Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (n° 1526) (M. Nicolas Turquois et M. Stéphane Viry, rapporteurs)              2

– Présences en réunion.................................20

 

 

 

 

 


Lundi
23 juin 2025

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 97

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
Mme Josiane Corneloup,
secrétaire
 

 


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La réunion commence à vingt-et-une heures quinze.

(Présidence de Mme Josiane Corneloup, secrétaire)

La commission poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (n° 1526) (M. Nicolas Turquois et M. Stéphane Viry, rapporteurs)

Titre II – Préparer la deuxième partie de carrière

Article 3 (suite) : Renforcer l’impact de l’entretien professionnel des salariés au cours de la deuxième partie de carrière

Amendement AS81 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Afin de renforcer le secret médical et d’éviter que l’employeur ne soit tenté d’obtenir des informations quant aux difficultés de son salarié à exercer ses missions dans la durée, je propose de compléter l’article par la phrase suivante : « L’employeur ne peut avoir accès aux résultats de la visite médicale. »

M. Stéphane Viry, rapporteur. Votre amendement est totalement satisfait par les dispositions en vigueur qui imposent le secret dans le suivi médical des travailleurs. Leur dossier médical ne peut être consulté qu’avec leur consentement par les professionnels de santé, en aucun cas par l’employeur.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS85 de M. Stéphane Viry.

Amendement AS74 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le maintien en emploi des salariés expérimentés est directement lié à la question de leurs conditions de travail. Nous proposons d’inclure « le contenu technique du travail, son organisation, les conditions de travail et les relations au travail » parmi les sujets abordés lors de l’entretien de mi-carrière.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’article 3 du projet de loi transpose fidèlement l’article 2.1 de l’accord national interprofessionnel, qui prévoit notamment que l’entretien aborde « l’adaptation ou l’aménagement des missions et du poste de travail, la prévention de situations d’usure professionnelle ». Nous devons conserver cette transcription. Or, votre amendement s’en éloigne.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS79 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je propose que le salarié puisse « solliciter l’intervention de professionnels de santé au travail pour évaluer l’organisation collective de travail ». Il s’agit de ne pas se focaliser sur les questions individuelles – qu’elles soient d’ordre physique ou psychologique – puisque la pénibilité est également liée à l’organisation du travail et qu’elle demande l’intervention de professionnels de plusieurs disciplines.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Cette mesure n’a pas fait l’objet de discussions entre les partenaires sociaux. Elle ne concerne pas les travailleurs expérimentés, mais l’organisation du travail en général.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les politiques de prévention ont souvent le tort d’individualiser les problèmes alors qu’il faut s’interroger sur l’organisation générale du travail, qui a davantage d’impact sur la santé des plus âgés.

M. Stéphane Viry, rapporteur. La question de l’organisation collective de travail a davantage sa place à l’article 2 du projet de loi, qui prévoit des négociations sur « l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés ». Je rappelle en outre que, au cours de la visite médicale de mi-carrière, le salarié peut solliciter des professionnels de santé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS78 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le compte professionnel de prévention est su peu utilisé que ses effets sont microscopiques. Cette sous-utilisation est liée à sa restriction par les ordonnances dites « Macron » de 2017, mais elle relève aussi de difficultés d’accès au droit. Nous proposons que l’entretien soit une occasion d’informer le salarié de ses droits liés à ce dispositif.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’amendement est satisfait par l’article L. 6315‑1 du code du travail, qui prévoit que l’entretien professionnel comporte des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ces informations ne concernent pas le compte professionnel de prévention. Il peut donc arriver que, par manque d’information, le salarié confronté à des situations de dangerosité n’accomplisse pas les démarches nécessaires au bénéfice de ses droits. Je maintiens mon amendement et je le redéposerai en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS11 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Cet amendement d’appel propose que l’entretien professionnel intervienne cinq ans avant le soixantième anniversaire du salarié, et non deux ans auparavant. En 2023, 19 % des Français âgés de 55 à 59 ans étaient sans activité. Cette proportion augmente avec l’âge. Par conséquent, plus l’entretien intervient tôt, plus nous aurons de possibilités d’anticiper les difficultés.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Les partenaires sociaux ont convenu, à l’article 2.2 de l’accord national interprofessionnel, que l’entretien professionnel, au cours duquel seront notamment abordées les options de passage au temps partiel et de retraite progressive, ait lieu dans les deux années qui précèdent le soixantième anniversaire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Titre III – Lever les freins au recrutement des demandeurs d’emploi seniors

Article 4 : Mise en place d’une expérimentation d’un contrat de valorisation de l’expérience

Amendement de suppression AS42 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’article 4 va à contre-courant de ce qu’il faut faire. Nous proposons donc de le supprimer. On ne peut pas d’un côté dire qu’il faut alimenter les caisses et de l’autre créer un dispositif d’exonération de cotisations sociales. L’étude d’impact évalue le coût de la mesure à 3,5 millions d’euros si 1 % des seniors optent pour ce nouveau contrat, soit 3,5 milliards d’euros pour l’ensemble des personnes concernées. Ce n’est pas un petit budget. Il faut aussi considérer l’effet d’aubaine, car des entreprises réembaucheront des salariés déjà employés au cours des six mois précédents.

En outre, notre pays connaît une pénurie d’emplois. La ministre du travail a déclaré qu’il ne fallait pas opposer l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors. Elle semble oublier que la quantité d’emplois est un stock : plus vous faites entrer de personnes qui en occupent, moins il en reste pour les demandeurs. C’est mathématique. Je rappelle qu’il existe aujourd’hui entre 500 000 et 800 000 emplois non pourvus contre 6 millions de demandeurs d’emploi.

C’est pourquoi nous sommes défavorables à ce nouveau contrat, que nous proposons de supprimer.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’article 4 transpose une mesure essentielle de l’accord. Ce dispositif simple et lisible mérite d’être expérimenté car il s’attaque à la difficulté pour l’employeur d’anticiper le coût et les conditions de départ à la retraite. Il s’agit d’un des principaux freins à l’embauche des travailleurs plus âgés. Nous avons pu le constater lors des auditions préparatoires, je le constatais déjà au cours de la mission d’information menée en 2021 avec notre ancien collègue Didier Martin sur l’emploi des travailleurs expérimentés. Malgré leur expérience a durée moyenne de chômage des personnes de plus de 55 ans atteint 588 jours.

