Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

— Audition, ouverte à la presse, de l’amiral Nicolas Vaujour, chef d’état-major de la Marine, sur le projet de loi de finances 2025.


Mercredi
16 octobre 2024

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de M. Jean-Michel Jacques,
président

 


  1  

La séance est ouverte à onze heures trois.

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous poursuivons le cycle des auditions budgétaires en recevant le chef d’état-major de la Marine, l’amiral Nicolas Vaujour.

J’en profite pour saluer notre rapporteur pour avis, M. Yannick Chenevard, un ancien marin.

Amiral, grâce au respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 et à l’augmentation de 3,3 milliards d’euros du budget de la défense en 2025 par rapport à 2024, la Marine bénéficiera, comme les autres armées, de ressources supplémentaires. Cela n’est pas inutile compte tenu de la hausse des conflictualités et des tensions croissantes à l’échelle internationale, particulièrement en mer.

L’année 2024 a été particulièrement riche sur le plan opérationnel pour la Marine nationale. Je pense aux différents déploiements de nos marins, de la mer Rouge à la mer Méditerranée, du golfe de Guinée à la Chine ou encore récemment au large du Liban, où des moyens ont été déployés par précaution, en cas d’évacuation.

Je n’oublie pas non plus l’engagement de la Marine nationale dans le cadre de la posture permanente de sauvegarde maritime qui regroupe un ensemble de missions très diverses, relevant de la défense maritime du territoire et de l’action de l’État en mer.

Pour faire face à ce contexte géostratégique bouleversé, en 2025, la Marine pourra compter sur un effort de réarmement commun de nos trois armées qui lui bénéficiera pleinement avec, entre autres, la réception d’une nouvelle frégate de défense et d’intervention, de deux nouveaux patrouilleurs outre-mer et d’un bâtiment ravitailleur supplémentaire, ou encore, le lancement en réalisation du porte-avions de nouvelle génération.

Afin d’entrer dans le cœur du sujet, je vous poserai deux questions.

La première question concerne l’adéquation entre le contexte dans lequel la Marine évolue et les moyens qui sont les siens. En tant que chef d’état-major, face à l’évolution de la conflictualité et des avancées technologiques, quel est votre cap et quelles priorités identifiez-vous pour la marine nationale dans les prochaines années ?

Ma seconde question concerne nos marins. Notre commission sera particulièrement attentive à la manière dont vous envisagez les ressources humaines dans la marine.

Amiral Nicolas Vaujour. Mesdames et messieurs les députés, je suis toujours très heureux d’évoquer avec vous la situation de la marine, qui est particulièrement active.

Quarante-trois bâtiments sont actuellement en mer et 4 600 marins sont déployés pour la protection des Français de métropole et de nos outre-mer, ainsi que de nos intérêts vitaux, auxquels s’ajoutent les sous-marins. En mer Rouge, se trouvent La Provence et un Atlantique 2 ; en Méditerranée orientale, la frégate multi-missions de défense aérienne (FREMM-DA) Lorraine et le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Mistral ; en Atlantique, la frégate Aquitaine et un Atlantique 2 ; en Atlantique Sud, le Dixmude avec le Commandant Ducuing ; en Baltique, le chasseur de mines tripartite (CMT) Sagittaire. Nous avons des commandos marine déployés en opération, et sous l’eau, un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) patrouille en permanence pour la dissuasion nucléaire. Une quarantaine de bateaux sont donc en permanence à la mer.

Il y a un an, nous évoquions l’accélération du désordre, la volatilité du contexte et le durcissement des menaces. Depuis le 7 octobre, l’accumulation de crises très violentes montre qu’on est passé d’une observation du désordre à une vie dans le désordre. Nous n’observons plus le développement des conflits, nous sommes dans la crise. En mer Rouge les bâtiments font quotidiennement face à la menace. Et pendant que ce désordre se cristallise en crises, nous devons poursuivre toutes les missions permanentes. Pour le dire autrement, « pendant les travaux, la vente continue ». La vente, c’est l’ensemble des missions permanentes et les travaux, ce sont les chocs auxquels la Marine fait face.

La crise au Proche et Moyen-Orient qui concentre l’attention de l’opinion internationale, se traduit directement pour la Marine par l’opération Aspides destinée à la protection de nos intérêts économiques et de nos bâtiments de commerce en mer Rouge, ainsi que par le déploiement au large du Liban. Quel chemin parcouru par la Marine depuis un an ! En décembre 2023, nous abattions les premiers drones houthis qui attaquaient les navires ; en mars, un de nos hélicoptères Panther abattait en vol un drone à l’aide de sa mitrailleuse de sabord. Puis, des missiles balistiques dirigés vers des bâtiments de commerce étaient interceptés par nos frégates de défense aérienne et des FREMM DA. Enfin, en août, une frégate abattait un drone de surface.

Cela montre l’évolution et de la menace et du panorama. Il ne s’agit plus uniquement de petits drones aériens, mais aussi de missiles balistiques, de missiles antinavires et de drones de surface. Très peu de marines sont capables de répondre à l’ensemble de ces menaces. Très peu sont capables d’intercepter un missile, le délai de réaction entre la première détection et l’ordre étant réduit à quelques secondes. Cela nécessite un entraînement de très haut niveau de nos équipages et une très grande adaptabilité. De même qu’en Ukraine, les Ukrainiens s’adaptent en permanence à la menace russe, de même nous nous adaptons en permanence à la menace houthie. Nous apprenons tous les jours comment renforcer notre préparation opérationnelle et les capacités technologiques embarquées. Nous réalisons des exercices et, dès que nous trouvons un système efficace, nous l’embarquons sur nos bateaux. Pour disposer de moyens de réponse immédiate, nous prenons parfois le risque de recourir à des systèmes qui ne sont pas encore qualifiés.

En Méditerranée orientale, un bâtiment est déployé en précaution. Un porte-hélicoptères amphibie, accompagné de son escorte permettrait de réduire le délai de réactivité si la situation venait à se dégrader. Nous sommes présents en permanence dans cette zone depuis de nombreuses années. Une frégate observe et communique les évolutions constatées au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), à Paris, donc au chef d’état-major des armées et à l‘autorité politique, de façon à apprécier une dégradation et les signaux faibles qui pourraient affecter la sécurité régionale.

On approche des mille jours de guerre en Ukraine. L’Atlantique est un lieu de compétition et de friction potentielle pour la Marine. Nous voyons régulièrement des bâtiments russes passer au large de nos eaux, en Manche, en mer du Nord et en Atlantique. Chaque fois, nous déployons un bâtiment pour l’escorter et lui montrer que nous le surveillons. Nous surveillons également la présence de sous-marins russes en Atlantique. C’est la lutte anti-sous-marine de théâtre réalisée avec nos alliés, de façon à mesurer leur taux d’activité.

Nous sommes également très investis dans les missions de réassurance de l’Otan, auxquelles nous participons en mer Baltique, en mer Méditerranée et en Atlantique.

Tout cela se cumule avec nos opérations nationales, notamment la protection de nos intérêts vitaux par le déploiement permanent à la mer d’un SNLE. Presque 80 % de la marine contribue un jour ou l’autre à la posture de dissuasion, qu’il s’agisse de nos vedettes de gendarmerie maritime, des commandos marine, des fusiliers marins pour protéger la rade, des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) qui protègent les SNLE ou des moyens de la guerre des mines pour vérifier les chenaux.

Sur le territoire national, nous accomplissons de nombreuses missions quotidiennes de protection de nos approches. En outre, cette année, pour les JO, nous avons assuré la venue de la flamme et la protection des événements nautiques à Marseille et, à Papeete, la protection de l’épreuve de surf.

L’action de l’État en mer pour la protection de l’ensemble de nos concitoyens nous engage au quotidien.

Face à la crise des migrations, nous assurons de missions de sauvegarde de la vie humaine dans la Manche et la mer du Nord. Je vous citerai le compte rendu que m’a fait le 15 octobre le commandant du Flamant, un patrouilleur de service public (PSP), embarquant un équipage de vingt-trois personnes : « Amiral, je me permets de vous écrire pour témoigner du savoir-faire de nos marins. Au plus fort de l’action, le 15 octobre, une embarcation en noria avec la vedette de gendarmerie allait de l’embarcation en naufrage à mon bateau. Sur la plage arrière, des matelots se relayaient pour faire des massages cardiaques sur trois victimes. Plage avant, un treuillage de plongeur de bord depuis l’hélicoptère venu de la terre évacuait des personnes en situation critique. À l’arrière de la passerelle, soixante-cinq naufragés recevaient couvertures, eau, nourriture, notre équipage s’attachant à préserver le calme. À l’infirmerie, se trouvaient un enfant et des blessés légers dont certains sous oxygène. En passerelle, on assurait la coordination des secours, en lien avec le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Manche-mer du Nord ». Vingt-trois marins, pleinement engagés et assistés par les autres administrations de l’État, ont réalisé un travail remarquable en ont sauvé soixante-cinq.

L’action de l’État en mer s’exerce aussi dans le cadre de la prévention de la pollution. Nous avons suivi récemment des bateaux transportant des matières toxiques. Avec nos partenaires des autres pays, nous essayons de sécuriser cette activité.

