forcer la main à nos collègues, qui doivent être libres de voter ce texte sans qu’il soit parasité par l’aide active à mourir. Par ailleurs, obliger les médecins à se former à un acte qu’ils auront la possibilité de refuser au titre de la clause de conscience met en danger cette clause de conscience même.
Mme Justine Gruet (DR). La clause de conscience s’exerce-t-elle au cours des études, ou seulement quand on est médecin ? Je pose cette question dès maintenant car, si vous avez introduit la formation à l’aide active à mourir dans le présent texte, c’est parce que vous n’avez pas envie qu’on en reparle dans le second. Les futurs médecins qui ne souhaiteraient pas avoir recours à l’euthanasie seront-ils obligés de se former à ce geste létal ?
M. le président Frédéric Valletoux. Chers collègues, je vous rappelle que nous discutons de l’amendement AS10.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’idée que, partout où les gens sont malades, on ne mourrait que de façon active entretient une ambiguïté permanente. L’accompagnement à la fin de vie concerne de nombreuses maladies et est pratiqué dans tous les services, par tous les soignants. Que l’ensemble de soignants soient formés à l’accompagnement de fin de vie semble donc être une évidence, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils seront tous formés à l’aide à mourir, qui est une autre dimension.
Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : dans les unités de soins palliatifs (USP), l’accompagnement des patients qui ont des maladies incurables va jusqu’à la mort, et cela fait partie des soins.
M. René Pilato (LFI-NFP). Question simple pour tous les collègues, notamment ceux qui sont médecins : la sédation est-elle, oui ou non, un acte ? Nous entendons votre refus d’un continuum, mais il faut arrêter d’être hypocrites : la sédation profonde et continue jusqu’à la mort est un acte actif. Je peux comprendre que vous ne soyez pas d’accord en raison de vos convictions personnelles – qui, je l’espère, ne sont pas religieuses, car nous sommes dans un État laïque et la religion s’arrête aux portes de l’Assemblée –, mais nous sommes entre gens qui font la loi et il ne faut pas être hypocrites.
L’aide active à mourir, comme la sédation profonde et continue, est un acte. Une fois cela posé, nous pouvons discuter de façon bien distincte, dans deux textes, d’abord des soins palliatifs, qui vont jusqu’à la mort, et ensuite de la manière dont nous allons accélérer ou non la fin des souffrances.
Mme la rapporteure. L’alinéa 3 prévoit que les professionnels reçoivent une formation. Il est inutile d’ajouter qu’ils la reçoivent « obligatoirement », car le présent donne déjà un caractère impératif à cette disposition. C’est sur ce point que nous allons voter, et non pas sur toutes les autres questions que vous avez évoquées. Notre devoir de législateur et décrire une loi aussi claire que possible.
M. Jean-François Rousset (EPR). Pour répondre en médecin à la question qui a été posée, plusieurs médicaments sont utilisés pour calmer la douleur, et il existe plusieurs façons de les administrer. Cela peut se faire au moyen de patchs ou de comprimés, ou, en cas de douleur rebelle et insupportable, d’une perfusion : on administre, au moyen d’une pompe et à un certain débit, un médicament qui peut devenir létal à partir d’une certaine dose. C’est un acte et les soignants doivent y être formés.
M. le président Frédéric Valletoux. Ces débats sont importants, mais nous sommes loin de l’amendement.
M. Patrick Hetzel (DR). Mme la rapporteure a bien exposé la question que pose l’ajout du mot « obligatoirement ».
Monsieur Pilato, nous sommes plusieurs dans cette salle à avoir participé au débat sur la loi Claeys-Leonetti, dont la question de la sédation profonde et continue était un élément clé. Deux visions s’exprimaient, Jean Leonetti considérant que c’était l’étape limite qu’il ne fallait pas dépasser, et Alain Claeys qu’il ne s’agissait que d’une première étape vers une aide active à mourir. Mais il est clair que, lors des débats précédents, l’on considérait que la sédation profonde et continue ne consistait en aucun cas à donner la mort : il s’agissait de soulager la douleur.
M. Olivier Falorni (Dem). C’est faux !
M. Patrick Hetzel (DR). Nous étions effectivement quelques-uns à dire que c’était faux. Nous avions des doutes, considérant qu’il y avait déjà là le franchissement d’une limite qu’il ne fallait peut-être pas franchir. Et l’on constate maintenant l’effet domino qui se produit : nous sommes entrés dans une logique où, étape par étape, on repousse toujours plus les limites. Ce n’est pas ce que nous souhaitons.
M. Yannick Monnet (GDR). Pour en revenir à l’amendement, je suis opposé à l’ajout du mot « obligatoirement », qui va tarir le potentiel de soignants susceptibles d’exercer dans le domaine des soins palliatifs en éloignant de ces services ceux qui ne sont pas formés.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS398 de Mme Nicole Dubré-Chirat et AS393 de M. Vincent Ledoux (discussion commune)
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’article 8 rend obligatoire le suivi d’une formation spécifique pour les professionnels de santé et du secteur médico-social. Pour utile qu’elle soit, cette disposition est néanmoins coûteuse et contraignante. Nous avons d’ailleurs constaté qu’il n’y avait pas de candidat à la formation ouverte. Pour ma part, en ligne avec les positions de la conférence des doyens des facultés de médecine, je prône la délivrance, en cours de formation, d’un contenu pédagogique concernant la culture palliative et l’accompagnement de tous les patients en fin de vie, qu’ils soient pris en charge à domicile ou au sein d’un établissement de santé. Cette option étant plus attractive, elle nous permettra d’avoir plus de gens formés dans un délai plus court.
M. Vincent Ledoux (EPR). Nous avons vu qu’il était important de mieux former les soignants à ce temps de fin de vie, les soins allant de la naissance jusqu’à la mort, comme l’a très bien dit notre collègue Rousset. Mieux le soignant est formé, plus le patient va être soulagé et son entourage accompagné. Avec cet amendement, nous insistons sur le caractère théorique et pratique de la formation des médecins à l’accompagnement et aux soins palliatifs, dans cet esprit de continuité de la médecine. Il faut davantage d’heures sur ce point, aussi bien à travers l’enseignement transversal universitaire que par la pratique de stage.
Mme la rapporteure. Madame Dubré-Chirat, un simple contenu pédagogique n’équivaut pas à une vraie formation. Je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui de M. Ledoux, qui précise que la formation spécifique des professionnels de santé et du médico-social aux soins palliatifs est à la fois théorique et pratique, un point sur lequel ont insisté tous ceux que nous avons auditionnés.
M. Philippe Vigier (Dem). Ces propositions me semblent relever de ce bavardage qui rend la loi difficile à appliquer. Il faudrait donc remplacer « une formation spécifique » par « un contenu pédagogique » : cela signifie donc que les formations n’ont pas de contenu ? Ou alors il faudrait préciser ce qu’est une formation… Il me semble qu’il y a d’autres points à régler que ceux-là. Restons simples et compréhensibles.
M. René Pilato (LFI-NFP). La notion de formation spécifique nous semble la mieux-disante, mais nous retenons la formulation de notre collègue Ledoux comme amendement de repli.
La commission rejette l’amendement AS398 puis adopte l’amendement AS393.
Amendements AS609 de Mme Annie Vidal, AS516 de M. Julien Odoul et AS347 de M. Patrick Hetzel, amendements identiques AS128 de M. Patrick Hetzel et AS279 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
Mme la rapporteure. Mon amendement propose une harmonisation sémantique avec la dénomination « accompagnement et soins palliatifs », adoptée à l’article 1er.
M. Julien Odoul (RN). Nous voulons remplacer « l’évolution des soins palliatifs et d’accompagnement » par « les soins palliatifs et les mesures prévues par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ». Il s’agit de remédier au manque de soignants, d’augmenter le nombre de spécialistes nécessaires à une offre de soins de qualité, et de rappeler la philosophie des soins palliatifs. À cet égard, M. Pilato donne dans la confusion totale quand il nous dit que l’aide à mourir est le soulagement ultime et se confond avec la lutte contre la souffrance. Ce sont les soins palliatifs qui sont destinés à lutter contre la souffrance : c’est leur vocation, ils ont été créés pour cela. Les soins palliatifs offrent un accompagnement aux patients en fin de vie, afin de réduire leur souffrance au minimum.
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement AS347 est défendu.
Mme Justine Gruet (DR). L’évolution des soins palliatifs dans l’histoire n’a pas d’intérêt opérationnel pour les patients : c’est aux soins palliatifs qu’il faut former les professionnels. Nous proposons donc par l’amendement AS128 de remplacer « l’évolution des soins palliatifs et d’accompagnement » par « les soins palliatifs ».
Mme la rapporteure. Monsieur Odoul, vous souhaitez faire porter la formation sur les soins palliatifs en excluant l’accompagnement et en faisant une mention directe à la loi de 2016. Cela nous ferait reprendre des débats sémantiques que nous avons eus à l’article 1er et qui n’ont plus lieu d’être.
Avis défavorable.
L’amendement AS347 propose d’intégrer une formation spécifique pour la prise en charge des personnes porteuses de déficience intellectuelle. Cette préoccupation légitime est satisfaite par les formations existantes, et la disposition proposée ne ferait qu’allonger le texte.
Avis défavorable.
Avis défavorable également aux deux amendements identiques.
La commission adopte l’amendement AS609.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement AS326 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). Nous souhaitons que les professionnels de santé reçoivent également une formation spécifique aux besoins d’accompagnement des personnes en situation de handicap.