Le dispositif proposé comporte certes une incitation financière, mais il s’agit surtout de donner de la visibilité à l’employeur. En tant que rapporteur, ma mission n’est pas de supprimer un article et, à titre personnel, j’ai la conviction qu’il faut mettre à la disposition de France Travail et des opérateurs de l’emploi un mécanisme adapté. Il existe actuellement une carence dans l’offre de contrats de travail. Nous disposons de contrats différenciés, notamment pour les jeunes. Celui-ci sera-t-il plus efficace que le contrat de génération promu par François Hollande ? Je l’ignore, mais il faut l’expérimenter avant d’en dresser un bilan le moment venu.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’argumentaire de notre collègue Boyard appelle deux remarques. D’abord, je ne suis pas un grand amateur de ce type d’expérimentation ; on se souvient de ce qu’avait donné les contrats première embauche chers à Dominique de Villepin. Chaque fois, on invente un dispositif qui concerne un faible public et qui ne résout pas les problèmes de fond. Celui-ci suscite une plus grande confiance dans la mesure où l’idée ne vient pas de François Bayrou, mais des syndicats et des organisations patronales. S’ils se sont mis d’accord, je veux bien essayer.

Toutefois, le préalable à tout succès est la création d’emplois. Si l’on continue de délocaliser et de supprimer des postes, il sera impossible de mettre tout le monde au travail, quelles que soient les conditions sociales. C’est d’ailleurs ce qu’a dit en substance notre collègue Boyard : si le stock de travail est trop réduit, il y aura moins d’offre que de demande et il n’y aura pas un emploi pour chacun. Si l’on suit ce raisonnement, il faut immédiatement arrêter l’immigration : les immigrés, eux aussi, occupent des emplois. Je suis agréablement surpris par cette argumentation dont les accents rappellent Georges Marchais.

Je reste toutefois en désaccord avec l’amendement sur le fond.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Manifestement, vous ne connaissez pas le texte. L’article 4 n’est pas une proposition des partenaires sociaux ; c’est le cavalier social, censuré par le Conseil constitutionnel, qui avait été négocié entre les Républicains et les partisans d’Emmanuel Macron au moment de la réforme des retraites en 2023.

Deuxièmement, il y a une différence fondamentale entre votre groupe et le mien : nous avons un programme cohérent qui vise à créer de l’emploi. Il faut, par exemple, 300 000 agriculteurs supplémentaires pour une agriculture biologique respectueuse des sols. Toutefois, puisque vous votez plus ou moins toutes les lois proposées par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, nous serons d’accord sur le sujet.

Troisièmement, il faut prendre en compte la question de la démographie, qui risque d’occuper notre commission longtemps. L’indice conjoncturel de fécondité plafonne actuellement à 1,6. La moitié du programme du Rassemblement national en matière de protection sociale consiste à relancer la natalité. Mais je ne connais pas un pays qui y soit parvenu, y compris par des politiques d’extrême droite : en Hongrie, où le l’État est revenu sur énormément de droits des femmes, l’indice conjoncturel de fécondité continue de baisser.

Enfin, bien que vous parliez constamment de la situation des finances publiques, vous êtes rarement présents quand il s’agit de trouver des recettes pour la sécurité sociale. En revanche, pour une nouvelle dépense, tout le monde est là ! La mécanique est toujours la même : une réforme censée faire entrer de l’argent dans les caisses puis, pour en corriger les erreurs, de nouvelles dépenses. C’est une spirale infernale dont vous ne sortirez pas. Je vous invite à la cohérence : si vous êtes libéraux et si vous voulez limiter les dépenses pour préserver notre système de sécurité sociale, votez contre l’article 4 !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je m’abstiendrai sur cet amendement de suppression car je considère que nous devons étudier ces contrats pour y apporter plusieurs modifications. Mon vote sur l’article 4 dépendra de leur adoption.

Il n’est pas ahurissant d’envisager des dépenses sociales pour lutter contre certaines discriminations, y compris celles dont sont victimes les seniors à l’embauche. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment de leurs droits. Or, les contrats proposés ici présentent un problème majeur : ils permettent à l’employeur de mettre à la retraite d’office la personne embauchée à l’instant où celle-ci pourra prétendre au taux plein. En d’autres termes, on lui refuse la possibilité de prétendre à une surcote, même si elle s’en sent capable. Quand on sait les difficultés que de nombreux pensionnés rencontrent à vivre une retraite digne, même à taux plein – sans même parler de celui qui sera fixé à l’avenir –, cette proposition est inacceptable. Elle créerait un précédent en permettant une mise à la retraite d’office, sans surcote, d’autant plus dommageable que les femmes sont celles qui ont le plus intérêt à valider des trimestres supplémentaires.

Cet allégement de cotisations sociales risque de créer un effet d’aubaine pour les entreprises en même temps qu’une rupture d’égalité avec d’autres travailleurs. Voilà les raisons pour lesquelles nous voterons contre l’article 4, s’il n’est pas amélioré.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS45 de M. Louis Boyard, amendements identiques AS47 de M. Louis Boyard et AS66 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous proposons par les amendements AS45 et AS47 de réduire la durée de cette expérimentation qui coûtera très cher – 3,5 milliards d’euros annuels – à un an au lieu de cinq. À défaut, nous proposons trois ans.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comme nos collègues, je considère que trois ans suffisent pour évaluer l’expérimentation. Il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à cinq.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Les cinq ans ont été fixés par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel. Chaque fois que nous avons voté des expérimentations, comme celle des Territoires zéro chômeur de longue durée, en 2016 et 2020, c’était pour une durée de cinq ans, et c’est pourquoi j’ai été rapporteur d’une proposition de loi de prolongation il y a quelques semaines. Pour les partenaires sociaux, dont je partage le raisonnement, la durée de cinq ans permet une évaluation de qualité. Cela laisse au dispositif le temps de trouver son public ; en l’espèce, cela garantit aux entreprises et aux salariés une sécurité juridique suffisante. Le dispositif étant ouvert aux salariés de plus de 60 ans, il faut un certain délai avant d’enregistrer les premiers départs à la retraite dans le cadre du contrat.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à tous les amendements.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Un amendement de Mme Taillé-Polian a déjà été adopté ainsi qu’un amendement socialiste. La boîte de Pandore est ouverte, allons-y pour un troisième consensus !

