Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; M. Stéphane Delautrette, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso et M. Laurent Panifous, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................39
Vendredi
11 avril 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 70
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à quinze heures cinq.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; M. Stéphane Delautrette, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso et M. Laurent Panifous, rapporteurs).
Article 2 (suite) : Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci
Amendement AS29 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Comme vous le savez, la Suisse a autorisé le suicide assisté, à condition que la personne se donne elle-même la mort. M’inspirant de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), je propose de réécrire l’article 2 de la manière suivante : « L’assistance au suicide est l’acte accompli dans l’intention de permettre à une personne capable de discernement de mettre fin à ses jours, après la prescription de médicaments par un médecin à des fins de suicide. » Ce faisant, nous nous rapprocherions aussi fortement du dispositif en vigueur en Oregon, où les statistiques indiquent que de nombreuses personnes ne viennent pas récupérer la substance après qu’elle leur a été prescrite et que 40 % de celles qui le font décident in fine de ne pas l’utiliser.
Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet amendement aurait pour conséquence de supprimer le cadre global du texte. Il ne serait ainsi plus fait mention des notions d’accompagnement et de dignité, ni de la possibilité, pour un tiers, d’administrer la substance létale. Quant à la méthode retenue par l’Oregon, s’il est vrai que nous nous y étions référés l’an dernier, nous avons maintenant un texte adapté à la France.
Avis défavorable.
M. Nicolas Turquois (Dem). Cette proposition est conforme à la position de notre collègue Hetzel, que je respecte, mais elle fait référence à l’assistance au suicide, ce qui n’est pas l’objet du texte. De plus, il n’est pas précisé à quel emplacement du code de la santé publique la disposition trouverait sa place. Il s’agit donc davantage d’une définition de l’assistance au suicide, que nous aurions pu trouver dans le Petit Robert. Je ne soutiendrai pas cet amendement.
M. Philippe Juvin (DR). Pourriez-vous expliquer, madame la rapporteure, ce que signifie « un texte adapté à la France » ?
Par ailleurs, cette rédaction ne vient pas du Petit Robert, mais de l’Académie suisse des sciences médicales. Elle a donc été réfléchie et elle est utilisée.
Mme la rapporteure. « Adapté à la France », c’était une manière de parler. Je voulais dire que c’est ainsi que son auteur l’a rédigé – mais vous l’aviez compris.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS30 de M. Patrick Hetzel, AS697 de M. Christophe Bentz, AS933 de Mme Christine Loir et AS1048 de M. Philippe Juvin, amendements AS111 de Mme Justine Gruet, AS788 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS503 de M. Yannick Monnet, AS669 de M. René Pilato, AS593 de Mme Annie Vidal et AS504 de Mme Karine Lebon (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (DR). Dans le prolongement des débats que nous avons eus ce matin, je propose, avec mon amendement, d’utiliser les termes « euthanasie » et « suicide assisté », explicitement employés dans une récente tribune par les présidents de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) et de la Mutuelle générale de l’éducation nationale – personnalités qu’on ne saurait qualifier d’adversaires de ce texte.
M. Christophe Bentz (RN). Par mon amendement, j’offre la possibilité à M. le rapporteur général de nous expliquer en quoi administrer une substance létale à un corps vivant qui, après, sera mort n’est pas de l’euthanasie et en quoi s’auto‑administrer une telle substance n’est pas un suicide, fût-il assisté.
Mme Christine Loir (RN). Pourquoi ne pas nommer les choses pour ce qu’elles sont ? Alors que la proposition de loi est très lourde d’implications, la terminologie « aide à mourir » en fait perdre le sens même. En effet, par ces mots, cet article laisse croire que soigner, c’est donner la mort ; que l’accompagnement, c’est en réalité y mettre fin. Pour garantir la clarté de la loi et la sincérité de nos débats, il est essentiel que les mots soient choisis avec justesse. La médecine soigne, soulage, accompagne ; elle ne tue pas.
M. Philippe Juvin (DR). « J’ai compris que tout le malheur des hommes venait de ce qu’ils ne tenaient pas un langage clair » : ces mots sont d’Albert Camus, dans La Peste. De l’aide à mourir, je répète que nous en faisons déjà. Ce dont nous parlons ici, c’est d’aide active à mourir, d’euthanasie, de suicide assisté, mais en aucun cas d’une aide à mourir.
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS111 est défendu.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). D’après une enquête réalisée du 11 au 14 mars par Flashs pour LNA Santé, 49 % des Français ignorent la différence entre l’aide à mourir, le suicide assisté et l’euthanasie. Votre volonté d’inscrire les termes « aide à mourir » dans le code de la santé publique est une manipulation sémantique, dans la mesure où le dispositif prévu est l’administration d’une substance létale. L’objectif poursuivi par la prescription et l’administration d’un tel produit n’est ni thérapeutique, ni préventif ; cette aide à mourir n’est pas un acte médical. La compréhension de ce qui va être légalisé n’est donc pas assurée.
Vous procédez à une rupture anthropologique et faites un choix de société dont les plus faibles seront les premières victimes. Nous demandons donc d’opter pour des mots plus compréhensibles pour le grand public – en l’espèce, « mort programmée ».
M. Yannick Monnet (GDR). Ces amendements visent tous à modifier l’alinéa 3, mais ils n’ont pas le même objet. Mon amendement tend à réaffirmer que l’aide à mourir est un droit, donc qu’elle est garantie par la loi. Un tel ajout serait d’ailleurs de nature à répondre à de nombreuses inquiétudes. En effet, un droit s’encadre, notamment en décidant de conditions d’accès, mais un principe beaucoup moins. En adoptant cet amendement, nous aurions une discussion plus saine et un texte davantage conforme à notre objectif.
M. René Pilato (LFI-NFP). Mon amendement est presque identique à celui de M. Monnet. Comme lui, j’estime qu’il est important d’inscrire dans la loi que l’aide à mourir est un droit.
Mme Annie Vidal (EPR). Par mon amendement, je souhaite pour ma part retenir l’expression « aide active à mourir ». En effet, l’aide à mourir correspond à plusieurs choses : une prise en charge par des soins palliatifs, une prise en charge dans un service de soins, une sédation continue, la présence d’un proche. Il me semble donc important d’ajouter le terme « active », car il est ici question d’ouvrir un droit spécifique permettant d’accéder à une substance létale. Cette terminologie permettrait en outre d’éviter les mots « euthanasie », dont je reconnais la brutalité et la violence, et « suicide assisté », qui pourrait heurter à juste titre celles et ceux qui luttent contre cet acte. Au fond, il s’agit d’une formulation médiane entre les différentes propositions ici examinées et la rédaction du rapporteur général.
M. Yannick Monnet (GDR). Outre notre volonté de faire de l’aide à mourir un droit, nous souhaitons préciser qu’il s’agit d’une aide « médicale », afin d’insister sur le fait que l’acte s’inscrit dans un parcours encadré par des professionnels de santé.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cher collègue Hetzel, je trouve savoureux que vous me reprochiez de ne pas suivre les préconisations de l’ADMD. Cependant, je ne le ferai pas car, en tant que législateurs, nous devons suivre notre conscience. Pour ma part, je souhaite retenir l’expression « aide à mourir », qui est claire, simple et compréhensible par toutes et tous. Préciser qu’il s’agit d’un droit me semble superfétatoire car c’est l’objet même de l’article.
Je ne reviendrai pas sur le débat sémantique sur les termes « euthanasie » et « suicide assisté », sachant qu’ajouter le mot « active » ne me semble pas non plus pertinent.
Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’aide à mourir sera un nouveau droit pour les patients ; nous l’affichons. Plus généralement, moins nous requalifions cette formulation, mieux ce sera. Pourquoi, d’ailleurs, cette aide serait plus active qu’autre chose ? Il n’existe pas d’intervention passive. Quant à préciser qu’il s’agit d’une aide médicale, cette terminologie aurait un double sens et réattribuerait le geste aux médecins. Gardons-nous, enfin, d’utiliser des mots aussi excessifs que « mort programmée », particulièrement sur un tel sujet. L’aide à mourir est un accompagnement dont le nom se suffit à lui-même.
Mme Annie Vidal (EPR). Je précise simplement que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et le Conseil économique, social et environnemental, organismes sur lesquels nous pouvons raisonnablement nous appuyer, parlent d’aide active à mourir.
Mme Hanane Mansouri (UDR). S’agissant de l’euthanasie et du suicide assisté, nous connaissons la position du rapporteur général – position que je ne partage ni ne comprends.
En revanche, il ne s’est pas prononcé sur les mots « mort programmée », qui ne me semblent pas excessifs. C’est un fait : si cette proposition de loi est adoptée, nous pourrons prévoir la mort de quelqu’un à un moment précis. Cette formulation me paraît donc juste.
M. Christophe Bentz (RN). Vous n’avez pas répondu à ma question, monsieur le rapporteur général. Les Français ont pourtant le droit d’être éclairés, notamment sur la définition de l’aide à mourir. Le sondage auquel ma collègue Dogor-Such a fait référence le montre : ils ne savent pas s’il y a une équivalence entre l’aide à mourir et l’euthanasie, ni ce que ces termes recouvrent concrètement. Les législateurs que nous sommes doivent clarifier les choses sur le plan linguistique.
Je répète mes questions. L’administration d’une substance létale à un être humain qui, ensuite, sera mort, n’est-elle pas une euthanasie ? Et dans le cas d’une autoadministration de cette substance, ne s’agit-il pas d’un suicide, fût-il assisté ?
M. Patrick Hetzel (DR). La formulation est importante, car certains soignants pourraient être choqués par la manière dont nous utilisons certains termes. En effet, jusqu’à ce jour, dans toutes nos unités de soins palliatifs, l’aide à mourir a été pratiquée, mais je répète qu’elle ne consistait pas en l’administration d’une substance létale. Or nous allons utiliser ce terme, qui correspond donc déjà à une pratique professionnelle, pour qualifier ce nouvel acte. Voilà pourquoi il faut de toute évidence choisir d’autres mots.
Vous le savez, je fais partie de ceux qui plaident pour les termes « euthanasie » et « suicide assisté ». Mme Vidal, elle, propose de parler d’aide « active » à mourir, afin d’éviter toute confusion et de ne pas semer le trouble chez les soignants. De fait, il ne faudrait pas assimiler leur pratique de l’aide à mourir avec l’administration d’une substance létale.
Notons enfin que cet article tend à modifier le code pénal qui, je le rappelle, interdit l’homicide, quelle que soit la manière de le commettre. Il y a donc bien une rupture anthropologique. Normalement, nous allons vers plus de protection : là, nous faisons le chemin inverse. Jusqu’à présent, seules des circonstances atténuantes pouvaient être reconnues. Désormais, un homicide, certes réalisé à la demande de la personne, pourra être pratiqué. Cela recoupe notre discussion de ce matin au sujet du suicide, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je souhaite convaincre M. le rapporteur général de préciser qu’il s’agit d’un droit. Peut-être est-ce superfétatoire, mais inscrire dans la loi que nous créons un droit à une fin de vie digne serait un geste fort. À l’instar de nombreuses associations, j’estime que cela n’enlèverait rien et ne représenterait aucun danger de permettre à chaque citoyen – je l’espère – de se prévaloir de ce droit.
S’agissant de l’aide active à mourir et des autres termes proposés, nous aurons ici une divergence tout au long de nos débats. La sédation profonde est une forme d’aide à mourir, nécessitant l’utilisation d’une substance dont on ne se remet pas : c’est une question de temps, non de nature de l’acte. C’est pourquoi nous souhaitons nous en tenir à la formulation « aide à mourir », en précisant, je le répète, qu’il s’agit d’un droit pour tous.
M. René Pilato (LFI-NFP). J’adhère aux propos de Sandrine Rousseau. À écouter les uns et les autres, je suis convaincu que les mots « droit à l’aide à mourir » sont les meilleurs, car les plus englobants. Ils comprennent la sédation profonde jusqu’à la mort et le dispositif que nous examinons.
M. Thibault Bazin (DR). Le dispositif que nous examinons s’insérerait dans la section 2, « Expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie », du chapitre Ier, « Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté » – chapitre que l’article 1er du présent texte modifie –, lui-même inséré dans le titre Ier, « Droits des personnes malades et des usagers du système de santé » du livre Ier, « Protection des personnes en matière de santé » du code de la santé publique. Or, au sein de ce titre Ier, figure notamment le « refus de l’obstination déraisonnable », qui, à en croire nos discussions, peut être une forme d’aide à mourir, cependant que, dans d’autres sections du même code, de nombreuses dispositions relèvent aussi de l’aide à mourir.
Il conviendrait donc de préciser que l’administration d’une substance létale constitue une aide « active » à mourir, afin de spécifier cet acte. C’est une nécessité pour nos soignants qui, parfois, aident à mourir, sans pour autant, j’y insiste, administrer une substance létale dans l’intention d’accélérer la mort : je pense aux soins palliatifs, auxquels des droits sont associés et qui aident à mourir sans accélérer la mort.
La formulation contenue dans la proposition de loi contient donc un véritable biais. Quand une personne demande de l’aider à mourir, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle souhaite qu’on lui administre une substance létale : elle peut demander des soins palliatifs ou encore une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce n’est pas la chose, car l’intention de la personne n’est alors pas la même. Prenons donc garde aux mots que nous choisissons, sous peine de rendre la loi inintelligible aussi bien pour les patients que pour les professionnels. Il faut que chacun comprenne la portée de la demande d’aide à mourir.