Mme la rapporteure. Merci de souligner l’importance de tenir compte des spécificités de ces situations, mais votre préoccupation trouve sa réponse à l’article L. 1110‑1‑1 du code de la santé : « Les professionnels de santé et du secteur médico-social reçoivent, au cours de leur formation initiale et continue, une formation spécifique concernant l’évolution des connaissances relatives aux pathologies à l’origine des handicaps et les innovations thérapeutiques, technologiques, pédagogiques, éducatives et sociales les concernant, l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées, ainsi que l’annonce du handicap. »
Avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Il faut prendre en considération un phénomène récent, qui a émergé depuis une vingtaine d’années : le vieillissement des personnes en situation handicap, qui nécessite de nouveaux modes de prise en charge et donc une formation spécifique. L’article précité ne répond pas à ce phénomène ni au besoin de formation des professionnels qui y sont confrontés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS60 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit de préciser que nous parlons ici de la perte de la capacité de discernement, ce qui n’est pas la même chose que la perte de discernement.
Mme la rapporteure. Ainsi, la formation des professionnels portera d’une part sur l’accueil des personnes en perte d’autonomie, d’autre part sur l’accueil des personnes en perte de capacité de discernement. Cette précision est pertinente.
Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS129 de M. Patrick Hetzel
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement est défendu.
Mme la rapporteure. Il est prévu que la formation des professionnels comporte un volet sur la prise en charge pédiatrique. L’amendement vise à supprimer cette dimension, au motif qu’elle serait sans lien avec l’objet de la proposition de loi. Or les soins palliatifs concernent également les mineurs – la stratégie décennale prévoit d’ailleurs de développer les USP pédiatriques.
Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS396 de Mme Nicole Dubré-Chirat
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous voulons que les quelque 10 000 professionnels de santé et du secteur médico-social exerçant au sein d’une USP ou d’une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) soient titulaires d’un diplôme universitaire de soins palliatifs. Nous parlons beaucoup de formation initiale, mais le choix des soins palliatifs se fait souvent en cours de carrière et il est important que les professionnels concernés développent ces compétences supplémentaires.
Mme la rapporteure. Je comprends votre demande, mais nous devons tenir compte des difficultés d’accès à la formation sur le territoire. Cette mesure pourrait créer une barrière à l’exercice dans ces structures qui subissent déjà des difficultés de recrutement.
Avis défavorable.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis d’accord avec la rapporteure : une telle mesure serait une barrière à l’exercice dans les services concernés, d’autant que ce diplôme n’est dispensé que dans trois endroits sur le territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS11 de M. Alexandre Portier
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement vise à garantir que tous les professionnels de santé et du secteur médico-social bénéficient de la formation spécifique sur les soins palliatifs et d’accompagnement avant une date butoir fixée au 1er janvier 2030. Il s’agit d’améliorer la qualité des soins et de l’accompagnement des patients en fin de vie, en s’assurant que les professionnels disposent des compétences et des connaissances nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques de ces patients et de leur famille. En fixant une date limite, l’amendement contribue à une meilleure prise en charge globale des patients, à une réduction des inégalités dans l’accès aux soins palliatifs et à une amélioration de la qualité de vie des personnes en fin de vie.
Mme la rapporteure. La stratégie décennale nous donne déjà un cap, celui de 2034, et des modalités claires de renforcement de la formation des professionnels. Imposer une date limite, qui me semble du reste choisie de manière aléatoire, ne ferait qu’alourdir le texte.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Aamendement AS417 de Mme Élise Leboucher
Mme Karen Erodi (LFI‑NFP). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS417.
Puis elle adopte l’article 8 modifié.
Article 8 bis (nouveau) : Introduction dans les programmes scolaires de séances d’information sur le cycle de la vie et de la mort
Amendement AS449 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Cet amendement nous a été suggéré par la Fédération Jalmalv. Il vise à permettre aux enfants de partager leurs interrogations sur la mort, un sujet dont on parle trop peu.
Mme la rapporteure. Vous voulez introduire dans les programmes scolaires du primaire et du secondaire des séances d’information sur le cycle de la vie et de la mort, réalisées par des bénévoles d’associations. Je comprends votre souhait de sensibiliser les jeunes à ce sujet, sachant que nous avons tous une sorte de déni de la mort et de rejet de notre propre finitude. Il me semble néanmoins difficile d’introduire une telle obligation dans les programmes scolaires, qui en ont déjà beaucoup. En outre, ce sujet relève aussi de la sphère familiale et personnelle, et l’introduction de témoignages de bénévoles dans un cadre scolaire pourrait être perçue comme intrusive par certains parents.
Avis défavorable.
M. Julien Odoul (RN). Je suis très choqué par cet amendement qui promeut un changement dans l’appréciation du rôle qu’a l’éducation de nos enfants dans leur rapport à la vie. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, ces sujets sont et doivent rester du ressort de la sphère familiale. Il n’appartient pas à des associations, quelles qu’elles soient, de venir dans les salles de classe pour expliquer à des enfants de 6 ou 7 ans qu’ils pourront peut-être, dans soixante-dix ou quatre-vingts ans, bénéficier d’une aide active à mourir, ou autre. Cette démarche assez délétère s’inscrit dans une philosophie qui promeut l’intervention de diverses associations dans les écoles, au mépris du travail des enseignants. Il est très grave de vouloir se substituer à la famille dans un tel domaine. Cela n’a pas lieu d’être.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Il ne faut pas caricaturer le débat. Les enfants sont confrontés à la mort à différents âges, lors du décès d’un proche ou encore d’un animal domestique. Ils s’interrogent sur la finitude. Il ne me paraît donc par hors de propos que le sujet soit abordé dans les cycles d’éducation, ce qui n’a rien à voir avec la question de l’aide active à mourir. Que nous soyons pour ou contre l’aide active à mourir, nos enfants seront confrontés à la perte d’un proche. L’école laïque a son rôle à jouer quand il s’agit de les informer, de les aider à trouver des réponses à leurs interrogations. Je ne comprends pas les problèmes soulevés par le Rassemblement national.
M. François Gernigon (HOR). Cette sensibilisation à la mort – qui n’a rien à voir avec une information sur l’aide active à mourir – pourrait prendre la forme d’une option dans le programme scolaire. Dans ma circonscription, l’Association paroles croisées autour de la mort fait beaucoup de pédagogie sur le sujet, ce qui aide à mieux le comprendre et l’aborder lorsque les enfants sont confrontés à la mort. On pourrait d’ailleurs imaginer une intervention des parents dans cette sensibilisation.
Mme Justine Gruet (DR). Des sujets tels que le deuil, l’accompagnement de la fin de vie ou la mort relèvent de l’intime et peuvent donner lieu à des positionnements différents d’une famille à l’autre. L’école est une richesse en matière d’apprentissage de la vie en collectivité et de partage d’expériences. Quel rôle peuvent jouer les enseignants dans la sensibilisation à la mort ? Cette sensibilisation doit-elle avoir lieu pendant le temps pédagogique ? Doit-elle être faite par des associations, des psychologues, des personnes formées ou par les enseignants, auxquels on demande déjà beaucoup ? On n’aborde pas le deuil de la même manière avec des enfants en bas âge et avec des enfants de 7 ans qui comprennent que la mort est définitive. Il faudrait pouvoir s’appuyer sur des personnes compétentes et formées, et qui ne soient pas maladroites, car chaque enfant a son parcours et son rapport à la mort.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il est important d’aborder ces sujets, y compris en milieu scolaire. Dans chaque classe, un enfant est orphelin – c’est une moyenne en France. Des centaines de milliers d’enfants sont aidant naturel d’un proche en situation de maladie ou de handicap, parfois en fin de vie. Les représentants de Jeunes aidants ensemble, un collectif formidable qui est né en Essonne avant d’essaimer dans le pays tout entier, demandent précisément que ces sujets soient abordés, y compris dans l’environnement scolaire. L’amendement est pertinent. Il s’agit non de promouvoir je ne sais quoi, mais de ne pas invisibiliser un sujet qui est un motif de souffrances pour un grand nombre d’enfants et d’interrogations pour leurs camarades de classe.
M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement est important car de nombreux enfants traversent des épreuves difficiles. Il ne s’agit pas de faire l’apologie de quoi que ce soit, mais de mieux préparer les enfants à affronter les moments difficiles de la vie. Expliquer la mort, ce n’est pas dire comment on donne la mort. S’il fallait éviter d’aborder le sujet de la mort, il faudrait revoir tous les manuels d’histoire pour qu’ils ne parlent pas des guerres ! Cette sensibilisation participe de la lutte contre l’obscurantisme sous toutes ses formes. Il faut adapter les contenus et les témoignages à l’âge des enfants, user de la liberté pédagogique et faire preuve de souplesse en matière d’intervenants. Il y a peu, j’ai été confronté à un accident de car avec trente-cinq enfants à bord : l’un d’entre eux a été tué sur le coup. La violence de ce qu’ont vécu ces enfants qui n’étaient pas préparés est telle que ma perception du sujet a été un peu modifiée. La vie est dure, et même parfois violente.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement est intéressant mais au-delà, nous vivons dans une société qui cache la mort – et pas seulement aux enfants. Combien d’adultes ont vu un cadavre ? Tous les rituels autour de la mort tendent désormais à la cacher. Il faut évidemment sensibiliser les enfants à la mort, mais le sujet est plus vaste.
