Compte rendu
Comité d’évaluation
et de contrôle
des politiques publiques
– Évaluation des politiques publiques pour favoriser l’accès à la culture des personnes en situation de handicap : examen du rapport 2
Mardi
10 décembre 2024
Séance de 14 heures
Compte rendu n° 3
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Véronique Louwagie, vice‑présidente du comité
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La séance est ouverte à 14 heures.
Le comité a procédé à l’examen du rapport d’évaluation des politiques publiques pour favoriser l’accès de la culture des personnes en situation de handicap, présenté par Mme Sophie Mette et M. Yannick Monnet, rapport dont il a autorisé la publication.
Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. Je vous prie d’excuser la présidente Yaël Braun-Pivet qui ne peut pas être présente parmi nous cet après-midi et qui m’a demandé de la remplacer.
Le 9 novembre 2023, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail, à l’initiative du groupe GDR, une évaluation des politiques publiques pour favoriser l’accès à la culture des personnes en situation de handicap et a désigné comme rapporteurs Mme Sophie Mette (Dem) et M. Yannick Monnet (GDR).
Le 3 octobre dernier, le CEC a renouvelé cette désignation pour achever les travaux interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale intervenue le 9 juin dernier.
M. Yannick Monnet, rapporteur. Comme vient de l’indiquer madame la vice-présidente, nos travaux ont été interrompus par la dissolution. Nous avions alors conduit la quasi-totalité de nos auditions.
L’objet du présent rapport n’est pas de traiter de l’accessibilité dans son ensemble mais bien de l’accès à la culture, source d’inclusion, d’émancipation, d’apprentissage et d’épanouissement des personnes en situation de handicap et d’en traiter toutes les dimensions. Le handicap et la culture sont deux notions protéiformes et évolutives qui recouvrent des réalités extrêmement diverses. Le champ de la culture et des politiques culturelles est vaste : il concerne tout autant l’audiovisuel que les musées, le patrimoine, les arts visuels, la danse, la musique, le théâtre et, bien sûr, le livre. L’objet du présent rapport est donc d’examiner comment les pouvoirs publics soutiennent l’accès aux lieux de culture comme l’accès aux contenus culturels qu’il s’agisse de contenus audiovisuels, muséographiques ou du spectacle vivant. Mais aussi d’examiner comment les différents handicaps sont pris en compte car trop souvent, l’accessibilité est appréhendée à l’aune des handicaps physiques et sensoriels, laissant au second plan les handicaps cognitifs ou psychiques.
Afin de recueillir des informations sur les initiatives prises au titre de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap, nous avons adressé des questionnaires aux DRAC et aux grands établissements et services sous la tutelle du ministère de la culture. Nous avons complété ces données par l’audition de près de 80 personnes et par plusieurs visites de lieux culturels, dans le cadre desquels nous avons pu constater un vrai engagement des acteurs de la culture.
Il ressort de nos travaux qu’au-delà du cadre juridique de l’accessibilité qui peine parfois à être mis en œuvre, la politique publique en faveur de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap est mal identifiée, peu structurée et suivie, ce qui nous a conduit à formuler 23 propositions pour mieux identifier et donner un caractère prioritaire à cette politique publique mais aussi pour rendre la culture, comme la pratique artistique, plus accessible aux personnes en situation de handicap.
Mme Sophie Mette, rapporteure. L’accessibilité est d’abord un droit qui s’est progressivement enrichi, c’est pour cette raison que nous en avons fait la première partie de notre rapport.
Il concerne en particulier l’accessibilité des lieux de culture recevant du public, mais aussi l’accessibilité des créations culturelles, qu’il s’agisse des programmes audiovisuels, des contenus numériques ou de l’accessibilité du livre.
Sur la question spécifique de la culture, on rappellera que la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine a défini plusieurs objectifs de politique publique dont celui de favoriser l'accès à la culture et aux arts pour les personnes en situation de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle.
En ce qui concerne la mise en œuvre de l’accessibilité des lieux de culture, si l’amélioration de la situation est réelle, en particulier depuis la mise en œuvre des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP), les responsables d’établissements recevant du public doivent faire face aux difficultés liées aux coûts ainsi qu’aux contraintes liées aux sites classés qui sont nombreux dans le domaine culturel.
Pour renseigner les usagers en situation de handicap sur l’accessibilité des ERP publics et privés, la plateforme collaborative « AccesLibre », porté par le ministère de la transition écologique, permet aux personnes en situation de handicap de préparer au mieux leurs déplacements culturels. Toutefois, ainsi que l’a souligné le Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées, Accès Libre ne permet pas de disposer d’un état des lieux de l’accessibilité mais en réalité d’un état des lieux des structures qui ont renseigné l’accessibilité de leur site, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
M. Yannick Monnet, rapporteur. En ce qui concerne l’accessibilité des cinémas, la France compte un peu plus de 2 000 cinémas dont la moitié est constituée de salles mono écran. Selon une étude du CNC, 75 % des établissements déclaraient en 2022 être accessibles. Toutefois, le parc des salles est très composite et la majorité des salles accessibles sont situées dans les grandes villes tandis que les salles mono écrans, aux moyens limités, sont très nombreuses dans les territoires ruraux.
59 % des cinémas indiquent proposer au moins une salle adaptée à l’audiodescription, 70 % des établissements être équipés d’au moins un dispositif pour les sourds et malentendants.
Le CNC a mis en place une mesure puissante en faveur de l’accessibilité : depuis 2020, les producteurs ont l’obligation de réaliser l’audiodescription et le sous-titrage de leurs films pour obtenir son agrément.
Si l’arrivée du numérique dans les salles permet désormais de disposer de plusieurs versions d’un film (sous-titrées, audiodécrites, avec renforcement sonore), il faut que les bonnes versions arrivent dans les salles équipées en conséquence et que les bonnes informations soient transmises aux spectateurs. Or ce n’est pas toujours le cas.
Par ailleurs, les handicaps cognitifs et psychiques peinent à être pris en compte. À ce titre, la présidente d’Autisme France que nous avons entendu a souligné l’intérêt d’une expérimentation sur la projection de film « au ralenti » afin d’être accessibles à ces publics.
Enfin, il est intéressant de relever que, chaque année, l’attribution d’un « Marius de l’audiodescription » est organisée par la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (CFPSAA). Le jury, constitué d’environ 300 personnes en situation de handicap visuel, choisit le film bénéficiant de la meilleure audiodescription parmi les cinq nommés dans la catégorie du Meilleur film aux César. Cette initiative gagnerait à bénéficier d’une visibilité accrue.
Mme Sophie Mette, rapporteure. En ce qui concerne les contenus audiovisuels, l’Arcom est tenue de rendre compte annuellement de la mise en œuvre des obligations d’accessibilité dans le domaine audiovisuel. Il en ressort que les obligations des chaines sont globalement bien respectées et souvent dépassées.
Vous trouverez dans notre rapport le détail du suivi des obligations des chaines publiques et privées en terme d’accessibilité aux personnes sourdes et malentendantes d’une part et aux personnes non ou malvoyantes.
On constate néanmoins quelques « trous dans la raquette » : celui des sous titrages inaccessibles aux enfants qui ne savent pas lire ou inadaptés aux personnes Dys, celui de la qualité des sous-titrages ou de la LSF ou du manque de diversité des programmes audiodécrits (beaucoup de films et très peu de documentaires par exemple).
Issu du droit européen et transposé en droit français, le développement de l’accessibilité du livre est particulièrement attendu car on estime aujourd’hui à 8 % des 800 000 titres commercialisés par les éditeurs français, la proportion des livres adaptés aux différents handicaps.