M. Yannick Monnet (GDR). Je m’inscris en faux par rapport à ce que vient de dire Thibault Bazin. Les soins palliatifs ne sont pas une aide à mourir : ils sont une aide à vivre. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains professionnels des services de soins palliatifs contestent l’idée d’aide à mourir. Ils craignent que cela vienne contrer leur travail.
Par ailleurs, si nous ne précisons pas que l’aide à mourir est un droit, l’acte sera associé à celui qui l’accomplit, et non au patient qui le reçoit. En effet, nous oublions toujours que les dispositions de cet article ne s’appliqueront qu’avec le consentement éclairé du patient.
Une telle précision éviterait également certains débats. Par exemple, l’un des amendements parle de mort programmée – comme si la mort pouvait l’être –, alors que ce n’est absolument pas l’objet du texte. La notion de droit me semble donc fondamentale, en ce qu’elle renvoie aux patients.
M. Philippe Juvin (DR). Notre collègue Pilato dit avoir été convaincu que la formulation « aide à mourir » est la plus englobante mais, en réalité c’est tout le contraire. L’alinéa 6 dispose en effet expressément que l’aide à mourir se définit comme une injection létale.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nouvelle surprise de taille : après Patrick Hetzel qui me reproche de ne pas suivre les recommandations de l’ADMD, notre collègue Bazin, lui, se démarque des professionnels des services de soins palliatifs en prétendant qu’ils pratiquent l’aide à mourir. Pour ma part, je les ai toujours entendus dire qu’ils étaient là pour aider à vivre – raison pour laquelle, d’ailleurs, ils nous reprochent parfois de vouloir légaliser l’aide à mourir. La fin de vie, c’est encore la vie, jusqu’au bout. La notion d’aide à mourir, elle, concerne les situations insupportables pour un patient condamné par la maladie et qui n’en peut plus.
Monsieur Bentz, sans revenir sur le débat sémantique, les mots « euthanasie » et « suicide assisté » sont connotés. Personne, par exemple, n’oserait parler de « collaboration franco-allemande » pour parler de l’amitié entre nos deux pays. De la même manière, ce matin, quelqu’un a utilisé l’expression « solution ultime », mais il n’aurait jamais parlé de « solution finale »... Selon moi, les mots « euthanasie » et « suicide assisté », tout comme la formulation « mort programmée », me semblent également inutilisables, inopportuns et inadaptés – même si je ne vous fais pas le reproche de les proposer. La loi doit être claire, simple, limpide.
Quant à la proposition d’inscrire dans le titre de la section 2 bis du code de la santé publique que nous souhaitons créer que l’aide à mourir est un droit, elle ne me paraît davantage opportune, car l’article 3 l’indique déjà textuellement. Cette mention a selon moi davantage sa place dans le corps de la loi que dans un titre.
Je renouvelle donc mon avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, afin de conserver la formule simple d’aide à mourir.
La commission rejette les amendements identiques.
Elle rejette successivement les amendements AS111 et AS788 puis adopte l’amendement AS503.
En conséquence, les amendements AS669, AS593 et AS504 tombent.
Amendement AS698 de M. Christ ophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Par cohérence avec nos amendements de suppression, celui-ci vise à poser un principe de précaution. Avant d’entamer un débat sur l’aide à mourir, il faut que nous ayons une réponse politique au sujet de la prise en charge de la souffrance. Je redonne ce triste chiffre : 500 Français meurent chaque jour sans avoir bénéficié d’un accès effectif aux soins palliatifs alors qu’ils en avaient besoin. Or nous ne pouvons dire à ces 200 000 personnes par an que l’alternative est de continuer à souffrir ou d’aller vers une mort provoquée ; d’où l’importance de développer au plus vite les soins palliatifs partout et pour tous, préalable, je le répète, au débat sur l’aide à mourir.
Mme la rapporteure. Comme vous n’êtes pas parvenu à supprimer l’article dans son ensemble, vous essayer de supprimer ses différents alinéas. En l’occurrence, vous revenez sur les soins palliatifs ; à cet égard, il est évident que nous ne répondrons jamais à toutes les souffrances. Quand bien même un territoire deviendrait surdoté en soins palliatifs, il y aurait encore des souffrances réfractaires et des personnes pour demander une aide à mourir. C’est pour aider et écouter ces patients et pour protéger les soignants qui veulent participer qu’il faut conserver les dispositions du texte.
M. Thibault Bazin (DR). Sans vouloir vous priver de certains plaisirs, monsieur le rapporteur général Falorni, je ne cherche qu’à être cohérent avec ce que nous entendons de la part des professionnels. Vous et moi avons d’ailleurs souvent participé aux mêmes auditions ces dernières années. À cet égard, dans une interview croisée avec la ministre Astrid Panosyan-Bouvet parue dans Le Figaro, Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), a déclaré : « J’évite de parler d’aide à mourir, car c’est ce que je fais depuis vingt-cinq ans. » Quand elle prononce cette phrase, je pense qu’elle parle de l’accompagnement de personnes en fin de vie. Je ne crois donc pas avoir dit quelque chose d’incohérent : certains professionnels ont le sentiment d’aider des personnes qui vont mourir en les accompagnant.
Une « aide » peut ainsi consister en un soulagement jusqu’à une mort accélérée par l’intermédiaire d’une substance létale, mais aussi en un accompagnement sans administration d’un tel produit. Une fois qu’une personne a bénéficié de soins palliatifs après avoir demandé de l’aide, elle ne souhaite plus, la plupart du temps, l’éventuelle administration d’une substance létale. Dans ce colloque singulier entre le patient et le médecin, il ne faudrait pas que la demande d’aide et de soulagement soit mal interprétée. Les mots ont un sens : il faut que nous soyons extrêmement précis et intelligibles.
M. Christophe Bentz (RN). Oui, il y a bien deux textes, mais l’étanchéité que nous demandons n’est pas assurée. J’ai beaucoup parlé de l’aide à mourir pendant l’examen du texte sur les soins palliatifs ; je vais beaucoup parler, comme je vous l’ai promis, des soins palliatifs pendant l’examen du texte sur l’aide à mourir. Je veux démontrer cette porosité que je dénonce. Je ne trouve d’ailleurs pas normal qu’une discussion générale commune soit prévue pour l’examen en séance publique.
Je ne suis pas médecin en soins palliatifs, mais j’en ai rencontré beaucoup. Ils disent que, oui, l’ensemble des pathologies, des souffrances, des douleurs peuvent être prises en charge par les soins palliatifs. D’où notre insistance sur ce sujet.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur Bazin, vos inquiétudes ont été entendues : le texte prévoit de nombreux mécanismes qui permettent de faire marche arrière à n’importe quel moment et de renoncer à l’aide à mourir, mais aussi d’accéder en permanence aux soins palliatifs. Le processus est sécurisé : à plusieurs reprises, on vérifie que la personne est toujours d’accord. La proposition de loi a été longuement pesée, notamment avec vous lorsqu’elle a été débattue pendant la législature précédente.
M. Patrick Hetzel (DR). L’introduction d’un geste létal est très troublante : c’est une rupture avec l’idée même de soin.
Nos amendements peuvent paraître nominalistes, mais ces questions terminologiques sont tout sauf anodines. Les soins d’accompagnement et les droits des malades ne peuvent pas comprendre l’assistance médicale à mourir ; les soins palliatifs ne peuvent devenir ni la caution, ni l’alternative de l’acte létal. C’est pourquoi nous demandons une étanchéité nette entre les deux textes.
L’aide à mourir est un changement de nature. Il n’y a pas de continuum : un geste létal n’est pas la suite logique d’un acte de soin ! Je ne suis pas soignant, mais je ne peux pas m’imaginer dans une démarche pareille. C’est une rupture anthropologique, une rupture avec les valeurs fondamentales de l’engagement professionnel. Peut-on prendre en considération cette réflexion ?
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS865 de Mme Lisette Pollet, AS32 de M. Patrick Hetzel et AS942 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS113 de Mme Justine Gruet et AS254 de M. Thibault Bazin, amendements AS791 de Mme Marie-France Lorho, AS31 de M. Patrick Hetzel, AS253 de M. Thibault Bazin et AS861 de Mme Danielle Simonnet
Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement vise à rétablir les termes justes. Aider une personne à injecter dans son corps un poison n’est pas une aide à mourir : c’est aider quelqu’un à se suicider. Injecter un poison à quelqu’un, même à sa demande, ce n’est pas de l’aide à mourir, c’est une euthanasie.
M. Patrick Hetzel (DR). Les Pays-Bas parlent de « contrôle de l’interruption de la vie sur demande » et d’« aide au suicide ». La loi belge est « relative à l’euthanasie ». La loi espagnole est intitulée « loi de régulation de l’euthanasie ». Au Luxembourg, on utilise les mots d’euthanasie et d’assistance au suicide.
Bref, les lois étrangères assument clairement cette terminologie. Il serait paradoxal que la singularité française soit une euphémisation juridique.
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement AS113 est rédactionnel.
M. Christophe Bentz (RN). Je défends l’amendement AS791. Notre rôle de législateur est de débattre à la fois du fond et de la forme ; les mots révèlent le fond. Nous avons un devoir de transparence et de vérité : il faut utiliser les bons termes.
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement AS31 limite le champ de l’aide à mourir au seul suicide assisté, à l’instar de ce qui se fait dans l’Oregon.
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement AS253 est de clarification sémantique.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement vise à donner au patient, dans le cas où il ne pourrait pas réitérer sa volonté en pleine conscience, la possibilité de le faire via des directives anticipées ou via la personne de confiance.
Nous devons pouvoir anticiper ces situations. La loi Claeys-Leonetti prévoit les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance : c’est un moyen d’exprimer les choix en matière de fin de vie d’une personne qui ne peut plus le faire elle‑même. On peut ne pas avoir perdu sa pleine conscience, mais avoir perdu une partie de son discernement. Quand on a anticipé, rédigé ses directives anticipées, choisi une personne de confiance qui saura redire ce choix quand on ne saura plus le faire soi-même, on doit pouvoir accéder à l’aide à mourir.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cette discussion commune rassemble des amendements très différents les uns des autres.
Pour les premiers, j’ai répondu tout à l’heure. J’y suis défavorable.
L’amendement de Mme Simonnet pose une tout autre question. J’y serai également défavorable. C’est un débat important et j’ai moi-même défendu une position similaire en 2021. Néanmoins, je l’ai dit au cours de la discussion générale, j’ai des convictions, mais pas de certitudes : ce n’est pas une formule creuse. J’ai entendu, depuis 2021, des médecins qui adhèrent au principe de l’aide à mourir – et ils sont nombreux, plus qu’on ne le dit : un tiers, probablement, d’après le président de l’Ordre – me dire qu’ils ne seraient pas en mesure d’effectuer le geste de l’aide à mourir pour un patient qui aurait perdu son discernement et ne serait plus en mesure d’exprimer le dernier consentement, le consentement de l’ultime instant.
Comme rapporteur général de ce texte je souhaite, avec les quatre rapporteurs thématiques, aboutir à un texte équilibré. Je ne suis pas dupe : je sais bien que la séparation du projet de loi initial en deux textes a plutôt vocation à compliquer l’adoption de la seconde proposition de loi – pour employer un euphémisme. L’équilibre est donc nécessaire pour que ce droit à l’aide à mourir – puisque le mot « droit » figure maintenant dans le titre de la section, ce qui, vous l’avez bien compris, monsieur Monnet, ne me pose aucun problème – soit voté par la représentation nationale.
Nous débattrons des mineurs, des directives anticipées. Mais, en responsabilité, après mûre réflexion et une large écoute des acteurs, je considère le texte comme équilibré. Ce que je pensais hier ne s’est pas totalement effacé aujourd’hui, bien sûr. Mais j’en appelle à la responsabilité des parlementaires, notamment de ceux qui veulent voir cette proposition de loi adoptée : au moment où les députés auront à se prononcer, certains voteront en sa faveur seulement s’ils sont rassurés.
Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il n’est pas aujourd’hui opportun que les directives anticipées permettent l’accès à une aide à mourir.
M. René Pilato (LFI-NFP). Le groupe LFI-NFP s’est posé la même question. Nous nous abstiendrons sur l’amendement de Mme Simonnet, parce que nous voulons que le processus s’engage. Nous aimerions, si la demande a été faite et si la personne perd par la suite son discernement, débattre du rôle des éventuelles directives anticipées. Voilà où en est notre réflexion. Nous espérerons que le débat apportera plus de lumière.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je me suis posé la même question que Mme Simonnet, et l’équilibre retenu par le rapporteur général me paraît le plus pertinent.
Ce texte propose un nouveau droit. C’est, il faut l’admettre, une rupture par rapport à l’existant. L’essentiel, c’est que le choix en conscience doit être maintenu jusqu’au bout – c’est la contrepartie de cette rupture.
J’ai été sollicité par des associations de proches de malades d’Alzheimer, et j’ai entendu des histoires très touchantes de personnes qui ont vu leurs parents partir très tôt parce qu’ils ne voulaient pas se projeter dans la suite dans la maladie. Mais j’ai aussi entendu des histoires tout aussi touchantes de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui avaient perdu les pédales, si vous me permettez l’expression, mais qui allaient bien dans le monde nouveau qui était le leur.
La directive anticipée, et ce qu’elle implique de séparation temporelle entre une volonté et sa mise en application, ne me paraît pas acceptable en l’occurrence. Je serai donc défavorable à l’amendement de Mme Simonnet, même si j’en comprends la philosophie.
