Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

 Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires européennes, de M. Andrius Kubilius, commissaire européen à la Défense et à l’Espace (actualisation de la Revue nationale stratégique 2022 et cycle Europe de la défense).              2


Mardi
25 mars 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 53

session ordinaire de 2024-2025

Co-présidence de
M. Jean-Michel Jacques,
Président, et
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
Président de la commission des affaires européennes
 


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La séance est ouverte à seize heures trente-quatre.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous sommes aujourd’hui réunis dans le cadre de nos travaux consacrés à la défense européenne, mais aussi à la réactualisation de la revue nationale stratégique (RNS). Nous avons le plaisir d’accueillir M. Andrius Kubilius, commissaire européen à la défense et à l’espace. Cette audition est réalisée de manière conjointe avec la commission des affaires européennes, dont je me réjouis d’accueillir son président, M. Pieyre-Alexandre Anglade.

Monsieur le commissaire, nous sommes particulièrement heureux que vous ayez répondu positivement à notre invitation, à un moment où l’actualité rend votre agenda très contraint. Votre nomination à l’automne dernier fait de vous le premier commissaire européen de l’histoire, exclusivement chargé de la défense et de l’espace. Cette évolution institutionnelle, qui a eu pour corollaire au Parlement européen la création d’une commission de la défense, concrétise autant qu’elle met en lumière l’importance majeure que revêt désormais la défense pour l’Union européenne (UE). Elle suscite aussi quelques interrogations de la part de certains, lesquels remarquent que dans les traités, la défense relève du domaine des gouvernements et non de la Commission. Vous nous donnerez certainement votre avis sur ce sujet.

Comme vous le savez, la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) a vu depuis 2016 se multiplier les initiatives désormais bien connues, dont la coopération structurée permanente, le Fonds européen de défense (FED) et la Boussole stratégique. Toutefois, ces initiatives, aussi importantes soient-elles, sont apparues insuffisantes depuis l’agression de l’Ukraine par la Russie.

Nous le constatons clairement, l’UE est aujourd’hui devenue l’objet de lourdes menaces. Le retour d’une guerre de haute intensité sur le sol européen à la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, et les doutes suscités par les décisions et déclarations du président Trump qui ont touché la crédibilité de l’Otan, ont obligé l’Europe à placer la défense au premier rang de ses préoccupations. La semaine dernière a été publié le Livre blanc de la défense européenne, lequel formule de nombreuses propositions. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs suscité des réactions de certains États membres et posent plus largement la question de l’organisation institutionnelle de la défense de l’Europe, notamment vis-à-vis de l’Otan.

Enfin, si les propositions portent pour l’essentiel sur le moyen et long terme, l’urgence consiste aujourd’hui à assurer la continuité de l’aide militaire à l’Ukraine après la volte-face des États-Unis. Ces éléments posent la question de la capacité de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) à répondre à ses besoins et, plus largement, celle des leviers et des freins à la constitution d’un marché européen de l’armement.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le commissaire, je vous remercie à mon tour pour votre présence parmi nous aujourd’hui.

Votre mission revêt une importance capitale dans le contexte géopolitique que nous connaissons. Depuis trois ans, la Russie mène une guerre brutale, totale, massive, contre l’Ukraine. Elle déstabilise nos démocraties en profondeur, à travers des attaques cyber et des attaques hybrides. Aucun des États européens n’est épargné par cette guerre que mène la Fédération de Russie : des dizaines d’opérations sont ainsi menées dans la quasi-totalité des États membres. Simultanément, elle se réarme de manière très significative. Elle dépense près de 40 % de son budget dans sa défense et à l’horizon 2030, elle aura très largement réaugmenté ses capacités militaires.

À cela s’ajoute le désengagement américain, qui n’est certes pas nouveau. Nous avons été alertés successivement par les différents présidents des États-Unis qui se sont succédés à la Maison-Blanche depuis maintenant plusieurs années. Mais le président Trump agit avec certainement beaucoup plus de brutalité et de soudaineté que ses prédécesseurs. Les exemples sont ainsi nombreux, de l’altercation à laquelle nous avons assisté dans le Bureau ovale, en passant par la conférence de Munich ou encore les fuites révélées ces dernières heures d’une conversation présumée secrète entre des hauts responsables américains, notamment le chef du Pentagone, qui a exprimé son mépris à l’égard des Européens.

Ces différents éléments nous obligent à changer de braquet. Comme vous l’avez dit très justement il y a quelques jours, 450 millions d’Européens ne devraient pas dépendre de 340 millions d’Américains pour les défendre contre 140 millions de Russes, qui n’ont pas su vaincre 38 millions d’Ukrainiens. Dans ce contexte, il est évidemment temps pour l’Europe de renforcer sa sécurité. Le Livre blanc avance des pistes intéressantes, que vous développerez certainement devant nous.

Nous aimerions aussi vous entendre sur l’instrument « Safe » (Security Action For Europe), qui prévoit des prêts de long terme bonifiés aux États membres pour financer des investissements réalisés à plusieurs, à condition qu’ils respectent une forme de préférence européenne. L’objectif consiste à garantir que ces investissements soient dirigés vers la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Il s’agit là d’un principe clé que nous devons être capables de respecter et sur lequel nous devons nous entendre au niveau européen si nous voulons embarquer la plupart des États membres, dont la France. Mais j’estime que cette première étape ne sera pas suffisante et qu’il nous faudra à terme nous poser la question d’un nouvel emprunt européen, comme nous avons su le faire au moment de la crise Covid. Dans ce domaine également, peut-être pourrez-vous nous faire part de vos perspectives.

Enfin, la nouvelle donne internationale nous oblige à repenser nos partenariats stratégiques. Au-delà de l’Otan et de la coopération européenne, il nous faudra envisager de nouveaux formats avec nos alliés britanniques, australiens, canadiens et norvégiens. Quelles sont vos pistes de réflexion dans ce domaine avec vos partenaires, au sein du collège des commissaires ?

M. Andrius Kubilius, commissaire européen à la défense et à l’espace. Je vous remercie pour votre accueil. Prendre la parole devant les membres de ces deux commissions de l’Assemblée nationale, dont les travaux sont essentiels en matière de défense, constitue pour moi à la fois un privilège et un grand honneur. Je m’efforcerai de vous faire part de mes observations et de vous indiquer les démarches que nous entreprenons dans le cadre du Livre blanc et du programme ReArm Europe.

Tout d’abord, au sein de la Commission, nos réflexions et nos politiques en matière de défense européenne reposent sur une compréhension très claire : les États membres garderont toujours la responsabilité de la définition des besoins de leurs forces, de leurs propres troupes et de leur déploiement. Simultanément, l’UE – et notamment la Commission – peut apporter une valeur ajoutée afin de soutenir les bases industrielles de défense, de renforcer les capacités en matière de défense grâce à ses instruments de politique industrielle, ses politiques et sa faculté à lever des fonds. Il s’agit ainsi d’aider l’industrie à fabriquer ce dont les États membres ont véritablement besoin, en termes de capacités. En revanche, nous ne prenons pas de décision en matière de politique de défense.