M. Eddy Casterman (RN). Pour rebondir sur les propos de M. Vigier, je dirais qu’à circonstance exceptionnelle, il faut une réponse exceptionnelle. Mais nous craignons une généralisation du dispositif. L’école est une institution faite pour instruire les enfants et non pour les éduquer, remplaçant et supplantant les familles. D’une famille à l’autre, il existe des différences d’appréciation de la mort, pour des raisons philosophiques, religieuses ou liées au contexte. Et qui viendra dispenser cette instruction dont on ne connaît ni les contours ni le fond ? Nous redoutons les pires dérives, avec l’intervention d’associations promouvant l’aide active à mourir. C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
Mme la rapporteure. Je vous ai donné un avis défavorable parce qu’il me semble difficile d’introduire cette obligation dans le code de l’éducation pour les élèves du primaire et du secondaire, sachant que les programmes suscitent toujours beaucoup de débats. Mais j’entends tout à fait la nécessité de sensibiliser les enfants à ce sujet éminemment complexe, violent et difficile à aborder. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement. L’article 8 bis est ainsi rédigé.
Article 8 ter (nouveau) : Enseignement sur l’éthique dispensé à l’École des hautes études en santé publique
Amendement AS92 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). L’École des hautes études en santé publique (EHESP), qui forme les dirigeants des établissements de santé, ne prévoit pas un enseignement systématique sur l’éthique du soin. Je vous propose de combler cette lacune. Cela me semble d’autant plus important que les processus d’évaluation de ces établissements tendent à tenir de plus en plus compte du respect des choix des patients et de l’accompagnement dans les derniers jours de la vie.
Mme la rapporteure. Je serais assez séduite par votre idée, mais je vous propose de nous en tenir au dispositif actuel pour ne pas nous éparpiller. J’ajoute, même s’il y en a déjà dans ce texte, qu’il s’agit d’une mesure qui relève du domaine réglementaire.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Vous êtes d’accord sur le fond, mais comme vous êtes un peu gênée, vous me renvoyez l’argument du réglementaire. Pourtant, le contenu des enseignements de l’EHESP est précisé dans la loi, à l’article L. 1415-1 du code de la santé publique.
Mme la rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat l’année dernière.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis d’accord avec Thibault Bazin, parce que les personnes formées à l’EHESP dirigeront les établissements dans lesquels nous essayons de généraliser les soins palliatifs. Et ces dirigeants ne seraient pas formés à l’éthique du soin, alors que cette notion est au cœur de toutes nos discussions, dans le souci du patient ? La médecine sans éthique n’est pas de la médecine. L’éthique ramène chacun à sa conscience quand il s’agit de proposer un parcours au patient, un accompagnement en soins palliatifs, et peut-être autre chose par la suite. Ce sont d’ailleurs des sujets sur lesquels nous consultons le Comité consultatif national... d’éthique.
M. le président Frédéric Valletoux. Il est vrai que les espaces éthiques se multiplient dans les établissements de santé.
Mme la rapporteure. L’article L.1415-1 du code de la santé publique fait référence aux missions de l’EHESP et non au contenu des enseignements. Je vous invite à retirer votre amendement et à le déposer sur l’article relatif à ce sujet. Sinon, sagesse.
M. Thibault Bazin (DR). Madame la rapporteure, je vous propose plutôt de voter cet amendement, puis de proposer les rectifications que vous souhaiterez en séance.
La commission adopte l’amendement. L’article 8 ter est ainsi rédigé.
Après l’article 8
Amendement AS45 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je retire cet amendement, comme l’AS47 qui vient à peine plus tard, car nous avons déjà créé un DES de médecine palliative et de soins d’accompagnement.
L’amendement est retiré.
Article 8 quater (nouveau) : Expérimentation d’une formation aux soins palliatifs durant les stages pratiques
Amendements AS134 et AS133 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Ces amendements répondent à une préoccupation exprimée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport d’avril 2018. Le développement des soins palliatifs doit passer par une formation à la culture palliative en USP et en EMSP.
Mme la rapporteure. Vous proposez, à titre expérimental, qu’une formation aux soins palliatifs soit insérée dans les stages pratiques en USP et en EMSP, ainsi qu’une autre dans le cadre de la formation continue des médecins.
Je suis toujours prudente quand il s’agit de créer des expérimentations, d’autant que les décrets tardent parfois à être pris.
Par ailleurs, il existe déjà une offre de formation continue en matière de soins palliatifs, et la stratégie décennale prévoit d’inclure un module spécifique dans les maquettes universitaires. Nous devons faire connaître ces formations et augmenter le nombre des professionnels qui les suivent plutôt qu’éparpiller nos efforts.
Il convient de renforcer les dispositifs actuels, inscrits dans la stratégie décennale, plutôt que d’introduire une nouvelle expérimentation.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). D’après les échanges que j’ai eus récemment avec l’Igas, un travail reste toutefois à faire sur ce sujet.
M. Philippe Vigier (Dem). Sept ans après la publication du rapport, tout le monde constate que les personnels formés manquent. Nous n’avons pas été au rendez-vous. Défendons une vraie ambition : créons une formation structurée pour trois ans, sans lui donner de caractère expérimental ! À l’issue de cette période, nous déterminerons si cet effort a porté ses fruits et ce qu’il convient de corriger. Mais cette proposition de loi ne doit pas être une coquille vide, à l’instar des maisons de santé qui, dans certains territoires, restent vides.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous avons mis plusieurs années à nous rendre compte que nous manquions de personnel formé pour appliquer la loi Claeys-Leonetti. Pour être sûrs que le texte que nous examinons sera appliqué, il est indispensable de prévoir des formations. Nous voterons pour cet amendement.
L’amendement AS133 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS134. L’article 8 quater est ainsi rédigé.
L’amendement AS47 de M. Thibault Bazin est retiré.
La réunion, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures cinq.
Article 9 : Rapport sur l’offre de soins palliatifs et sur le nombre de sédations profondes et continues
Amendements de suppression AS571 de Mme Annie Vidal et AS130 de M. Patrick Hetzel
Mme la rapporteure. L’article 9 prévoit la remise d’un rapport sur l’évaluation du déploiement des soins palliatifs et des structures de prise en charge de la douleur. Cet article est issu d’un amendement de Caroline Fiat, adopté par la commission spéciale, qui reprenait l’une des recommandations du rapport d’information sur l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti.
Le comité interministériel sur le suivi des soins palliatifs, qui s’est réuni le 18 mars dernier, a rendu un rapport comportant tous les éléments demandés : ambitions, objectifs stratégiques, données chiffrées sur les lits ou les unités par département par exemple.
L’article 9 précise que le rapport doit détailler le nombre de sédations profondes et continues effectuées. Or, depuis le début de l’année 2025, les sédations profondes et continues et les autres pratiques sédatives sont codifiées et tarifées au sein du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI).
Le rapport demandé serait donc redondant. Supprimons-le, pour alléger le texte.
M. Thibault Bazin (DR). Je suis défavorable à ces amendements. La mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a relevé un manque important tant dans les données disponibles, notamment pour le suivi des sédations profondes et continues, que dans les rapports qui devaient être remis. Vous essayez de nous rassurer en mettant en avant les travaux comité de suivi interministériel : c’est faire une bien grande confiance au Gouvernement ! Les parlementaires ne sont pas membres de ce comité, et ils ont besoin de ces données. S’il y a eu une codification, tant mieux, cela rendra encore plus facile au Gouvernement d’établir ce rapport.
Nous avons fait sur le développement des soins palliatifs des promesses qui n’ont pas été tenues. Ce n’est pas parce que le Gouvernement n’a pas rendu les rapports annuels demandés en 2016 que nous devons renoncer à demander d’autres rapports. Il faut continuer à mettre la pression sur le Gouvernement, car ce sujet doit faire l’objet d’évaluations. Je présenterai des amendements visant à modifier le contenu du rapport de l’article 9.
M. Yannick Monnet (GDR). Je suis radicalement opposé à ces amendements. Le rapport demandé par l’article est annuel : il permettra donc d’assurer le suivi régulier de l’application du texte. C’est absolument nécessaire, car le déploiement des structures de soins palliatifs se heurte à des difficultés.
Madame la rapporteure, vous réclamez un allégement de la proposition de loi mais si des articles ont été ajoutés au texte initial, c’est bien qu’il était nécessaire de l’enrichir.
M. Philippe Vigier (Dem). Vous souhaitez priver le Parlement de son pouvoir d’évaluation, qui est déjà mince ; et vous souhaitez le faire sur une politique ambitieuse qu’il faut absolument soutenir ! Non, notre travail n’est pas seulement d’écrire la loi, mais d’aller au bout et d’en évaluer l’application. En matière de formation notamment, nous souffrons d’un déficit considérable. Nous n’allons pas encore bâtir un plan pour le regarder échouer ! Pour que le dispositif soit efficace, il est nécessaire de l’évaluer et de l’adapter en cours de route.
Mme la rapporteure. L’article 4 prévoit déjà que, chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la mise en œuvre de la stratégie décennale des soins palliatifs et d’accompagnement. Quant aux données sur les sédations, grâce à la codification, il suffira de demander à l’administration centrale d’extraire les éléments dont nous avons besoin : nul besoin d’un autre rapport.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous avons besoin de disposer de données et d’indicateurs pour éviter de recommencer nos discussions sans fin, année après année, comme c’est le cas depuis la loi Claeys-Leonetti.
Le rapport demandé à l’article 4 doit évaluer la mise en place d’une stratégie. Ce n’est pas la même chose que d’évaluer l’écart entre l’offre et les besoins en soins palliatifs, ou la pratique des sédations.
Quelles que soient nos opinions sur l’accessibilité des soins palliatifs, nous sommes tous d’accord sur le fait que nous avons besoin de nous fonder sur des données solides. Que sait-on ? Qu’une vingtaine de départements sont dépourvus d’USP, qu’il manque 4 000 lits, que, selon la Cour des comptes, les besoins seraient couverts à hauteur de 50 %. Nous en sommes réduits à discuter à partir d’extrapolations. Nous avons besoin d’éléments précis pour établir cette politique publique, en chiffrer le coût et discuter des questions éthiques qui nous séparent.