Il s’agit donc d’abord de produire des livres nativement accessibles : les technologies numériques permettent l’édition de versions numériques dans des formats répondant aux besoins des personnes en situation de handicap c’est-à-dire en gros caractères papier, en braille, en format audio, en impression en relief ou en langue des signes sur support vidéo ou encore en différents formats de fichiers numériques.
M. Yannick Monnet, rapporteur. La modernisation de l’édition adaptée repose sur deux objectifs. Tout d’abord, l’élaboration d’un plan de production (plan de rattrapage) de documents adaptés ainsi que la conception d’un plan pour structurer la filière de l’édition adaptée ; on estime à 17 000 le nombre de livres numériques qui seront mis sur le marché annuellement par les éditeurs tandis que la mise en conformité du stock de livres numériques représenterait 333 = 000 titres d’ici 2030. Autre chantier : le portail national de l’édition accessible et adaptée qui doit permettre aux personnes en situation de handicap d’identifier les titres nativement accessibles commercialisés, ceux adaptés dans un autre cadre et de télécharger les versions numériques des documents adaptés. Dans un second temps, le portail prévoit la possibilité de demander des adaptations si le titre souhaité n’est ni accessible ni adapté, ce qui nécessite une transformation du paysage de l’adaptation, actuellement très dispersé et artisanal.
Le budget alloué à ce projet porté par les ministères de la culture et des personnes en situation de handicap, la BnF et l’INJA représente près de 14 millions d’euros sur la période 2023‑2027.
Le module de catalogue, signalant les titres accessibles et adaptés dans le commerce et en bibliothèque devrait être opérationnel en 2026 ; la bibliothèque numérique des livres adaptés et la commande d’adaptations en 2027.
Enfin, la plateforme Platon, gérée par la BnF, met en relation plus de 1 500 éditeurs avec 100 organismes agréés (qui réalisent des adaptations) et 95 organismes inscrits ; ce dispositif a permis dans le cadre de l’exception au droit d’auteur, d’adapter plus de 101 000 titres depuis 2010.
La production d’ouvrages accessibles reste un défi ; les organismes transcripteurs font du « cousu main » et ces productions restent très artisanales et certains types d’ouvrages peinent à être transcrits.
L’accessibilité des sites internet culturels progresse mais des progrès restent à accomplir quant à l’accessibilité aux personnes malvoyantes des sites des cinémas.
Ce sujet est important car, nous le verrons tout à l’heure, l’information complète sur les lieux et contenus culturels accessibles fait souvent défaut.
Mme Sophie Mette, rapporteure. Venons-en à la politique publique en faveur de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap.
Si nos auditions, questionnaires et rencontres d’acteurs culturels nous ont permis de constater beaucoup de bonne volonté, d’initiatives et d’attention portée à l’accueil de ces publics, force est de constater que la politique publique correspondante est mal identifiée, peu structurée et peu suivie. Cette situation est accentuée par le fait que les structures et acteurs de la politique culturelle sont aussi divers que nombreux.
Définir une politique publique nécessite, en premier lieu de connaître les besoins des publics auxquels elle s’adresse. Sur ce point, il convient de rappeler que la définition du handicap concerne des réalités extrêmement diverses comme vous le voyez sur le schéma de cette diapositive.
Notre rapport détaille la diversité et le nombre de personnes en situation de handicap, qui concerne une personne de plus de 15 ans sur 7.
Soulignons également que, selon une étude de 2019, plus d’un quart des personnes en situation de handicap de 15 à 59 ans étaient pauvres, contre 14 % de la population qui n’est pas en situation de handicap.
Longtemps appréhendés comme physiques puis sensoriels, les autres handicaps peinent à être inclus dans les démarches d’accessibilité, les aménagements et la mise en œuvre d’accompagnements adaptés.
Les associations que nous avons entendues ont confirmé les difficultés d’accès à la culture, souvent considérée comme un luxe, des personnes en situation de handicap.
Par ailleurs, une personne sur 10 vit hors de l’aire d’attractivité des villes… où se trouvent la plupart des structures culturelles et l’éloignement constitue, à l’évidence, une « double peine » pour les personnes en situation de handicap. Le tableau qui figure au bas de la diapositive montre bien les écarts de pratiques culturelles entre les habitants des grandes villes et ceux de la ruralité.
M. Yannick Monnet, rapporteur. Le schéma que vous voyez à l’écran présente l’architecture des principales structures intervenant au titre de cette politique publique.
Au sein du ministère de la culture, plusieurs directions et opérateurs interviennent sur l’accessibilité si bien qu’il est difficile d’avoir une vision globale de la politique en faveur de l’accès à la culture :
La Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle est en charge du suivi de la politique d’accessibilité avec le concours du Haut fonctionnaire handicap et inclusion qui lui est rattaché ; la Direction générale de la création artistique soutient par exemple le Centre national pour la création adaptée de Morlaix. La Direction générale des médias et des industries culturelles copilote les vastes chantiers de l’édition accessible. Ces directions soutiennent également des associations qui interviennent dans le domaine de l’accessibilité culturelle.
La politique du ministère est aussi déléguée à de grands opérateurs qui portent aussi des actions en faveur de l’accessibilité :
Ainsi, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) soutient les exploitants pour l’accessibilité des salles, la réalisation de fichiers d’audiodescription et de sous-titrages pour les longs métrages à petit budget, les films de patrimoine et ceux relevant du dispositif scolaires d’éducation à l’image.
Le Centre national du livre (CNL) soutient des actions en faveur de la lecture dans le secteur médico-social. En 2024, le CNL a engagé une réflexion avec six maisons d’édition affiliées à la Fédération des aveugles et des amblyopes de France, pour renforcer les soutiens aux éditions adaptées en format papier (gros caractères, FALC, braille).
Le Pass culture, même s’il n’est structurellement pas un opérateur de l’État, est devenu un acteur central de l’accès des jeunes à la culture. Nous y reviendrons dans le cadre de nos préconisations.
Mme Sophie Mette, rapporteure. Services déconcentrés du ministère de la culture dans les régions, les Directions régionales de l’action culturelle (DRAC) soutiennent des actions de valorisation du patrimoine, de soutien à la création et à la diffusion artistique, de l’éducation artistique et culturelle. Elles interviennent notamment dans le cadre des pôles « culture santé handicap » et gèrent le Fonds accessibilité destiné à l’accessibilité des œuvres.
Des directions d’autres départements ministériels interviennent sur le sujet. C’est le cas de la Direction générale de la cohésion sociale qui co-pilote les actions en direction des publics accueillis au sein des établissements et services médico-sociaux dans le cadre de la convention nationale « culture et santé » déclinée à l’échelle régionale au sein des ARS et des DRAC dans le cadre d’appels à projets. Elle participe également au projet de portail national de l’édition accessible et adaptée. Le ministère de l’éducation nationale pilote l’éducation artistique et culturelle (EAC) par l’intermédiaire des délégations académiques à l’éducation artistique et à l’action culturelle et dont la part collective du Pass culture est devenu un outil important.
Ainsi, durant l’année scolaire 2022-2023, la part collective du Pass culture a permis de financer plus de 60 000 activités (visites de musées, spectacles, projections cinématographiques etc.).
Le caractère transversal de la question du handicap a conduit, sur la période récente, à instituer des structures interministérielles dans le cadre desquelles sont définies des orientations en faveur de l’accès à la culture :
Le comité interministériel du handicap (CIH) chargé de définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l’État en faveur des personnes en situation de handicap qui est un organe clef de la mobilisation interministérielle autour de la politique du handicap.
La Conférence nationale du handicap (CNH) qui se réunit, tous les 3 ans, dans le cadre d’un dialogue avec les représentants de personnes en situation de handicap, les professionnels, les collectivités territoriales et les associations.
La Commission nationale culture-handicap, créée en 2001 et qui réunit les acteurs concernés, a pour mission de faciliter l’accès à la culture des personnes en situation de handicap.