Cette année, la lutte contre le narcotrafic a permis à la Marine nationale d’intercepter 43 tonnes de drogue. Ce volume colossal montre que nous avons développé avec succès des modes d’action pour intercepter de plus en plus de drogue. Le trafic augmente, mais notre action est plus efficace. Lors de son audition, un trafiquant intercepté au large de la Guyane déclarait : « L’équipage du Ventôse, c’est « El diablo », nous n’avons pas vu venir la Marine nationale, elle nous a interceptés et nous n’avons rien pu faire ». Cela montre que nous ne sommes au niveau et que nous leur faisons peur.

À Mayotte, nous participons à la lutte contre l’immigration illégale et à la police des pêches. En Afrique de l’Ouest, dans le cadre de la mission Corymbe, nous formons certains de nos partenaires africains, dans le cadre du stage SIREN qui fonctionne remarquablement bien. En ce moment même, sur le Dixmude, trente-trois officiers de marines africaines viennent partager leur expérience et progresser ensemble.

La grande force de la marine, c’est notre agilité et notre capacité à intervenir partout et à porter l’effort en fonction du besoin sur les différents théâtres.

Toutefois, ces conflits ont des effets sur le trafic commercial en mer. Ils entraînent une augmentation de 60 % de la navigation par le cap de Bonne Espérance et, par conséquent, une augmentation du rythme de passage au large de La Réunion. Un aménagement de la réglementation est en cours pour empêcher que les bateaux ne passent trop près de l’île. Car les marins aiment être proches de la côte pour capter les réseaux téléphoniques et se reconnecter avec la terre. De surcroît, l’augmentation de 60 % du trafic par le cap de Bonne Espérance, se traduit par une hausse de plus de 15 % des émissions de gaz à effet de serre par les bateaux, car cela impose dix jours de plus de transit vers l’Europe.

Les conflits en mer entraînent le développement de la guerre hybride dont nous voyons les effets en mer de Chine méridionale. Les vidéos des interceptions des bateaux Philippins par des bateaux chinois montrent des actions d’une grande violence.

Nous avons vu aussi, sur les fonds marins, des attaques d’infrastructures critiques.

Pour mes partenaires des îles du Pacifique Sud avec qui j’entretiens régulièrement des relations, la crise environnementale a des effets critiques. Nous devons les aider lorsque survient un désastre climatique avec des conséquences humanitaires.

Tiraillé entre un très grand nombre de missions, je suis obligé d’optimiser au maximum les moyens afin de faire porter l’effort là où on l’estime nécessaire et urgent et d’essayer de partager le fardeau avec d’autres, notamment nos partenaires européens, comme nous le faisons en mer Rouge, au large de la Libye et ailleurs. Il faut se coordonner pour garantir une efficacité opérationnelle, sachant, bien entendu, que j’assume pleinement la charge des missions pleinement souveraines.

J’ai développé le plan stratégique « Marins de combats » dont un journaliste a repris quelques punchlines. Je vise l’agilité au filet, la puissance et la mobilité en fond de court. Je recherche l’agilité du temps court et la détermination du temps long.

Le temps court, parce qu’il faut avoir sur les bateaux des athlètes de très haut niveau, c’est-à-dire des marins très bien préparés pour partir en mission en mer Rouge. Ils doivent être capables d’intercepter un missile balistique, ce qui requiert un entraînement de très haut niveau, car on ne sait ni quand cela va avoir lieu ni quand il faudra délivrer l’effet. Il faut des marins non seulement entraînés, mais aussi des navires dotés de capacités offensives et défensives, qu’on fait évoluer en boucle très courte.

Nous testons la capacité à embarquer un nouveau système au moyen des entraînements Wildfire réalisés à Toulon. Nous demandons aux industriels de venir sur nos bateaux avec tout ce qu’ils ont sur étagère et on les confronte aux menaces de type « mer Rouge » et « mer Noire » afin de repérer les systèmes efficaces : des drones de surface et des drones aériens attaquant en essaim nos bateaux. Nous achetons ceux qui fonctionnent, pour les embarquer. Nous l’avons fait deux fois d’affilée. Nous réalisons cet exercice tous les six mois en fonction de l’évolution de la menace. Lors d’un récent exercice, il y a trois semaines, un système a été testé à Toulon sur La Lorraine, et l’industriel nous l’a laissé pour le tester en opérations. C’est une prise de risque, c’est ma responsabilité, parce que le processus de qualification n’est pas entièrement suivi, mais nous souhaitons le faire avec la direction générale de l’armement (DGA) et avec le chef d’état-major des armées (CEMA), pour accélérer l’innovation et permettre la mise à disposition de systèmes efficaces à nos unités.

Nous devons aussi rehausser la préparation au combat. Le dernier Atlantique 2 vient d’être qualifié opérationnel. L’équipage, parti directement en pistage d’un sous-marin russe en Atlantique a fait merveille, ce qui montre que notre préparation est au bon niveau.

Nous avons développé des laboratoires d’innovation dans toutes nos forces organiques. Le laboratoire des fusiliers marins et commandos (LABFUSCO) tient la corde et réalise, grâce à une énergie et une volonté remarquables, des développements incroyables.

Pour libérer cette énergie, nous venons de créer le Dronathlon. En complément de l’exercice Wildfire, destiné à tester nos bateaux face à la menace drone, il s’agit ici d’analyser tout ce qu’on peut tirer des drones. Nous avons réuni une quarantaine d’entreprises sur la presqu’île de Saint-Mandrier auxquelles nous avons demandé de nous présenter toutes leurs innovations afin de les tester dans des scénarios opérationnels. Cela permet de repérer plus rapidement les briques technologiques que l’on peut faire monter en compétence et celles qu’on peut embarquer demain sur nos bateaux.

Dans le temps long, en tant que chef d’état-major de la Marine, je suis responsable de garantir et maintenir les savoir-faire. Quand nous recevons de nouveaux sous-marins comme les Barracuda, nous devons maintenir les anciens en service. Il nous revient de transférer le savoir-faire de l’ancienne à la nouvelle génération. Or s’agissant d’une marine de « temps long », la Marine présente des biseaux capacitaires dans toutes ses composantes. Celui des sous-marins, en cours, se passe bien, celui des patrouilleurs outre-mer se passe également très bien. Nous remontons la pente après une rupture de capacité. Celui des bâtiments ravitailleurs de forces est également en cours. Celui de la guerre des mines sera difficile, car « droniser » entièrement la capacité sera une révolution. Il faudra aussi le réaliser pour l’arrivée des avions de surveillance maritime et pour le porte-avions de nouvelle génération, évoqué récemment par le ministre dans une allocution récente.

Le renforcement du lien à la nation est un sujet essentiel. La Marine organise quatre-vingt-quinze préparations militaires réparties sur le territoire. L’année dernière, j’étais allé à Annecy où nous avons six préparations militaires Marine. J’ai rencontré des jeunes pleinement engagés, qui avaient vraiment envie de donner de leur temps à la Marine. Les préparations militaires Marine représentent chaque année plus de 15 % de mon recrutement, et elles sont essentielles.

J’ai parlé des partenariats avec mes homologues partout dans le monde. Il est indispensable de les renforcer afin de partager le fardeau. Je ne peux pas tout faire tout seul, il faut des partenaires de confiance, qui apportent une autre vision des crises et des accès aux théâtres de crise.

Comment conserver la supériorité opérationnelle dans le futur ? Elle n’est pas seulement technologique, même si nous avons créé une « start-up » pour développer l’IA dans la Marine, comme on en fait dans les autres armées, elle nécessite aussi de s’interroger sur nos jeunes en 2050. Comment sera alors la société ? Quels facteurs démographiques devons-nous prendre en compte pour continuer à recruter ? Quels seront les nouveaux métiers à bord des bâtiments et unités ? Y aura-t-il des data scientists ? Comment créer des filières d’expertise ? L’anticipation des changements sociétaux est un sujet sur lequel nous travaillons activement avec des spécialistes.

La gestion des ressources humaines est au cœur du métier du chef d’état-major. La dynamique est bonne, nous parvenons à assurer le recrutement. Je recrute un peu moins de 4 000 personnes chaque année, même dans les métiers difficiles. De plus, les mesures de fidélisation décidées l’an dernier commencent à porter leurs fruits. Nous constatons un moindre départ de nos marins. Il faut ensuite valoriser les compétences de chacun et donner du sens pour que les gens restent. C’est un effort quotidien.

La marine a un bon moral, soutenu par un bon état d’esprit d’équipage et par de belles missions. En revanche, comme d’autres armées, nous avons fait face à la vague #MeToo. Des évènements ont montré l’existence dans la Marine de faits inacceptables et la nécessité de renforcer nos plans d’actions, ce qui a été fait sous l’impulsion du ministre. Nous avons renforcé nos actions afin de libérer la parole des victimes, de mieux les accompagner et de sanctionner les auteurs. Nous avons développé la transparence et la prévention afin de renforcer le « savoir-vivre ensemble » dans nos unités, où l’on fait face à une grande promiscuité, en étant parfois déployés plus de quatre mois en mer. La féminisation enregistre de grands succès dans la marine où elle atteint 16 %. Dix-sept commandants d’unité sont des femmes, dont neuf sur des unités de combat.

