Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; Mme Brigitte Liso, M. Laurent Panifous M. Stéphane Delautrette et Mme Élise Leboucher, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................47
Mercredi
30 avril 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 77
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à quinze heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) (M. Olivier Falorni, rapporteur général ; M. Stéphane Delautrette, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso et M. Laurent Panifous, rapporteurs).
Article 7 : Détermination de la date d’administration de la substance létale et droits de la personne
Amendements de suppression AS79 de M. Patrick Hetzel, AS306 de M. Thibault Bazin, et AS973 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). Parce qu’il est insuffisamment précis sur la possibilité pour la personne de changer d’avis, l’encadrement de la présence des tiers et le lieu de l’administration de la substance létale, nous souhaitons supprimer cet article.
M. Thibault Bazin (DR). Cet article suscite plusieurs questions. Son alinéa 2 revient à laisser la personne choisir la date de sa mort. Comment être sûr qu’elle ne change pas d’avis d’ici à cette échéance ? Une fois la date fixée, n’y a-t-il pas un risque qu’elle n’ose plus remettre en question sa décision de peur de nuire à l’organisation des professionnels de santé ? De nombreux soignants travaillant dans des services de soins palliatifs rapportent que les patients changent fréquemment d’avis, même d’un jour à l’autre, selon leur état de santé, la qualité des soins qui leur sont prodigués ou l’affection qu’ils reçoivent.
L’alinéa 5 autorise la présence de proches. Or assister à l’administration d’une substance létale peut se révéler traumatisant. Selon une étude suisse, parmi les endeuillés ayant connu une telle expérience, 13 % présentaient des symptômes de stress post-traumatique total et 16 % étaient en dépression, proportions bien supérieures à celles observées pour une mort naturelle.
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’État ne peut en aucune manière organiser la mort de l’un de ses citoyens. Par ailleurs, comme le rappelait l’ancien ministre Jean Leonetti, « la main qui soigne ne peut être celle qui donne la mort ». Donner la mort ne saurait être considéré comme un soin. L’amendement AS973 vise donc à supprimer l’article 7, qui légalise, comme d’autres dispositions de la loi, le suicide assisté et l’euthanasie.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cet article, en déterminant les modalités selon lesquelles la personne ayant recours à l’aide à mourir choisit la date, le lieu et les personnes qui l’accompagneront lors de l’administration de la substance létale, contribue à rendre effectif le droit à l’aide à mourir. Sans doute pourrait-il être amélioré mais en aucun cas supprimé : il est fondamental.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS1001 de M. Philippe Juvin
Mme Sylvie Bonnet (DR). Nous proposons de laisser au patient le choix du moment auquel il souhaite procéder à l’administration de la substance létale. La date ne doit pas être fixée en fonction des seuls impératifs du médecin ou de l’infirmier, au risque de créer une asymétrie en défaveur du malade et de l’exposer à l’aléa d’une échéance anticipée.
M. Stéphane Delautrette. S’il n’est pas précisé que la personne « choisit » la date, vous craignez qu’elle subisse des pressions. La rédaction actuelle traduit pourtant bien ce que nous voulons : la date ne peut être que concertée, la personne en convenant avec le médecin ou l’infirmier. En outre, un principe de réalité s’impose : le professionnel se montrera disponible et dégagera le temps nécessaire pour accompagner le patient dans de bonnes conditions.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS740 de Mme Élise Leboucher, AS739 de Mme Karen Erodi et AS534 de Mme Karine Lebon (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je retire mon amendement.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La tristesse étreint les proches quand ils ne savent pas précisément combien de temps il leur reste à partager avec la personne qui leur est chère. Laissons à celle-ci la possibilité de convenir non seulement du jour mais aussi de l’heure de la procédure, en concertation avec les professionnels de santé, afin de permettre à son entourage d’anticiper au mieux ces ultimes moments – occasion d’un dernier verre, d’une dernière balade, de derniers échanges – et de se préparer sereinement, loin de tout cadre trop rigide.
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS534 est défendu.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je comprends que vous vouliez réunir les meilleures conditions pour ces moments difficiles pour la personne et son entourage. Je demanderai seulement à Mme Erodi de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui de Mme Lebon, qui me paraît mieux répondre à cette préoccupation et sur lequel j’émets un avis de sagesse.
L’amendement AS740 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendement AS80 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de préciser que la substance létale « n’a pas de but thérapeutique » afin d’éviter toute assimilation de l’euthanasie à un soin.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nulle part dans la proposition de loi il n’est indiqué que cette substance aurait un tel but. Préservons-nous de débats sémantiques qui n’apportent rien. Qui pourrait imaginer qu’une substance létale soit administrée à des fins thérapeutiques ?
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Certes, cela ne figure pas explicitement dans le texte mais je tiens à écarter tout risque de confusion pour éviter de laisser prospérer la rhétorique selon laquelle le suicide assisté ou l’euthanasie constituerait un soin ultime.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Par définition, une substance létale ne peut pas avoir de but thérapeutique. Cet ajout, plutôt que de contribuer à l’intelligibilité du texte, me semble de nature à faire peur et à dissuader les personnes de recourir à l’aide à mourir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS307 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Pour des raisons de sécurité, il importe de préciser que « la préparation magistrale ne peut faire l’objet d’une fabrication à l’avance ».
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Sachez que l’article 16 prévoit les conditions de sécurité nécessaires pour la préparation magistrale elle-même ainsi que pour son transport et son circuit global. Par ailleurs, toute préparation magistrale est nécessairement fabriquée suffisamment à l’avance pour être transmise à la pharmacie d’officine. Selon l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, elle doit être comprise comme « tout médicament préparé selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé lorsqu’il n’existe pas de spécialité pharmaceutique adaptée ou disponible ».
L’avis est défavorable à cet ajout, source de confusion.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AS535 de M. Yannick Monnet est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS876 de Mme Lisette Pollet.
Amendements AS974 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS975 de M. Philippe Juvin et AS1103 de M. Frédéric Valletoux, amendements AS81 de M. Patrick Hetzel et AS819 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
Mme Sylvie Bonnet (DR). Nous proposons que soit réévalué le caractère libre et éclairé de la demande lorsque la date retenue pour l’administration de la substance létale est postérieure à la notification de la décision non pas de plus d’un an, comme le propose le texte, mais, par l’amendement AS974, de plus de six mois, ou bien, par l’amendement AS975, de plus de trois mois, délai prévu dans la version initiale du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Il s’agit de protéger un principe fondamental, celui d’un consentement libre, éclairé et actualisé. Le fait que l’état physique et psychologique d’un patient est susceptible d’évoluer rapidement justifie des vérifications fréquentes.
M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement, travaillé avec le Conseil national de l’Ordre des médecins, retient également un délai de trois mois. Il s’agit de mieux encadrer le processus de vérification du consentement.
M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement fixe également le délai à trois mois.
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS819 est défendu.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Pour des raisons déjà évoquées, je ne crois pas nécessaire de procéder à une réévaluation, que le délai soit de six, trois ou un mois. L’évaluation prévue à l’article 6 aura en effet été conduite suffisamment récemment. Par ailleurs, l’article 10 autorise le médecin à mettre fin à la procédure à tout moment, s’il prend connaissance, postérieurement à sa décision sur la demande d’aide à mourir, d’éléments le conduisant à considérer que les conditions mentionnées à l’article 2 cessent d’être remplies.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons contre ces amendements qui me semblent contradictoires avec la volonté exprimée par notre commission lors de l’examen du projet de loi l’année dernière. Le délai avait en effet été porté de trois mois à un an afin d’inviter les personnes à prendre leur temps et à éventuellement revenir sur leur décision. Cette solution équilibrée laisse une liberté bénéfique aux patients comme aux praticiens, qui n’existe pas en cas de vérifications trop fréquentes.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1078 de M. Théo Bernhardt
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS728 de M. Christophe Bentz.
Amendement AS82 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Comme à l’article 6, nous proposons que, s’il a des doutes sur le caractère libre et éclairé de l’expression de la demande du patient, le médecin puisse saisir le juge du contentieux de la protection. Sollicité au sujet de la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti, Robert Badinter rappelait que, constitutionnellement, la magistrature était la gardienne de la liberté individuelle. Il est resté constant dans sa position consistant à séparer ce qui relève du médecin et ce qui relève du juge. Vous qui êtes si soucieux du libre choix, vous devriez être sensibles au rôle de garant que remplit le magistrat dans ce domaine.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cette évaluation ne saurait être judiciaire : elle est de nature purement médicale, je le répète à la suite de Laurent Panifous. Le texte est clair : à l’approche de la date d’administration de la substance létale, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté, lorsque la date est postérieure d’un an à la notification de la décision. Il se conforme pour cela à la procédure prévue au IV de l’article 6, si besoin, en appliquant la procédure définie au II du même article, c’est-à-dire la procédure collégiale. En cas de doute, il reviendra donc à cette procédure et n’aura pas besoin de saisir un juge.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de réfuter votre argumentation. Il ne s’agit pas pour moi de remettre en cause la primauté de l’avis médical mais simplement d’apporter une garantie supplémentaire. Un peu comme le prévoit la procédure de l’article 40 du code de procédure pénale, le médecin pourrait saisir la justice. En cas de doute, il s’appuierait sur l’avis de celui qui est garant des libertés individuelles, c’est-à-dire le juge.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS976 de M. Philippe Juvin, AS536 de M. Yannick Monnet, AS905 de M. Thomas Ménagé et AS509 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Mme Sylvie Bonnet (DR). La mission des établissements de soins médico-sociaux n’est pas de provoquer la mort. La réalisation d’un acte d’euthanasie dans ces lieux aurait un effet désastreux sur les équipes soignantes et altérerait la confiance des patients et des familles à leur égard. C’est pourquoi par l’amendement AS976, nous proposons qu’il soit pratiqué dans un lieu dédié.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous avons évoqué plusieurs craintes, notamment celle de la mise en place d’un business et d’un marketing de la mort – quand il s’agit de gagner de l’argent, le cynisme n’a pas de limites. Nous proposons donc que les établissements de santé publics ou privés où la substance létale est administrée soient des structures à but non lucratif.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Notre amendement AS905 va dans le même sens que l’amendement de M. Monnet, que nous estimons, après réflexion, mieux rédigé. Toutefois nous le maintenons dans l’espoir qu’il soit adopté et complété par l’amendement AS1040 de M. Juvin qui exclut les établissements du secteur hospitalier privé à but lucratif.
M. Thibault Bazin (DR). L’article 7 donne la possibilité à la personne de choisir, outre la date, un lieu en dehors de son domicile où elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale. Pour ce geste qui n’a rien d’anodin, ne faudrait-il pas prévoir un établissement habilité et exclusivement dédié à ce geste ? Cela renforcerait le nécessaire encadrement de ce dernier.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Ces amendements sont motivés par une volonté de mieux définir les lieux autorisés afin d’éviter d’éventuelles dérives. Toutefois, j’y serai défavorable pour des raisons diverses.
S’agissant de la création de lieux dédiés à l’administration de la substance létale, je ne peux que dire combien je peine à imaginer leur existence. Concernant l’interdiction de l’aide à mourir au sein d’établissements hospitaliers ou médico-sociaux, je rappelle que plus de moitié des décès en France ont lieu dans de telles structures. J’ajoute que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) étant considérés comme les domiciles des personnes qui y résident, on ne saurait les exclure du dispositif qui comprend bien sûr la possibilité de choisir son domicile pour mourir. Cet argument vaut également pour l’amendement AS905. Quant à l’amendement de M. Monnet, je crains que sa formulation actuelle n’exclue les établissements médico-sociaux ou tout autre lieu, comme le domicile d’un proche.
M. Yannick Monnet (GDR). L’administration d’une substance létale, si elle n’est pas un soin, est un acte médical, raison pour laquelle nous avons retenu les établissements de santé. Cela dit, j’accepte de retirer mon amendement pour le retravailler d’ici à la séance publique.
L’amendement AS536 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendements AS249 de M. Jean-Pierre Taite, AS443 de Mme Sandrine Runel et AS83 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement AS249 est défendu.
M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement AS443 est défendu.
M. Patrick Hetzel (DR). Comme Thibault Bazin, je considère qu’il importe que l’administration de la substance létale ait lieu dans un lieu dédié.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements AS19 de M. Alexandre Portier, AS84 de M. Patrick Hetzel, AS1062 de M. Eddy Casterman et AS1040 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
Mme Sylvie Bonnet (DR). Par l’amendement AS19, il s’agit, là encore, d’interdire que la substance létale soit administrée dans les établissements de santé, publics et privés, ou dans les établissements médico-sociaux.
M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement vise à exclure les services de soins palliatifs, les Ehpad ou les maisons d’accompagnement. Nombreux sont les professionnels de soins palliatifs à avoir insisté sur le fait que leur rôle consistait à accompagner et non à donner la mort.
M. Christophe Bentz (RN). Nous n’avons cessé d’insister sur la porosité entre la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement et la présente proposition de loi relative à la fin de vie : en refusant d’exclure les établissements de santé et médico-sociaux, vous nous donnez raison, monsieur le rapporteur, et je vous remercie pour l’aveu que vous venez de faire. L’amendement de notre collègue Casterman, qui vise à interdire l’administration de la substance létale dans les unités de soins palliatifs et les maisons d’accompagnement, est l’occasion pour vous de clarifier votre position. Si, comme vous le prétendez, il y a une étanchéité entre les deux textes, émettez un avis favorable pour distinguer clairement ce qui relève du soin et de la vie de ce qui renvoie à la mort.
M. Philippe Juvin (DR). On ne devrait pas pouvoir organiser un suicide assisté ou une euthanasie dans un lieu consacré au soin. Mon amendement de repli tend à les interdire au moins dans le secteur hospitalier à but lucratif : il ne faudrait pas que l’euthanasie devienne un business.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Mon argumentaire n’a pas davantage changé que notre position, monsieur Bentz. L’avis est défavorable sur tous les amendements en discussion commune.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Un jour, il faudra que nous ayons un vrai débat sur la nécessité d’en finir avec les établissements de santé privés lucratifs. Il n’est pas possible de faire de l’argent sur la santé ou sur les soins aux personnes âgées.