Il y a une différence entre les Territoires zéro chômeur de longue durée et le contenu de l’accord national interprofessionnel. Les premiers étaient une avancée sociale tandis que le second, qui laisse l’employeur décider unilatéralement d’une mise à la retraite, constitue un recul. Cinq ans, c’est trop long pour une expérimentation. C’est la durée d’un mandat présidentiel.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). S’il faut cinq ans pour constater que les réformes ont un impact, je m’interroge sur le nombre de textes liés à l’immigration – plus d’un par an –, sans même parler des réformes du chômage. J’entends l’argument, encore faudrait-il que chacun se l’applique à soi-même !

M. Stéphane Viry, rapporteur. J’assume ce qui m’est imputable mais je ne prends pas la responsabilité du reste. Je siège dans un groupe d’opposition.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La durée de l’expérimentation me paraît excessive. Avec une évaluation bien menée, deux ans suffiraient. Nous avons déjà essayé ce type de mécanisme par le passé ; cela n’avait pas fonctionné et, compte tenu du montant important de l’indemnisation versée à chaque nouveau contrat, je ne suis pas sûre que celui-ci permette de développer réellement le travail à tout âge. Certes, on récupère de l’argent parce que les personnes au travail cotisent, mais la démarche me semble exagérée.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Il y a confusion au sujet de l’indemnisation. En règle générale, un contrat qui se termine légalement donne le droit à une indemnité de départ à la retraite de deux mois de salaire au bout de trente ans dans la même entreprise. Puisque les gens seront embauchés après 60 ans et partiront à 65 ans, l’indemnité liée à ce contrat sera de quinze jours de salaire. Cela représente un faible montant global, de l’ordre de quelques millions d’euros.

Je vous invite à vous rendre dans les petites et moyennes entreprises des territoires ruraux qui ont du mal à recruter et où il arrive que des personnes de qualité se retrouvent au chômage à 60 ans. Si vous êtes employeur et que vous embauchez l’une de ces personnes en contrat à durée indéterminée, il y a une incertitude sur le temps qu’elle passera dans l’entreprise car la loi lui permet de rester jusqu’à 70 ans. Vous ne pouvez pas vous opposer à son maintien, à moins de la licencier. C’est un frein à l’embauche en contrat à durée indéterminée des plus de 60 ans. Cette expérimentation propose un contrat qui semble équilibré : l’employeur, qui connaîtra à l’avance la date de départ à taux plein de la personne embauchée, pourra s’en séparer à cette date.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous venez de réinventer le contrat à durée indéterminée et le contrat à durée déterminée. Un contrat à durée indéterminée n’a pas de date de péremption ; la seule personne qui peut y mettre fin est le salarié, hors cas particuliers encadrés par la loi. L’employé doit avoir la possibilité de se maintenir dans l’emploi jusqu’à ce qu’il décide le contraire, qu’il ait dépassé ou non l’âge légal de départ à la retraite. C’est son choix et son droit. Si l’employeur souhaite une date de fin connue, il n’a qu’à opter pour le contrat à durée déterminée, mais ce n’est pas à lui de décider de la fin de carrière de son employé. Ce que vous proposez représente un recul social majeur.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Effectivement, j’ai du mal à entendre que l’on appelle indéterminé un contrat à durée déterminée. Je ne suis pas hostile aux emplois aidés pour lutter contre les discriminations, mais on propose ici un outil censé aider le patronat à surmonter sa prévention contre l’embauche des seniors, et cela aboutit à pénaliser les personnes recrutées qui seront obligées de partir si leur employeur le veut. Parce qu’on a été embauché à 60 ans, on n’aurait pas le droit de poursuivre sa carrière pour obtenir une surcote ? Au lieu de lancer une grande politique de lutte contre les stéréotypes qui empêchent les plus âgés d’accéder à l’emploi, alors même que le taux d’employabilité baisse dès 45 ans, on dit aux employeurs de ne pas s’inquiéter, qu’ils pourront s’en débarrasser à une date précise. Cette philosophie pose problème.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur Turquois, je vous remercie d’avoir explicité votre pensée : le fait que les personnes vieillissent n’arrange pas l’employeur. Pourquoi ? Parce que certaines d’entre elles, physiquement, du fait de leur âge, ne peuvent plus assumer la charge de travail. C’est ce que nous n’avons pas cessé de répéter lors de la réforme des retraites : passé un certain âge, les gens ont le droit de partir à la retraite !

Pour lutter contre le chômage des plus âgés, il faut prendre à bras-le-corps le problème de la pénurie d’emplois. Mais c’est avant tout aux jeunes d’occuper ces emplois, non à ceux qui resteraient travailler pour une surcote. D’ailleurs, si vous créez le contrat à durée indéterminée senior, de nombreux travailleurs qui anticipent une petite retraite ne pourront viser la surcote. Ils postuleront des offres d’emploi et on les orientera forcément vers ce dispositif, faute de quoi ils ne seront pas embauchés car c’est trop cher. Ce n’est pas un petit procédé que vous proposez là. Le rapport indique qu’il coûtera 3,5 millions d’euros par an si 1 % des personnes éligibles y recourent, mais il touchera bien plus de gens. Je le dis pour convaincre les radicaux des finances publiques : tout cela va coûter cher.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. La réalité du terrain, c’est que la plupart des personnes de 60 ans au chômage qui veulent travailler ne trouvent pas de contrat à durée indéterminée. Si elles préfèrent un contrat à durée déterminée, ou si l’employeur est prêt à les garder longtemps, il n’y a pas de souci. Mais une petite ou moyenne entreprise qui doit embaucher quelqu’un sans le connaître ne lui proposera pas un contrat à durée indéterminée.

Les représentants syndicaux nous ont fait part de leurs questionnements sur ce dispositif. Par le passé, plusieurs mécanismes ont eu du mal à trouver leur public car ils manquaient de clarté ; celui-ci a le mérite d’être simple à comprendre. L’équilibre a été proposé à titre expérimental. C’est la raison pour laquelle a été prévue une durée de cinq ans.