Nous adoptons un modèle de formation agile. Nous nous adressons à toutes les catégories de population. Nous embauchons des mousses, à la fin de la troisième, donc des non majeurs âgés de 16 à 17 ans, que nous accompagnons. À Saint-Mandrier, nous allons recréer l’école des apprentis dans les métiers du numérique et de l’électricité qui font face à un manque. Nous allons rouvrir des classes de première professionnelle et de bac professionnel à même d’accompagner des jeunes jusqu’à l’embauche dans la Marine. La préparation au BTS Nucléaire à Cherbourg rencontre un grand succès : après avoir ouvert trente places cette année, nous en ouvrirons quarante-cinq l’année prochaine. C’est une très belle filière.

Nous faisons tout cela pour être au rendez-vous des biseaux capacitaires. Pour réussir le biseau entre les deux porte-avions, entre les SNLE de la classe Le Triomphant et les SNLE 3G, nous allons devoir créer des compétences supplémentaires. C’est pourquoi la Marine embauche aujourd’hui les marins titulaires du BTS NUC. Cela fait partie d’un plan stratégique « du temps long » dont je ne connaîtrai pas les effets, mais que verront nos successeurs, puisque tout cela arrivera dans les années 2040.

La marine entend se saisir de tous les leviers capables de répondre aux défis qui nous sont lancés, tel que celui de l’écartèlement des missions, et pour anticiper les défis de demain. Nous apportons des solutions pour le chef d’état-major des armées et pour le Président de la République. J’ai fixé pour ambition à la Marine d’être forte de ses savoir-faire, rassembleuse de ses partenaires et redoutée par ses adversaires.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Amiral, l’année écoulée a été riche en engagements pour notre Marine nationale : sous les mers, avec des contacts quotidiens avec les sous-marins russes ; en surface, avec les affrontements en mer Rouge. En tant que député du Var, territoire ou l’empreinte de la Marine nationale est considérable, j’ai conscience de son statut particulier qui tient autant de la qualité de nos équipages et de nos navires que dans la perception de nos adversaires, laquelle doit d’ailleurs être adaptée aux nouvelles menaces et champs de conflictualité.

À l’approche de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, le nombre de bâtiments de premier rang a son importance. Cela conduit à nous pencher sur le cas des frégates légères furtives (FLF). La rénovation de trois d’entre elles nous laisse avec seulement trois bâtiments voués à une obsolescence programmée. Quelle doit être l’évolution du domaine d’emploi des deux dernières frégates légères furtive et comment cela se traduit-il dans le PLF ? Pourront-elles intégrer pleinement le plan programmatique de la force d’action navale et compenser le retrait des derniers patrouilleurs de haute-mer (PHM) dans l’attente de l’exécution complète du programme de patrouilleurs hauturiers ?

Le PLF pour 2025 permet-il de disposer de munitions suffisantes les frégates de défense et d’intervention ? Quels sont les bénéfices à l’export des ventes des frégates en 2024 et leurs effets attendus sur le budget 2025 pour la Marine ?

Enfin, merci, Amiral, d’avoir cité à plusieurs reprises la base de Saint-Mandrier, qui me tient à cœur.

Amiral Nicolas Vaujour. Historiquement, nous avons rénové les FLF quand nous avons défini, dans la précédente LPM, le format des frégates à quinze : les huit FREMM, les deux frégates de défense aérienne (FDA) et cinq frégates de défense et intervention (FDI). C’est ce que nous visons pour 2032. Pour faire le biseau qui importait beaucoup au chef d’état-major de la Marine, à l’époque, on avait prévu la rénovation de trois FLF, afin de garantir, à la fin de livraison des FREMM, l’attente des FDI. Se posait alors la question des deux dernières FLF. À l’époque, on nous avait suggéré de les vendre mais nous nous y étions opposés car nous en avions besoin pour la trame des patrouilleurs hauturiers, confrontée au même problème de biseau capacitaire. Ce sont nos avisos vénérables, devenus anciens – Le Premier Maître L’Her, 44 ans Le Commandant Bouan, 41 ans. Les patrouilleurs hauturiers n’arriveront qu’à partir de 2027.

Pour assurer la transition avec les avisos que l’on va désarmer, pour des raisons de sécurité, j’ai besoin d’un moyen. Deux frégates non rénovées vont passer au niveau « patrouilleur ». Avec L’Arago, Le Malin, et un patrouilleur de gendarmerie, l’ensemble palliera la rupture capacitaire. Ce n’est pas parce qu’elles ne sont pas rénovées que nous ne sommes pas capables d’y mettre un système en plus. On n’y a pas mis les équipements installés dans les FLF rénovées. J’aurais préféré en rénover cinq, mais choisir c’est renoncer et nous avons retenu cette option.

Concernant les munitions, grâce à la LPM et au PLF, nous avons fait un effort important. Pour la période comprise entre 2025 et 2035, 180 missiles Aster ont été commandés, plus un package intégré dans le cadre de la LPM. Nous recevons de nombreux missiles Mistral. Nous attendons la livraison de missiles mer-mer 40 rénovés et des torpilles de combat F21 sont en cours de livraison.

Mais vous avez raison sur un point. Dans une logique de stock, nous achetions des missiles que nous stockions en soute et dont ils ne sortaient que pour rénovation. Mais comme nous en utilisons en mer Rouge et qu’il est douteux que les tensions s’apaisent rapidement, nous sommes passés d’une logique de stock à une logique de flux.

Je ne vous cache ma grande satisfaction d’avoir vu la FDI Amiral Ronarc’h appareiller de Lorient, la semaine dernière. Les premiers résultats sont bons. Nous le réceptionnerons officiellement l’été prochain. Dans la LPM, il est prévu de doter ces bâtiments en munitions suffisantes. Ils ne seront pas surarmés et nous avons gardé une capacité d’évolution supplémentaire.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées sur les crédits de la Marine nationale. Amiral, les aspects opérationnels étant liés aux aspects budgétaires, je rappellerai que, les sept dernières années, la LPM a été exécutée à l’euro près. Si on avait réalisé correctement les LPM antérieures, nous n’aurions pas de trous capacitaires.

En 2008, il était question d’avoir vingt-trois frégates de haut rang. Après le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, ce nombre a été réduit à dix-huit. On en a commandé dix-sept, puis onze, puis huit. Le format actuel est de quinze frégates de premier rang. Le contexte international et les missions habituelles de la Marine montrent qu’on est un peu juste. Or lorsqu’il était chef d’état-major de la Marine, l’amiral Prazuck rappelait l’objectif d’au moins dix-huit. Qu’en est-il de cet objectif : est-il quinze, dix-huit, voire plus, en imaginant que nous n’ayons aucune contrainte budgétaire ?

Le NH90 est un hélicoptère remarquable dans la lutte anti-sous-marine. Tout le monde en est satisfait, sauf que nous rencontrons des difficultés de MCO. Observez-vous une amélioration du côté des industriels dans ce domaine ?

Amiral Nicolas Vaujour. Dans la Marine, on est héritier et bâtisseur. On hérite d’une situation et il faut faire avec ce qu’on a. De fait, on est passé de vingt-trois à quinze frégates de premier rang, au fil des LPM successives et des dividendes de la paix. Je ne reviens pas sur les quinze frégates prévues dans la LPM. Quand bien même nous en commanderions aujourd’hui, elles ne seraient pas livrées avant très longtemps.

Nous avons développé deux axes d’action.

Le premier vise optimiser notre MCO. La disponibilité se mesure en parc ou en ligne. Pour les bâtiments, elle n’est qu’en parc. Sur quinze frégates, combien sont disponibles ? Nous avons fait un effort colossal pour le MCO. Nous avons poussé les industriels à s’améliorer, nous les avons mis en concurrence afin de réduire nos coûts de MCO et augmenter la disponibilité de nos bâtiments. Cet effort de nombreuses années porte ses fruits. La Marine peut être fière d’obtenir 75 à 80 % de disponibilité des frégates en parc. C’est un niveau très difficile à obtenir. Chaque bâtiment est employé au maximum des possibilités de MCO, avec nos industriels.

Le second axe, c’est de faire plus de jours de mer. Pour ce faire, outre le MCO, il y a les hommes. Nous avons donc mis en place les bâtiments à double équipage. Cela a permis d’augmenter les jours de mer et, avec les quinze frégates, nous sommes capables de faire un peu plus de jours de mer.

Ces deux axes ont permis de maintenir l’effort sur l’ensemble des théâtres d’opérations. C’est difficile et fragile. Mes camarades britanniques affichent un taux de disponibilité faible pour les frégates de défense aérienne et pour les frégates ASM. La Marine a plus de disponibilité, alors qu’ils ont plus de frégates, ce qui montre bien la difficulté à agir sur l’ensemble des leviers. Le service de soutien de la flotte (SSF) a montré que cela pouvait mieux fonctionner dans le cadre de contrats verticalisés dès lors qu’on mettait des industriels en concurrence. J’ai conscience que la Marine ne pourrait pas aller jusqu’à 90 % de disponibilité des frégates, car ce serait bien trop coûteux. J’ai conscience des contraintes budgétaires de la Nation et que l’effort consenti dans le PLF pour 2025 est déjà remarquable et, à juste titre, remarqué.