Toutefois, je ne soutiens pas votre amendement, monsieur Juvin. Vous évoquez sans cesse la nécessité de s’assurer que la décision du patient est libre et éclairée, prise hors de toute pression. Si votre amendement est adopté, un patient entré dans un établissement à but lucratif faute de place en établissement à but non lucratif n’aura pas accès à l’aide à mourir. Si vous ne voulez pas que votre parent obtienne une aide à mourir, vous pourrez le placer dans un établissement à but lucratif et – disons-le – non laïque, avec un avis déterminé sur le sujet : il ne pourra en bénéficier. Il est essentiel de garantir la liberté de demander l’aide à mourir, où que l’on soit. Par ailleurs, il faudra veiller à empêcher qu’un business ne se crée dans ce domaine. La meilleure garantie, c’est qu’on puisse y accéder chez soi ou dans un établissement public, afin d’éviter que les établissements privés ne s’en prévalent pour attirer des patients.
M. Christophe Bentz (RN). Merci, monsieur le rapporteur : en émettant un avis défavorable, vous affirmez clairement que vous êtes de l’école Falorni – que je combats. Vous êtes donc défavorable à l’interdiction d’administrer la substance létale dans une unité de soins palliatifs et d’accompagnement. Au moins, c’est clair, mais, je vous en supplie, ne dites plus jamais que les deux textes sont étanches.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis défavorable aux amendements en discussion commune ; on doit pouvoir accéder à l’aide à mourir où que l’on se trouve.
Je suis un fervent défenseur du service public. Néanmoins, on voit sur le terrain que certains établissements privés fournissent un service de qualité. Il ne faut pas opposer les uns aux autres ; chacun a sa place et participe à l’action publique.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis favorable à permettre l’aide à mourir en dehors du domicile, comme le prévoit l’alinéa 4. De plus, si ces amendements étaient adoptés, les personnes domiciliées dans les établissements qui y sont nommés ne pourraient pas bénéficier de l’aide à mourir.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS903 de M. Thomas Ménagé
M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1144 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. L’alinéa 5 dispose que la personne « peut être accompagnée par les personnes de son choix ». Le présent amendement, rédactionnel, tend à substituer « entourée » à « accompagnée ». Nous avons beaucoup parlé d’accompagnement ; il faut éviter toute confusion.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS729 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). La commission a fort heureusement rejeté la possibilité pour les mineurs d’accéder à l’aide à mourir, position qui sera, je l’espère, confirmée en séance publique. Cet amendement vise à empêcher les mineurs d’assister à l’administration de la substance létale.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La perte d’un proche constitue un moment difficile pour un mineur, comme pour toute personne, mais la loi n’a pas à intervenir dans ce domaine : il appartient à chaque famille de déterminer si le mineur peut assister à ce moment. Comme sa présence aux obsèques, c’est une décision personnelle prise dans le cadre familial.
M. Christophe Bentz (RN). Je suis en désaccord total avec vous, monsieur le rapporteur. Nous parlons de l’éventualité que des enfants puissent participer à l’euthanasie ou au suicide assisté de leur parent. Imaginez quels ravages psychologiques pourraient en résulter !
M. Yannick Monnet (GDR). Le rapport que les personnes entretiennent avec la mort ne relève pas de la loi. C’est très personnel : il est faux d’affirmer que cela provoquera des ravages psychologiques. À la campagne, traditionnellement, on veille les morts ; les enfants participent à ce moment : le rapport à la mort est différent. Autoriser la présence des enfants pour accompagner une personne à la mort constitue un choix éducatif ; il faut laisser aux familles l’entière liberté d’en décider, et non en faire une question de morale.
Mme Justine Gruet (DR). Chaque famille a un rapport différent à la mort. Certes, assister à cette scène peut provoquer un choc traumatique, mais il revient aux parents d’apprécier la maturité de leur enfant et sa capacité à y être confronté.
Plus largement, l’alinéa 5 est-il nécessaire ? Puisque le texte n’interdit pas la présence de proches, celle-ci serait autorisée par défaut.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Pour un enfant, il peut être bien plus dévastateur de voir son parent déchoir, devenir physiquement et mentalement différent, que d’assister à une cérémonie voulue et paisible.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Vous évoquez des ravages psychologiques, mais le proche de l’enfant va mourir : ce dernier sera en deuil. Respecter le choix de la personne concernée, anticiper ce qui va se passer, être présent pour l’accompagner peuvent apaiser l’entourage, alors qu’une mort brutale peut être dévastatrice. De plus, la présence n’est pas obligatoire : c’est un choix. Dans le cas de la sédation profonde et continue, la question ne se pose pas.
M. Thibault Bazin (DR). Il est différent d’assister à l’administration volontaire d’une substance létale et de rendre visite à une personne qui va décéder naturellement, de voir une personne décédée ou d’assister à des obsèques. Parfois, l’administration ne se passe pas idéalement. Une étude menée en Suisse montre que cet événement peut se révéler traumatisant. Je suis incapable de dire quels seront les effets sur les personnes présentes : peut-être devons‑nous, par prudence, porter aux mineurs une attention particulière.
M. Patrick Hetzel (DR). Le contexte qui nous occupe est empreint de violence symbolique. L’étude que Thibault Bazin cite montre que même chez des adultes, une mort provoquée a une incidence psychologique bien plus forte qu’une mort naturelle. On ne peut considérer que tout se vaudrait.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). À ma connaissance, aucune loi n’interdit aux mineurs de visiter des personnes hospitalisées, même lorsque ces dernières sont atteintes de maladie grave et risquent de décéder pendant la visite. C’est une bonne chose d’en laisser la décision à l’appréciation des familles, comme celle de laisser les enfants assister à l’ultime cérémonie que sera la fin de vie choisie. Ni la communauté hospitalière ni les professionnels de l’enfance n’ont demandé une intervention du législateur dans ce domaine : ce ne serait pas pertinent. En revanche, nous devrions nous demander comment donner à l’hôpital public les moyens d’embaucher des psychologues pour accompagner les familles dans les moments de deuil.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Personne ne nie que ce moment soit dur pour les proches, majeurs comme mineurs. Nous ne devons pas nous immiscer dans une décision qui touche à l’intime : elle doit revenir à la famille. Les proches ont déjà accompagné la personne pendant sa maladie. Nous avons souhaité la présence d’un médecin ou d’un infirmier, même en cas d’auto‑administration à domicile : c’est aussi pour prendre en charge ceux qui resteront après le décès, justement parce que la mort est brutale et difficile à surmonter. Vous soulevez la question de notre rapport à la mort et de l’accompagnement du deuil : nous devons y réfléchir ; de très belles expériences sont menées dans les unités de soins palliatifs. Mais on ne peut influencer dans la loi le rapport à la mort des familles.
M. Christophe Bentz (RN). La mort fait partie de la vie, elle en est la fin. Il faut respecter le choix des familles. Parfois, les enfants sont au contact de la mort, par exemple lorsqu’ils veillent un proche en fin de vie. C’est naturel, parce que cela advient dans le cadre d’une mort naturelle. Mais, ici, la mort est délibérée, intentionnellement provoquée, et le mineur ne l’ignore pas : la différence est fondamentale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS934 de Mme Christine Loir
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 7 modifié.
Après l’article 7
Amendement AS305 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Le présent amendement vise à maintenir une étanchéité entre les deux propositions de loi, en précisant que l’euthanasie et le suicide assisté ne peuvent être pratiqués ni dans les unités de soins palliatifs, ni par les équipes mobiles. Encore la semaine dernière, des professionnels de ce domaine me disaient qu’ils ne voulaient pas de ce texte et, surtout, qu’ils refusaient, s’il était adopté, que l’aide à mourir interfère avec leurs pratiques. La philosophie qui sous-tend cette proposition de loi est contraire à la vocation des unités de soins palliatifs. Nous risquons de perdre des effectifs dans ces unités, qui ont déjà du mal à recruter : malgré la stratégie décennale, nous n’avons pas atteint le nombre de lits prévu, par manque de personnel. Plusieurs personnes m’ont annoncé leur intention de quitter les soins palliatifs si le dispositif était déployé dans leur établissement.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Chaque jour, des personnes meurent dans des structures de soins palliatifs : il n’y a pas de raison de les traiter différemment des services d’oncologie et de gériatrie. Nous avons déjà défini quels acteurs devaient intervenir aux articles 5 et 6 ; nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 14, consacré à la clause de conscience. Celle-ci permettra aux soignants qui le veulent de ne pas participer à l’aide à mourir.
Avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). Les professionnels des soins palliatifs ne sont généralement pas enclins à pratiquer l’aide à mourir. Cependant, si le texte est voté, on ne pourra pas refuser ce droit aux personnes concernées qui rempliront les critères – souvent, les patients en fin de vie hospitalisés en soins palliatifs ne sont pas déplaçables. Les professionnels pourront opposer la clause de conscience. Reste à savoir si d’autres accepteront de se rendre en unité de soins palliatifs pour répondre à une demande.
M. Christophe Bentz (RN). Nous voterons cet amendement. Pourquoi y êtes-vous défavorable, monsieur le rapporteur ? Vous niez que l’aide à mourir soit une euthanasie ou un suicide assisté : il n’y a aucune raison de ne pas écrire que ces dernières sont interdites dans les unités de soins palliatifs !
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Lors de l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, vous avez refusé des amendements visant à exclure l’aide à mourir des soins palliatifs en arguant que le texte concernait les soins palliatifs, et nullement l’aide à mourir. Maintenant, vous soutenez qu’on doit y autoriser l’aide à mourir. Il faut être honnête et clair.
Mme Justine Gruet (DR). Les soins palliatifs sont notamment encadrés par la loi Claeys-Leonetti, que les professionnels du secteur appliquent au quotidien. Elle est adaptée à la situation des personnes qui vont mourir, mais pas à celle des personnes qui veulent mourir. Dans les unités de soins palliatifs, les places sont limitées. Le rapport au temps n’est pas le même que celui de l’euthanasie. L’engagement des professionnels de santé est spécifique. On peut demander l’euthanasie sans avoir reçu de soins palliatifs : il est compliqué de demander à ceux qui accompagnent les personnes en soins palliatifs d’accepter cet acte dans leur service.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le principe d’égalité empêche d’interdire l’aide à mourir dans certains établissements, dans la mesure où la clause de conscience existe. J’ajoute que, grâce à l’excellente prise en charge des malades dans les unités de soins palliatifs, la demande d’aide à mourir y est presque nulle. Lorsque la loi a autorisé la sédation profonde et continue jusqu’au décès, les professionnels des unités de soins palliatifs n’étaient pas enclins à la laisser pratiquer dans leurs services – d’ailleurs, on n’y recourt pas partout de la même manière.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous progressons : après avoir expliqué qu’on ne pouvait limiter l’aide à mourir au domicile en excluant les établissements médico-sociaux puis les établissements de santé, parce que ceux-ci sont parfois le domicile, nous en venons aux unités de soins palliatifs – soins qui peuvent être dispensés à domicile. Bientôt, nous aurons épuisé la liste des institutions médico-sociales !
M. Thibault Bazin (DR). Les soins palliatifs fonctionnent ; le plus souvent, ceux qui les reçoivent renoncent à demander la mort. Cette loi, si elle est votée, risque de provoquer un conflit de valeurs, de créer une confusion angoissante pour les soignants : elle modifiera le dialogue que les membres de l’équipe entretiennent avec le patient. Celui-ci ne les interrogera plus sur ses besoins mais leur demandera comment, et quand. L’intention ne sera plus la même. J’entends les remarques des professionnels : si demain nous rencontrons une crise des vocations en soins palliatifs, le premier texte perdra de son effectivité.
M. Patrick Hetzel (DR). Les derniers amendements examinés soulèvent la question de la possibilité d’une clause de conscience d’un établissement. En Suisse, dans certains cantons, les établissements peuvent s’opposer à l’acte létal parce qu’il est contraire à leur éthique. Jean Leonetti l’a dit : « La main qui soigne ne peut pas être celle qui donne la mort. » La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs le souligne : nous détournons l’objet même de certains établissements, dont ce n’est pas la mission première.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les unités de soins palliatifs reçoivent des patients atteints de maladies incurables en phase avancée voire terminale. Tous les soignants qui y travaillent ne sont pas opposés à l’aide à mourir. On y pratique la sédation profonde, même l’aide à mourir : nous n’avons pas pu recenser les sédations parce que les personnes répondent qu’elles en font un peu, peut-être, qu’elles ne savent pas – aussi avons-nous prévu leur traçabilité dans la première proposition de loi. Enfin, un patient qui demande l’aide à mourir peut ne pas aller au bout de la démarche. Mais savoir qu’il peut la solliciter, et être accompagné, le rassure.
M. Jean-François Rousset (EPR). Pour en avoir discuté avec des professionnels travaillant dans des services de soins palliatifs, je peux dire que leur malaise est lié à une certaine forme d’ambiguïté. On sait tous que les patients entrant en soins palliatifs n’en sortent qu’exceptionnellement, et qu’ils y sont accompagnés jusqu’à leur décès. Le mal-être ressenti et exprimé par les personnes que je connais vient du fait qu’on ne dit pas exactement ce qui se passe dans ces services.
Il faut bien admettre qu’une partie des soignants refusent de prendre part à cet acte que je qualifie, pour ma part, de médical, parce qu’il fait partie des soins. Nous devons les respecter et leur accorder un droit de retrait, en vertu de la clause de conscience. Les autres doivent voir leur activité sécurisée et encadrée par la loi, pour ne pas être mis en danger. C’est ainsi que nous pourrons répondre à la demande des 80 % de Français favorables à l’adoption de ce texte.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Monsieur Hetzel, il ne saurait y avoir de clause de conscience collective, d’établissement. Cette clause ne peut être qu’individuelle. C’est ce que m’ont dit, lors des auditions, le président du Conseil national de l’Ordre des médecins et la présidente du Conseil national de l’Ordre des infirmiers, à qui j’ai posé la question à dessein.
La commission rejette l’amendement.
Article 8 : Circuit de préparation et de délivrance de la substance létale
Amendements de suppression AS85 de M. Patrick Hetzel, AS308 de M. Thibault Bazin et AS971 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). La clause de conscience doit s’appliquer aussi aux pharmaciens. Du point de vue déontologique, la question est très simple : peut-on demander à quelqu’un de préparer une substance létale si cela est susceptible de heurter sa conscience ? Pour ma part, je pense que non. Voilà pourquoi je demande la suppression de l’article 8.