Avant d’entrer plus en détail dans l’objet de ce Livre blanc et de l’initiative ReArm Europe, je tiens à évoquer les circonstances dans lesquelles nous œuvrons. Notre action est guidée par notre perception des menaces qui pèsent sur notre continent. En parité de pouvoir d’achat (PPA), la Russie dépensera en 2025 pour ses besoins militaires plus que l’ensemble de l’UE. Par ailleurs, comme Mark Rutte, le secrétaire général de l’Otan, le répète régulièrement, sur une période de trois mois, la Russie produit plus d’armes que tous les États membres de l’Otan – y compris les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’UE – ne peuvent en produire sur une période d’un an. De même, les services de renseignement de l’Allemagne, du Danemark et de l’Otan prévoient publiquement que la Russie est prête à tester l’article 5 de l’Otan avant 2030. C’est pourquoi nous avons besoin d’une stratégie européenne « Préparation 2030 » (« Readiness 2030 »), comme la présidente de la Commission l’a rappelé.

Le contexte stratégique que nous devons prendre en compte apparaît clairement. Les États-Unis se préparent à atténuer la puissance militaire croissante de la Chine et nous devons être prêts à faire face à une réduction de leur présence militaire sur le continent européen. L’UE devra donc assumer la responsabilité de la défense de l’Europe sur ses propres épaules. Selon moi, il sera pertinent de l’envisager comme une évolution organique de la répartition des responsabilités, et non comme un divorce brutal et hargneux.

Naturellement, aucun État membre ne peut se défendre seul contre la Russie. Nous ne pouvons le faire qu’ensemble, à travers une défense collective. Vous avez déjà relevé mes propos selon lesquels 450 millions d’Européens ne devraient pas dépendre de 340 millions d’Américains pour les protéger contre 140 millions de Russes, qui n’ont pas été capables de vaincre 38 millions d’Ukrainiens. Cela prendra du temps et nécessitera des investissements. Il faut bien discerner nos lacunes dans nos capacités de défense et notre préparation à nous défendre contre l’agression russe avant 2030. Cela se traduit notamment par les révisions des cibles capacitaires entreprises par l’Otan.

Sur le long terme, nous sommes également confrontés à d’autres défis, qu’il s’agisse des cybermenaces qui se développent ou de la course mondiale aux technologies. Nous risquons de conserver notre retard dans les domaines de l’intelligence artificielle (IA), de l’informatique quantique et des systèmes autonomes, qui pourraient changer la guerre moderne. D’autres investissent massivement et nous avons donc besoin nous aussi de développer nos capacités en matière de défense, pour aujourd’hui et pour demain. Par ailleurs, il ne faut pas oublier de mentionner l’enjeu de la sécurité des matières premières. Je pense notamment au risque de perturbation de la chaîne d’approvisionnement, qui serait causée par une escalade dans le détroit de Taïwan.

Face à ces menaces et au changement du contexte stratégique, nous avons besoin d’une approche de type « big bang » pour atteindre l’objectif « Préparation 2030 ». À cet effet, nous devons nous engager dans la voie d’importantes dépenses supplémentaires en matière de défense, de commandes conjointes importantes, d’investissements massifs dans l’industrie européenne, d’une forte expansion des capacités de production de l’industrie et d’un soutien renforcé à l’Ukraine.

Telles sont les idées que nous avions en tête lors de la rédaction de ce Livre blanc. Il nous faut faire passer des messages très clairs et ensuite, voir les programmes que nous voulons développer, les directions que nous voulons emprunter dans cette approche d’un « big bang ». Comme je l’ai indiqué lors de la présentation de ce document, Poutine ne sera pas dissuadé par la lecture de notre Livre blanc ; il ne pourra l’être que par le nombre réel de notre production de chars, d’artillerie, de drones. C’est la raison pour laquelle la mise en œuvre de ce Livre blanc est essentielle.

À ce titre, la France constitue un très bon exemple dans ce domaine. Votre pays nous montre comment nous devons développer des capacités stratégiques et souveraines sur le sol européen. Quelques mois après le début de la guerre en Ukraine, le président Macron avait déjà appelé à stimuler l’industrie de la défense et l’objectif de dépenser pour la défense l’équivalent de 3,5 % du PIB. L’industrie a réussi à augmenter rapidement sa production ; je pense par exemple aux missiles Aster ou aux avions de chasse Rafale.

Pour pouvoir être prêts en 2030, il nous faut mettre l’accent sur la mise en œuvre de projets extrêmement concrets dans le cadre du Livre blanc, qui liste dix-huit thèmes stratégiques et tactiques, dont certains sont particulièrement urgents. En pratique, il importe d’augmenter la production, car l’amélioration de la mobilité militaire est plus importante que les discussions théoriques sur la future architecture de sécurité de l’Europe. Il est essentiel de prouver que nous sommes capables de produire un nombre suffisant d’équipements et de bons armements, afin de dissuader toute velléité d’agression.

À court terme, les États membres doivent coopérer afin de reconstituer d’urgence leurs stocks. À moyen et long terme, les États membres doivent conjuguer leurs efforts pour combler les principales lacunes, notamment par l’intermédiaire des infrastructures de défense et de protection de l’environnement. Encore une fois, les États membres joueront un rôle décisif dans la mise en œuvre et la concrétisation des opportunités offertes par le programme ReArm Europe. Par ailleurs, la Commission peut grandement agir pour soutenir et coordonner les efforts des États membres. Dans ce cadre, la réunion du Conseil européen, qui se tiendra en juin, immédiatement après le sommet de l’Otan, sera essentielle.

Le Livre blanc se concentre autour de quatre sujets ou chapitres importants.

Le premier concerne la préparation financière. Le programme ReArm Europe offre la possibilité de dépenses de défense supplémentaires, de l’ordre de 800 milliards d’euros au cours des quatre prochaines années. Deux instruments majeurs sont ici à l’œuvre. Le premier porte sur la « clause d’échappement » (escape clause), qui offre la possibilité de dépenser 1,5 % de PIB supplémentaire pour la défense sans que ces dépenses ne soient incorporées dans le calcul des limites des déficits des États membres, soit 650 milliards d’euros potentiels pour les quatre prochaines années. Le second est relatif aux prêts « Safe », c’est-à-dire 150 milliards d’euros de prêts attractifs pour les États membres soutenus par le budget de l’UE. Ils offrent la possibilité d’investir dans les capacités de défense de l’UE et de soutien à l’Ukraine, de s’approvisionner auprès d’industries européennes et de pays tiers, dans le cadre d’accords de partenariat. D’autres modalités que je ne développerai pas dans mon propos liminaire existent également ; je pourrai les évoquer si vous souhaitez m’interroger à ce sujet.

Le deuxième chapitre a trait aux mesures en faveur de l’aide à l’Ukraine, dans le cadre d’une stratégie de « porc-épic » évoquée par la présidente von der Leyen. L’UE agit fortement pour aider l’Ukraine, mais le soutien européen total (UE, Grande-Bretagne et Norvège) de 30 milliards d’euros sur trois ans, égal à celui des États-Unis, représente moins de 0,1 % de notre PIB annuel. Nous pouvons faire bien plus, en fournissant des armes supplémentaires (munitions, missiles, systèmes de défense aérienne, formation des brigades), en achetant des armes produites par l’Ukraine sur le « modèle danois » et en soutenant l’approvisionnement pour les besoins de ce pays à travers des prêts « Safe ». En outre, nous pouvons accélérer l’intégration de l’industrie de défense de l’Ukraine dans l’industrie de défense de l’UE, étendre la mobilité militaire à l’Ukraine et améliorer l’accès aux biens et services spatiaux.

Le troisième chapitre a pour objet de combler les lacunes capacitaires de l’UE, sujet qui sera évoqué lors du sommet de juin. Nous aimerions pouvoir agréger les demandes, évaluer les besoins des pays membres de l’Union et de l’Otan, afin de pouvoir dissuader ou de répondre à une agression. À cet égard, les travaux de l’Agence européenne de défense (AED) sont très importants. Nous devons mener un dialogue avec l’industrie pour lui donner une certaine prévisibilité, afin qu’elle puisse s’engager dans la planification de la production. Il s’agit également d’être prêts à mener non seulement la guerre d’aujourd’hui, mais aussi celle de demain (IA, guerre quantique, cyber et électronique).

Le quatrième chapitre a pour objet de renforcer structurellement notre industrie de défense, qui demeure très fragmentée. Le rapport Draghi souligne par exemple que les États membres de l’UE achètent la majorité des équipements de défense en dehors de l’UE. La Commission réfléchit à la manière dont l’Union peut inciter les États membres à procéder à des achats conjoints. Je souligne également la nécessité d’approuver le plus rapidement possible le programme européen pour l’industrie de la défense (Edip), afin d’utiliser sa puissance financière en faveur de l’industrie de défense de l’Union.

Nous envisageons enfin des possibilités de renforcer le développement de nos capacités spatiales, qui sont essentielles pour la guerre moderne. Je pense ici aux programmes Copernicus, Galileo et demain, Iris2, mais également à l’observation de la terre en faveur de données de renseignement.

En conclusion, je rappelle que la défense relève des États membres. Mais elle constitue également un bien commun ; elle n’est pas seulement nationale, elle est aussi collective. Selon moi, la défense représente la concrétisation des valeurs de solidarité de l’UE. Si un État membre n’investit pas dans sa défense, il affaiblit la capacité des autres à s’investir dans la défense collective.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je cède à présent la parole aux orateurs de groupe.

M. Laurent Jacobelli (RN). Monsieur le premier ministre, laissez-moi vous dire que c’est un grand honneur pour le groupe Rassemblement national de vous recevoir ici, vous qui avez par deux fois dirigé le gouvernement en Lituanie, ce pays allié et ami de la France.

Il est en revanche plus curieux de vous recevoir en tant que commissaire européen à la défense. J’ai écouté vos analyses, souvent pertinentes, mais l’analyse de la stratégie de la défense de la France appartient au président de la République française, au ministre des armées et au chef d’état-major de nos armées. Comme le disait le général de Gaulle, il faut que la défense de la France soit française. Vous qui avez été président d’un parti qui s’appelait Union de la patrie, j’imagine que vous comprendrez cette référence à la souveraineté nationale.

L’article 4 du traité sur l’UE, que certains europhiles fervents devraient peut-être relire, rappelle clairement que la défense relève exclusivement de la compétence des États. Dans ce cadre, je crains que l’objet institutionnel non identifié qu’est le poste que vous occupez aujourd’hui ne soit destiné à servir un autre vieux serpent de mer, pour ne pas dire une chimère, l’Europe de la défense.

Chaque jour qui passe valide ce constat, que nous dressons depuis longtemps. En effet, 80 % des achats européens d’armement sont réalisés en dehors de l’UE, principalement auprès des États-Unis d’Amérique. L’Allemagne a d’ailleurs annoncé il y a quelques jours qu’elle maintenait sa commande de F-35 Américains. Cet exemple montre bien que les paroles pieuses de Mme Ursula von der Leyen traduisent bien une volonté politique de marcher à grands pas vers le fédéralisme plutôt que d’être le fruit d’un constat pragmatique.

De fait, les armées européennes ne sont en pratique que très peu interopérables entre elles. Surtout, aucune doctrine commune n’existe entre les vingt-sept pays européens, car tous n’ont pas les mêmes intérêts, ni la même histoire, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas un peuple européen, mais des peuples. Monsieur le premier ministre, comment comptez‑vous donner un sens à la fonction que vous occupez aujourd’hui, mais qui, selon les textes qui nous unissent à nos autres partenaires européens, ne devrait pas exister ?

M. Andrius Kubilius. Mon avis sur le sujet est très clair : la défense relève de la souveraineté nationale. Simultanément, il est tout aussi clair que nous avons également une obligation de défense collective. Cette défense collective est cruciale, en particulier pour les États baltes, de plus petite taille, dont je suis originaire. Lors de nos simulations, nos « wargames », nous estimons que nous pourrions nous défendre par nous-mêmes pendant dix jours si nous devions être victimes d’une attaque. Pour y parvenir, cela nécessite de consacrer 6 % de notre PIB aux dépenses de défense, et nous y sommes prêts. Après dix jours, nous nous attendons à ce que nos partenaires de la défense collective viennent nous prêter main-forte.

C’est la raison pour laquelle nous devons veiller à nous doter de toutes les capacités européennes. Il ne revient pas à la Commission d’en décider, mais nous pouvons aider les industriels à produire ce qui est nécessaire pour les capacités des États membres. Nous devons développer l’industrie sur notre continent européen, pour pouvoir faire face si la guerre devait survenir. Il nous faut absolument disposer d’une industrie de défense très développée en Europe qui pourra maintenir, entretenir et produire de nouvelles armes.

Il n’y a pas de contradiction : les États membres décident des questions relevant de la doctrine de défense, l’Otan prépare les plans de défense avec eux et rehausse actuellement les cibles capacitaires. Nous sommes confrontés à de nombreux défis et notre état de préparation souffre encore de lacunes. C’est la raison pour laquelle, dans notre action commune, il nous faut voir comment aller de l’avant. De son côté, la Commission s’occupe du volet industriel de la défense.

Mme Corinne Vignon (EPR). Votre nomination en 2024 comme premier commissaire européen à la défense et à l’espace marque l’importance stratégique croissante de ces domaines dans l’agenda européen. Dans un contexte de tensions géopolitiques majeures et de menaces hybrides, votre rôle est déterminant pour impulser une véritable défense européenne.

La guerre en Ukraine nous rappelle que l’espace est désormais un théâtre de conflictualité. Elle met en lumière l’importance vitale des satellites pour le renseignement, la communication et la coordination des forces. Or Iris2, censé garantir notre souveraineté numérique, devra évoluer dans un environnement orbital de plus en plus contesté, saturé, militarisé. Je pense notamment aux capacités antisatellites russes et chinoises.

Pouvez-vous nous indiquer si la constellation Iris2 intègre des capacités de défense passive face aux menaces telles que le brouillage, les cyberattaques ou les agressions physiques ? Au-delà, quelle est la stratégie européenne pour garantir un accès souverain et pérenne aux orbites prioritaires, alors que le foncier orbital se raréfie sous l’effet de la multiplication des constellations étrangères, privées ou étatiques ?

Ensuite, l’autonomie stratégique suppose un accès souverain à l’espace. Malgré la réussite du premier tir commercial d’Ariane 6, dont nous sommes très fiers, l’absence de solutions souveraines de lancement pour certains segments peut fragiliser notre crédibilité. Quelles actions concrètes comptez-vous mettre en œuvre pour garantir des capacités de lancement entièrement européennes, fiables et régulières ?

M. Andrius Kubilius. L’espace joue en effet un rôle crucial dans les conflits modernes, comme nous le constatons dans le cadre de l’agression russe contre l’Ukraine. Nous avons également constaté que Starlink pouvait être interrompu. Cette situation est très préoccupante, bien que je ne puisse vous fournir de plus amples détails, dans la mesure où certains éléments sont particulièrement confidentiels, mais sachez que nous sommes prêts.

Ensuite, le projet Iris2 a été officiellement lancé lorsque j’ai été nommé commissaire. Nous espérons pouvoir le faire aboutir, afin de pouvoir sécuriser nos communications à partir de 2029. Entre-temps, le projet Govsatcom, qui unit les actifs nationaux, a pour vocation d’être un précurseur dans le domaine des satellites de télécommunication sécurisés. Nous pensons pouvoir l’utiliser à la mi-2025.

Dans le domaine de « l’espace pour la défense », les satellites de communication sont essentiels pour fournir notamment des informations aux services de renseignement. Les Chinois sont particulièrement avancés et travaillent sur des outils particulièrement précis, capables de renouveler toutes les six minutes des images d’une zone surveillée, quand nous ne sommes en mesure d’en faire autant qu’une fois par jour. Nous devons donc progresser fortement dans ce domaine.

Simultanément, « la défense de l’espace » constitue un autre enjeu. Nous plaidons en faveur de la constitution d’un bouclier spatial européen (European Space Shield), qui a vocation à être utilisé en matière de renseignement, mais aussi pour protéger nos installations à l’aide de systèmes de surveillance, pour à la fois dissuader des attaques, mais aussi nous défendre en cas d’agression.

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Monsieur le commissaire, j’aimerais d’abord revenir sur la création d’un commissariat à la défense et à l’espace au sein de l’UE. Il s’agit d'un forçage juridique, sémantique et surtout démocratique. En effet, la défense n’est pas une compétence de l’UE, elle demeure une prérogative des États membres. Le fait que la Commission l’ait entériné et a fortiori ait choisi de lui donner une capacité d’initiative en matière militaire, constitue l’expression d’un fait accompli préjudiciable à l’exercice de la souveraineté des États membres.

Ursula von der Leyen s’obstine dans cette ligne. Elle a ainsi sommé les Vingt-Sept d’augmenter considérablement leurs dépenses de défense par un projet visant à réarmer l’Europe à hauteur de 800 milliards d’euros. Ce montant correspond étrangement à la consigne donnée par Donald Trump aux pays membres de l’Otan de dépenser au moins 5 % de leur PIB dans la défense. L’UE obtempère et va jusqu’à revenir sur la sacro-sainte règle des 3 %. Le cap et les garanties ne sont pas clairs.

Où iront ces dividendes de la guerre à laquelle vous nous préparez ? Bruxelles voudrait offrir un traitement préférentiel aux entreprises continentales en imposant que 65 % de la valeur totale d’un produit soit d’origine européenne. Mais comment être certains que ces milliards n’allaient pas encore nourrir les géants du complexe militaro-industriel états-unien, lequel vassalise ses clients européens via les chantages de l’Otan ?

Nous remarquerons au passage que lorsqu’il s’agit de faire la guerre, l’argent coule à flots. Le fantasme d’une économie qui renaît et croît par les marchés de l’armement ne peut intervenir qu’au détriment d’autres urgences existentielles, en particulier la lutte contre les effets des changements climatiques.

Enfin, le choix de créer un commissariat à la défense et à l’espace, d’amalgamer l’un et l’autre, est lourd d’implications. Alors que le spatial européen pourrait être tourné vers des applications de recherche, d’innovations technologiques et d’usage pacifique pour le bien commun, la défense vient littéralement saturer l’espace contre les stratégies spatiales de défense nationales. À quoi nous engage ce choix, acté par la Commission, d’une militarisation de l’espace à marche forcée, voire d’une arsenalisation présentée comme inéluctable, au mépris de la résolution 75/36 de l’Assemblée générale des Nations unies ?

M. Andrius Kubilius. Nous devons nous rappeler une vérité intangible, héritée de la Rome antique : Si vis pacem, para bellum, « Si tu veux la paix, prépare la guerre ». Pour pouvoir nous défendre, nous avons donc besoin d’investir dans nos capacités de défense. Le coût est particulièrement élevé, mais ne pas se préparer à nous défendre serait encore plus onéreux. Il suffit pour s’en convaincre de regarder vers l’est, en direction de l’Ukraine, pays brutalement agressé et qui voit une partie de son territoire occupée.

C’est la raison pour laquelle il est crucial d’investir en matière de défense : sans possibilité de nous défendre par nous-mêmes, nous perdrons notre démocratie, nos acquis sociaux. Il ne me semble donc pas opportun d’opposer les investissements dans la défense et nos autres priorités. Encore une fois, ils sont nécessaires si nous voulons maintenir la paix sur notre continent. Dans ce contexte, nous devons trouver des solutions pour développer nos industries de défense européennes, mais je rappelle que ces décisions relèvent des États membres.

Le rapport Draghi est à cet égard éloquent : 80 % des dépenses européennes d’approvisionnement en matériel de défense ont été confiées à des fournisseurs non européens. À l’heure actuelle, l’industrie de la défense européenne ne produit pas ce dont les États membres ont besoin, ce qui nécessite de revoir notre base industrielle, qui demeure trop fragmentée, et d’en améliorer la compétitivité. Cela passe notamment par l’établissement d’un marché unique de la défense conséquent, sans lequel nous resterons vulnérables. Celui-ci permettra à la fois de créer des emplois et de contribuer à la paix sur l’ensemble du continent européen.

Mme Anna Pic (SOC). Monsieur le commissaire, le groupe Socialiste et apparentés fait part de sa satisfaction de vous accueillir aujourd’hui dans le cadre de cette audition commune entre les commissions de la défense et des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Votre nomination l’an dernier, une première dans l’histoire de la Commission, intervient par ailleurs dans un moment tout à fait opportun, comme chacun aurait pu ou dû le constater.

Le 19 mars dernier, vous avez dévoilé les principaux éléments de votre Livre blanc pour une défense européenne à horizon 2030, lequel venait compléter le plan ReArm Europe présenté par Ursula von der Leyen quelques jours plus tôt. Votre Livre blanc met en avant la nécessité de combler les lacunes européennes en matière de défense pour nous préparer aux scénarios les plus pessimistes, le principal levier mis en avant consistant à acheter davantage d’armements européens. Cette attention est évidemment tout à fait louable et nous la partageons.

Néanmoins, certains éléments du Livre blanc nous interpellent, au même titre que le plan ReArm. En effet, les principaux points de ces deux documents sont relatifs aux questions de financement permettant de compenser les lacunes dans ces domaines. Or, au-delà des questions de financement, aussi importantes soient-elles, aucune avancée ne pourra intervenir si nous ne disons rien, en tant qu’Européens, de notre doctrine de sécurité collective et de sécurité commune. En d’autres termes, quels que soient les montants disponibles et la façon dont ils sont obtenus, nous ne pourrons pas progresser de manière efficiente et faire face aux menaces extérieures si nous ne précisions pas la manière dont nous souhaitons travailler ensemble. Vous l’avez d’ailleurs évoqué à plusieurs reprises lors de cette audition.

À ce titre, quelles sont vos propositions en matière d’architecture de sécurité collective européenne ? Quelle coordination est-elle envisagée en matière de doctrine entre partenaires européens, mais aussi entre la Commission européenne et l’Otan ?

M. Andrius Kubilius. Parmi toutes les personnes qui ont lu le Livre blanc, nombre d’entre elles nous ont interrogés sur les sujets relatifs à l’architecture européenne de sécurité. Elles nous ont notamment demandé pourquoi le document n’évoquait pas cet aspect. Tout d’abord, mon portefeuille est essentiellement concerné par les aspects les plus matériels de la défense, comme les équipements. Il se concentre sur la manière d’accroître la production de l’industrie européenne de défense.

Ensuite, j’ai délibérément choisi de mettre de côté les discussions certes essentielles concernant l’architecture de sécurité européenne, car je souhaitais que nous nous concentrions sur des éléments concrets. Nous devons ainsi combler nos lacunes en matière capacitaire et, pour ce faire, accélérer et renforcer notre production. Le moment viendra où nous nous interrogerons sur l’avenir de cette architecture, sur notre unité face à la participation décroissante des États-Unis à la sécurité de notre continent.

Mais une fois encore, je le répète : l’urgence consiste à voir comment nous pouvons dissuader la Russie de Poutine de nous agresser. La seule manière d’y parvenir consiste selon moi à montrer notre puissance : Vladimir Poutine ne pourra être dissuadé que par le nombre réel de notre production de matériels militaires et non par la présentation conceptuelle d’une architecture européenne de défense.

Afin de pouvoir développer nos capacités de défense et de renforcer notre industrie de défense, nous devons trouver les voies et moyens d’une plus grande coopération. Il faut ainsi convaincre les États membres de pratiquer des acquisitions conjointes de matériels, de chars, d’artilleries, de systèmes de défense aérienne. Les industriels y sont tout à fait favorables, car cela leur permettra d’obtenir des contrats plus conséquents, à plus long terme également. Simultanément, en passant des commandes plus élevées, les États membres pourront obtenir des prix unitaires plus bas. Tel est le sens du programme Edip, qui incite les États européens à œuvrer de concert, à travailler ensemble sur de nouveaux projets et appels d’offres communs.

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Notre groupe, qui siège au sein du PPE au Parlement européen, a évidemment salué le travail effectué dans le cadre de ce Livre blanc. Nous partageons totalement l’analyse de la menace et des besoins, même s’il ne faut pas se focaliser exclusivement sur la menace russe, qui est cependant majeure. En effet, nous devons également faire face à d’autres menaces.

Nous souscrivons à vos propos sur le rôle des États seuls compétents en matière de défense nationale, mais en même temps sur la nécessité d’une coopération accrue et surtout de sécurité collective. La France connaît mieux que quiconque le coût de la solitude stratégique, ayant été assez douloureusement éprouvée dans l’entre-deux-guerres, par l’abandon des États-Unis, qui ont refusé de ratifier le traité de Versailles et le désengagement britannique. L’une des solutions pour éviter cette solitude stratégique consiste à disposer de productions et d’une réponse capacitaire suffisantes, en Européens.

Dans ce contexte, il est nécessaire de concevoir européen, de produire européen et d’acheter européen. Que proposez-vous pour améliorer cette situation ? Aussi, quelle définition retenez-vous pour qualifier ce qu’est une entreprise européenne ? Se fonde-t-elle sur le capital, sur la localisation ? Comment gère-t-on la sous-traitance ou l’actionnariat ? Il s’agit là d’un enjeu essentiel.

Enfin, en tant que commissaire européen, vous servez les vingt-sept États membres. Compte tenu de l’urgence, ne faut-il pas privilégier des coopérations avec un nombre plus restreint d’États plus allants et plus volontaires, qui sont prêts à aller plus loin ?

M. Andrius Kubilius. Nous sommes confrontés à de nouvelles menaces et de nouveaux défis qui résultent des évolutions géopolitiques. Afin d’y répondre, de nouveaux formats politiques voient le jour ; cela me semble pertinent. En effet, il ne faut pas se limiter aux formats classiques de l’UE. À ce titre, il m’est déjà arrivé d’être convié à Paris par le ministre Lecornu à des réunions en format E5, qui incluent les ministres de la défense français, allemand, italien, polonais et britannique. D’une certaine manière, il s’agit là d’une première étape vers quelque chose de nouveau sur le continent européen. L’avenir nous dira ce qu’il adviendra.

Ensuite, dans le domaine de l’industrie, comme je l’ai indiqué précédemment, le programme « Safe » concerne 150 milliards d’euros de prêts attractifs pour les États membres soutenus par le budget de l’UE. Il existe également un programme de l’Union pour des appels d’offres en commun. Dans le cadre d’Edip, il faut effectivement conserver un ancrage territorial au sein de l’UE. Lorsque les actionnaires ne sont pas européens, un « filtre » est appliqué en matière de sécurité. Ces actionnaires doivent montrer qu’ils ont recours à des infrastructures implantées au sein de l’UE. À défaut, d’autres règles s’appliquent et s’imposent à ces acteurs.

Des conditions s’appliquent également aux produits pour les projets complexes, en particulier pour les systèmes de défense complexes : les produits achetés devront être composés à 65 % d’éléments européens. En matière de conception, les produits doivent également répondre à des critères européens.

Encore une fois, il ne s’agit pas tant de protéger notre industrie de défense contre la concurrence, mais de permettre son développement, laquelle constitue une ressource stratégique.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Monsieur le commissaire, au-delà du sentiment d’inquiétude que peuvent ressentir nos concitoyens en cette période de tensions, celle-ci doit offrir des opportunités pour repenser une doctrine au niveau de notre continent. Des pays européens et l’UE s’orientent dans la voie de l’autonomie stratégique pour la défense régionale, notamment à travers la reconfiguration d’une nouvelle boussole.

Les augmentations budgétaires et capacitaires constituent autant de moyens pour établir une vision stratégique de la défense de nos territoires, de nos démocraties et de leur modèle social, sans oublier la lutte contre le changement climatique. Nous devons relever le défi de rattraper notre retard technologique dans le cyber, le quantique et l’intelligence artificielle (IA), dans le respect des libertés.