De fait, le MCO du NH90 est un sujet. Nous le traitons avec Airbus, animés de la volonté farouche d’améliorer le système, mais force est de constater qu’on n’est pas encore aux résultats attendus. La flotte intérimaire de H160 devait libérer les NH90 des missions de sauvetage en Manche et mer du Nord et à Toulon. Ce sont très beaux hélicoptères mais nous n’avons pas retrouvé le niveau de disponibilité attendu des NH90. L’effort doit être poursuivi. Des plans d’action industriels doivent apporter une amélioration, mais cela fait partie des difficultés du MCO. Si je suis entièrement satisfait du niveau disponibilité des frégates et les Rafale, ce n’est pas le cas pour les NH90. Nous travaillons activement sur le sujet avec le CEO d’Airbus.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Amiral, puisque l’opération Aspides coûte cher, nos adversaires ont intérêt à faire monter les coûts. Lors de la visite de l’opération Agénor, j’ai trouvé que le partage du fardeau était très relatif et il doit en être de même de la configuration de l’opération Aspides. En réalité, les principaux bénéficiaires sont moins les Français que de grands commerçants du nord de l’Europe. Participent-ils à due concurrence ?

Comment vont évoluer les équivalents temps plein du centre de traitement des données à Toulon, que j’ai pu aussi visiter ? Il y avait des besoins. Tient-on le calendrier de la maîtrise des fonds marins du point de vue de l’embauche du personnel ? Pourriez-vous fournir des précisions sur le calendrier de livraison du système de drones aériens pour la Marine (SDAM) ?

Enfin, 26 milliards d’euros d’ouverture de crédit d’autorisation d’engagement sont prévus pour la dissuasion, représentant quatorze pages dans le programme 178 « Préparation et emploi des forces », soit un quart du total des autorisations d’engagement, notamment pour l’achat de super calculateurs. Le marché est-il déjà passé ?

Amiral Nicolas Vaujour. Concernant la soutenabilité du programme Aspides, nous agissons sur plusieurs axes. Vous l’avez dit, c’est coûteux. Quand on tire un missile Aster sur un missile balistique, on dépense beaucoup. L’objectif est d’être le plus efficace possible en termes opérationnels, de n’utiliser l’Aster que lorsqu’on en a vraiment besoin, d’utiliser le canon quand on peut intercepteur au canon et d’utiliser des brouilleurs quand c’est possible. Nous recherchons la meilleure efficacité opérationnelle dans l’ensemble des domaines : missiles, canons et brouilleurs. C’est bien dans ces trois catégories qu’on essaie de trouver des pépites pour améliorer le coût de chaque tir. Nous y parvenons bien. Sur certaines frégates, grâce à de petites innovations, nous avons amélioré les conduites de tir afin d’engager beaucoup plus loin et d’éviter d’utiliser un missile quand on peut employer le canon.

Concernant le partage de fardeau, il ne vous a pas échappé que l’opération Aspides étant commandée par la marine grecque, laquelle fournit l’effort majeur en termes d’état-major et de ressources humaines. Le CEMA vous a indiqué que nous avions privilégié les partenaires européens, dans un souci de partage efficace. Nous sommes présents en permanence dans cette zone, les Italiens et les Grecs aussi. D’autres pays européens rejoignent régulièrement l’opération. Nous avons déplacé le curseur de l’opération Agénor. Il est vrai que nous portions une bonne part du fardeau. Nous l’avons mise en sommeil, l’été dernier, pour reporter l’effort sur cette nouvelle zone.

S’agissant des grandes entreprises mondiales de commerce maritime par containers du monde qui passent encore en mer Rouge, la société CMA CGM par exemple, ou d’autres encore, directement liées aux intérêts français, peuvent bénéficier d’une escorte par des unités françaises pour les aider à franchir le détroit de Bab-el-Mandeb.

Pour la maîtrise des fonds marins, nous avons très récemment commandé un robot téléopéré (ROV), drone qui doit nous permettre d’aller jusqu’à six mille mètres. Quand Mme Florence Parly nous avait demandé de retrouver La Minerve, nous nous étions rendu compte que l’évolution technologique permettait d’aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite. Après avoir loué des ROV pour apprendre, nous en avons commandé pour en disposer en autonomie. L’objectif est d’être capable à la fois de détecter ce qui se passe sous l’eau et d’intervenir en cas d’incident volontaire ou involontaire. Cela nécessite des liens inter-agences, inter-administrations ministérielles et avec le monde civil. Nos grands entrepreneurs des fonds marins, Orange, Alcatel et autres, ont de grandes connaissances et le partage d’information nous aide à comprendre, tandis que nous pouvons leur fournir des informations. Si un grand compétiteur reste un peu trop longtemps dans une zone où il y a des câbles, grâce au ROV – 6 000 m, nous serons capables de surveiller ou de demander à une agence si elle a perçu quelque chose. Nous progressons à travers les missions Calliope. Nous opérons immédiatement des vérifications sous l’eau.

La Marine fait preuve d’une grande dynamique en matière de drones. On dit parfois que nous n’avons pas de drones, alors qu’il y en a partout. Les patrouilleurs outre-mer et les patrouilleurs hauturiers ont des drones SMDM ; les porte-hélicoptères amphibies ont des drones S100 Schiebel. Nous avons des drones sous-marins ou de surface pour toute la guerre des mines. Nous utilisons des drones en Manche-mer du Nord pour la sauvegarde de la vie humaine. Dans cette perspective, nous avons formé beaucoup de marins. Nous avons même des drones SMDM dans les sémaphores, pour aller surveiller les approches maritimes.

Nous élaborons avec la DGA et Airbus le SDAM, doté d’un système extraordinaire qui est l’appontage automatique. Mais il ne sera pas disponible avant longtemps. J’ai dit au chef d’état-major des armées et au ministre que ce devrait être un bon drone dans le futur mais que la Marine avait aussi besoin de drones tout de suite. L’appontage automatique est une technique vers laquelle s’orientent les Américains pour leurs avions de chasse et sur laquelle Dassault travaille. Je suis particulièrement intéressé car cela réduira le temps de formation. Or tout temps de formation gagné, permet plus de jours de mer.

Les 26 milliards d’euros de la dissuasion s’inscrivent dans un renouvellement capacitaire et dans la fabrication des futurs sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE 3G) destinés à remplacer les sous-marins de la classe Le Triomphant. Ce sont des investissements de temps très long.

Mme Anna Pic (SOC). Amiral, dans un contexte de dégradation significative de nos finances publiques, alors que dans le PLF pour 2025, des efforts importants sont demandés à la quasi-intégralité des postes de dépenses de l’État, la mission Défense est un des rares secteurs épargnés. Son budget est conforme aux engagements votés dans le cadre de la dernière loi de programmation militaire.

Si nous accueillons ce choix avec un regard bienveillant, la réalité stratégique dans laquelle le Parlement a voté cette LPM, il y a plus d’un an, n’est plus celle d’aujourd’hui. L’accélération et l’intensité des conflits dans plusieurs zones ont créé les chocs que vous avez évoqués. Cet état de fait impose de se demander si les crédits votés seront suffisants pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Dans le domaine capacitaire, faut-il réorienter nos priorités pour répondre à des crises qui n’étaient alors qu’envisagées ?

Lors de son audition par notre commission, le ministre de la défense déclarait que l’année 2025 serait celle de la passation de commandes du porte-avions de nouvelle génération. Quelle part lui sera allouée sur l’ensemble des crédits alloués à la Marine nationale ?

À la lecture du bleu budgétaire, malgré la hausse générale, nous constatons deux baisses de crédits, celle de l’autorisation d’engagement concernant la sous-action n° 03.05 sur les ressources humaines des forces navales et des crédits de paiement concernant l’environnement opérationnel des forces navales dans la sous-action n° 03.08. Quelles sont les conséquences concrètes de ces baisses de dépense ?

Amiral Nicolas Vaujour. Je ne saurais répondre avec précision à la question sur la sous-action relative aux ressources humaines, mais je crois pouvoir vous dire qu’agissant en lien très direct avec la DRH-MD, les engagements et les ressources financières permettent d’embaucher à hauteur des besoins. L’agilité du T2 me permet d’embaucher des réservistes. Le dialogue franc et clair avec la DRH-MD permet d’ajuster nos copies dans de bonnes conditions.

Le fait que le Gouvernement et le Parlement envisagent un budget conforme pour les armées nous impose et impose à nous, chefs militaires, une exigence renforcée sur la bonne consommation des crédits qui nous sont alloués. Je le répète, dans le contexte opérationnel je ne fais pas de dépenses inutiles.

Le ministre a annoncé le lancement du porte-avions de nouvelle génération fin 2025. Son devis et son coût relèvent de la DGA, en discussion avec les trois grands industriels concernés : Naval Group, les Chantiers de l’Atlantique, qui construiront la coque, et TechnicAtome qui fabrique les chaudières nucléaires de propulsion. Ce devis doit faire l’objet de travaux itératifs pour aboutir, fin 2025, à un coût que je suis incapable d’indiquer. DGA, Naval Group et l’ensemble des industriels responsables travaillent d’arrache-pied pour rendre la copie soutenable et conforme à la prévision de la LPM.