M. Thibault Bazin (DR). L’article 8 porte sur la préparation de la substance létale par les pharmacies à usage intérieur (PUI) et sa transmission aux pharmacies d’officine. Or, en l’état, il ne prévoit aucune clause de conscience pour les pharmaciens.
Pour justifier cette absence, le Conseil d’État a considéré, dans son avis sur le projet de loi déposé l’an dernier par le Gouvernement, que « les missions de réalisation de la préparation magistrale létale et de délivrance de la substance létale ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens ». Une telle analyse semble sophistique. En effet, si le lien entre la préparation et l’administration de la substance létale est indirect, il n’en est pas moins certain, ladite substance ne pouvant servir qu’à donner la mort. Par ailleurs, un avocat auditionné l’an dernier par la commission spéciale rappelait qu’en droit pénal, les individus ayant concouru de près ou de loin à l’organisation d’un crime sont aussi passibles de poursuites.
Refuser d’accorder une clause de conscience aux pharmaciens travaillant dans les PUI et les officines reviendrait à obliger certaines personnes à préparer des substances dont l’unique usage serait en contradiction avec leur conscience. Une loi se voulant « de liberté » aboutirait donc à contraindre certains professionnels et à créer de la souffrance pour eux. C’est pourquoi il convient de supprimer l’article 8.
M. Philippe Juvin (DR). Nous souhaitons que les pharmaciens et toutes les personnes exerçant dans une officine ou dans une PUI puissent bénéficier de la même clause de conscience que les médecins.
Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, que l’instauration de clauses de conscience d’établissement était absolument inimaginable. Ce n’est pas tout à fait exact, car de telles dispositions existent, avec des exceptions. Ainsi, en vertu de l’article L. 2212-8 du code de la santé publique, un établissement de santé privé a la possibilité de refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans ses locaux.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous avancez deux arguments principaux pour demander la suppression de cet article.
D’une part, vous mettez en avant l’absence de clause de conscience des pharmaciens. Or il ne me semble pas que l’article 8 traite de la clause de conscience. C’est à l’article 14 que nous pourrons avoir ce débat.
D’autre part, vous arguez d’une incohérence supposée entre l’autodétermination de la personne en fin de vie et le fait qu’elle ne retire pas elle-même le produit létal. Or ce circuit s’explique par les conditions de sécurité que nous souhaitons garantir eu égard aux particularités de cette substance. En définitive, supprimer cet article reviendrait donc à fragiliser la sécurité du circuit du produit, ce que personne ne souhaite ici.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS972 de M. Philippe Juvin et AS137 de Mme Justine Gruet (discussion commune)
Mme Justine Gruet (DR). L’expression « préparation magistrale » relève d’une terminologie spécifique au domaine pharmaceutique : elle peut donc être mal comprise en dehors de ce cadre. Aussi conviendrait-il de la remplacer par les mots « substance létale », plus clairs et précis. Cela permettrait de mieux définir la finalité du produit, une « préparation magistrale » pouvant être élaborée dans un autre but que celui de donner la mort.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Alors que vous prétendez clarifier la rédaction de l’article 8, la suppression des mots « préparation magistrale » créerait de la confusion. Cette expression désigne en effet, aux termes de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, « tout médicament préparé selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé lorsqu’il n’existe pas de spécialité pharmaceutique adaptée ou disponible ».
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Vous admettez donc qu’une préparation magistrale n’est pas forcément une substance létale. Le terme est plus large, plus générique. Or nous parlons ici d’un produit dont la finalité est de donner la mort : aussi l’adjectif « létal » me paraît‑il plus précis et plus clair.
Mme Camille Galliard-Minier. L’alinéa 2 précise pourtant bien que la pharmacie hospitalière à usage intérieur « réalise la préparation magistrale létale ». L’adoption de l’amendement de Mme Gruet conduirait ainsi à une répétition de l’adjectif « létal » dans la loi.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Merci, ma chère collègue, d’avoir relevé cette incohérence que j’avais omis de vous signaler.
L’amendement AS137 est retiré.
La commission rejette l’amendement AS972.
Amendements AS446 de M. Jérôme Guedj et AS1146 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Jérôme Guedj (SOC). Je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur, mieux rédigé.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Mon amendement rédactionnel vise à supprimer, à la première phrase de l’alinéa 2, le mot « hospitalière », car l’expression « pharmacie hospitalière à usage intérieur » n’existe pas dans le code de la santé publique.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Soyons vigilants : si l’on supprime le mot « hospitalière », l’article 8 parlera de « pharmacie à usage intérieur ». Or ce genre de pharmacie existe aussi dans certains Ehpad.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cela ne pose pas de problème, car l’article 8 indique que les PUI en question sont celles « mentionnées au second alinéa du VI de l’article L. 1111-12-4 » du code de la santé publique, tel qu’il résulte de l’article 6, alinéa 18, de la présente proposition de loi. Du reste, l’article 16, alinéa 5, précise que sont qualifiées de létales les préparations magistrales élaborées « par l’une des pharmacies à usage intérieur des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire désignées par arrêté du ministre chargé de la santé ».
M. le président Frédéric Valletoux. À ce moment-là, il aurait presque fallu supprimer les mots « hospitalière à usage intérieur ».
M. Jérôme Guedj (SOC). J’ai tenté de clarifier ce point dans l’exposé sommaire de mon amendement.
Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : nous considérons que toutes les PUI doivent être en mesure de préparer la substance létale, qu’elles soient hospitalières ou qu’elles appartiennent à des établissements sociaux ou médico-sociaux comme les Ehpad.
L’an dernier, la commission spéciale avait adopté des amendements visant à exclure les PUI des Ehpad du champ d’application de cette disposition. J’y suis opposé : puisque nous disons depuis le début de l’examen de ce texte que l’aide à mourir doit pouvoir être pratiquée dans un Ehpad, comme dans tout lieu de vie – domicile, établissement de santé ou établissement médico-social –, il serait paradoxal que la PUI de l’établissement concerné n’ait pas le droit de fournir la substance létale.
Mme Justine Gruet (DR). Sauf erreur de ma part, les services départementaux d’incendie et de secours sont aussi parfois dotés de PUI. Ne donnons pas à ces pharmacies des compétences inappropriées !
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous avions effectivement débattu de cette question l’année dernière : nous avions alors adopté des amendements interdisant aux PUI des Ehpad de préparer la substance létale. J’espère que nous ne reviendrons pas en arrière, car la circulation du produit au sein de ces établissements m’inquiéterait. Je ne dis pas qu’il ne faut attribuer cette compétence qu’à une seule PUI, mais les Ehpad ne sont pas des lieux adaptés.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Nous parlons ici d’une préparation magistrale, qui ne peut donc être élaborée que par un pharmacien ou un préparateur d’officine. Or il n’y en a pas dans les PUI des Ehpad.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). L’alinéa 3 de l’article 8 apporte des précisions très claires à ce sujet.
M. Jérôme Guedj (SOC). Effectivement, l’alinéa 3 règle la question : si la personne est hébergée dans un Ehpad doté d’une PUI, cette dernière remplit les missions de la pharmacie d’officine.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Des précisions sont également apportées à l’article 16, qui qualifie de létale une préparation magistrale élaborée « par l’une des pharmacies à usage intérieur des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire désignées par arrêté du ministre chargé de la santé et délivrée dans les conditions mentionnées à l’article L. 5132-8 » du code de la santé publique.
L’an dernier, l’adjectif « hospitalière » avait été inséré pour rassurer les uns et les autres, mais quand on écrit la loi, il faut essayer d’utiliser la terminologie législative en vigueur dans le code de la santé publique. Or il s’avère que cette précision n’a pas à être apportée, puisqu’elle est déjà satisfaite par les dispositions existantes du code. Nous pourrons réaborder ce sujet, si vous le souhaitez, à l’article 16.
L’amendement AS446 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS1146.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1147 de M. Stéphane Delautrette.
Amendement AS444 de Mme Sandrine Runel
Mme Océane Godard (SOC). Alors que le texte ne prévoit aucun délai, il convient que la substance létale soit préparée, par la pharmacie à usage intérieur, et délivrée, par la pharmacie d’officine, « dès réception de la demande ». Il s’agit de répondre à des situations dans lesquelles le décès du patient est proche ou sa volonté susceptible de s’altérer rapidement.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends bien votre intention, mais la rédaction que vous proposez pourrait poser problème. Si la demande intervient très en amont, il peut se révéler impossible de réaliser ou de délivrer aussitôt la préparation magistrale, pour des raisons tenant à la conservation de cette dernière. Stéphane Delautrette a toutefois déposé un excellent amendement, AS1145, visant à garantir que la préparation et la délivrance de la substance létale sont compatibles avec la date d’administration retenue. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui du rapporteur.
L’amendement est retiré.
Amendements AS894 de Mme Danielle Simonnet et AS445 de Mme Océane Godard (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement vise à préciser le délai dans lequel la potion létale doit être préparée et à garantir sa conformité avec le délai imposé par la loi pour l’ensemble de la procédure d’aide à mourir. Il s’agit d’éviter que le temps nécessaire à la préparation de la potion létale entraîne un report de la date fixée par le patient, en lien avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, pour l’administration de la substance, ce qui viendrait restreindre le droit des personnes à accéder à l’aide à mourir dans les délais prévus par la loi.
Mme Océane Godard (SOC). Je retire mon amendement.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends votre intention, mais votre amendement semble concerner uniquement la transmission de la substance à l’officine, en faisant fi de sa délivrance par l’officine au professionnel de santé. Je vous propose donc, une nouvelle fois, de le retirer au profit de l’amendement AS1145 de M. Delautrette, qui me semble beaucoup plus exhaustif.
Les amendements sont retirés.
Amendement AS932 de Mme Christine Loir
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens s’est inquiété des modalités d’entrée, dans les officines, des produits nécessaires à l’élaboration de la préparation magistrale, alors que les pharmaciens doivent déjà respecter un cahier des charges très strict en matière de stupéfiants. Avez-vous quelques éléments d’explication à m’apporter, monsieur le rapporteur ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous aurons l’occasion d’aborder cette question à l’article 9.
Je donne un avis défavorable à votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS309 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Il apparaît nécessaire de préciser que la substance létale sera délivrée à l’unité.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS314 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Selon que le produit doit être administré par voie digestive ou intraveineuse, le conditionnement de la substance létale sera nécessairement différent. Si le produit est contenu dans une seringue, cette dernière devra être transportée dans un emballage scellé. Aussi convient-il de préciser que la pharmacie d’officine délivre la préparation magistrale au médecin ou à l’infirmier « selon un circuit du médicament prédéfini et sécurisé ».
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il n’est pas utile de le préciser à cet endroit. En effet, l’article 16 de la proposition de loi prévoit déjà que la définition de la substance létale relève des compétences de la Haute Autorité de santé (HAS), que la préparation magistrale doit être élaborée dans le respect des recommandations formulées par cette autorité, et qu’elle doit être délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 5132-8 du code de la santé publique relatif aux préparations vénéneuses. En outre, l’article 9 dispose que la substance doit être détruite dans les conditions prévues à l’article L. 4211-2 du même code. De la préparation à la destruction du produit létal, en passant par sa délivrance, l’ensemble du circuit du médicament est donc bien défini par la proposition de loi.
Votre amendement étant d’ores et déjà satisfait, je lui donne un avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Peut-être ces modalités correspondent-elles au droit commun régissant le transport et la transmission de substances entre une PUI et une pharmacie d’officine. Cependant, nous parlons ici d’un produit létal, qui nécessite peut-être des précautions supplémentaires. Je ne vois pas, à l’article 16, la notion de circuit « prédéfini et sécurisé ». J’ai le sentiment que nous devons quand même apporter cette précision, d’autant que je ne suis pas sûr que la HAS le fera.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Mme Leboucher, rapporteure pour l’article 16, apportera toutes les précisions nécessaires lorsque nous en viendrons à cet article. Le texte ne crée pas de circuit spécifique, puisque le parcours de la substance létale s’inscrit dans un circuit existant, qui est celui des préparations vénéneuses.
M. Nicolas Turquois (Dem). Ce niveau de précision relève du domaine réglementaire. Il serait dommage d’évoquer ces questions dans la loi, car cela enlèverait quelque chose de la vérité de ce texte, qui doit se limiter aux principes relatifs aux conditions d’accès au nouveau droit et au mode d’administration de la substance létale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS86 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Nous souhaitons compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Le patient peut, à tout moment, par tout moyen et sans justification, décider de modifier sa décision et restituer le produit létal autorisé au médecin qui lui a fourni le produit. » Ainsi, nous pourrons être sûrs que des doses létales non utilisées ne se retrouvent pas à des endroits non appropriés.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
À aucun moment le patient ne détient le produit létal : la substance est délivrée par la pharmacie au médecin ou à l’infirmier, qui en dispose jusqu’au jour de l’administration, laquelle est réalisée par un professionnel de santé ou sous la surveillance de ce dernier. Si le patient renonce à demander l’aide à mourir, c’est évidemment ce professionnel de santé qui récupérera le produit non utilisé, ou ce qu’il en reste.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1113 de M. Julien Odoul
M. Julien Odoul (RN). L’an dernier, lors d’une audition organisée par la commission spéciale, le professeur Sadek Beloucif, référent pour les questions de fin de vie à la grande mosquée de Paris, avait expliqué qu’une substance létale mettait parfois plusieurs heures pour provoquer la mort. Aussi avons-nous déposé cet amendement de clarification, essentiel, visant à compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « La préparation magistrale létale est une préparation qui provoque la mort rapidement et sans souffrance. »
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
Cette précision me paraît inutile, car je pense que la HAS, chargée de définir la substance létale, mettra tout en œuvre pour que cela soit le cas. Personne n’a l’intention de faire souffrir qui que ce soit, ni de faire durer les choses.