Mme Océane Godard (SOC). Nos échanges montrent que ce projet de loi ne tient pas compte de la réalité du marché du travail : chacun a conscience que l’adéquationnisme ne fonctionne plus, et pourtant nos politiques publiques s’inscrivent toujours dans une quête du contrat à durée indéterminée, alors même que ce dernier n’est plus forcément la norme. Cela démontre les limites de l’innovation en matière de sécurisation des parcours professionnels.

Je comprends la nécessité d’aboutir à un texte équilibré. Mais la réalité est que, depuis des années, seules 10 % des déclarations préalables à l’embauche concernent des contrats à durée indéterminée. 40 % des embauches se font en contrat à durée déterminée et 50 % en intérim. Dans le même temps, la proportion de contrat à courte durée déterminée et de temps partiels augmente, voire explose. Ces contrats précaires concernent avant tout les seniors, les jeunes et les femmes.

Dès lors, ne pourrait-on pas – peut-être dans une prochaine étape, puisque cela ne semble pas être l’objet du présent texte – imaginer d’autres formes de sécurisation des parcours professionnels, particulièrement en fin de carrière ? Je regrette notre absence de marge de manœuvre pour réfléchir en ce sens.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS87 de M. Stéphane Viry.

Amendements identiques AS3 de Mme Océane Godard et AS49 de M. Louis Boyard

Mme Océane Godard (SOC). Nous souhaitons supprimer la possibilité de conclure un contrat de valorisation de l’expérience avec une personne ayant déjà travaillé dans l’entreprise ou dans une entreprise du même groupe. L’objectif principal de ce dispositif est d’aider les salariés expérimentés et éloignés de l’emploi à retrouver un travail stable. Si l’on permet aux entreprises de se tourner vers d’anciens salariés, il risque d’être détourné et utilisé comme une sortie de contrat à durée indéterminée qui ne dit pas son nom. L’entreprise pourrait licencier un salarié puis l’embaucher immédiatement sous un nouveau statut plus avantageux pour elle.

Il est ici question de salariés âgés, souvent fragilisés par leurs années de travail et dont la santé mentale pourrait être lourdement affectée par cette instabilité. Le fait d’être réembauché sous un contrat différent est susceptible d’engendrer stress, anxiété et sentiment d’insécurité.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Au-delà du risque de tuer la surcote et du caractère un peu étrange de ce nouveau contrat à durée indéterminée à durée pourtant déterminée, le délai de six mois prévu à l’article 4 est dangereux. Il créera forcément un effet d’aubaine puisqu’un salarié dont le contrat n’est pas renouvelé ou qui quitte l’entreprise pourra, s’il ne retrouve pas d’emploi rapidement, être réembauchée six mois plus tard par le même employeur. Je prends le pari que cela se produira et j’aimerais beaucoup que vous démontriez le contraire. Nous proposons donc de supprimer la fin de l’alinéa 5 pour éviter cet effet d’aubaine.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Les partenaires sociaux ont âprement discuté des conditions d’éligibilité à ce nouveau contrat. De nombreuses bornes ont été posées : le salarié doit avoir plus de 60 ans et un délai de carence de six mois s’impose. Tout a été fait, me semble‑t‑il, pour éviter les effets d’aubaine.

Le délai de carence prévu vise à prévenir la transformation des contrats à durée indéterminée classiques en contrats de valorisation de l’expérience. Nous en convenons tous : ce ne serait pas souhaitable. Cette durée de six mois s’applique déjà, de façon assez conventionnelle, dans le cumul emploi-retraite, pour renouveler un contrat à durée déterminée au-delà de dix-huit mois, ou encore à la suite d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Vos amendements conduiraient à interdire l’embauche de tout salarié antérieurement employé par une entreprise, alors que l’objectif est précisément de faciliter le retour à l’emploi. Des salariés passés dix ou quinze ans plus tôt dans une entreprise seraient privés de la chance d’y retourner et de retrouver un emploi grâce à ce nouveau contrat. Ce n’est pas la volonté des partenaires sociaux. Je rappelle également, s’il était besoin, qu’il est question ici d’une simple expérimentation.

Avis défavorable.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je partage l’inquiétude exprimée par nos collègues. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement AS9, identique à celui de Mme Godard, pour porter le délai de carence de six mois à deux ans.

Je crains en revanche que ces amendements, qui ne prévoient aucune limite de temps, ne créent un effet de bord au détriment de personnes qui, passées au tout début de leur vie professionnelle par une entreprise installée de longue date dans leur territoire – dans ma circonscription, l’usine Clairefontaine est implantée depuis 1858 –, ne pourraient plus jamais y retourner. Je suis donc plutôt favorable aux amendements suivants, qui semblent plus justes.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Au premier trimestre 2022, la durée moyenne d’inscription à Pôle emploi était de 293 jours, soit dix mois. Elle était, chacun le sait, beaucoup plus longue pour les seniors, dont beaucoup sont des chômeurs de longue durée, voire ne retrouvent jamais d’emploi avant l’âge légal de départ à la retraite.

Avec votre nouveau contrat, nous sommes en train de créer une procédure de licenciement systématique des salariés arrivant à l’âge d’éligibilité, qui seront renvoyés puis réembauchés à des tarifs défiant toute concurrence après six mois de vacances aux frais de la communauté appelée, par le biais des cotisations, à payer leurs six mois de chômage. Ce n’est même plus un effet d’aubaine : les entreprises seraient stupides de ne pas le faire. Ce que vous proposez est véritablement contre-productif.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Je ne prétends pas qu’il n’y aura aucun abus. Mais, outre le fait que de tels licenciements devraient donner lieu à indemnité, une entreprise n’a pas intérêt à licencier un collaborateur pour le réembaucher six mois plus tard. Des milliers d’employeurs nouent avec leurs salariés des liens qui vont au-delà de relations purement professionnelles. Il est vrai que certains ne sont pas corrects mais, dans la majorité des cas, quand une entreprise emploie des gens qui travaillent correctement, elle ne s’en sépare pas.

Il existe en revanche une réelle difficulté pour des personnes âgées de plus de 60 ans, qui n’ont aucun espoir de trouver un contrat à durée indéterminée chez un employeur qui ne les connaît pas. Le dispositif proposé ouvre une nouvelle possibilité. Trouvera-t-il son public ? Je n’en sais rien. Mais ne laissons pas croire que tous les employeurs sont toxiques et cherchent à profiter de toutes les failles du code du travail. Ce n’est pas le cas, tant s’en faut.