Le groupe LFI-NFP a déposé un amendement de réécriture de l’article 9 prévoyant notamment que les agences régionales de santé (ARS) créent des indicateurs qui recenseraient tant les besoins en soins palliatifs à partir d’une analyse de la population que les attentes des patients, des patientes et de leurs proches.
Mme la rapporteure. Nous avons une option. Soit nous supprimons l’article 9 et, en séance, je déposerai un amendement à l’article 4, que vous pourrez tous cosigner, visant à enrichir le contenu du rapport. Cela permettra de compléter la feuille de route du comité de suivi. Soit nous conservons l’article 9 mais nous l’amendons pour enrichir le contenu du rapport demandé, de sorte qu’il n’y ait pas d’autre demande de rapport dans le texte. Dans cette hypothèse, je déposerai un amendement en séance visant à supprimer le rapport prévu à l’article 4. Ma préférence est de conserver l’article 4.
M. le président Frédéric Valletoux. Cette proposition est intéressante. L’éparpillement des demandes est préjudiciable. Nous déplorons qu’elles n’aboutissent jamais, mais nous sommes peut-être trop gourmands. Demander un seul rapport annuel serait plus efficace.
M. Philippe Vigier (Dem). Que ce soit à l’article 4 ou au 9, ce qui compte est que nous ayons un rapport unique comportant tous les éléments demandés par les uns et les autres, afin d’analyser l’efficacité des dispositifs proposés.
Mme la rapporteure. Travaillons ensemble à la rédaction pour la séance.
M. Yannick Monnet (GDR). Il faut conserver la rédaction de l’article 9 aux termes de laquelle le rapport formule des propositions visant à garantir effectivement le droit de tous aux soins d’accompagnement et aux droits créés par la loi Claeys-Leonetti. Il est nécessaire d’évaluer régulièrement l’accès des personnes aux soins palliatifs car c’est un droit opposable.
M. Thibault Bazin (DR). Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir renoncé à considérer que le travail du comité interministériel était suffisant.
Nous aurions voté les amendements de suppression de l’article 9 si vous aviez déposé des amendements visant à compléter l’article 4. Nous sommes tous d’accord pour compléter les éléments relatifs à l’évaluation de la sédation profonde et continue que l’administration devra transmettre au Parlement. Conservons l’article 9, déposons un amendement en séance visant à compléter l’article 4, puis supprimons l’article 9 en séance.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous aurons le même débat lors de l’examen de l’article 19, qui prévoit également la traçabilité des sédations profondes et continues. Pour le reste, je suis favorable à la suppression de l’article 9.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS418 de Mme Karen Erodi
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). L’amendement vise à créer des indicateurs territorialisés afin de mesurer l’adéquation entre l’offre et les besoins en accompagnement et en soins palliatifs, et de recenser le nombre de sédations profondes et continues. Selon les rapports de l’Igas et de la Cour des comptes, l’évaluation de l’offre en soins palliatifs et d’accompagnement, notamment à domicile, présente des lacunes.
Mme la rapporteure. Vous proposez que ces indicateurs soient pilotés par les ARS. Ce ne sont pas les organismes adaptés. Par exemple, les ARS recensent le nombre de fermetures de lits, mais toutes ces données ne sont pas agrégées à l’échelon national : je crains qu’il en aille de même s’agissant des données relatives à l’accompagnement et aux soins palliatifs.
Avis défavorable.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’obligation de recenser les sédations ne date que du 1er janvier 2025 – auparavant, les données étaient très difficiles à obtenir. Attendons de disposer des données avant de créer les indicateurs.
S’agissant des soins palliatifs, le recensement devrait inclure ce qui se fait à domicile, ce qui n’est pas le cas. Il en va de même pour les lits qui ne sont pas en USP. Des améliorations doivent être apportées afin de disposer de chiffres précis.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement permet de donner de la profondeur à l’article en tenant compte des critiques qui ont été émises. Il répond aux demandes exprimées par l’Igas et la Cour des comptes, qui souhaitent disposer d’indicateurs fiables et robustes s’appliquant sur l’ensemble du territoire.
Ces indicateurs permettront de recenser les besoins, le nombre d’actes et le lieu où ils sont réalisés ou demandés, ainsi que les attentes des patients, des patientes et de leurs proches. Ces trois dimensions sont indispensables au pilotage de la politique en la matière.
Madame la rapporteure a souligné avec justesse qu’il fallait agréger les données, ce que prévoit précisément le sixième alinéa de l’amendement.
Ces indicateurs fiables et robustes, qui permettraient d’éclairer les positions éthiques et morales de chacun, répondent aux demandes des organismes chargés de missions d’évaluation et de nos collègues.
M. Philippe Vigier (Dem). Les données recensées par les ARS à l’échelon local ne donnent pas une photo précise de l’état du système de santé, sans parler du fait que les données sont agrégées avec beaucoup de retard. N’aurait-on pas plutôt intérêt à utiliser les contrats locaux de santé, bel outil déployé sur tout le territoire, en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé ? Grâce à eux, le territoire dispose d’un recensement assez exhaustif et peut répondre en temps réel aux besoins.
Il est vrai que l’obligation de recenser les sédations profondes et continues ne date que du 1er janvier 2025, mais elles sont tout de même effectuées dans des hôpitaux et des structures qui peuvent facilement mesurer le nombre de patients concernés ainsi que les personnels qui les accompagnent.
Faisons simple, prévoyons de dresser un état des lieux territoire par territoire. Cela permettra de déterminer les lieux où il existe des dysfonctionnements, qu’il faudra corriger dans le cadre du déploiement de l’offre de soins.
Mme la rapporteure. Cet amendement propose une réécriture globale de l’article 9 qui détaille de nouveaux indicateurs et qui restreint le rapport dont nous discutions tout à l’heure à ces indicateurs. L’adopter serait contradictoire avec le vote précédent.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je dirais plutôt qu’il synthétise les demandes et répond à une partie des critiques exprimées. En votant cet amendement, nous satisferions une dizaine d’amendements déposés sur cet article. Son adoption serait une victoire pour tous.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le 2° du I de cet amendement fait référence aux sédations profondes et continues effectuées « à la demande du patient pour des souffrances réfractaires ». Lors de la discussion de la proposition de loi relative à la fin de vie, je ne manquerai pas de vous rappeler que la sédation profonde et continue est une solution aux souffrances réfractaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS62 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Constatant l’absence de rapport annuel, la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a préconisé que le rapport soit remis tous les deux ans. Cet amendement reprend cette recommandation.
Lors de l’examen de l’article 4, nous avons voté un amendement qui prévoit la remise, chaque année, d’un rapport évaluant la mise en œuvre de la stratégie décennale – au lieu d’un seul rapport à la moitié du parcours, comme c’était initialement prévu. Le délai de deux ans me semble plus judicieux.
Mme la rapporteure. Il m’est difficile de donner un avis favorable à votre amendement alors que j’avais demandé la suppression de l’article, mais ce délai de deux ans me semble plus raisonnable et fait consensus.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS560 de Mme Annie Vidal.
Amendements AS610 de Mme Annie Vidal et AS316 de Mme Karine Lebon, amendements identiques AS131 de M. Patrick Hetzel et AS471 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, amendements AS15 de M. Alexandre Portier et AS280 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
Mme la rapporteure. Mon amendement vise, par coordination avec ce que nous avons voté à l’article 1er, à utiliser la notion d’accompagnement et de soins palliatifs.
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS316 est défendu.
M. Patrick Hetzel (DR). En cohérence avec l’article 1er, il convient de mentionner également les soins palliatifs à l’alinéa 1er.
M. François Gernigon (HOR). L’amendement AS471 est défendu.
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement AS15 est défendu.
Mme la rapporteure. Il me semble que la rédaction que je propose satisfait tous les autres amendements, auxquels je donne un avis défavorable.
La commission adopte l’amendement AS610.
En conséquence, les amendements AS316, AS131, AS471, AS15 et AS280 tombent, de même que l’amendement AS16 de M. Alexandre Portier.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS561, AS562 et AS563 de Mme Annie Vidal, rapporteure.
Amendement AS461 de Mme Angélique Ranc
Mme Angélique Ranc (RN). Certains pays ont développé des approches particulièrement efficaces en matière de soins palliatifs, dont nous pourrions nous inspirer. Cet amendement vise à intégrer au rapport un volet comparant les modèles existant en Europe, afin de nous appuyer sur les expériences réussies et d’éviter les erreurs.
Mme la rapporteure. Comparer nos pratiques avec celles de nos voisins est une démarche intéressante pour notre réflexion, mais il ne me semble pas utile de l’inscrire dans la proposition de loi.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS572 de Mme Annie Vidal et AS132 de M. Patrick Hetzel
Mme la rapporteure. Il s’agit de supprimer l’alinéa 2, qui demande de comptabiliser dans le rapport les sédations profondes et continues effectuées chaque année. Comme je l’ai déjà dit, cette information est codée dans le PMSI depuis le début de l’année et sera facile à obtenir.
M. Patrick Hetzel (DR). Effectivement, le PMSI, opérationnel depuis janvier 2025, permet d’accéder aisément à ces données.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements AS63 de M. Thibault Bazin, AS564 de Mme Annie Vidal, AS259 de Mme Fanny Dombre Coste, AS327 de Mme Karine Lebon et AS565 de Mme Annie Vidal tombent.