M. Philippe Juvin (DR). Monsieur Odoul, nous ne pouvons que partager votre intention, mais aucune combinaison chimique ne peut nous garantir qu’aucun patient ne convulsera, ne sera pris de vomissements ou ne restera éveillé – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle une dose de secours est prévue. Nous savons qu’il y a des échecs. En tant qu’anesthésiste, j’ai déjà vu des patients qui ne s’endormaient pas. Malheureusement, aucun cocktail ne permet à coup sûr de vous endormir, puis de vous tuer, sans aucun risque de complication. Le document élaboré par l’Oregon comporte d’ailleurs un catalogue peu réjouissant de toutes les complications possibles.
M. René Pilato (LFI-NFP). C’est l’intention qui compte : lorsqu’un patient a des douleurs réfractaires et qu’il veut y mettre fin, on va évidemment tout faire pour que sa mort arrive rapidement et sans souffrance. Toutefois, comme l’a dit M. Juvin, on ne peut pas garantir ce résultat à 100 %, parce que nous n’avons pas tous la même constitution physique et que nous réagissons différemment aux substances pharmaceutiques. Dans dix ou vingt ans, lorsque la recherche aura progressé, on aura peut-être trouvé une substance qui réponde à votre souhait, à moins qu’une solution médicamenteuse permette de soulager toutes les douleurs, ce qui rendra ce texte inutile.
M. Patrick Hetzel (DR). Quoi que l’on dise, il se pourra que la mort n’intervienne ni rapidement ni sans douleur, alors même que l’objectif assigné au suicide assisté est d’abréger la souffrance. Aussi serait-il pertinent d’alerter les patients, en amont, sur les complications possibles.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je tiens d’abord à rappeler que « létal » signifie « mortel ».
Par ailleurs, l’élaboration d’une préparation magistrale, plutôt que l’utilisation d’un médicament unique, permet d’adapter la posologie au poids du patient.
Enfin, comme je l’ai dit tout à l’heure lorsque nous avons discuté de la présence de mineurs aux côtés du malade, notamment en cas de décès programmé à domicile, la présence d’un médecin ou d’une infirmière au moment de l’administration de la substance létale permet précisément d’accompagner, si je puis dire, les complications éventuelles, telles que les convulsions ou les vomissements.
M. Christophe Bentz (RN). Nous ne comprenons pas votre position, monsieur le rapporteur.
L’aide à mourir est censée permettre une mort rapide et sans souffrance. Vous venez de confirmer que des complications pouvaient survenir, comme une agonie si le corps résiste à la dose létale, pourtant le texte ne prévoit aucune procédure de sécurité. Comme toujours dans cette proposition de loi, aucun garde-fou n’existe.
M. Jean-François Rousset (EPR). Les complications ou l’échec de l’acte découlent souvent de problèmes techniques liés à la voie d’administration – un cathéter bouché, par exemple –, et non à la substance létale en elle-même. Par exemple, on ne choisit pas l’administration par voie orale pour un malade dont la pathologie fait vomir.
M. Julien Odoul (RN). Je vous remercie de m’avoir appris la définition du mot « létal », madame Firmin Le Bodo ; permettez-moi de vous répondre qu’une simple fourchette peut avoir un effet létal.
M. Juvin a rappelé la gravité des éventuelles complications, qui peuvent conduire les patients à mourir dans de plus grandes souffrances que si on ne leur avait pas administré la dose létale. Il me paraît donc nécessaire de préciser que l’objectif de l’aide à mourir est de donner la mort en un minimum de temps, avec le moins de souffrance possible – d’où mon amendement.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je pense que nous mesurons tous la gravité du sujet.
Effectivement, monsieur Bentz, nous ne sommes absolument pas d’accord. Si l’article 9 prévoit la présence d’un médecin ou d’un infirmier aux côtés de la personne qui doit recevoir la dose létale, c’est justement pour pouvoir intervenir en cas de complications, même si nous espérons que celles-ci restent exceptionnelles.
Ne préjugez pas de la nature de la substance qui sera utilisée : je rappelle qu’il reviendra à la HAS de définir sa composition et son protocole d’administration. Je ne doute pas qu’elle proposera un produit et un protocole efficaces.
Je maintiens mon avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Je pensais que la HAS n’avait été saisie que sur les notions de phase avancée et terminale. L’a-t-elle été également s’agissant des modalités d’administration ?
Par ailleurs il me semblait que les auteurs du texte tenaient à ce que le malade soit libre de choisir la voie d’administration – voie orale ou intraveineuse, par exemple –, toutes n’emportant pas les mêmes conséquences – dans certains cas, la présence d’un tiers soignant est nécessaire. La HAS sera-t-elle finalement décisionnaire ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le patient sera libre de choisir entre l’auto‑administration et l’administration par un professionnel de santé, mais il reviendra à la HAS de déterminer la voie d’administration de la substance létale et sa composition – je vous renvoie à l’article 16. Le mode d’administration ne prédétermine pas la voie d’administration qui sera retenue.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1080 et AS1081 de M. Théo Bernhardt (discussion commune)
Mme Lisette Pollet (RN). Les amendements sont défendus.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS310 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement tend à préciser que seules les pharmacies d’officine volontaires et inscrites auprès de la commission nationale de contrôle et d’évaluation prévue par le texte sont habilitées à manipuler et à délivrer la substance létale. Identifier des pharmacies référentes permettra à la fois de respecter la liberté des pharmaciens et préparateurs en pharmacie qui ne souhaitent pas participer à la fabrication de la substance létale et de mieux tracer et circonscrire la manipulation et la délivrance de la substance létale qui, si elle passait en d’autres mains, pourrait avoir des conséquences non maîtrisées absolument désastreuses.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
Dans son avis sur le projet de loi de 2024, le Conseil d’État se déclarait défavorable à l’instauration d’une clause de conscience pour les pharmaciens, estimant que « les missions de réalisation de la préparation magistrale létale et de délivrance de la substance létale qui interviennent après la prise de décision et avant la mise en œuvre de l’administration de la substance létale, ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens et des personnes qui travaillent auprès d’eux ».
M. Thibault Bazin (DR). Cette analyse est un peu sophistique. Personnellement, je comprendrais qu’un pharmacien ou un préparateur en pharmacie, sachant l’usage qui sera fait de la substance, décide, en conscience, de ne pas la préparer ou de la délivrer. Je ne comprends pas votre blocage.
M. Nicolas Turquois (Dem). Si l’on crée une clause de conscience, des pharmaciens pourraient, demain, refuser de délivrer d’autres médicaments, comme la pilule abortive. Je suis fermement opposé à cet amendement très dangereux.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La différence, monsieur Turquois, c’est que les contraceptifs sont prescrits par un médecin, et les pharmaciens n’ont pas le droit de refuser une ordonnance. Pour ma part, je ne suis a priori pas opposée à l’amendement de M. Bazin.
Permettez-moi de rectifier un point : un préparateur ne peut pas manipuler et délivrer des stupéfiants, et encore moins une préparation magistrale contenant une dose létale. Seul le pharmacien d’officine y est autorisé : c’est une question de responsabilité et d’éthique. Reste qu’il ne sera pas facile, pour les pharmaciens, de délivrer la dose létale à des patients qu’ils connaissent bien, comme c’est notamment le cas dans les zones rurales. Nous devons y réfléchir.
Mme Justine Gruet (DR). Pour produire la substance létale, suffira-t-il de mélanger les bons produits avec le bon dosage, ou les pharmaciens devront-ils suivre une formation particulière ? Le cas échéant, celle-ci sera-t-elle dispensée en formation continue ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La substance létale est une préparation magistrale, qui sera préparée dans les pharmacies hospitalières à usage intérieur, car celles‑ci disposent des compétences et des outils techniques permettant de respecter la forme galénique recommandée par la HAS. Elle sera ensuite acheminée dans la pharmacie d’officine dans des conditions sécurisées pour s’assurer que la substance reste bien active – cette procédure entre pharmacies hospitalières et pharmacies d’officine existe déjà.
Ensuite, je rappelle que les pharmaciens n’ont pas de clause de conscience, car ils n’ont pas à juger la prescription d’un médecin.
Enfin, le législateur a déjà refusé il y a quelques années d’accorder aux pharmaciens une clause de conscience – c’était à l’occasion des débats sur la pilule abortive.
M. Patrick Hetzel (DR). Je souhaite avancer quelques arguments supplémentaires d’ordre juridique en faveur de l’instauration d’une clause de conscience, réclamée par 80 % des membres du Syndicat national des pharmaciens des établissements de santé.
L’absence de clause de conscience est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui considère que « la liberté de conscience est l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », et à la directive européenne reconnaissant l’objection de conscience à l’ensemble des personnels et établissements de santé. Notons qu’une telle clause a été accordée aux pharmaciens en Autriche, en Belgique, en Espagne, en Australie ou encore dans le Colorado.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS87 de M. Patrick Hetzel.
Amendement AS845 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pour protéger le pharmacien et prévenir tout conflit d’intérêts entre le médecin prescripteur et la pharmacie d’officine, cet amendement tend à préciser que le pharmacien chargé de la délivrance de la préparation magistrale n’est ni un parent, ni un allié, ni le conjoint, ni le concubin ou le partenaire lié par un pacte de solidarité civile, ni un ayant droit du médecin prescripteur.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pourquoi ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne comprends pas le dispositif, car il n’y a aucun lien direct entre le médecin prescripteur, qui adresse son ordonnance à la PUI, et la pharmacie d’officine chargée de délivrer la préparation létale, qui sera désignée par le médecin ou l’infirmier accompagnant le patient, en accord avec ce dernier, et non pas par le médecin prescripteur. Cette disposition répond également à votre inquiétude concernant les pharmaciens qui connaissent bien le patient demandant l’aide à mourir.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous savons tous ce que recouvre la notion de conflit d’intérêts – je vous rappelle que, par déontologie, nous n’avons pas le droit d’embaucher nos proches comme collaborateurs parlementaires.
S’agissant de la préparation et de la délivrance d’une solution létale, nous devons évidemment être les plus précis possible. Ce n’est pas au médecin de déceler un éventuel conflit d’intérêts, mais bien au pharmacien de le signaler le cas échéant. Grâce à cet amendement, ce dernier aura le droit de refuser de délivrer la substance létale si l’ordonnance concerne un proche. Cet amendement est frappé au coin du bon sens, et si vous n’en voyez réellement pas l’intérêt, alors je suis très inquiet pour la suite de nos débats.
Mme Justine Gruet (DR). On pourrait s’interroger sur un éventuel lien entre la personne qui prépare la substance et le patient auquel elle est destinée, mais l’amendement concerne un lien entre le pharmacien et le médecin prescripteur, ce qui est très différent.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’insiste : le pharmacien d’officine peut être pris entre le médecin prescripteur et le patient, si celui-ci est l’un des membres de sa famille. On pourrait lui reprocher d’avoir délivré la substance, même pour répondre à la demande d’un patient. Cela n’a rien à voir avec le cas que j’évoquais précédemment, celui d’un pharmacien d’officine qui risque de devoir délivrer la dose létale à un patient qu’il connaît depuis des années. Cela peut être difficile psychologiquement, mais cela ne relève pas d’un conflit d’intérêts.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je crois qu’il y a un problème de rédaction de l’amendement : on pourrait légitimement s’interroger sur le cas du pharmacien d’officine qui serait chargé de délivrer la dose létale à un proche ; mais en l’état, ce n’est pas ce que l’amendement prévoit.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Ce n’est pas parce qu’un pharmacien connaît bien le patient qu’il a un intérêt – quelque chose à gagner ou à perdre – dans la délivrance de la substance létale.
Et sans vouloir manquer de respect à la profession, les pharmaciens n’ont pas leur mot à dire sur la prescription établie par le médecin ou la composition de la substance létale ; ils doivent seulement s’assurer qu’il n’y a pas d’interactions avec d’autres médicaments pris par le patient et vérifier que ce dernier a bien compris la posologie. Ne mélangeons pas tout : le pharmacien obéira à la consigne du médecin, délivrera le médicament prescrit et laissera le patient faire ce qu’il a à faire.
Mme Annie Vidal (EPR). Je ne veux pas avoir l’air d’être une donneuse de leçon, mais ce que j’entends me laisse quelque peu interdite.
Nous avons tous des approches différentes, c’est bien normal, et nous aurons l’occasion de les formaliser à la fin des débats en votant pour ou contre le texte. Mais il y va de notre responsabilité de législateur de s’assurer que le texte est clair et bien écrit, pour garantir sa bonne application s’il venait à être adopté. Or certains amendements en feront un texte très bavard et inaudible.
C’est malheureusement le triste lot de tous les professionnels de santé – médecins, infirmiers, pharmaciens, aides-soignants – de risquer, un jour ou l’autre, d’avoir à prendre en charge un proche. Par exemple, un ami urgentiste a perdu son fils, décédé dans son service à la suite d’un accident de moto. C’est douloureux, mais la loi ne peut pas encadrer toutes les situations.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’ai bien entendu toutes les remarques. Je retire l’amendement, que je retravaillerai en vue de la séance publique.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je vous suggère de bien faire la distinction entre tous les acteurs de la procédure : le médecin prescripteur, la PUI de l’hôpital, qui prépare la substance à la demande du médecin prescripteur, la pharmacie d’officine et le professionnel de santé qui accompagne le patient dans la procédure. Chacun a un rôle bien défini et l’article suivant nous offrira l’occasion de clarifier les choses.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1145 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cet amendement est très attendu, puisque plusieurs d’entre vous ont retiré un amendement à son profit. Il prévoit que « la pharmacie à usage intérieur et la pharmacie d’officine réalisent leur mission dans un délai permettant l’administration de la substance létale à la date fixée ». Prévoir un délai de préparation et d’acheminement de la substance compatible avec la date d’administration fixée nous dispense de la difficile tâche d’arrêter un nombre de jours précis.
M. Christophe Bentz (RN). Je vous trouve dur avec les pharmaciens, hospitaliers comme officinaux. Vous leur déniez le droit d’avoir une conviction en leur refusant l’objection de conscience, vous ne voulez pas les protéger d’éventuels conflits d’intérêts et, maintenant, vous leur ajoutez une contrainte liée à la date prévue pour l’administration de la substance.
Je considère que toute personne doit avoir le droit, à tout moment, de refuser de participer, de près ou de loin, à la préparation ou à l’administration de la substance létale – j’y reviendrai à l’article 14.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 8 modifié.
La réunion est suspendue de dix-sept heures dix à dix-sept heures trente.