M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur le rapporteur général, vous dites que l’existence de deux textes compliquerait la donne. Il me semble au contraire qu’elle permet d’avoir deux débats, l’un sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide active à mourir. C’est plus clair, je crois, et la clarté des débats doit être essentielle pour le législateur.
Chacun se déterminera ensuite en son âme et conscience.
M. Philippe Juvin (DR). L’amendement de Mme Simonnet est en effet bien différent des autres amendements en discussion commune.
Il pose une question essentielle : le patient doit-il pouvoir, jusqu’au dernier moment, dire non après avoir dit oui ? Pour notre part, cela nous semble indispensable. L’inscription d’une telle procédure dans les directives anticipées ne nous paraît pas possible. Il faut, je crois, rester très prudent et ne pas mettre le doigt dans cet engrenage.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je suis très favorable à l’amendement de Mme Simonnet – j’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais je crois qu’il ne sera de toute façon pas adopté.
Il me semble que décider, en pleine conscience, en pleine connaissance de la réalité de cette maladie, qu’on ne souhaite pas aller jusqu’à la perte de mémoire complète pourrait être considéré comme un droit des individus.
Par ailleurs, la maladie d’Alzheimer vient d’être décrite comme un temps où nous oublierions tout, où les personnes malades entretiendraient un autre rapport au monde et seraient dans une dimension où ils pourraient être heureux. Cette vision angélique qui ne me semble pas correspondre entièrement à la réalité : il arrive aussi que ces malades aient des manifestations de violence, mais aussi de détresse. Je ne partage pas l’idée que, parce que l’on oublie le quotidien ou que l’on perd la mémoire, on sera plus heureux dans ce nouveau monde. Ce n’est pas toujours le cas, sinon on ne verrait pas ces manifestations d’auto- comme d’hétéro-agressivité qui empêchent parfois de garder les malades chez soi.
M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur général, vous avez cheminé, dites-vous, sur la question de la possibilité d’accéder à l’aide à mourir par son inscription dans les directives anticipées, mais vous voulez maintenir des garde-fous pour rassurer certains de nos collègues encore hésitants, ce qui est bien naturel.
Mais nous le savons, vous le savez : tous ces garde-fous sauteront, comme le critère du pronostic vital engagé à court et à moyen terme a sauté dès la première lecture en commission il y a un an. On le voit partout dans les pays qui ont légiféré sur ce sujet : les garde-fous sautent les uns après les autres. Ce sera aussi le cas dans notre pays, j’en suis convaincu, car ce texte permet toutes les dérives.
Nous voterons contre l’amendement de notre collègue Simonnet, naturellement. Mais reparlons-en dans cinq ou dix ans.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je fais partie de ceux qui sont favorables à la reconnaissance d’une aide à mourir tout en restant vigilant, et plus que cela, sur les critères et les conditions de son ouverture.
La question du recours aux directives anticipées est à cet égard un point essentiel. Je remercie Danielle Simonnet d’avoir, comme l’an dernier, ouvert un débat de qualité. Je persiste à penser que ce n’est pas opportun et je salue la sincérité du rapporteur général ; je pense comme lui que ce serait un élément de déséquilibre, qui rendrait plus difficile l’adoption du texte.
Ce n’est pas le lieu d’une discussion sur la maladie d’Alzheimer – il faut se garder, je crois, des visions angéliques comme des visions par trop anxiogènes. Mais il faut surtout garder en tête que cette maladie neurodégénérative ne met pas en cause le pronostic vital.
Le débat est légitime, mais c’est pour moi une ligne rouge et je ne soutiendrai pas cet amendement.
Mme Camille Galliard-Minier. Je remercie le rapporteur général pour la sincérité de ses paroles : nous connaissons tous son engagement et cela n’a pas dû être facile. C’est un sujet qu’il faut aborder avec humilité et responsabilité. J’y suis pour ma part favorable, mais s’il n’est pas possible d’avancer sans mettre en péril l’ensemble du texte, je suis prête à voter comme il nous le demande.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’aimerais d’abord que chacun respecte les positions des autres : ceux qui défendent la possibilité de demander l’aide à mourir par le biais des directives anticipées ne sont pas moins sérieux et responsables que les autres, ne veulent pas moins que les autres que le dispositif soit bien encadré.
Demander une expression réitérée, en pleine conscience, au dernier moment, cela peut revenir à exiger d’une personne qui va bientôt mourir qu’elle meure plus tôt qu’elle ne le voudrait. J’ai moi aussi entendu des témoignages poignants, ceux de personnes qui veulent vivre le plus longtemps possible malgré leurs souffrances insupportables, tant qu’elles arrivent à communiquer avec l’extérieur, tant qu’elles arrivent à prendre de l’amour et à en donner ; mais qui disent aussi que, quand elles n’auront plus leur tête, quand elles seront un légume, quand elles ne pourront donc plus exprimer leur volonté, alors il faudra les éteindre. Eh bien ce ne sera pas possible. Elles ne pourront pas bénéficier de l’aide à mourir. C’est une source d’angoisse terrible quand on sait la douleur que l’on provoque autour de soi : il me sera impossible d’être maître de ma mort parce que ma tête ne sera plus maître de mon corps.
À quoi servent les directives anticipées, sinon à exercer cette ultime liberté d’être maître de son corps même quand la tête a lâché ? Il ne faut pas écarter ce sujet à la légère : il s’agit bien de choisir quand, comment, à quelle heure, on éteint.
M. Thibault Bazin (DR). Nos positions sont cohérentes. Je voudrais les expliciter.
Monsieur le rapporteur général, vous parlez de ce qui est opportun aujourd’hui. Cela m’inquiète un peu : est-ce que, demain, ce sera différent ? Jusqu’où irons-nous ? L’équilibre que vous évoquez est-il temporaire ? J’ai besoin d’être rassuré sur ce point.
Notre désaccord n’est pas uniquement sémantique : derrière les mots, il y a des réalités. Je suis opposé à l’amendement de Mme Simonnet. La volonté peut changer et cela peut poser problème. Qui serait concerné ? Des personnes devenues vulnérables pourraient-elles l’être ? C’est toute la société qui est impliquée, et pas la personne seulement. On ne peut pas dire que c’est anodin. Nous cherchons tous ce qui est le mieux. Des directives anticipées auront prévu certaines situations mais pas d’autres. Si l’on considère que le consentement libre et éclairé à recevoir une substance qui va accélérer la mort est indispensable, on ne peut pas être favorable à l’inscription d’une demande d’aide à mourir dans les directives anticipées.
M. Laurent Panifous (LIOT). Ce texte est le fruit d’un long travail, d’un cheminement vers le consensus qui a pris plusieurs années. C’est aussi, à la virgule près, le résultat du travail des parlementaires de la précédente législature. Cet équilibre est fragile.
Je comprends la frustration de certains vis-à-vis de ce texte qui concernera à leur sens trop peu de personnes, qui ne répondra pas à certaines situations très compliquées.
Mais je ne crois pas qu’il faille voter l’amendement de Mme Simonnet. D’abord, nous prendrions le risque de voir rejeter l’ensemble du texte. Mais surtout, pour avoir accompagné au cours des années de nombreuses personnes qui souffraient de troubles cognitifs, je vois très bien comment il est possible de rédiger des directives anticipées avant d’être malade et d’y inscrire des situations qui paraissent inacceptables, mais je ne vois pas comment il serait possible qu’une personne souffrant de troubles cognitifs profonds bénéficie de l’aide à mourir. Honnêtement, je ne sais pas comment on ferait. Accompagner cette personne qui aurait dit, des années auparavant, qu’elle voulait être accompagnée dans cette situation, mais qui aurait perdu tout discernement, me paraît particulièrement compliqué. Qui va parler à sa place ? Qui va prendre la décision, choisir la date ? Cela ne me paraît non seulement pas souhaitable, mais pas réalisable.
Mme Annie Vidal (EPR). Je me suis toujours efforcée de m’exprimer de façon mesurée sur ces sujets, et je respecte profondément celles et ceux qui sont favorables à ce droit. Ce n’est pas mon cas.
J’entends, monsieur le rapporteur général Falorni, que vous êtes attaché à l’équilibre du texte. J’espère que vous pourrez néanmoins accepter certaines propositions qui seront faites au cours de nos débats. Nous évoluons tous au fil du temps et certains de nos collègues n’étaient pas présents pour les débats de l’an dernier.
En ce qui concerne la question de l’inscription de l’aide à mourir dans les directives anticipées, il me semble qu’il faut rester très prudent. Il y a des exemples à l’étranger de personnes qui avaient rédigé des directives anticipées et à qui on a injecté une substance létale dans des conditions sur lesquelles on peut s’interroger. Je voterai donc contre l’amendement de Mme Simonnet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS594 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). Le début de l’alinéa 6 est rédigé de la façon suivante : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale [...]. » Or cette aide ne consiste pas forcément dans le recours à une substance létale : elle peut prendre la forme d’une assistance, d’un soutien momentané. Il me semble donc préférable, pour la clarté de nos débats, de substituer au mot : « consiste » les mots : « peut consister ».
Mme la rapporteure. Cet amendement, par lequel vous souhaitez insister sur le caractère facultatif de la procédure, est satisfait sur le fond, puisque le recours à l’aide à mourir relève d’une démarche volontaire. De surcroît, la rédaction proposée semble inopportune, car elle laisse entendre qu’il existerait une autre aide à mourir que celle prévue à l’article 2.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement permettrait d’échapper au caractère systématique du recours à une substance létale, qui est problématique.
M. Philippe Juvin (DR). Si l’on veut que l’aide à mourir se traduise par une prise en charge globale qui inclue notamment l’injection d’un produit létal, il faut, logiquement, adopter l’amendement, car il fait du recours à ce produit un des éléments de la démarche.
M. Thibault Bazin (DR). Je suis un peu ennuyé, car Mme Vidal avait déposé un amendement AS593 qui visait à qualifier d’« active » l’aide à mourir définie à l’article 2, mais il est tombé.
Dans le colloque entre le patient et son médecin, ce dernier doit être attentif au sens que revêt la formule : « Aidez-moi à mourir ». Lui demande-t-il l’administration d’une substance létale ? le soulagement de ses souffrances, qui ne nécessite pas forcément l’administration de cette substance ?
M. Yannick Monnet (GDR). Je ne comprends pas la position de MM. Juvin et Bazin. Ils ne cessent de réclamer, et je le comprends, de la précision. Or cet amendement introduirait de la confusion dans la définition de l’aide à mourir : l’adopter reviendrait à ouvrir une porte sur du vide. C’est pourquoi j’y suis opposé.
Mme Annie Vidal (EPR). Cet amendement introduirait, non pas de la confusion, mais de la nuance. Si on le rejette, après avoir refusé de préciser que l’aide à mourir telle qu’elle est définie à l’article 2 est une aide active, on créera, en fait, un droit très limité qui restreint l’aide à mourir au recours à une substance létale.
Lorsqu’on est atteint d’une pathologie lourde, mourir, c’est aussi lâcher prise. Or, pour lâcher prise, on peut avoir besoin de la présence d’une personne qui nous dit que l’on peut partir tranquillement. Cela relève aussi de l’aide à mourir.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Lâcher prise permet, en effet, de partir, mais il n’est pas besoin de légiférer pour préciser que les personnes en fin de vie peuvent être accompagnées par la parole : elles le sont déjà. Si nous légiférons, c’est pour créer un nouveau droit.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). À entendre M. Bazin, on a le sentiment que l’administration d’une substance létale suivra immédiatement la demande exprimée par le patient. Or cette demande s’inscrit dans un processus d’accompagnement : le patient exprime sa volonté, puis il y a un temps de réflexion ; il peut arrêter le processus à tout moment.
Mme Océane Godard (SOC). Madame Vidal, ce dont vous parlez relève de l’accompagnement et des soins palliatifs – lesquels me semblent, du reste, être davantage du ressort du règlement que de la loi. En fait, votre amendement vise à déconnecter l’aide à mourir du recours à une substance létale, ce qui dévitaliserait l’article 2. C’est pourquoi nous voterons contre.
M. René Pilato (LFI-NFP). Depuis l’adoption de l’amendement AS503 de M. Monnet, l’aide à mourir est considérée comme un droit. Or ce droit consiste bien à autoriser le recours à une potion létale.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS116 et 117 de Mme Justine Gruet (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de clarifier un point qui a suscité de longs débats en 2024 en précisant que l’aide à mourir est réservée aux personnes majeures.
Mme la rapporteure. L’amendement est satisfait par l’article 4, qui définit les critères d’accès à l’aide à mourir et prévoit explicitement que seules les personnes âgées d’au moins 18 ans pourront en bénéficier.
Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Je maintiens les amendements. Il nous paraît nécessaire d’apporter cette précision à l’article 2, car nous considérons que le cadre général qui y est défini ne doit s’appliquer qu’aux personnes majeures.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous proposez en quelque sorte de fusionner deux articles. L’article 2 définit l’aide à mourir et fixe le cadre général. Quant à l’article 4, il précise qui y a accès et les critères qu’il faut remplir pour en bénéficier. Ne mélangeons pas tout ! Soyez rassurés : les mineurs ne sont à aucun moment inclus dans le dispositif – même si j’estime que les enfants devraient être associés aux décisions qui les concernent.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je rejoins Mme Amiot. L’article 2 définit l’aide à mourir ; l’article 4 désigne les personnes à qui elle est réservée. Si l’on précise à l’article 2 que seules les personnes majeures sont concernées, pourquoi ne pas mentionner également les autres critères figurant à l’article 4 ? L’enjeu est tel que le texte doit être très clair.