La commission adopte l’amendement rédactionnel AS566 de Mme Annie Vidal.
M. le président Frédéric Valletoux. Avant de mettre aux voix l’article, je rappelle que nous avons décidé de travailler de façon transpartisane à une nouvelle rédaction de la demande de suivi qui y figure et de mieux l’articuler avec l’article 4.
La commission rejette l’article 9.
Article 9 bis (nouveau) : Publication annuelle par les agences régionales de santé des résultats d’indicateurs mesurant l’adéquation de l’offre de soins aux besoins en soins palliatifs
Amendement AS50 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Afin de rendre effectif l’accès aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire et de bien suivre l’application des mesures annoncées par le Gouvernement, il est important que les ARS publient les indicateurs correspondants.
Le rapport d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a constaté que « en l’absence de données robustes, la mission n’a pas été en mesure d’évaluer précisément l’écart entre l’offre et les besoins en soins palliatifs ». De nombreux chiffres plus ou moins relatifs aux soins palliatifs circulent, mais il est important de disposer d’indicateurs précis, de les publier, de les suivre et de les détailler par territoire.
Mme la rapporteure. Je partage votre volonté de disposer de données précises concernant l’adéquation de l’offre et des besoins en soins palliatifs, mais la mise en œuvre opérationnelle que vous proposez me paraît irréaliste. La charge que représenterait une telle obligation pour les ARS serait trop lourde, du point de vue technique comme des ressources humaines. La consolidation progressive des données à l’échelle nationale, dans le cadre des travaux déjà engagés par les services du ministère et l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, doit rester la priorité.
Par ailleurs, j’aimerais que soit précisé ce qu’on entend par « besoins en soins palliatifs ». Comptabiliser l’accès aux seules USP ne permet pas d’évaluer ces besoins, qui prennent différentes formes : USP, lits spécialisés, équipes mobiles, hospitalisation à domicile... Un médecin généraliste peut tout à fait répondre à un besoin de prise en charge palliative.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement est la version « Canada Dry » de l’AS418 examiné tout à l’heure. Il reprend l’idée centrale des indicateurs, mais ne tient compte ni des attentes des patients et des proches, ni de la nature et du nombre de prises en charge de différents actes ; de plus, il ne prévoit pas d’analyse populationnelle. Pourtant, le fait qu’il cite Caroline Fiat donnerait presque envie de le voter !
Je suis surpris que Mme Gruet et MM. Hetzel et Juvin aient cosigné cet amendement alors qu’ils viennent de voter contre le AS418, qui visait donc le même objectif. J’espère qu’en séance publique, ils voteront les amendements en fonction de leur contenu plutôt que de leurs signataires.
M. Philippe Vigier (Dem). Le rapport de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti contient une phrase assassine : « en l’absence de données robustes, la mission n’a pas été en mesure d’évaluer précisément l’écart entre l’offre et les besoins en soins palliatifs ».
Comment bâtir une politique solide, répondant aux attentes, en l’absence d’indicateurs d’évaluation ? On voit bien que cela ne fonctionne pas ! Ma circonscription étant dépourvue d’offre en matière de soins palliatifs – nous faisons appel aux équipes des Yvelines ou du Loiret – il est indispensable de connaître le nombre de personnes auxquelles nous ne pouvons rien proposer et de mesurer son évolution. Sinon, non seulement nos débats n’auront servi à rien, mais l’efficacité de la dépense publique n’aura pas été vérifiée. Nous avons tous l’intention d’évaluer le dispositif et de mesurer la satisfaction des patients, alors mettons-nous d’accord !
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Évitons de voter des dispositions simplement pour nous faire plaisir : nous devons instaurer des indicateurs précis permettant d’évaluer les effets de ce que nous avons décidé. Vous avez raison, madame la rapporteure, ce sera difficile, parce que cette culture de l’évaluation ne nous est pas familière, mais sinon ce que nous faisons ne sert à rien. Je suis favorable à cet amendement.
Mme la rapporteure. Tout à l’heure, nous nous sommes mis d’accord sur la publication d’un rapport d’évaluation unique. Ajouter des demandes particulières n’a donc pas de sens, et la disposition ici proposée ne semble par ailleurs guère réaliste. Si nous voulons recevoir des informations de qualité, le rapport doit être complet et faisable, et les indicateurs mesurables et réalistes. C’est le sens du travail de réécriture que nous effectuerons avant l’examen du texte en séance publique.
La commission adopte l’amendement. L’article 9 bis est ainsi rédigé.
Après l’article 9
Amendement AS48 de M. Thibault Bazin et amendement AS136 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Thibault Bazin (DR). Après les indicateurs quantitatifs dont nous venons de parler, mon amendement vise à développer des indicateurs qualitatifs dans les USP, conformément à la demande des professionnels eux-mêmes et aux recommandations de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti.
M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement est complémentaire : il s’agit de développer les mêmes indicateurs qualitatifs, mais dans les équipes mobiles de soins palliatifs.
Mme la rapporteure. L’amendement AS48 est satisfait puisque les établissements de santé sont soumis à des procédures de certification, qui comportent des indicateurs quantitatifs et qualitatifs. Quant aux EMSP, si elles ne sont soumises à aucun indicateur spécifique, elles sont généralement rattachées à des USP et donc concernées par les procédures de certification.
Demande de retrait ou avis défavorable aux deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS135 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à développer des indicateurs d’évaluation et de gestion de la douleur des patients en phase terminale.
Mme la rapporteure. Je comprends vos intentions, mais des échelles d’évaluation de la douleur existent déjà et peuvent tout à fait être appliquées aux patients en phase terminale.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Des indicateurs médicaux existent en effet. Ceux que cet amendement propose de développer visent à affiner le pilotage des politiques publiques, puisque l’un des principaux enjeux de ce texte consiste à déterminer de quelle manière est prise en charge la douleur.
M. Philippe Vigier (Dem). La douleur n’est pas spécifique aux soins palliatifs et doit être prise en considération dans l’ensemble de la sphère d’hospitalisation. Inscrire ce point dans le présent texte ne nous permettra pas d’instaurer le bon suivi.
Les auditions des représentants des centres de traitement de la douleur ont confirmé la nécessité d’améliorer sa prise en charge. Certains protocoles sont au point, d’autres le sont moins et l’appréciation de la douleur est toujours très compliquée. En tout état de cause, ce texte ne me semble pas être le bon véhicule pour développer des indicateurs propres à la douleur.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Des indicateurs médicaux d’évaluation de la douleur existent déjà ; laissons les professionnels de santé s’en occuper. Cet amendement n’a rien à faire dans ce texte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS493 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Je retire mon amendement pour le retravailler dans le cadre du travail de réécriture de l’article 4 mené par Mme la rapporteure.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS138 de M. Patrick Hetzel.
Amendement AS137 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Dans un rapport publié en 2023, la Cour des comptes a analysé les conditions d’accès aux soins palliatifs. Elle y indique que l’offre à l’hôpital s’est nettement étoffée, même si les disparités territoriales perdurent. Le constat est différent pour les soins palliatifs à domicile et en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Il est primordial que nous disposions d’indicateurs de couverture des soins palliatifs.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. Nous reprendrons ces éléments dans le travail de réécriture global concernant le rapport annuel.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AS49 de M. Thibault Bazin est retiré.
Article 10 : Création des maisons d’accompagnement
Amendement de suppression AS139 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Cet article insère dans le code de l’action sociale et des familles une nouvelle catégorie d’établissements médico-sociaux pour accueillir et accompagner les personnes en fin de vie. L’exposé des motifs de la proposition de loi donne assez peu d’information sur ces structures.
Les USP manquent cruellement de moyens, certaines ayant même été contraintes de fermer des lits. Plutôt que de créer une nouvelle catégorie d’établissements, ne serait-il pas plus pertinent d’orienter les financements correspondants vers les acteurs qui gèrent déjà des lits de soins palliatifs et de garantir le droit universel à l’accès aux soins palliatifs ?
M. François Gernigon, rapporteur. Comme l’an dernier, vous souhaitez supprimer cet article relatif aux maisons d’accompagnement, que je vous proposerai un peu plus tard de renommer maisons de répit et de soins palliatifs.
Ces structures intermédiaires, entre le domicile et l’hôpital, visent à accueillir les personnes en fin de vie et leur entourage. S’inspirant de ce qui est pratiqué dans d’autres pays et issues d’une recommandation du rapport Chauvin, elles ont pour objectif à la fois de diminuer le recours à l’hospitalisation pour les situations médicales stabilisées et de garantir une fin de vie dans un environnement adapté avec une approche holistique. L’accueil y coûtera moins cher qu’à l’hôpital dès lors qu’elles sont destinées à des patients qui pourraient rentrer chez eux, si ce n’est qu’ils manquent d’accompagnement à domicile. Caractérisées par un faible degré de médicalisation et une approche pluridisciplinaire, ces maisons ne se substituent en rien aux USP.
Avis défavorable à cet amendement de suppression.
M. Patrick Hetzel (DR). J’entends vos arguments, mais la question des moyens financiers, vis-à-vis des structures existantes, demeure. Par ailleurs, dans le secteur médico‑social, on passe habituellement par une phase d’expérimentation avant de créer une catégorie. Je suis donc très surpris que nous n’adoptions pas cette approche prudentielle et que nous nous décidions sans avoir pu tirer les leçons d’une expérimentation.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Alors que la majorité des Français déclarent vouloir finir leurs jours chez eux, 53 % des décès surviennent dans une structure hospitalière. Il est urgent de sortir de l’approche hospitalo-centrée qui a prévalu jusqu’à maintenant.