Nous estimons que la politique en faveur de l’accessibilité de la culture doit être mieux identifiée et figurer en tant que telle dans les politiques publiques menées par le ministère de la culture.
M. Yannick Monnet, rapporteur. À l’image de la dispersion des acteurs de la culture et du handicap, les financements portant sur les actions en faveur de l’accès à la culture en situation de handicap sont dispersés et souvent mal identifiés.
Ainsi, l’organisation même du ministère de la culture dont nombre d’interventions sont déléguées à des opérateurs ou déconcentrées, ne facilite pas l’identification et le suivi des dépenses affectées à l’accessibilité des lieux ou des œuvres.
Nous avons identifié et retracé dans le tableau que vous voyez à l’écran, des financements du ministère de la culture concernant spécifiquement le handicap.
On y retrouve notamment des financements d’associations accompagnant l’accès à la culture des personnes en situation de handicap (cinéma, adaptation de livres…), le programme national de l’édition accessible, le financement du centre national de la création adaptée de Morlaix, le financement d’adaptations en audiodescription ou de divers appels à projets.
Localement, les DRAC possèdent généralement trois lignes budgétaires pour le handicap : le Fonds accessibilité ; les appels à projets « Culture-Santé » et une enveloppe fléchée handicap hors appels à projets « Culture-Santé ». Au-delà de celles-ci, d’autres dispositifs peuvent concerner les personnes en situation de handicap : les programmes en faveur de la petite enfance, de l’été culturel, de la ruralité, le fonds d’innovation territoriale, les aides à l’innovation et à la transformation numérique.
Bien que de moins d’un million d’euros, le Fonds Accessibilité est spécifiquement dédié à l’accessibilité des œuvres, en particulier du spectacle vivant, ce qui fait de lui un outil particulièrement intéressant. Le Fonds, géré par les DRAC, répond ainsi à deux objectifs : l’équipement des structures du spectacle vivant en matériel d’accessibilité et l’adaptation des œuvres. Les structures bénéficiaires doivent engager des actions en faveur de l’accueil et de l’information des publics concernés comme de formation des personnels.
L’évaluation des fonds consacrés à l’accessibilité est d’autant moins aisée qu’outre leur dispersion entre les directions, services déconcentrés et opérateurs nationaux, les collectivités territoriales financent largement les projets culturels locaux.
Outre l’accessibilité des lieux recevant du public, elles financent par exemple, aux côtés de l’État, les programmations des scènes nationales, des FRAC, des centres dramatiques, des orchestres… intégrant des actions en faveur des personnes en situation de handicap et/ou des créations nativement accessibles. Les régions sont ainsi, le plus souvent, engagées dans le cadre des conventions cultures santé et du soutien aux structures labellisées.
Mme Sophie Mette, rapporteure. Sur le terrain, des initiatives et des outils sont développés pour rendre les œuvres accessibles mais ils restent insuffisamment développés.
Faute de données centralisées sur le sujet, nous avons interrogé les DRAC et une vingtaine d’établissements publics (musées, salles de spectacles …) sous la tutelle du ministère de la culture sur les actions qu’ils conduisent et dont vous trouverez la synthèse en annexe de notre rapport.
Au sein du ministère de la culture, plusieurs directions interviennent sur les questions d’accessibilité et soutiennent des projets dont certains sont structurés autour du handicap, comme c’est le cas du Centre National pour la Création Adaptée de Morlaix :
Le Centre National pour la Création Adaptée de Morlaix est à la fois une structure de production de spectacles, un centre d’accompagnement et de recherche pour des artistes en situation de handicap par le biais de résidences et de coproductions. Il est soutenu par le ministère de la culture avec la perspective de devenir un pôle de référence en matière de formation des artistes en situation de handicap, d’accompagnement individuel et d’accompagnement de projets.
Actuellement, il rassemble 7 interprètes permanents, 2 éducateurs, 7 artistes associés, 8 chercheuses associées, studios de répétition, salle de spectacle et 5 équipes artistiques en résidence. Le CNCA est financé par la Direction générale de la création artistique, la Région, le département et la communauté d’agglomération de Morlaix.
La plupart des grands établissements publics sous la tutelle du ministère sont membres de la Réunion des Établissements Culturels pour l’Accessibilité (RECA) : ce réseau, dont le pilotage a été confié à la Cité des sciences et de l’industrie, anime des groupes de travail chargés de proposer des mesures concrètes concernant l’accueil des personnes en situation de handicap dans les établissements culturels. En 2023, la rédaction d’une charte, le recueil des besoins en formation et des échanges de bonnes pratiques concernant l’autisme étaient à l’ordre du jour tandis qu’un « Guide pratique des sorties culturelles » a été publié en 2024.
La diffusion de bonnes pratiques par ce réseau parait tout à fait intéressante et justifierait d’élargir son action au-delà de la quarantaine d’établissements franciliens voire parisiens qui en sont membres.
Plusieurs associations spécialisées contribuent à la diffusion de la culture en direction des publics en situation de handicap et sont soutenues par les directions et opérateurs de la culture. C’est le cas des associations Valentin Haüy (AVH), du Centre de transcription et d’édition en braille ou de l’association Les Doigts qui rêvent pour l’adaptation d’ouvrages. C’est le cas de plusieurs associations dans le domaine du cinéma et du spectacle vivant telle l’association Culture relax qui organise des séances culturelles pour des personnes en situation de handicap susceptibles d’exprimer des réactions aux spectacles ou aux films avec une optique de mixité des publics. Cette association, financée par du mécénat, des fonds propres et des subventions publiques, est présente dans 74 villes. Autre exemple, l’association Retour d’image propose des ateliers de pratique artistique à destination des Unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS), des Instituts médico-éducatifs (IME) ou des établissements et services d’accompagnement par le travail (ESAT). L’association Souffleurs d’images met, pour sa part, à la disposition de publics en situation de handicap visuel, des souffleurs bénévoles, formés pour décrire et souffler à l’oreille du spectateur les éléments qui lui sont invisibles.
Ces associations, qui fonctionnement avec des moyens contraints et pâtissent de l’incertitude des financements sur le long terme, sont d’autant plus précieuses qu’elles ouvrent le champ des possibles pour des familles qui, jusqu’alors, n’osaient pas se rendre dans des manifestations culturelles.
M. Yannick Monnet, rapporteur. De nos échanges avec des associations représentant les personnes en situation de handicap et avec des usagers, il ressort que les améliorations sont réelles mais souvent, les initiatives en direction des personnes en situation de handicap reposent sur des personnes très engagées, avec le risque que ces initiatives disparaissent lorsque celles-ci quittent leurs fonctions. Si les musées développent des actions en direction des publics en situation de handicap, le théâtre reste trop souvent inaccessible pour des raisons de compréhension, d’environnement, d’accueil adapté et d’accompagnement. Les difficultés de mobilité sont une composante majeure des difficultés d’accès à la culture. Les associations de personnes en situation de handicap et les établissements et services médico‑sociaux jouent un rôle majeur dans l’accès à la culture, les personnes seules pouvant difficilement envisager une sortie culturelle, les déplacements et les lieux très fréquentés suscitant une vraie appréhension pour les personnes en situation de handicap. L’information sur l’offre culturelle adaptée n’est pas toujours accessible, complète et largement diffusée conduisant finalement les personnes en situation de handicap à privilégier les propositions culturelles qu’elles connaissent. Enfin, des difficultés demeurent en terme d’accueil, les différents handicaps étant encore trop souvent mal connus et les personnels d’accueil insuffisamment formés sur ses différentes composantes.
Plusieurs associations que nous avons entendues regrettent que les outils de médiation adaptés aux personnes en situation de handicap soient mal connus.