Article 9 : Accompagnement de la personne pendant l’administration, modalités de cette administration et devenir de la substance létale non utilisée
Amendements de suppression AS88 de M. Patrick Hetzel, AS311 de M. Thibault Bazin et AS930 de Mme Christine Loir
M. Patrick Hetzel (DR). Cet article donne tout pouvoir au médecin pour arrêter une nouvelle date pour le suicide assisté et réintroduit, par une voie détournée, ce qui était qualifié dans l’avant-projet de loi de « secourisme à l’envers ». Mesure-t-on vraiment les conséquences de cette procédure sur les équipes médicales ?
Dans son avis 121, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) alertait sur ce sujet de déontologie médicale aussi grave que sensible, en arguant qu’il fallait « désamorcer l’illusion qui voudrait que l’euthanasie soit simple pour le médecin à qui il est demandé de prêter son concours ».
M. Thibault Bazin (DR). Cet article pose question, en particulier les alinéas 6 et 7.
L’alinéa 7 prévoit que le professionnel de santé reste à proximité du patient en cas de besoin, même s’il n’a pas administré la substance létale. C’est très flou : quelles difficultés peuvent survenir ? Que doit faire le soignant si les choses ne se passent pas comme prévu ? L’étude d’impact du projet de loi de 2024 précisait que le soignant pouvait injecter une dose supplémentaire de sécurité, mais cette possibilité ne répond peut-être pas à toutes les complications éventuelles. S’il décide d’interrompre la procédure, le patient risque-t-il de se retrouver dans un état de déficience sévère ? Si le corps rejette la substance, doit-on prévoir une deuxième dose à proximité et continuer la procédure ? Quelle est la responsabilité du médecin dans chacun de ces cas ? Et je ne parle pas de la présence des tiers si les choses se passent mal. Loin d’être exhaustives, ces interrogations sont déjà révélatrices des carences du texte.
En outre, aux termes de l’alinéa 6, si la personne qui a confirmé sa volonté de bénéficier de l’aide à mourir demande finalement un report de la date d’administration, le professionnel suspend la procédure et convient d’une nouvelle date. À aucun moment cette demande de report n’est analysée comme un signe implicite de doute. Faut-il systématiquement proposer une nouvelle date, au risque d’enfermer le patient dans une relation administrative laissant peu de place à l’écoute ?
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement AS930 est défendu.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cet article, qui porte sur l’administration de la substance létale, est au cœur du dispositif d’aide à mourir. Je serai donc évidemment défavorable à sa suppression.
À l’image du texte, et dans la continuité des articles que nous avons adoptés jusqu’à présent, il traduit bien notre volonté de concilier célérité, responsabilité et réalité. Son équilibre repose notamment sur la confirmation de la volonté du patient, particulièrement importante, le rôle du professionnel, le choix laissé au patient entre auto‑administration et administration par le médecin ou l’infirmier – j’insiste sur cette précision, qui a conduit à rejeter une proposition de Danielle Simonnet – et la possibilité de demander un report de la date d’administration. Il prévoit également la traçabilité des actes et la destruction du produit létal.
Tout équilibré qu’il soit, cet article reste perfectible : avec Stéphane Delautrette, nous vous proposerons plusieurs amendements de précision ou de clarification. Le supprimer reviendrait à renoncer au droit à l’aide à mourir : j’appelle donc tous ceux qui soutiennent la création de ce droit à rejeter ces amendements de suppression.
M. René Pilato (LFI-NFP). L’article 9, qui cadre et sécurise la mise en œuvre de l’aide à mourir, répond précisément à toutes vos inquiétudes. Je vous invite donc à retirer vos amendements ; à défaut, nous voterons contre.
M. Thibault Bazin (DR). Proposer la suppression d’un article avec lequel on est en désaccord est un moyen d’expression parlementaire – chacun a pu le faire sur d’autres textes.
La suppression de l’article 9 viderait effectivement la proposition de loi de sa substance. Je ne suis pas opposé par principe à l’instauration de procédures. Cela étant, celle prévue à cet article suscite des interrogations de ma part, notamment les modalités fixées aux alinéas 6 et 7.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS820 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS993 de M. Philippe Juvin et AS89 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
M. Philippe Juvin (DR). Mon amendement vise à préciser que le professionnel de santé vérifie « jusqu’à la perte de conscience » que la personne souhaite procéder à l’administration de la substance létale.
Il s’agit d’appliquer la même procédure que lors de la sédation profonde et continue jusqu’à la mort, où l’on demande une ultime fois à la personne, en la regardant, au moment d’appuyer sur le bouton de la seringue électrique, si elle souhaite bien s’endormir définitivement.
M. Patrick Hetzel (DR). La formulation de mon amendement est légèrement différente : je propose que le médecin ou l’infirmer vérifie « jusqu’au dernier moment » le consentement de la personne.
Cet ajout souligne l’importance de faire preuve d’une vigilance éthique continue jusqu’à la dernière étape du processus. L’objectif de cette précision rédactionnelle est de rappeler que la personne concernée doit être pleinement informée de sa décision et avoir la possibilité, jusqu’au dernier moment, de revenir sur son choix. Cela garantirait le respect absolu de son autonomie et de sa liberté de décision.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La vérification du consentement est bien précisée dans le texte. Il est également prévu que le professionnel de santé assure la surveillance de l’administration de la substance. D’ailleurs, je défendrai des amendements de précision du rôle du médecin ou de l’infirmier afin qu’il soit clair que cette administration s’effectue sous sa surveillance quelles que soient ses modalités.
Avis défavorable sur ces amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS821 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). C’est un amendement de clarification.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS913 de M. Thomas Ménagé
Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1143 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cet amendement de coordination avec l’article 2, tel que notamment modifié par l’amendement AS676 de Mme Élise Leboucher, vise à permettre à la personne de faire procéder à l’administration de la substance létale.
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement, qui n’est pas vraiment de coordination, montre bien l’évolution du texte. Tant la proposition de loi, dans sa version initiale, que le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie étaient des textes encadrant le suicide assisté ; l’euthanasie constituait l’exception. Or article après article, amendement après amendement, le recours à l’euthanasie est élargi : ce n’est plus une exception.
M. Thibault Bazin (DR). En effet, votre amendement est cohérent avec celui adopté à l’article 2. Il reste qu’il traduit une évolution majeure : on va ainsi demander à un professionnel de santé de procéder à l’administration de la substance létale alors que la personne pourrait elle-même le faire. Jusqu’à présent, le principe était que la personne procédait à cette administration et que le professionnel n’intervenait que si elle n’était pas en mesure de le faire.
Avec cet amendement, l’implication du tiers soignant va être bien plus importante. Or c’était une ligne rouge pour certains collègues. Dans un souci de cohérence avec mon vote à l’article 2, je m’opposerai également à cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS138 de Mme Justine Gruet
M. Philippe Juvin (DR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS994 de M. Philippe Juvin et AS537 de M. Yannick Monnet.
Amendement AS538 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1011 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Certes, nous avons introduit une clause de conscience pour le médecin. Mais d’autres professionnels de santé vont participer à la procédure. Cet amendement vise donc à créer une clause de conscience pour toute personne qui participerait à ces actes, notamment les aides-soignants qui procèdent à la toilette mortuaire. Personne ne semble se préoccuper des effets de ces actes sur eux. Ils ont appelé mon attention sur ce point.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous débattrons de ce sujet lors de l’examen du chapitre IV, consacré à la clause de conscience. Avis défavorable.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’aide-soignante concernée n’est pas obligée d’être présente lors de l’administration de la substance létale. Lorsqu’elle réalise la toilette mortuaire, qui est un acte ordinaire indépendant de l’aide à mourir, elle intervient a posteriori, comme les professionnels des pompes funèbres.
Cet amendement élargirait la clause de conscience à tous les professionnels qui ne participent pas directement à l’acte d’aide à mourir. Il faut rester vigilant sur ce que nous proposons.
M. Philippe Juvin (DR). Je m’y attache au moins autant que vous. Je m’appuie sur les retours du terrain des professionnels, notamment des aides-soignants, qui souffrent d’un manque de considération dans ce type de texte ; ce sont les invisibles. Ceux qui feront la toilette mortuaire peuvent être affectés par cet acte, notamment s’ils ont noué des liens de proximité avec un patient qu’ils ont suivi pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Aujourd’hui, aucune clause de conscience ne les protège. Je souhaitais porter la voix des aides-soignants.
M. Christophe Bentz (RN). C’est un amendement de bon sens. Il est indispensable que la clause de conscience protège toutes les personnes – pharmaciens, infirmiers, médecins, etc. – qui participent de près ou de loin à cet acte. La clause de conscience doit être absolue et universelle.
M. René Pilato (LFI-NFP). Il faudrait donc introduire une clause de conscience pour les personnes réalisant les actes prévus par la loi Claeys-Leonetti et qui y seraient opposées. Or vous ne l’avez jamais réclamée.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS1096 et AS997 de M. Philippe Juvin et AS139 de Mme Justine Gruet.
Amendement AS999 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS312 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Une personne malade qui demande un report de la date de son euthanasie ou du suicide assisté ne le fait pas de façon anodine. Cette demande ne doit pas être prise à la légère, comme semble le faire l’alinéa 6, qui prévoit qu’une nouvelle date sera fixée de manière systématique.
Ne conviendrait-il pas de réexaminer en profondeur la situation afin de creuser les raisons pour lesquelles le patient demande un report ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
Il existe deux cas de figure. Soit la personne souhaite renoncer à l’administration de la substance létale ou à l’aide à mourir et, dans ce cas, il est mis fin à la procédure, conformément à l’article 10. Soit la personne souhaite un report et, dans ce cas, il me semble nécessaire qu’une nouvelle date soit arrêtée selon les mêmes modalités que celles prévues à l’article 7.
Si le médecin a un doute sur la volonté libre et éclairée de la personne, il peut, à tout moment de la procédure, remettre en cause la décision collégiale. Toutes les précautions sont prises. Il s’agit de prendre en compte la volonté de la personne telle qu’elle l’exprime.
M. Thibault Bazin (DR). Pourquoi ne pas introduire à l’article 9, et non à l’article 10, la possibilité de mettre fin à la procédure ? Plutôt que de prévoir que le professionnel convient d’une nouvelle date, cet article pourrait donner la possibilité de convenir d’une nouvelle date. La rédaction actuelle est trop prescriptive.
Encore une fois, le fait qu’une personne demande à reporter l’administration de la substance n’est pas anodin. Si cela traduit la volonté de renoncer à l’acte, il pourra alors être mis fin à la procédure à ce stade. Et si elle souhaite effectivement reporter la date, elle pourra toujours le faire.
M. Patrick Hetzel (DR). Eu égard à la rédaction actuelle de l’alinéa 6, on peut considérer qu’une pression s’exercerait sur la personne pour qu’elle maintienne sa demande initiale. Certes, elle vise à s’assurer que les droits du patient sont respectés, mais l’ambivalence de la personne n’est pas prise en compte. La démarche du soignant devient en quelque sorte incitative, ce qui peut enfermer le patient dans sa demande initiale, alors même qu’il serait hésitant. Faire marche arrière et changer d’avis sera d’autant plus difficile à mesure que l’état du patient s’aggrave. Alors que ses forces diminuent, la procédure risque fort de contraindre l’expression de sa volonté. Un tel dispositif n’existe pas dans la loi belge relative à l’euthanasie bien que ce soit l’une des lois les plus coercitives en la matière.
Mme Annie Vidal (EPR). À ce stade de la procédure, la question n’est pas de fixer une nouvelle date mais de s’interroger sur la demande de report ; elle signifie forcément quelque chose dans le cheminement du patient. Ce n’est pas en lui proposant une nouvelle date qu’on l’aidera à poursuivre ce cheminement dans un sens ou dans un autre. Je suis favorable à cet amendement.
Mme Justine Gruet (DR). Je suis favorable à cet amendement, mesuré. Il permet de s’interroger sur les raisons qui poussent la personne à vouloir interrompre cette procédure. La rédaction actuelle est indélicate : si, à ce stade, le patient exprime la volonté d’arrêter la procédure, il serait malvenu que le médecin lui demande immédiatement de fixer une nouvelle date. Le fait de prévoir que la demande de report met fin à la procédure n’empêchera pas de convenir d’une autre date et de respecter la volonté de la personne.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Si le patient demande un report, il faut essayer d’en comprendre les raisons ; à ce stade, convenir d’une nouvelle date n’est pas essentiel. Ne serait-il pas plus judicieux de recommencer la procédure afin d’être sûr que la décision du malade est formelle ?
M. Yannick Monnet (GDR). J’ai bien compris la stratégie d’entrave – cette expression n’a rien de péjoratif dans ma bouche – car vous êtes opposés à ce texte. Néanmoins, cet amendement pourrait précisément aller à l’encontre des objectifs que vous visez : le patient pourrait renoncer à demander un report, découragé à l’idée de devoir recommencer la procédure depuis le début. Vous enfermerez le patient dans une logique qui le conduira à aller au bout de la démarche sans demander de report.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS822 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS91 de M. Patrick Hetzel et AS606 de Mme Annie Vidal
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement poursuit le même but que les amendements précédents.
Mme Annie Vidal (EPR). Il s’agit de supprimer la mention portant sur la fixation d’une nouvelle date. Cela reviendra en effet à enfermer le patient dans une procédure dont il aura peut-être du mal à sortir en raison de son épuisement ou de la contrainte qui s’exercerait ainsi sur lui. On peut y voir une forme d’incitation à faire une nouvelle demande. À ce stade de la procédure, j’ai du mal à concevoir que le médecin demande de convenir d’une nouvelle date ; je l’imagine plutôt faire preuve d’écoute à l’égard du patient.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS315 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement de repli vise à prévoir que le professionnel de santé « peut convenir » et non pas « convient » d’une nouvelle date si la personne le demande. Il devrait vous satisfaire, monsieur le rapporteur, car il répond aux cas de figure que vous avez exposés, monsieur le rapporteur : soit la personne renonce, soit elle peut reporter l’administration. Cet amendement vise à respecter le patient en s’assurant de son consentement libre et éclairé, sans incitation.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
L’argument selon lequel la rédaction actuelle inciterait la personne à aller au bout de la démarche pourrait s’appliquer à votre amendement. En effet, la personne pourrait ne pas renoncer le jour J de peur de ne plus pouvoir aller au bout de la procédure ensuite alors même qu’elle aurait souhaité reporter l’échéance.