Les USP manquent cruellement de moyens et dix-neuf départements, dont le mien, la Sarthe, en sont toujours dépourvus. Il est également essentiel de soutenir l’accompagnement de la fin de vie à domicile. C’est pourquoi nous vous appelons, lors de l’examen des textes budgétaires, à voter des moyens suffisants.
Cependant, il reste des patients pour lesquels le retour à domicile n’est pas possible, mais dont les situations médicales sont stabilisées et ne nécessitent pas une prise en charge hospitalière. Il manque un chaînon dans le maillage pour les accueillir. La convention citoyenne, la Cour des comptes et le rapport Chauvin appellent au développement de solutions intermédiaires. Nous nous opposons à la suppression de cet article et nous espérons l’amender pour parachever le dispositif des maisons d’accompagnement.
M. Christophe Bentz (RN). L’article 10, véritable cheval de Troie de la proposition de loi sur la fin de vie, est probablement le plus problématique du présent texte.
Monsieur le rapporteur, vous invoquez le rapport Chauvin, qui ouvre la voie à l’aide à mourir. Il y a un an, la ministre Catherine Vautrin l’avait concédé : l’aide à mourir, l’euthanasie, le suicide assisté pourront être pratiqués dans ces maisons d’accompagnement. Depuis lors, vous avez certes apporté des modifications sémantiques, en proposant notamment de les renommer « maisons de répit », mais nous ne sommes pas dupes !
Tant que nous n’avons pas de garantie que ces futures maisons d’accompagnement, ou de répit et de soins palliatifs, n’abriteront pas de telles pratiques – nous défendrons des amendements en ce sens –, nous restons opposés à l’article 10.
Mme Justine Gruet (DR). La rédaction de cet article n’offre pas de garanties suffisantes que la gestion de ces maisons reste publique et ne soit pas confiée à des associations militantes. De plus, l’accompagnement financier de l’État soulève des questions : lors de nos débats l’année dernière, si le financement de leur fonctionnement était assuré, les investissements initiaux ne l’étaient pas. Dès lors, ne risquent-elles pas d’aggraver les disparités territoriales ?
Certes, il est nécessaire de démédicaliser l’accompagnement de la fin de vie, mais nous devons avant tout consolider les moyens alloués à l’hospitalisation à domicile.
Enfin, nous devons écrire noir sur blanc que l’aide active à mourir, l’euthanasie ou le suicide assisté ne pourront être pratiqués dans ces maisons d’accompagnement. Il est prévu de renommer ces dernières pour que ce soit explicite. À toutes fins utiles, je rappelle que nous avons voté un amendement à l’article 1er précisant que l’accompagnement ne vise pas à hâter la mort.
M. Laurent Panifous (LIOT). La question de l’aide à mourir sera traitée ultérieurement, dans le second texte. Le principal apport de celui dont nous discutons est bien la création des maisons d’accompagnement, qui comble un manque entre le domicile et les structures hospitalières.
L’accompagnement à la fin de vie et les soins palliatifs dans les unités spécialisées se font sur de très courts séjours ; l’accompagnement à domicile peut être difficile et la solitude de certains patients ne doit pas être sous-estimée. La création de lieux de répit – ou maisons d’accompagnement, le nom importe peu – dans lesquels les patients ne seront pas seuls et où les familles seront accompagnées, répond à la demande de nombreux professionnels. Dès lors, pourquoi supprimer ce qui constitue le cœur de ce texte ?
Mme Annie Vidal (EPR). Les maisons d’accompagnement sont des structures alternatives et non intermédiaires. Elles correspondent à un véritable besoin et ne sont pas des structures de soins palliatifs low cost, à mi-chemin entre l’hôpital et le domicile.
Dans le parcours difficile de la fin de vie, certains patients n’ont pas besoin d’être hospitalisés, mais ne peuvent pas non plus rentrer chez eux – parce qu’ils vivent seuls, ou au contraire avec de jeunes enfants, ou parce que leur logement n’est pas adapté. Ils ont besoin d’un hébergement alternatif dans lequel les soins seront dispensés par le biais de l’hospitalisation à domicile ou d’une équipe mobile de soins palliatifs.
Monsieur Hetzel, vous regrettez l’absence d’expérimentation mais de nombreuses structures ont tenté de fonctionner de cette manière : en l’absence d’un cadre juridique adéquat, elles se sont toutes transformées en petites unités de vie ou en petits Ehpad.
M. Olivier Falorni (Dem). L’article 10, qui est au cœur de cette proposition de loi, est un véritable plus pour l’accompagnement des malades. Notre collègue Bentz croit, ou veut faire croire, que les maisons d’accompagnement ont vocation à être des maisons d’aide à active à mourir. En aucun cas : elles seront un hébergement, une solution alternative à l’hôpital et au domicile. Le second texte, dont je suis le rapporteur général, ne prévoit pas de clause de conscience pour ces établissements. Pas plus qu’au domicile des malades donc il ne sera interdit d’y recourir à l’aide active à mourir.
Cet article crée une solution alternative pertinente. Le supprimer reviendrait à remettre en cause fondamentalement l’ensemble du texte et à se priver d’une offre d’accompagnement supplémentaire, attendue par de nombreux malades et par leurs proches. Vraiment je ne comprendrais pas qu’il soit supprimé.
M. Jean-François Rousset (EPR). Je suis entièrement d’accord avec Olivier Falorni. Dans les personnes en fin de vie, qui vont décéder et ont besoin d’être accompagnées, il y a beaucoup de cas différents. Certaines auront accès des USP, d’autres à des unités mobiles. Certaines recevront leurs soins palliatifs chez elles, d’autres ne le pourront pas, faute d’un logement adapté. Celles-là demeureront dans un autre lieu, qui leur fournira tous les éléments que nous allons déterminer dans les deux textes. Et si elles demandent une aide mourir, il faudra pouvoir la leur apporter sur place : il est hors de question de les coller dans une ambulance pour les emmener là où on pourra leur rendre ce dernier service, c’est une question d’humanité.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Depuis les travaux de la commission spéciale, nous avons progressé. Aujourd’hui, les missions des maisons d’accompagnement, qu’on avait du mal à définir à l’époque, sont claires : il s’agit d’un lieu alternatif de prise en charge, comme peuvent l’être le domicile ou l’Ehpad. Chacun a le droit de vivre où il veut, d’y être accompagné dans sa fin de vie et d’y bénéficier le cas échéant de l’aide à mourir.
Reste à trouver du personnel pour gérer ces maisons d’accompagnement. Comme l’a souligné Annie Vidal, si les expérimentations menées jusqu’à présent n’ont pas été concluantes, c’est par défaut de cadre de législatif.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Seuls 18 % des logements sociaux sont adaptés aux personnes en situation de handicap, et c’est pire encore dans le reste du parc – une situation aggravée par la loi « Elan », qui a encore réduit le nombre de logements neufs accessibles.
Avoir un logement adapté est pourtant essentiel. Il faut vraiment prendre la mesure des situations où le lit médicalisé est à l’étage du logement, où les portes sont trop étroites pour permettre le passage, où une personne peut passer des jours et des semaines sans changer de pièce, sans accès aux sanitaires et à une salle de bains.
Monsieur Hetzel, vous faites un amalgame entre les maisons d’accompagnement et l’aide à mourir. L’année dernière, le doute était permis, mais il ne l’est plus, maintenant que les soins palliatifs et l’aide à mourir font l’objet de deux textes distincts. Certes, il sera possible de demander l’aide à mourir dans les maisons d’accompagnement, mais exactement comme au domicile ou dans n’importe quel autre lieu de vie. Supprimer cet article, c’est donc simplement empêcher certaines personnes de passer les derniers moments de leur vie dans un endroit digne. Un tel entêtement est ridicule et discriminatoire.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Ces lieux alternatifs et intermédiaires sont une réponse innovante à une situation dramatique. Aujourd’hui, de nombreux Français n’ont pas accès aux soins palliatifs, et même si nous nous efforçons de les déployer partout, cela prendra du temps. Par ailleurs, même si une majorité de nos concitoyens souhaite vivre chez eux le plus longtemps possible, il en restera toujours qui ne pourront pas rester à domicile.
Dans ces structures alternatives et intermédiaires, les patients seront accompagnés et surtout pourront recevoir des soins palliatifs – car c’est l’objet premier du texte. Il est donc évident qu’il ne faut pas supprimer cet article. En revanche, on peut s’interroger sur leur dénomination – nous y reviendrons.
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous touchons là au cœur des contradictions qui agitent certains d’entre nous : on ne peut pas à la fois œuvrer pour permettre à toutes les personnes en fin de vie qui en ont besoin d’accéder aux soins palliatifs, et accepter que cet accès soit limité faute de places dans les structures existantes. Ces maisons sont une solution alternative et complémentaire des unités existantes pour répondre à l’intégralité des besoins.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). En un an, nous avons progressé : nous avons une idée plus précise de ce que seront les maisons d’accompagnement, même si tout n’est pas encore parfaitement clair. Quelle sera leur place dans l’offre de soins palliatifs ? S’agira-t-il principalement d’un logement alternatif au domicile ou d’un lieu d’accueil médicalisé ? Quel sera leur niveau de médicalisation, et quels seront les personnels présents ?
La ministre a parlé de « maisons de répit » : cela me semble prêter à confusion, car le terme de répit est associé aux aidants de malades atteints d’autres pathologies lourdes pour les familles, comme Alzheimer.
En tout cas, les choses doivent encore être affinées, et c’est l’une des vertus de nos débats. Il ne faut donc surtout pas supprimer cet article.