Nous souhaitons ainsi mettre l’accent sur le langage Facile à lire et à comprendre (FALC) qui permet une présentation accessible des œuvres culturelles et gagnerait à être développé.
La méthode FALC propose des règles pour aider les rédacteurs de documents à rendre l’information facile à lire et à comprendre pour les personnes en situation de handicap.
Portée en France par l’Unapei, la marque Qualité FALC garantit la participation effective de personnes en situation de handicap intellectuel à la confection des supports en FALC et propose un guide méthodologique des règles correspondantes. Les documents élaborés suivant cette méthode sont labellisés.
La marque est attribuée gratuitement par une commission annuelle inclusive composée d’experts du FALC, pour une durée de 3 ans, renouvelable.
En 2020, treize organismes de formation et seize organismes de transcription dont quinze ESAT disposaient de la marque Qualité FALC. L’éco système de formation, de production et de validation de contenus en FALC reste donc limité, ce qui peut constituer un obstacle dans la perspective d’une plus large diffusion de contenus en FALC.
Le ministère de la culture soutient ainsi un projet relatif au théâtre en FALC à l’appui de l’adaptation de 3 pièces de théâtre.
Nous avons aussi entendu la fondatrice de la première une maison d’édition entièrement dédiée au langage Facile à lire et à comprendre qui, outre les traductions en FALC demande désormais à des auteurs d’écrire directement en FALC sur des thèmes particuliers.
Mais en matière d’édition, le processus de traduction d’un ouvrage est très long et couteux, compte tenu des nombreux échanges entre les traducteurs, réviseurs, l’équipe éditoriale et le comité de relecture.
Nous avons apporté ici plusieurs exemples de publications accessibles que vous pourrez consulter à la fin de notre présentation.
Mme Sophie Mette, rapporteure. Le développement des nouvelles technologies apporte aussi des solutions à l’accessibilité des contenus culturels. Parmi les outils particulièrement novateurs.
Les lunettes connectées, qui intègrent le sous-titrage, la langue des signes et l’audiodescription avec des oreillettes, sont disponibles à la Comédie Française. Les lunettes connectées projettent directement sur le verre des sous titrages sans que cela ne gêne la vue de la scène. Le spectateur choisit l’option qui lui convient et adapte les réglages (surtitre, choix de la langue, taille, positionnement du surtitre, couleur et luminosité) ;
Les gilets vibrants permettent au public en situation de handicap auditif de percevoir des effets musicaux grâce à des pulsations transmises par un équipement porté comme un vêtement.
Le dispositif « voix claire », élaboré en Allemagne et en cours de développement par la chaîne européenne ARTE France, permet de mettre en évidence les voix humaines et de diminuer les sons d’ambiance.
L’intelligence artificielle permet, pour sa part, des avancées notables au service du sous-titrage. Ainsi, France TV est en train de tester un outil reposant sur l’intelligence artificielle pour un sous-titrage 24h/24 sur ses plateformes web. Le groupe audiovisuel dispose d’une filiale commerciale labellisée (France TV Access), qui depuis plusieurs années, produit la majorité des moyens d’accessibilité des antennes du groupe. En matière de sous-titrage, la validation et la diffusion des contenus sont subordonnées à une relecture par un tiers tandis qu’un examen de qualité est réalisé par une troisième personne dans le cadre d’un échantillonnage mensuel des productions.
Tout en soulignant l’intérêt de ces avancées, plusieurs représentants de personnes en situation de handicap ont souligné que, si les traductions automatisées permettent d’augmenter le nombre de contenus traduits, elles ne sauraient être livrées à elles-mêmes.
La qualité doit être au cœur des préoccupations ; en effet, un contenu faisant l’objet d’une mauvaise audiodescription n’est d’aucune utilité. Il convient de tenir compte des différents publics : ainsi, il y a une différence importante entre les non-voyants de naissance pour qui un escalier ou un panneau ne sont que des concepts et ceux qui ont perdu la vue au cours de leur vie et sont en mesure de se représenter les objets décrits.
Nous sommes conscients des difficultés de financement dans un contexte budgétaire très contraint mais le développement d’outils de médiation adaptée est indispensable à l’accessibilité de la culture. Dans ce cadre, la mutualisation des outils de médiation peut être une solution. Sur ce point, les DRAC ont incontestablement un rôle à jouer.
M. Yannick Monnet, rapporteur. Nous en venons à nos préconisations :
La nécessité de ne pas stigmatiser les personnes, de ne pas les cantonner à des espaces réservés ne signifie pas que le handicap ne doit pas être vu. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre les deux, les personnes en situation de handicap devant être visibles car cela permet à d’autres de se reconnaitre et de se projeter dans la sphère publique.
Dans ce cadre, nous formulons 23 propositions de nature à favoriser leur accès aux ressources culturelles.
Évaluer une politique publique consiste d’abord à en définir les objectifs et les modalités de suivi. Or en matière d’accès à la culture, ils font défaut.
Nous proposons donc, en concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, de compléter les projets annuels de performance des missions relevant du ministère de la culture par des objectifs et indicateurs relatifs à l’accessibilité des lieux et des œuvres. Nous avons également constaté que l’accessibilité des œuvres ne figurait pas systématiquement dans les missions et conventions pluriannuelles d’objectifs ou cahiers des charges des opérateurs culturels, qu’il s’agisse des structures labellisées (scènes nationale, centres dramatiques nationaux, centres chorégraphiques nationaux ou opéras de France) ou des opérateurs du ministère de la culture ou de l’audiovisuel public.
L’objectif d’accessibilité gagnerait aussi à figurer explicitement dans les objectifs et cahiers des charges des structures culturelles publiques ou subventionnées. Nos deux premières propositions concernent ce point.
Dans le même esprit, nous suggérons d’inclure un critère d’accessibilité dans les appels à projets culturels au-delà d’un certain seuil budgétaire.
Par ailleurs, afin d’aider les petits établissements culturels privés à conduire la mise aux normes d’accessibilité, nous proposons de les rendre systématiquement éligibles au fonds territorial d’accessibilité, en incluant des mécanismes d’évaluation en lien avec des experts sur les questions d’accessibilité car ce n’est pas le cas actuellement.
Mme Sophie Mette, rapporteure. Il est aussi nécessaire de soutenir l’accessibilité des œuvres. Sur ce point, le langage Facile à lire et à comprendre (FALC), constitue un bon outil mais il est encore peu utilisé. Si des formations existent, l’écosystème de production, qui s’appuie sur les ESAT, reste limité, ce qui, peut constituer un frein pour l’adaptation de contenus à grande échelle. Par ailleurs, le FALC manque de visibilité; or il serait nécessaire de développer les supports en FALC dans les lieux de culture, les établissements et services médico-sociaux ainsi que dans les écoles.
Dans ce contexte, nous préconisons de mettre en place une certification nationale du FALC de nature à lui donner une visibilité nationale, faciliter le développement des structures créatrices de contenus et l’emploi de personnes en situation de handicap dans ce cadre.
Par ailleurs, le Centre national du livre (CNL) propose différents soutiens aux éditeurs dont un dédié au développement de livres audio, mais il est peu sollicité pour le FALC. La création d’une aide spécifique dédiée au FALC, serait de nature à accroître la visibilité de ce langage et de susciter davantage de projets d’ouvrages en FALC par les maisons d’édition.
Dans le même esprit, nous préconisons la réalisation d’au moins un support en Facile à lire et à comprendre (FALC) dans tous les établissements culturels nationaux, en particulier les musées ; et de renforcer significativement le Fonds accessibilité du ministère de la culture aujourd’hui doté de moins d’un million d’€, pour faciliter l’accès aux œuvres en envisageant une répartition favorisant les territoires les moins dotés en ressources culturelles.