Les pays de l’UE constituent les cibles de menaces hybrides et d’ingérences étrangères visant à déstabiliser nos sociétés, notre économie et notre unité. La reconstruction d’un outil militaire opérationnel dépend d’une réforme profonde, soulignant le besoin de cohérence pour nos armées. Simultanément, se pose la question de l’efficacité, dans la mesure où nous réfléchissons dans un cadre financier et temporel restreint.

La lutte contre le changement climatique doit évidemment demeurer dans nos agendas, et les armées prennent déjà en compte ces éléments, au quotidien. Il existe ainsi un objectif de simplifier les normes pour créer un marché européen de la défense capable de faire émerger des projets transnationaux fédérateurs. De plus, dans ce cadre, nous devons poursuivre nos engagements pour garantir une autonomie énergétique et le respect des engagements en matière environnementale et sociale.

La mobilité militaire a besoin de simplification pour faciliter le déplacement des troupes et des matériels grâce à l’adaptation et la modernisation des infrastructures de transport. Pourriez-vous préciser les simplifications en la matière pour le marché européen de la défense ? De plus, nous sommes actuellement au stade du renforcement de nos armées nationales pour développer la défense européenne au sein de l’UE et de l’Otan. Cependant, la position des citoyens évolue et les Européens s’ouvrent à l’idée d’une mise en commun de leurs capacités militaires et de défense. De fait, la mobilisation de la société civile est primordiale. J’ose alors vous poser la question suivante : une armée commune ou une armée européenne pourrait-elle être envisageable en Europe ? Que répondez-vous à ces aspirations ?

M. Andrius Kubilius. Comme je l’indiquais plus tôt, le moment viendra sans doute de répondre plus précisément aux questions concernant une armée européenne. Mais dans l’immédiat, nous devons nous concentrer sur les priorités d’aujourd’hui et de demain, lesquelles consistent d’abord à combler nos lacunes en termes de capacités et d’état de préparation, nos contingences en matière militaire. Dans ces domaines, nous devons réellement avoir les idées claires.

Ensuite, nous ne devons pas non plus ignorer d’autres sujets fondamentaux, comme la lutte contre le réchauffement climatique, la cohésion de nos sociétés et la compétitivité économique, qui représentent des questions fondamentales. À la Commission, ces éléments constituent d’ailleurs des priorités de notre agenda et nous y travaillons en permanence. De fait, il est évident que si notre compétitivité se dégrade, nous nous affaiblissons et nous réduisons également notre faculté à développer nos capacités en matière de défense et d’industrie.

Afin d’améliorer notre industrie de défense, nous devons également identifier les obstacles à une croissance rapide. Dans ce domaine, les réglementations sont dans certains cas trop nombreuses et induisent une pesanteur bureaucratique. Parfois, personne n’est plus en mesure de dire pourquoi telle ou telle règle a initialement été adoptée. Dans le même ordre d’idées, de nombreux rapports sont rédigés sans nécessairement que quelqu’un ne les lise.

De notre côté, nous nous efforçons de voir comment nous pouvons aider nos industries à développer leurs capacités de production de manière extrêmement dynamique. Ici encore, l’exemple ukrainien est particulièrement illustratif. En 2022, au début de la guerre, l’industrie ukrainienne de défense pouvait produire des armes d’une valeur d’un milliard d’euros. L’année dernière, l’Ukraine a été capable d’établir cette production pour un montant de 35 milliards d’euros. En résumé, en deux ans, elle a pu faire trente-cinq fois plus.

Naturellement, dans un contexte de guerre, un pays entreprend tout ce qui est en son pouvoir pour se défendre. Les Ukrainiens y sont notamment parvenus en simplifiant la réglementation. Nous devons nous en inspirer pour atteindre nos priorités. La législation Omnibus vise précisément à simplifier l’environnement des entreprises de défense en amont du Conseil européen de juin. À cet effet, nous avons demandé aux gouvernements, aux parlements et aux industries de nous faire part de leurs observations, afin que nous puissions convenir des modifications, voire des abandons nécessaires pour permettre à l’industrie d’augmenter sa production.

M. Frédéric Petit (Dem). Monsieur le commissaire, nous sommes nombreux à avoir salué votre nomination, sur le plan fonctionnel. Je tiens également à saluer votre nomination sur le plan géographique. Des débats sont intervenus concernant les fracturations de l’UE, entre l’est et l’ouest. En réalité, ces fractures étaient peu profondes et nous parvenons aujourd’hui à retrouver de l’unité dans notre diversité.

Ma question porte sur la construction de votre mandat, en insistant plus particulièrement sur la question des risques plutôt que celle des attentes, que mes collègues ont déjà développée. Nous ressentons votre appel en faveur d’un pragmatisme, que vous avez illustré en soulignant que Poutine comptait plus les canons que les documents. Je partage ce point de vue.

Vous avez rappelé la course contre-la-montre dans laquelle nous sommes engagés. Le « big bang » que vous appelez de vos vœux s’effectuera malgré tout plus lentement, à la vitesse de l’UE. À ce titre, quels sont les risques de blocage et les risques d’échec au moment de la construction de cette stratégie ? Vous mentionnez les prochaines réunions du Conseil européen au mois de juin, ainsi que des mesures Omnibus. Selon vous, quels sont les points clés sur lesquels nous devrions être particulièrement attentifs lors des prochains mois ?

M. Andrius Kubilius. Il s’agit là d’une question importante, d’ordre stratégique. Je cite souvent Jean Monnet, qui disait en 1957, à l’époque du traité de Rome, que la communauté européenne se créerait dans les crises et qu’elle serait la somme des solutions qu’on apporterait à ces crises. De fait, les crises sont facteurs d’unité, comme nous le voyons à l’heure actuelle. Naturellement, il existe des différences selon les pays, certains sont bien plus éloignés géographiquement de la Russie que nous ne le sommes et n’ont pas la même perception de la menace.

À cet égard, lorsqu’il s’agit de renforcer notre capacité en matière de dépenses de défense, nous sommes confrontés à des défis très variés, certains étant plus stratégiques que d’autres. Mais il est essentiel pour nous d’examiner ce que nous avons besoin de réaliser pour inciter les États membres à recourir à ces nouveaux outils, ces opportunités de financement qui seront très bientôt établies. Ceux-ci pourront être en mesure de dépenser à hauteur de 3,5 % de leur PIB au cours des quatre prochaines années et d’utiliser la « clause d’échappement ». Mais nous ne savons pas à ce stade si les États membres se saisiront réellement de cette possibilité.

Ensuite, un deuxième sujet est plus d’ordre tactique, voire psychologique. À l’heure actuelle, les Européens sont assez mobilisés, car ils perçoivent les menaces, observent ce qui se déroule en Ukraine et s’interrogent sur l’attitude future des Américains. Si un cessez-le-feu intervient en Ukraine, il s’agira d’un côté d’une bonne nouvelle pour le peuple ukrainien, qui en a tant besoin, mais également pour nous tous. Mais en même temps, cet accord de paix pourrait conduire les Européens à s’interroger sur la nécessité de plus investir en matière de défense. Or de leur côté, les Russes ne désarmeront pas et continueront de produire des armements au même rythme qu’à l’heure actuelle.