M. Patrick Hetzel (DR). J’entends les arguments de mes collègues : ces lieux complémentaires répondent à un besoin, même si ce n’est pas le cœur du texte. L’objectif de mon amendement n’était pas de nous priver d’un débat effectivement intéressant et je suis tout prêt à le retirer pour que l’on réfléchisse ensemble aux orientations de ces maisons, pourvu que le texte mentionne clairement qu’elles n’ont pas vocation à se substituer aux USP et précise comment elles s’intégreront dans l’offre de soins.
L’amendement est retiré.
Amendement AS64 de M. Thibault Bazin
Mme Justine Gruet (DR). Compte tenu des difficultés à financer les dispositifs existants, cet amendement tend à soumettre la création des maisons d’accompagnement à une expérimentation de trois ans, afin d’en évaluer la pertinence avant, le cas échéant, de les généraliser.
M. le rapporteur. Les financements sont d’ores et déjà prévus, à hauteur de 1 million d’euros par an et par maison. Des structures de ce genre existent d’ailleurs déjà sur le territoire : elles fonctionnent bien, mais elles opèrent en dehors de tout cadre légal. Dès lors, pourquoi passer par une expérimentation ? D’autant que ces maisons permettront de libérer de la place dans les USP – sans avoir vocation à s’y substituer, je le rappelle.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Combien de ces maisons existe-t-il ?
Quant à l’enveloppe prévue par l’État, elle peut paraître importante, mais elle est en réalité très faible pour supporter à la fois les coûts de fonctionnement et les nécessaires investissements dans le bâti.
M. le rapporteur. Cette enveloppe couvre uniquement les frais de fonctionnement. Aujourd’hui, de telles maisons existent et répondent bien aux besoins ; elles manquent seulement d’un cadre légal.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Justement, pouvez-vous illustrer ce que sont ces maisons d’accompagnement ? Par exemple, combien de personnes accueillent-elles ? Est-ce plutôt un logement alternatif pour les patients dont le domicile ne serait pas adapté ou un lieu d’accueil médicalisé ? Nous savons que ces maisons seront adossées à des établissements de santé, mais quel en sera le niveau de médicalisation ? Du personnel médical ou paramédical sera-t-il présent ?
M. Philippe Vigier (Dem). J’imagine que le déploiement de ces structures fera l’objet d’un appel à projets : les départements dépourvus d’USP seront-ils prioritaires ? Il ne faudrait d’ailleurs pas que les maisons d’accompagnement y soient développées au détriment des USP manquantes.
Ensuite, comment travaillerez-vous avec les conseils départementaux ? Des mutualisations sont-elles envisagées ?
Enfin, le statut de ces maisons est important, car il détermine leur encadrement et leurs responsabilités. Seront-elles publiques ou privées ? Dans ce second cas, auront-elles une délégation de service public ? Constitueront-elles un service public territorial de santé créé sui generis ? Pour éviter toute dérive et transformer l’essai, il faut répondre à toutes ces questions. L’essentiel, c’est que la qualité de l’accueil, de l’accompagnement et des soins délivrés soit à la hauteur des enjeux et surtout du patient.
M. le rapporteur. Vous trouverez la ventilation des coûts annuels de fonctionnement pour chaque maison dans le rapport. Par exemple, les fonctions administratives sont couvertes par 0,6 équivalent temps plein (ETP) – 0,1 pour le directeur, 0,5 pour les agents administratifs. Sur le plan logistique – ouvriers, agents de service général ou de service hospitalier – on compte 3 ETP. Les soins d’accompagnement seront couverts par 0,2 ETP pour les médecins – il est prévu de faire appel à la médecine de ville –, 2 ETP pour les infirmières, 5,4 ETP pour les aides-soignants et 2,7 ETP pour les accompagnants éducatifs et sociaux. Au total, le budget annuel de ces maisons d’accompagnement est estimé à 970 000 euros pour douze à quinze personnes accueillies.
Monsieur Vigier, le cahier des charges devrait être prêt d’ici cet été. Je vous invite à interroger le Gouvernement sur ce point lors de la séance.
Tout est prêt, il faut y aller : pas la peine d’attendre une expérimentation. Ces structures sont attendues et permettront de libérer des places dans les USP.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS281 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS581 de M. François Gernigon et AS203 de Mme Hanane Mansouri (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Non seulement les maisons d’accompagnement ne répondront pas aux besoins, mais le risque est grand que, faute de moyens humains et financiers, elles deviennent des lieux de soins dégradés qui finissent par se substituer aux USP, ou empêchent leur création dans les départements qui en sont dépourvus. En outre, le terme d’accompagnement étant flou, le soupçon subsiste : ne seraient-elles pas créées dans le but principal d’offrir un lieu où recevoir l’aide à mourir ?
Il faut absolument préciser les missions de ces maisons et leur intégration dans l’offre de soins palliatifs existante. Les patients hospitalisés en USP rentrent chez eux quand ils vont mieux : qu’en sera-t-il avec ces nouvelles structures ? Les USP offrent un accompagnement de qualité et les patients s’y sentent bien. Il ne faudrait pas que le développement des maisons d’accompagnement – dix par an pendant dix ans – se fasse au détriment de la création de nouvelles unités, voire conduisent à leur fermeture. En outre, un quart des médecins en soins palliatifs quitteront leur poste dans les prochaines années. Malgré les efforts de formation, nous connaîtrons donc de grosses difficultés en termes d’effectifs.
Pour toutes ces raisons, je propose de corriger la dénomination de ces structures, qui ne sont pas des maisons d’accompagnement mais des maisons de soins palliatifs.
M. le rapporteur. Mon amendement tend à baptiser ces structures « maisons de répit et de soins palliatifs ».
Mme Hanane Mansouri (UDR). Le terme d’accompagnement s’éclaircit à mesure que nos débats avancent. Si les maisons d’accompagnement n’ont pas pour seule vocation d’étoffer l’offre en soins palliatifs, je voterai contre leur création. Dans un souci de clarté, je propose donc de les baptiser « maisons de vie ».
M. le rapporteur. Avis défavorable aux amendements AS281 et AS203.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les maisons d’accompagnement seront un lieu de prise en charge alternatif, où il sera possible d’être suivi par son médecin de ville, une infirmière libérale ou une équipe mobile de soins palliatifs – exactement comme à domicile. La circulation entre les USP, le domicile et ces structures sera libre, et il sera donc tout à fait possible à un patient qui y séjournerait de sortir pour mourir à son domicile s’il le préfère.
Par ailleurs, je ne suis pas favorable au changement de dénomination. Le terme de répit surtout serait source de confusion, car dans l’imaginaire collectif, il est associé aux aidants. Le terme d’accompagnement est plus positif est illustre mieux l’objet de ces structures.
M. Yannick Monnet (GDR). Plutôt que de nous focaliser sur une dénomination, commençons par préciser le rôle de ces maisons – nous proposerons un amendement AS328 à cet effet. Elles doivent être des lieux alternatifs et intermédiaires, accueillant des personnes qui n’ont plus de raison d’être hospitalisées en USP mais pour qui le retour à domicile est compliqué pour différentes raisons.
D’ailleurs, on entend beaucoup que les gens veulent rester chez eux, mais ce n’est pas forcément vertueux : le domicile peut aussi être source d’isolement. Il est donc important que des patients puissent être accompagnés en fin de vie dans des structures intermédiaires.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Des maisons qui sont intermédiaires tout en étant alternatives... Je voudrais être sûr de bien comprendre. Me confirmez-vous, monsieur le rapporteur, que leur financement est fixé pour l’année et ne dépend pas de leur taux d’occupation ? Les patients pourront-ils y séjourner à la journée, comme cela existe pour le répit des aidants, ou encore à la semaine ? Sont-ils censés en repartir ? Les équipes mobiles de soins palliatifs pourront-elles y intervenir ?
Je ne suis pas très favorable à la dénomination de « maisons de répit et de soins palliatifs ». J’ai peur que le terme de répit, qui est associé aux maladies neurodégénératives, ne prête à confusion. En tout état de cause, avant de les baptiser, il faut savoir à qui ces structures s’adressent : aux aidants, aux patients ? Précisons leur rôle d’abord.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Aujourd’hui, tous les dispositifs dits de répit sont effectivement destinés à des aidants. Il existe même à Montpellier des séjours de répit qui accueillent les familles monoparentales, pour offrir une pause aux mamans. Ce terme générerait donc de la confusion, et ne correspond en outre pas aux missions des maisons. Celui d’accompagnement est bien plus adapté à ces structures innovantes, qui offrent un logement alternatif permettant la prise en charge palliative.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La terminologie est importante : c’est le fond qui remonte à la surface. Pour notre part, nous préférons le terme « maisons d’accompagnement » – c’est l’objet de notre amendement AS419. Il nous semble plus fidèle à l’objet du texte et il reflète davantage le statut intermédiaire de ces structures à mi-chemin entre les établissements sanitaires et médico-sociaux. Ces maisons, où seront assurés tous les actes qui ne relèvent pas strictement des soins curatifs ou palliatifs, pourront accueillir des patients dont le traitement est stabilisé mais qui ne souhaitent pas être sans cesse ballottés d’un endroit à l’autre.
Nous ne sommes pas d’accord avec les autres dénominations proposées. Comme cela a été souligné, il existe déjà des maisons de répit. Elles accueillent des publics divers – tantôt des aidants, tantôt des personnes dépendantes, tantôt des proches de personnes malades – pour des raisons et dans des conditions très différentes. Nommer ainsi les maisons d’accompagnement pourrait déstabiliser les personnes en parcours palliatif, ce que nous ne voulons pas.