M. Yannick Monnet, rapporteur. L’immense succès du film « Un p’tit truc en plus » et sa présentation au festival de Cannes en mai dernier ont offert une visibilité aussi salutaire que nécessaire au handicap et il faut souhaiter que ce film ouvre la voie à une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap dans les créations artistiques, en particulier dans celles où elles ne sont pas cantonnées à jouer leur propre rôle. Or sur ce point, le chemin est encore long.
Une meilleure représentation des personnes en situation de handicap dans les contenus culturels est une composante de l’amélioration de leur accès à la culture.
Il a beaucoup été question d’inclusion lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques cependant, au-delà de quelques figures emblématiques, les maîtres d’œuvre de la cérémonie d’ouverture, chorégraphe, principaux musiciens et artistes interprètes étaient-ils en situation de handicap ? Combien étaient-ils lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques ?
Dans son récent rapport traitant de la représentation des personnes en situation de handicap, l’Arcom relevait que leur représentation dans les programmes de télévision variait de 2,4 % pour les fictions à 0,3 % pour les divertissements.
Certes, les choses s’améliorent mais la représentation du handicap dans les créations culturelles doit progresser.
Des initiatives intéressantes ont été mises en place ces dernières années en faveur d’une meilleure visibilité ou de présence des femmes dans l’audiovisuel et le cinéma, qui pourraient inspirer les politiques en faveur de l’accès des personnes en situation de handicap.
Ainsi, un guide des expertes qui permet de recenser des centaines d’expertes sur de nombreuses thématiques a été élaboré.
On peut également saluer le « bonus parité » dont bénéficie le soutien accordé aux films dont toutes les équipes de tournage comptent au moins autant de femmes que d’hommes dans leurs principaux postes d’encadrement.
En s’inspirant de ces initiatives, nous suggérons, en concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées d’envisager l’élaboration d’un guide des experts en situation de handicap dans le secteur de l’audiovisuel ; dans le cadre des soutiens accordés par le CNC, d’envisager un bonus en faveur des films dont les équipes comportent des personnes en situation de handicap.
En amont, il faut améliorer l’accessibilité aux formations ; or plusieurs de nos interlocuteurs ont fait part de difficultés d’accès aux formations professionnelles aux métiers artistiques et culturels.
À la suite du Comité interministériel du handicap du 20 septembre 2023 cent référents handicap ont été identifiés dans les établissements supérieurs de la culture, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.
Aujourd’hui, près de 350 étudiants sont aidés au sein des 99 écoles d’art (contre 60, trois ans auparavant) mais beaucoup d’étudiants ne se déclarent pas comme en situation de handicap par crainte d’une forme de stigmatisation.
La direction générale de la création artistique a indiqué que la sensibilisation au handicap était en train d’être intégrée aux formations, l’enjeu aujourd’hui étant de multiplier les partenariats par exemple entre les ESAT et les écoles d’enseignement supérieur situées à proximité.
Mme Sophie Mette, rapporteure. L’inclusion passe aussi par l’accès des personnes en situation de handicap aux métiers de la culture.
La direction générale de la création artistique nous a indiqué travailler autour de trois axes :
– la mise en place d’un groupe de travail et le lancement d’une mission d’inspection sur la réalité de la création et de la diffusion de spectacles d’artistes en situation de handicap ;
– l’accompagnement du Centre national pour la création adaptée (CNCA) de Morlaix pour développer un pôle de ressources pour la création des personnes en situation de handicap ;
– une réflexion sur un statut spécifique pour les intermittents en situation de handicap.
Plusieurs directions et grands opérateurs soutiennent des opérations exemplaires en matière de formation ou d’insertion des professionnels en situation de handicap. C’est le cas de l’appel à projets du CNC intitulé « Les uns et les autres » doté de 300 000 € en 2023 qui a pour objectif de favoriser l’apprentissage, l’accès aux études ou au premier emploi de personnes en situation de handicap.
Il y a donc tout un écosystème à conforter afin de développer la participation des personnes en situation de handicap aux créations artistiques, de remédier à l’autocensure et de sensibiliser les créateurs et producteurs de contenus culturels aux handicaps.
Dans ce cadre, plusieurs de nos interlocuteurs ont regretté le défaut d’accessibilité des scènes de spectacles qui ne relèvent pas de la réglementation sur les ERP. Or l’accessibilité des scènes va de pair avec l’ouverture accrue des formations artistiques et des métiers du spectacle aux personnes en situation de handicap.
Nous formulons donc la proposition de prévoir systématiquement l’accessibilité des scènes lors des projets d’aménagements, de rénovations ou les nouveaux projets de salles de spectacle.
M. Yannick Monnet, rapporteur. Nous nous sommes naturellement intéressés à l’accès à la culture des jeunes en situation de handicap dans le cadre scolaire.
L’Education artistique et culturelle (EAC) ne dispose pas toujours d’outils pédagogiques adaptés aux différents handicaps et plusieurs associations ont déploré le manque d’ouvrages culturels adaptés à tous les handicaps, regretté le retard de formation des enseignants sur les questions de handicap et demandé la conception d’outils pédagogiques dédiés à l’accessibilité artistique et culturelle à destination des professionnels de l’enseignement scolaire.
Nous appelons donc au développement de l’offre de livres à la disposition des élèves et des enseignants, en FALC et en Braille en particulier dans les écoles accueillant des élèves d’Unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis).
Des outils gagneraient aussi à être développés telles les « mallettes pédagogiques » proposées par la Réunion des musées nationaux qui permettent d’organiser des activités autour de reproductions de créations artistiques.
Le Pass culture est devenu un outil majeur de l’éducation artistique et culturelle (EAC) mais tous les jeunes n’y ont pas accès.
Nous avons noté que Mme la ministre de la culture envisageait une réforme du Pass culture qui a vocation à permettre une réelle diversification des publics.
Nous estimons que cette réforme doit être l’occasion de mettre ce dispositif au service de ce qui constitue le cœur de la mission du ministère de la culture, à savoir l’accès à la culture des publics qui en sont le plus éloignés.
Dans ce cadre, nous appelons à recentrer la part individuelle du Pass culture en direction des jeunes en situation de handicap, à mieux identifier l’offre accessible à toutes les formes de handicap sur la plateforme du Pass culture et à accompagner les jeunes en situation de handicap pour son utilisation.
L’accès à la culture doit aussi pouvoir se développer dans les établissements et services médico-sociaux au sein desquels sont accueillis de nombreux jeunes.
Dans le cadre de la réforme annoncée du Pass culture, nous souhaitons que les jeunes en situation de handicap soient informés de l’existence du Pass, accompagnés et qu’un usage collectif plutôt qu’individuel soit examiné afin de faciliter l’organisation de sorties de groupe.
Mme Sophie Mette, rapporteure. L’accès à la culture concerne aussi un meilleur accès aux activités artistiques.
Plusieurs de nos interlocuteurs se sont émus de ce que l’accès à la pratique culturelle des personnes en situation de handicap et de celles accueillies dans les établissements dédiés, reste le parent pauvre de l’ensemble des politiques menées en matière culturelle.
Certes, des initiatives existent, nous en détaillons plusieurs dans notre rapport.
Le ministère de la culture soutient ainsi chaque année plus de 300 projets afin de favoriser l’accès aux lieux et aux pratiques artistiques et culturelles pour les personnes en situation de handicap dans tous les champs disciplinaires : des ateliers théâtre, de musique, de danse, des projets en lien avec le livre et la lecture (ateliers d’écriture)…
L’accès aux activités artistiques doit être prise en compte comme une composante à part entière de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap.