Je redoute que nous ne perdions cette dynamique, laquelle nous conduit aujourd’hui à renforcer notre défense et à répondre aux lacunes identifiées. Celle-ci est pourtant essentielle et nous ne devons pas nous reposer sur cette idée des dividendes de la paix, qui consisterait à confier à nouveau notre défense à un tiers. Sur le plan pratique, comment pouvons-nous progresser à l’aide de plans très clairs en matière de production industrielle ? Comment agréger les commandes et convaincre les États membres d’avoir recours à des contrats à long terme des appels d’offres ? Une fois encore, tout dépend de la mise en œuvre, laquelle nécessite de discerner chaque jour les obstacles éventuels, afin de prendre les décisions nécessaires pour pouvoir avancer. Je le répète encore une fois : le Livre blanc n’était qu’une première étape, un commencement.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Monsieur le commissaire, je souhaite vous interroger aujourd’hui sur le volet spatial plutôt que sur le volet défense, bien que les deux soient de plus en plus liés. Vous nous l’avez encore démontré, il y a quelques instants.

En compagnie de ma collègue Constance Le Grip, je suis co-rapporteur d’un rapport d’information portant sur l’avenir du projet spatial européen après Ariane 6. Dans ce cadre, nous menons actuellement des auditions et nous avons pu obtenir quelques éléments sur le principe du « retour géographique », lequel ne semble plus être adapté aux ambitions spatiales nationales des pays européens, voire contre-productif, car il duplique des compétences en Europe et empêche les pays européens d’être compétitifs ensemble face aux multiples projets internationaux, notamment américains.

En 2022, la presse française a révélé que pour pouvoir tenir le calendrier prévoyant la mise en service de la constellation d’Iris2 dès 2027, et afin d’être autonome de Starlink, Bruxelles aurait décidé de renoncer justement au retour géographique de l’Agence spatiale européenne (Esa) dans ses appels d’offres, afin de privilégier notamment la compétence technique des industriels, l’innovation et l’efficacité.

Selon vous, cette exception pourrait-elle devenir la règle ? Si tel était le cas, quelles seraient les conséquences de l’abandon de ce principe ? Est-il possible que ce retour géographique puisse simplement évoluer, afin d’être mieux adapté à la compétition spatiale internationale qui s’accentue aujourd’hui ? Par ailleurs, il semble qu’une nouvelle réglementation européenne sur le droit de l’espace soit attendue cette année. Pourriez-vous nous fournir quelques détails sur ce qu’elle contiendra ?

M. Andrius Kubilius. Nous nous sommes récemment concentrés sur le Livre blanc, qui traite des menaces directes et vise à répondre aux lacunes capacitaires. L’espace constitue à ce titre un enjeu essentiel, car il peut également contribuer à renforcer notre défense. L’espace nous permet de sécuriser nos communications, de mieux nous défendre. À ce titre, nous poursuivons un objectif d’autonomie stratégique grâce au lancement de satellites. À un certain moment, nous avons pris du retard dans notre compétition face à Elon Musk, qu’il convient désormais de combler.

L’UE doit disposer des systèmes dont elle a besoin ; il faut développer une nouvelle industrie européenne de l’espace. À ce titre, nous pouvons conserver un certain optimisme, car nous pouvons à nouveau être concurrentiels en matière de lancement, dans la mesure où de nouveaux projets sont en cours. J’espère qu’ils se réaliseront rapidement.

Ensuite, nous coopérons bien avec l’Agence spatiale européenne. Hier encore, nous avons discuté des possibilités existant à court terme, mais aussi à plus long terme en matière de projets de défense dans l’espace, pour les dix années à venir. Une visite a récemment eu lieu en Inde, pays qui s’est fixé comme objectif de construire une station spatiale lunaire en 2040. Je le souligne fréquemment : notre siècle sera celui de l’espace et des opportunités qui y sont associées.

S’agissant du retour géographique, je ne peux vous donner une réponse précise, dans la mesure où celle-ci appartient à l’Esa, une entité indépendante, qui est constituée par les États membres et non par la Commission européenne. Quelle que soit notre bonne collaboration avec l’Esa, ces États membres mènent les travaux. Je suis conscient des débats qui entourent la question du retour géographique, certains estimant qu’il s’agit d’un problème, car il atténue la concurrence quand d’autres y sont plutôt favorables. De fait, à l’automne, une réunion se tiendra à l’Esa et concernera notamment ce sujet.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de quatre questions complémentaires.

M. Philippe Bonnecarrère (NI). Monsieur le commissaire, vous avez débuté vos propos en indiquant que l’UE peut apporter une valeur ajoutée, grâce à une coordination industrielle et par levée de fonds. Puis-je résumer votre pensée en disant que l’action de l’UE est complémentaire de celle des États membres et de celle de l’Otan ? Pourriez-vous donner à nos concitoyens français des exemples appuyant cette démonstration ?

M. Andrius Kubilius. Nous apportons effectivement une valeur ajoutée, il existe une réelle forme de complémentarité. Un exemple assez simple l’illustre : désormais, les États membres, l’Otan et l’industrie européenne de la défense travaillent pour définir les capacités que chaque État membre doit atteindre. Cette décision relève de chaque État membre, dans le cadre des formats de l’Otan. Nous n’intervenons pas dans cette discussion, car il ne nous revient pas d’établir ces objectifs. En revanche, si la Commission peut avoir connaissance de ces objectifs agrégés que les États membres doivent atteindre avant 2030 en termes de munitions, de chars, de drones, de missiles, et de systèmes de défense aérienne, nous pourrons aider l’industrie européenne à les produire. Nous pourrons également œuvrer à convaincre les États membres de l’UE d’utiliser des outils de financement à leur disposition pour acquérir ces équipements.

Quoi qu’il en soit, nous n’entrons pas dans des discussions sur la doctrine de défense ou sur les capacités en tant que telles. Simplement, nous pouvons aider les États membres à acquérir ce dont ils ont besoin. Tel est notre rôle, de manière complémentaire.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Monsieur le commissaire, vous nous avez rappelé qu’en investissant 6 % de son PIB, la Lituanie considère pouvoir tenir sa ligne de défense pendant dix jours. Cette indication doit probablement nous faire prendre conscience que souveraineté nationale et solidarité européenne ne s’opposent pas, mais se complètent.

En revanche, pour contrer les discours de repli, l’Europe doit aussi être exemplaire et créer un environnement bien plus favorable aux entreprises européennes. Le principe que 65 % de la valeur totale d’un produit soit d’origine européenne pour notre réarmement a déjà été évoqué. Il doit devenir une réalité. La directive européenne sur les marchés publics doit ainsi être révisée, notamment pour ouvrir la porte à la participation d’alliés hors UE, à l’instar de la Norvège, de la Corée du Sud ou encore du Canada.

Dès lors, pouvez-vous nous rappeler les grands principes de cette stratégie d’achat ainsi que la méthode et les délais que vous entendez privilégier pour adapter le cadre légal européen et permettre que l’Europe ne soit pas entravée face à la nécessité qu’elle se recentre sur elle-même ?

