Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

 Audition, ouverte à la presse, de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration du ministère des Armées sur « Bilan et perspectives d’adaptation des enjeux propres aux domaines de compétence du Secrétariat général pour l’administration du ministère des Armées »              2


Mercredi
18 juin 2025

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 75

session ordinaire de 2024‑2025

Présidence
de M. Jean‑Michel Jacques,
Président
 


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La séance est ouverte à dix heures quinze.

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui, notre cycle d’audition consacré aux grands subordonnés du ministère des armées. Ce cycle constitue pour nous l’occasion, à mi-année, de faire le point sur les actions menées durant le premier semestre et les enjeux auxquels il doit être prioritairement répondu à l’avenir.

Nous commençons ce cycle par l’audition du secrétaire général pour l’administration du ministère des armées, M. Christophe Mauriet. En tant que secrétaire général pour l’administration, votre compétence porte sur l’ensemble des dimensions de la chaîne de soutien et de fonctionnement du ministère : affaires financières, ressources humaines, achats hors armement, affaires juridiques, immobiliers et logements, infrastructures, actions culturelles et mémorielles, ainsi que la politique de l’environnement. Vos domaines d’intervention recouvrent des enjeux majeurs de transformation pour le soutien des armées et de l’administration du ministère. Nous aurons grand intérêt à écouter ce que vous pourrez nous dire des actions entreprises depuis l’entrée en vigueur de la loi de programmation militaire (LPM) et pour les six premiers mois de l’année 2025.

Je relève pour ma part deux enjeux parmi les nombreux domaines d’action placés sous votre responsabilité. Le premier concerne la politique de recrutement et de fidélisation. Pouvez-vous nous faire un point d’étape sur les actions du ministère en matière de fidélisation ? Je pense particulièrement à la poursuite des plans « Fidélisation 360 » et des différents volets des plans « famille » qui déclinent un ensemble de mesures visant à renforcer l’attractivité des métiers de l’accompagnement médico-social des militaires et civils de la défense. J’ai également en tête les politiques de revalorisation indiciaire, avec la mise en œuvre depuis décembre 2024 des nouvelles grilles pour les sous-officiers supérieurs. Nous serons également attentifs aux perspectives que vous pouvez nous tracer quant à la poursuite de ce chantier de revalorisation s’agissant des grilles applicables aux officiers.

Mon second point porte sur la gestion des crédits budgétaires du ministère. Nous aimerions connaître votre appréciation sur le dernier rapport de la Cour des comptes de mars 2025 évoquant des risques sur la soutenabilité budgétaire pour la mission défense. Cette situation s’expliquerait notamment par la forte accélération du volume de restes à payer qui contribue à rigidifier certains des paiements à venir et les marges de manœuvre du ministère. En ressentez-vous d’ores et déjà les effets à votre niveau et partagez-vous ces inquiétudes vis‑à-vis de cette situation potentielle, qui s’apparente à une crise de croissance ?

M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration du ministère des armées. Je suis très heureux d’avoir l’occasion d’évoquer devant la commission de la défense les grands thèmes relevant des attributions du secrétariat général pour l’administration (SGA) et, après la première année entièrement écoulée de la LPM 2024‑2030, de dresser un point de situation sur les sujets d’intérêt qui concourent à la politique de défense, dans un contexte géopolitique de bascule stratégique, qui s’accélère en outre depuis le début de l’année 2025. Celui-ci est marqué par la question de la posture d’allié des États-Unis, l’accentuation de la menace russe, le caractère de plus en plus généralisé de la conflictualité – pour ne pas dire de la guerre hybride – ou les effets puissants et visibles des ruptures technologiques.

Ainsi que M. le président m’a invité à le faire, je commencerai par évoquer les ressources humaines du ministère, le « facteur humain » ; avant d’aborder la politique immobilière et la politique de l’habitat, la question des infrastructures. S’agissant du facteur humain, les dynamiques, qui sont clairement à l’œuvre, doivent plutôt nous conduire à être confiants dans la robustesse du modèle. Nous sommes engagés dans une dynamique de croissance des effectifs, et nous avons passé le moment assez sensible d’une crise du recrutement et de la fidélisation autour des années 2020-2023.

La cible pour la LPM à l’horizon de l’année 2030 consiste à atteindre 275 000 effectifs, soit 210 000 personnels militaires d’active et 65 000 personnels civils. L’année 2024 a constitué un tournant, puisque l’ensemble des plans et des mesures qui concouraient à la réalisation de cette ambition RH ont été réunis et mis en cohérence dans une démarche globale appelée « Fidélisation 360 », lancée par le ministre Sébastien Lecornu à Vincennes en mars 2024. Elle enregistre déjà des résultats très probants.

Nous avions inscrit au budget 2024 une progression des effectifs avec un schéma d’emploi positif supérieur à 450 et nous en réalisons quasiment 480. Ainsi, alors que dans les trois années qui avaient précédé, les schémas d’emploi positifs inscrits au budget ne s’étaient pas réalisés et que le ministère avait perdu des emplois en raison de difficultés à fidéliser, l’année 2024 a inversé la tendance. L’effectif réalisé au 31 décembre 2024 s’établit à 264 800 équivalents temps plein (ETP). Sur une masse de 22 000 sorties annuelles, les départs ont diminué de 15 % par rapport à 2023 et même de 20 % sur la catégorie des sous-officiers, une catégorie particulièrement indispensable à notre modèle d’armée. La même orientation se vérifie pour le personnel civil, dont le volume de départs définitifs est en baisse en 2024 de près de 7 % par rapport à 2023, sur une masse moins importante de plus de 4 000 sorties par an.

Les premiers mois de l’exécution 2025 témoignent d’un schéma d’emploi positif dans le budget, avec plus 700 ETP, y compris pour la direction de l’application militaire du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et 27 000 recrutements en cible. Sur les quatre premiers mois, nous avons déjà recruté plus de 7 500 militaires, ce qui permet de nous prémunir contre le risque d’années creuses, lesquelles produisent ensuite des effets de désorganisation sur le plan d’armement à deux ans, dix ans ou vingt ans, en termes de compétences utiles.

Nous sommes tout à fait confiants dans le fait que le ministère réalisera globalement ce schéma d’emploi positif de plus 700 personnels, mais aussi sur la manière dont il sera réalisé. Compte tenu du dynamisme maintenu des entrées et des très bons résultats de la fidélisation, pour l’ensemble de la manœuvre RH ministérielle, le sujet consiste à atteindre les valeurs couvertes par l’autorisation parlementaire de la loi de finances.

Pour illustrer mes propos, je souhaite vous faire part de quelques chiffres complémentaires. Le nombre des démissions enregistrées à la direction générale de l’armement (DGA) a été divisé par trois sur le début de l’année 2025. Cet élément est particulièrement notable, dans la mesure où il s’agit d’une administration technique, dont les compétences sont complètement indispensables pour réaliser les objectifs industriels capacitaires de la LPM. En outre, un point de fragilité ces dernières années avait été clairement identifié et concernait le personnel d’ingénieurs et de techniciens.

Comment de tels résultats ont-ils été obtenus ? Les enquêtes, notamment de moral, nous fournissent des indications. Il s’agit en premier lieu des effets de la politique annoncée en matière catégorielle. Monsieur le président, vous avez fait référence à juste titre à la mesure concernant les sous-officiers contenue au budget 2024, voté à la fin 2023. Les anticipations des personnels susceptibles d’être concernés par cette mesure de revalorisation des grilles indiciaires ont clairement conduit à des décisions de maintien dans l’institution de la part des intéressés. L’effet plein maximal sur une année complète se fera sentir sur l’année 2025, puisque les grilles sont entrées en vigueur à la fin de l’année 2024. Nous sommes convaincus que la grille des officiers, au cœur du paquet catégoriel des mesures nouvelles de la loi de finances pour 2025 engendrera un impact de même nature sur la fidélisation des personnels officiers. Nous croyons beaucoup à cette nouvelle mesure, qui interviendra dans le courant de l’année.

De manière rétrospective, les actions conduites en matière salariale, à travers la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), ont porté leurs fruits. La NPRM concernait presque exclusivement le régime indemnitaire, les primes, puis désormais les grilles indiciaires et la solde de base. En quelques années, nous avons ainsi élaboré une refonte et une amélioration considérable des conditions de rémunération des personnels militaires.

Mais la fidélisation ne repose pas uniquement sur des effets salariaux. Elle concerne une série de thèmes propres aux ressortissants du ministère de la défense et particulièrement aux personnels militaires, un accompagnement, une présence, une offre de services qui prend en compte les divers aspects de la vie des militaires. Cela est particulièrement vrai, notamment en matière de reconversion. Fondamentalement le modèle RH des armées demeure un modèle à flux, qui implique un besoin d’accompagnement à la reconversion des militaires. En 2024, 24 000 ressortissants du ministère des armées ont été accompagnés, y compris 2 600 conjoints et conjointes de militaires. L’intensité d’intervention de cette fonction mobilité-reconversion croît et se matérialise par 1 000 actions d’accompagnement supplémentaires en 2024 par rapport à 2023.

Monsieur le président, vous avez également fait allusion à l’accès aux soins, préoccupation de tous les Français et particulièrement des militaires, compte tenu du rythme spécifique des mutations et de la mobilité géographique qui les concerne. À ce titre, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale constitue un instrument extrêmement précieux de la politique RH et sociale à l’égard des personnels militaires. En 2024, elle a initié une innovation, qui a consisté à solliciter un référencement auprès de la profession médicale, sur une base entièrement volontaire, pour créer un réseau de médecins dits « solidaires » des armées. Ce réseau comporte aujourd’hui plus de 2 600 médecins généralistes et 1 100 médecins spécialistes.

Je me permets d’insister sur cette réalisation de l’année 2024, et en particulier de souligner son caractère volontaire, qui traduit véritablement un état d’esprit, sans intervention d’un instrument législatif ou réglementaire de contrainte. Les besoins du ministère des armées ont été exprimés et les sollicitations ont reçu une réponse extrêmement positive, encore une fois non contrainte par les textes, de la part de la profession médicale.

Je souhaite à présent vous parler d’immobilier et en particulier de politique de logement et d’hébergement. De ce point de vue, les plans lancés lors de la précédente législature étaient extrêmement ambitieux en termes de rénovation, de création de places, puisque plus de 23 500 doivent être livrées sur la période 2019-2025. En 2024, 3 200 places d’hébergement ont ainsi été livrées. Au-delà de ce volet hébergement très actif, il convient de mentionner le volet logement et notamment la gestion de notre parc de logements domaniaux et des mises en chantier depuis la signature de la concession « Ambition Logement ». Des mises en chantier et des livraisons de programmes neufs ou rénovés interviennent en 2025, à Versailles, à Apt, à Montauban, à Belfort et à Brest. Au total, d’ici 2029, entre les logements rénovés et les logements construits, nous disposerons d’un parc complètement à l’état de l’art de plus de 10 000 logements.

Je ne m’appesantirai pas sur le service d’infrastructure de la défense (SID), qui pourra être évoqué plus longuement à l’occasion de vos questions. Je souligne néanmoins qu’il s’agit d’un actif d’une immense valeur, au profit des armées, et y compris dans les circonstances de crise nationale, comme nous l’avons vu après le passage de Chido à Mayotte, mais plus largement au profit du pays tout entier, en métropole et dans les outre-mer. Le service d’infrastructure de la défense vient de fêter ses vingt ans et est placé sous l’autorité du SGA, dont il constitue la moitié des effectifs. Il demeure le dernier lieu de l’État où sont conservées et entretenues les compétences en matière de conception, de réalisation d’ouvrages de toute nature, des plus complexes aux plus nécessaires à la vie des armées, y compris les lycées, les hôpitaux, les garderies ou les ensembles de restauration, jusqu’aux installations nucléaires, navales ou aéronautiques.

Le SID dispose d’une feuille de route ambitieuse en termes d’effets à produire sur la durée de la LPM. En effet, de nombreux rendez-vous d’infrastructures sont connexes avec les rendez-vous capacitaires en matière aérienne, navale, terrestre, en matière de dissuasion sur la durée de la LPM. Les chiffres de commandes sont extrêmement ambitieux et marqués par une pente ascendante, puisque 2,4 milliards d’euros de commandes ont été réalisées l’an dernier.

Enfin, je souhaite conclure mon propos introductif en évoquant brièvement les perspectives de plus long terme. Le ministre a souhaité que nous engagions de façon très vigoureuse la rénovation de la journée défense et citoyenneté (JDC), qui représente le premier rendez-vous de la jeunesse avec le monde des armées. Elle permet de concrétiser l’enseignement civique délivré par l’éducation nationale, de faire connaître les métiers, de faire naître éventuellement un intérêt et, pourquoi pas, des vocations.

Son contenu a été complètement rénové. En 2025, près du tiers des 800 000 JDC se dérouleront sous le régime de cette rénovation. Cette JDC constitue un maillon essentiel dans le futur modèle RH, qui reposera sur un amalgame des personnels d’active et des personnels réservistes. Aujourd’hui, il existe 45 000 réservistes pour 200 000 militaires d’actifs. L’objectif consiste, à l’horizon 2035, à encore augmenter cette part pour atteindre 100 000 réservistes. Cela suppose d’ensemencer le plus précocement la société, de faire naître ensuite dans la durée un intérêt, de nouer des rapports entre la jeunesse et l’institution militaire qui correspondent aux moyens modernes de communication par des applications, par des systèmes comparables aux médias sociaux. Il s’agit d’une entreprise de longue haleine, mais elle connaît un démarrage très volontariste en 2025.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je cède à présent la parole aux orateurs de groupe.

Mme Caroline Colombier (RN). Monsieur le secrétaire général, permettez-moi tout d’abord de rendre hommage à l’action de vos services qui, malgré une pression financière croissante, agissent pour améliorer le quotidien de nos militaires et civils de la défense.

Je m’apprêtais à vous dire qu’alors que la LPM prévoit une hausse inédite des effectifs et une montée en gamme des compétences, les armées peinent à tenir leur schéma d’emploi, comme en témoigne la hausse des volumes de départ, signe d’une usure silencieuse de l’attractivité de nos carrières. Cependant, vous venez de nous expliquer que la tendance était inverse.

Ce constat a néanmoins été documenté par le rapport que nous avons eu l’honneur de conduire avec mon collègue Loïc Kervran en mars dernier sur la fidélisation et le recrutement. Nous avions ainsi formulé douze recommandations et j’aimerais revenir sur certaines d’entre elles. S’agissant de la fidélisation, disposez-vous d’indicateurs précis sur la durée moyenne des contrats, les non-renouvellements volontaires ou le taux de mobilités subies ?

Ensuite, nous avons pris position en faveur d’une massification maîtrisée de nos armées, impliquant une simplification administrative. À ce titre, nous avons recommandé que les régiments et bases puissent recruter directement des candidats qui souhaitent les rejoindre. Aujourd’hui, un jeune motivé pour servir dans une unité précise doit passer par un circuit centralisé, sans garantie d’affectation. Ce décalage entre un désir d’engagement local et une gestion RH centralisée démobilise inutilement. Êtes-vous prêt à ouvrir davantage de marges de manœuvre locales sous le contrôle de la direction des ressources humaines du ministère (DRH-MD) pour permettre un recrutement plus réactif, plus incarné et plus efficace sur le terrain ? Enfin, comme le Rassemblement National l’avait hélas pronostiqué, l’exécution financière de la LPM s’annonce tendue. Conservez-vous les marges de manœuvre nécessaires à la mise en œuvre des différents plans portés par le SGA, notamment sur les crédits votés dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ?

M. Christophe Mauriet. Madame la députée, je rends hommage à votre attention, à votre vigilance. Il en va des ressources humaines comme de la météo, certains cycles sont longs, d’autres plus courts. Lors de mon propos liminaire, je vous ai plutôt donné les indications d’un retournement durable des tendances que votre rapport avait décrites. Naturellement, nous demeurons extrêmement prudents et continuons de travailler ; les chaînes de recrutement sont engagées de façon extrêmement intensive. Les mesures de fidélisation, qui avaient commencé lors de la LPM précédente, notamment la prime de lien au service, produisent des effets.

Vous pointez du doigt une question particulièrement sensible, l’objectivation de l’efficacité de l’effort de fidélisation, par exemple en termes d’allongement des durées de présence des personnels contractuels. Il existe des objectifs qui sont fixés précisément en termes d’augmentation de ce délai. Pour les militaires du rang, d’une année sur l’autre, nous passons de 3,9 années en 2023 à 4 années en 2024, avec un objectif de 4,2 en 2025. Pour les sous-officiers, nous sommes passés de 17,6 années en 2023 à 17,8 l’année dernière et l’objectif 2025 est fixé à 18,1.

Vous avez également évoqué la différenciation entre les recrutements directs par les régiments, sur les bases et une politique plus brassée sur le plan national par les gestionnaires de personnels militaires. Les chefs d’état-major sauront mieux que moi vous en expliquer les raisons, dans l’intérêt même des armées. Il existe quand même des objectifs qualitatifs, que chaque armée doit faire valoir dans sa politique de recrutement. Mais ici encore, il s’agit sans doute d’une question d’équilibre.

S’agissant de l’exécution budgétaire tendue, les aspects RH et logement sont connexes. En matière d’hébergement, nous avons maintenu l’effort et les résultats l’attestent, avec des volumes de livraison supérieurs à 3 000 hébergements l’an dernier, la cible étant identique pour l’année 2025. Les affaires ont été lancées, elles ont été exécutées dans un laps de temps bref et les paiements s’effectuent.

J’en viens ensuite aux préoccupations exprimées dans des rapports de la Cour des comptes et des assemblées parlementaires, déjà évoquées par le ministre la semaine dernière. Il faut reprendre conscience du contenu des dépenses de défense, notamment la dépense d’investissement et la dépense en matière d’armement, qui se réalisent sur plusieurs années. Ainsi, les grands programmes navals ou aéronautiques s’effectuent à moyen et long terme. En conséquence, il existe une latence de plusieurs années entre le moment où vous engagez et le moment où vous payez à la livraison. De fait, les engagements du début de la première LPM se traduisent par un flux important de paiements, selon une logique qui ne nous surprend pas et qui était prise en compte.

Dès lors, nous avons beaucoup engagé. Le contexte stratégique et la très forte convergence de la représentation nationale aux LPM pilotées par Mme Parly et M. Lecornu prévoyaient résolument une pente ascendante. Le réarmement du pays est une priorité et se traduit par une hausse des commandes de long terme. À ce titre, le reste à payer correspond à tout moment à la différence entre la commande passée et ce qui a été réglé sur cette commande. Les commandes suivent une pente ascendante, mais les marchés d’armement se déroulent selon une vitesse qui leur est propre. Sur un marché d’un milliard d’euros, il est commun que 100 millions d’euros soient payés la première année et que la différence des 900 millions d’euros de restes à payer viennent s’accumuler. Le sujet du reste à payer n’est pas en soi une surprise, il est même inhérent à une phase d’augmentation des engagements, c’est-à-dire des commandes.

Allons-nous être confrontés à une crise de liquidités ? Pour prendre une métaphore automobile, on n’attend pas du ministère des armées de rouler à 45 kilomètres à l’heure en cinquième vitesse pour faire tourner le moteur à 900 tours par minute. Le véritable sujet porte plutôt, dans la limite des vitesses maximales autorisées, sur la recherche de la performance, le rendement ; nous sommes plus près de la zone rouge du compte-tours. Les circonstances ne nous ont pas invité à épargner pour envisager le cas où les industriels livreraient finalement un peu plus rapidement que prévu. En conséquence, ce qui est un motif d’inquiétude devrait être au premier ordre un motif puissant de satisfaction. Le ministère a engagé des commandes, elles arrivent, les paiements sont réalisés, les livraisons s’effectuent.

En résumé, le système tourne à plein, dans une trajectoire ascendante. Dès lors, le pilotage est plus expert. Mais jusqu’à présent, le ministère y parvient dans un contexte général des finances publiques sur lequel le ministre s’est exprimé il y a une semaine. Il a ainsi évoqué les aléas de la gestion 2024 et peut-être de la gestion 2025, qui oblige le ministère à mener un travail de très grande optimisation.

Mais regretter les restes à payer reviendrait à regretter les commandes qui ont été passées. Nous n’avons pas pratiqué de gestion « notariale » du budget de la défense. L’unité nationale établie autour de ce budget consistait plutôt à rattraper, à accélérer, à sortir résolument d’une phase de disette budgétaire, d’écrasement des budgets d’investissement.

M. le président Jean-Michel Jacques. La question était aussi motivée car le « gendarme » Bercy, lorsqu’il vous voit accélérer et produire de nombreux restes à payer, peut estimer que le budget de l’année est malgré tout quelque peu rigidifié par l’ensemble de ces restes à payer. Existe-t-il des mécanismes d’assouplissement ? Je rappelle que Bercy ne délivre pas l’argent dans l’année lorsque les engagements sont trop nombreux.

M. Yannick Chenevard (EPR). Je vous remercie d’avoir rappelé l’importance de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, dont le siège est à Toulon. Par ailleurs, vous avez évoqué les effets positifs à la fois de la NPRM mais aussi de l’amendement que j’avais déposé et que nous avons voté dans le cadre de la LPM, sur la révision de la grille indiciaire des militaires. La diminution de 20 % des départs de sous-officiers est significative. Il faut poursuivre en ce sens, mais vous avez fourni des indications positives.

La LPM, dotée de 413 milliards d’euros, était ambitieuse, mais la situation internationale actuelle nous conduit forcément à imaginer sa révision. Avant d’envisager de nouvelles marges de manœuvre, il faut s’assurer que les ressources actuelles sont pleinement, rigoureusement et efficacement mobilisées. À ce titre, votre rôle est essentiel, monsieur le secrétaire général. En tant que garant de la soutenabilité budgétaire et du pilotage administratif du ministère, vous êtes au cœur de la chaîne d’exécution.

Or, un constat revient souvent du terrain, mais également des industriels. Il existe parfois un écart entre les commandes annoncées et les paiements effectifs, entre les objectifs de livraison et les capacités de décaissement. Comment vos services se sont-ils adaptés pour accompagner cette montée en charge, à la fois en interne et en lien avec les industriels ? Quels leviers concrets mobilisez-vous pour garantir que les ordres de commande, les paiements et les flux contractuels suivent bien les objectifs de livraison définis dans la LPM ?

M. Christophe Mauriet. Votre question me permet de poursuivre les échanges entamés par le président Jacques. Le début de l’année 2025 a été marqué par un profil inférieur aux autres années en termes d’activité contractuelle, c’est-à-dire de passation de commandes, par rapport à une année normale. Il est évident que les aléas « macro-politiques » ne sont pas sans influence sur la vie de chaque département ministériel. Un gouvernement a été renversé, la loi de finances n’a pas été votée, la communauté financière de l’État a travaillé à constituer un régime qui n’avait pas de précédent, c’est-à-dire celui des services votés. Il s’agissait d’un régime de refroidissement et de courbe la plus plate possible. Ces différents éléments engendrent naturellement un impact sur la disponibilité de la machine administrative, y compris à la DGA, pour réaliser le plan 2025, lequel n’est pas déconnecté de la vie générale politique, institutionnelle et financière du pays et de l’État.

Depuis le deuxième trimestre, le système a redémarré, notamment en matière de commandes. Les bilans à fin mai montrent que la courbe s’est bien pentifiée et que nous sommes en train de rejoindre un profil plus naturel des engagements, c’est-à-dire des marchés passés avec les industriels. En résumé, du point de vue du rythme des commandes, il faut relever un facteur du premier ordre, c’est-à-dire le « trou d’air », une discontinuité dans la vie financière du pays.

Ensuite, le contexte général des finances publiques conduit le gouvernement à prendre des mesures de mise en réserve, de gel – la « régulation budgétaire » – qui sont justifiées par les objectifs que le gouvernement se fixe en matière de pilotage d’exécution de la loi de finances, en termes nominaux. Pour pouvoir exécuter la loi de finances conformément à ce qu’elle contient, il faut être capable d’absorber des chocs en dépenses ou en recettes.

Du point de vue de Bercy, la meilleure façon de se constituer des amortisseurs consiste à placer des crédits en réserve. Sur ce point particulier, le ministre a donné des explications plus actualisées. Il a obtenu les arbitrages qui ont permis de dégeler une partie des crédits mis en réserve, lesquels ont rendu possible la notification des marchés. Un deuxième rendez-vous d’une ampleur équivalente en termes de dégel sera bientôt franchi.

Ensuite, 2025 est une année importante dans la mesure où l’année 2024 n’a pas permis de réaliser la totalité des hypothèses qui étaient incluses dans les 413 milliards d’euros de la LPM. Je veux partager avec vous le fait que ce travail d’optimisation est très difficile. Si je reprenais la métaphore automobile, je dirais qu’il faut rouler vite alors même que la route est sinueuse et verglacée, car l’augmentation des prévisions d’engagement en 2025 par rapport à 2024 est très significatif. Le ministre parle à ce titre de « crise de croissance », image qui rend le mieux compte de ce que nous vivons. Pour pouvoir passer des engagements, il faut que l’industrie soit en mesure de se voir notifier les commandes, que les marchés soient au point et les négociations conclues.

La performance passée nous donne confiance dans l’idée que la DGA sera au rendez‑vous de cette pente extrêmement ambitieuse, volontariste. Sur le plan des paiements, il n’existe pas de surprise par rapport au modèle des 413 milliards d’euros, qui incluait en particulier une trajectoire de reports de charges, c’est-à-dire une forme de dette fournisseur de la part de l’État à l’égard des tiers. La gestion est donc hyper optimisée et nécessite des nerfs d’acier, à la fois au ministère des armées, au ministère des finances, au gouvernement, au Parlement et dans l’industrie.

M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Ma question porte sur l’anticipation du coût des opérations extérieures (Opex) dans le cadre des débats budgétaires. La loi de programmation militaire prévoit dans son article 4 une provision de 800 millions d’euros par an pour les surcoûts Opex. Or, ces fonds ont jusqu’ici toujours été insuffisants pour couvrir les dépenses réelles.

La LPM prévoit que les surcoûts Opex peuvent toutefois être pris en charge par des crédits pris sur d’autres missions, dans une forme de solidarité interministérielle. Dans son rapport de mai 2025 sur l’organisation budgétaire de la mission « Défense », la Cour des comptes pointe plusieurs lacunes, notamment dans l’information au Parlement et la soutenabilité financière de cette mission. Concernant les Opex, la Cour constate : « Il apparaît néanmoins que de façon récurrente, la provision budgétée pour ces opérations s’avère insuffisante. Cette situation peut, au premier abord, sembler avantageuse pour le ministère puisque le financement des surcoûts excédant la provision peut s’appuyer sur la solidarité interministérielle prévue par l’article 4 de la LPM ».

Toutefois, dans le contexte de budget d’austérité imposé par le 49-3 des gouvernements successifs ces dernières années, la solidarité interministérielle s’est avérée une vaine promesse. Les autres ministères n’ont tout simplement jamais eu aucun crédit disponible à transférer au ministre de la défense. Ainsi, les surcoûts des Opex pour les années 2022 et 2023 ont été financés sur d’autres crédits de la mission « Défense ». Quelles sont les actions qui ont été pénalisées par des annulations de crédit ? Ne risque-t-on pas de sacrifier des actions par manque d’anticipation des surcoûts Opex ?

M. Christophe Mauriet. La question du juste provisionnement en loi de finances initiale de l’enveloppe destinée à couvrir les surcoûts pour les Opex se pose en permanence pour les ministères de la défense et des finances, mais aussi le gouvernement et le Parlement. Cette question est ancienne, Mme Alliot-Marie y avait été confrontée en son temps. À chaque fois, des hypothèses sont établies, qui peuvent parfois être démenties par la réalisation. Je souscris assez largement aux écrits de la Cour des comptes. Je suis certain que des informations seront fournies au Parlement sur le sous-jacent de ces dépenses et la nature des opérations qui engendrent ces surcoûts.

S’agissant de la mécanique budgétaire d’ensemble, la manière dont les lois de finances de fin de gestion réalisent l’ensemble des mouvements se traduit par des ouvertures nettes de crédit. Vous avez bien décrit la formule de la « solidarité interministérielle », mais il ne faut pas se limiter aux mises à contribution de tel ou tel ministère. Il existe toutes sortes de lignes de charges communes entre les mains du ministère des finances qui, elles aussi, peuvent contribuer à réaliser l’équilibre de fin de gestion.

Mais pour aller droit au but, les ouvertures nettes ne correspondent pas à l’intégralité des surcoûts qui sont mis en avant. En conséquence, une part est prise sous enveloppe par des redéploiements que le ministère est amené à opérer entre la budgétisation initiale et l’atterrissage de la gestion. Les redéploiements sont de toute nature ; parfois ils n’ont pas de caractère proactif mais résultent simplement de la « prise d’acte ». Des dépenses prévues ne sont pas forcément intégralement réalisées, permettant de générer une partie des marges de manœuvre. Je ne dirais pas que ces opérations sont indolores, mais une partie de l’effort peut être pris sous enveloppe par redéploiement.

Ensuite, l’horizon budgétaire et les termes de l’autorisation parlementaire sont annuels, en vertu de la constitution, du droit organique. Mais il faut aussi regarder la situation en dynamique. Autrement dit, il est évident que les conditions du bouclage de 2024, somme toute convenables compte tenu du contexte général, imposent qu’en 2025, un certain nombre de rendez-vous soient honorés, notamment en ce qui concerne les ressources extra‑budgétaires.

À ce titre, je ne peux qu’abonder dans le sens du président Jacques. Il est certain que les discussions à conduire avec Bercy d’ici la fin de gestion seront à haut contenu énergétique. En 2025, il ne faut pas prendre le même biais qu’en 2024, qui a consisté à différer encore une des lignes des 413 milliards d’euros. La loi est votée, elle est applicable à tous.

M. Guillaume Garot (SOC). Je souhaite également intervenir sur la politique RH du ministère. La LPM consacre 6 300 créations nettes de postes sur l’ensemble de la période, jusqu’en 2030. Il était prévu qu’elles s’établiraient à 700 en 2024, mais dans les faits, seulement 479 postes ont été pourvus. Par ailleurs ou parallèlement, des mesures d’attractivité ont été développées pour une nouvelle politique de rémunération et de revalorisation des grilles indiciaires. Comment vous entendez poursuivre cette amélioration de la rémunération en favorisant un meilleur équilibre entre ce qui relève de l’indiciaire et ce qui relève de l’indemnitaire dans le contexte que nous connaissons ? Quels outils d’évaluation mettez-vous en œuvre pour assurer l’efficacité des dispositifs de recrutement et de fidélisation ?

Je souhaite également vous interroger sur les mesures de coordination, de formation commune, de mobilité croisée à l’échelle européenne, qui aujourd’hui, de fait, restent embryonnaires. Qu’est-il prévu dans ce domaine en termes de leviers institutionnels, et opérationnels pour construire une politique RH plus intégrée à l’échelle de l’Union ?

M. Christophe Mauriet. S’agissant de votre dernier point, je constate que les Britanniques viennent de mener un exercice de revue stratégique. Les préoccupations qu’ils ont mises en avant sont également les nôtres, en matière de logement, d’accès à la santé. De fait, il est toujours intéressant d’étudier les solutions que nos alliés apportent à des problèmes que nous portons également. De même, il existe des partenariats, des officiers ou même des fonctionnaires d’échange. Plus tôt dans ma carrière, lorsque je travaillais à la direction des affaires financières, nous échangions beaucoup avec nos homologues du ministère britannique de la défense. Peut-être aurions-nous intérêt à nouer à nouveau, de façon plus structurée, des relations, des partenariats, et à faire circuler les personnels.

Ensuite, il semble néanmoins difficile de concevoir des plans véritablement coordonnés, car si les problèmes sont comparables en termes génériques, les réponses sont quand même très typées selon les contextes sociaux, les cultures nationales.

A titre d’exemple, dans le mode de rémunération des Britanniques, il existe une préférence pour le court terme, la rémunération nette est plus élevé. Mais en corollaire de cette préférence pour le court terme, le système de pension est moins favorable que celui des militaires français. En vertu du statut général des militaires, le régime français de la pension est à jouissance immédiate, avec des durées brèves et des conditions de calcul très favorables. Vous avez néanmoins raison de mettre en lumière les enjeux de la connaissance et du partage. Depuis ma prise de fonction, j’ai par exemple eu l’occasion d’échanger avec des homologues allemands.

S’agissant du bilan des différents leviers de la politique salariale, notamment de la NPRM, un rendez-vous est fixé entre le ministère des armées, le gouvernement et le Parlement à la fin de l’année 2026. Un rapport exposera ainsi les effets de cette NPRM sur la politique RH. Par ailleurs, lors de ma réponse à la première question de Mme Colombier, j’ai fourni des éléments sur l’objectivation de nos ambitions en matière de fidélisation sur la durée de présence sous les drapeaux des différentes catégories militaires.

S’agissant des modalités d’atteinte de la cible de 275 000 en 2030, il faut observer que le démarrage est quand même positif. N’oublions pas que des emplois ont été « détruits » dans la période antérieure. L’année 2024 était positive et 2025 devrait l’être également, plutôt « par le haut ». Nous examinons en interministériel la possibilité de tirer profit de la dynamique de la gestion 2025 pour éventuellement rattraper les années de retard de la précédente LPM.

Mme Josy Poueyto (Dem). Monsieur le secrétaire général, je vous remercie pour votre exposé qui permet de bien saisir l’essentiel de vos missions. Vous êtes finalement au cœur d’un système transversal d’organisation et de fonctionnement. Votre rôle dans l’utilisation des crédits vous assure une vision pertinente sur les problématiques que nous traitons régulièrement au sein de notre commission. Pour ma part, j’aimerais vous entendre sur la politique immobilière et de logement du ministère des armées. En vérité, cette question m’est soufflée par l’Union des associations de combattants et de victimes de guerre.

Comme vous devez le savoir, celle-ci a interpellé un certain nombre de parlementaires pour tenter d’obtenir un meilleur taux de rentabilité pour les investissements réalisés dans la construction de logements par l’intermédiaire et surtout au profit du fonds de prévoyance des militaires. Dans ce cadre précis, selon l’Union, autour de 100 millions d’euros devraient être encore engagés en 2025. Mais les associations craignent que le taux de rentabilité du marché ne soit toujours pas assuré.

Selon elles, depuis déjà plusieurs années, ce taux n’est pas atteint. La conséquence ne semble pas neutre puisqu’à défaut de rentabilité suffisante, le fonds de prévoyance militaire destiné à indemniser nos blessés a sensiblement perdu d’envergure dans sa capacité de redistribution. Pouvez-vous apporter votre éclairage sur ce dispositif et cette situation qui semble bien complexe ?

M. Christophe Mauriet. Je suis d’accord avec vous : le système est extrêmement complexe. Les fonds de prévoyance sont gérés par un établissement public du ministère, en étroite collaboration avec la Caisse des dépôts. Ces fonds sont alimentés par une cotisation prélevée sur les soldes et par les revenus des investissements en matière mobilière – la loi impose que l’univers d’investissement soit limité aux obligations – et des investissements en matière immobilière. Il s’agit en l’espèce de financements dans la réalisation de programmes immobiliers qui donnent ensuite lieu à une mise à disposition de bailleurs, mais qui figurent effectivement dans le patrimoine de ce fonds.

Face à ces recettes, figurent les charges, qui concernent l’indemnisation, la compensation des accidents ou des préjudices de toute nature que les militaires rencontrent au cours de leur carrière. Certains phénomènes ont à la fois perturbé les recettes et les charges. Les recettes ont été perturbées par les aléas des marchés, qui impactent les rendements obligataires. En conséquence, les plus-values sont plus ou moins importantes sur ces portefeuilles. Ceux qui vous ont soufflé la question se réfèrent quant à eux à la partie relative au patrimoine immobilier. En outre, un pic a été enregistré du côté des charges, essentiellement du fait de l’activation de syndromes post-traumatiques. Néanmoins, la situation est en train de se résorber.

Il faut éviter de piloter de manière trop abrupte ces modèles qui placent des ressources de long terme face à des obligations de compensation de préjudices. En effet, les marchés connaissent des cycles, et il importe de ne pas se presser de compenser les à-coups qui peuvent intervenir sur les charges. Le premier levier à activer pour rétablir l’équilibre consisterait à augmenter le taux des cotisations sur les soldes. Tel n’est pas le scénario que privilégie le ministère des armées, mais cela signifie bien que lorsque l’on s’attache à ce sujet, il est important de l’envisager dans toute sa profondeur.

Ensuite, il est également possible d’envisager une lecture plus conforme au texte des conditions de prise en charge, d’indemnisation des préjudices. En évitant d’augmenter les cotisations, on réalise le vœu explicite des parties prenantes ; ce n’est qu’en dernière intention que les cotisations pourraient être augmentées. Ici aussi, il convient de garder ses nerfs lorsque les recettes baissent ; elles remonteront, comme nous l’enseigne l’expérience sur le long terme.

En outre, il existe des amortisseurs, des investissements importants. La somme des portefeuilles de valeurs mobilières et du patrimoine immobilier s’établit ainsi à 760 millions d’euros et permet d’amortir les à-coups. Le système est robuste, mais il est naturel qu’il donne lieu à une expression de frustration de la part de certaines parties prenantes. J’observe à ce titre que la notoriété de ces fonds est bien plus importante qu’elle ne l’était il y a encore quelques années. Ils sont bien plus connus. En conclusion, nous connaissons une phase d’ajustement, mais je ne suis pas inquiet sur la stabilité du dispositif à moyen et long terme.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Avant de vous poser des questions, permettez-moi juste d’exprimer mon étonnement de ne pas voir une femme à vos côtés ce matin. Je ne préjuge absolument pas, évidemment, de la très grande qualité des sept messieurs qui vous accompagnent.

J’en viens à présent à mes questions. Nous sommes actuellement en pleine réactualisation de la revue nationale stratégique (RNS). Avez-vous été associé à ce travail ? Ensuite, votre administration s’est-elle vu fixer des objectifs de réduction des coûts, et si tel est le cas, sur quels postes et quelles missions ? Enfin, ma troisième question m’est inspirée par mon travail de rapporteure du traité de coopération en matière de défense (TCMD) entre la France et Djibouti. En me déplaçant à Djibouti avec mon collègue Yannick Favennec‑Bécot ici, j’ai pu constater qu’un certain nombre de bâtiments étaient en décrépitude – je pense notamment à la base aérienne. Je suis convaincue que pour nos militaires, mais également pour l’image et la puissance de la France spécifiquement dans cet endroit du monde, une rénovation serait peut-être bienvenue.

M. Christophe Mauriet. J’en prends note, mais il convient de rappeler que des besoins existent partout, quand les ressources sont limitées. En conséquence, je ne suis pas en mesure de vous dire s’il est prévu de réaliser les travaux que vous trouvez opportuns, ni à quelle échéance.

Ensuite, l’ensemble du ministère est naturellement associé à l’actualisation de la RNS, mais d’autres entités y contribuent plus en priorité que les services administratifs. Par ailleurs, des actions de restructuration et même d’économie existent sur la partie administrative du budget et des services. Ce volet me permet d’ailleurs d’évoquer le SID, qui est sorti de vingt ans de restructuration et de baisse de ses effectifs. À une certaine période, ont été allégées au maximum les capacités à opérer en régie un certain nombre d’actes et d’interventions, qui sont pourtant très nécessaires à la continuité de la vie dans les entreprises militaires. Désormais, nous sommes plutôt en train de stabiliser, voire de légèrement réépaissir cette ligne.

Il existe quand même des objectifs. Les restructurations en matière de RH sont regardées de façon très rigoureuse par le SGA. S’il existe un objectif cible de 275 000 emplois à l’horizon 2030, les besoins dynamiques existent de manière différenciée entre les différentes branches. À ce titre, il est certain que les services administratifs apporteront leurs contributions en termes de redéploiement ou de bascule d’efforts, au profit d’un certain nombre de fonctions dont les priorités sont bien connues.

À titre d’exemple, nous sommes convaincus que les fonctions administratives, la fonction RH en particulier, contiennent encore des gisements d’optimisation, grâce à l’emploi d’applications et de systèmes numériques qui contribuent à instrumenter la fonction RH. Je rappelle que pour la fonction RH du ministère, il s’est d’abord agi, dans la période récente, de reprendre le contrôle du système de solde, qui était embarqué dans l’application Louvois, laquelle a gravement dysfonctionné. La reprise de la maîtrise de ce dispositif a absorbé la totalité de la bande passante en matière de numérique sur la fonction RH.

Cet épisode est désormais derrière nous depuis déjà quelques années et nous avons repris le travail de modernisation. En effet, de manière objective, tant pour la gestion du personnel militaire que pour celle du personnel civil, l’environnement numérique de la fonction RH n’est pas encore au niveau. Il existe donc un programme important de numérisation des méthodes de travail du monde RH, non seulement de la DRH ministérielle qui dépend du SGA, mais aussi de l’ensemble des fonctions RH dans le ministère.

Ce travail permettra ainsi de redéployer des effectifs. Sur les 13 000 personnels du SGA, 6 500 œuvrent au SID ; 3 800 à la DRH-MD, avec des objectifs de réduction, à terme, grâce à l’usage de l’intelligence artificielle dans les processus RH.

M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Je me permets d’abord de souscrire à l’intervention de ma collègue Anne Le Hénanff sur la nécessité de rénover certains bâtiments de nos armées à Djibouti. Ensuite, ma première question concerne le soutien aux anciens combattants. L’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG) joue un rôle essentiel, mais les démarches restent parfois complexes, surtout pour les plus fragiles. Quel bilan tirez-vous des dispositifs existants ? Quelles améliorations concrètes sont-elles à l’étude pour l’accès aux droits et pour plus humaniser l’accompagnement de nos anciens combattants ?

Ma deuxième question a trait au lien armée-nation. Vous en êtes un acteur clé, notamment à travers la politique mémorielle, les réserves ou encore le soutien aux associations. Quelles sont vos priorités pour conforter ce lien dans un moment où notre cohésion nationale est – c’est le moins que l’on puisse dire – quelque peu fragilisée ?

M. Christophe Mauriet. Les gains d’optimisation sont plutôt recherchés dans le champ de ce qui n’est pas ultra prioritaire en termes de capacités, comme le soutien aux associations. Il n’en demeure pas moins que vous avez raison de souligner l’importance cardinale de la mission de l’ONACVG au service des ressortissants.

Des progrès peuvent certainement intervenir dans ce domaine, qui passent sans doute par un allègement des missions plus latérales de l’Office. Un rapport a été produit par la Cour des comptes, le gouvernement mène une action de refondation de l’action publique, les assemblées s’intéressent aux opérateurs, aux nombreux établissements publics qui existent dans le champ de l’État. Il se trouve que le ministère des armées est exceptionnellement frugal en matière d’établissements publics, lesquels représentent à peine 2 % ou 2,5 % du total des ressources du ministère en effectifs ou en budget. L’ONACVG est un des établissements publics majeurs du périmètre du ministère des armées et à ce titre, il prépare des mesures d’optimisation et peut-être d’économie.

S’agissant de la politique mémorielle et de la politique des musées, nous sécurisons dans des contrats d’objectifs et de performances les engagements réciproques auxquels le ministère des armées et ses musées souscrivent. Dans le contexte actuel marqué par une certaine rigueur budgétaire et une recherche d’optimisation, il convient également de faire la part des choses entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable.

M. Édouard Bénard (GDR). Je vous remercie pour votre présentation. S’agissant de vos missions, je relève deux défis majeurs. Le premier défi concerne la gestion des ressources humaines. Vous nous avez évoqué le schéma d’emploi positif lié au plan « Fidélisation 360 ». Il s’agit d’une bonne nouvelle, tant les besoins sont croissants, notamment dans les domaines critiques comme la cybersécurité, la maintenance ou le renseignement. Le SGA devra continuer de revoir en profondeur ses leviers d’attractivité, adapter les parcours professionnels aux profils spécialisés. De surcroît, la fuite de nos profils les plus performants vers un secteur privé certainement plus avantageux et lucratif demeure, semble-t-il, l’une des problématiques en matière de fidélisation des effectifs.

Le deuxième défi a trait au pilotage du contrôle budgétaire. Alors que la LPM prévoit 413 milliards d’euros sur sept ans, le ministère a besoin d’une administration capable de suivre l’exécution des crédits en temps réel, d’anticiper les surcoûts et de réallouer les ressources en fonction des priorités stratégiques s’il veut garantir l’efficacité de cette trajectoire. Cela suppose un renforcement des capacités de prévision et de contrôle de gestion au sein même du ministère, des fonctions semblant aujourd’hui sous-dimensionnées. En outre, la crédibilité de notre posture dans le contexte international que nous connaissons repose également sur la solidité de nos fonctions administratives, logistiques et humaines.

Quels sont les leviers dont dispose le SGA afin de palier davantage la problématique de gestion RH, notamment la fidélisation des effectifs et assurer une bonne exécution budgétaire de notre LPM dans un contexte de réarmement stratégique ?

M. Christophe Mauriet. Monsieur le député, je ne peux qu’être sensible à votre formule : en effet, les fonctions administratives, par leur qualité intrinsèque, contribuent à la crédibilité d’ensemble de notre dispositif de défense. J’en suis le premier convaincu.

Ensuite, vous estimez que les capacités de contrôle de gestion et de pilotage budgétaire sont sous-dimensionnées. Ayant exercé les fonctions de directeur des affaires financières pendant six ans et étant assez concerné à la fois par le contrôle de gestion et le pilotage budgétaire, je ne suis pas certain de voir spontanément à quoi vous faites allusion. En revanche, il est certain que l’on peut toujours progresser et que ces éléments s’apprécient à la fois de manière absolue, mais aussi en termes relatifs. Il importe ainsi de voir comment nous nous situons par rapport à d’autres univers administratifs ou à d’autres ministères.

De ce point de vue, les documents budgétaires comportent des éléments de performance qui permettent de mesurer les écarts entre les cibles que l’on peut établir, par exemple sur la réalisation des programmes d’armement. Ces cibles s’expriment en budget et en délai pour l’essentiel. Or sur l’histoire récente ou même sur moyenne période, il existe plutôt des motifs de satisfaction concernant les programmes d’armement. Cependant, il faut également être conscient que ce que vous appelez le pilotage budgétaire ou le contrôle de gestion reste corrélé à un inducteur profond, la réalisation des programmes d’investissement, par exemple.

Lorsque l’on a affaire à des programmes très ambitieux du point de vue technologique, qui comportent des ruptures capacitaires importantes et des délais ambitieux, et que des écarts interviennent, le contrôle de gestion ne fournira pas en lui-même le moyen d’effacer ces écarts vis-à-vis de la trajectoire initiale. Compte tenu de l’importance de la variable défense dans le bouclage du budget de l’État, compte tenu de la date à laquelle les arbitrages sont rendus, c’est-à-dire en général la veille du dernier jour ouvrable de la gestion, quand ce n’est pas l’après-midi du dernier jour ouvrable de la gestion, j’ai cependant l’impression que notre pilotage budgétaire est de qualité. Nous avons toujours été au rendez-vous de Bercy quand il fallait réaliser la dernière partie de la trajectoire pour arriver exactement sur la cible.

En conclusion, il faut être conscient des axes de progrès à réaliser, mais également de la bonne qualité du pilotage de gestion.

M. Bernard Chaix (UDR). Face à la multiplicité des menaces, la France doit intensifier ses efforts de défense et notamment en matière de ressources humaines. Bien que l’objectif de 27 000 recrues pour 2025 devrait être atteint, nous devons maintenir une approche dynamique vis-à-vis du recrutement et surtout de la fidélisation.

L’exploitation des données que permet l’intelligence artificielle (IA) en fait un outil puissant pour le recrutement. L’armée américaine a mis en place une solution qui a analysé 30 millions de profils, évaluant leur adéquation avec l’armée et les prédispositions à s’engager. Les progrès sont édifiants. L’objectif américain de 61 000 recrues pour l’année fiscale 2025 a été atteint avec quatre mois d’avance, ce qui est inédit. Les recruteurs sont unanimes : les profils correspondent mieux aux attentes et le temps de sélection a été réduit de 30 % à 50 %, soit une économie d’argent extrêmement importante.

Envisagez-vous, en compagnie de l’Agence ministérielle pour l'intelligence artificielle de défense (Amiad) de recourir à un outil d’intelligence artificielle pour le recrutement et la fidélisation de nos soldats ?

M. Christophe Mauriet. Monsieur le député, vous mettez le doigt sur une problématique absolument décisive. Cependant, je ne suis pas expert sur la question du recrutement du personnel militaire, qui relève éminemment d’une compétence des DRH et des états-majors d’armée. En conséquence, je ne suis pas complètement en mesure de vous répondre. Néanmoins, je sais que la mobilisation des algorithmes et plus généralement des techniques d’analyse des données au profit du recrutement est à l’ordre du jour des recruteurs militaires français. Je ne suis pas capable de vous donner plus de détails mais si vous le souhaitez, nous pourrons conduire un travail de recueil auprès des DRH d’armées.

Plus largement, la mobilisation des données entraînera une forme de rationalisation de la fonction recrutement qui est aujourd’hui – pour de bonnes raisons – très « propriétaire » de chaque armée. Le recrutement est très identitaire et chaque armée considère qu’elle est mieux placée que n’importe qui pour recruter ses personnels. Cependant, le sous-jacent de ces questions de recrutement, complètement renouvelé par les data, plaide sans doute en faveur d’une  interarmisation, une unification au moins partielle des concepts et des outils du recrutement.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de questions individuelles complémentaires.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Mon intervention s’appuiera sur des questionnements qui vous ont déjà été adressés. Je me retiendrai de vous interroger sur la question de la dette grise qui a été évoquée par ma collègue préalablement, même s’il s’agit d’un sujet majeur pour nos troupes, mais rebondirai plutôt sur la question de l’intelligence artificielle.

Vous avez récemment déployé au sein de vos services GenIAl.intradef, un chatbot conversationnel qui permet d’optimiser et d’améliorer les process internes dans vos services. S’agissant de l’enjeu de la réserve et notamment des délais de réponse face à l’élan citoyen qui se manifeste aujourd’hui, avez-vous prévu de flécher les outils d’intelligence artificielle pour améliorer la réponse adressée à tous nos concitoyens qui veulent s’engager ? En effet, force est de constater que ces délais demeurent malheureusement trop longs.

Mme Nadine Lechon (RN). Le ministre des armées disait en 2024 que face à nos résultats en matière de recrutement et de fidélisation, les chiffres nous commandaient d’agir vigoureusement et vite. Un an après, nos armées manquent encore de spécialistes, surtout dans les filières rares comme les ingénieurs, les opérateurs et les linguistes.

Existe-t-il un autre domaine dans lequel les carences sont visibles et inquiétantes ? Je pense notamment au service de ressources humaines et civiles (SRHC). Un article récent dévoile à ce propos des problèmes profonds : logiciels obsolètes, manque de personnel, moyens au rabais, agents surmenés qui ne parviennent plus à remplir leur mission. Tout porte à croire que la situation du service ne fera qu’empirer.

Le ministère s’est contenté de dire que le SRHC recevra des renforts en 2028. Ce n’est tout simplement pas acceptable. Ce service gère les recrutements, les retraites, l’organisation, les carrières de milliers de civils et de militaires. À quoi bon débattre de fidélisation et de recrutement si les services constitués à l’arrière ne parviennent plus à suivre ? Que pouvez-vous nous proposer ?

M. Pascal Jenft (RN). Dans une France où l’inflation perdure et où les déserts médicaux s’aggravent, déménager régulièrement peut entraîner de lourdes contraintes. Cette réalité est d’autant plus vraie pour les militaires et leurs familles obligés de changer de lieu d’habitation au gré des mutations. Cela freine la recherche d’emploi du conjoint, voire la stabilité scolaire des enfants. Afin de préserver la famille de ces chamboulements, certains militaires optent pour le célibat géographique. Mais ce choix, bien que compréhensible, engendre une certaine charge mentale, une fatigue logistique constante et un coût souvent mal compensé. Par ailleurs, le Haut comité de l’évaluation de la condition militaire, dans son rapport de 2023, recommande de suivre particulièrement les impacts du célibat géographique sur les militaires et d’encadrer ce dispositif. Comment l’administration du ministère des armées peut-elle accompagner au mieux les militaires et leurs familles dans le cadre du célibat géographique ? Quel est le domaine qui mérite d’être financé en priorité et pourquoi ?

M. Christophe Mauriet. Le thème de la dette grise est tout à fait pertinent, mais simplement, il faut bien que nous portions tous les contraintes du système. Les 413 milliards d’euros de la LPM représentent un montant élevé mais ils ne permettent pas de mener tous les chantiers de front. Je rappelle par ailleurs que les autres ministères peuvent avoir le sentiment que le ministère de la défense est très bien traité sur le plan budgétaire, ce qui est exact. Nous sommes conduits à opérer des choix très difficiles ; l’optimum est en réalité un optimum de deuxième ou de troisième rang.

Il est évident que l’entretien du patrimoine, de la régénération de ces actifs immobiliers est une question absolument essentielle. Encore une fois, le SID constitue à ce titre un service, un opérateur expert, unique dans l’État. Ensuite, le problème concerne le niveau de financement. Lorsque l’on rencontre les chefs militaires, notamment les chefs militaires locaux, ils réclament généralement la capacité à opérer des arbitrages entre les différents budgets, par exemple entre le maintien en condition opérationnelle et d’autres lignes immobilières.

Je suis totalement favorable à ce que la commission de la défense prenne le parti de situer la résorption de la dette grise au rang de priorité n°1 en matière immobilière. Simplement, la résorption de la dette grise ne fera pas disparaître de l’agenda les programmes d’infrastructure connexes aux nouveaux programmes d’armement. De même, il faudra par exemple continuer à réaliser des travaux dans les ports pour accueillir les bâtiments ou délivrer les programmes d’infrastructure pour accueillir dans les régiments de l’armée de terre les véhicules du programme Scorpion.

S’agissant des réserves, la manifestation d’intérêt de la part de nos concitoyens, stimulée par la LPM et par les discours politiques, est prise en compte ab initio, dès le démarrage de la démarche. De ce point de vue, les gestionnaires de personnel militaire qui recrutent les réservistes se sont engagés dans une revue approfondie d’accueil de la manifestation d’intérêt initial. Dans ce contexte, l’IA pourra d’ailleurs jouer un certain rôle.

Madame Lechon, le SRHC fait partie de mes responsabilités et je suis sensible à l’allusion que vous avez établie concernant un événement dramatique qui s’est produit il y a quelques semaines. Je vous prie de croire que ce sujet m’occupe, au même titre que l’ensemble de la direction des ressources humaines. Simultanément, il n’est pas possible à la fois de vouloir restructurer les fonctions RH, de réaliser des économies sur les fonctions administratives, pour mettre toujours l’accent sur les « fonctions avant », et s’étonner que les « fonctions arrière », les fonctions administratives, aient été soumises à des plans d’ajustement beaucoup plus vigoureux que d’autres, notamment concernant le personnel civil.

Vous posez ensuite de manière très pertinente la question de savoir à quel rythme nous opérons un virage pour partir dans la direction opposée. J’ai précédemment donné des indications sur la modernisation des outils numériques. Il est évident qu’elle entraînera un impact sur les conditions de travail des personnels qui sont chargés de la gestion administrative et de la paye. Je connais les équipes dans les centres ministériels de gestion à Metz, à Bordeaux, à Rennes, à Arcueil, à Saint-Germain-en-Laye, je sais quel est leur niveau d’engagement et la charge mentale réitérée, qu’ils portent tous les mois.

La perspective 2028 est beaucoup trop lointaine ; elle n’est d’ailleurs pas la nôtre. Nous avons bien à l’esprit l’intensité de la difficulté. Les modifications introduites dans la législation, par exemple sur le taux de rémunération de 90 % pendant les périodes de congés maladie ordinaire sans aucune instrumentation informatique digne de ce nom, entraîne un surcroît de travail qui, en cumul, correspond à un équivalent temps plein de plusieurs dizaines de personnes et suscite une charge mentale considérable. Or je n’ai pas l’impression que les conséquences sur les chaînes de gestion administrative et de paye de cette réduction de 100 % à 90 %, aient été prises en compte. Ces aspects sont très compliqués et il existe évidemment des effets de domino, qui produisent des réactions en chaîne dommageables.

Monsieur Jenft, vous avez évoqué la compensation du célibat géographique. D’abord, je crois comprendre, de la part des gestionnaires militaires, que ce phénomène continue d’être dynamique et qu’il est recherché par les militaires eux-mêmes. Le logement familial constitue par ailleurs une priorité ; nous y consacrons beaucoup de ressources. Nous avons complètement rénové la gestion des logements familiaux, ce que nul autre secteur de l’État n’a réalisé pour les logements domaniaux. À présent, des demandes portent sur l’hébergement des cadres en célibat géographique. Ces éléments sont plutôt pris en compte par le plan hébergement. Je suis confiant dans le fait que dans les arbitrages internes en matière budgétaire, qui mettront aux prises les états-majors et les autres parties prenantes concernées, le plan hébergement futur poursuivra notamment l’objectif de fournir aux personnels militaires en célibat géographique des conditions d’hébergement qui soient toujours améliorées.

Plus généralement, l’état militaire, les sujétions en termes de disponibilité en tous temps en tous lieux, l’incapacité à refuser une mutation, sont déjà très présents dans le régime de rémunération des militaires, notamment dans le régime indemnitaire. Le tout forme un équilibre. À tout moment, il faut se demander si cet équilibre est bon ou s’il faut le rétablir, en tenant compte du contexte de contraintes en matière de ressources.

M. le président Jean-Michel Jacques. Votre démonstration atteste bien des besoins d’augmenter le budget de la défense, sans parler du contexte international, qui nous oblige également. Vous pouvez compter sur la représentation nationale pour agir en ce sens, notamment lors des débats sur l’actualisation de la loi de programmation militaire, qui interviendront, je l’espère, le plus tôt possible.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Vous avez parlé du SID. Comment ce service a-t-il poursuivi sa restructuration, compte tenu des budgets en augmentation et du plan de charge très important ? Ensuite, le schéma de la stratégie de développement durable du ministère n’est pas qu’un épiphénomène, mais une stratégie vertueuse. Se poursuit-elle ? A‑t‑elle été réévaluée, voire amplifiée ?

Mme Michèle Martinez (RN). Le logement demeure un secteur essentiel pour recruter et fidéliser dans nos armées. Il serait faux de dire que rien n’a été fait dans ce domaine sensible où l’on partait de loin. Permettez-moi donc de saluer l’action de vos services. Des inquiétudes demeurent néanmoins quant à la réalisation des ambitieux plans portés par votre administration au regard du contexte financier particulièrement tendu.

Ma première question concerne les crédits que nous avons votés dans le PLF 2025, qui marquent une augmentation importante et louable. Pour le logement familial, notre Assemblée vous a accordé plus de 23 millions d’euros en autorisation d’engagement et plus de 41 millions d’euros en crédit de paiement. Ces crédits vous sont-ils bien alloués pour mener à bien votre mission ?

Ma deuxième question porte sur le plan « ambition logement » qui prévoit 2 800 logements supplémentaires d’ici 2030. Où en sommes-nous de sa réalisation ? En aucun cas le secteur du logement ne saurait être sacrifié en raison d’une mauvaise gestion financière des derniers gouvernements. J’ose espérer que Bercy ne vous pose pas de difficultés dans ce domaine.

M. Christophe Mauriet. Madame la députée, je suis très sensible au fait que vous reveniez sur ce sujet. En effet, le logement a fait l’objet de moyens accrus dans le budget 2025. Les autorisations d’engagement, en augmentation, vont permettre de lancer 637 constructions neuves, dont 50 à Strasbourg, plus de 60 à Lyon et 37 logements construits, 17 à Toulouse, 20 à Bruz. S’agissant du plan hébergement, 3 500 places seront livrées en 2025, dont 220 places à Vannes, 191 à La Flèche, 272 à Istres et 130 à Angers.

Le SID « transformé » concerne notamment des accords passés sur plusieurs années avec des industriels du bâtiment pour des constructions d’hébergements à des coûts optimisés. À titre d’exemple, nous venons de passer un nouveau marché dont les coûts unitaires sont inférieurs de 22 % à ceux de la génération précédente.

Soyez certains que ces questions de l’hébergement et du logement font l’objet d’une attention particulière. Nous avons d’ailleurs fait émerger une notion « d’habitat » qui englobe les deux aspects et à traiter toutes les modalités qui consistent à placer un toit sur la tête des ressortissants du ministère des armées. Le SID concentre la moitié des effectifs du secrétariat général pour l’administration. La direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement, qui est une direction métier, se consacre à ces projets avec beaucoup de professionnalisme.

Madame la ministre, nous avons fait cesser la course à la déflation des effectifs du SID, nous avons fait remonter sur des centres d’expertise nationales tout ce qui pouvait l’être, pour rechercher l’optimisation sur les délais, sur les coûts de production d’un certain type d’infrastructures. De même, l’enjeu des lycées, qui vous était cher, devra se poser à nouveau ; il faudra insuffler un deuxième élan à cette manœuvre. Des modes de financement devront être trouvés, ce qui impliquera d’effectuer des choix. Vous pouvez compter sur moi pour mettre en avant ce sujet et placer les détenteurs de moyens budgétaires face à la complexité de leurs différents discours.

Plus globalement, la transformation du SID constitue un des motifs de grande satisfaction depuis deux ans. Nous avons interrompu l’absence de reconnaissance de la valeur de ce service. Le 4 juin, le ministre a présidé une magnifique cérémonie aux Invalides pour les vingt ans du service et prononcé un discours qui remet bien à leur place les questions de la compétence, de l’expertise, de la subsidiarité, de la nécessaire frugalité, dans l’expression de besoins en matière d’infrastructures. Je rappelle à ce titre que l’expression de besoins émane des bénéficiaires et non du SID. De grands progrès ont été accomplis lors des deux années écoulées, mais soyons bien conscients que nous ne sommes pas encore parvenus au développement complet du nouveau SID.

Sur le développement durable, vous aurez la satisfaction de m’entendre dire que les actions que vous aviez lancées sur les questions de l’eau et de l’efficacité énergétique sont poursuivies. À titre d’exemple, le ministère des armées est capable, au profit de certaines communes du midi, d’apporter des solutions à des problèmes d’eau qui sont parfois aigus. Je pense notamment à certaines communes autour du camp de Carpiagne dans les Bouches‑du‑Rhône.

La question d’efficacité énergétique a également été prise à bras-le-corps et nous sommes plutôt innovants. Nous trouvons les moyens contractuels d’associer des opérateurs privés avec des gains partagés, à la fois par le ministère client et l’opérateur de ces infrastructures de production d’énergie. Le chef d’état-major des armées, le général Burkhard, souligne à juste titre que les armées ne sont pas coupées du reste de la société. Si les questions d’environnement, de changement climatique représentent une préoccupation pour le pays tout entier, elles le sont également pour les armées, pour les militaires. Tout ce qui peut être accompli est réalisé ; il s’agit pour les armées d’une manière de rester en phase avec la société.

M. le président Jean-Michel Jacques. Cette conviction est très largement partagée. Je vous remercie, monsieur le secrétaire général.

 

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La séance est levée à douze heures neuf.

 

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Christophe Blanchet, M. Philippe Bonnecarrère, M. Hubert Brigand, M. Bernard Chaix, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Alexandre Dufosset, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Stéphanie Galzy, M. Guillaume Garot, Mme Florence Goulet, M. David Habib, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, M. Abdelkader Lahmar, Mme Anne Le Hénanff, Mme Nadine Lechon, Mme Gisèle Lelouis, M. Sylvain Maillard, Mme Michèle Martinez, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Catherine Rimbert, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Corinne Vignon

Excusés. - Mme Delphine Batho, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Béatrice Bellay, Mme Anne-Laure Blin, M. Matthieu Bloch, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Alma Dufour, M. Emmanuel Fernandes, M. Moerani Frébault, M. Frank Giletti, Mme Clémence Guetté, Mme Émeline K/Bidi, M. Bastien Lachaud, Mme Lise Magnier, Mme Alexandra Martin, M. Aurélien Pradié, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. - M. Édouard Bénard, Mme Anna Pic, M. Sébastien Saint-Pasteur