M. Thibault Bazin (DR). Il arrive que des articles soient supprimés au cours de la discussion. Comment être certain que l’article 4 sera maintenu ou que la commission ne décidera pas d’étendre le dispositif aux mineurs ?
Mme Dubré-Chirat semble dire que l’aide à mourir telle qu’elle est définie à l’article 2 n’implique pas forcément l’administration d’une substance létale car elle s’inscrit dans un processus. Admettons qu’une personne soit atteinte d’une maladie grave et incurable, qu’elle soit à un stade avancé de cette maladie et qu’elle demande au médecin de la soulager de sa souffrance, de l’aider à mourir. Il est possible que ce dernier lui propose des soins palliatifs ou que la volonté du patient évolue. Lorsqu’une telle demande est formulée, la responsabilité de la société est d’abord d’aider la personne à vivre, dans la mesure du possible et sans obstination déraisonnable.
L’aide à mourir ne doit pas être une solution de facilité, dès lors que les soins palliatifs ne sont pas accessibles partout. Ce risque existe ; il a été évoqué lors des auditions et le législateur doit en être conscient.
M. René Pilato (LFI-NFP). La frontière d’âge sera toujours problématique. Si la majorité était encore à 21 ans, considérerait-on que les personnes âgées de 18 à 21 ans doivent souffrir parce qu’elles n’ont pas l’âge requis ? Méfions-nous de ce type de limite.
Quoi qu’il en soit, l’article 2 définit un cadre général, et nous devons nous y tenir ; nous débattrons des critères lorsque nous examinerons l’article 4. Nous voterons donc contre les amendements.
M. Philippe Juvin (DR). Certes, l’article 2 définit l’aide à mourir. Mais il y est précisé que la personne doit avoir « exprimé la demande » de recourir à une substance létale. Or, à l’article 4, il est indiqué qu’elle doit « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». La même notion se retrouve donc dans les deux articles. Ainsi, il est possible d’intégrer dans la définition les principes que l’on juge très importants. La majorité ne peut pas être qu’un critère technique ; ce doit être un principe.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pour l’instant, nous ne savons pas si, au bout du compte, les mineurs seront toujours exclus du dispositif : le texte peut évoluer sur ce point au cours de la discussion. En tout cas, dans tous les pays qui ont autorisé, en l’encadrant, le décès programmé, l’accès à celui-ci ne cesse de s’étendre. Mieux vaut donc faire les choses correctement dès le départ.
Par ailleurs, n’oublions pas, d’une part, que des personnes âgées isolées demandent à mourir de crainte de devenir un fardeau pour la société, et, d’autre part, que la pratique de l’euthanasie se banalise rapidement.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS789 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). Je défendrai en même temps les amendements AS700 et AS699, qui portent sur le même thème. Ces trois amendements visent en effet à garantir le respect de la volonté et de la liberté de la personne : le premier, AS789, tend à préciser que cette dernière doit être « en pleine possession de son discernement » ; le deuxième, AS700, a pour objet de mettre le verbe « exprimer » au présent, pour insister sur le nécessaire caractère permanent de la volonté ; le troisième, AS699, vise à ajouter le mot : « répétée » après le mot : « demande ».
Mme la rapporteure. L’amendement AS789 est satisfait par l’article 4.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS114 de Mme Justine Gruet et AS700 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Philippe Juvin (DR). La définition de l’article 2 doit comporter de grands principes, qui seront ensuite déclinés sous la forme de critères dans les articles 4 et suivants. Parmi ces principes figure le respect de la volonté et de la liberté du patient. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS114 de préciser que sa demande doit avoir été exprimée récemment. De fait, la demande de mort est, en pratique, fluctuante : un jour, on veut mourir et, le lendemain, on ne le souhaite plus – c’est humain.
Mme la rapporteure. Le patient exprime sa volonté de bénéficier de l’aide à mourir dans le cadre d’un entretien avec le médecin. Lorsque celui-ci récapitule cet entretien, l’emploi du passé composé s’impose ; il peut renvoyer à un passé immédiat. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS699 de M. Christophe Bentz.
Amendement AS411 de Mme Océane Godard
Mme Océane Godard (SOC). Il s’agit de permettre à une personne qui n’est plus en état de formuler sa demande à l’instant T d’accéder à l’aide à mourir dès lors qu’elle avait rédigé des directives anticipées en ce sens. C’est un point sur lequel les avis sont partagés au sein de notre groupe.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. J’ai indiqué, lors de la discussion de l’amendement AS861 de Mme Simonnet, les raisons pour lesquelles je suis défavorable à une telle mesure. Je comprends la démarche de Mme Godard, mais je considère qu’il n’est pas opportun d’adopter un tel amendement aujourd’hui.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je suis très favorable à cet amendement. Certaines personnes sont fortement angoissées à l’idée d’être un jour enfermées dans leur corps, notamment si elles sont atteintes de la maladie d’Alzheimer. La Fondation Recherche Alzheimer explique, par exemple, que les comportements agressifs des patients atteints de cette maladie sont la manifestation d’une angoisse qu’ils ne sont plus en mesure d’exprimer, de sorte qu’on est en droit d’estimer que leur souffrance est irréfragable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je ne souhaite pas que les directives anticipées soient utilisées dans le cadre des maladies neurodégénératives, notamment la maladie d’Alzheimer. Mais la question est complexe, et je me souviens qu’en 2024, Gilles Le Gendre avait forgé le concept d’exception de directives anticipées, qui pourrait être recevable dans certaines situations, notamment dans le cas d’une pathologie accidentelle qui rend impossible l’expression d’un consentement libre et éclairé.
M. Philippe Juvin (DR). C’est tout le problème de la fluctuation de la demande de mourir. Je citerai deux exemples. Une étude montre qu’au moment de leur admission dans une unité de soins palliatifs, 3 % des patients souhaitent la mort ; une semaine plus tard, ce taux tombe à 0,3 %. Une autre étude, un peu ancienne, publiée dans The New England Journal of Medicine, porte sur de jeunes hommes devenus tétraplégiques à la suite d’un accident de moto. Dans la semaine qui suit leur accident, aucun d’entre eux ne souhaite vivre ; quelques mois plus tard, le désir de vivre s’est accru. Dans le cadre de cette même étude, il a été demandé aux soignants si, selon eux, la vie de ces jeunes hommes valait le coup d’être vécue. Croyez-le ou non, ils se faisaient tous de la qualité de vie du patient une idée pire que celle que s’en faisait le patient lui-même.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous soutiendrons cet amendement. Que ce soit à la suite d’un accident ou en raison d’une maladie grave et incurable, on peut perdre conscience de manière définitive. Or les personnes qui se trouvent dans cette situation ont pu, lorsqu’elles étaient pleinement conscientes, souhaiter par anticipation pouvoir bénéficier de l’aide à mourir, plutôt que d’une sédation profonde et continue, dans le cas où elles ne seraient plus en mesure de réitérer ce souhait. Il est important que le législateur anticipe ce cas de figure.
Par ailleurs, la rédaction de directives anticipées s’accompagne toujours de la désignation d’une personne de confiance. On peut donc imaginer que le patient, anticipant le moment où il ne serait plus en mesure de l’exprimer, délègue à la personne de confiance la tâche de traduire la volonté qu’il a manifestée lorsqu’il était pleinement conscient.
Nous savons tous et toutes que les choses ne se passent pas forcément comme on le souhaiterait et que la fin de vie peut prendre des formes très différentes.
M. Patrick Hetzel (DR). On voudrait que tout soit parfaitement rationnel, mais on néglige le fait que les souhaits, les intentions, peuvent varier dans le temps. Ainsi, j’ai été frappé par un chapitre de l’ouvrage de Claire Fourcade, dans lequel elle raconte avoir eu un échange de deux heures avec une patiente qui souhaitait recourir au suicide assisté et qui lui a pourtant demandé, au moment où elle quittait sa chambre, de la vacciner contre le covid. Non seulement la volonté peut fluctuer, mais une demande peut être ambivalente. Il faut donc être d’une grande prudence. Madame Simonnet, ce qui est exprimé à un instant T ne doit pas surdéterminer ce qui se passera par la suite. Adopter cet amendement, ce serait franchir un pas supplémentaire. C’est pourquoi j’y suis tout à fait hostile.
M. Yannick Monnet (GDR). Faut-il intégrer l’aide à mourir dans les directives anticipées ? Cette question me plonge dans le doute : les arguments des uns et des autres sont intéressants, et je sais que le rapport à la mort évolue de façon constante. Je me réfugierai donc un peu lâchement derrière les propos du rapporteur général, que je partage. Si nous voulons qu’un texte de compromis aboutisse, évitons d’y intégrer certaines avancées dès à présent. Je voterai donc contre l’amendement, non par conviction, mais pour ne pas provoquer une fronde en allant trop loin.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS33 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de préciser que le recours à une substance létale n’a pas un but thérapeutique et ne relève pas de l’univers du soin.
Mme la rapporteure. J’avoue ne pas très bien comprendre. Cet acte n’a évidemment pas un but thérapeutique. Avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Je note votre absence d’argumentation sur ce bon amendement, qui est très révélateur : il prouve qu’il suffit d’une simple modification sémantique pour que le texte n’ait plus rien à voir. Le cœur de la proposition de loi est bien l’administration de la mort.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Toute utilisation d’un produit médicamenteux constitue une activité médicale ou paramédicale. Par ailleurs, les activités médicales n’ont pas uniquement un but thérapeutique ; elles peuvent aussi être préventives et palliatives. Une sédation profonde provoquée par des produits morphiniques n’a pas une visée thérapeutique, par exemple. On ne peut pas confier l’administration d’un produit médicamenteux, a fortiori létal, à n’importe qui.
M. Patrick Hetzel (DR). On n’administre pas un médicament, même sédatif, avec l’intention de donner la mort ; c’est toute la différence. Lors de son audition, le président du Conseil national de l’Ordre des médecins a amplement insisté sur ce point : l’administration d’une substance létale n’est pas un acte médical. Il serait intéressant de le préciser dans le texte, en dépit de l’hostilité de certains. Cela nous interroge une nouvelle fois sur le but que vous poursuivez. N’euphémisons pas : donner la mort n’est pas anodin. Dès lors que l’acte n’a pas une visée thérapeutique, il faut le dire. Ce sera la première fois que nous introduirons une disposition de cette nature dans la loi.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous savons pertinemment à quoi aboutit le fait de ne plus alimenter ni hydrater un malade. Je constate de votre part un certain arrangement avec la réalité du geste soignant.
M. René Pilato (LFI-NFP). J’invite nos collègues à essayer de se faire d’autres représentations, en remplaçant l’expression « donner la mort » par « faire cesser les souffrances réfractaires et insupportables ». Cela changera peut-être un petit peu votre point de vue.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS943 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement de suppression partielle vise à ne conserver que la forme de suicide assisté dans laquelle le patient s’administre lui-même la substance létale, comme cela se pratique dans l’Oregon.
Mme la rapporteure. Je rappelle que l’auto-administration de la substance létale est la règle, sauf si la personne n’a pas la capacité d’y procéder – dans ce cas, par respect du principe d’égalité, le médecin peut l’administrer. Je ne comprends pas pourquoi vous refusez que les professionnels de santé accomplissent cet acte, d’autant que le texte les protège de tout risque pénal.
Avis défavorable.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. La rédaction du projet de loi initial a été précédée d’un long débat au cours duquel j’ai bataillé, avec d’autres, pour écarter le modèle de l’Oregon. Nous ne voulons pas laisser les malades seuls face au produit ; nous ne voulons pas laisser de côté ceux qui sont incapables d’accomplir ce geste, parce que nous refuserions par principe qu’un professionnel de santé – j’y insiste – puisse les aider. Je ne voudrais surtout pas que l’on revienne en arrière.
Avis défavorable.
M. René Pilato (LFI-NFP). Ce texte concernera très peu de personnes, puisque les soins palliatifs se généraliseront et qu’en cas de pronostic vital engagé et de douleurs réfractaires, les malades qui le demanderont pourront se voir administrer une substance létale. Pourrions-nous refuser ce droit à une personne atteinte d’une maladie incurable, tétraplégique, qui endure des souffrances insupportables, alors que nous l’accorderions à un autre malade capable d’accomplir lui-même le geste ? Ce serait délicat. Puisque ce droit relève déjà de l’exception, il faut envisager tous les cas de figure.
M. Philippe Juvin (DR). Je plaide en faveur d’une procédure similaire à celle de l’Oregon. Dans l’ensemble des pays où l’euthanasie et le suicide assisté sont tous deux autorisés, comme le Canada et les Pays-Bas, l’euthanasie l’emporte à plus de 99 %. Ne croyez pas qu’en faisant cohabiter les deux possibilités, vous ferez de l’euthanasie une exception : elle sera la règle.
Par ailleurs, j’aimerais savoir combien de personnes sont susceptibles d’être concernées en France. Il faut avoir une idée de ce dont on parle. La question se pose car, dans tous les pays où l’euthanasie ou le suicide assisté ont été légalisés, les chiffres ont explosé de façon constante.