Je confirme le besoin opérationnel de cet objet. J’ai parlé de l’agilité au filet et de la puissance en fond de court. Dans la guerre en Ukraine, les trois dernières années, l’agilité au filet, c’était l’utilisation massive de drones qui a permis de contenir les Russes, une agilité que la Marine développe au quotidien en mer Rouge. Mais nous avons aussi besoin de la puissance de fond de court qui apporte la résilience. La profondeur stratégique de la Russie, c’est son territoire, ce qui lui donne sa résilience et la capacité à produire des effets lointains et en permanence. Dans la Marine, la profondeur de fond de court c’est bien le porte-avions qui la procure, ainsi que la puissance qui use l’adversaire et permet d’agir. La supériorité opérationnelle est offerte par l’arme aérienne venant d’un porte-avions. Or nombre de pays se ferment ou refusent qu’on accoste chez eux. Un pays européen s’est vu interdire de faire escale dans un pays du Golfe, parce qu’il participait à la mission Aspides. La fermeture relative du monde est une réalité à laquelle nous faisons face. Le porte-avions offre de façon unique un accès mobile et puissant.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Le budget 2025 de nos armées doit atteindre 60 milliards d’euros, en hausse de près de 6 % pour la mission Défense, comme prévu dans la LPM. Compte tenu de la recrudescence des conflits et connaissant l’intérêt de la Marine nationale pour la défense de la France à l’étranger, notre budget prévoit-il des moyens supplémentaires pour renforcer la présence de la Marine dans les zones stratégiques tels que la mer Rouge, l’océan Indien ou le Pacifique ? Des partenariats internationaux sont-ils envisagés dans le cadre de la coopération militaire navale ? Si oui, avec quels pays et comment sont-ils financés ?

Amiral Nicolas Vaujour. Il est difficile de relier directement au budget ce que la Marine réalise en mer Rouge. Il y a des remboursements et le CEMA a dû vous parler du budget opérationnel de programme (BOP) pour les opérations extérieures.

En mer Rouge, nous avons une frégate et un Atlantique 2 en quasi permanence depuis décembre 203. Nous faisons de la protection des lignes maritimes civiles à Bab-el-Mandeb, mais nous luttons également contre les trafics qui alimentent les systèmes d’armes pour attaquer les bateaux de commerce. Nous avons renforcé les bâtiments déployés. Là où l’on envoyait des frégates comme des FLF ou des frégates de surveillance, nous envoyons des frégates de défense aérienne FDA et des FREMM, c’est-à-dire des bâtiments de premier rang.

En océan Indien, nous poursuivons la lutte contre les trafics illicites de drogue et de migrants au large de Mayotte, ou nous intervenons beaucoup. Nous essayons de partager la tâche avec certains partenaires car on ne peut pas être présents en permanence. Nous avions une frégate française intégrée au groupe du porte-avions italien Cavour, et, inversement, quand nous déploierons le porte-avions Charles-de-Gaulle, nous intégrerons une frégate italienne. On partage le fardeau.

Nous saluons l’arrivée des patrouilleurs Outre-mer (POM), beaucoup mieux que ceux du type P400. Ils vont plus loin, ont une plus grande autonomie, sont dotés d’un drone, de deux embarcations, contre une, etc. Nous avons renforcé la capacité des bateaux, chacun dans leur zone. Nous n’en avons pas beaucoup plus, mais les bateaux que nous avons ont une capacité opérationnelle bien supérieure. Grâce à son drone capable de s’éloigner de 40 milles nautiques de son bateau, le patrouilleur Outre-mer voit beaucoup plus loin et est donc bien plus efficace en opération.

Nous devons également réaliser en outremer le biseau des vénérables Falcon 200 Gardian par des Falcon 50, et puis par des Falcon 2000, les Albatros du programme AVSIMAR. Là aussi, nous allons renforcer notre présence outre-mer.

Dans le Pacifique, nous travaillons avec les alliés. J’ai eu de nombreuses discussions avec mes homologues italien et britannique, afin de mieux synchroniser nos déploiements pour que l’empreinte européenne au sens large dans l’Indopacifique soit la plus pertinente possible. À moins de vouloir faire une démonstration, il n’est pas toujours pertinent d’arriver tous en même temps. Pour exercer un effet à long terme, il vaut mieux se répartir les créneaux. Cela évite d’être en permanence dans la zone avec des moyens du haut du spectre tout en montrant notre volonté d’y être en permanence.

M. Damien Girard (EcoS). Amiral, lors d’une rencontre avec le commandement de la base aéronautique aéronavale de Lann-Bihoué, celui-ci a souligné le rôle central de l’aéronavale dans la lutte contre le narcotrafic. Vous obtenez de bons résultats. Pourtant, le nombre d’homicides et de tentatives d’homicides liés au trafic explose. La marine nationale envisage-t-elle de renforcer la lutte contre le narcotrafic ? Quels moyens supplémentaires seront alloués à cet effort ?

La Marine nationale est, par nature, un expert des océans et un observateur privilégié des changements climatiques et de l’évolution des écosystèmes. Vous êtes au cœur des enjeux environnementaux marins. Vous jouez un rôle central dans l’action de l’État en mer, dans la lutte contre les infractions comme les dégazages ou la surpêche. Comment la Marine nationale envisage-t-elle d’intensifier ses actions pour lutter contre les diverses formes de pollution, la surpêche ou pour protéger les zones marines sensibles ?

En 2009, le Grenelle de la mer, avait acté la création d’un inventaire des décharges sous-marines de munitions chimiques et de déchets nucléaires. Qu’en est-il de cet objectif ? Comment pouvez-vous traiter les pollutions liées à ces explosifs et munitions immergés ? Par exemple, au large de Groix, il existe une décharge sous-marine datant de la Seconde Guerre mondiale. Comment sont surveillés ces sites et les risques qu’ils impliquent pour la santé publique, notamment à proximité des parcs à coquillages ou de zones de baignade ? Disposez-vous des moyens nécessaires pour mener ces actions ?

Amiral Nicolas Vaujour. Dans la lutte contre le narcotrafic, le nombre d’interceptions est en augmentation, passant cette année à 43 tonnes, de même que le nombre de délits observés à terre. L’amiral Fagan, commandant du Coast Guard américain, m’a indiqué que le business model de la cocaïne dans le monde avait évolué. Il y a beaucoup moins de trafic de cocaïne aux États-Unis en raison du développement des drogues de synthèse, en sorte que la surproduction de cocaïne en Amérique du Sud s’est reportée vers l’Europe. Cela explique pour partie nos succès en opérations et la forte augmentation des volumes interceptés. Une récente opération qui nous a permis d’intercepter dix tonnes de cocaïne, représentant, à la revente, 500 millions d’euros, est révélatrice de la bascule du flux de drogue de l’Amérique du Sud vers l’Europe, laquelle explique l’augmentation des violences commises sur notre territoire.

Chaque bâtiment qui appareille doit être capable de faire une opération de narcotrafic. Ces opérations dépendent essentiellement du renseignement. Très bien mené en inter-agences, en France entre l’Office antistupéfiants (OFAST), la Marine et nos systèmes de renseignement, il permet d’identifier les vecteurs traversant l’Atlantique ou arrivant dans l’océan Indien. En cas de suspicion, l’OFAST nous appelle. Si un bâtiment est présent dans la zone, on y va. Il y a deux jours, j’étais en visite au Maroc. Le bâtiment qui devait faire escale au Maroc s’est détourné pour faire une interception en Atlantique. C’est grâce au renseignement que nous parvenons à bien identifier les flux et à en traiter une partie.

Cela dit, je reste pessimiste. Mon homologue colombien m’a dit que pour agir efficacement et faire en sorte que le trafic de cocaïne entre la Colombie et l’Europe ne soit plus rentable, il faudrait intercepter 80 % du trafic, contre 15 % aujourd’hui. Nous ne sommes pas prêts d’en avoir terminé. C’est un effort au quotidien. Cela ne veut pas dire qu’il faut faiblir, mais il faut continuer et faire beaucoup de prévention chez nous. Quand il n’y aura plus de consommateurs, il y aura moins de problèmes.

Concernant les enjeux climatiques, je vous renvoie à mon interview du Greenletter Club sur les enjeux climatiques vus de la Marine et sur notre action au quotidien. Nous sommes pleinement intégrés à l’environnement. Quand vous traversez une tempête avec onze mètres de creux, l’environnement prend tout son sens. Par définition, le marin est confronté aux phénomènes climatiques et il les observe. Un mètre d’eau de plus au Bangladesh, ce sont trente millions de déplacés. La perception de l’urgence climatique par mes homologues du Pacifique Sud ou bangladais est bien plus grave que la perception européenne. Or nous sommes en contact direct avec ces pays qui sont dans l’urgence climatique.

En matière d’environnement nous agissons dans plusieurs directions.

Nous contribuons à l’observation des phénomènes. Chaque jour, toutes les quatre heures, un marin fait la météo à bord et la reporte à Météo France. Nous sommes des capteurs de Météo France et de biodiversité. En Méditerranée, on connaît quasiment le nombre de thons rouges, ce qui permet une pêche responsable, mais ce n’est pas du tout le cas en océan Indien où il y a des zones dont on ne sait rien, faute de passage de bateaux et de capteurs. Nous avons proposé à la Sorbonne que des chercheurs embarquent sur nos bateaux pour faire des mesures de biodiversité là où nous opérons. Cela nous est facile : nous nous arrêtons une demi-heure pour faire un relevé de bioplancton. Cette petite contribution permet de mieux connaître ce qui se passe et de mieux décider.

