Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
– Examen pour avis, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord, signé à Paris le 14 octobre 2022 (n° 1520) (M. Christophe Bex, rapporteur) 2
Mardi
10 juin 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 71
session ordinaire de 2024‑2025
Présidence
de M. Jean‑Michel Jacques,
Président
— 1 —
La séance est ouverte à 16 heures 36.
M. le président Jean-Michel Jacques. Avant d’entamer notre ordre du jour, je vous propose d’observer une minute de silence pour exprimer notre respect et notre solidarité à la famille de l’adjudant de gendarmerie Stéphane Plunian, âgé de 41 ans, technicien en investigation criminelle décédé en service à Rouvray le 6 juin 2025 au cours d’une opération de police judiciaire.
(Mmes et MM. les membres de la commission se lèvent et observent une minute de silence.)
M. Christophe Bex, rapporteur pour avis. La Macédoine du Nord est un partenaire stratégique de la France dans les Balkans occidentaux – l’accord de défense que nous examinons en est la traduction concrète. Je me réjouis que nous traitions de la politique de défense française dans cette région relativement méconnue, dont les fractures ethniques, identitaires et confessionnelles ont été la cause de nombreuses déflagrations à l’échelle du continent européen. Il importe que la France ait une diplomatie active dans cette région autrefois qualifiée de poudrière et dont la stabilité reste fragile.
La stratégie française dans les Balkans occidentaux repose sur cinq piliers : développer les relations politiques, contribuer à la paix, à la sécurité et à la stabilité de la région, renforcer l’État de droit, développer nos relations économiques, renforcer les liens humains et culturels entre nos sociétés.
La France doit contribuer à la préservation de la paix et de la stabilité de cette région qui reste sujette à des menaces d’instabilité persistantes. Vous savez combien ces principes de paix et de stabilité sont cardinaux pour notre groupe parlementaire. Je constate d’ailleurs avec satisfaction que le renvoi aux objectifs et aux principes de la Charte des Nations unies figure en bonne place dans le préambule du présent accord.
Les convergences entre nos deux pays sur de nombreux sujets d’intérêt stratégique, en Europe ainsi que sur le flanc sud – Afrique du Nord, Moyen-Orient, Sahel, etc. – font de la Macédoine du Nord un partenaire plutôt fiable de la France en matière de défense. Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Fédération de Russie, nous sommes particulièrement alignés, notamment au sujet des sanctions européennes à l’encontre de la Russie. La Macédoine du Nord a contribué de manière substantielle à l’aide militaire à l’Ukraine – elle ne manque pas de rappeler qu’elle figure parmi les pays l’ayant le plus soutenue en termes de PIB par habitant. Toutefois, une inflexion dans l’attitude vis-à-vis de la Russie semble s’être amorcée depuis l’arrivée au pouvoir du parti nationaliste et conservateur, le VMRO, au printemps 2024. En février 2025, la Macédoine du Nord a fait le choix de s’abstenir sur deux résolutions de l’ONU concernant l’Ukraine, ce qui a interpellé nos alliés européens.
Plus largement, l’arrivée au pouvoir du parti nationaliste VMRO-DPMNE pourrait, à terme, menacer le partenariat de la Macédoine du Nord avec la France. Le chef du gouvernement macédonien, Hristijan Mickoski, s’est ainsi rendu à Washington pour la cérémonie d’investiture de Donald Trump et affiche une proximité idéologique assumée avec le président des États-Unis d’Amérique. Par ailleurs, la proximité politique entre le premier ministre de la Macédoine du Nord, son homologue hongrois Viktor Orbán et le VMRO est forte. L’accord de défense sur lequel nous devons nous prononcer a été conclu en 2022, sous la précédente majorité. L’arrivée au pouvoir, au printemps 2024, du parti nationaliste et conservateur constitue une alerte qui pourrait menacer la stabilité du pays et de la région. Plus que jamais, la France doit y être présente afin de garantir la paix, l’État de droit et un fonctionnement démocratique des institutions.
La Macédoine du Nord est située au cœur d’un environnement régional complexe. Depuis son indépendance en 1991, cette nation est traversée par de nombreux conflits identitaires qui se traduisent en différends bilatéraux majeurs en matière de politique extérieure, avec la Grèce et la Bulgarie notamment. Par ailleurs, les tensions entre la majorité slavo-macédonienne et la minorité albanaise ont affecté la stabilité du pays à la suite du conflit au Kosovo en 1999. En 2001, l’insurrection armée de la minorité albanaise aurait pu faire basculer le pays dans une guerre civile. L’action conjointe de la France et de l’Union européenne a évité ce basculement, leurs efforts ayant permis la signature de l’accord-cadre d’Ohrid le 13 août 2001.
Enfin, l’environnement régional de la Macédoine du Nord est soumis aux stratégies d’influence de plusieurs puissances régionales. La Russie est très présente dans la région. Par l’intermédiaire de relais puissants en Serbie et au Monténégro, elle exerce une influence certaine en Macédoine du Nord. La Turquie y jouit d’une influence croissante à travers les réseaux d’affaires, le financement de lieux de culte et le don de matériels d’armement. La présence de la Chine y est très marquée, notamment grâce à la construction d’infrastructures permettant de transporter vers la Grèce les biens chinois transitant par la Macédoine du Nord.
La coopération militaire bilatérale entre la France et la Macédoine du Nord est encore très modeste. L’armée macédonienne a certes des effectifs limités – 6 000 personnes environ –, mais elle a engagé un important effort de densification et de modernisation après l’adhésion du pays à l’Otan en 2020. Traditionnellement, à tort ou à raison, la Macédoine du Nord voit dans les États-Unis d’Amérique le principal pourvoyeur de sécurité en Europe
– l’attachement primordial au partenariat transatlantique est une constante qui résiste aux alternances politiques. Nous nous accorderons certainement à considérer que c’est une chimère. Les récents atermoiements de Donald Trump ainsi que la posture des États-Unis sur la scène internationale montrent à quel point l’administration américaine ne recherche pas la paix et la stabilité dans le monde et en Europe. Nous espérons sincèrement que les personnes et les pays qui continuent d’y croire se remettront rapidement en question et que la Macédoine du Nord y sera sensible.
L’adhésion de cette dernière à l’Otan a contribué à accentuer notre coopération bilatérale en matière de défense, mais cette coopération ne saurait être réduite au cadre de l’Alliance atlantique. La coopération strictement bilatérale en dehors de l’Otan, suivant les principes onusiens, doit être recherchée en priorité. Si le statut des forces prévu dans le présent accord offre des garanties mutuelles plus protectrices à nos forces déployées, nous déplorons qu’il renvoie automatiquement aux clauses standards de l’accord de statut des forces à l’étranger de l’Otan, qualifié de « SOFA » OTAN. Nous nous réjouissons que plusieurs clauses prévoient des dérogations explicites à ce dernier, concernant : la non-implication de nos personnels dans des opérations de maintien de la paix, de rétablissement de l’ordre public ou de la souveraineté nationale, voire dans de véritables opérations de guerre ou assimilées – article 6 ; le soutien médical – article 8 ; le décès de membres du personnel – article 9 ; ou encore la discipline – article 10. Ces dérogations permettent aux parties de créer un cadre plus adapté aux besoins de la coopération bilatérale, ce que je salue. La réciprocité des exceptions juridiques permet d’éviter la critique selon laquelle le « SOFA » est une forme renouvelée d’extraterritorialité accordée aux militaires des anciennes colonies, puisque le même régime s’applique aux Nord-Macédoniens en France et aux Français en Macédoine du Nord.
Cet accord permettra d’étendre de façon assez importante le champ de notre coopération dans le domaine de la défense. J’appelle à étendre cette coopération à la lutte contre les menaces hybrides ou aux interventions liées à des catastrophes naturelles ou humanitaires. Je trouve aussi dommage que la question environnementale soit absente de l’accord. La coopération de défense entre nos deux pays ne doit pas se réduire au domaine de l’armement – rappelons que Skopje a passé commande en 2022 de missiles Mistral de défense sol-air à très courte portée à l’industriel français MBDA. Nous appelons également à renforcer la coopération mémorielle en matière de défense entre nos deux nations, relation aujourd’hui articulée autour du souvenir du front d’Orient de la première guerre mondiale. L’inauguration, en 2018, d’un espace muséal dans l’enceinte du cimetière militaire français de Bitola visait à placer la Macédoine du Nord au cœur des questions mémorielles héritées du front d’Orient. Il m’a été rapporté, lors des auditions, que l’association des autorités macédoniennes aux commémorations organisées par les autorités françaises ne soulevait aucun problème, même si elle restait encore très modeste compte tenu de l’ambiguïté historique que constitue la première guerre mondiale pour l’identité macédonienne, des soldats macédoniens ayant combattu dans deux camps opposés, celui des Serbes d’un côté et celui des Bulgares de l’autre.
En définitive, cet accord a vocation à pérenniser et à renforcer la coopération bilatérale en matière de défense entre la France et la Macédoine du Nord, puisqu’il tend à garantir un cadre juridique stable et identifié pour les personnels français. Nous ne nous opposerons pas à l’adoption du projet de loi autorisant son approbation. Je salue les efforts et le travail diplomatique des services de l’administration française, au sein du ministère des armées et du Parlement. Nous saluons donc la conclusion d’un accord que nous aurions cependant espéré plus ambitieux, tourné vers la garantie de la paix et de la démocratie dans la région des Balkans et plus largement en Europe.
Je formulerai pour finir quelques réserves plus larges concernant le contrôle parlementaire de la politique de défense. Le groupe La France insoumise demande que la mise en œuvre des accords de défense fasse l’objet d’un contrôle parlementaire renforcé : en effet, nous en sommes automatiquement saisis mais nous n’en entendons ensuite plus guère parler. Nous souhaitons qu’un bilan de l’accord de coopération militaire entre la France et la Macédoine du Nord soit effectué dans quelques années – l’accord étant conclu pour une durée indéterminée, le sujet ne risque pas de revenir prochainement devant notre commission. Les accords de défense que nous concluons nous obligent vis-à-vis des parties avec lesquelles nous contractons. La mise en œuvre du présent accord doit être la plus ambitieuse et réaliste possible, afin, notamment, de garantir la crédibilité de notre pays sur la scène internationale. Notre commission doit y veiller.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Michèle Martinez (RN). L’accord que nous examinons marque une avancée significative dans notre coopération bilatérale de défense avec la république de Macédoine du Nord. Cette coopération s’exerçait jusque-là dans le cadre d’une convention signée en 1996 à Skopje. Depuis, le contexte géopolitique a évolué, avec l’intégration de la Macédoine du Nord à l’Otan en 2020 et la perspective de son adhésion à l’Union européenne. Il était temps de redéfinir notre coopération militaire. Pour cette raison, le groupe Rassemblement national salue le travail mené par nos diplomates et nos militaires pour qu’un accord de défense voie le jour et votera en faveur du projet de loi. En tant que premier parti d’opposition, nous gardons la même ligne en matière de politique étrangère et de défense : nous dénonçons ce qui va mal – c’est le cas en Afrique sahélienne, où la politique étrangère macroniste est un échec aussi indéniable que grave –, et nous saluons les réussites quand il y en a – c’est le cas avec la Macédoine du Nord.
La France a un rôle à jouer dans les Balkans, où sa voix reste écoutée. Cet accord de défense s’inscrit dans un cadre plus large, celui de la stratégie française pour les Balkans occidentaux, qui vise à renforcer la sécurité dans la région et à garantir un règlement pacifique des différends qui restent nombreux au sein de l’ex-Yougoslavie. Tout ce qui permet de renforcer cette stratégie va dans le bon sens. C’est même une impérieuse nécessité, vu les appétits stratégiques que suscite cette région. À terme, les États balkaniques ont vocation à rejoindre l’Union européenne. Or les atermoiements et les orientations idéologiques de Bruxelles sont parfois déroutants et suscitent bien des frustrations sur place. Je me fais ici l’écho des préoccupations que le ministre hongrois des affaires étrangères a exprimées la semaine dernière au sein de cette assemblée, alors qu’il était reçu par Marine Le Pen : attention à ne pas perdre les Balkans. Les coopérations solides ne se construisent pas sur des mots mais sur des actes concrets. Une coopération en matière de défense est un gage de sécurité, d’échanges d’informations facilités entre services et d’interopérabilité, soutenus par des exercices communs. C’est ce que prévoit cet accord. Le groupe Rassemblement national est honoré de permettre son approbation.
Mme Liliana Tanguy (EPR). Le projet de loi vise à autoriser l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre la France et la république de Macédoine du Nord signé en octobre 2022 à Paris.
En tant qu’ancienne présidente du groupe d’amitié parlementaire France-Macédoine du Nord et vice-présidente de la sous-commission pour les Balkans occidentaux à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je constate les avancées significatives réalisées par la Macédoine du Nord dans son processus de rapprochement avec l’Union européenne. Certes, des difficultés subsistent et la Macédoine du Nord doit poursuivre ses efforts pour consolider ces progrès et continuer sur la voie de l’intégration.
Cet accord de défense s’inscrit dans une relation bilatérale en constante évolution, soutenue par des liens politiques, stratégiques, humains – et même historiques, puisque la France et la Macédoine ont combattu côte à côte lors de la première guerre mondiale – de plus en plus étroits. Il actualise et approfondit le cadre de coopération existant dans un esprit de solidarité euro-atlantique. Il répond également aux objectifs de notre stratégie pour les Balkans occidentaux, qui consiste à appuyer la stabilité, à accompagner les réformes démocratiques et à renforcer les capacités de défense de nos partenaires dans cette région encore marquée par des fragilités géopolitiques. Membre de l’Otan depuis 2020, la Macédoine du Nord est un partenaire fiable et engagé. C’est la raison pour laquelle le groupe EPR soutient pleinement ce projet de loi qui contribue à consolider une coopération stratégique essentielle pour la sécurité européenne.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Les discussions en commission ont le mérite de nous apprendre les positions des autres groupes politiques : la semaine dernière, on découvrait que le Rassemblement national n’était plus favorable à la fin de la taxe au tonnage et qu’il se pliait aux demandes de CMA-CGM ; aujourd’hui, on apprend qu’il est pour l’Europe et l’intégration de la Macédoine au sein de l’Union européenne.
Notre groupe ne s’opposera pas à l’adoption de ce texte qui sanctionne l’apaisement et la normalisation des relations de la Macédoine du Nord avec ses voisins. En tant que pays étroitement lié d’amitié avec la Grèce notamment, nous ne pouvons que nous en féliciter. En revanche, comme l’a dit M. le rapporteur, nous regrettons que l’accord de partenariat ne comprenne pas un volet civil. Si nous voulons rétablir ou normaliser nos relations avec un État, la meilleure des choses à faire n’est pas de se présenter comme un prestataire de services de défense et de sécurité. Il faut plutôt engager une coopération dans tous les domaines, à commencer par les domaines culturels, universitaire, scientifique et économique. La défense vient en second. Or, dans la logique otanienne, la défense est souvent considérée comme un préalable au détriment des relations de partenariat et d’amitié qui devraient constituer le fond de toute politique étrangère.
M. Thierry Sother (SOC). Le groupe socialiste tient à saluer ce projet de loi visant à approuver l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre la France et la République de la Macédoine du Nord. Cet accord constitue un jalon important dans la consolidation de notre relation bilatérale avec un partenaire fidèle et engagé sur la voie euro-atlantique, bien que je partage les préoccupations exprimées par M. le rapporteur dans son propos sur l’évolution de la situation politique récente.
Cet accord permet de structurer juridiquement une coopération déjà ancienne mais jusqu’ici encadrée par un accord technique signé en 1996. Il élargit significativement les champs de collaboration de la politique de défense en y incluant les enjeux politico-stratégiques, en passant par la formation, l’organisation des forces ou encore la coopération mémorielle. Mais cet accord revêt surtout une portée diplomatique et stratégique : il s’inscrit dans notre stratégie pour les Balkans occidentaux, lancée dès 2019, qui vise à renforcer la stabilité, la sécurité et l’ancrage européen de cette région exposée à de multiples ingérences.
En signant cet accord, nous envoyons un signal clair : la France choisit de renforcer ses liens avec les États qui partagent nos valeurs démocratiques et notre attachement à l’ordre international fondé sur le droit. La Macédoine du Nord, malgré les obstacles sur son chemin européen, s’est résolument alignée sur la politique étrangère de l’Union. Elle a su prendre des décisions courageuses, notamment à travers l’accord avec la Grèce, pour lever les blocages diplomatiques. Elle a également démontré sa solidarité en rejoignant l’Otan et en soutenant les sanctions contre la Russie à la suite de l’agression de l’Ukraine. Cet engagement mérite reconnaissance. Il appelle un soutien renforcé de la part de la France et de ses partenaires européens, en particulier dans ce moment d’incertitude géopolitique.
Je souhaite que nous exercions une vigilance particulière sur les risques d’ingérence et d’influence possibles évoqués par M. le rapporteur.
Le groupe socialiste votera en faveur du projet de loi, avec la conviction qu’il constitue une étape utile au service de notre diplomatie de défense, de la stabilité régionale et de l’avenir européen de la Macédoine du Nord.
M. Christophe Blanchet (Dem). Je tiens à remercier M. le rapporteur pour sa pédagogie claire autour de ce texte. Notre groupe souscrit à ses remarques concernant l’évolution politique du pays. J’ai particulièrement aimé l’emploi du mot « chimère » : en effet, si l’actualité appelle la Macédoine du Nord à faire confiance à nos alliés américains, la vérité est qu’il faudra un jour compter réellement sur ceux qui sont dans l’Europe, et sur la France en particulier.
Cet accord de coopération est essentiel car il met la lumière sur un pays qu’on méconnaît, qui est l’un des premiers à s’être engagé aux côtés des Ukrainiens en leur livrant du matériel et qui exprime une vraie demande de sécurité, parce qu’il sait historiquement ce que c’est que de se trouver à côté de la Russie. Cela fera du bien à la population française.
Le groupe démocrate le soutiendra d’autant plus qu’il prévoit les modalités concrètes de la coopération en matière de défense : les enjeux politico-stratégiques, l’organisation et le fonctionnement des forces armées, l’armement et l’équipement militaire, le maintien de la paix, les exercices et les entraînements militaires, la formation, la géographie militaire et la politique mémorielle. Cette coopération prendra la forme de visites, de stages et de séjours, d’échanges d’expériences et de données d’intérêt commun, de participation d’observateurs à des exercices militaires et à des manœuvres, de formation militaire, d’échanges d’officiers experts techniques. C’est un début. Certes, on peut regretter l’absence de volet culturel, mais je reprendrai la phrase du général de Gaulle : « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y saurait manquer sans se détruire lui-même. » La défense est une première étape qui permettra, demain, d’autres formes de coopération.
Mme Lise Magnier (HOR). Comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’accord est le prolongement actualisé de la relation bilatérale que nous entretenons avec ce partenaire stratégique des Balkans occidentaux qu’est la Macédoine du Nord. Il répond à un double impératif : sécuriser juridiquement et renforcer opérationnellement notre coopération.
La Macédoine du Nord est un allié fiable de la France dans une région où persistent des tensions identitaires et des influences extérieures fortes. L’adhésion du pays à l’Otan, ses engagements dans les opérations de maintien de la paix ainsi que sa contribution significative au soutien de l’Ukraine témoignent de la convergence de nos intérêts stratégiques. Cet accord permettra d’élargir le champ de notre coopération, notamment dans la formation, l’équipement et le soutien logistique, tout en intégrant un volet mémoriel important autour du cimetière militaire français de Bitola.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons & indépendants votera en faveur du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre la France et la Macédoine du Nord.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux questions individuelles des députés.
M. Romain Tonussi (RN). Je suis surpris que M. le rapporteur considère la présence du premier ministre macédonien à l’investiture de Donald Trump comme une menace ; Georgia Meloni y était également présente et je ne crois pas que cela menace notre coopération avec l’Italie. Par ailleurs, le VMRO est l’équivalent macédonien de LR, qui n’est pas un parti particulièrement dangereux – la preuve, vous passez des alliances électorales avec lui.
L’accord prévoit la poursuite de la coopération en matière d’échange d’informations classifiées entre la France et la République de Macédoine du Nord, dans le prolongement de l’accord de 2010. Depuis, le contexte a évolué : la Macédoine du Nord a rejoint l’Otan en 2020 et les enjeux de cybersécurité sont désormais majeurs dans une région où les infrastructures numériques sont régulièrement visées. Il est vrai que le pays a réalisé de réels efforts en adoptant une stratégie nationale et en prenant part aux exercices conjoints du centre d’excellence de l’Otan, mais ses capacités restent limitées et, ces dernières années, plusieurs pays des Balkans ont été victimes de cyberattaques qui ont démontré la vulnérabilité de leurs réseaux institutionnels. Quelles garanties l’accord prévoit-il quant à la sécurisation des données échangées ? Quelles coopérations sont envisagées pour permettre à la Macédoine du Nord d’atteindre un niveau de protection compatible avec les standards français ?
M. Christophe Bex, rapporteur pour avis. L’accord de 2022 renouvelle celui de 1996 en le modernisant et en le renforçant afin de répondre aux nouvelles menaces, dont les cyberattaques. Il faut voir quelles suites lui seront données d’ici deux à trois ans. Comme je l’ai dit en ouverture, sans suivi, tous les accords du monde ne serviront à rien.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’un changement de gouvernement est intervenu l’année dernière. Nous devons rester vigilants. Il est normal que le vote d’abstention sur l’Ukraine de la Macédoine du Nord à l’Organisation des Nations unies nous interpelle, de même que son rapprochement avec d’autres gouvernements. Le parti au pouvoir a une histoire : cela fait longtemps que le VMRO, nationaliste et conservateur, existe. Il faudra suivre l’évolution des relations entre le pays et ses voisins, en prenant garde à ne pas réveiller de vieilles plaies : l’année dernière, la présidente de l’Assemblée nationale, nouvellement élue, avait parlé de la Macédoine, et non de la Macédoine du Nord. Soyons attentifs aux connotations.
Je suis heureux d’être rapporteur sur cette partie de l’Europe qui se reconstruit, comme la Macédoine du Nord le fait avec l’Albanie, la Bulgarie et la Grèce, et dont l’histoire est méconnue. C’est pourquoi la partie mémorielle de l’accord me tient particulièrement à cœur. J’ai un temps habité rue des poilus d’Orient, nommée ainsi en hommage à ces 50 000 soldats français qui sont morts sur le front oriental lors de la première guerre mondiale ; après la victoire, ils ont été évacués de l’histoire au profit d’un récit selon lequel la France avait gagné sur son terrain – c’est Verdun, c’est la bataille de la Somme. Il faut à tout prix parler de ce qui s’est passé dans les Balkans. L’offensive orientale de 1918 a été la seule offensive victorieuse de la guerre, dont elle a fait basculer le cours ; elle a abouti à la signature de l’armistice avec la Bulgarie, puis avec l’empire austro-hongrois.
Comme l’a dit M. Blanchet, l’accord est l’occasion de parler des Balkans, que nous connaissons très mal. Il faut éviter que l’histoire ne se répète dans ce coin de l’Europe.
La commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.
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La séance est levée à 17 heures 10.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, Mme Stéphanie Galzy, M. Jean‑Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Lise Magnier, Mme Michèle Martinez, Mme Natalia Pouzyreff, M. Aurélien Saintoul, M. Thierry Sother, Mme Liliana Tanguy, M. Romain Tonussi
Excusés. – M. Gabriel Attal, M. Frédéric Boccaletti, M. Manuel Bompard, Mme Cyrielle Chatelain, M. Didier Lemaire, Mme Murielle Lepvraud, Mme Anna Pic, M. Davy Rimane, M. Boris Vallaud