M. François Gernigon (HOR). Les seniors ont une valeur : quand ils partent à la retraite, c’est un capital d’expérience et d’expertise qui est perdu. Les entreprises ne souhaitent pas les licencier, mais plutôt les maintenir dans l’emploi, ne serait-ce que parce que la transmission de leur savoir fait souvent défaut. Il faut raison garder : les chefs d’entreprise ne sont pas tous des mauvais qui cherchent absolument à licencier leurs salariés.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous légiférons pour 70 millions de personnes. La question n’est pas de savoir si le dispositif rencontrera un succès massif ou non, mais de reconnaître que l’effet d’aubaine est inévitable tout simplement parce qu’il y a, à la clef, une exonération de cotisations sur l’indemnité de mise à la retraite. Admettons que ces amendements vous paraissent excessifs. Nous en avons déposé un autre, prévoyant que les entreprises rendent compte de leur politique en matière d’emploi des seniors.

Vous ne pouvez pas prétendre que cet effet d’aubaine n’existera pas. L’enjeu est de savoir comment l’éviter. J’aimerais entendre ce que les rapporteurs comptent faire en ce sens.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS4 de Mme Océane Godard et AS9 de M. Gaëtan Dussaussaye, amendement AS68 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Océane Godard (SOC). Pour limiter le risque d’effet d’aubaine, nous proposons un amendement aux termes duquel aucun contrat de valorisation de l’expérience ne peut être conclu avec une personne ayant déjà été employée dans l’entreprise ou dans une entreprise du même groupe au cours des deux années précédentes.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je retire mon amendement au profit de celui de Mme Godard.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Même avis que précédemment. Je me borne à respecter le délai de carence de six mois retenu par les partenaires sociaux, d’autant qu’il s’applique à d’autres dispositifs prévus par le code du travail.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Si les partenaires sociaux vous demandaient de sauter dans un ravin, vous ne le feriez pas. Or, c’est bien ce dont il est question ici : ce n’est pas verser dans la caricature que de dire qu’à l’évidence, certaines entreprises chercheront à tirer profit de ce nouveau contrat pour bénéficier d’une exonération de cotisations sociales. Nous devons réfléchir à la façon de l’éviter, à moins que vous nous démontriez que des garde-fous existent. Quels sont-ils ?

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’expérimentation nous le dira : soit elle infirmera vos craintes, soit elle déjugera les partenaires sociaux et moi-même.

L’amendement AS68 est retiré.

La commission adopte les amendements AS4 et AS9.

Amendements identiques AS52 de M. Louis Boyard et AS67 de Mme Sophie TailléPolian

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je n’ai pas beaucoup aimé la réponse du rapporteur mais, ce soir, nous fabriquons du consensus. Nous co-construisons. Par cet amendement, nous proposons d’imposer aux entreprises souhaitant conclure ces nouveaux contrats de faire la transparence sur leur pratique. Dès lors qu’on lance une expérimentation, il importe d’étudier les comportements des acteurs vis-à-vis du dispositif créé. Je suggère que nous nous donnions les moyens de cette analyse et de corriger le tir si cet effet d’aubaine était avéré.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les données sont claires : les entreprises ont tendance à se séparer brutalement de leurs salariés âgés et elles les recrutent moins que les salariés des autres classes d’âge. Cette discrimination documentée repose sur des idées reçues, absentes dans d’autres pays et dont nous devrions nous défaire. Nous ne pouvons que la regretter, d’autant qu’elle coûte cher aux entreprises car l’expérience de ces travailleurs pourrait leur profiter.

Comment envisager d’aider des entreprises qui licencient leurs salariés de plus de 50 ans à recruter moins cher des salariés de 60 ans, à travers les exonérations de cotisations prévues dans le contrat proposé ? Mes collègues dénonçaient le risque, avéré mais limité à des cas individuels, qu’une entreprise licencie un salarié pour l’embaucher de nouveau à moindre coût grâce à ce nouveau mécanisme. En fait, l’effet d’aubaine sera plus large : les entreprises pourront se débarrasser des quinquagénaires qu’elles tiennent pour des canards boiteux, augmentant au passage le chômage de longue durée de cette catégorie d’âge, puis embaucher d’autres actifs, supposément plus compétitifs, pour moins cher et avec l’aide de la puissance publique. Nous ne pouvons l’accepter.

Le bon sens commande que les entreprises qui licencient à tour de bras les salariés de plus de 50 ans n’aient pas accès à ce contrat.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Vous souhaitez subordonner le bénéfice du contrat de valorisation de l’expérience à la publication d’indicateurs annuels. La proposition est intéressante et non dénuée de bon sens, mais je la trouve prématurée.

Vous prévoyez ceinture et bretelles pour éviter tout effet d’aubaine, au nom du préjugé selon lequel on ne peut pas faire confiance aux employeurs. Or, nous ne savons pas encore si le contrat prévu à cet article atteindra sa cible. Des dispositifs similaires tels que le contrat de génération ou le contrat à durée déterminée pour les seniors, par exemple, n’ont jamais trouvé leur public. Attendons donc avant de l’alourdir. Évitons de réduire son attractivité en ajoutant des contraintes. En outre, vos amendements ne prévoient pas de seuil. Même les plus petites entreprises devraient assumer une charge administrative supplémentaire.

Le contrat de valorisation de l’expérience a l’avantage de la lisibilité et de la clarté. L’expérimentation montrera s’il y a lieu ou non d’encadrer davantage un dispositif qui l’est déjà largement.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il ne s’agit pas de spéculations : les données montrent que les salariés de plus de 55 ans représentent une part beaucoup plus importante des licenciements que les plus jeunes. C’est l’une des raisons du sous-emploi massif des seniors.

Non seulement l’accord national interprofessionnel ne fait rien pour lutter contre ce problème, mais il permettra à des entreprises qui licencient leurs salariés quand ils atteignent 50 ans ou 55 ans d’embaucher des sexagénaires en bénéficiant d’exonérations de cotisations sociales, sous couvert de favoriser l’emploi des plus âgés. C’est incroyable, ubuesque ! Nous aiderions les entreprises qui mènent ces politiques discriminatoires et qui licencient à tour de bras à baisser le coût du travail ? C’est une question de bon sens et de cohérence dans l’allocation des fonds publics.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le souci du bon usage des fonds publics impose la transparence de l’expérimentation. Nous verrons, dites-vous. Mais encore faudrait-il que nous puissions voir ! C’est l’objet de cet amendement. Nous nous gardons bien de jeter la suspicion sur les entreprises. J’en appelle à votre sens des responsabilités : au vu du nombre de personnes concernées par ce contrat, le phénomène que nous dénonçons va se produire. Il nous faut donc des indicateurs.