Nous sommes également fermement opposés à l’idée de les baptiser « maisons de vie » pour ne pas heurter les personnes accueillies, qui sont précisément dans leurs derniers moments d’existence, ni leurs proches. (Exclamations parmi les députés du groupe Rassemblement National.) Faites-vous plaisir avec des slogans si cela vous chante, mais c’est avant tout aux personnes qui y seront prises en charge qu’il faut penser. Votre formule va complètement à rebours de leurs attentes.
M. Julien Odoul (RN). Quelles que soient nos opinions et notre sensibilité, nous cherchons tous à mieux accompagner les patients en fin de vie. Mais, à l’heure de la simplification, il nous est proposé de complexifier un système qui fonctionne très bien et que le monde entier nous envie : l’USP.
Les USP, malheureusement encore trop peu nombreuses dans le territoire, sont déjà un lieu de répit, d’accompagnement et, n’en déplaise à M. Clouet, de vie. Elles sont d’ailleurs l’essence même de la vie, avec leur approche particulière, d’une totale humanité. Contrairement à ce que certains laissent entendre, elles ne sont d’ailleurs pas que des lieux ultramédicalisés : au-delà des soins, elles offrent une approche holistique et individualisée, un accompagnement humain et spirituel.
Je ne vois donc pas quelle serait la plus-value de cette structure hybride que seraient les maisons d’accompagnement, à part générer de la confusion et créer une concurrence contre-productive en captant des soignants qui manqueront demain dans les USP. Développons les USP, qui fonctionnent bien, plutôt que de créer des structures qui ne seront qu’une passerelle vers l’euthanasie ou le suicide assisté.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis particulièrement défavorable à l’amendement de Mme Mansouri. La dénomination « maisons de vie » fait penser aux maisons de naissance, développées pour pallier le manque de maternités, qui accueillent les futures mères à l’approche de leur accouchement. Rien à voir avec notre sujet ! Vous êtes dans une confusion absolue.
Depuis le début du texte, je ne cesse de demander où est le patient dans tout cela. C’est lui qu’on accompagne. Or une dénomination est fortement évocatrice. Si l’on parle de maison d’accompagnement, tout est dit. Au contraire, la vie va de la naissance à la mort ; or ces maisons n’ont pas vocation à accueillir tout le monde.
Par ailleurs, chacun a bien compris que ces maisons seront une alternative dans les départements dépourvus de services de soins palliatifs dédiés. Mais le suivi médical reposera alors essentiellement sur les généralistes. Or nous n’en avons déjà pas assez, notamment dans les Ehpad. Cela risque de compliquer les choses.
Je sais le président très attaché au développement de missions transversales pour la médecine libérale. Ce qui m’importe, à moi, c’est qu’il s’agisse d’un service public territorialisé, au besoin à travers une délégation de service public, avec des engagements, des contrôles et une évaluation.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je ne suis pas non plus favorable au terme de répit, de nature à générer une confusion avec les aidants qui me semble préjudiciable – je l’ai d’ailleurs dit à la ministre lors de son audition.
Monsieur Odoul, les USP sont vouées à prendre en charge les cas les plus complexes. Les maisons d’accompagnement, elles, sont des structures intermédiaires qui accueilleront des personnes qui ne peuvent plus rester à domicile mais pour qui l’hôpital n’est pas, ou plus, vraiment nécessaire. C’est le cas de cette mère solo que j’ai rencontrée, qui refuse de rentrer chez elle car elle ne veut pas que son enfant de 13 ans la voie dans cet état, voire qu’il la découvre morte un matin. Ces maisons ont donc toute leur légitimité.
Au reste, c’est la seule mesure de la stratégie décennale qui relève du domaine législatif. Tout l’intérêt d’inscrire le principe de telles structures dans la loi est de leur assurer un statut juridique et de sécuriser leur modèle de financement, grâce à un sous-objectif dédié de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie – le ministre Neuder l’a confirmé hier. Pour le reste, leur dénomination importe peu : de toute façon, elles seront baptisées – par exemple, celle que j’ai inaugurée s’appelle L’Astrolabe.
Mme Hanane Mansouri (UDR). Monsieur Clouet, nous sommes en vie jusqu’à la mort ; je ne comprends donc pas votre point de vue. Le mot « vie » est tout de même plus clair que le mot « accompagnement ».
Par ailleurs, j’entends que ces maisons puissent être utiles pour les cas intermédiaires, mais elles représentent aussi une passerelle des soins palliatifs vers l’euthanasie et le suicide assisté. Dans ce cas, je ne vois pas l’intérêt d’avoir scindé le projet de loi initial en deux textes distincts.
Mme Justine Gruet (DR). Je crois que nous reconnaissons tous l’importance de ces structures. En effet, notre société a beaucoup médicalisé la mort, d’autant que notre accompagnement financier de la perte d’autonomie est insuffisant – pour les personnes âgées ou en situation de handicap, le reste à charge est faramineux. Ouvrir directement un nouveau droit alors qu’on n’a pas su financer la perte d’autonomie est source de risques. Quoi qu’il en soit, les maisons d’accompagnement sont nécessaires pour démédicaliser la mort.
Cela étant, il faut que nous acceptions que les patients qui requièrent des soins palliatifs de long terme, associés à un accompagnement psychologique de leurs proches, ne sont pas dans la même temporalité que les malades engagés dans un processus d’aide active à mourir, plus rapide. Il serait déplacé que ces derniers prennent la place des patients qui ont besoin de soins au long cours au sein des maisons d’accompagnement. Dès lors, il faudrait certainement que l’aide active à mourir ne puisse survenir en ces lieux que si les patients y ont préalablement reçu des soins palliatifs.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS419 de M. René Pilato
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement vise à simplifier et à clarifier l’identité juridique des maisons d’accompagnement. Ce sont des structures hybrides, collectives, pluridisciplinaires, à mi-chemin entre la dispense de soins médicaux et l’aide médico-sociale. Cela a été très bien dit, il s’agit aussi d’espaces destinés aux patients qui ne souhaitent pas rester chez eux dans des moments difficiles, afin de ne pas imposer à leurs proches des choses qu’ils n’ont pas envie de partager. Ces maisons permettent une vie sereine, dans un environnement peu médicalisé mais parfaitement adapté.
M. le rapporteur. Vous proposez de revenir à la dénomination de « maison d’accompagnement » prévue dans le projet de loi initial mais qui, depuis hier, ne satisfait plus une majorité de nos collègues.
Je demande donc le retrait de l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Cet amendement tend à supprimer les mots « de soins palliatifs », ce qui signifie qu’ils ne seraient pas dispensés dans les maisons d’accompagnement, alors même que l’article 8 prévoit de former des professionnels dans ce domaine.
M. le rapporteur. N’ayez crainte, les questions de formation sont bien traitées à l’article 8. Par ailleurs, nous avons vu quels professionnels travailleront dans les maisons d’accompagnement, où la médecine de ville sera également présente. Il n’y a pas de difficulté.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Hier et ce matin, une très large majorité s’est dégagée pour préserver la notion d’accompagnement. En qualifiant les structures de « maisons d’accompagnement », le présent amendement simplifierait leur statut juridique : situées entre les pôles sanitaires et les pôles médico-sociaux, elles ne seraient pas considérées comme des établissements de santé et il n’y aurait pas de lien organique et automatique avec les autres types d’établissement.
Madame Mansouri, la dénomination de la structure n’a pas pour objet de décrire ce qui s’y passe, mais de se projeter sur la mission qu’on lui donne. Il est évident que des gens vont vivre dans ces maisons, parfois jusqu’à leur dernier moment. La question est de savoir quelle sera la spécificité des lieux. Pourquoi les créons-nous ? Il me semble que l’objectif n’est pas d’accueillir des patients pour qu’ils y vivent, mais pour qu’ils y souffrent le moins possible, en l’occurrence grâce à un accompagnement qui prend la forme d’un parcours pluridisciplinaire construit autour de soins, mais aussi de pratiques de confort et de soulagement. C’est pourquoi la dénomination « maison d’accompagnement » nous semble préférable aux autres.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je le redis, les maisons d’accompagnement doivent constituer une nouvelle gradation dans la prise en charge des malades. On y est accueilli lorsqu’il n’est plus nécessaire d’être pris en charge dans une USP. Qu’elles s’appellent « maisons d’accompagnement et de soins palliatifs », comme l’Assemblée l’a souhaité en juin dernier, ou simplement « maisons d’accompagnement », comme à l’origine, il a toujours été prévu qu’elles permettent une prise en charge palliative. Il ne s’agit ici que de fixer un statut juridique, je rejoins la position de M. Clouet sur ce point.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). À l’inverse, je suis contre cet amendement. Nous avons toujours peur de préciser les choses. Qui accompagne-t-on dans les maisons d’accompagnement, que s’y passe-t-il ? On y accompagne des personnes nécessitant des soins palliatifs. Disons les choses !
M. le rapporteur. Je rappelle qu’à l’article 1er, nous parlons de maisons d’accompagnement et de soins palliatifs. Je propose d’en rediscuter lors de l’examen du texte en séance.
La commission rejette l’amendement.
La réunion s’achève à douze heures cinquante-cinq.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné M. Salvatore Castiglione rapporteur sur la proposition de loi visant à généraliser la connaissance et la maîtrise des gestes de premiers secours tout au long de la vie (n° 1229).
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Eddy Casterman, M. Hadrien Clouet, M. Stéphane Delautrette, Mme Sandrine Dogor‑Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Julie Laernoes, M. Michel Lauzzana, Mme Élise Leboucher, M. Vincent Ledoux, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés – M. Didier Le Gac, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Estelle Youssouffa
Assistaient également à la réunion. – M Eric Liégeon, M. Christophe Naegelen