En termes de maîtrise, notre système de lutte contre la pollution est jugé pertinent et efficace. Le Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (CEPPOL) et le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE) nous permettent de lutter contre les pollutions et d’analyser leurs conséquences. Grâce à ce système d’alerte quotidienne, il n’y a plus de catastrophes comme celle de l’Amoco Cadiz au large d’Ouessant. Des remorqueurs de haute mer affrétés par la Marine nationale ont des délais d’alerte à vingt minutes qui permettent de remorquer un bateau en avarie de machine pour éviter qu’il aille se crasher sur nos côtes. Cette organisation pertinente placée sous les ordres du préfet maritime est enviée par nombre de pays.

Nous agissons également pour les éoliennes en mer et les nouveaux parcs installés dans le cadre du programme Objectif 45 gigawatts de production électrique à l’horizon 2050. Pour un marin et un responsable de la sécurité en mer, ces grands parcs éoliens situés au-delà de nos eaux territoriales sont une richesse à protéger au même titre que les eaux territoriales. Une réglementation fixe une bande d’arrêt d’urgence de dix milles nautiques entre le rail des bateaux passant en Manche-mer du Nord et les parcs éoliens, afin de nous donner le temps de rattraper un bateau transportant des matières toxiques en avarie pour éviter qu’il ne s’échoue sur une éolienne. Il faut laisser de la place au développement éolien en mer et trouver le bon curseur pour répondre à ces enjeux.

Concernant la surpêche, il y a des zones dans le monde où l’on sait mesurer l’écosystème halieutique, notamment l’Atlantique Nord, où il est très surveillé par l’Union européenne. Nous y connaissons le stock de cabillauds et de morues ainsi que son évolution. Nous connaissons le nombre de coquilles Saint-Jacques dans la baie de Saint-Brieuc, moyennant quoi on y pratique une pêche responsable et celle qui vient d’ouvrir cette année s’annonce bonne. Nous connaissons le stock grâce à la réglementation et à la régulation surveillée par les administrations en mer, notamment les affaires maritimes.

Il y a de la surpêche en Guyane, où des pêcheurs illicites viennent pêcher dans nos eaux, et aussi dans l’océan Indien et dans l’Atlantique Sud. Je ne protège pas le monde entier. Je régule les pratiques dans les eaux de nos zones économiques exclusives (ZEE). C’est parfois très violent, notamment en Guyane où à défaut d’être des opérations de combat, nous faisons face à une très forte opposition. Ceux qui ont des licences peuvent pêcher dans nos eaux et ceux qui n’en ont pas ne le peuvent pas.

La réalité historique et connue des munitions sous-marines fait l’objet avec le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) de travaux d’analyse des stocks, de leur dangerosité et des modes d’action à entreprendre.

Mme Sabine Thillaye (Dem). Les métiers cyber et data jouent un rôle essentiel dans la marine nationale et plus largement dans les forces armées. Compte tenu de la numérisation croissante des systèmes navals de communications et d’opération, la protection contre les cyberattaques est devenue une priorité stratégique, de même que la lutte offensive. Les experts en cybersécurité assurent la résilience des systèmes d’information critiques tandis que les spécialistes en data exploitent les données massives. On peut donc dire que vous naviguez aussi dans un océan de data.

L’augmentation de la conflictualité est en partie liée à la démocratisation des évolutions technologiques. Grâce à la LPM, la France investit dans de nouvelles frégates multimissions, dans des frégates de défense et intervention ainsi que dans les drones sous-marins intégrant ces technologies afin de rester au niveau de nos compétiteurs.

Comment la marine nationale se prépare-t-elle à attirer et former des talents nécessaires pour répondre aux besoins croissants face à la concurrence entre le public et le privé et à la concurrence interarmées. Quelle est la part des spécialistes cyber dans la marine ? L’investissement le plus important, le porte-avions de nouvelle génération, sera un concentré de nouvelles technologies qui accueillera le système de combat aérien du futur (SCAF) ainsi que des drones qui révolutionneront le combat collaboratif. Comment vous préparez-vous à ces innovations, en particulier en matière de ressources humaines ?

Amiral Nicolas Vaujour. Depuis quelques années, nos bateaux ont franchi des marches numériques. Les premiers bateaux numériques étaient les frégates Horizon, suivies des FREMM. Nous avons franchi une autre marche avec les frégates de défense et d’intervention. Deux data centers embarqués dans L’Amiral Ronarc’h contiennent tous les logiciels nécessaires au fonctionnement du bateau.

Afin de gérer ces données, nous avons créé l’équivalent d’une start-up dans laquelle nous avons réuni des agents opérationnels et des data scientists. L’important, dans ce domaine, est d’avoir la « distance zéro » entre l’ingénieur et l’opérationnel, car il faut aller très vite et en boucle courte. En rapprochant des maîtres principaux et des data scientists, nous avons obtenu, en moins d’un an, des résultats extraordinaires qui nous permettent de définir de ce que nous voulons faire. De même que pour les bateaux, nous n’aurons pas plus de moyens mais nous les utiliserons au mieux. En plus du volet MCO et du double équipage, l’intelligence artificielle permet de mieux utiliser les radars, sonars et moteurs. Je ne remplacerai pas mon antenne radar, mais j’essaierai d’en tirer davantage qu’aujourd’hui. Après la « première pression à froid », nous voulons une deuxième pression pour tirer de nos données la substantifique moelle. Pour utiliser véritablement l’ensemble des données, nous avons embarqué des data hubs. À titre d’expérience, nous avons mis sur La Provence, un data hub pour absorber l’ensemble des données du navire et des data scientists pour les optimiser. Nous avons tiré très vite beaucoup de bénéfices de cette expérimentation.

Pour franchir la deuxième marche, je vais embarquer cinq data hubs sur trois bâtiments plus un avion Atlantique 2 et un sous-marin connectés entre eux. Vous avez raison de dire que c’est un sujet de spécialistes. Le maître principal canonnier sait coder en Python mais il n’est pas data scientist. J’ai donc demandé à nos industriels et à la nouvelle agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad), créée par le ministre, de mettre pour emploi des spécialistes dans la Marine. Nous les transformons en réservistes opérationnels pour les embarquer en opération afin de tester, faire évoluer et préfigurer le système de combat du futur porte-avions. Il ne s’agit pas uniquement de tirer la substantifique moelle des bâtiments mais aussi de renforcer la force navale et de révolutionner les systèmes de combat. Nous embarquons les grands industriels, par groupes de trois ou quatre et nous utilisons la réserve de la Marine.

Aura-t-on besoin de data scientists à bord demain ? Nous aurons sans doute besoin de marins capables de coder en Python sur les lacs de données créés à bord des unités. Ils n’auront pas besoin de tout faire mais ils pourront améliorer le système. Cela implique la création d’une filière. Nous allons créer des apprentis du numérique à Saint-Mandrier, l’année prochaine, dont certains deviendront peut-être des data scientists de la Marine. Aujourd’hui, dans ce domaine très volatil, nous embauchons dans le civil pour un, deux ou trois ans au maximum. Ces jeunes sont intéressés par le passage dans les armées, qui donnent à leur CV une coloration un peu différente. Pleinement embarquée dans le domaine de l’intelligence artificielle, la Marine avance assez vite.

Dans le domaine de la cyberdéfense, nous avons anticipé. Nos bateaux sont placés en permanence sous contrôle du centre de cyberdéfense de la Marine que nous avons créé. Des sondes informatiques installées à bord détectent tout mouvement anormal sur les réseaux et permettent de voir si l’on est attaqué. On s’entraîne en introduisant de faux virus, ce qui permet de voir si le centre réagit en temps et en heure et si l’équipage réagit correctement. Notre préparation opérationnelle comprend donc un important volet cyber.

Vous avez parlé des modes d’action offensifs. De fait, en travaillant sur le cyber et sur l’IA, on s’aperçoit qu’il existe des modes d’action potentiels sur lesquels nous travaillons aussi avec les organismes compétents.

M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Amiral, la sécurité des espaces maritimes est un enjeu pour les Outre-mer. Les menaces sont multiples, des passeurs de migrants clandestins aux pilleurs d’espèces marines protégées, en passant par les pollueurs, les trafiquants de stupéfiants, les pirates et les terroristes. La piraterie et le grand banditisme sur mer prennent de nouvelles formes et s’adaptent aux évolutions technologiques, notamment en matière d’armement. Si les risques sont majoritairement civils, les militaires sont les seuls à pouvoir à pouvoir réellement agir en haut mer et appuyer les activités régaliennes de surveillance et de sécurité des eaux territoriales et du littoral.

La LPM souligne l’importance de nos territoires ultramarins, puisque 13 milliards d’euros sont consacrés à la souveraineté outre-mer, grâce à la livraison de cinq patrouilleurs outre-mer et le recrutement de mille militaires. Quelles sont les livraisons attendues en 2025 ? En matière de ressources humaines, la marine a-t-elle une stratégie particulière de recrutement directement en outre-mer ? Enfin, des entraînements spécifiques ont-ils lieu dans ces territoires ?

Amiral Nicolas Vaujour. Nos Outre-mer sont importants. Les marins sont toujours heureux de partir Outre-mer. Je viens de me rendre à Mayotte et à La Réunion où la Marine participe activement à la protection de nos zones économiques exclusives. Chaque préfet de territoire ou président de pays attend beaucoup de nous pour protéger les ressources halieutiques et lutter contre les trafics. Nous ne sommes pas la seule administration. À Mayotte, la gendarmerie, la police de l’air et des frontières et la Marine agissent en étroite collaboration pour lutter contre l’arrivée de kwassa-kwassas depuis les Comores et, de façon générale, contre le trafic de migrants venant aussi d’Afrique continentale.