M. Christophe Bentz (RN). Vous prétendez que cette loi ne concernera que quelques cas puisque les soins palliatifs se généraliseront ; or, depuis neuf ans que la loi Claeys-Leonetti est entrée en vigueur, 200 000 personnes n’y ont pas accès chaque année. Vous invoquez également le critère restrictif du pronostic vital engagé, mais celui-ci a malheureusement été supprimé du projet de loi initial et n’est pas repris dans la proposition de loi.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS34 de M. Patrick Hetzel et AS701 de M. Christophe Bentz
M. Patrick Hetzel (DR). La proposition de loi comporte deux volets : d’une part, l’aide active à mourir, ou suicide assisté, et, d’autre part, l’administration d’une substance létale par un tiers – modalité bien spécifique, qui n’a pas été retenue par certains de nos voisins. Il ne me paraît pas souhaitable de demander à des tiers de réaliser ce geste létal. Je propose donc de supprimer cette possibilité.
M. Christophe Bentz (RN). Dans la lignée de M. Hetzel, je vous soumets un amendement de repli au cube : il vise à supprimer l’exception euthanasique, ce qui ne fait pas pour autant de moi un partisan du suicide assisté.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je voudrais parler des soignants, qui sont depuis toujours les avant-postes des plus fragiles et des plus vulnérables – nous les avons applaudis pendant l’épidémie de covid. Ils sont là pour soigner le patient, soulager sa douleur, calmer ses symptômes et le prendre en charge dans sa globalité ; ils respectent sa dignité jusqu’à la fin de sa vie. Comment réagiront-ils face à ce nouvel acte qu’ils devront accomplir ? La main qui soigne ne peut pas être la main qui tue.
La commission rejette les amendements.
La réunion est suspendue de dix-sept heures cinq à dix-sept heures vingt-cinq.
Amendement AS234 de Mme Justine Gruet
M. Patrick Hetzel (DR). Nous souhaitons préciser que l’administration de la substance létale ne peut être réalisée par un tiers que si la personne qui souhaite mettre fin à ses jours est dans l’incapacité physique d’y procéder elle-même.
Mme la rapporteure. Cette précision n’apporte rien et laisse entendre qu’il existerait d’autres options, ce qui n’est pas le cas. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS676 de Mme Élise Leboucher, AS410 de Mme Océane Godard et AS783 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous voulons permettre aux personnes éligibles à l’aide à mourir de choisir le mode d’administration de la substance létale – auto-administration ou administration par un tiers, médecin ou soignant – quelles que soient leurs capacités physiques. Nous instaurerons ainsi une procédure apaisée dans laquelle le choix du patient prime.
Mme Océane Godard (SOC). L’administration assistée de la substance létale ne doit pas être conditionnée à l’incapacité physique du patient. Ce critère est flou, restrictif, et crée une discrimination entre la souffrance physique et la souffrance psychologique. Certains patients sont épuisés par la douleur, la souffrance et la peur, sans être physiquement incapables. Ils doivent bénéficier d’un accompagnement sans devoir prouver une forme de handicap.
Ce critère introduit par ailleurs une inégalité de traitement, puisqu’il réserve l’accompagnement à ceux qui n’ont plus la force physique d’accomplir le geste. Mon amendement ne bouleverse pas l’équilibre du texte ; il l’humanise et évite des impasses absurdes dans l’application du droit à mourir dans la dignité.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On peut avoir très envie de recourir à l’aide active à mourir, en toute conscience et en pleine possession de ses esprits, mais ne pas avoir envie de faire le geste soi-même. Le critère de l’incapacité physique doit être supprimé, pour libérer les patients de l’angoisse ultime de faire le geste et réserver leurs derniers instants à d’autres pensées. Dès lors qu’un tiers des médecins se disent prêts à effectuer cet acte, nous devons l’ouvrir à tous les malades qui le sollicitent.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. En l’espèce, l’incapacité physique ne désignerait pas un handicap au sens strict mais une situation pathologique empêchant de faire le geste : on peut se sentir incapable de l’accomplir parce qu’on a peur du dernier instant et qu’on ne se sent pas apte – cela peut être une raison.
La rédaction de l’article 2 me paraît néanmoins satisfaisante car, dans les faits, elle donne accès aux deux possibilités d’administration de la substance. Je ne suis donc pas favorable à vos amendements, même si je reconnais qu’ils ne modifient pas l’équilibre du texte – les médecins ou les infirmiers pourront toujours faire valoir leur clause de conscience. L’ouverture que vous préconisez pourrait toutefois créer une inégalité d’accès au droit car la disponibilité des médecins varie selon les territoires.
M. Patrick Hetzel (DR). Il est vrai que cette disposition ne modifierait pas l’équilibre du texte, mais au fil des débats, nous voyons s’exprimer la volonté d’étendre les possibilités de recourir à l’aide active à mourir. Dans le même temps, on nous assure que le texte concernera un nombre très limité de personnes.
Les droits individuels sont certes importants, mais ils s’inscrivent dans un collectif : le fait d’administrer une substance létale a une incidence psychologique pour le tiers. Il faut le prendre en considération. C’est pourquoi, quand une personne est en mesure de s’administrer une substance létale, elle doit le faire elle-même
J’entends beaucoup parler de solidarité et de fraternité, mais cela me semble contradictoire avec le développement d’un droit individuel qui omet le fait que nous vivons en société, et que nos propres droits peuvent avoir des incidences sur les autres. En quoi faisons‑nous encore société, si nous individualisons à outrance notre rapport au droit ? J’observe un étonnant renversement : alors que ma famille politique défend généralement plutôt les libertés, c’est elle qui invoque ici la fraternité, davantage que la gauche.
M. Yannick Monnet (GDR). La question n’est pas un quelconque rapport individuel au droit. Nous sommes attachés à ce que le droit que nous créons soit accessible à tous, sans que la situation particulière de certaines personnes ne les en écarte.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement de Mme Rousseau vise à préciser que « quand la personne se fait administrer la substance létale par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu’elle désigne et qui se manifeste pour le faire, l’article 18 de la présente loi ne s’applique pas ». Voici ce qu’en dit le CCNE : « Il faut désamorcer l’illusion qui voudrait que l’euthanasie soit simple pour le médecin à qui il est demandé de prêter son concours. » Un médecin n’est pas un prestataire de services. Rappelons aussi que le serment d’Hippocrate a évolué au cours du temps. En 2012, le Conseil national de l’Ordre des médecins en a rédigé une nouvelle version, qui indique : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. » Il sera compliqué pour les médecins d’administrer des substances létales aux malades qui ne pourront pas le faire eux-mêmes.
M. Thibault Bazin (DR). L’article 2 porte sur la définition de l’aide à mourir. Il y a d’ailleurs lieu de s’interroger sur le mode d’administration de la substance létale, qui peut se faire par ingestion ou par voie intraveineuse – les progrès de la science permettant même aux malades en incapacité physique de déclencher cette dernière. J’aurais aimé que la Haute Autorité de santé (HAS) soit saisie de ce sujet.
Voulons-nous que le malade soit libre de recourir à un tiers même quand ce n’est pas nécessaire ? Il n’est pas équivalent de solliciter une tierce personne pour une raison de santé ou pour une raison d’autonomie. Le degré de participation à l’acte et l’implication éthique ne sont pas les mêmes : le poids est plus lourd pour le tiers quand il intervient auprès de malades aptes physiquement.
Enfin, peut-on considérer qu’un malade est en incapacité physique quand il ressent une difficulté psychique à réaliser le geste lui-même ? Ces questions sont sujettes à interprétation.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il faut adopter ces amendements. Une personne qui souhaite recourir à l’aide à mourir doit pouvoir choisir de s’auto-administrer la solution létale ou de recourir à un tiers. Il est important de respecter cette liberté et ce choix intime, d’autant que cela permet de protéger le tiers qui est présent au moment ultime. Dans certains cas, le malade lui demandera de lui tenir la main, de le serrer fort, si bien qu’il y aura un doute sur le responsable de l’injection dans ce geste ultime d’amour et de fraternité. En autorisant les tiers à accomplir cet acte, on les protège de toute ambiguïté et de poursuites en justice. Nous devons anticiper toutes les situations.
Mme Annie Vidal (EPR). En dépit de l’injonction de Mme Simonnet, je ne voterai pas ces amendements qui m’inquiètent à deux égards. L’esprit initial du texte est d’ouvrir un droit à l’aide à mourir par auto-administration d’une substance létale, et dans des cas exceptionnels très particuliers en faisant intervenir un tiers. Alors que nous n’avons même pas encore abordé les critères d’accès à ce droit, vous voulez déjà l’élargir en permettant de solliciter un tiers dans tous les cas. Cela me gêne.
Je suis encore plus gênée que certains associent le droit à mourir dans la dignité à l’administration d’une substance létale. Pensez-vous que les personnes qui finissent leurs jours sans y recourir meurent dans l’indignité ?
M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement de Mme Leboucher prévoit que l’administration de la substance létale soit confiée à un médecin ou à un infirmier, qui feront partie des 33 % de professionnels de santé prêts à accomplir ce geste. Nous leur faisons confiance. À un moment aussi crucial, en bout de course, dire à un professionnel de santé qu’on a besoin de lui pour soulager ses souffrances est parfaitement acceptable. J’espère que l’auto-administration sera pratiquée dans la plupart des cas ; sinon, le geste sera réalisé par un professionnel de santé, et non par un tiers quelconque.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Pour certaines personnes, la dignité passe par l’aide active à mourir. La dignité est un sentiment individuel, intime ; le malade prend une décision intime au vu de ses souffrances et de son pronostic vital – nous n’avons pas à en juger. Pour renverser votre argument, madame Vidal, considérez-vous que solliciter l’aide à mourir, ce n’est pas mourir dignement ? Les personnes qui y recourent sont aussi dignes que celles qui n’y recourent pas.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). À ceux qui s’inquiètent pour les personnels soignants, je rappelle que la clause de conscience continuera à s’appliquer. Le serment d’Hippocrate date de l’Antiquité. Vingt-six siècles plus tard, l’humanité a un peu avancé et on peut envisager de le faire évoluer ; il a d’ailleurs déjà été révisé plusieurs fois, notamment pour permettre l’administration de produits abortifs et contraceptifs.
Les questions d’ordre moral devraient rester du domaine de l’intime. En tant que législateurs, si nous ouvrons un droit, nous devons veiller à ce qu’il puisse s’appliquer de façon universelle. À ce titre, si certaines personnes éprouvent le besoin d’être accompagnées par un soignant dans l’exécution du geste final, votons les dispositions qui le permettront.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Chacun, je le crois, convient que l’adoption de l’amendement de Mme Leboucher ne bouleverserait en rien l’équilibre du texte, auquel je suis attaché. En revanche, puisque certains craignent qu’on fasse peser la pression de l’administration de la substance létale sur un tiers, je répète que ce geste ne pourra être effectué que par un médecin ou à un infirmier – et j’y tiens. Je m’opposerai d’ailleurs à ce qu’on étende cette responsabilité à tout autre tiers, car j’y verrais une remise en cause de l’équilibre du dispositif.
Ces amendements visent à offrir une possibilité que le texte, dans les faits, permettait déjà. Cette volonté est compréhensible. J’émets donc un avis de sagesse.
La commission adopte l’amendement AS676.
En conséquence, les amendements AS410 et AS783 tombent ainsi que l’amendement AS672 de Mme Élise Leboucher, les amendements identiques AS409 de Mme Océane Godard, AS412 de Mme Christine Pirès Beaune et AS582 de Mme Julie Laernoes, les amendements AS674 de Mme Karen Erodi, AS673 de M. René Pilato, AS675 et AS671 de M. Hadrien Clouet, AS773 de Mme Sandrine Rousseau et les amendements identiques AS506 de Mme Karine Lebon et AS670 de Mme Karen Erodi.
Amendement AS790 de Mme Marie-France Lorho
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS794 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je propose de remplacer, à l’alinéa 6, les mots « un médecin ou par un infirmier » par les mots « un membre d’une association agissant pour des motifs non égoïstes et dont l’objet est de rendre accessible le suicide assisté ». Rappelons en effet qu’en Suisse, le suicide assisté est réalisé par des personnes appartenant à des associations qui défendent cette pratique, le médecin n’intervenant que pour livrer la dose létale. Ces accompagnants, qui ne connaissent pas les malades, interviennent à titre bénévole.
Mme la rapporteure. Avis défavorable.
Les médecins, qui seront libres d’invoquer leur clause de conscience, assureront l’accompagnement tout au long du processus. Il n’est pas prévu que les substances puissent être administrées par des tiers non soignants.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement que nous venons d’adopter, en mettant sur un pied d’égalité le suicide assisté et l’euthanasie, montre que nous sommes susceptibles d’adopter, au fil de l’examen de cette proposition de loi, des positions tantôt plus libérales et tantôt plus conservatrices que celles prévues dans le texte initial, sans altérer son équilibre global.
Celui de Mme Dogor-Such me donne l’occasion de souligner à quel point le projet de loi du Gouvernement, qui prévoyait de permettre à un tiers – proche ou membre d’association – d’administrer la substance létale, était problématique. J’espère que nous aurons la sagesse de ne pas voter cet amendement, ni aucun de ceux qui tendraient à réintroduire un tel déséquilibre.