Un meilleur accès des personnes en situation de handicap à la culture implique également de mieux les associer en amont des projets culturels : « Ne faites rien pour nous, sans nous », ce principe, énoncé par les représentants de personnes en situation de handicap devrait présider à la conception de projets culturels afin de prendre en compte leur accessibilité dans toutes ses dimensions. À ce titre, la mise en œuvre de l’accessibilité du Pass culture trois ans après sa création apparait ainsi comme un exemple à ne pas réitérer.
Expérimenté en 2019, avant d’être généralisé en 2021, le dispositif a laissé de côté les jeunes qui ne disposaient pas d’un numéro INE et ainsi ceux scolarisés dans les cinq établissements nationaux dépendant du ministère en charge des solidarités. L’équipe du Pass culture n’a prévu une présentation du dispositif et une aide pour en installer l’application auprès des jeunes de l’Institut national des jeunes aveugles (INJA) qu’au printemps dernier. Quant à l’accessibilité des propositions culturelles, elle repose sur la plateforme collaborative « AccesLibre » qui ne renseigne pas toutes les informations d’accessibilité.
C’est donc tardivement que la question de l’accessibilité a été prise en compte, le suivi de la feuille de route du ministère de la culture réalisé dans le cadre du comité interministériel du handicap du 16 mai dernier indiquait qu’en avril 2024, 40 % des partenaires du Pass culture avaient débuté l’intégration de leurs propositions culturelles sur la plateforme gouvernementale Accèslibre.
Enfin, associer les personnes en situation de handicap dès la conception des projets favorise l’organisation d’une communication adaptée sur les évènements.
M. Yannick Monnet, rapporteur. Nous proposons deux axes d’amélioration concernant l’information et les programmations d’une part, la sensibilisation des acteurs culturels d’autre part. Plusieurs de nos interlocuteurs ont regretté que, trop souvent, les programmations accessibles soient incompatibles avec des horaires de travail occultant ainsi le fait que nombre de personnes en situation de handicap travaillent. Autre difficulté : l’information sur les manifestations accessibles reste partielle ce qui conduit les familles à se tourner vers ce qu’elles connaissent déjà. Les personnes en situation de handicap ont besoin d’une information dynamique pour, par exemple, savoir si le film qu’elles souhaitent voir sera projeté avec son audiodescription dans une salle équipée pour cela.
Quant à la plateforme AccesLibre, elle ne permettait pas de disposer d’un état des lieux de l’accessibilité mais en réalité d’un état des lieux des structures qui ont renseigné l’accessibilité de leur site, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Certes, des évolutions sont en cours pour améliorer l’information et le ministère de la culture participe à la construction d’une plateforme de l’audiodescription qui permettra au public du cinéma, puis à celui de l’audiovisuel et enfin à celui du spectacle vivant, de disposer de toute l’information, aujourd’hui défaillante, sur les œuvres audiodécrites et leurs modalités d’accès.
Nous préconisons donc, en concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, de développer, à partir de la plateforme Acceslibre, un module dédié à l’accessibilité des établissements et manifestations culturelles.
Il faut également sensibiliser l’ensemble des acteurs culturels à l’accessibilité des œuvres et des spectacles. Plusieurs de nos interlocuteurs ont rappelé que, si les professionnels n’étaient pas formés aux enjeux des handicaps, cela ne pouvait pas fonctionner. Une centaine d’écoles sous la tutelle du ministère de la culture, forment aux métiers de l’architecture, du patrimoine, des arts plastiques, du spectacle vivant et du cinéma et délivrent plus de 40 diplômes nationaux.
La feuille de route du ministère de la culture issue du Comité interministériel du handicap (CIH) de septembre 2023 prévoit la formation des équipes et l’accompagnement des étudiants pour un enseignement supérieur de la culture pleinement accessible et inclusif.
Au-delà d’un nécessaire accueil satisfaisant des étudiants en situation de handicap, il est nécessaire que les étudiants des écoles d’architecture, de design comme celles dédiées à la conception de scénographie d’exposition soient formés aux besoins liés aux différents handicaps et, par exemple, à la pertinence de concevoir, lorsque cela est possible, dans les grands établissements culturels, des espaces moins exposés au bruit et au passage.
De même, si la préservation du patrimoine architectural relève des dérogations possibles prévues par la loi, les architectes des bâtiments de France doivent considérer l’accessibilité des monuments historiques comme prioritaire. Les informations que nous avons recueillies montrent que ce n’est pas le cas actuellement.
Enfin, les professionnels qui remplissent les fonctions de commissaires d’expositions doivent être formés et sensibilisés à la transmission à tous les publics. Les cartels et les audioguides doivent être lisibles, pédagogiques et inclusifs. Cet impératif doit figurer dans les cahiers des charges, les formations comme dans les objectifs prioritaires des spécialistes qui conçoivent ces évènements.
Mme Sophie Mette, rapporteure. La formation et la sensibilisation des personnels sont indispensables pour améliorer l’accessibilité de la culture.
Nous préconisons, en concertation avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, d’intégrer de manière systématique un module dédié à l’accueil et à la prise en compte des publics et aux handicaps dans les formations relatives aux métiers de la culture et de l’architecture et de sensibiliser les architectes des bâtiments de France (ABF) au caractère prioritaire de l’accessibilité des monuments historiques ouverts au public.
Nous préconisons aussi de former régulièrement les conférenciers et les personnels des établissements culturels en charge de l’accueil des publics à la prise en compte des handicaps et à la manipulation des matériels de médiation dédiés.
Puisque nous sommes au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, nous concluons notre présentation par des propositions concernant le suivi et l’évaluation de la politique publique de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap.
L’évaluation de l’efficacité, de l’efficience et de l’impact d’une politique publique nécessite de disposer de données sur sa mise en œuvre. Or, lorsqu’elles existent, celles-ci sont éparses ; l’organisation très déconcentrée et décentralisée de l’écosystème de la culture ne facilitant pas leur collecte.
Sans entrer dans le détail des différents outils existants, nos auditions et les réponses aux questionnaires ont permis de constater qu’un suivi régulier et organisé des actions conduites par les acteurs culturels au titre de l’accès à la culture des personnes en situation de handicap restait à construire.
Nous préconisons donc en lien avec les représentants locaux de personnes en situation de handicap, de charger les DRAC du recensement et de l’évaluation de l’accessibilité des structures labellisées et la Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle de la centralisation des données et de l’évaluation consolidée. Nous préconisons, d’autre part, de confier à un comité d’usagers en situation de handicap, le suivi des informations figurant sur la plateforme « AccesLibre » et la bonne coordination de celle‑ci avec l’application du Pass culture.
La politique publique de l’accès de la culture aux personnes en situation de handicap, en étant mieux identifiée et mieux suivie, permettra, nous en sommes convaincus, une meilleure prise en compte des questions d’accessibilité et d’inclusion dans le secteur de la culture.
Nous vous remercions de votre attention.
Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. Ce sujet traite non seulement de l’accès à la culture elle-même mais également aux métiers de la culture. Quelques mois avant l’anniversaire des 20 ans de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, vos travaux ont toute leur pertinence.
Je voudrais réagir à deux de vos propositions.
Dans la proposition n° 13, vous préconisez que lorsque des travaux sont réalisés dans des salles de spectacle, soit systématiquement envisagée l’accessibilité aux scènes de ces salles aux personnes en situation de handicap. Vous avez constaté que cela n’était pas toujours le cas, ce qui m’étonne. Avez-vous pu identifier une quote-part de ce qui était fait dans le cadre des rénovations?
Avec la proposition n° 19, vous proposez de sensibiliser les architectes des bâtiments de France (ABF) au caractère prioritaire de l’accessibilité : est-ce une sensibilisation ou allez-vous vers une hiérarchisation, la priorité étant alors accordée à l’accessibilité des personnes en situation de handicap en lieu et place de la situation architecturale ?