L’organisation particulière de l’action de l’État en mer s’applique aussi dans les Outremers. La marine assure la coordination et la maintenance des Zodiacs de la police et le système fonctionne bien.

Le recrutement évolue de façon significative outre-mer, où il représente 12 %, contre 7 %, il y a quatre ans. Cette augmentation de cinq points montre l’attachement de nos Français d’Outre-mer à la Marine nationale. Quand j’ai visité le patrouilleur Teriieroo a Teriierooiterai affecté à Tahiti, il y avait à bord quatre Tahitiens très fiers du nom du bateau et de faire la traversée de Brest à Papeete. Non seulement nous nous efforçons d’avoir plus de personnes dans nos Outre-mer en renforçant nos bases navales, en augmentant le nombre d’unités, donc de marins affectés, mais encore nous y recrutons davantage. Nous générons de vraies vocations sur place avec des emplois territoriaux. Quand j’étais à La Réunion, j’ai embarqué sur un remorqueur dont les deux patrons étaient Réunionnais.

Nous allons y développer les flottilles côtières, comme nous avons commencé de le faire en métropole, afin de développer le lien de la réserve de nos territoires outre-mer avec la Marine nationale. Nous avons ouvert cette année deux flottilles côtières à Bayonne et La Rochelle. Nous donnons à des réservistes un Zodiac et la capacité de patrouiller en mer au profit de l’État et nous voulons le faire outre-mer. À La Réunion, ils attendent avec impatience d’obtenir des Zodiac un peu plus tôt. La volonté est grande dans nos territoires d’aider à la protection de l’environnement et à lutter contre les trafics dans nos eaux.

Les nouveaux patrouilleurs arrivent outre-mer. Le Teriieroo a Teriierooiterai est à Papeete, l’Auguste Bénédig est à Nouméa. En 2025, on verra en arriver un à La Réunion et un deuxième à Nouméa en, et en 2026, un autre à Papeete et un dernier à La Réunion. Fin 2026, le remplacement de tous les patrouilleurs sera terminé, auquel s’ajoutera l’arrivée des avions de surveillance et d’intervention maritime (AVSIMAR). Le renouvellement complet de nos plots outre-mer répondra à ces enjeux. Autrefois on avait des frégates de surveillance, P400, Falcon Guardian et les bâtiments de transport léger (BATRAL) ; demain, nous aurons toujours les frégates de surveillance, avec une perspective de corvettes hauturières, des Falcon AVSIMAR 2000, deux patrouilleurs par Outre-mer et les bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) qui font le travail de labour et qui sont très utiles, notamment pour ravitailler l’eau à Mayotte.

M. Alexandre Dufosset (RN). Amiral, la défense maritime dans la zone Sud de l’océan Indien dont les ressources attirent les convoitises repose sur la base navale de la Pointe-des-Galet à La Réunion. Six navires y sont basés, dont trois seulement sont armés, deux frégates et un patrouilleur, Le Malin, un ancien bateau de pêche reconverti. La LPM puis le projet de loi de finances pour 2024 prévoyaient la construction de six patrouilleurs d’outre-mer supplémentaires, dont deux sont censés être déployés à La Réunion d’ici à 2025, en remplacement du Malin. Le premier devait être livré d’ici mi-2025, mais le second n’est pas encore sur cale. Pensez-vous que le renforcement de la composante interviendra avec l’ampleur financière initialement prévue et dans les délais annoncés ?

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Ma question concerne le porte-avions de nouvelle génération qui doit être opérationnel en 2038 et dont la conception doit démarrer en 2025. Au mois d’avril, le ministre s’est félicité de la commande notifiée par la DGA, relative à la propulsion nucléaire du futur bâtiment. Sa construction sera-t-elle réalisée dans le délai imparti eu égard aux dépenses à engager ? Par exemple, en 2025, un peu plus de 200 millions d’euros ont été prévus alors qu’il faudrait 680 millions d’euros pour atteindre l’objectif. Le ministre s’est réjoui du fait que la construction de notre futur porte-avions favorisera l’activité de nos entreprises et de leurs sous-traitants. Pourtant les futures catapultes électromagnétiques seront produites par les États-Unis. N’aurait-il pas été plus pertinent de les développer en interne ? Comment garantir le maintien de notre souveraineté, qui dépend étroitement de nos dépenses militaires alors que le projet de loi de finances austéritaire hypothèque une part non négligeable de notre croissance économique future et des recettes fiscales qui en résulteront ? Comment maintenir la dépense dans le temps ?

Amiral Nicolas Vaujour. À La Réunion, les patrouilleurs de haute-mer l’Auguste Techer doit arriver en 2025, et le Felix Éboué en 2026. Cela bouclera la copie réunionnaise et l’arrivée de l’ensemble des patrouilleurs outre-mer. J’en attends beaucoup en raison de leurs capacités nettement supérieures.

Dans l’avenir se posera la question du remplacement des frégates de surveillance après la LPM. C’est le sujet des corvettes hauturières qui pourraient être construites avec des partenaires européens afin de partager les coûts de développement.

Dans les Outre-mer, nous avons besoin d’autonomie. Nous avons besoin d’un bâtiment qui part de La Réunion et revient à La Réunion en passant par les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), ce qui implique un peu d’autonomie en termes de gazole et de capacité de résilience à la mer. Cela nous distingue de nos camarades européens qui disent qu’avec 5 000 milles nautiques, on sait tout faire. À 5 000 milles nautiques, je ne sais pas faire une mission en Terres australes sans risque.

Vous avez raison de dire que nos bateaux sont assez peu armés, mais nous ne pouvons pas avoir des frégates de premier rang partout. C’est le juste nécessaire permettant d’exécuter les missions et de faire face à des trafics d’une violence moyenne, notamment le trafic de la pêche illicite.

La construction du porte-avions de nouvelle génération est un projet ambitieux qui doit procéder d’une volonté politique forte, ce qui est le cas du ministre et du Président de la République. Il peut faire l’objet d’une grande fierté nationale. Nous sommes capables de le construire. Nous nous sommes interrogés sur l’achat des catapultes aux États-Unis, mais le coût aurait été beaucoup plus élevé de les construire nous-mêmes. Le Porte-avions de nouvelle génération est un investissement national. Les pompes primaires sont fabriquées dans le nord de la France par les sous-traitants de TechnicAtome, les optiques sont fabriquées par différentes entreprises françaises. Tout ce que vous allez payer pour le porte-avions, hormis le petit volet américain, viendra irriguer nos territoires, nos entreprises et nos communautés locales.

Au-delà de l’irrigation de nos territoires, il y a un enjeu technologique et humain. En 2020, le Président a retenu la propulsion nucléaire pour le porte-avions de nouvelle génération. La Marine était très ouverte. Il y avait deux options sur la table. D’un point de vue stratégique, choisir la propulsion nucléaire permet aux industriels de maintenir leurs compétences. Pour passer d’une génération technologique à une autre, ils font face un biseau capacitaire.

Le porte-avions est l’outil du choix politique par excellence. Le Président de la République choisit ce qu’il fait avec le porte-avions. Sans porte-avions, vous devez demander à vos alliés, turcs, italiens ou britanniques de vous escorter pour mener vos opérations. Dans l’inconscient collectif français, ce serait dur à accepter. C’est l’outil souverain par excellence. Porteur de l’arme nucléaire, il peut adresser des messages stratégiques d’une autre dimension vis-à-vis de certains compétiteurs. Or la France est capable de le faire. Eu égard à l’efficacité des chantiers de l’Atlantique dans la construction des coques de navires de grande taille, je suis à peu près certain qu’ils sortiront celle-ci à l’heure. Visiter les Chantiers de l’Atlantique, les nefs de Naval Group à Cherbourg ou L’Amiral Ronarc’h à Lorient est bluffant. On disait qu’on n’arriverait pas à faire les JO et nous les avons faits, ce qui est une vraie fierté. De même, nous sommes capables de le faire et ce sera une grande fierté nationale.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Amiral, notre pays possède une histoire maritime remarquable. Le cardinal de Richelieu a créé la première véritable flotte française, établissant ainsi la France comme une puissance maritime de premier plan. Aujourd’hui, la Marine nationale française demeure une composante essentielle de nos forces armées, jouant un rôle crucial dans la défense et la sécurité maritime de notre nation. Elle assure la protection de nos intérêts en mer, la surveillance de nos eaux territoriales et la projection de notre influence à l’international.

La Marine nationale n’endosse pas seulement un rôle de protection de notre souveraineté, elle s’engage également dans la formation de notre jeunesse. En 2024, près de 4 000 nouvelles recrues ont rejoint ses rangs, se spécialisant dans divers domaines, et nombreux sont ceux qui graviront les échelons pour devenir officiers. Estimez-vous que la Marine nationale dispose encore des moyens nécessaires pour continuer de remplir cette mission d’ascenseur social ?

Mme Gisèle Lelouis (RN). Amiral, en tant que députée de Marseille, qui est, je le rappelle, la plus belle ville du monde, je voudrais saluer la contribution de la Marine nationale à la sécurisation des Jeux olympiques et de leurs épreuves en mer tenues dans la marina de Marseille. Bravo à vos forces engagées dans cette belle mission, comme aux marins-pompiers qui, chaque jour sont au contact et au secours des Marseillais.