M. Thibault Bazin (DR). Je ne suis pas favorable à ce que des tiers puissent administrer la substance létale, mais je ne souhaite pas non plus qu’un malade capable de se l’administrer lui-même puisse demander à une tierce personne de le faire. Le Conseil d’État et le CCNE ont d’ailleurs été clairs dans leurs avis : le suicide assisté devait rester la règle, et l’euthanasie l’exception. Ce n’est pas parce que vous êtes plusieurs à répéter que l’équilibre du texte est préservé que c’est effectivement le cas : en réalité, pour les tiers qui seront amenés à intervenir sans que cela soit nécessaire, la portée de la loi sera considérablement modifiée. Le Parlement est libre de faire ce choix – même si j’y suis opposé –, mais vous ne pouvez pas prétendre que l’équilibre du texte n’est pas modifié.
Quant à la dignité, elle est selon moi inaliénable : même si elle souffre, chaque personne conserve sa dignité, qui lui est intrinsèque.
Mme Amiot explique que la morale relève de l’intime. Pourtant, notre civilisation, notre société, les règles auxquelles nous croyons et qui nous rassemblent, reposent sur certains interdits, dont celui de provoquer la mort. Vous voulez, sous certaines conditions – parce que la personne est en fin de vie, parce qu’il y a des souffrances –, revenir sur ce principe. Faisons attention et veillons à bien mesurer l’impact potentiel d’une telle décision. Personnellement, je ne suis pas capable de dire quel sera l’effet d’une telle évolution sur les relations entre les soignants et les soignés et, plus généralement, entre les personnes au sein de la société.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Pour rebondir sur l’intervention de M. Guedj, la notion de tiers, telle que nous l’avons définie, se limite bien à des personnels soignants volontaires, qui n’ont pas invoqué leur clause de conscience. Il n’est pas question de l’élargir de quelque façon que ce soit, parce qu’il pourrait en découler une responsabilité écrasante et une culpabilité très forte pour les personnes concernées, qui pourraient se sentir obligées d’accéder à la demande leur proche, par amitié ou par esprit familial.
M. Yannick Monnet (GDR). Je suis évidemment opposé à cet amendement, mais je voulais surtout réagir aux propos de Thibault Bazin.
Vous êtes opposé au droit que nous sommes en train de créer. Je ne vous le reproche pas. Convenez néanmoins que, dès lors qu’on instaure un droit, on veut le rendre accessible à tous. Or comment pouvez-vous affirmer que le malade peut s’administrer lui-même le produit alors que vous ne connaissez pas les blocages qui peuvent l’empêcher de le faire ? Si une personne éprouve le besoin de demander l’aide d’un tiers, nous devons lui garantir cette possibilité. Rien ne nous autorise à juger de sa capacité à faire ce geste, car sa seule demande démontre précisément son incapacité. C’est en nous conformant à la volonté du malade, et non en portant une appréciation sur ce qu’il peut faire ou non, que nous parviendrons à faire respecter réellement ce droit.
M. Patrick Hetzel (DR). Le principe de l’exception euthanasique, jusqu’alors prévue par le texte, vient de disparaître avec l’adoption de l’amendement AS676. Dès lors, l’encadrement juridique change de nature : le suicide assisté et l’euthanasie se trouvent placés sur le même plan, cette dernière n’étant plus limitée à un petit nombre de cas. Ce n’est pas anodin.
Nos débats avaient déjà achoppé sur ce point. Encore une fois, ils sont très révélateurs de cet effet domino qui, alors qu’il se déploie d’habitude au fil des lois successives, opère ici au cours même des travaux de la commission. L’équilibre est déjà en train de tomber. J’en prends acte. M. Falorni nous avait d’ailleurs déjà un peu alertés sur ce point qui, je le répète, est tout sauf anodin.
M. Christophe Bentz (RN). Je partage l’avis de mes collègues de la Droite républicaine. Ce qui vient de se passer est important – grave pour certains, positif pour d’autres –, puisque vous venez de supprimer l’exception euthanasique et d’en faire la règle. En supprimant un à un les critères qui en restreignaient le champ, vous radicalisez le texte, comme vous l’aviez d’ailleurs fait il y a un an en revenant sur la nécessité que le pronostic vital soit engagé à court ou moyen terme. Il y a bien là un effet domino qui montre que ce texte permet toutes les dérives.
Mme Annie Vidal (EPR). Il me semble en effet que nous venons de modifier l’esprit du texte, puisque l’auto-administration, qui devait être la règle, laisse en partie la place à l’administration de la substance létale par un tiers soignant. Cela me gêne d’autant plus que ce changement intervient très tôt dans nos travaux et que le rapporteur général avait annoncé vouloir conserver l’équilibre du texte. Nous n’avons visiblement pas la même définition de ce qui constitue cet équilibre.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est un peu ce que fait le Rassemblement national, qui, tout en dénonçant un prétendu effet domino – alors même que le dispositif que nous venons d’adopter reste très circonscrit, puisque seul le personnel médical pourra accompagner le patient jusqu’à la mort –, dépose un amendement visant à permettre à davantage de personnes d’administrer la solution létale.
Je serais curieuse de savoir, au passage, comment on peut juger du caractère égoïste des motifs d’une personne ou d’une association. Une telle disposition n’a pas sa place dans ce texte, non seulement parce qu’elle est très floue, mais aussi parce qu’elle conduirait à ouvrir davantage une possibilité que vous jugez par ailleurs déjà trop étendue. J’avoue avoir du mal à comprendre.
M. René Pilato (LFI-NFP). Il est en effet incompréhensible, après avoir refusé qu’un soignant, en accord avec le patient, puisse administrer la substance létale, de vouloir permettre à des membres d’association de le faire. Pouvez-vous nous éclairer sur votre logique ?
M. Laurent Panifous (LIOT). Bien sûr, l’amendement AS676, qui a été largement soutenu, est important et modifie significativement le texte. Néanmoins, il n’en remet pas en cause l’équilibre, parce qu’il ne touche pas aux critères d’éligibilité au dispositif : pas une personne supplémentaire ne pourra y accéder du fait de l’amendement que nous venons de voter – ce qui n’enlève rien à son importance.
Le texte est long. Ne portons pas dès à présent de jugements définitifs sur un prétendu effet domino et sur la libéralisation folle à laquelle il mènerait. Laissons vivre les débats, travaillons, et je suis persuadé que nous aurons l’occasion d’être plus restrictifs que le texte initial sur certains critères et stades de la procédure. Pousser des cris horrifiés chaque fois que nous votons une évolution qui ne va pas exactement dans votre sens n’est ni sérieux ni raisonnable. Affirmer dès maintenant qu’on a perdu l’équilibre du texte est à mon sens un raccourci.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Nous débattons à la fois sur l’amendement AS676 et sur celui de ma collègue Dogor-Such. S’agissant du premier, je partage totalement l’avis de M. Panifous.
Pour ce qui est du second, au risque de me répéter, il s’agit d’un amendement d’appel, qui n’a pas vocation à être pris au premier degré : ma collègue – même si je ne partage pas sa conviction – veut simplement dire qu’on constate parfois des dérives dans les pays ayant consacré ces nouvelles libertés, notamment lorsque le processus fait intervenir des membres d’association. Elle veut mettre ce point en exergue car elle estime qu’il mérite d’être débattu. C’est ainsi qu’il faut l’entendre.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je me garderai bien de conclure sur ce sujet, car la question de la fin de vie se posera toujours, même quand, je l’espère, le texte sera définitivement adopté. Peut-être certains voudront-ils d’ailleurs l’abolir, même si, au cours de mon expérience, j’ai connu des députés très opposés à d’autres évolutions sociétales qui, une fois revenus au pouvoir quelques années plus tard, ont renoncé à abandonner des réformes qui avaient entre-temps été acceptées par la société.
Ayant depuis longtemps déserté l’armée des naïfs, je ne suis pas dupe de la petite musique que certains tentent de faire monter. L’adoption de l’amendement AS676, par lequel on a étendu la possibilité pour le patient de solliciter l’aide d’un soignant au-delà des seuls cas d’inaptitude physique, serait un cataclysme, un véritable tsunami – je crois même que les murs ont tremblé ! Tout cela n’est pas sérieux. Notre collègue Hetzel a d’ailleurs reconnu, avec une grande honnêteté, que l’équilibre du texte ne s’en trouverait pas modifié. Arrêtons les effets de manche, auxquels avaient déjà eu recours ceux qui accusaient l’année dernière la commission spéciale d’avoir ouvert la boîte de Pandore.
Pour revenir sur l’intervention de Jérôme Guedj, si les directives anticipées figuraient bien dans ma proposition de loi de 2021, je dois avouer avoir été très surpris en constatant que le texte gouvernemental prévoyait de permettre à un tiers volontaire d’administrer la substance létale : je ne l’avais ni proposé, ni même envisagé. Pour le coup, si une telle disposition devait être réintroduite, je serais d’accord avec vous : elle modifierait bien l’équilibre du texte. Prenons néanmoins acte du fait que l’Assemblée nationale avait déjà écarté cette éventualité l’année dernière, considérant que seul un professionnel de santé devait pouvoir faire ce geste – à l’exception du malade lui-même, bien entendu.
Pour le reste, gardons-nous des grands mots et des effets de tribune.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon objectif est de protéger les personnes vulnérables. Pourquoi ne pas prévoir que les membres d’association impliqués dans le processus doivent être neutres ? Si le texte est adopté, il doit être cadré pour éviter toute dérive.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. J’entends que vous avez présenté un amendement d’appel. Toutefois, nous sommes ici à fronts renversés, puisque je ne souhaite pas qu’on puisse faire appel à des personnes non soignantes dans le cadre d’une aide à mourir, alors que vous, qui êtes opposée au texte, voulez ouvrir cette possibilité à des associations. Vous insistez sur le fait qu’elles doivent agir « pour des motifs non égoïstes », ce que je conçois parfaitement, d’autant que je ne suis pas un adepte du modèle suisse, mais nous comptons adopter un texte bien différent, qui ne reprendra nullement les procédures en vigueur chez nos voisins helvètes. Ce débat est, somme toute, un peu étonnant, bien qu’intéressant. Je suis en tout cas opposé, sur le fond, à la mesure que vous proposez.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS115 de Mme Justine Gruet
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.
Mme la rapporteure. Avis défavorable. La précision selon laquelle le soignant doit être en activité aura davantage sa place dans les articles détaillant la procédure.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS677 de Mme Karen Erodi
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Le choix d’éteindre la lumière est parfois, dans les cas où les difficultés physiques sont les plus grandes, la condition sine qua non d’une fin de vie digne. Il ne s’agit pas d’y inciter, mais d’en donner la possibilité. L’hypocrisie réside dans le fait que cette liberté existe ailleurs et que nombre de nos concitoyens y ont recours en passant la frontière s’ils en ont les moyens. Il paraît évident que ce choix doit également être assorti du droit à désigner une personne de confiance qui, si elle l’accepte, dans des conditions strictes et dans le cadre d’un accompagnement médical, doit pouvoir honorer cette dernière volonté.
C’est pourquoi nous souhaitons rétablir la possibilité de désigner une personne de confiance qui pourra administrer la substance létale, en conservant bien entendu le droit de se rétracter à tout moment.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Autant l’amendement de Mme Leboucher ne remettait nullement en cause l’équilibre du texte, autant celui-ci le modifierait substantiellement. J’y suis donc défavorable. Vos arguments sont parfaitement audibles. Je m’étais d’ailleurs interrogé, à la lecture du projet de loi initial, sur cette extension de la possibilité d’administrer la substance létale, à laquelle je n’étais pas opposé par principe. C’est en échangeant avec les uns et les autres que j’ai acquis une forme de conviction qui me conduit à m’opposer à la disposition que vous proposez.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’ai déposé un amendement similaire à celui-ci, après avoir beaucoup douté. L’an dernier, lorsque cette question s’est posée, je craignais que ce rôle confié à un proche puisse certes être perçu comme un ultime geste d’amour, mais aussi comme une responsabilité très angoissante et très difficile à accepter ou à refuser pour la personne sollicitée. J’avais du mal à définir ma position. Puis les auditions nous ont permis de voir d’autres faces du problème.
Les associations expliquent qu’il faut envisager cette éventualité dans la loi, parce qu’elle surviendra dans les faits : nous serons confrontés à ces situations dans lesquelles la personne voudra être accompagnée jusqu’au bout par un proche. Alors, si cet accompagnement est fort – si les deux mains serrent ensemble le verre, par exemple –, une ambiguïté pourra survenir. Prévoir dans les textes qu’un proche pourrait être sollicité de cette façon permettrait de protéger juridiquement ceux qui accompagneront le patient dans ses derniers gestes. J’ai donc changé d’avis : j’estime qu’il faut couvrir ces situations et que nul ne doit être poursuivi pour avoir, dans un ultime geste d’amour, accompagné la volonté d’un proche jusqu’à accepter d’être cette tierce personne qui administre la solution létale.
Mme Annie Vidal (EPR). Nous avons longuement débattu de cette question si importante. Cet amendement pose le problème essentiel du rôle du proche dans ces derniers moments. S’il était adopté, les personnes concernées auraient-elles réellement la possibilité d’accepter ou de refuser cette tâche ? Pour celui qui accompagne un conjoint ou un parent, accéder à une telle requête est très difficile, mais refuser, c’est aussi renoncer à lui témoigner l’affection ou l’amour qu’on lui porte. Toutes les personnes que nous avons auditionnées nous ont fait savoir que c’était presque l’assurance d’un deuil compliqué.