Pour terminer, vous avez identifié un grand nombre d’acteurs dont vous avez d’ailleurs relaté les travaux en précisant qu’ils avaient contribué à vous fournir des pistes d’amélioration. Vous soulignez la multiplicité des acteurs en pages 54‑55. En page 93, vous évoquez des initiatives très nombreuses mais peu coordonnées et, en page 80, des financements épars. Vous évoquez également la Réunion des établissements publics culturels pour l’accessibilité qui regroupe 40 membres – essentiellement parisiens. Tout ce qui concerne le handicap a un caractère transversal mais y a-t-il un pilote, compte tenu de ce grand nombre d’acteurs, d’opérateurs et d’intervenants ?
M. Yannick Monnet, rapporteur. La question des ABF a donné lieu à une vraie discussion. On constate une primauté accordée à l’architecture : quand un bâtiment n’est pas accessible, on nous dit qu’on n’y touchera pas. Or, pourquoi ferait-on prévaloir l’architecture sur l’accessibilité d’un bâtiment ? À quoi sert un bâtiment s’il n’est pas accessible, quelle que soit sa valeur historique ? S’agissant des bâtiments historiques, force est de constater que la primauté va à l’architecture et pas à l’accessibilité de la personne. À travers cet exemple, il s’agissait de montrer la nécessité de renverser les choses.
Il n’y a pas de pilote mais à la décharge des pouvoirs publics, il est très compliqué d’en avoir un. D’abord, parce que, comme on l’a dit en introduction, il y a tellement de handicaps différents et de sujets culturels différents qu’il serait très compliqué d’avoir un seul pilote. Le risque serait alors d’écarter des personnes et des champs culturels. La complexité vient du fait que les deux champs sont extrêmement vastes.
Mme Sophie Mette, rapporteure. La commission culture et handicap pourrait effectivement avoir davantage d’autorité sur toutes ces opérations. Chaque ministère a son haut fonctionnaire au handicap mais peut-être manque-t-il une entité chapeau qui puisse mieux cerner et diriger les opérations.
S’agissant des architectes, l’idée est aussi qu’ils bénéficient, dans le cadre de leurs études, d’un module plus approfondi sur les différents handicaps et qu’ils puissent réfléchir plus en amont, dès la conception d’un bâtiment culturel, à la meilleure façon de permettre une utilisation facilitée aux personnes en situation de handicap, ce qui n’est pas toujours le cas. Il faut souvent que les porteurs de projet insistent auprès des architectes pour pouvoir obtenir ce dont ils ont besoin et qu’ils négocient, pas à pas, durant les travaux.
Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. Sur la proposition n° 13, avez-vous une idée des scènes qui sont d’ores et déjà accessibles ?
M. Fabrice Barusseau. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), que nous avons dans tous nos départements et que vous n’avez pas citées, ne pourraient-elles pas piloter au plus près les problèmes liés à l’accès à la culture ?
On parle très souvent du problème des ABF lorsqu’on est maire – que l’on soit dans une commune rurale ou pas. Il y a parfois autant d’interprétations que d’architectes lorsqu’il s’agit d’architecture – alors que dire de l’accessibilité ? Quand on laisse des marges d’interprétation au lieu d’imposer par la loi, on se retrouve dans des situations ubuesques et quand il est question d’accessibilité, c’est encore pire. On évite d’ailleurs souvent d’aborder cette question lorsqu’il s’agit de bâtiments classés.
L’accessibilité à la culture, surtout en zone rurale, soulève d’abord la question de la capacité à passer le seuil de sa porte pour sortir de chez soi. On en parle souvent pour des rendez-vous médicaux et autres : l’accès à la culture ne pourrait-il pas aussi faire partie des motifs pouvant donner un accès facilité à des solutions de mobilité ?
S’agissant de l’inclusion scolaire, les AESH sont le principal outil dont on dispose dans nos établissements. Sans même parler d’accès à la culture, la formation de ces AESH reste à améliorer non seulement dans le domaine de l’éducation mais aussi pour l’accès à la culture.
Vous avez évoqué l’accès à l’intelligence artificielle pour faciliter la réalisation de certains documents et le problème de qualité que soulève cette méthode. Des moyens humains seraient nécessaires pour expertiser au mieux ces nouvelles solutions.
Enfin, le fonds dédié est très maigre. Comme on est dans un contexte budgétaire très compliqué, avez-vous des pistes pour dégager des moyens ?
M. Pierrick Courbon. J’ai beaucoup apprécié l’angle d’approche que vous avez rappelé dès l’introduction. Quand on parle d’accessibilité à la culture, il faut raisonner avec la diversité des différents handicaps. Malheureusement, trop souvent et pendant trop longtemps, quand on a parlé d’accessibilité aux lieux culturels, c’était uniquement sous l’angle des handicaps physiques. Or la culture, ce ne sont pas que des lieux et le handicap n’est pas que moteur ou physique. Ce dernier implique des situations complexes. Si l’accessibilité physique des lieux culturels a beaucoup progressé depuis 2005, il reste beaucoup de zones grises.
Concernant les personnes en établissement, vous dites que l’accessibilité à la culture est le parent pauvre des politiques publiques. Vous formulez diverses propositions, en particulier autour du Pass culture mais celui-ci ne concerne qu’une partie des personnes en situation de handicap : dans les établissements, il y a aussi des adultes. Quelles réponses est-on en mesure d’apporter à ces personnes, y compris quant à leur capacité de sortir de ces établissements pour aller vers la culture et pour faire venir la culture dans ces établissements ? On se heurte parfois à des professionnels qui vous disent : « On ne sait pas faire, on n’est pas formé pour déployer notre expertise culturelle, notre compétence vis-à-vis de ce public ».
Parmi les freins à l’accès à certaines pratiques culturelles comme le spectacle vivant, il y a notamment la question du niveau de bruit, la capacité à se retrouver dans une foule ou dans un groupe, la possibilité de venir avec un aidant ou un accompagnateur. Quel est le rôle du législateur par rapport à ces freins ? Doit-on améliorer les choses en durcissant la loi ? Ou doit-on s’en remettre au bon-vouloir – et parfois à la mauvaise volonté – des acteurs locaux ainsi qu’à leurs capacités et moyens ? Décider de la gratuité de l’entrée à un spectacle pour un aidant est un choix de politique tarifaire. Comment faire pour que ce type de mesures ne dépende pas du bon-vouloir et des capacités financières des acteurs ?
Enfin, sujet complexe et angle mort ou insuffisamment travaillé du rapport, celui de l’évaluation de la pratique sociale d’une activité culturelle. Pour beaucoup de personnes en situation de handicap – et notamment les jeunes –, quand on se rend dans un lieu culturel pour pratiquer une activité culturelle en groupe ou avec sa famille, la dimension sociale de l’événement est tout aussi importante que la pratique culturelle elle-même. Or, si pour accéder à cette pratique culturelle, il faut que la personne en situation de handicap se retrouve mise à part avec des outils spécifiques voire dans des lieux séparés, on gâche l’expérience culturelle parce qu’on gâche l’expérience sociale. La notion d’inclusion est, à mon sens, intimement liée à la capacité d’être ensemble, d’être avec les autres – ses copains ou sa famille –, ce qui n’est pas toujours possible ni toujours facile. Que pensez-vous de cette situation ?