Vous regrettez l’absence de seuil dans l’amendement. Nous déposerons en séance publique un amendement qui en prévoira un. J’espère que vous émettrez un avis favorable.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Des statistiques pourraient enrichir l’évaluation de cette expérimentation.

Madame Taillé-Polian, pendant des décennies, tous les groupes politiques ont massivement utilisé l’emploi des seniors comme variable d’ajustement à travers les mesures relatives aux préretraites et aux départs anticipés. Les grands groupes ont intégré cette politique, même si les auditions ont montré une prise de conscience de la valeur de l’expérience de ces travailleurs.

Dans le passé, l’expérimentation du contrat de travail partagé aux fins d’employabilité, destiné aux publics très éloignés de l’emploi, n’a pu donner lieu à des statistiques comme l’ont noté les corps d’inspection. En effet, la déclaration sociale nominative ne permettait pas aux employeurs d’indiquer spécifiquement le recours à ces contrats.

Il faut que j’évoque le sujet avec le co-rapporteur, mais une case pourrait être imaginée dans la déclaration sociale nominative concernant le contrat de valorisation de l’expérience. À l’issue des cinq années d’expérimentation, nous saurions quelles entreprises recourent à ces contrats et si certaines d’entre elles licencient en parallèle des salariés âgés, comme vous le craignez. Voilà qui satisferait votre demande.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Déposerez-vous un amendement en ce sens lors de l’examen du texte en séance publique ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Il faut que je vérifie si cet élément a été évoqué. Je ne vois pas en quoi les partenaires sociaux seraient gênés si nous permettions aux employeurs de documenter leur recours au contrat de valorisation de l’expérience dans la déclaration sociale nominative. Il faudrait que la ministre s’engage en séance publique à le permettre. Mme Catherine Vautrin l’avait déjà fait pour le contrat de travail partagé aux fins d’employabilité, il y a quelques mois.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS5 de Mme Océane Godard et AS53 de M. Louis Boyard

Mme Océane Godard (SOC). Nous proposons de supprimer les alinéas 8 et 9, qui imposeraient aux salariés de donner à leur employeur, dès la signature du contrat de travail, une date prévisionnelle de départ à la retraite. Ils permettraient à l’employeur de mettre fin au contrat dès que le salarié atteint l’âge légal et la durée d’assurance nécessaires au taux plein.

De telles mesures priveraient le salarié de la capacité de choisir quand partir à la retraite. Elles forceraient son départ et iraient à l’encontre de la liberté individuelle. En outre, les employeurs pourraient utiliser ce cadre pour déguiser des ruptures du contrat de travail ou planifier des départs forcés.

Enfin, les alinéas visés pourraient être contraires au code du travail, qui interdit toute différence de traitement fondée uniquement sur l’âge, sauf si elle est nécessaire et proportionnée.

Lors des auditions, les organisations syndicales ont rappelé que le contrat créé à cet article doit rester protecteur et que le salarié doit y souscrire volontairement. Il ne doit pas servir à pousser vers la sortie des travailleurs expérimentés.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge, vous demandez aux salariés de fournir les outils d’une nouvelle discrimination. Les bras m’en tombent.

Tout d’abord, il n’est pas certain que les seniors disposeront des documents demandés. Il faut parfois plus d’une année pour connaître la date à laquelle il est possible de partir à la retraite à taux plein. Tous ceux qui arrivent en fin de carrière subissent ainsi le manque de telle ou telle fiche de paie. Certains continuent même de travailler après la date légale de départ à la retraite, faute de la connaître.

Mais supposons tous les documents réunis : comment fixer avec l’employeur une date de départ en retraite dès la signature du contrat ? Il faudrait pour cela savoir ce que la vie réserve à chacun.

En outre, ce dispositif renforcera les inégalités entre hommes et femmes. Celles‑ci cherchent à compenser l’infériorité de leurs salaires tout au long de leur carrière en cotisant plus longtemps, pour bénéficier d’une surcote. Le dispositif les en empêchera. Vous ajoutez une discrimination fondée sur l’âge de manière totalement contre-productive.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Il est essentiel que le salarié puisse transmettre à son employeur un document communiqué par la Caisse nationale d’assurance vieillesse mentionnant la date prévisible à laquelle il pourra partir à la retraite à taux plein, si nous voulons lever les freins à l’embauche de cette catégorie de la population.

Actuellement, les employeurs renoncent à embaucher parmi les plus âgés, faute de savoir quand ceux-ci partiront à la retraite, comme l’indiquent la littérature et les partenaires sociaux. Pour les employeurs, c’est un problème de visibilité, de garantie, de sécurité. Nous proposons donc, à titre expérimental, le partage d’informations entre l’employeur et le salarié, pour augmenter le taux d’emploi des travailleurs expérimentés.

Par ailleurs, pourquoi proposer de supprimer l’alinéa 9, qui garantira que les salariés concernés ne pourront être mis à la retraite s’ils n’ont pas atteint l’âge de départ et ne remplissent pas les conditions de la liquidation à taux plein ? Cet alinéa assure les conditions dans lesquelles ils quitteront leur emploi.

La suppression de ces deux alinéas serait contre-productive pour les salariés, et mettrait à mal l’objectif incitatif de l’article 4.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Comme les employeurs l’expliquaient à l’époque où ils pouvaient l’assumer publiquement, s’ils emploient moins de femmes que d’hommes, c’est parce que celles-ci risquent de tomber enceintes, de demander des temps partiels et des congés parentaux. Si l’on suit votre logique, il faudrait donc instaurer un contrat spécial pour les femmes où elles indiqueraient à quelle date elles prévoient une grossesse et quelle durée de congé parental elles souhaitent. Vous utilisez des outils de discrimination pour lutter contre une discrimination. Cette logique absurde ne fera que conforter les inégalités !