Au-delà du fait qu’une telle disposition modifierait fortement l’équilibre du texte, elle renvoie à des questionnements éminemment complexes. Je pense, à titre personnel, que le rôle du proche n’est pas celui-là : il est certainement de tenir la main, mais pas de faire ce geste.
M. Patrick Hetzel (DR). J’entends les arguments en faveur d’une protection juridique du proche mais introduire cette disposition dans la loi risque d’aboutir à l’effet inverse de celui recherché. En lui donnant la possibilité de contribuer à l’acte létal, il ne faudrait pas le fragiliser alors qu’il aura déjà à faire face à son deuil.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous noterez qu’il n’y a que deux signataires pour cet amendement AS677 car les avis au sein de notre groupe divergent. Il est très difficile voire impossible de refuser à un proche que l’on aime de respecter ses dernières volontés et je comprends les arguments de mes collègues. Seulement, si la substance létale est administrée par le personnel soignant, la charge est partagée, ce qui n’est pas le cas si le proche procède seul à ce geste. Que la loi n’autorise pas qu’une tierce personne intervienne pourrait être sécurisant pour lui : il serait soulagé du poids d’avoir à faire un choix très compliqué à vivre.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Une lourde charge mentale pèse en effet sur le proche en pareille situation, surtout la question du consentement éclairé se pose, je le sais pour l’avoir vécu. Dans un moment de tension affective extrême, alors qu’une personne que l’on aime est en train de mourir, on ne peut dire oui ou non en toute liberté. Je voterai donc contre cet amendement
M. Thibault Bazin (DR). Je ne suis pas non plus favorable à cet amendement. L’article du code de santé publique sur lequel nous légiférons s’insère dans son livre Ier, consacré à la « protection des personnes en matière de santé » : s’y mêlent protection des malades, protection des soignants et protection des proches. Deux éthiques sont ici en conflit : d’une part, l’éthique de l’autonomie qui met en jeu la liberté du patient, du soignant ou du tiers ; d’autre part, l’éthique de la vulnérabilité, vulnérabilité parfois inconsciente, de celui qui formule une demande mais aussi de celui qui la reçoit, dont il importe de prendre en compte la situation. Un proche peut toujours se dire qu’il a contribué au geste létal parce que le malade l’a voulu alors que sa participation n’était pas forcément nécessaire, ce qui emporte certaines conséquences en matière de culpabilité éventuelle. Mesurons les impacts d’une telle possibilité et n’allons pas trop loin.
Mme Camille Galliard-Minier. Nous sommes animés de la même volonté de protéger les proches. Comme Mme Amiot, j’estime que la meilleure protection à leur apporter est de poser un interdit afin de leur épargner des choix extrêmement difficiles. Rien n’empêche que la famille soit présente aux côtés des soignants au moment de l’administration de la substance.
M. Nicolas Turquois (Dem). Pour plusieurs raisons, j’estime que la personne qui administre la substance doit être totalement indépendante du malade en fin de vie. Tout d’abord, un proche, dans ces moments-là, ne peut consentir librement, comme l’a dit Mme Rousseau, et un tel geste l’expose à de lourdes conséquences psychologiques. D’autre part, il y a un risque de faire exploser les cellules familiales. Celui qui aurait accompli ce geste en le considérant comme un acte d’amour pourrait se le voir reprocher par des membres de sa famille, un frère, une sœur, par exemple. Rappelons-nous des désaccords des proches de Vincent Lambert sur son sort, même si son cas ne relève pas des situations que nous examinons.
M. René Pilato (LFI-NFP). Notre débat est éclairant : il montre comment l’intelligence collective peut nous faire toutes et tous cheminer. Pour éclairer mon vote contre cet amendement, je citerai un chiffre : le taux de dépression parmi les non-soignants ayant pratiqué le geste létal s’élève à 14 %. Je ne prendrai pas ce risque.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Les mêmes arguments peuvent valoir à l’inverse : si un proche souhaitant accompagner jusqu’au dernier moment la personne qu’il aime, à sa demande, est privé de le faire, cela ne compliquera-t-il pas son deuil ? Notre amendement ouvre une possibilité : rien n’empêchera les proches de se tourner vers le personnel médical. Il importe d’éviter aux personnes déterminées à participer à l’acte, en tenant le verre, par exemple, d’être considérées comme des criminelles.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS860 de Mme Danielle Simonnet.
Amendement AS235 de Mme Justine Gruet
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.
Amendement AS35 de M. Patrick Hetzel
Mme la rapporteure. Défavorable.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7 qui fait référence à l’article 122-4 du code pénal aux termes duquel « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». Autrement dit, une protection juridique essentielle serait retirée aux soignants accompagnant les patients recourant à l’aide à mourir, protection que, me semble-t-il, vous voulez aussi leur assurer. Votre démarche me surprend.
M. Thibault Bazin (DR). Je n’ai pas cosigné cet amendement mais je vais le défendre en soulignant sa cohérence avec notre opposition à l’alinéa 6. Les dispositions sur lesquelles nous sommes appelés à nous prononcer vont modifier les relations entre soignant et soigné et faire peser au niveau de la société tout entière un risque sur des personnes vulnérables. L’aide à mourir sera en effet susceptible d’être utilisée comme une solution de facilité tant que l’égalité de l’accès aux soins palliatifs n’est pas assurée sur l’ensemble du territoire. Nous considérons que le texte, en ne faisant plus de l’euthanasie une exception, est déséquilibré. La ministre Vautrin a d’ailleurs dit sa volonté de revenir sur les critères, insistant sur les conditions liées au pronostic vital et sur la collégialité de l’avis. Yannick Neuder le souhaite aussi.
M. Patrick Hetzel (DR). Notre groupe est majoritairement opposé à cette seconde proposition de loi et nous avons déposé nos amendements en conséquence.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS945 de M. Philippe Juvin et AS118 de Mme Justine Gruet (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (DR). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AS945.
Amendement AS792 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS863 et AS862 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Ces amendements ouvrent la possibilité de mettre en œuvre, par l’intermédiaire de la personne de confiance, les directives anticipées d’une personne se trouvant dans une situation ne permettant pas une expression réitérée en pleine conscience de la demande – AS863 – ou étant affectée par une perte irréversible de sa conscience – AS862. La volonté du patient en fin de vie est au cœur du texte et nous considérons que ce serait là une façon de respecter son libre arbitre au lieu de se contenter de dire qu’il est trop tard pour elle.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Étant intervenu très longuement pendant notre débat sur les directives anticipées, je ne vais pas exposer à nouveau mes arguments. Je renouvelle mon opposition à une telle possibilité.
M. Patrick Hetzel (DR). Nous serions le premier pays à aller en ce sens si nous adoptions ces amendements. Dans les pays ayant légalisé l’aide à mourir, le consentement libre et éclairé de la personne reste la règle. Ces exemples nous amènent à penser qu’il s’agit d’une ligne rouge à ne pas franchir.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je suis assez mal à l’aise face à ces amendements. D’un côté, je suis profondément attachée aux directives anticipées, dispositif insuffisamment connu des Françaises et des Français. De l’autre, je déplore que la rédaction ne prenne pas en compte la temporalité. Il faudrait que cette possibilité ne soit ouverte que lorsque les directives anticipées sont récentes afin de rester au plus près de la volonté exprimée par la personne, ce que je proposerai dans mon amendement AS685. Jérôme Guedj, l’année dernière, avait suggéré des délais de trois ou cinq ans. Je voterai contre ces amendements.
M. Yannick Monnet (GDR). La question des directives anticipées est complexe. Je trouve très délicat de supposer ce qu’aurait été le désir de la personne : une chose est de se projeter mentalement dans telle ou telle situation ; une autre est d’y être confrontée dans la réalité. À mon sens, il faut renoncer à essayer de répondre à toutes les situations particulières : nous n’y arriverons pas. Chaque cas est singulier et appelle des points de vue différents, tous légitimes. Je suivrai la position du rapporteur, notamment pour conserver au texte un caractère consensuel.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Certes, monsieur Monnet, on ne peut pas traiter tous les cas mais on ne peut pas non plus exclure certaines personnes. Or il y a des oubliés dans cette proposition de loi, notamment les personnes atteintes de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, qui ne sont plus en mesure de réitérer leur volonté de façon libre et éclairée. Pourquoi les laisser subsister dans un état indigne ? Je suis favorable à ce que l’on ouvre la possibilité pour la personne de confiance d’activer les directives anticipées.
M. Thibault Bazin (DR). Les directives anticipées permettent de savoir si la personne accepte la poursuite de certains soins ou le recours à certains dispositifs, ce qui n’est pas du même ordre que l’administration d’une substance létale, qui est irrémédiable. De plus, la volonté d’une personne peut fluctuer.
Pour les personnes atteintes de pathologies comme la maladie d’Alzheimer, j’espère que les progrès de la science leur garantiront un meilleur accompagnement. Quelle situation justifierait le recours à l’aide à mourir ? Si elles sont arrivées à leurs derniers jours, elles peuvent se voir administrer une sédation profonde et continue. Si elles ont encore du temps devant elle, que faire ? Les critères d’éligibilité et les conditions de mise en œuvre renvoient à des questions d’éthique multiples et variées.
Mme Anne Bergantz (Dem). Nous souhaitons tous mieux encadrer la mise en œuvre de l’aide à mourir. Pour ma part, je m’attache à un critère en particulier : l’expression de la volonté libre et éclairée, jusqu’à la fin. Je suis donc défavorable à cet élargissement aux directives anticipées.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS37 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Pour éviter tout risque d’abus de faiblesse, nous tenons à ajouter l’alinéa suivant : « La personne de confiance, un parent, un proche ou le médecin traitant s’assure que la personne ne se trouve pas en état de faiblesse ou d’ignorance. » Un principe fondamental doit nous guider : la protection de l’autonomie du patient. Les amendements relatifs à la mise en œuvre des directives anticipées, s’ils avaient été adoptés, auraient posé un problème constitutionnel car la jurisprudence, ces dernières années, a privilégié l’autonomie, donc le consentement libre et éclairé.
Mme la rapporteure. Vous le savez, chers collègues, je suis très sensible aux risques d’emprise, d’abus de faiblesse, et à toutes les dérives qui y sont associées. Néanmoins, ce texte pose le principe que la demande du patient doit être l’expression de sa volonté libre et éclairée et requiert des avis médicaux rigoureux. Faire intervenir une tierce personne alourdirait le dispositif et laisserait peser une grande responsabilité sur elle.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Il me semble, monsieur Hetzel, que votre demande est satisfaite par l’alinéa 9 de l’article 4 qui pose comme condition d’accès à l’aide à mourir le fait d’« être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».
M. Patrick Hetzel (DR). Vous avez parfaitement raison ; j’accepte de retirer mon amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement AS36 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). L’aide à mourir est incompatible avec les dispositions de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique qui définit les soins – investigation, prévention, traitement. Il convient donc de préciser qu’elle ne saurait être considérée comme un soin.
Mme la rapporteure. Vous suggérez que l’aide à mourir s’opposerait à l’éthique de soin classique de la médecine. Je pense, au contraire, qu’elle se situe dans le prolongement de ce souci éthique. Nulle part dans le texte, l’aide à mourir n’est du reste qualifiée de soin.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Mon attachement à l’éthique de la vulnérabilité me conduit à penser que l’aide à mourir ne relève pas du soin. Certes, le texte ne le précise pas de manière explicite mais certains d’entre vous utilisent pour la désigner les termes de « soin ultime ».
M. Thibault Bazin (DR). Sur l’aide à mourir, la position que le CCNE a exprimée à travers ses avis a évolué. Ses membres se sont d’abord interrogés pour savoir si elle relevait du soin, puis ils ont pris en compte la demande de la société, en posant des garanties éthiques afin de préserver la relation du soignant et du soigné. Il va nous falloir trancher : cet acte relève-t-il de la liberté et de l’autonomie – nous nous situerions alors dans le cadre d’une loi de société – ou relève-t-il de la médecine ? Doit-on reconnaître que le caractère exceptionnel de cet acte médical appelle certaines conditions pour le mettre en œuvre ? Sur ces questions, je ne serai pas aussi catégorique que vous, madame la rapporteure. Les soins renvoient à l’obligation pour les soignants de les prodiguer si une personne en a besoin. Ici, nous ne sommes pas dans le même cadre : l’aide à mourir relève de la demande des patients. Un droit à l’aide à mourir a été évoqué. Il faudra là encore trancher car la cible et le périmètre différeront selon la réponse qu’on apporte.