En cas de report, la personne devra de nouveau choisir la date, le lieu et les personnes qui l’accompagneront lors de l’administration de la substance létale, conformément à l’article 7. La procédure fait l’objet de garanties maximales pour préserver la personne et s’assurer de son consentement libre et éclairé.
Mme Justine Gruet (DR). Monsieur Monnet, c’est la rédaction actuelle qui enferme le patient sans tenir compte de l’appel qu’il lance. Mettre fin à la procédure n’annulerait pas la demande car la procédure est plutôt rapide.
À partir du moment où le professionnel de santé « convient d’une nouvelle date », il n’est pas tenu compte de la volonté du patient. À défaut de mettre fin à la procédure, il importe d’introduire la possibilité de convenir d’une nouvelle date.
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement de M. Bazin met le patient au cœur de la procédure ; cet objectif doit nous réunir. La possibilité de convenir d’une nouvelle date à la demande expresse du patient lèverait toute ambiguïté sur le rôle de chacun.
Cette formulation bienveillante à l’égard du patient garantirait que sa volonté expresse soit prise en compte.
Mme Annie Vidal (EPR). En donnant un avis défavorable à cette série d’amendements, vous faites preuve d’une extrême froideur. Le patient qui répond aux cinq critères qui ont été fixés – il est donc gravement malade – ayant suivi une procédure lourde, convenir d’une nouvelle date lorsqu’il souhaite l’interrompre au dernier moment est presque inhumain ; cela me heurte profondément. Il faut entendre cette personne qui veut tout arrêter. Pourquoi ? Que se passe-t-il ? A-t-elle des doutes ? Des angoisses ? Peut-être a-t-elle besoin de parler et doit-elle être orientée vers quelqu’un.
M. Thibault Bazin (DR). Je ne remets pas en cause le droit que vous souhaitez créer ; je donne seulement la possibilité de convenir d’une date si la personne le demande. Cette formulation est cohérente avec votre philosophie, monsieur le rapporteur.
Nous sommes en train de modifier le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique qui concerne la protection, les droits, l’information et l’expression de la volonté des malades. Si la personne demande un report, n’est-ce pas là le signe d’une fluctuation de sa volonté ?
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Nous nous rejoignons sur la nécessité de tenir compte de la volonté de la personne. L’alinéa 6 va précisément dans ce sens : « Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report [...] le professionnel de santé suspend la procédure et convient d’une nouvelle date ». Demander un report – soit demander une nouvelle date – ce n’est pas renoncer. En tout état de cause, la personne a toujours la possibilité de renoncer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS741 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous retirons cet amendement dont nous souhaitons retravailler la rédaction pour la séance.
L’amendement est retiré.
Amendements AS448 de Mme Sandrine Runel et AS746 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
M. Jérôme Guedj (SOC). Par l’amendement AS448, il s’agit de ciseler la rédaction de l’alinéa 7 qui prévoit que « lorsqu’il n’administre pas la substance létale, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire ».
Nous estimons au contraire que, lors du suicide assisté, il est souhaitable qu’un professionnel de santé soit présent pour superviser et sécuriser l’ensemble de la procédure. Il nous semble nécessaire d’éviter par exemple des scénarios catastrophe, comme un pacte suicidaire avec le reste de la famille.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par l’amendement AS746, nous proposons également de modifier l’alinéa 7 afin d’imposer la présence systématique, aux côtés du patient, du professionnel de santé, même si celui-ci n’administre pas la substance létale. Nous éviterons ainsi tout scénario catastrophe de mauvais usage de la substance létale. Cela permettra de rassurer, d’accompagner et, si le patient le demande, d’interrompre le processus.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je suis d’accord avec vous, le professionnel de santé doit se trouver aux côtés du patient, même lorsqu’il n’administre pas la substance létale. Nous avons proposé un amendement de clarification à l’alinéa 5. Le rapporteur en présentera un second à l’alinéa 7, l’amendement AS1142, afin de distinguer deux phases.
Durant la phase d’administration elle-même, le professionnel sera présent aux côtés du malade, qu’il administre ou non la substance, par souci de sécurité. Durant la phase qui suit l’administration, en revanche, la présence du professionnel aux côtés du malade ne sera pas obligatoire, permettant un moment d’intimité entre le malade et ses proches, si le malade le souhaite. Le professionnel devra toutefois se trouver à une proximité suffisante afin d’intervenir en cas de difficultés.
Vos amendements ont l’inconvénient de ne pas aborder cette seconde phase. Je vous demande donc de les retirer, au profit de l’amendement AS1142.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je retire mon amendement.
M. Jérôme Guedj (SOC). Dès lors que les bonnes pratiques concernant la seconde phase seront précisées pour les établissements, je retire mon amendement.
Les amendements sont retirés.
Amendements AS656 de M. Charles de Courson et AS539 de M. Yannick Monnet (discussion commune)
M. Charles de Courson (LIOT). Votre distinction entre les deux phases ne tient pas. Après l’administration du produit, le malade peut mal réagir, des complications sont possibles. Le médecin doit obligatoirement rester présent à ses côtés jusqu’au décès. Mon amendement prévoit cette précaution nécessaire.
M. Yannick Monnet (GDR). Je pense également que le médecin doit rester présent jusqu’au bout. L’aide à mourir est un acte, non pas de soins, mais médical, dont les conséquences doivent être surveillées. Je comprends le besoin d’intimité, mais je sais que dans ces moments‑là, les professionnels de santé sont capables de se mettre en retrait, tout en restant dans la même pièce. Il ne faut pas qu’ils puissent se trouver dans une pièce adjacente, comme semble le permettre l’amendement AS1142.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Non, l’amendement AS1142 ne prévoit nullement que le médecin change de pièce après l’administration. Durant la première phase, d’administration, le médecin se trouvera « aux côtés de la personne », c’est-à-dire à proximité immédiate du malade, dans une surveillance active. Durant la phase du décès, le professionnel de santé sera toujours présent, mais, si le malade le souhaite, il sera simplement « suffisamment » proche pour intervenir en cas de difficultés – autrement dit, au fond de la pièce. J’y tiens, il doit rester présent jusqu’au décès, pour intervenir en cas de problème.
Je vous demande donc de retirer vos amendements.
L’amendement AS539 est retiré.
M. Charles de Courson (LIOT). Je ne partage pas votre analyse de l’amendement AS1142. Le médecin devra être présent jusqu’au bout. Je maintiens mon amendement. L’intervalle de temps entre l’injection et le décès effectif variera selon les personnes – il pourra durer quinze ou vingt minutes, par exemple.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Non ! Cela ne durera pas quinze ou vingt minutes !
Mme Annie Vidal (EPR). Monsieur Monnet, l’administration de la substance ne sera pas un acte médical. Ce sera un droit inscrit dans le code pénal et non dans le code de la santé publique. Aux termes de l’article 2, « l’aide à mourir [sera] un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal ».
M. Thibault Bazin (DR). Pour définir la notion de proximité suffisante, l’alinéa 7 de l’article 9 fait référence « aux recommandations prévues aux 23° de l’article L. 161-37 » du code de la sécurité sociale. Or cet article, qui fait référence à la HAS, ne comprend pas de 23°. Outre que la rédaction n’est pas claire, elle fait référence à un alinéa qui n’existe pas.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le 23° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale sera créé par le présent texte.
M. Thibault Bazin (DR). C’est le serpent qui se mord la queue. On nous demande de nous fonder sur une disposition qui n’est pas encore adoptée !
M. René Pilato (LFI-NFP). Monsieur de Courson, l’adoption de votre amendement conduirait à rédiger ainsi l’alinéa 7 : « La présence du professionnel de santé aux côtés de la personne est obligatoire, afin de pouvoir, lorsqu’il n’administre pas la substance létale, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire. » Cette phrase n’a pas de sens. Vous devriez retirer l’amendement pour le réécrire en vue de la séance publique. Sachez en tout cas que mon amendement AS744 répondra à votre préoccupation.
La commission rejette l’amendement AS656.
Amendement AS1142 de M. Stéphane Delautrette
M. Thibault Bazin (DR). La nuance entre présence et proximité est de taille. Par ailleurs, le présent article ne tend pas à créer le 23° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, qui doit fixer les recommandations en la matière.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. C’est l’article 16 du présent texte qui créera cet alinéa. Monsieur Bazin, ne cherchez pas à créer la confusion. Vous avez très bien compris le sens de cet amendement, qui distingue une phase d’administration de la substance durant laquelle le professionnel de santé devra être aux côtés du malade, et la phase du décès, qui nécessite la surveillance du professionnel de santé. Celui-ci sera alors suffisamment proche pour intervenir en cas de difficultés – même s’il pourra se tenir en retrait, si le patient souhaite se trouver dans l’intimité de sa famille dans ce moment difficile. Nous garantirons ainsi la sécurité et le respect de l’intimité, dans un moment grave. Tout le monde peut comprendre que la personne qui décède préfère être avec ses proches, qui l’entourent.
M. Jean-François Rousset (EPR). Monsieur Bazin, à certains moments vous déplorez l’absence d’humanité du texte ; à d’autres, vous la réclamez.
Cet amendement fait appel à l’humanité des médecins. Ils savent qu’à certains moments, il faut se retirer.
M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement et les précédents auraient dû faire partie de la même discussion commune. L’amendement AS744 de M. Pilato me semble meilleur que l’amendement AS 1142 du rapporteur.
M. Thibault Bazin (DR). L’article 16 du présent texte vise effectivement à créer un 23° à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, afin de compléter les missions de la HAS. Mais si cet alinéa évoque bien la préparation des substances létales, il ne confie pas à cette autorité la mission de définir la proximité des professionnels de santé. Ce sera un problème à l’article 16.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS744 de M. René Pilato et AS745 de Mme Karen Erodi, amendements identiques AS742 de M. Hadrien Clouet et AS743 de Mme Élise Leboucher, amendements AS449 de Mme Sandrine Runel, AS153 de M. Patrick Hetzel et AS1000 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous proposons la rédaction suivante : « le professionnel de santé demeure aux côtés de la personne, afin de veiller à ce qu’aucune difficulté ne survienne et d’être en mesure d’intervenir si nécessaire. » Voilà qui permettra de rassurer tout le monde.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Le droit à disposer de sa propre fin de vie doit s’exercer dans un cadre serein et sûr, avec l’accompagnement médical, professionnel et personnel que chacun peut légitimement attendre au moment ultime.
J’appelle votre attention sur la vigilance que requiert la préparation létale, sa remise, son usage et son éventuel retour. Ces questions ne sont pas mentionnées concernant l’auto‑administration du produit. Comment assurer une intervention rapide en cas d’incident ? Comment assurer la bonne administration du produit létal si le professionnel de santé n’est pas physiquement présent dans la pièce ? Nous proposons qu’il se tienne obligatoirement aux côtés du malade, y compris dans le cas d’auto-administration du produit, afin d’assurer la traçabilité du produit, la sécurité de chacun et chacune et l’accompagnement nécessaire.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La liberté que nous créons requiert un cadre pour garantir la sûreté de la chaîne d’utilisation du produit. Le malade et ses proches ne peuvent être laissés seuls avec un produit létal.
Les amendements AS743 et AS449 sont retirés.
M. Patrick Hetzel (DR). Vous le savez, nous n’étions pas favorables à l’exception d’euthanasie, mais puisque la commission l’a permise, nous nous adaptons. Même l’auto‑administration peut poser des difficultés. Le professionnel doit donc toujours être présent. C’est l’objet de cet amendement.
L’amendement AS1000 est défendu.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La légistique a encore des mystères pour moi. Je ne comprends pas que l’adoption de mon amendement n’ait pas fait tomber ceux‑ci, puisqu’il les satisfait.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1012 de M. Philippe Juvin
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1141 de M. Stéphane Delautrette
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à substituer aux mots « doit toutefois se trouver à une proximité suffisante » les mots « est toutefois suffisamment près ».
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS747 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Il faut préciser que le professionnel de santé « veille[ra] à ce que la personne ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou pour renoncer à l’administration de la substance létale », afin de garantir que le patient décidera en âme et conscience.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
Le jour J, dans un premier temps, le médecin vérifiera que le patient confirme sa demande d’aide à mourir. Il n’est pas prévu qu’il le fasse devant des tiers susceptibles d’exercer des pressions. La précision demandée n’est donc pas nécessaire. Le professionnel de santé devra s’assurer de la volonté libre et éclairée du patient tout au long du processus.
M. René Pilato (LFI-NFP). Il faut vraiment que le professionnel de santé s’assure que le patient exerce librement son droit à choisir sa fin de vie, et que son entourage n’exerce pas de pression, quel que soit son choix. Ce n’est pas anodin.
M. Julien Odoul (RN). Nous voulons également garantir que le patient en fin de vie ne subira aucune pression, de quelque ordre et à quelque moment que ce soit. Toutefois, la précision « ou pour renoncer à l’administration » prévue par l’amendement nous gêne.
Nous avons évoqué la possibilité que l’entourage familial, par intérêt financier notamment, pousse le patient à recourir à l’aide à mourir. À l’inverse, il faut préciser de nouveau que jusqu’au dernier moment, le patient en fin de vie doit pouvoir se rétracter.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement vise à garantir le droit du malade à décider librement – qu’il maintienne son choix, ou se rétracte.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1111 de M. Julien Odoul et AS163 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune)
M. Julien Odoul (RN). Les mots « proximité suffisante » à l’alinéa 7 créent un grand flou quant à la distance à laquelle devra se tenir le professionnel de santé. Par souci de clarification, mon amendement vise à leur substituer les mots « dans un lieu accessible en moins de quinze minutes en véhicule terrestre à moteur ». Nous protégerons ainsi les patients en fin de vie, car l’administration de la substance létale peut entraîner des réactions et des complications.
Mme Annie Vidal (EPR). L’amendement AS163 vise également à préciser la notion de « proximité suffisante ». Pour ma part, je propose que celle-ci implique « la vision directe ». Ainsi, le professionnel pourra se retirer de l’espace intime du patient. Il se trouvera toutefois dans la même pièce, avec la discrétion qui s’impose. Il pourra voir ce qui se passe et intervenir rapidement.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement AS1111. Il n’est pas question de permettre au professionnel de santé de quitter les lieux. Il doit rester présent jusqu’au décès du malade.