Qu’il s’agisse de la date de départ à la retraite ou de celle d’une maternité, l’incertitude est la même et le parallèle montre l’absurdité de votre argument.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Oui, le problème est clairement la discrimination à l’embauche des travailleurs de plus de 60 ans.

Si les employeurs souffrent du manque de visibilité quant à l’âge de départ à la retraite de leurs salariés, instaurez la retraite à 60 ans et vous aurez résolu le problème. De fait, nous nous arrachons les cheveux à propos du chômage d’une catégorie de la population dont une part n’est plus capable de travailler.

Si, comme vous le prévoyez, les contrats de valorisation de l’expérience donnent droit à plusieurs milliers d’euros d’exonérations, au vu des tensions sur le marché, certaines entreprises n’embaucheront plus qu’avec ce contrat de travail. Ainsi, tous ceux qui ne peuvent produire les documents administratifs nécessaires, dont on a vu qu’il fallait parfois un an pour les obtenir, seront exclus du marché de l’emploi.

Puisque les entreprises cherchent à améliorer leur image en embauchant des seniors, elles utiliseront ce dispositif et elles les empêcheront, de fait, d’accéder à la surcote. Ce n’est pas une question mineure alors que la pension à taux plein de certains retraités ne leur permet pas de vivre correctement. Supprimons donc les alinéas 8 et 9 !

La commission rejette les amendements.

Amendement AS72 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Cet amendement supprime l’alinéa 8. C’est un leitmotiv du patronat depuis des décennies : les entreprises n’embaucheraient pas à cause de la complexité des procédures de licenciement. Cet argument, qui justifie ici la transmission à l’employeur de la date à laquelle il pourra faire partir le salarié, est utilisé à tort et à travers. Si nous l’acceptons, pourquoi ne pas supprimer tous les contrats à durée indéterminée ?

Deuxièmement, la retraite est un droit et non pas une obligation. C’est la raison pour laquelle la gauche défend le droit à la retraite à 60 ans, mais pas l’obligation de la prendre à cet âge. Nombre de travailleurs souhaitent poursuivre leur vie professionnelle, que ce soit pour avoir une pension plus importante ou parce qu’ils ne souhaitent pas encore de partir. Ne transformez donc pas un droit en un couperet !

S’il s’agit, comme vous le répétez, de travailler plus, n’en empêchez pas ceux qui souhaiteraient le faire en permettant aux entreprises de s’en séparer avant l’heure après avoir perçu des exonérations de cotisations sociales à l’embauche. Les travailleurs expérimentés ont une valeur en soi. Ne penser qu’à s’en débarrasser au moment où on les embauche, c’est leur renvoyer une bien mauvaise image d’eux-mêmes. Il faut, au contraire, les valoriser, et ce n’est certainement pas en les obligeant à prendre leur retraite que vous le ferez.

Suivant l’avis de M. Stéphane Viry, rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS86 de M. Stéphane Viry.

Amendement AS71 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Cet amendement de repli vise, lui aussi, à supprimer l’obligation pour les salariés de remettre à leur employeur un document mentionnant la date prévisionnelle à laquelle ils justifieraient des conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Le fait de transmettre cette information personnelle n’est en réalité utile qu’aux employeurs.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Le fait que l’employeur connaisse cette date me semble conforme à l’esprit de l’article 4 voulu par les partenaires sociaux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS88 de M. Stéphane Viry.

Amendements identiques AS6 de Mme Océane Godard, AS55 de M. Louis Boyard et AS70 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement supprime l’exonération de la contribution patronale de 30 % sur les indemnités de licenciement créée par l’article 4. C’est un cadeau injustifié aux employeurs, qui pourraient ainsi profiter à la fois d’une main-d’œuvre expérimentée recrutée à moindre coût et d’un allègement de cotisations au moment de la rupture du contrat. Dans un contexte de finances publiques contraintes, alors que les niches sociales prolifèrent et creusent le déficit de la sécurité sociale, ni le coût ni l’efficacité de cette mesure n’ont été évalués.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS55. Il est grand temps d’arrêter les exonérations de cotisations. Les rapports de la Cour des comptes montrent que le problème de la sécurité sociale est celui des recettes, non des dépenses. Plutôt que d’exonérer, à plus forte raison sans compensation comme c’est souvent le cas, il faut réfléchir et envisager d’autres incitations.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Cette exonération est l’unique avantage socio-fiscal associé au contrat de valorisation de l’expérience : la supprimer revient à retirer toute sa pertinence au dispositif négocié par les partenaires sociaux. L’avantage social est, du reste, modéré : au Sénat, la ministre en a estimé le coût à une trentaine de millions d’euros, soit bien moins que les 800 millions d’euros avancés pour le mécanisme introduit dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui ouvrait droit à une exonération de cotisations familiales. Qui plus est, si les demandeurs d’emploi visés retrouvent une activité et un bulletin de salaire, outre les coûts évités de l’allocation chômage, les cotisations sociales versées par l’employeur au titre du contrat de valorisation de l’expérience abonderont les caisses de la protection sociale.

Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). De nombreuses questions restent sans réponse : elles portent sur la surcote, sur l’effet d’aubaine et sur les personnes qui pourraient ne pas être embauchées faute d’aller au bout des longues démarches administratives requises. Au terme des discussions et au moment d’inscrire le dispositif dans la loi, notre rôle de législateur est d’en constater les effets : les rapporteurs ne pourraient-ils pas prendre acte des observations des autres députés et procéder à certains changements d’ici à l’examen en séance publique ?

M. Stéphane Viry, rapporteur. La ministre, qui sera présente en séance publique, pourra contribuer au débat avec des éléments dont les rapporteurs que nous sommes n’ont peut-être pas connaissance. Notre ligne est d’être fidèles au document que les partenaires sociaux ont signé et qui est le fruit d’un compromis obtenu au terme de débats serrés. Qui sommes-nous pour considérer leur travail insuffisant et imparfait, et nous asseoir dessus ? Nous respectons non seulement ce qui a été signé, mais aussi le chemin qui a mené à cette signature. Des discussions entre le patronat et les organisations syndicales sur une question aussi sensible que les retraites, et renvoyant aux problèmes politiques des mois passés, n’ont pu être qu’ardues. Certains éléments ont été écartés et d’autres retenus. Nous ne pouvons pas rejouer la partie par la voie parlementaire indépendamment de la matière première qui nous a été fournie.