M. Andrius Kubilius. Les partenariats sont absolument essentiels. Les programmes actuels, notamment Edip ou l’action de soutien à la production de munitions (Asap), voient l’UE dépenser de l’argent européen. Des règles bien établies définissent qui peut participer à ces programmes et comment ils peuvent être financés. Naturellement, nous œuvrons à dépenser l’argent européen auprès d’entreprises établies sur le continent européen. L’actionnariat de ces entreprises peut parfois provenir de pays tiers, mais dans ce cas, ces entités font l’objet de vérifications en matière de sécurité.

Ensuite, le programme « Safe » prévoit également la possibilité de conclure des accords de partenariat en matière de sécurité et de défense, par exemple entre la Grande-Bretagne et l’UE ou le Canada et l’UE, voire d’autres pays tiers. Dans de tels cas, ces accords prévoient que des matériels peuvent provenir de ces pays, dans le cadre d’une procédure bilatérale, qui comporte notamment des clauses de réciprocité.

À ce titre, j’observe que la Grande-Bretagne et le Canada témoignent d’un engagement politique très positif. Ces partenariats permettront sans doute d’aboutir à des développements nouveaux, à l’avenir. Je m’en suis entretenu d’ailleurs récemment avec les ministres de la défense canadien et britannique, dans le cadre du programme ReArm Europe. Je pense que nous avons tout à gagner du renforcement de ces partenariats.

Mme Catherine Rimbert (RN). L’Europe de la défense n’est qu’un cheval de Troie pour saper la souveraineté des États membres. Le programme Edip constitue un échec annoncé, puisqu’il repose sur un financement dérisoire et des achats massifs en dehors de l’Europe. Désormais, la Commission européenne s’arroge le droit de présenter un Livre blanc sur la défense européenne, alors même que ce sujet ne relève pas de sa compétence.

En effet, la défense demeure une prérogative régalienne des États et seule une coopération intergouvernementale comme celle de l’Agence européenne de défense (AED) peut respecter la souveraineté nationale. Pire encore, ce Livre blanc vante la création d’une chaîne de valeur transatlantique en matière de défense. L’UE prétend vouloir réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis, mais en réalité, elle ne fait que l’aggraver en intégrant son industrie sous la coupe de Washington. Encore une fois, la politique de défense relève des nations et en aucun cas de Bruxelles. Par conséquent, quelles mesures allez-vous mettre en place pour respecter enfin la souveraineté des États et, soit dit en passant, les traités européens ?

M. Andrius Kubilius. Comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, la Commission n’essaye pas d’intervenir dans les prérogatives des États membres en matière de défense. J’ai mentionné notamment l’élaboration et la mise en œuvre de la doctrine de défense, qui relèvent du champ des nations et de l’Otan.

Encore une fois, je peux rappeler que des programmes tels qu’Edip ont pour objet de soutenir l’industrie de la défense européenne. Or, en vertu des traités et d’autres éléments législatifs, l’UE est en effet responsable de la politique industrielle. Nous agissons donc dans ce cadre et notre action ne porte aucunement atteinte aux prérogatives des États. Toutes les accusations insinuant que la Commission s’efforce de capter de nouveaux pouvoirs sont erronées et reposent sur de fausses informations.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Monsieur le commissaire, je souhaite vous interroger sur la manière dont la Commission européenne accompagnera cet effort de sécurité en commun. L’instrument financier « Safe » est doté de 150 milliards d’euros sous forme de prêts, mais comment pensez-vous garantir son efficacité et son articulation, notamment pour éviter les lourdeurs administratives et accélérer les financements ?

Vous avez également évoqué l’association d’autres États à cet effort, en mentionnant le Royaume-Uni, le Canada, c’est-à-dire des pays non-membres de l’UE, mais qui disposent de capacités importantes. Pensez-vous que des pays limitrophes de l’UE, comme ceux des Balkans occidentaux, pourraient également passer des accords avec l’UE pour développer une capacité de défense commune ?

Enfin, la France dispose de l’arme nucléaire, comme le Royaume-Uni. Une mise en commun au profit de l’UE pourrait-elle constituer un sujet de discussion ?

M. Andrius Kubilius. Désormais, il nous faut effectivement voir comment mettre en œuvre les programmes de la façon la plus efficace. Une fois encore, tout sera entre les mains des États membres, notamment en fonction de leur volonté d’utiliser ces outils, ce qui est difficile à prédire à l’heure actuelle. Néanmoins, nous espérons que les décisions seront prises rapidement. À ce titre, nous nous attendons à ce que les États membres se prononcent rapidement sur l’utilisation éventuelle de la « clause d’échappement ».

S’agissant des prêts « Safe », une fois leur approbation acquise, nous espérons que lors des six prochains mois, les États membres décideront dans quelle mesure ils souhaitent employer ces financements. Simultanément, nous nous efforçons de procéder à des simplifications, dans le cadre de la législation Omnibus et ainsi de créer les conditions permettant à l’industrie de développer sa production. Ces éléments traduisent notre volonté d’un « big bang », car il nous faut aller vite et fort.

Vous m’avez interrogé également sur la possibilité pour les pays des Balkans occidentaux de participer à ces programmes. Le programme « Safe » prévoit la possibilité de se fournir auprès d’industries européennes, y compris en dehors de l’UE. Je pense notamment à l’Ukraine et à la Norvège. Il est également envisagé de l’étendre à des pays tiers à travers des accords de partenariat.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes. Je vous remercie, monsieur le commissaire, pour la précision de vos explications, ainsi que pour les perspectives que vous avez dressées concernant les programmes de la Commission européenne. Il est essentiel que vous ayez pu rappeler aux membres de nos commissions que le programme Edip peut financer l’industrie européenne et ainsi tordre le cou à quelques rumeurs que nous pouvons parfois entendre.

De même, vous avez également souligné que la compétence en matière de mobilisation des troupes, de besoins capacitaires, de conception et de déploiement de leurs doctrines relèvera toujours de la responsabilité des États membres. Ces réponses permettent de balayer quelques fables que nous pouvons, ici aussi, parfois entendre. Ces messages doivent encore être renouvelés dans les parlements nationaux, et je vous remercie de l’avoir fait aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

M. le président Jean-Michel Jacques. Monsieur le commissaire, je vous remercie pour vos réponses, qui nous éclairent sur le travail de l’UE, essentiel dans le contexte actuel.

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La séance est levée à dix-huit heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. M. Édouard Bénard, M. Philippe Bonnecarrère, M. Alexandre Dufosset, M. Frank Giletti, Mme Catherine Hervieu, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Abdelkader Lahmar, M. Julien Limongi, Mme Anna Pic, Mme Marie Récalde, Mme Catherine Rimbert, M. Arnaud Saint-Martin, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Jean-Louis Thiériot, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon

Excusés. M. Christophe Bex, Mme Anne-Laure Blin, M. Frédéric Boccaletti, M. Manuel Bompard, M. Bernard Chaix, M. Paul Christophe, M. Moerani Frébault, M. Damien Girard, Mme Lise Magnier, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Mikaele Seo, M. Thierry Tesson, M. Boris Vallaud

Assistaient également à la réunion. M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Sylvie Josserand, M. Laurent Mazaury, M. Frédéric Petit, Mme Liliana Tanguy