En revanche, avis favorable à l’amendement AS163.
Mme Justine Gruet (DR). Je m’interroge sur le délai entre l’injection létale et le décès du patient. En Oregon, celui-ci a pu durer jusqu’à 104 heures – quasiment cinq jours ! Si la durée excède plusieurs heures, un médecin sera-t-il être mobilisé jusqu’au bout ?
M. Thibault Bazin (DR). L’article 16 du présent texte prévoit que la HAS élaborera « des recommandations de bonne pratique portant sur [l]es substances [létales] et sur les conditions de leur utilisation » – cela inclut-il la proximité des professionnels de santé avec le patient ? Il faudra clarifier ce point.
Même si le professionnel de santé dispose d’une vision directe sur le patient, que se passera-t-il si l’administration du produit ne se déroule pas comme prévu ?
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Monsieur Odoul, l’exposé sommaire de votre amendement prévoit qu’en cas d’« arrêt cardiaque », le demandeur de l’aide à mourir devra « être secouru par le professionnel de santé ». Puisque vous vous proposez de nous éclairer, expliquez-moi : voulez-vous que le patient soit secouru pour lui accorder un délai supplémentaire de réflexion après l’injection ?
M. Christophe Bentz (RN). Ces deux amendements montrent le flou de votre texte. L’expression « proximité suffisante » ne veut rien dire.
Je déposerai un amendement pour la séance publique afin que la proximité du professionnel de santé avec le patient soit également garantie dans les établissements de santé. Vous n’avez pas prévu de cadre, au cas où l’injection ne fonctionne pas, pour protéger le patient. S’il résiste et ne meurt pas, faut-il le secourir ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Monsieur Bentz, vous souhaitiez interdire les injections à l’hôpital. Soyez cohérent !
Monsieur Bazin, l’alinéa 7 du présent article renvoie aux recommandations qui seront inscrites dans la loi aux termes de l’article 16. Ainsi, la HAS pourra préciser la préparation et l’utilisation des substances.
M. Julien Odoul (RN). Si la substance létale entraîne de graves complications et des souffrances pour le patient, il est du devoir du professionnel de santé de le réanimer. On ne peut pas laisser la personne agoniser pendant plusieurs heures au prétexte qu’elle a demandé l’aide à mourir. Cette question met en lumière la gravité de l’acte et le flou qui entoure les dispositions que vous nous appelez à voter. Il faut apporter une précision dans la loi au sujet de la notion de proximité.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Qu’on soit pour ou contre le texte, on doit déterminer la conduite à tenir dans un tel cas de figure. Faut-il réanimer la personne et entamer une nouvelle procédure ? Il convient de cadrer les choses.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La présence d’un professionnel de santé aux côtés du patient, lorsque celui-ci a souhaité mourir à son domicile, a pour objet de l’accompagner jusqu’au décès. En cas de convulsions ou de vomissements, le professionnel de santé serait là pour le soulager. En revanche, il n’a pas pour rôle de réanimer la personne qui a demandé à mourir, car cela constituerait une forme d’obstination déraisonnable. Il est prévu que le professionnel dispose d’une dose de secours si la première dose ne suffisait pas.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous devons penser aux effets de bord. Nous savons que la solution létale ne produira pas toujours l’effet escompté. Le mouvement abolitionniste, aux États-Unis, a précisément fait état de cas dans lesquels l’agonie du condamné auquel on avait administré la substance létale avait duré plusieurs heures. En outre, je vous rappelle un cas dramatique qui avait défrayé la chronique aux Pays-Bas : un médecin, témoin d’une injection létale qui ne fonctionnait pas, a dû achever le patient en l’étouffant à l’aide d’un oreiller.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous mélangez tout, cher collègue, puisque vous évoquez l’exécution de détenus aux États-Unis, qui sont souvent en pleine santé – on s’assure d’ailleurs qu’ils le soient avant de les exécuter. Dans le cadre de ce texte, nous parlons de personnes en fin de vie. En outre, le professionnel de santé disposera d’une dose supplémentaire en cas de besoin. Il n’est absolument pas nécessaire de réanimer quelqu’un qui demande à mourir – car tel est, rappelons-le, l’objectif poursuivi. Je vous invite à relire le texte.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). On ne peut que se réjouir que nos collègues du Rassemblement national critiquent la peine de mort et son exécution, ce qui marque l’abandon d’une ligne idéologique qu’ils ont suivie pendant des décennies – ce châtiment cruel faisait en effet partie de leurs objectifs politiques. Vous avez eu l’occasion de voter deux amendements qui prévoyaient la présence de la soignante ou du soignant dans la pièce où se déroule l’aide à mourir, à quelques mètres de la personne malade, mais vous les avez rejetés. À présent, vous proposez que le professionnel se trouve dans un lieu accessible en moins de quinze minutes en véhicule à moteur. Le critère retenu me surprend eu égard à l’objectif visé, qui est de permettre l’intervention rapide du soignant. Pour ces différentes raisons, il convient de rejeter l’amendement.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je veux dire à nos collègues du Rassemblement national que la comparaison qui a été suggérée avec la peine de mort aux États-Unis est totalement odieuse. Vous avez parfaitement le droit de vous opposer au texte mais ne dressez pas un tel parallélisme, qui est inacceptable.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous débattons d’un sujet de société : il n’est donc pas utile de détailler les visions politiques de chaque parti. Il est loisible aux députés de poser des questions. Il faut faire preuve d’un peu de respect : on ne peut pas s’exprimer comme l’a fait M. Clouet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS317 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Si l’on ne craignait pas la survenue de difficultés, la présence d’un professionnel de santé à proximité du malade ne serait pas nécessaire. Si le mode d’administration – par exemple par la voie digestive ou intraveineuse – se révélait inadapté, la dose de secours n’aurait pas plus d’effet que la première. Il faut s’interroger sur la conduite que doit adopter le professionnel dans un tel cas de figure.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Si l’on ne traite pas les difficultés potentielles, on fera peser une responsabilité considérable sur le professionnel de santé, ce qui pourrait faire réfléchir les personnes envisageant de se porter volontaires. La question est de savoir si le professionnel peut, à un certain moment, mettre fin à la procédure.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS318 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je propose que l’on précise par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la HAS et du CCNE, les caractéristiques, les conditions et les modalités de la possible intervention du professionnel de santé en cas de survenance des difficultés mentionnées à l’article 9.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je vous renvoie à nouveau à l’article 16. Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). L’article 16 évoque les conditions d’utilisation du produit létal et non les conditions et les modalités de la possible intervention du professionnel. Il convient de préciser cet aspect des choses.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS332 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à renforcer la transparence de la procédure en précisant que le certificat de décès légal ne peut être rédigé que par le médecin qui a personnellement aidé et accompagné la personne en fin de vie.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.
Votre amendement n’est pas cohérent avec le texte et le droit en vigueur : d’une part, un infirmier peut, aussi bien qu’un médecin, accompagner la personne ; d’autre part, depuis de récentes expérimentations et leur généralisation dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, les infirmiers formés – et eux seuls – peuvent également établir un certificat de décès. L’infirmier qui a accompagné le malade pourrait ne pas être en mesure d’établir le certificat s’il ne remplissait pas les conditions de formation.
M. Thibault Bazin (DR). Il conviendrait de renforcer la transparence et la traçabilité de la procédure. Peut-on travailler sur cette question d’ici à la séance ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous sommes prêts à y travailler.
J’ajoute que l’article 9 contient des dispositions en matière de traçabilité : son alinéa 11 prévoit en effet que « Le professionnel de santé mentionné au premier alinéa du I du présent article dresse un compte rendu de la mise en œuvre des actes prévus aux I à III. » Le certificat de décès ne sera donc pas la seule preuve de la réalisation des actes.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques AS586 de Mme Nicole Dubré-Chirat et AS895 de Mme Danielle Simonnet
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’amendement vise à préciser que la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir est réputée décédée de mort naturelle, en lien avec l’affection dont elle souffre. C’est bien la maladie, en effet, qui va conduire à la mort, tandis que l’aide à mourir accompagne la personne. Il s’agit d’épargner aux familles des difficultés liées aux assurances, aux banques ou aux mutuelles.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est essentiel que la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir soit réputée décédée de mort naturelle. En effet, elle est bien décédée des suites de son affection. Le recours à l’aide à mourir est une conséquence directe de l’affection dont elle souffre. Cette précision est fondamentale pour préserver les droits des héritiers et des ayants droit.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je comprends tout à fait vos arguments. Je rappelle, comme la ministre l’a fait lors de la discussion générale, qu’il n’y a pas d’enjeu assurantiel lié à la cause de la mort, compte tenu des dispositions de l’article 19. Il me semble que le décret en Conseil d’État prévu à l’article 13 pourrait utilement apporter la précision que vous souhaitez introduire dans la loi. En effet, cette disposition relève davantage, à mon sens, du domaine réglementaire. Nous pourrions obtenir un engagement de la ministre en séance.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Christophe Bentz (RN). Je suis stupéfait que vous donniez un avis de sagesse sur des amendements tels que ceux-ci, qui n’ont aucun sens et poussent le mensonge sémantique encore plus loin. Non seulement on n’emploie pas les bons termes, mais on irait jusqu’à dire que la mort résultant de l’administration d’une substance létale est réputée naturelle et découle de la maladie. La réalité est inverse puisque c’est la dose létale qui, comme son nom l’indique, donne la mort. Ce ne peut donc pas être une mort naturelle.
M. Thibault Bazin (DR). Depuis le début de l’examen de ce texte, on a recours à de doux euphémismes. En l’occurrence, on voudrait dire qu’il s’agit d’une mort naturelle alors qu’on a administré une substance à la personne avec l’intention de provoquer la mort. Ces amendements me mettent mal à l’aise. Je ne souhaite pas que la ministre s’engage à ce que l’on affirme quelque chose qui ne correspond pas à la réalité. On ne cesse de nous dire que la loi concerne les personnes qui vont mourir très vite. Or elle peut s’appliquer à des malades qui ne sont pas en fin de vie, pour lesquels le pronostic vital n’est pas engagé à court terme et qui pourraient continuer à vivre plusieurs mois ou plusieurs années. Il est inexact de prétendre que leur mort sera naturelle. Cela étant, chacun a conscience des enjeux patrimoniaux qui s’attachent à cette question.
M. Philippe Juvin (DR). Il s’agit d’une demande de longue date de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, dont la proposition de loi de 2018 affirmait, en son article 3 : « Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide active à mourir. »
Je partage les avis qui ont été exprimés : on est en train de prétendre quelque chose qui n’existe pas. La mort naturelle est, selon la définition que l’on utilise aujourd’hui, celle qui n’implique pas l’intervention d’un tiers. Elle se distingue de la mort accidentelle et de l’homicide. En réalité, on va créer une catégorie nouvelle de mort, qui se différenciera de la mort naturelle.
Quant à la sédation profonde et continue, dont nous parlons depuis des mois, je suis sidéré que certains persistent à affirmer que cela consiste à donner la mort. Si vous n’en avez jamais vu, je vous invite à passer quelques jours dans un établissement où on la pratique : vous y constaterez qu’on n’y tue pas les gens. Je sais malheureusement de quoi je parle, pour avoir endormi mon père.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons ces amendements, qui s’inscrivent dans un mouvement historique dont l’origine remonte à la Révolution française, époque à laquelle ont été supprimées les sanctions pénales à l’encontre des proches d’un individu s’étant suicidé. Reconnaître le droit de la personne d’éteindre la lumière pour elle-même implique d’éliminer les conséquences matérielles préjudiciables pour ses proches et ses ayants droit.
Monsieur le rapporteur, la discussion que vous aurez avec M. Bazin, concernant son amendement AS332, portera-t-elle sur la place occupée par les infirmiers diplômés d’État volontaires dans l’établissement du certificat de décès ?
M. le président Frédéric Valletoux. La discussion portait en effet sur ce sujet.
M. Julien Odoul (RN). Ces amendements révèlent votre volonté d’atténuer la portée de l’acte, d’euphémiser la définition de la mort. Vous employez des mots doux, comme « éteindre la lumière » alors qu’il s’agit d’administrer une substance létale. La mort administrée, par définition, n’est pas la mort naturelle. Certains disent que, de toute façon, la personne va mourir. Or il n’existe aucune certitude, quel que soit le pronostic vital engagé, que le patient en fin de vie décède de son mal. Il n’y a pas de calendrier. Ce qui provoque la mort est, évidemment, la substance létale et non la maladie.
M. René Pilato (LFI-NFP). Je voudrais dire à nos collègues qu’ils occultent quelque chose de fondamental, qui est au cœur du texte : je veux parler de la souffrance insupportable réfractaire. Vous la taisez systématiquement. Une personne demande à mettre fin à ses jours parce qu’elle remplit les cinq critères, parmi lesquels figure cette souffrance insupportable. Les amendements visent à ce que la personne soit « réputée » décédée de mort naturelle. Tout votre verbiage consiste à retirer des mots, à occulter des critères pour bâtir un récit qui ne correspond pas à la réalité. Ces amendements ont pour objet de permettre aux ayants droit de bénéficier des mêmes droits que ceux auxquels ils auraient pu prétendre si la personne était morte, dans la souffrance, deux ou trois semaines plus tard.
M. Nicolas Turquois (Dem). Bien que très favorable au texte, je n’approuve pas ces amendements. Il me paraît important d’employer des mots dépourvus d’ambiguïté. En l’occurrence, la personne ne décédera pas de mort naturelle : elle connaîtra une mort d’une nature particulière – au demeurant, tout à fait respectable. Cela étant, il est important que cela n’emporte pas de conséquences sur la succession et les assurances. Ce type d’amendements peut contribuer à creuser le fossé entre les partisans et les adversaires de la loi. En effet, nombreux sont ceux à avoir une position intermédiaire, à percevoir la nécessité d’avancer sur le sujet tout en étant gênés par certains aspects.
M. Arnaud Simion (SOC). Les membres du groupe socialiste voteront les amendements. Monsieur Juvin, nous comprenons parfaitement votre émotion mais je voudrais vous dire que nous n’inventons rien. Avant mon élection, j’ai mené un travail sur la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs. Lorsque survient un suicide dans le monde agricole, on affirme que le décès a pour origine un accident du travail, pour protéger les ayants droit.