Notre débat est néanmoins d’une excellente qualité et, bien qu’émettant des avis défavorables sur vos amendements, je prends note de vos propositions, de vos idées et de vos interpellations. Je m’interroge aussi. Nous verrons ce qu’il en advient, mais les heures que nous venons de passer ont été fructueuses, même si vous trouvez que la ligne n’a pas assez bougé.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS73 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’amendement remet le débat parlementaire au cœur de l’évaluation et des décisions à venir sur la fin de l’expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience. J’ajoute qu’au vu des propositions qui ont été rejetées et des graves risques d’effet d’aubaine induits, nous nous opposerons à l’article 4.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’amendement ajoute un élément qu’il ne semble pas nécessaire de préciser car il est déjà implicitement admis que le rapport d’évaluation d’une expérimentation a vocation à éclairer le législateur sur l’opportunité de reconduire ou de pérenniser le dispositif.

Je demande donc un retrait. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement AS7 de Mme Océane Godard

Mme Océane Godard (SOC). Je demande la remise au Parlement, dans un délai de six mois, d’un rapport évaluant l’intérêt, la faisabilité et le coût d’un mécanisme permettant de ne pas faire peser sur l’employeur les dépenses liées à une maladie professionnelle reconnue pour un salarié embauché en contrat de valorisation de l’expérience.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Le législateur s’est déjà attaché, au cours des dernières années, à favoriser la mutualisation, entre les employeurs successifs d’un salarié, des cotisations à la branche accidents du travail et maladies professionnelles dues lorsque celui-ci déclare une maladie professionnelle. En outre, la mesure que vous proposez ne figure pas dans l’accord conclu par les partenaires sociaux, que nous nous attachons à transposer fidèlement.

Je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Titre IV – Faciliter les aménagements de fin de carrière

Article 5 : Précision des justifications devant être apportées par l’employeur en cas de refus d’une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS90 et AS91 de M. Nicolas Turquois.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

Suivant l’avis de M. Nicolas Turquois, rapporteur, la commission rejette l’amendement AS40 de M. Louis Boyard.

Article 6 : Possibilité de négocier par accord collectif un versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite dans le cadre d’un passage à temps partiel

Suivant l’avis de M. Nicolas Turquois, rapporteur, la commission rejette l’amendement AS57 de M. Louis Boyard.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS92 de M. Nicolas Turquois.

Elle adopte ensuite l’article 6 modifié.

Article 7 : Sécurisation de la mise à la retraite d’un salarié recruté après avoir atteint l’âge de départ à la retraite à taux plein

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS93 de M. Nicolas Turquois.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Titre V – Améliorer la qualité du dialogue social

Article 8 : Suppression de la limite de trois mandats successifs pour les élus du comité social et économique

Amendement AS58 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’amendement réduit de quatre à deux ans la durée du mandat au sein du comité social et économique afin de dynamiser la démocratie en entreprise. C’est un effet dont témoigne l’exemple fructueux des dernières élections législatives, que nous pourrions appliquer aux entreprises, où n’existe pas le droit de dissolution du Président de la République.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Avis défavorable.

Les partenaires sociaux ont été unanimes à cet égard. On a voulu, en 2017, pour favoriser le renouvellement, limiter à trois le nombre de mandats, avec des élections tous les quatre ans. La réalité est qu’il est difficile de susciter des candidatures. Par ailleurs, le renouvellement et la diversité ont certes du sens, mais que le fait de disposer de représentants du personnel expérimentés en a aussi. Il faut du temps pour s’imprégner des sujets, pour maîtriser la réglementation et la législation. C’est aussi une question de confiance entre partenaires sociaux, et cela demande aussi du temps.

Avis doublement défavorable donc, au motif de la difficulté de recruter de nouveaux représentants et du besoin de représentants expérimentés.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). On pourrait opposer à cela un contre-argument : s’il est difficile de trouver des candidats, une personne qui fait bien son travail peut sans difficulté se représenter et être réélue. Il n’est pas vrai que l’organisation d’élections tous les deux ans serait cause d’instabilité et de rotation excessive dans les comités sociaux et économiques. Pour dynamiser la démocratie, des élections plus régulières permettent précisément une meilleure intégration et une meilleure participation.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 non modifié.

Titre VI – Assurance chômage

Article 9 : Adaptation des conditions d’activité requises pour les primo-entrants à l’assurance chômage

La commission adopte l’article 9 non modifié.

Après l’article 9

Amendement AS10 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Cet amendement d’appel prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité d’abroger la dernière réforme de l’assurance chômage. Qu’il s’agisse de réformes exécutées ou d’annonces, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, ce sont toujours les mêmes recettes qui sont utilisées : réduction des durées d’indemnisation et dégressivité accrue des allocations. En réalité, on ne s’attaque pas aux droits de ceux qui ne travaillent pas mais bien aux droits de ceux qui travaillent, puisqu’on réduit les prestations pour lesquelles ils ont cotisé.

C’est l’occasion pour notre groupe de rappeler sa complète opposition aux réformes de l’assurance chômage qui ont eu lieu au cours des deux quinquennats d’Emmanuel Macron.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Sur le fond, ces réformes limitant l’accès aux allocations chômage sont nécessaires face à un certain nombre d’abus. Sur la forme, même si vous avez le mérite de la constance, votre amendement ne correspond pas à l’objet de ce texte.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Titre VII – Transitions professionnelles

Article 10 : Habilitation à légiférer par ordonnances sur les dispositifs de transition professionnelle

Amendement de suppression AS61 de M. Louis Boyard

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Il est vrai que cet article n’a pour l’instant pas véritablement de contenu. Mais il convient de le maintenir pour transposer éventuellement lors de l’examen en séance publique des mesures de nature législative en cas d’accord sur les transitions et les reconversions professionnelles.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 non modifié.

Enfin, la commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

La réunion s’achève à vingt-deux heures trente.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, M. Christophe Bentz, M. Louis Boyard, Mme Josiane Corneloup, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Christine Le Nabour, M. Thomas Ménagé, M. Sébastien Peytavie, Mme Stéphanie Rist, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Nicolas Turquois, M. Stéphane Viry

Excusés.  Mme Anchya Bamana, M. Thibault Bazin, M. Elie Califer, Mme Laure Lavalette, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Laurent Panifous, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Frédéric Valletoux