M. Yannick Monnet (GDR). Je voterai pour cet amendement car s’il y a bien un point sur lequel le groupe GDR est unanime, c’est le refus d’assimiler l’aide à mourir à un soin. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 3. Nous estimons toutefois qu’elle relève d’un environnement médical et qu’elle doit figurer dans le code de la santé publique. Qu’elle soit avant tout une aide ne doit pas non plus nous dissuader de l’autoriser.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). J’ai déjà accompagné des patients hospitalisés à leur domicile pendant leur fin de vie avec des infirmières et des aides-soignantes et, sans la qualifier de soin ultime, je considère cette aide à mourir comme la prolongation des traitements qui auront été dispensés. Si l’on dresse une frontière étanche entre soins palliatifs et fin de vie, entre soin et non-soin, on laissera le patient tout seul, se débrouiller comme il peut.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je citerai l’avis 139 du CCNE : « Certains professionnels de santé font valoir qu’ils sont tenus, non seulement de soigner et de respecter la vie, mais aussi de soulager les souffrances inconditionnellement. Leur éthique du soin pourrait justifier selon eux, lorsque les conditions sont réunies, qu’il soit mis fin à l’intolérable, même si cette décision de soulagement de la souffrance devait avoir pour conséquence d’abréger la vie. » Il y a bien des professionnels de santé, comme Mme Dubré‑Chirat, qui considèrent l’aide à mourir comme un soin.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Quand vous accompagnez des personnes à domicile, vous les soignez jusqu’à leur dernier souffle, tandis que l’aide à mourir consiste à réaliser un acte pour provoquer la mort. La sédation profonde et continue est différente. Un malade en chimiothérapie, qui décide d’arrêter son traitement parce qu’il n’en supporte plus les effets secondaires, sera informé que sa maladie va évoluer très vite et qu’il va souffrir par un médecin qui pourra lui proposer des sédatifs pour lui éviter cette souffrance. C’est l’évolution naturelle de la maladie qui déclenchera le décès.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je tiens à ce que cet acte soit légalement qualifié de médical, sans quoi il n’y a pas de raison de donner la possibilité aux professionnels de santé de l’accomplir. Par ailleurs, le tiers des médecins français disposés à le réaliser et les médecins belges auditionnés nous ont dit qu’ils étaient prêts à le considérer comme un acte de soin.
M. Laurent Panifous (LIOT). Il faut en effet qu’il soit qualifié de médical pour être codifié et rémunéré.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1023 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à préciser que « l’aide à mourir n’est pas une mission de service public des établissements de santé et des établissements sociaux ou médico-sociaux ».
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS255 de M. Thibaut Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Dans le même esprit que l’excellent amendement AS627 de Mme Darrieussecq sur lequel nous n’avons pas pu nous prononcer, je propose de préciser que cette aide active à mourir ne peut être pratiquée que par et pour des personnes volontaires.
Mme la rapporteure. Votre amendement est déjà satisfait. La « volonté libre et éclairée des malades » est mentionnée dans la loi, tout comme celle des professionnels.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Peut-être faites-vous allusion à des articles que nous n’avons pas encore discutés ? Nous avons vu, au cours de l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs, que des articles avaient été supprimés avant même d’être complétés. Si la ministre Darrieussecq, qui connaît mieux que moi le sujet, a jugé nécessaire de déposer un amendement pour préciser que les médecins sont volontaires, c’est sûrement qu’il y a lieu de le faire.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je prends cet amendement comme une provocation. Comment imaginer que ce texte, qui fait l’objet d’une recherche d’équilibre de chaque instant, aiderait des gens à mourir contre leur volonté ? Certaines formulations sont réellement blessantes.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS866 de Mme Lisette Pollet.
Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.
Article 3 : Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci
Amendements de suppression AS38 de M. Patrick Hetzel, AS170 de Mme Hanane Mansouri, AS507 de M. Yannick Monnet, AS702 de M. Christophe Bentz, AS867 de Mme Lisette Pollet et AS940 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). Par cohérence avec nos déclarations, nous souhaitons supprimer l’article 3.
M. Yannick Monnet (GDR). L’article 3 modifie l’article L.1110-5 du code de la santé publique pour y inscrire l’aide à mourir, dont il fait un soin délivré dans le cadre de l’apaisement de la souffrance et de la fin de vie. Nous ne la considérons pas comme un soin ; elle intervient précisément quand les soins sont mis en échec et qu’ils ne suffisent pas à soulager les souffrances de la personne malade ou quand celle-ci décide de cesser un traitement ou le refuse, c’est-à-dire quand elle décide que les soins doivent s’arrêter.
De plus, l’inscription de l’aide à mourir dans cet article instaure un continuum avec la sédation profonde et continue, alors qu’elles sont très différentes. En 2018, la HAS avait défini six différences entre elles : l’intention – soulager une souffrance réfractaire pour l’une, répondre à une demande de mort pour l’autre ; le moyen – altérer la conscience profondément, provoquer la mort ; la procédure – médicament sédatif, médicament létal ; le résultat – sédation profonde poursuivie jusqu’au décès dû à l’évolution naturelle de la maladie, mort immédiate ; la temporalité – délai imprévisible, rapidité ; la législation enfin. Pour toutes ces raisons, il ne nous semble pas opportun d’inscrire l’aide à mourir dans cet article. Il faut distinguer acte de soin et acte médical.
M. Christophe Bentz (RN). Vous l’aurez compris : en tant qu’opposants à ce texte, nous essayons de le détricoter de toutes les manières. S’il y a bien un endroit où il faudrait inscrire euthanasie ou suicide assisté, c’est bien ici. Mais comme vous ne voulez pas vous y résoudre, nous préférons supprimer l’article. Qu’est-ce que l’aide à mourir en réalité ? C’est l’accompagnement de la vie jusqu’à la mort : ce sont les soins palliatifs. Vous inversez les deux termes.
Mme Lisette Pollet (RN). Donner la mort ne doit pas être assimilé à un soin. Que l’on veuille ouvrir la boîte de Pandore en créant un fait justificatif de consentement de la victime est une chose, que l’on habille un acte grave et moralement équivoque en soin en est une autre. Un soin vise à écarter la mort. À défaut de mieux, il vise à atténuer la souffrance – c’est le sens de la loi Claeys-Leonetti. Il ne saurait en aucun cas consister à donner la mort. Le suicide assisté n’est donc pas la traduction du droit à obtenir des soins mais une exception. Le débat mérite mieux qu’un travestissement des termes.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vos amendements visent à supprimer l’article 3 qui précise que « le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », qui a été consacré par l’article 1er de la loi Claeys-Leonetti, comprend « la possibilité de bénéficier de l’aide à mourir dans les conditions prévues » par cette proposition de loi.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS595 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). Je souhaite préciser qu’il s’agit d’un droit nouveau. Le législateur acte une évolution majeure de notre droit, en ce qu’il permet à une personne, dans certaines conditions strictes, de choisir les modalités de sa propre mort. Cette précision rappelle également qu’il ne s’agit pas seulement d’autoriser un acte mais bien d’affirmer un droit subjectif, inédit dans notre droit positif et étroitement encadré.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ce droit est plus large que la possibilité de recourir à l’aide à mourir ; il vise en réalité l’ensemble des dispositifs d’accompagnement des malades en fin de vie, notamment les soins palliatifs. Dans la mesure où il est issu de la loi Claeys-Leonetti il n’est pas exactement nouveau, même si nous devons bien évidemment travailler à le rendre plus effectif. Par ailleurs, les lois que nous adoptons étant appelées à s’inscrire dans la durée, l’adjectif « nouveau » risque de perdre peu à peu son sens.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). L’article L.1110-5, issu de la loi Claeys-Leonetti, dispose déjà que : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. » Le droit d’être soulagé existe. S’il n’est pas effectif, ce n’est que par manque de soins palliatifs. Est-ce qu’ajouter ici un nouveau moyen à la disposition des médecins pourrait être considéré comme un outil permettant de faciliter, en quelque sorte, la bonne application de l’article ? Cela a de quoi questionner.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Certes, ce serait un droit nouveau mais il ne le resterait pas bien longtemps. Je ne comprends pas l’intérêt de cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS793 de Mme Marie-France Lorho et sous-amendement AS1151 de M. Matthias Renault
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
M. Matthias Renault (RN). Quand l’accès aux soins palliatifs est possible, le patient renonce souvent à demander la mort. L’existence de cette alternative met en lumière un tabou dans le débat sur l’euthanasie : le coût de la fin de vie – disons des six derniers mois. Est-ce que le développement de l’euthanasie permettrait de faire des économies sur nos finances publiques ? En Suisse, le coût de la fin de vie est calculé de manière assumée. Ce calcul a également été fait par la direction de la sécurité sociale, qui ne l’a pas rendu public, ainsi que par certaines mutuelles de santé qui militent pour le développement de l’euthanasie. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales a estimé qu’elle coûtait environ 6,6 milliards d’euros par an.
Mme la rapporteure. Le droit de bénéficier des soins palliatifs est déjà reconnu par l’article L.1110-9 du code de la santé publique. Ce que nous devons faire, à présent, c’est le rendre effectif. Tel est l’objet du texte que nous avons adopté ce matin.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Parlez-vous de la fin de vie de ceux qui demanderaient à mourir de manière accélérée ou de l’accompagnement de toutes les personnes dans les unités de soins palliatifs ? Votre chiffre m’intrigue. On sait que l’on n’accompagne pas bien les personnes en fin de vie et que 50 % de celles qui en auraient besoin n’ont pas l’accompagnement qu’elles devraient avoir. S’agit-il du montant des économies qui pourraient être réalisées ? Pourriez-vous préciser ce que recouvre ce montant, qui n’est pas simple à estimer ?
M. Matthias Renault (RN). Ces 6,6 milliards d’euros représentent le coût de la fin de vie au titre de l’assurance maladie. En transposant à la France le taux de mort administrée du Québec, les économies liées à un développement de l’euthanasie seraient de 1,4 milliard, selon Jean-Marc Sauvé dans une tribune du Figaro.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendements AS703 de M. Christophe Bentz, AS120 de Mme Justine Gruet, AS797 de Mme Sandrine Dogor-Such et AS596 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). Une confusion existe entre la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès et l’euthanasie. Or ces deux notions sont fondamentalement différentes et incomparables. Il y a au moins deux différences majeures : la létalité et l’intentionnalité.
M. Philippe Juvin (DR). L’aide à mourir est une notion qui englobe la lutte contre les nausées, les vomissements, les douleurs, la prévention des escarres ; celle de suicide assisté est beaucoup plus précise. C’est pourquoi nous souhaitons par l’amendement AS120 l’inscrire dans le texte.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’aide à mourir, pour ne pas dire « euthanasie » et « suicide assisté », ce n’est pas de la médecine, c’est un choix de société. Selon un sondage réalisé entre le 11 et 14 mars par FLASHS pour LNA Santé, 49 % des Français admettent ne pas connaître la différence entre l’aide à mourir, le suicide assisté et l’euthanasie.
Mme Annie Vidal (EPR). Cela éviterait bien des débats de parler d’aide active à mourir, afin d’introduire une nuance avec l’aide à mourir, qui, à mon sens, englobe différentes pratiques et est très large.
Mme la rapporteure. Même débat, même réponse : avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Thibault Bazin faisait référence à une interview croisée entre Astrid Panosyan-Bouvet et Claire Fourcade, où cette dernière, en tant que présidente de la Sfap, insistait sur le fait que l’aide à mourir faisait partie des soins palliatifs. Le terme « active » dissiperait toute ambiguïté.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1148 de Mme Brigitte Liso
Mme la rapporteure. L’amendement vise à reconnaître le droit de recevoir une information concernant l’aide à mourir et précise que celle-ci doit être délivrée sous une forme compréhensible de tous, en Falc – facile à lire et à comprendre – le plus souvent.
Mme Annie Vidal (EPR). Si ce n’est pas une aide active !
M. Thibault Bazin (DR). L’article L.1110-5, que je vous ai cité tout à l’heure, ne concerne pas du tout la délivrance d’informations !
M. Philippe Juvin (DR). Si ce n’est pas de l’aide active, je n’y comprends plus rien ! Refuser les amendements de Mme Vidal mais adopter celui-ci ne me paraît pas très fair comme disent les Anglais.
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes favorables à une meilleure information et à une meilleure compréhension. Mais, madame la rapporteure, comment voulez-vous que nous votions cet amendement, alors que nous ne cessons de vous dire que la terminologie du texte pose problème et crée une confusion ? Nous aurions préféré que l’amendement de Mme Vidal, qui apportait une précision, soit adopté.
M. Patrick Hetzel (DR). Une telle rédaction a tout de la promotion de l’aide à mourir. Or il faut de la cohérence et un équilibre. Promouvoir l’aide à mourir n’est pas de la même nature qu’ouvrir un droit. Pourquoi en ce cas ne pas faire la même chose pour les soins palliatifs ? D’un côté, on nous dit que peu de personnes seront concernées, de l’autre, à force d’informations, on va étendre le nombre de personnes susceptibles de l’être.
Mme la rapporteure. Je suis à votre écoute et je retire mon amendement.
M. Yannick Monnet (GDR). Je trouve vos réactions très choquantes ! Nous ferions de la promotion parce que nous voulons que toutes les personnes aient accès à une information. Nous avons fait la même chose pour les soins palliatifs ! Il est normal qu’à l’ouverture d’un droit toutes les personnes, y compris celles en situation de handicap, aient accès à l’information.
M. le président Frédéric Valletoux. Il me semble que c’était plutôt la position de l’amendement dans le code qui posait problème.
M. Yannick Monnet (GDR). Cet emplacement ne me paraît pas gênant, dans la mesure où nous nous assurons que ce nouveau droit soit compris par tous.
M. le président Frédéric Valletoux. L’amendement a été retiré ; le sujet reviendra certainement dans l’hémicycle.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 3 non modifié.
La réunion s’achève à dix‑neuf heures trente.
Présents – Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Éric Bothorel, M. Jean-François Coulomme, Mme Dieynaba Diop, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Emmanuel Grégoire, M. Jérôme Guedj, Mme Ayda Hadizadeh, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Juvin, Mme Élise Leboucher, M. Vincent Ledoux, M. Stéphane Lenormand, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, M. Éric Martineau, Mme Estelle Mercier, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Laurent Panifous, Mme Anna Pic, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Claude Raux, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal
Excusée. - Mme Karine Lebon
Assistait également à la réunion. – M. Matthias Renault