J’ajoute que les mots ont un sens : en l’occurrence, l’emploi du terme « réputée » est très éclairant.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS1004 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Un certificat de décès comporte deux parties : la première est à visée administrative – on peut y signaler, par exemple, un obstacle médico-légal ; la seconde partie est destinée à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui renseigne, sur cette base, un fichier nommé Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès. Ce document, qui recense l’ensemble des décès, sert uniquement à réaliser des statistiques sur leurs causes ; les informations communiquées n’emportent aucune conséquence médico-légale ou patrimoniale. Une rubrique concerne les circonstances apparentes du décès, qui comprend huit catégories : faits de guerre, mort naturelle, accident, suicide, atteinte volontaire à la vie, complications de soins médicaux, investigations en cours ou circonstances indéterminées. Je propose de créer une neuvième catégorie, à des fins purement statistiques, pour les décès résultant de l’application de la loi – sa dénomination exacte pourra être précisée. Je précise que j’ai discuté de l’amendement avec des collègues de l’Inserm.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La précision que vous souhaitez apporter me paraît relever du domaine réglementaire. La ministre, qui avait évoqué ce sujet à l’ouverture de nos travaux, devra nous apporter des éléments de réponse. Je note que votre amendement emploie les termes « suicide assisté » et « euthanasie », mais je ne reviendrai pas sur le débat sémantique.
Avis défavorable.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’article 12 prévoit déjà un enregistrement de chacun des actes de la procédure d’aide à mourir. L’article 15, quant à lui, confie à la commission de contrôle et d’évaluation la responsabilité du système d’information mentionné à l’article 11. Parmi les missions de la commission figurent notamment le suivi et l’évaluation de l’application de l’aide à mourir sur la base de données agrégées anonymisées ainsi que l’information annuelle du Parlement et du Gouvernement. Votre amendement me paraît donc satisfait.
Mme Annie Vidal (EPR). Lorsque nous avons évalué l’application de la loi Claeys-Leonetti, nous avons constaté que nous étions incapables de produire des chiffres. C’est pourquoi, depuis le 1er janvier, deux codes sont utilisés, l’un concernant les sédations effectuées dans le cadre d’un traitement, l’autre relatif aux sédations profondes et continues maintenues jusqu’au décès. L’un comme l’autre alimentent le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Cet amendement est intéressant car il permettrait d’avoir des statistiques sur les décès issus de ce nouveau droit, à des fins d’évaluation.
M. Philippe Juvin (DR). Il me semble que le contenu de la partie inférieure, autrement dit statistique, du certificat de décès est défini par le code de la santé publique, dans sa partie législative.
Mme Justine Gruet (DR). Il ne fait aucun doute que le décès issu de l’aide à mourir ne constitue pas une mort naturelle. Dès lors, si vous ne souhaitez pas qu’il soit fait mention du suicide assisté ni de l’euthanasie, on pourrait créer une nouvelle catégorie intitulée « décès par aide active à mourir ».
M. Patrick Hetzel (DR). Il est important que l’on dispose d’une information spécifique aux décès résultant de l’application de la loi. La mort issue de ce droit nouveau ne sera en aucun cas naturelle puisqu’elle sera provoquée. Il n’y a pas d’euphémisation possible : cette mort doit être identifiée en tant que telle. Dans le cas contraire, nous ne serions plus en mesure d’observer les choses ; en outre, les dispositions relatives au contrôle, que nous examinerons un peu plus loin, seraient vidées de leur sens. Cet amendement est donc particulièrement pertinent.
M. Jean-François Rousset (EPR). Cela fait des années que la rédaction des certificats de décès est problématique, puisque, la plupart du temps, on inscrit l’arrêt cardiaque comme cause de la mort, sans mentionner les comorbidités. Cela pose le problème, qui excède notre débat, de la formation des médecins à l’élaboration de certificats de décès cohérents. Nous avons perdu des millions de données qui auraient permis de faire évoluer la science médicale. Dans ce cas précis, « mort naturelle » est le plus simple et n’est pas incohérent par rapport à ce qui se fait dans les services hospitaliers.
M. Thibault Bazin (DR). Je pense aux personnes qui se suicident à cause d’une dépression, une maladie très dure. Inscrire « mort naturelle » ne permet pas de rendre compte que le suicide est la conséquence d’une maladie. En modifiant la loi pour des personnes qui souffrent d’une affection grave et incurable, nous risquons de créer des effets de bord. Il faut améliorer ce système pour des raisons de suivi et d’évaluation.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cette question de la traçabilité est très importante.
Monsieur Juvin, votre précision relève bien du domaine réglementaire, puisque c’est un arrêté du ministère de la santé qui détermine le modèle du certificat de décès. Nous pourrons interpeller la ministre à ce sujet.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1002 de M. Philippe Juvin et AS141 de Mme Justine Gruet (discussion commune)
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1140 de M. Stéphane Delautrette.
Amendement AS823 de Mme Marie-France Lorho
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement vise à prévoir une sanction de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende pour tout manquement à la destruction de la préparation létale restante ou non utilisée. Dans la mesure où il s’agit d’un garde-fou, j’imagine que vous allez m’opposer un avis défavorable.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable, en effet, mais pas pour cette raison, au contraire. Le présent à l’alinéa 10 a valeur d’obligation. Qui plus est, l’article 9 fait référence à l’article L. 4211-2 du code de la santé publique, qui dispose que « toute distribution et toute mise à disposition des médicaments non utilisés sont interdites ». Prévoir une sanction dédiée ne me semble donc pas nécessaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1003 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Il nous semble utile que le compte rendu soit exhaustif et comprenne les déclarations et les faits marquants observés lors de la procédure d’administration de la substance létale, comme dans l’Oregon. Combien de temps les personnes mettent‑elles à perdre conscience ? À mourir ? Quand on sait que, dans l’Oregon, le maximum en 2024 a été de 137 heures, on voit bien les problèmes que peut poser la procédure, si un infirmier doit rester plus de cinq jours au chevet du patient... Si tout cela n’est pas consigné, on fera semblant que rien ne se passe.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Pour évaluer le dispositif, il faudra en effet connaître ces éléments. C’est pourquoi l’article 13 prévoit un décret en Conseil d’État pour définir les modalités d’établissement du compte rendu.
M. Philippe Juvin (DR). Cela fait plusieurs fois que vous nous renvoyez à l’article 13. Or il ne prévoit rien de tout cela ! Il y est question des modalités d’information de la personne qui demande l’aide à mourir, de la forme et du contenu de sa demande ainsi que de la procédure de vérification des conditions et de recueil des avis. En aucune manière, il ne prévoit de consigner le déroulé réel de ce qui se passe. Le patient ferme-t-il les yeux en une minute, en vingt minutes ou en une heure ? Meurt-il en une minute, en un jour ou en six ? Y a‑t‑il des vomissements ? La voie veineuse a-t-elle sauté ?
Mme Justine Gruet (DR). Cela n’ajouterait pas de lourdeurs administratives, étant donné qu’il s’agit d’une loi d’exception. Dans une volonté de contrôle et pour faire évoluer la loi dans un sens ou dans l’autre, il est important de disposer de données factuelles et chiffrées. C’est la même chose pour le certificat de décès. Un médecin ou un interne acceptera-t-il d’écrire « mort naturelle », alors qu’elle ne l’est pas ? Nous sommes en train d’inscrire un mensonge dans une loi.
M. Patrick Hetzel (DR). Le recueil de telles données est en effet important pour la recherche, ainsi que pour améliorer le dispositif. C’est dans l’intérêt du patient.
M. Julien Odoul (RN). Vous devriez être favorable à cet amendement qui permettrait d’améliorer votre dispositif.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne dis pas que la collecte de ces données n’est pas utile pour le suivi et l’évaluation ; je dis que ce n’est pas à cet article que ce sujet se traite. Je vous renvoie aux termes de l’alinéa 2 de l’article 13 : « un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent chapitre, notamment [...] » – ce que vous avez mentionné. De même, une sous-section est dédiée à cette question à l’article 15. C’est là qu’il faudra faire intervenir vos précisions.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Je retire donc mon amendement, avec l’engagement du rapporteur que nous complétions l’article 13 en ce sens.
L’amendement est retiré.
Amendement AS571 de M. Charles de Courson
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS90 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). L’objectif est de disposer d’un registre des euthanasies et suicides assistés dans chaque établissement de soins les pratiquant.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre amendement est satisfait. L’article 11 prévoit l’enregistrement de chacun des actes dans le système d’information. L’article 15 prévoit, quant à lui, l’évaluation des données agrégées et anonymisées afin d’informer annuellement le Gouvernement et le Parlement.
Avis défavorable.
M. Patrick Hetzel (DR). Je retire mon amendement afin de préciser, pour la séance, à l’article 11, qu’il est possible d’accéder aux données établissement par établissement.
M. le président Frédéric Valletoux. Le relevé des actes établissement par établissement est déjà accessible par le biais de la sécurité sociale, grâce aux données du PMSI. On sait où sont faites les appendicites, par exemple.
L’amendement est retiré.
Amendement AS320 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je souhaitais me pencher sur un impensé de la proposition de loi. À l’article 2, alinéa 7, vous avez dépénalisé l’acte de l’aide à mourir. Imaginons que la personne chargée de l’administration aille chercher la substance létale à la pharmacie puis la perde, son irresponsabilité pénale est-elle totale ? Pour les manquements relatifs aux opérations impliquant des substances vénéneuses, le code pénal prévoit des sanctions.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le livre IV de la cinquième partie du code de la santé publique porte sur des sanctions pénales et financières. Son titre II concerne les médicaments à usage humain. Il ne me semble donc pas nécessaire de définir un cadre pénal spécifique. On n’imagine pas un professionnel commettre une telle infraction sans que sa responsabilité soit engagée. La loi prévoit déjà des sanctions.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Si je vous suis, monsieur le rapporteur, la dépénalisation à l’alinéa 7 de l’article 2 est limitée – je voulais savoir jusqu’où elle allait. La responsabilité d’une personne qui perd la préparation létale peut donc être engagée.
Mme Justine Gruet (DR). J’imagine qu’il y a d’autres situations où le professionnel de santé est en possession de substances qui peuvent provoquer la mort. Cela me semble utile d’aborder cette question, puisque cela permettra, le cas échéant, de se référer au compte rendu de nos débats, pour savoir à qui revient la responsabilité de la substance létale.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Peut-être cela vous rassurera-t-il, monsieur Bazin, de savoir que j’ai déposé un amendement AS1177 à l’article 15, où je propose de suivre l’avis du 4 avril 2024 du Conseil d’État, qui indique que la commission de contrôle et d’évaluation, créée à cet article, devra être regardée comme une « autorité constituée » au sens de l’article 40 du code de procédure pénale. Lorsque la commission estimera que des faits commis à l’occasion de la mise en œuvre des dispositions précédemment citées sont susceptibles de constituer un crime ou un délit, elle le signalera au procureur de la République. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 9 modifié.
Après l’article 9
Amendement AS749 de Mme Karen Erodi
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous proposons que la personne volontaire désignée par le patient puisse bénéficier du congé pour décès prévu à l’article L. 3142‑4 du code du travail, actuellement réservé aux membres de la famille proche, pendant trois jours fractionnables.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. La personne volontaire n’apparaît plus dans le texte...
Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS750 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). C’est le même amendement que l’AS749 pour la personne de confiance.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il n’y a pas de directives anticipées donc il n’y a pas de personne de confiance.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous nous fondons sur l’article L. 1111-6 du code de la santé publique pour considérer qu’une personne de confiance sera bien présente au cours de la procédure, même si elle n’est pas explicitement citée dans le texte.
Mme Justine Gruet (DR). Je suis surprise que ces amendements aient franchi la barrière de la recevabilité à deux titres : d’une part, ils semblent hors-sujet ; d’autre part, ils imposent une charge financière pour ce qui concerne les agents publics. En outre, cela risque de créer un biais pour tout décès, dès lors qu’une personne de confiance a été désignée.
M. René Pilato (LFI-NFP). Ces congés ne représentent pas forcément une charge, puisqu’ils sont payés par les entreprises. Par ailleurs, nous estimons que la personne de confiance, même si elle n’entre pas dans le processus stricto sensu, doit pouvoir assister à cet instant ultime.
M. le président Frédéric Valletoux. Le principe de recevabilité financière ne s’applique pas dans le cas où les employeurs privés sont tout autant concernés que l’employeur public.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il s’applique d’autant moins que les congés ne sont pas indemnisés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS92 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Nous souhaitons que les ayants droit définis à l’article 731 du code civil soient informés par le médecin du décès, après l’euthanasie ou le suicide assisté.
M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.
Il est à supposer que, dans la grande majorité des cas, ces ayants droit seront informés du recours à l’aide à mourir par la personne elle-même. Si ce n’est pas le cas, il n’y a pas lieu de prévoir un circuit d’information différent de celui qui s’applique pour tout décès.
M. Patrick Hetzel (DR). La procédure est tout de même assez inhabituelle. Il ne me semble pas adéquat que la famille soit informée par le commissariat de police, le maire ou la gendarmerie. C’est au médecin que cette annonce incombe, ne serait-ce que pour « amortir » le choc.
Mme Annie Vidal (EPR). Cela serait aussi une manière de protéger le médecin. Imaginons que la famille d’un malade souffrant d’une pathologie à un stade avancé mais non terminal ne soit pas informée de son recours à l’aide à mourir, elle pourrait s’interroger sur les raisons de ce décès inattendu. Cela permettrait également d’éviter que, laissée sans réponse à ses questions, elle n’entame une procédure pour obtenir une information ou une médiation.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Frédéric Valletoux. Chers collègues, nous reprendrons l’examen du texte ce soir, à vingt et une heures. Dans la mesure où il nous reste 304 amendements à examiner, nous savons déjà que nous nous reverrons vendredi.
La réunion s’achève à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, Mme Sylvie Bonnet, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Stéphane Delautrette, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fernandes, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Pauline Levasseur, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, M. Pierre Meurin, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal
Excusés. – Mme Karine Lebon, M. Jean-Hugues Ratenon
Assistait également à la réunion. – M. Philippe Juvin