Mme Sophie Mette, rapporteure. Concernant l’accès culturel en milieu rural, nous sommes tous deux issus d’une zone rurale donc ce sont des sujets que nous connaissons. Les personnes ont effectivement une difficulté à sortir de chez elles pour se rendre dans un lieu ou aller voir un spectacle vivant. Il y a des choses qui doivent être organisées par les collectivités locales – les transports, la mobilité –, que ce soit par les communes ou les communautés de communes. Ensuite, le lieu qui accueille le public doit être en capacité d’accueillir. Par exemple, le cinéma d’une petite ville doit être en mesure d’accueillir le spectateur en situation de handicap, quel que soit ledit handicap. Aujourd’hui, entre 70 et 80 % des salles, quelle que soit la taille du cinéma, sont en capacité de proposer aux spectateurs en situation de handicap de regarder un film. Après, il y a plusieurs difficultés. Les salles de cinéma ne proposent pas à chaque séance une projection adaptée. Ensuite, l’information donnée au public n’est pas forcément très accessible. C’est normalement AlloCiné qui met sur sa plateforme les informations nécessaires. Cela ne fonctionne peut-être pas encore très bien mais certaines solutions sont en cours de déploiement. Tout n’est pas parfait mais dans le cinéma, les choses avancent : beaucoup d’efforts sont faits pour qu’il y ait une accessibilité tous publics. Il y a, d’une part, des séances où la personne en situation de handicap pourra être avec les autres et, d’autre part, des séances plus adaptées. Cela est plus facile à mettre en place dans un multiplex que dans une salle mono-écran mais les choses avancent et les financements existent en provenance du CNC.
Vous avez parlé de la formation : cela concerne aussi bien les personnes qui sont à l’accueil des salles de cinéma et de théâtre que les AESH. Pour le cinéma, l’association Culture Relax existe dans 74 villes. S’agissant de la formation des AESH, vous avez raison de dire qu’il y a certainement des avancées à faire en faveur d’une ouverture à l’éducation culturelle et artistique.
L’intelligence artificielle est là pour aider à la mise en place d’audiodescriptions, de sous-titrages etc. C’est une aide à l’humain mais il faudra effectivement toujours que l’humain soit là pour vérifier la qualité du travail fourni. Étant donné la diversité des handicaps, il faut que la qualité de transcription ou de sous-titrage soit à la hauteur pour que chaque personne en situation de handicap puisse y trouver son compte. Sur ce plan‑là, l’Arcom est très vigilante.
Les financements existent mais le fonds d’accessibilité n’est doté que d’un million d’euros, ce qui est peu. On espère une augmentation de ce fonds qui pourrait permettre un effet levier.
Nos propositions n° 1 et 2 sont susceptibles de répondre à vos remarques sur l’évaluation de la pratique sociale. Vous nous avez demandé s’il fallait renforcer la loi : il existe déjà un cadre juridique important mais il est difficile d’imposer les choses. Il faut que les uns et les autres acceptent de sensibiliser et de former davantage. Nous préconisons d’intégrer systématiquement un objectif d’accessibilité des manifestations culturelles.
Enfin, toutes les scènes ne relèvent pas du régime des établissements recevant du public (ERP). Or, notre évaluation ne porte que sur les ERP. Nous avons eu des réponses d’associations aux questionnaires que nous leur avions envoyés mais il était difficile pour nous d’avoir des remontées chiffrées. Nous n’avons donc pas de chiffres à vous donner aujourd’hui.
M. Yannick Monnet, rapporteur. Pour nous, l’accès à la culture revêt un enjeu d’émancipation – et donc d’intégration et d’autonomie. Il y a ce qui relève du législatif et ce qui relève de la morale. On ne règlera pas tout par la loi sur cette question. Par exemple, l’intelligence artificielle suscite beaucoup d’espoir, de la part des associations, en termes de potentiel d’autonomie d’accès à la culture. L’avantage des établissements est qu’il y a déjà en leur sein des personnels formés au handicap et qui peuvent mener les personnes vers la culture. Ce qui pose problème, c’est quand les personnes en situation d’autonomie sociale n’ont pas de médiation d’accès à la culture.
Toujours sur ce qui relève du légal ou de la morale, pour répondre à votre question sur l’évaluation des pratiques sociales, jusqu’où est-on prêt à aller ? Certaines formes de handicap font que quand la personne accède à une œuvre artistique, elle exprime ce qu’elle voit ; est-on prêt à accepter qu’au cinéma, ce type de personnes interagisse avec l’œuvre à sa manière ? Spontanément, on se dit que non. C’est une question qu’on ne règlera pas par voie législative : on a besoin de travailler sur l’acceptation sociale du handicap et cette question se pose clairement en matière culturelle.
Mme Sophie Mette, rapporteure. Il faut former le public.
M. Yannick Monnet, rapporteur. La question des architectes des bâtiments de France (ABF) soulève un vrai débat de société. Nous pourrions leur imposer des obligations par la loi mais sommes-nous prêts, socialement, à modifier une œuvre architecturale pour qu’elle soit accessible ? Est-on prêt à équiper d’un ascenseur une tour datant de plusieurs siècles ? De mon point de vue, l’accessibilité doit passer avant la question architecturale mais je comprends que des gens se disent que pour préserver l’histoire, on ne peut pas tout faire non plus. C’est un débat qu’il faut qu’on ait – de façon apaisée. On peut imposer les choses par la loi mais cela aura ses limites.
Les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) peuvent être un acteur mais il faudrait déjà qu’elles puissent remplir leurs missions dans des délais raisonnables.
Mme Blandine Brocard. Merci de nous permettre d’échanger au fond sur tous ces sujets qui nous apportent beaucoup en ces temps particuliers. Au-delà du prisme de la culture, vous abordez toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes en situation de handicap et cela représente l’enjeu principal de l’émancipation pour toutes ces personnes.
Vous avez choisi de ne pas réduire l’accès à la culture à l’accessibilité des lieux et j’y souscris mais l’on voit bien qu’il s’agit de l’un des premiers sujets de difficultés. Je partage les réflexions entendues concernant les ABF ; mais au-delà de nos vieilles tours, quid de l’accessibilité de notre vieux métro parisien ?
La question est celle de l’entité de pilotage de ces politiques ; il n’est pas possible de tout faire peser sur les MDPH qui ont de nombreuses priorités.
Le FALC est une très bonne chose, d’autant qu’il peut concerner un très large public au-delà des personnes en situation de handicap.
On a un cadre juridique satisfaisant ; par exemple, les chiens guides d’aveugles peuvent être présents partout or il y a une sensibilisation à mener partout et tout le temps sur ces sujets.
M. Yannick Monnet, rapporteur. Le FALC est d’autant plus important pour l’accès aux œuvres que les présentations de celles-ci sont souvent peu pédagogique ; ce langage peut donc rendre les œuvres accessibles à un très large public.
Mme Anchya Bamana. Je partage ce qui a été dit ; je ne sais si vous avez eu une approche sur la situation de l’outre-mer mais nous en sommes à l’application de la base de la mise en œuvre de la loi de 2005 et de l’accessibilité des établissements quels qu’ils soient.
Mme Sophie Mette, rapporteure. Nous avons interrogé les DRAC et celle de Guyane a répondu. Je reviens de Guyane et mesure les difficultés de ces territoires en ce qui concerne l’accessibilité. Le Fonds accessibilité a été très peu sollicité par les territoires d’outre-mer pour des raisons diverses et en particulier d’accessibilité générale.
Mme Anchya Bamana. Je suis élue de Mayotte et sur nos territoires, la question de l’accessibilité des lieux et la politique d’aménagement est un vrai sujet comme celui de la mobilité et de la prise en compte de la loi de 2005 dans tous nos projets de construction et dans les services publics.
M. Yannick Monnet, rapporteur. Nous pouvions difficilement établir une cartographie de l’accessibilité ; nous nous sommes surtout attachés à décrire des mécanismes qui sont souvent les mêmes quels que soient les territoires, au-delà de leurs spécificités.
Mme Véronique Louwagie, vice-présidente. Je vous propose d’autoriser la publication de ce rapport.
Assentiment.
La séance est levée à 15 h 30.