Ma question portera sur les défis navals auxquels est confrontée la marine à la lumière des enseignements de la guerre en Ukraine. La marine russe connaît de grosses difficultés en mer Noire, car elle a peu innové et mal anticipé de nouvelles menaces, comme les drones. Dans ce contexte, le PLF pour 2025 vous permet-il de répondre efficacement à ces nouveaux enjeux ?

Amiral Nicolas Vaujour. La date de création de la marine donne lieu à un débat d’historiens. Je vous remercierai de ne pas rester sur la date 1621, car c’est bien 1626 : nous fêterons bientôt les quatre cents ans de la marine. Pour nous, c’est l’édit de Saint-Germain qui, en 1626 réunit la marine du Ponant et la marine du Levant en une seule et même marine, alors qu’auparavant, les corsaires donnaient la moitié pour le roi et gardaient l’autre moitié pour eux. La Marine alors devenue nationale.

La Marine est un pourvoyeur de formation et d’ascenseur social. Ce vecteur fonctionne remarquablement bien mais je veux continuer à le renforcer. En effet, 26 % des marins sont embauchés sans baccalauréat et on le leur fait passer. Nous avons 248 mousses. Le mousse est parfois un élève en échec scolaire en classe de 3e et nous offrons une possibilité que la plupart saisissent. Voir grandir les mousses, voir ce qu’ils deviennent est extraordinaire. Lors des vœux aux armées, en janvier dernier, à Cherbourg, nous avons présenté au Président un mousse devenu titulaire d’un brevet supérieur d’ingénieur atomicien et second maître. Entré à 17 ans dans la marine en échec scolaire, il a franchi toutes les marches. Nous lui avons ouvert la porte et il est entré. Nous lui avons dit qu’il était capable de faire mieux, il a saisi l’occasion et nous l’avons accompagné. Je dis à tous mes commandants qu’ils doivent être des ouvreurs de postes et offrir à l’ensemble de nos marins la possibilité de progresser. Ma stratégie RH, c’est de donner envie d’entrer, donner envie de rester et donner envie de progresser.

Un contre-amiral aujourd’hui est ancien matelot. Il y a trois ans, l’amiral commandant supérieur aux Antilles était un ancien matelot. Le commandant du sous-marin Tourville était matelot opérateur sonar quand il est entré dans la Marine. Il est aujourd’hui capitaine de frégate après avoir gravi tous les échelons.

L’ascenseur social fonctionne mais on doit l’accompagner encore mieux. À l’entrée, le niveau scolaire est parfois un peu insuffisant. Autrefois une stratégie élitiste consistait à faire entrer cent personnes dans les écoles de formation et à en renvoyer les vingt qui avaient des résultats insuffisants. C’est terminé. Même si cela prend plus de temps, je préfère laisser partir les personnes non motivées plutôt que les marins motivés qui n’ont pas le niveau mais que l’on accompagne.

La plus belle rade est-elle à Marseille, à Brest ou à Toulon ? Le bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM) est la plus grosse unité de la Marine. C’est aussi une pépite en termes d’ascension sociale, de gestion de compétences.

Certes, en mer Noire, les forces russes n’ont pas su faire face aux Ukrainiens., mais un an après, ils font un peu mieux, ce qui montre bien leur capacité d’adaptation. Comment s’adaptent-ils face à une nouvelle menace, comment s’adapter et quelles leçons en tirer ? Ils ont fait face à des drones aériens et à des drones de surface, c’est-à-dire des petites embarcations chargées d’explosifs, télécommandées, et à des missiles de croisière et antinavires. On avait l’habitude des missiles antinavires et des missiles balistiques, mais les drones de surface étaient plus difficiles à contrer.

Nous faisons un retour d’expérience quotidien. Pendant la mission Aspides, nous avons montré que nous étions capables de traiter un drone de surface en mer Rouge. Dans des exercices comme Wildfire, nous faisons attaquer nos bateaux par des essaims de drones pour analyser comment les traiter au moyen de brouilleurs ou de canons et comment faire évoluer la réponse de façon pertinente. Les Russes n’avaient pas cette agilité. Ils ont pris suffisamment de mauvais coups, plusieurs dizaines bateaux ont été neutralisés en mer Noire, ce qui a obligé la marine russe à repenser son système. Ils s’adaptent, nous nous adaptons et nous titillons nos industriels pour obtenir la meilleure réponse possible, et ils sont innovants. Ils le montrent avec le Dronathlon. J’ai dit que nous avions réuni trente-cinq entreprises sur la presqu’île de Saint-Mandrier pour montrer tout ce à quoi ils avaient pensé, dans le domaine défensif comme dans le domaine offensif. Puisque les Ukrainiens utilisent des drones offensifs, il n’y a pas de raison que la Marine nationale n’en utilise pas. Nous avons des prototypes.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je souscris pleinement à l’idée que la Marine peut être un escalier social, puisqu’il y a quelques années, je suis entré comme matelot dans la marine nationale. Je ne peux que remercier la marine et les armées pour la possibilité qu’elles offrent.

Mme Josy Poueyto (Dem). J’évoquerai la mission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes au sein du ministère des armées, notamment dans la marine, qui est à l’origine de sa création par le ministre, très attentif et vigilant sur ces dossiers. J’en ai fait partie avec Laetitia Saint-Paul. Nous nous sommes même déplacés sur une frégate.

Amiral Nicolas Vaujour. Il y a eu des violences sexuelles et sexistes dans la Marine et c’est totalement inacceptable. Le ministre a impulsé une remise à plat de nos organisations et de notre capacité de réponse. Il nous faut apporter des améliorations et surtout faire en sorte que cela cesse. Dans la marine comme dans les autres armées, nous avons renforcé notre arsenal disciplinaire et créé les conditions pour libérer la parole. Il est indispensable d’offrir aux victimes un cadre d’expression, puis de les accompagner. L’excellente idée du ministre de désigner la Maison des femmes comme association d’accompagnement des victimes renforcera notre capacité à les soutenir.

Évidemment, il faut sanctionner les auteurs beaucoup plus vite par des outils de suspension et le recours systématique à l’article 40. On avait abandonné l’uniformisation de la réponse. Chaque zone faisait comme elle l’estimait juste. Nous avons réintroduit l’homogénéité de la réponse, notamment des sanctions afin d’envoyer le signal clair que des agissements sont devenus totalement inacceptables.

Il faut imposer la transparence. Comme je l’ai dit au ministre, la Marine est transparente. Il y a eu des violences. Il faut faire avancer rapidement tous les dossiers en cours, pour le bien des victimes.

Il convient de structurer l’organisation pour répondre aux futurs évènements. Malheureusement, il y en aura encore. Nous renforçons les formations dans les écoles. Il faut rappeler les règles la force de la politesse et, de manière générale, de l’éducation, afin d’atteindre un bon niveau de vie en équipage. Plus les formations sont longues, meilleure est la qualité des marins en sortie de cours.

Il faut aussi faire un effort en faveur de l’accueil des femmes à bord des unités. Le rôle de nos commandants, responsables du moral, de l’esprit d’équipage et du savoir-vivre ensemble est central. Dans la Marine, on a lancé de nouvelles directives pour mieux « savoir-vivre ensemble ». Quand un équipage, dont 20 % de femmes à bord part quatre mois en mer, la promiscuité peut présenter des risques. Nous avons édicté des règles claires à respecter. En cas de non-respect, le renvoi en métropole doit être systématique.

Nous y sommes très attentifs aussi parce que nous avons besoin de mixité dans la Marine. Dans nos bateaux, le personnel féminin a une influence très positive. Les réussites en opération, on les doit à tous les marins, hommes et femmes. Je le disais dans mon propos liminaire, dix-sept femmes sont commandants d’unité et neuf femmes sont commandants d’unités embarquées, à la mer. Je vous invite à regarder la vidéo que j’ai repostée sur LinkedIn, pour écouter un commandant d’unité, lieutenant de vaisseau féminin, interviewée sur le quai à Brest, lors des fêtes de la mer. Elle tient avec naturel des propos remarquables sur la mixité dans la Marine et son rôle de commandant.

Enfin, j’ai besoin que les femmes restent plus longtemps dans la Marine, ce qui est plus compliqué. Grâce au double équipage, nous avons permis un meilleur accompagnement de la parentalité et de la maternité en rendant plus prévisibles les départs en mer.

M. le président Jean-Michel Jacques. Merci beaucoup, Amiral, pour votre présence et avoir répondu à nos questions.

 

*

*      *

 

La séance est levée à treize heures deux.

*

*      *

 

Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Frédéric Boccaletti, M. Yannick Chenevard, M. Alexandre Dufosset, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Emmanuel Fernandes, Mme Stéphanie Galzy, M. Frank Giletti, M. Damien Girard, Mme Catherine Hervieu, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Abdelkader Lahmar, Mme Murielle Lepvraud, M. Julien Limongi, Mme Anna Pic, M. Aurélien Pradié, M. François Ruffin, M. Arnaud Saint-Martin, M. Aurélien Saintoul, M. Thierry Tesson, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Manuel Bompard, M. Bernard Chaix, Mme Cyrielle Chatelain, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Bastien Lachaud, Mme Anne Le Hénanff, Mme Alexandra Martin, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Aurélien Rousseau, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud