Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) :
- Examen de l’avis sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis) 3
- Examen pour avis des crédits de la mission Écologie, développement et mobilités durables (Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis) 19
Mercredi
16 octobre 2024
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 6
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Bruno Fuchs,
Président
— 1 —
La commission procède à l’examen, ouvert à la presse, de deux avis budgétaires
sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324).
La séance est ouverte à 9 h 35
Présidence de M. Bruno Fuchs, président.
M. le président Bruno Fuchs. Avant de débuter l’examen proprement dit du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, je vous indique que j’ai convoqué cet après-midi le bureau de la commission, afin de définir les grandes orientations de celle-ci pour les mois à venir.
Il s’agit en premier lieu, dans la lignée de nos prédécesseurs, de défendre la paix et le modèle de gouvernance démocratique, qui est fortement mis en concurrence. Des études montrent que dans le monde entier, l’idée même de modèle démocratique est en perte de vitesse. Je ne doute pas que nous serons tous d’accord pour nous fixer cet objectif primordial. Nous devons également renforcer la diplomatie parlementaire, en multipliant les prises de parole et les missions là où la France en a besoin. Enfin, il nous faut mobiliser les diasporas, qui sont particulièrement bien placées pour défendre l’influence de la France, qu’il s’agisse des Français vivant à l’étranger ou des diasporas installées en France.
Compte tenu du chaos dans lequel le monde se trouve, nos ambitions doivent être à la hauteur des importants enjeux auxquels nous faisons face, en particulier en matière de modèle démocratique, de réponses aux souffrances subies par certaines populations, de libertés publiques, d’État de droit et de multilatéralisme : autant d’éléments relevant de notre culture.
Par ailleurs, je tenais à vous dire à quel point j’ai été blessé et déçu par certaines interventions sur les réseaux sociaux. Lors du troisième tour de l’élection à la présidence de cette commission, j’ai essayé de réunir un maximum de suffrages autour de ma candidature ; deux candidats se sont désistés. Je m’attendais à ce que la commission mette un point d’honneur à défendre une vision et une ambition communes. Malheureusement, immédiatement après mon élection, j’ai pris connaissance de messages relevant d’une politique politicienne, qui ne sont pas à la hauteur des ambitions que j’ai pour cette commission. Ce matin encore, un article du Canard enchaîné décrit une scène qui n’a jamais eu lieu. Gardons pour d’autres lieux ces pratiques de petite politique, que je ne peux que déplorer.
Venons-en à présent à notre ordre du jour. La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de neuf ensembles de dépenses, figurant pour la plupart dans la seconde partie du PLF, à l’exception du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (UE). Du fait de la forte mobilisation de tous dans l’hémicycle durant les semaines à venir, l’examen des avis budgétaires interviendra en priorité les mercredis matin, afin de favoriser la participation du plus grand nombre à nos débats. Pour nous permettre d’achever nos travaux dans les délais requis, j’en appellerai à la discipline de toutes et tous s’agissant du respect des temps de parole.
Conformément à nos usages et parce que la discussion en séance interviendra la semaine prochaine, le 25 octobre, le premier des avis budgétaires que nous sommes appelés à examiner ce matin porte sur le prélèvement sur recettes au profit de l’UE, sur le rapport de M. Arnaud Le Gall.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Avant de débattre de l’avis que nous donnerons sur le prélèvement de 23,3 milliards de recettes de l’État au profit de l’Union européenne, prévu dans le PLF, je tiens à signaler que les conditions dans lesquelles ce rapport a été rédigé sont inacceptables. Le jaune budgétaire, c’est-à-dire l’annexe au budget concernant spécifiquement les prélèvements sur recettes de l’UE, n’a toujours pas été publié. Des éléments d’information ne m’ont été communiqués que dimanche, alors que le rapport devait être diffusé aux membres de la commission hier matin – je remercie d’ailleurs l’administrateur qui m’a assisté pour le travail de grande qualité qu’il a fourni dans de telles conditions –, ce qui explique que vous ne l’ayez reçu qu’hier après-midi.
Le Parlement, en tant qu’organe de contrôle, doit être pleinement informé, ce qui n’est pas le cas à ce jour. Il s’agit d’un rapport pour avis et d’autres éléments nous seront transmis ultérieurement mais, en tant que parlementaire, je n’accepte pas qu’on nous demande d’exercer un contrôle dans de telles conditions. À titre personnel, je ne suis pas en mesure de rendre un avis parfaitement éclairé sur cette partie du budget : le diable étant dans les détails, certaines choses peuvent nous échapper. J’indique donc dès à présent que je vous inviterai à donner un avis défavorable sur l’article 40 du PLF.
Le montant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne augmente de 7,9 % par rapport à l’année précédente. Depuis 2017, la contribution de la France a augmenté de 42 %, du fait de mécanismes quasiment automatiques. La France transfère 23,3 milliards d’euros à l’Union européenne et reçoit en retour près de 16 milliards, dont une dizaine au titre de la politique agricole commune (PAC). Son solde net est donc négatif – comme celui de l’Allemagne – et s’élève à plus de 9 milliards. Elle se classe au 22e rang s’agissant des bénéfices directs rapportés à la population – on pourrait débattre très longtemps des bénéfices indirects.
Ces chiffres appellent un débat : transférer plus de moyens à l’Union européenne, certes, mais pour quoi faire ? Il me semble sain de s’interroger sur l’usage de l’argent versé par la France au budget de l’Union européenne. Il ne s’agit ni de rejeter ni d’approuver le principe de notre contribution, dont les mécanismes sont prévus dans différents traités, mais de s’interroger sur la manière dont les contributions des pays membres sont déterminées et sur leur usage. Cette contribution renvoie également à une question démocratique fondamentale : sans refaire l’histoire, rappelons que le traité établissant une Constitution pour l’Europe a été rejeté par les Français en 2005. Une nouvelle version, à peine modifiée, a été soumise au Parlement en 2007, sans faire l’objet d’un référendum.
Ces questions sont d’autant plus importantes que nous sommes à un tournant : le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, renouvelé en février 2024, a entraîné la refonte de certaines priorités budgétaires. Malgré l’affichage de grandes ambitions, l’usage de ces fonds reste concentré sur la gestion de crises à très court terme, sans que les moyens soient dégagés pour construire une véritable souveraineté européenne – que le président de la République appelle de ses vœux. Faute de volontarisme, d’ambition, de moyens et d’une véritable planification industrielle – si tant est qu’elle soit possible –, l’Union européenne décroche dans plusieurs domaines stratégiques, comme le souligne le rapport publié il y a quelques semaines par M. Draghi, que l’on ne peut soupçonner d’europhobie.
Certes, la France bénéficie très directement du budget de l’UE, en particulier par le biais de la PAC. Cependant, les sommes reçues à ce titre sont très inférieures à notre contribution annuelle. De plus, ce que nous versons au nom du soutien à l’agriculture est neutralisé par la multiplication des accords de libre-échange, dont les impacts sur le monde agricole sont inégalitaires. Ainsi, l’ambition de la Commission européenne consiste actuellement à avancer à toute force vers la ratification de l’accord de libre-échange avec le Mercosur – Marché commun du Sud – ; une nouvelle signature pourrait intervenir les 18 et 19 novembre, avec sa présentation au Parlement européen. La France a donc renoncé aux ambitions qu’elle avait affichées, consistant à obtenir une version transformée de cet accord. Il serait judicieux qu’elle se mobilise auprès de la Commission européenne, afin que personne n’ait l’impression que ces ambitions n’étaient qu’un discours de campagne électorale. Une dissociation de l’accord est à l’œuvre ; Mme von der Leyen souhaite aller de l’avant et l’accord a toutes les chances d’être adopté à court terme.
L’Union européenne n’est pas entièrement responsable de l’inégalité de la répartition des aides aux agriculteurs : la France a décidé de procéder à des répartitions à l’hectare plutôt qu’aux actifs, raison pour laquelle 80 % des aides sont versées aux 20 % des agriculteurs les plus aisés. Ces derniers sont des entrepreneurs agricoles, voire des industriels, alors qu’il faudrait davantage aider l’agriculture familiale.
Le plan de relance élaboré après l’épidémie de Covid, qui a suscité de nombreux espoirs, est également un élément important de ce budget. Si son montant peut paraître énorme – de 750 à 800 milliards –, il est relativement faible comparé au plan élaboré par les États-Unis. À peine avait-il été lancé que les critères de convergence ont été rétablis. Par conséquent, si aucune modification n’est apportée au prochain cadre pluriannuel, son remboursement grèvera fortement le budget européen, alors qu’il faudrait à l’inverse investir massivement. Nous avons proposé de prévoir un roulement de la dette et de permettre à la Banque centrale européenne (BCE) de prêter directement aux États, sans passer par les marchés. Ces propositions n’ont pas été retenues, ce qui entraînera des conséquences potentiellement très graves.
Le manque de volonté politique se retrouve dans le secteur de la défense : on répète qu’elle doit être renforcée, à juste titre, tout en continuant à acheter massivement du matériel américain. Certes, l’urgence explique cette situation mais rien de sérieux n’est fait pour que cela change. Nous en sommes toujours à discuter de la possibilité, pour les entreprises américaines, de bénéficier des fonds européens dans le cadre des marchés publics, alors que nous ne devrions même pas en débattre !
En matière énergétique, les ambitions du plan REPowerEU n’ont pas été concrétisées. La dépendance énergétique a été aggravée par la guerre en Ukraine, alors que notre dépendance aux ressources fossiles russes perdure. Du pétrole russe continue d’être importé par l’intermédiaire de l’Azerbaïdjan ou de l’Inde : en atteste l’augmentation de 9 milliards des importations françaises de pétrole depuis l’Inde. S’ajoute à cela la dépendance au gaz de schiste des États-Unis, qui soulève des interrogations en matière sociale, écologique et géopolitique.
Le domaine des nouvelles technologies me tient particulièrement à cœur. Là encore, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. Nous sommes dans une phase de négociations informelles sur les moyens et les règlements européens relatifs au cloud souverain, qui est un enjeu fondamental. De nombreux acteurs économiques stockent leurs données stratégiques dans des clouds gérés par des entreprises privées étrangères, et ils s’en inquiètent. Des lois américaines permettent à ces dernières d’accéder immédiatement à ces données ; les experts le reconnaissent, mais selon la règle de Chatham House. Cette possibilité existe aussi en Chine mais il y a un relatif consensus pour s’en prémunir. En Europe, les négociations relatives à la certification SecNumCloud montrent qu’il n’existe pas de consensus.
La France a établi l’un des niveaux de protection de son cloud les plus élevés. L’ambition de SecNumCloud consiste à créer des clouds véritablement souverains et de les étendre à l’échelle européenne. Malheureusement, l’Allemagne a lâché l’affaire – si vous me permettez l’expression – et la France se retrouve isolée. Les géants du numérique, dits GAFAM, exercent une pression importante sur la Commission européenne. De ce point de vue, le départ de Thierry Breton ne constitue pas un bon signal, quoi que l’on pense de son bilan. Tous les négociateurs témoignent d’une stratégie de repli défensif consistant à essayer de sauver SecNumCloud au niveau national et à éviter qu’une réglementation moins-disante au niveau européen s’impose à la France. Je me permets d’insister sur ce point, car « souveraineté » restera un mot creux si nous ne sommes pas capables d’imposer un minimum de cohérence dans de tels domaines stratégiques.
Le débat sur la souveraineté européenne n’est pas nouveau. D’aucuns diront que la France a réussi à imposer ce terme dans les débats, ce qui n’est pas rien. L’ancien directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), que nous avions reçu il y a un an environ, expliquait que pour de nombreux partenaires européens, « souveraineté » était un gros mot. Il avait également qualifié de scandale la sélection d’Amazon pour travailler à l’élaboration de solutions de paiement pour le futur euro numérique, ajoutant que certains partenaires européens ne souhaitaient pas procéder autrement.
L’Union européenne est ainsi traversée par différentes visions du monde et différents intérêts, résultant de l’histoire de chacun de ses membres, ce qui complique toute progression en la matière. Nous devrons malheureusement faire un choix : soit nous parvenons à réunir une masse critique d’investissements dans le numérique – plusieurs dizaines, voire centaines de milliards –, ce qui n’est possible qu’à l’échelle européenne, avec une vision politique et un consensus en matière de réglementation permettant d’assurer notre souveraineté ; soit nous devrons nous contenter de l’échelle nationale, à laquelle il sera très difficile de réunir suffisamment de financements. En tout état de cause, ce que prévoit l’Union européenne n’est pas du tout à la hauteur des enjeux.
Je ne suis pas entré dans les détails du budget lui-même, puisque nous les ignorons. Dans ces circonstances, nous ne pouvons pas avoir un avis éclairé mais nous pouvons néanmoins débattre de ses grandes lignes. Par ailleurs, il me semble sain d’avoir une discussion politique libre à propos d’un budget, qui reflète des choix politiques et non pas techniques.
M. le président Bruno Fuchs. Je confirme la liberté de ton et de parole qui a cours dans cette commission. Au-delà des contraintes conjoncturelles inédites que nous connaissons cette année, nous recevons régulièrement des rapports et des contrats d’objectifs et de moyens (COM) dans des délais anormaux. Par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de mener une analyse de fond de ces documents et il me semble difficile de contrôler l’action de l’État sans disposer du temps et des moyens nécessaires.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je souscris aux propos d’Arnaud Le Gall et je partage sa réaction, lorsqu’il nous invite à émettre un avis défavorable à l’adoption de l’article 40 du projet de loi de finances pour 2025.
Nous devons faire de la politique : toutes les commissions se pencheront sur un budget incitant à réduire les dépenses, sauf peut-être celles qui sont concernées par des lois de programmation. Ainsi, je ne suis pas persuadé que le budget de la défense – y compris la part dévolue à l’arme nucléaire – sera réduit, contrairement à celui de la diplomatie. Même la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales risque de connaître des réductions de dépenses.
L’augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est colossale. En tant que communistes, nous n’avons jamais accepté l’idée d’un État fédéral européen, que nous continuons de contester. Nous n’acceptons pas non plus la baisse des recettes douanières de l’Union entraînée par les accords de libre-échange et en contrepartie de laquelle la contribution des États membres doit augmenter. C’est l’une des raisons, outre la protection de notre agriculture et de nos élevages, pour lesquelles nous sommes opposés à ces accords. De plus, il ne nous semble pas nécessaire, pour des raisons écologiques notamment, de faire venir de l’autre bout de la planète ce que nous pouvons produire chez nous.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que les contribuables ne peuvent accepter le budget proposé.
Enfin, comme le groupe GDR l’a déjà dit, les prises de parole sont trop courtes pour que nous puissions nous exprimer de manière satisfaisante.
M. le président Bruno Fuchs. Le traité New Start, prolongé de cinq ans en 2021, viendra à échéance en 2026. Je souhaite que notre commission réfléchisse, suffisamment en amont, aux enjeux relatifs à l’arme nucléaire, qui seront au cœur des réflexions internationales en 2025.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. L’intervention de M. Lecoq n’appelle pas vraiment de réponse. J’en profite cependant pour aborder la question des modalités d’abondement du financement du budget européen, qui me semblent défavorables à la France. Il existe un débat sur le sujet des ressources propres, qui pourraient être amplifiées sans qu’il soit pour autant nécessaire de créer un État fédéral européen – que nous n’appelons pas non plus de nos vœux. Il serait judicieux que la France, qui œuvre en ce sens, sorte de son isolement et gagne un peu de poids au sein de la Commission européenne.
M. Kévin Pfeffer (RN). Monsieur le président, lors de l’audition du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, vous avez qualifié le PLF de « budget de rigueur ». Il semblerait pourtant que les efforts et la rigueur budgétaires ne concernent pas l’Union européenne : avec 23,3 milliards d’euros en 2025, le montant de la contribution de la France enregistrerait encore une augmentation de 7,9 % alors qu’il a déjà augmenté de 42 % depuis 2017. Les Français ne sont pourtant que les 22e bénéficiaires des dépenses de l’Union.
Le principe selon lequel les pays riches sont contributeurs nets et les pays moins riches, bénéficiaires nets n’est plus toujours respecté. Ainsi, la contribution de cinq pays ne figurant pas parmi les plus pauvres – l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède – a été réduite grâce à différents rabais, auxquels la France a majoritairement contribué puisqu’elle ne bénéficie d’aucun mécanisme de compensation – Emmanuel Macron refuse d’en négocier.
Au-delà de son montant, l’utilisation de notre contribution soulève également des interrogations concernant plus particulièrement : le budget de fonctionnement des institutions européennes ; l’échec des politiques migratoires censées protéger le continent ; la nuisance des politiques agricoles, compte tenu de la poursuite de la négociation de la ratification du traité de libre-échange avec le Mercosur, à l’encontre de l’intérêt de nos agriculteurs ; l’échec des politiques industrielles, qui se traduisent pour la France par des délocalisations ; l’échec des orientations énergétiques et la guerre menée de longue date contre l’énergie nucléaire ; l’action extérieure, la diplomatie et la volonté constante d’élargissement, dont le budget s’élevait en 2023 à 14 milliards d’euros, essentiellement consacrés à l’adhésion de pays que nous ne voulons pas accueillir – la Turquie a ainsi empoché près de 18 milliards au cours des trente dernières années.
Le 30 septembre dernier, la commission du commerce international du Parlement européen a décidé de verser 35 milliards d’euros à l’Ukraine, qui s’ajoutent aux 50 milliards déjà votés en mars 2024. Cet argent ne contribue même pas à l’effort de guerre, puisque de l’aveu même du commissaire, il servira à combler le déficit du prochain exercice budgétaire de l’État ukrainien, miné par la corruption ; ce n’est pas moi qui le dis mais le rapport de la Cour des comptes européenne. Par conséquent, alors que la France peine à boucler son propre budget, le groupe RN s’opposera fermement à l’adoption de l’article 40 du projet de loi de finances pour 2025. Les ministères, les collectivités territoriales, les entreprises et nos concitoyens seront tous mis à contribution par le Gouvernement. Nous estimons que l’Union européenne doit elle aussi participer à l’effort, d’autant que l’augmentation proposée n’est assortie d’aucune contrepartie, d’aucun renfort d’influence et d’aucun bénéfice nouveau pour les Français. Notre pays peine souvent à défendre ses volontés, voire perd en influence au sein de la Commission.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Le mécanisme de calcul du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est automatique. Ce montant se décompose comme suit : la plus grande part, 57 %, qui est calculée en fonction du revenu national brut (RNB) ; les droits de douane, qui ont beaucoup baissé en raison de la contraction du commerce international ces dernières années, indépendamment de l’entrée en vigueur de certains accords de libre-échange ; la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 0,3 % ; enfin, une ressource fondée sur les emballages plastiques non recyclés, à laquelle la France contribue largement en raison de ses mauvaises pratiques. Le calcul de cette contribution, très mal conçu, a néanmoins fait l’objet d’un rapport au vitriol de la Cour des comptes européenne.
Il n’est pas tout à fait vrai que les accords de libre-échange nuisent à nos agriculteurs. Afin de déterminer ceux d’entre eux qui sont réellement touchés, il faudrait lancer un vrai débat : celui que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) refuse de mener. Les entrepreneurs agricoles, notamment les grands céréaliers – c’est-à-dire l’agrobusiness –, bénéficient énormément de ces accords, tout comme ils bénéficient de la PAC. À l’inverse, l’agriculture familiale, reposant sur la polyculture et les circuits courts, est perdante. Voilà le débat que nous devons mener, au sujet duquel les positionnements politiques seraient intéressants.
La PAC n’est pas tant un système d’aide qu’un système de modernisation agricole, comme on l’appelait pudiquement à une époque, visant à obliger les agriculteurs à adopter les règles du marché capitaliste et à opter pour une spécialisation extrême. C’est ainsi que nous nous retrouvons à devoir importer des fruits, tout en exportant de grandes quantités de blé : cela remet en question notre souveraineté agricole.
S’agissant de la Turquie, je vous renvoie à vos propres contradictions et à celles de vos alliés européens : nous lui versons autant d’argent pour la seule raison que nous avons institué les migrants comme une menace géopolitique centrale. La Turquie en profite pour faire du chantage.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Bien qu’elle soit technique, la question du prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union européenne ne peut que soulever les passions, tant elle traduit notre soutien au projet européen. Le rapport présenté par Arnaud Le Gall semble être un long réquisitoire destiné à discréditer ce projet, qualifié de « néolibéral », comme si l’Europe n’était qu’un grand marché progressivement destiné à être dominé par l’Allemagne. Ce réquisitoire conclut sur la perte d’influence de la France au sein de l’Union et la remise en question de l’utilité même d’une contribution à son budget.
Pourtant, même si elle est critiquable, l’Union européenne n’en demeure pas moins le seul ensemble géopolitique intégré et cohérent, permettant à la France et à ses voisins d’affronter la mondialisation. L’Europe reste notre premier cercle d’influence, ce qui n’est pas étranger au fait que nous soyons le deuxième contributeur net à son budget. La France en retire également beaucoup, notamment par le biais de la PAC, dont elle est le premier bénéficiaire. Plus important peut-être, l’Union demeure un espace normatif de régulation et de dialogue unique au monde, qui a apporté prospérité et paix pendant soixante-dix-sept ans : ce n’est pas un détail.
Si la contribution française est orientée à la hausse, c’est en très grande partie parce que le budget de l’Union a dû faire face à d’immenses défis au cours des dernières années : le Brexit, la crise du Covid et le plan massif de relance budgétaire qui en a découlé, ainsi que le soutien à l’Ukraine, indispensable pour ne pas déstabiliser la sécurité de tout le continent – pour n’en citer que quelques-uns.
Certes, notre taux de retour pourrait sans doute être amélioré ; c’est justement la raison pour laquelle nous souhaitons que les discussions relatives à un nouveau paquet de ressources propres progressent. Nous sommes dans l’attente d’une décision du Conseil à ce sujet. Votre rapport ne permet pas de saisir totalement votre position quant à cette démarche prévoyant un renforcement des ressources de l’Union européenne, qui a le soutien du groupe EPR.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. J’assume cette passion, comme j’assume de considérer que l’Union européenne ne représente aucune valeur ajoutée pour la France si elle est incapable de devenir une puissance géopolitique. L’Union n’est qu’un marché et nous pourrions discuter du nombre d’emplois qu’elle crée ou qu’elle détruit, des délocalisations industrielles réalisées dans l’est de l’Europe, qui bénéficient plus aux grandes entreprises qu’à la création d’emplois sur notre territoire. Cependant, tout cela étant difficilement chiffrable, les débats à ce sujet sont innombrables.
L’Union européenne n’est pas un ensemble géopolitique intégré et cohérent puisqu’elle n’est pas capable de trouver un accord sur un sujet déterminant pour son avenir : la certification SecNumCloud. Souhaite-t-elle rester une puissance dans le domaine crucial des nouvelles technologies ? Les États membres sont incapables de se mettre d’accord sur un règlement visant à nous protéger de l’extraterritorialité des États-Unis et de la Chine – des progrès concrets ont cependant été accomplis concernant cette dernière. La conflictualité géopolitique intervient aussi sur ce terrain et il n’y aura pas de cadeau. Tel que c’est parti, l’Union européenne est condamnée à être une variable d’ajustement dans l’affrontement entre la Chine et les États-Unis ; il suffit d’observer ce qui se déroule sous nos yeux. Quant à savoir si elle peut devenir un ensemble géopolitique intégré et cohérent, il s’agit d’un autre débat.
Oui, l’Union européenne a favorisé la paix sur le continent au cours des soixante-dix dernières années mais la paix s’explique également par d’autres facteurs. Hubert Védrine, dont vous ne remettrez pas en cause la légitimité, expliquait d’abord celle-ci par la configuration géopolitique issue de la Seconde guerre mondiale, où les deux superpuissances ont empêché leurs « ouailles » d’engager des conflits ; il l’expliquait également par la dissuasion nucléaire. Alors que ces conditions ne sont plus réunies, les tensions identitaires remontent en Europe. L’Union européenne ne garantit pas la paix civile.
M. Pierre Pribetich (SOC). Nous discutons de l’article 40 du projet de loi de finances, relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne. Rappelons que les 23,3 milliards d’euros visés contribuent à la création, à partir d’un marché, d’un ensemble géopolitique cohérent. Les socialistes sont favorables à la construction européenne. Celle-ci doit être équilibrée et bénéficier d’un budget digne de ce nom.
Nous débattons des ressources propres et des recettes de l’UE mais aussi de sa capacité à développer une politique industrielle. Pour qu’elle le puisse, nous devons participer à l’effort de solidarité, en finançant les politiques communes. Selon nous, il faudrait repenser le budget à partir d’une telle définition de la solidarité.
Si la France est le second pays contributeur au budget, elle est également le premier pays bénéficiaire de la politique agricole commune. Je félicite le rapporteur pour avis de promouvoir une refonte de la PAC en faveur de l’agroécologie, à la suite de Stéphane Le Foll, quand il était ministre sous François Hollande, car la PAC est un facteur de développement.
Il faut également traiter les menaces sur le plan écologique. L’apparition d’un continent de plastique appelle notamment des actions plus importantes et donc des recettes supplémentaires, qui nécessiteraient un rééquilibrage du budget.
Nous sommes favorables au prélèvement prévu à l’article 40 du PLF. Toutefois, pour avoir siégé à la commission du contrôle budgétaire de l’Union européenne, je trouve que les conditions de préparation de ce rapport décrites par le rapporteur pour avis sont inadmissibles. Jamais un parlementaire européen ne les aurait acceptées. Nous suivrons donc la position du rapporteur pour avis et émettrons un avis défavorable.
M. le président Bruno Fuchs. Sur le fond, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas nous satisfaire de telles conditions d’analyse et de contrôle de la politique du Gouvernement. Nous avons été élus pour accomplir ces missions. Je comprends donc votre indignation et celle du rapporteur pour avis.
Notons toutefois que le temps de préparation de ce budget a été particulièrement contraint pour tout le monde. Nous ne pouvons que le déplorer.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Cette question nous concerne tous, indépendamment de nos conceptions de l’Union européenne et de ses rapports avec la France.
Pour notre part, nous sommes prêts à désobéir à certains aspects des traités européens, comme le font de nombreux pays. Il faut cesser d’être les bons élèves. Toutefois, il ne s’agit pas ici de s’afficher pour ou contre l’Union européenne, mais de réfléchir au modèle économique européen.
L’UE serait le seul espace géopolitique intégré, dites-vous. Je constate surtout que c’est le seul espace intégré qui a constitutionnalisé un modèle économique ; ni les États-Unis ni la Chine ne l’ont fait. Cela a donné aux États-Unis la flexibilité nécessaire pour faire passer l’Inflation Reduction Act en 2022, par exemple. Dans l’Union européenne en revanche, une vision très financière et monétaire du néolibéralisme a pris valeur de dogme.
M. Nicolas Forissier (DR). Le libéralisme semble être un gros mot, pour vous !
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. J’utilise le mot néolibéralisme pour décrire un modèle politique et économique. Ce n’est pas une insulte. Je ne m’offusquerais pas, pour ma part, si vous me disiez que je suis favorable à un modèle communiste.
Oui, des mécanismes de solidarité existent au sein de l’Union européenne, au niveau régional, notamment. Mais ceux-ci compensent-ils les énormes inégalités intérieures ? L’intégration européenne a réduit les inégalités entre États mais elle a fait exploser les inégalités internes aux États, à travers les délocalisations industrielles et la mise en concurrence des travailleurs, notamment.
M. Nicolas Forissier (DR). Vous utilisez à l’envi le mot « libéralisme », avec toutes sortes de préfixes – néo, ultra, et ainsi de suite –, comme si c’était une horreur totale. Mais pour ma part, je ne dis pas à M. Lecoq que le communisme est une horreur totale ! Évitons d’hystériser le débat.
Je n’ai pas bien compris votre propos sur la constitutionnalisation de l’espace économique européen. J’observe simplement que celui-ci constitue le premier espace commercial au monde. Il fait notre force. Même si les règles doivent être réformées progressivement, la solidarité économique qu’il permet est un atout pour la France. Je m’inscris en faux contre votre vision pessimiste.
M. le président Bruno Fuchs. Chers collègues, même si les incises peuvent se révéler utiles et riches, évitons de les multiplier et reprenons le cours de notre ordre du jour.
Mme Clémentine Autain (EcoS). Il est scandaleux que le rapporteur pour avis n’ait disposé des éléments nécessaires à la préparation de son avis budgétaire que dimanche soir, alors que celui-ci devait être prêt deux jours plus tard. C’est inadmissible et insultant pour notre commission.
Quant au contenu du rapport présenté, il est très riche et pose une question fondamentale : à quoi servent les sommes versées à l’Union européenne ? Cette question politique essentielle devrait être débattue dans l’hémicycle. Je redoute que le recours au 49.3 ne nous en empêche.
Le montant des prélèvements sur recettes au profit de l’UE augmente fortement : de 7,9 % cette année ; de 42 % depuis 2017. Même si cette augmentation est mécanique, elle doit être soulignée, alors que des efforts sont demandés aux Français, que la France doit faire passer un budget d’austérité et que les bénéfices liés à l’Union ne sont pas tout à fait perceptibles à l’échelle nationale ou européenne.
Le fait que le solde de notre participation à l’Union européenne soit négatif et que nous ne soyons classés qu’au 22e rang des bénéficiaires de l’UE ne me choque pas forcément. En effet, nous sommes un pays riche et nous devons nous montrer solidaires des autres États.
Le problème est que l’argent investi ne permet pas à nos voisins de faire vivre la protection sociale ou de lutter contre le réchauffement climatique. L’Union européenne marche sur la tête, sans stratégie pour le bien commun, ni politique face aux défis contemporains, notamment écologiques. Elle colmate plutôt les brèches, avec des plans de relance qui ne servent qu’à sauver son modèle de développement, très favorable au marché financier. La PAC tourne le dos à ses objectifs affichés et rate le défi agricole.
Le rapport montre, par contraste, que l’Inflation Reduction Act a permis aux États-Unis d’investir des centaines de milliards dans les énergies renouvelables, entre autres défis passionnants.
J’émettrai un avis défavorable sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne tel que prévu dans le budget. Quant au rapport présenté, il nous engage sur des questions fondamentales pour l’avenir de l’Union européenne.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Pour revenir à un échange antérieur, ce n’est pas proférer une insulte ou « hystériser » le débat que d’affirmer que l’Europe est néolibérale. Cette filiation économique et politique est d’ailleurs assumée.
L’Europe est le seul espace politique au monde qui a constitutionnalisé son modèle économique. Si les États-Unis peuvent financer des plans de relance qui permettent à leur industrie de se relever quinze ans après la crise de 2008, alors que les nôtres décrochent complètement, c’est parce qu’ils bénéficient du privilège exorbitant du dollar mais aussi parce qu’ils ne sont pas prisonniers des règles fixées dans les traités européens. Pensons au statut de la BCE – la Banque centrale européenne – par exemple.
En Europe, le libre-échange fait figure de dogme, alors que les États-Unis sont beaucoup plus pragmatiques. Vous nous accusez d’être pessimistes et d’attendre le chaos pour en profiter mais même M. Draghi émet des alertes rouges à chaque page de son rapport sur la compétitivité européenne.
M. Nicolas Forissier (DR). Son rapport est optimiste !
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Non, il est volontariste. Les conditions qu’il fixe pour que nous remplissions nos objectifs ne sont pas du tout réunies.
M. Frédéric Petit (Dem). Je trouve votre avis budgétaire intéressant et j’apprécie que vous sembliez partager une ambition pour l’Union européenne.
Vous considérez que l’Europe manque d’un projet géopolitique à cause de ses désaccords mais le projet géopolitique de l’Europe – qui constitue la grande rupture de l’après-guerre – est de rester ensemble, malgré les désaccords, et d’essayer de construire avec l’autre, même s’il est différent, poursuit des intérêts différents et parle une langue différente. La paix arrivera au Proche-Orient quand cette région bénéficiera d’un modèle approchant.
Vous prétendez par ailleurs que l’Europe a constitutionnalisé son modèle économique. Mais il n’y a pas de Constitution européenne, seulement des traités. Or ces traités évoluent. Par exemple, il aurait été inimaginable, il y a dix ans, que l’UE lance des emprunts pour investir. Vous souhaitez qu’une base industrielle de défense européenne soit construite mais, pour y parvenir, il ne faut pas un an, mais dix. Vous regrettez l’absence de vision européenne, pourtant l’UE s’est dotée de documents fixant des objectifs pour 2050 et 2055. Quel bloc politique du Parlement en fait autant ? En France, le personnel politique refuse de planifier les retraites à six ans, parce qu’il préfère satisfaire les électeurs avant la prochaine élection.
Évidemment, le modèle géopolitique européen est compliqué à construire, mais c’est parce qu’il est géopolitique, justement.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. C’est vrai, des emprunts européens pour l’investissement auraient été inimaginables il y a dix ou quinze ans. Leur création est un progrès ; j’espère qu’elle aura un effet cliquet. Notons toutefois que les conditions de remboursement de l’emprunt de près de 750 milliards d’euros, si elles ne sont pas modifiées, grèveront le plan de financement pluriannuel 2028-2034, comme nous l’avons compris lors de l’audition du secrétaire général des affaires européennes.
Oui, l’Union européenne a consigné des objectifs pour 2050, mais c’est tout. Le problème est l’écart entre ces objectifs et les conditions actuelles.
Pour atteindre la masse critique et peser face aux GAFAM, des dizaines voire des centaines de milliards d’euros d’investissements sont nécessaires. Seule l’UE en est capable mais elle refuse de créer un cloud souverain ou de fixer des réglementations trop dures. Chaque fois que nous chassons les GAFAM par la porte, ils reviennent par la fenêtre. Ils ont même obtenu la tête de Thierry Breton. Dès lors, le plan à long terme pour 2050 n’aura pas de traduction concrète dans ces domaines stratégiques.
Pourquoi l’Union européenne doit-elle emprunter sur les marchés pour prêter aux États ? C’est à de telles obligations que je fais référence quand j’affirme que le néolibéralisme est gravé dans le marbre des traités, plutôt que d’une Constitution, c’est vrai.
M. Pierre Pribetich (SOC). Pour construire le cloud, il faut des composants électroniques. Or, avec l’European Chips Act, l’Europe, dont vous n’êtes pas un chaud partisan, a mis sur la table plus de 50 milliards d’euros pour créer entre trois et cinq mégafabriques. C’est seulement si son budget atteint un volume suffisant que l’UE peut créer des politiques industrielles.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. C’est un cas d’école. Oui, un plan ambitieux pour les semi-conducteurs est nécessaire. Le marché existe et l’argent nécessaire est disponible dans l’Union européenne. Mais dès que nous avons commencé à formuler des ambitions, le leader européen du secteur, qui est aussi l’un des leaders mondiaux, la multinationale néerlandaise ASML est montée au créneau et a négocié en bilatéral avec les Américains pour s’en protéger.
M. Bertrand Bouyx (HOR). Comme de trop nombreux concitoyens, vous tombez dans l’analyse réductrice voire simpliste consistant à comparer le total de la contribution sur les recettes fiscales françaises avec ce que l’Union européenne investit en France. Vous êtes un thatcheriste qui s’ignore, puisque vous utilisez le même argument que les supporteurs du Brexit. On voit le résultat.
Par ailleurs, notre pays est le premier bénéficiaire de la politique agricole commune. Outre les aspects purement comptables, grâce au projet européen, les Français bénéficient de facilités pour étudier, travailler, se déplacer en Europe. Nos entreprises peuvent exporter et importer à moindre coût à travers le continent.
Vous regrettez que les recettes fiscales baissent en Europe mais elles baissent aussi dans les pays non européens avec lesquels nous travaillons. Je ne reviendrai pas sur le projet de paix que défend l’Europe, ni sur la surveillance des frontières qu’elle permet, ni sur le soutien à l’Ukraine.
Les enjeux stratégiques pour l’Union européenne sont nombreux, Vous le rappelez avec justesse, en citant les propos de M. Draghi sur la compétitivité en Europe. L’UE doit faire face à de nombreux défis, tels que la transition écologique, la sauvegarde de son industrie, la recherche, l’innovation, alors qu’elle ne dispose que d’un budget limité, équivalent à 1 % du produit intérieur brut (PIB) cumulé de ses États membres.
Vous vous plaignez que l’Union manque de moyens mais émettez un avis défavorable aux prélèvements qui lui sont destinés, à l’article 40 du projet de loi de finances. C’est contradictoire ! Pour que l’UE dispose du projet géostratégique que vous appelez de vos vœux, il faut lui accorder des moyens et non lui couper les vivres.
J’entends que vous avez dû élaborer le rapport dans des conditions déplorables, mais cela ne doit pas vous conduire à émettre un avis défavorable. Le groupe Horizons & indépendants émettra, lui, un avis favorable, compte tenu des enjeux géostratégiques que l’Europe doit relever.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Votre critique est facile. Il ne vous a pas échappé que les reproches que Mme Thatcher adressait à l’Union européenne étaient opposés aux nôtres. En caricaturant à peine, les Britanniques ont quitté l’Union européenne car ils lui reprochaient d’être socialiste.
Il n’est pas illégitime de demander que les Français sachent à quoi sert l’argent et quelle partie des fonds retourne en France. Certes, nous pourrions débattre longtemps de la part respective des retours directs et indirects, des coûts directs et indirects.
Quant à la PAC, elle ne servira qu’à écoper les effets destructeurs des accords de libre-échange que l’Union européenne négociera, si nous laissons faire. Dans cinq ou dix ans, quand les effets du traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande se feront sentir, accompagnés peut-être de ceux du traité avec le Mercosur, s’il est adopté, vous irez expliquer que la PAC nous protège ! L’UE déshabille Pierre pour habiller Paul.
Il n’est pas contradictoire d’émettre un avis défavorable sur ces prélèvements, motivé par le traitement inacceptable que subit par le Parlement, et de demander davantage de moyens. Le problème se pose chaque année. Bercy a pris le pli de ne transmettre les documents qu’au dernier moment. Le jaune n’est même pas encore publié ! Faute de pouvoir émettre un avis éclairé, je préfère débattre de l’UE.
Enfin, la vision politique manque, comme le montre l’exemple du SecNumCloud. Nous pourrons investir tous les milliards que l’on voudra, faute d’une réglementation très stricte en matière de cloud européen, ces sommes seront perdues. Elles serviront, comme c’est déjà le cas actuellement, à créer des licornes que les États-Unis rachèteront.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons maintenant aux interventions à titre individuel, M. Pierre-Yves Cadalen bénéficiant d’une certaine mansuétude de ma part en raison du fait que la voix du groupe LFI-NFP n’a pas été portée formellement par un orateur dans la phase précédente de nos échanges.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je me joins aux protestations du rapporteur pour avis quant aux délais qui lui ont été imposés pour la préparation du rapport, au nom du groupe La France insoumise.
Le projet géostratégique de l’Union européenne nécessite non seulement des moyens financiers mais aussi une vision partagée, c’est-à-dire à la fois un modèle, un récit et des principes.
Actuellement, l’Union européenne promeut le néolibéralisme à l’échelle internationale. Par exemple, c’est parce que les directives européennes ont conduit à libéraliser le transport ferroviaire que davantage de marchandises sont acheminées par des camions que par le train dans notre pays, en dépit de tout souci écologique.
En outre, l’Union européenne n’a pas les moyens de proposer un récit propre, puisque l’idéologie néolibérale l’empêche de prendre à bras-le-corps la question écologique et de planifier la sortie des modes de production qui détruisent les milieux de vie.
J’en viens aux principes : les droits humains. Mme von der Leyen s’est rendue en Israël pour annoncer le soutien inconditionnel de l’UE à ce pays. Maintenons-nous cette position, désormais que des massacres ont été constatés ? Comment accepter que Mme von der Leyen ait pris une telle position, alors qu’elle ne disposait pas de mandat pour le faire ?
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Le secteur de l’électricité est représentatif de la tendance à la libéralisation économique à tout va. Il serait intéressant que Bercy chiffre le coût global du marché européen de l’électricité, en y incluant les milliards d’euros qu’a coûté le bouclier tarifaire. Le problème n’est pas que les prix aient été bloqués – ils l’ont d’ailleurs été à un niveau trop élevé – mais qu’il ait servi à compenser, auprès d’acteurs privés, des prix de l’électricité qui n’ont rien à voir avec les coûts de production.
De fait, dans le cadre de la création d’un marché européen de l’électricité, quand le prix de référence de l’électricité a été fixé, il l’a été au plus haut, notamment sous l’influence de l’Allemagne. La France y est perdante.
Pour notre part, nous sommes seulement favorables à l’intégration des infrastructures, qui permet d’envoyer de l’électricité partout en Europe, par solidarité, notamment. Un tel mécanisme existait bien avant la création du marché européen de l’électricité et la fixation de ses règles, qui ne correspondent pas à l’intérêt général.
Au sortir de la guerre froide, lors du tournant des années 2000, alors que les États-Unis trahissaient leur promesse de promouvoir un ordre mondial démocratique et s’enlisaient dans la guerre en Irak, la force de l’Union européenne a été de faire un pas de côté, grâce notamment à un accord entre la France et l’Allemagne, conclu malgré des dissensions. En revanche, le double standard européen actuel au Proche-Orient et en Ukraine éclate aux yeux du monde et affaiblit considérablement la parole de l’Union européenne. Celle-ci apparaît comme alignée.
M. Jérôme Buisson (RN). Selon l’institut Bruegel, l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne coûterait près de 19 milliards d’euros par an aux États de l’Union européenne. De plus, le salaire minimum en Ukraine est inférieur à 200 euros mensuels, si bien que le coût du travail y est inférieur à celui en Chine.
Ainsi, bien que nous soyons pleinement solidaires du calvaire du peuple ukrainien, nous refusons d’hypothéquer l’avenir français pour des élargissements aussi coûteux que néfastes. L’adhésion de l’Ukraine à l’UE, sans parler de la terrible concurrence qu’elle créerait pour notre industrie et notre agriculture, conduirait à augmenter encore notre contribution au budget européen. Monsieur le rapporteur pour avis, disposez-vous d’une estimation précise en la matière ?
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. J’ai de lourds désaccords avec vous sur l’Ukraine mais mon approche n’est pas de dire que quiconque questionnerait les modalités d’aide ou son adhésion à l’Union européenne serait mécaniquement pro-Poutine. L’adhésion n’est de toute façon pas possible en l’état, puisque ce pays est en guerre. Les dirigeants européens doivent cesser de se payer de mots.
Cette adhésion coûterait environ 200 milliards d’euros sur sept ans, dont 30 milliards pour la France. Nous y sommes opposés dans l’état actuel du fonctionnement de l’Union européenne, qui place les travailleurs en concurrence.
On commence à parler de négociations et de fin de la guerre. Les investisseurs sont déjà sur les rangs et les syndicats ukrainiens – ceux de Kiev et non les syndicats pro-russes du Donbass – critiquent déjà la préparation de la reconstruction, dans laquelle ils voient une opportunité. Il faut éviter que ce soit le contribuable européen qui se retrouve à payer des prêts qui garantiront surtout l’accès de quelques multinationales à ce marché.
M. Guillaume Bigot (RN). Dans l’état de crise financière grave de notre pays, on nous propose de poursuivre la hausse de notre contribution à l’Union européenne alors qu’elle menace de nous mettre à l’amende. C’est d’autant plus ubuesque que près de 1,9 milliard d’euros sont destinés à financer l’aide européenne au développement.
À ce titre, l’Union européenne avait offert à la Mauritanie, en décembre 2019, 250 chameaux dans le cadre d’une aide de 13 millions pour combattre le djihadisme alors que ce pays en comptait déjà 3 millions. Un récent rapport de la Cour des comptes européenne a révélé une immense gabegie : les 5 milliards du fonds de l’Union européenne pour l’Afrique destinés à endiguer la crise migratoire ont financé en Éthiopie l’achat de mixeurs pour des écoles dépourvues d’électricité et ont permis d’attribuer, en Gambie, trois fois la même aide à des bénéficiaires fantômes pour des projets inexistants. Autre exemple, plus grave : en Libye, dans les centres de détention financés par l’Union européenne – inaccessibles aux auditeurs –, les droits humains sont massivement violés. Sur 115 investissements examinés, 99 seraient des échecs. Les chiffres sont gonflés et les échecs camouflés.
L’idéologie européiste de nos dirigeants nous oblige-t-elle à fermer les yeux sur le fait que ces presque 2 milliards sont dépensés sans réel contrôle et rendent notre propre aide au développement invisible ou pouvons-nous espérer couper ce robinet qui alimente un tonneau des Danaïdes ?
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Je ne suis pas opposé à la contribution de la France à l’aide publique au développement de l’Union européenne mais je suis opposé à l’alignement de la politique étrangère de la France sur celle de l’Union car celle-ci est inexistante. Les grandes déclarations ne suffisent pas, il faut des accords à un niveau concret.
Les exemples que vous citez sont caricaturaux, hormis celui de la Libye. Dans ce dernier cas, les choses ne vont pas s’arranger, en partie grâce aux accords bilatéraux de vos amis italiens avec la Libye. On pourrait citer d’autres cas, comme celui du financement, au nom de la lutte contre l’immigration clandestine, des forces de soutien rapide au Soudan jusqu’en 2015-2016. Elles sont aujourd’hui l’une des deux factions d’une guerre civile totale. Je vous invite donc à réfléchir aux conséquences d’une vision purement sécuritaire de nos relations avec la Méditerranée.
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). En 2026, la dette de l’Union européenne devrait atteindre 1 000 milliards d’euros et dépasser ainsi 5 % du revenu national brut des États membres. Paradoxalement, l’Union, toujours plus gourmande, peine à s’appliquer la rigueur budgétaire à laquelle elle astreint ses États membres alors qu’elle doit aussi rationaliser ses dépenses.
Je pense par exemple au budget de l’administration publique européenne qui, avec plus 14,5 milliards par an – soit presque 8 % du budget total et 305 000 euros par fonctionnaire européen par an –, est beaucoup trop élevé. La revalorisation automatique des traitements des fonctionnaires est notamment en cause. Elle a d’ailleurs obligé la France à augmenter de 5,6 % les crédits destinés à financer les dépenses administratives de l’Union.
Quel est votre point de vue sur ces dépenses ? Le système de revalorisation automatique ne vous paraît-il pas anachronique en cette période de disette budgétaire ?
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Les règles en la matière sont en partie fixées par le droit belge, puisque la plupart des fonctionnaires européens travaillent en Belgique. Il me semble normal que, au Parlement ou ailleurs, les gens aient les moyens de travailler. En revanche, je ne comprends pas que l’Europe incite fortement à réformer les systèmes de retraite mais ne le fasse pas pour ses hauts fonctionnaires. Les Français sont, à juste titre, choqués.
Le débat sur la dette européenne n’est pas très différent de celui sur notre dette. La question ne porte pas sur le niveau de la dette mais sur le point de savoir ce qu’on en fait. Je constate que les conditions de remboursement de la dette risquent de lourdement grever les effets attendus du plan d’investissement. Nous proposons que la BCE arrête de prendre de l’argent sur les marchés pour prêter directement aux États et que, plutôt que de tout rembourser maintenant, nous fassions rouler la dette. Les règles avaient d’ailleurs, à juste titre, été assouplies pour assurer la survie économique du continent mais elles ont été rapidement rétablies.
Mme Marine Hamelet (RN). La dette émise par l’Union européenne, destinée en partie à financer le plan de relance de 800 milliards d’euros, devra un jour être remboursée. Elle sera de 1 000 milliards en 2026. Vu que l’Union est de plus en plus gourmande et se refuse à rogner ses dépenses, sa dette ne pourra être remboursée que si les contributions nationales, financées par le contribuable, augmentent. Certes, l’Union propose de créer de nouvelles ressources propres, comme la ressource statistique temporaire, financée par l’excédent brut d’exploitation des entreprises, mais de telles ressources accélèrent l’autonomisation de l’Union par rapport aux États souverains pour aller vers un régime fédéral.
Que préconisez-vous pour le remboursement de cette dette ? Quel est votre avis sur la création de ressources propres ?
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. On peut être favorable à davantage de ressources propres, sans être favorable à une Europe fédérale stricto sensu.
Le mode de calcul actuel désavantage beaucoup la France. La création de nouvelles ressources propres, en plus de celles qui existent déjà, aurait mécaniquement pour effet, si on s’y prend bien, d’aplanir certaines distorsions internes, notamment fiscales, qui font de l’espace européen un espace de concurrence généralisé plutôt qu’un espace de solidarité, ce qui empêche l’Union d’être une puissance politique.
Je suis donc favorable à la création de nouvelles ressources propres, dont le montant actuel – environ 50 milliards – est assez ridicule. On pourrait notamment augmenter le taux de la contribution sur les bénéfices des entreprises, qui n’est que de 0,5 %.
M. Stéphane Rambaud (RN). La France s’est engagée à fournir jusqu'à 3 milliards d’aide militaire à l’Ukraine. À ce jour, nous avons livré pour 420 millions d’équipements militaires et versé 900 millions à la Facilité européenne pour la paix (FEP). Cet engagement de soutien à une population victime de l’agression russe est légitime sur le plan humanitaire.
Cependant, notre pays traverse une crise économique sans précédent. L’inflation flambe, le pouvoir d’achat des Français s’effondre et beaucoup peinent même à se chauffer. Les Français subissent de plein fouet la hausse des prix de l’énergie et des biens de première nécessité et ces difficultés sont aggravées par les choix économiques désastreux des macronistes depuis sept ans.
Dans ces conditions, comment justifier un tel engagement, d’autant que ces fonds risquent de disparaître dans un État au bord de la faillite et gangrené par la corruption ?
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Je refuse d’instrumentaliser ce sujet. Je vous invite plutôt à regarder les dizaines de milliards consacrés aux cadeaux fiscaux faits depuis huit ans sans contrepartie de création d’emplois ou d’investissements productifs ou au fonctionnement du marché européen de l’électricité qui oblige à quasiment subventionner des acteurs privés intermédiaires entre le groupe Électricité de France (EDF) et les acheteurs et consommateurs alors qu’ils se contentent de profiter de l’énorme différence entre les coûts de production réels et les prix fixés par le marché européen.
Ce ne sont donc pas quelques centaines de millions donnés en solidarité avec un peuple victime de la guerre qui vont changer la donne. L’aide à l’Ukraine, avant d’être une question financière, est une question géopolitique. Cette aide contribuera-t-elle à la reconstitution des capacités de production, notamment agricole, ou ne servira-t-elle qu’à accélérer l’intégration de l’Ukraine dans le marché européen ?
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Article 40 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)
Amendement I-AE1 de M. Kévin Pfeffer
M. Kévin Pfeffer (RN). Nous sommes fermement opposés à toute augmentation de la contribution à l’Union européenne et défendons sa réduction pour revenir aux niveaux d’il y a quatre ou cinq ans. Nous proposons donc par cet amendement de réduire notre contribution d’environ 3 milliards par rapport à la loi de finances pour 2024.
Il s’agit de mieux défendre les intérêts financiers de la France, qui resterait d’ailleurs contributrice nette, et d’inciter l’Union européenne à rationaliser davantage ses dépenses. Celle-ci est toujours très prompte à nous donner des leçons budgétaires : à elle désormais de faire ses preuves car ses dépenses de fonctionnement sont parfois hors de contrôle, comme le montre l’augmentation, entre 2022 et 2023, de 13 % des salaires des fonctionnaires européens pour tenir compte de l’inflation alors que le salaire moyen est de 7 000 euros. Au vu de l’augmentation exponentielle des dépenses de l’Union et de l’accaparement de nouvelles compétences, notamment diplomatiques, par la Commission européenne – auquel le président de la République ne trouve rien à redire –, la contribution de la France ne peut qu’augmenter dans les années à venir.
Que dire de la dette européenne, qui s’ajoute à la dette française que nous léguera Emmanuel Macron ? Elle était de 350 milliards d’euros en 2022 et devrait atteindre 1 000 milliards en 2026. Qu’en sera-t-il en 2040 ?
Nous nous opposons également à la création de nouvelles ressources propres de l’Union européenne car elle ne se traduira nullement par une baisse de la contribution des États. Ces ressources ne feraient que compenser des pertes liées à l’abandon de droits de douane à la suite de nouveaux accords de libre-échange. L’Union ne semble pas vouloir changer de logiciel sur ce sujet. Ces ressources propres ne seront donc que de nouveaux impôts à la charge des Français et de nos entreprises.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Les ressources propres ne posent qu’une seule question : pour quoi faire ? Si nous étions aux affaires, nous ne soutiendrions la création de ressources propres qu’à condition qu’elle s’accompagne d’un changement des modalités d’emprunt et de règlement de la dette au niveau européen afin d’éviter que le produit de ces nouvelles ressources ne soit affecté à fonds perdu.
Je suis très attaché à l’indépendance et à la souveraineté nationales mais il existe des projets pour lesquels l’échelon national n’est pas suffisant, comme celui du SecNumCloud. Nous disposons d’excellents experts et de grands ingénieurs et nous pourrions donc construire quelque chose au niveau national qui tienne la route mais nous ne réunirons jamais les masses budgétaires nécessaires pour concurrencer les GAFAM.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
M. Arnaud Le Gall, rapporteur pour avis. Avant le vote sur l’article, je précise que mon avis est négatif pour marquer notre réprobation des conditions dans lesquelles nous devons faire notre travail. Je pense que, au-delà de nos désaccords sur le fonctionnement de l’Union européenne, nous sommes tous d’accord pour dire que nous ne pouvons pas travailler sans les jaunes budgétaires. Ce n’est pas sérieux.
M. Nicolas Forissier (DR). Je suis également rapporteur pour avis budgétaire de cette commission et j’ai été rapporteur spécial à la commission des finances pendant des années. C’est effectivement insupportable. Nous recevons les éléments nécessaires à notre travail au dernier moment. Je dois moi-même présenter mon avis budgétaire dans quelques jours alors que je n’ai reçu des réponses qu’hier.
Monsieur le président, je pense que vous devez le dire de manière précise car il y a unanimité sur ce point.
M. le président Bruno Fuchs. Je partage ce point et je l’ai déjà dit dans d’autres enceintes.
M. Frédéric Petit (Dem). Je rappelle que, du temps où Marielle de Sarnez présidait cette commission, nous avions refusé d’examiner un rapport car il était arrivé trop tard.
M. Stéphane Hablot (SOC). Je pense que nous sommes nombreux à soutenir l’avis défavorable du rapporteur pour les raisons qu’il a évoquées mais il faut une suite : monsieur le président, pouvez-vous vous engager à interpeller Bercy pour que cela ne se reproduise plus, quitte à voter une motion sur le principe ?
M. le président Bruno Fuchs. Je vais bien évidemment porter ce point.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 40 non modifié.
M. Frédéric Petit (Dem). Notre commission vient de voter pour quitter les traités européens !
Mme Clémentine Autain (EcoS). Évitons ce type de commentaire qui me rappelle la bataille du traité constitutionnel européen dans laquelle on accusait ceux qui s’opposaient à telle ou telle modalité de la construction européenne d’être contre l’Europe. Ne caricaturons pas le débat, c’est insupportable !
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M. le président Bruno Fuchs. Je me bornerai à indiquer à titre liminaire que les crédits de la Mission Écologie, développement et mobilité durables inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025 s’élèvent à 20,5 milliards d’euros et sont en diminution de 5 %.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Inutile de s’attarder sur les conditions dans lesquelles le projet de budget a été présenté : chacun les connaît et s’en inquiète ou s’en gausse, c’est selon.
Certes, traditionnellement, nous sommes charrette lors de l’examen du budget mais cette année, notre commission est invitée à se prononcer sur les crédits de cette mission cinq jours à peine après la présentation du projet de budget devant la presse. C’est une bien curieuse façon de faire ! Heureusement, la seconde partie du rapport consacré à la forêt a pu être anticipée avec des auditions d’experts et de praticiens de la filière et le travail d’analyse budgétaire nécessaire pour la préparation de ce rapport a pu être correctement conduit – je remercie d’ailleurs l’administratrice, qui a consacré son énergie et son expérience à cette tâche. Il est toutefois dommageable de n’avoir pu disposer des jaunes budgétaires, qui auraient pu nous donner de précieuses indications sur l’évolution du budget de l’Agence de la transition écologique (ADEME), de l’Office national des forêts (ONF) ou des crédits de la filière nucléaire répartis entre cette mission et les missions Économie, Plan de relance, Investir pour la France de 2030 et Défense.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a placé sur le même plan dette budgétaire et dette écologique. Force est de reconnaître, avec Le Monde, que la dette financière passe avant la dette écologique et que les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables sont loin de traduire la priorité affichée.
Le dérèglement climatique s’accélère, même si la France a été relativement épargnée grâce à un été exceptionnellement pluvieux. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a néanmoins sonné l’alerte rouge, l’année 2023 ayant été la plus chaude jamais enregistrée à l’échelle mondiale. La canicule n’affecte pas que le confort des êtres humains mais aussi la production agricole. Face au réchauffement inquiétant des océans, à la survenue de tornades inconnues jusqu’ici, la répétition d’hivers sans neige ou à la souffrance des arbres, les plus sceptiques, qui s’obstinaient jusqu’ici à nier le caractère anthropique du bouleversement climatique, l’admettent désormais,
Ce n’est pas la première fois que le budget pourtant modeste de la mission sert de variable d’ajustement et que les crédits indispensables à l’isolation des logements, des écoles, des gymnases, des hôpitaux – avec la double ambition d’optimiser les consommations d’énergie et d’améliorer le confort des usagers – sont sacrifiés aux exigences du court terme. C’est un mauvais calcul car le prix de l’inaction est considérable, qu’il s’agisse des dégâts liés au retrait-gonflement des argiles, de l’érosion du trait de côte ou de l’effondrement des rendements agricoles. C’est un mauvais calcul car, de notre capacité à transformer maintenant, dans une perspective écologique, notre façon de bâtir, de produire, de consommer, de cultiver et de nous déplacer, dépend non seulement la survie des écosystèmes aquatiques ou forestiers mais encore notre capacité à vivre demain de façon pacifique, confortable et décente, notre compétitivité et notre aptitude à interagir avec nos semblables.
Le Gouvernement a présenté un projet de budget qui, loin de mobiliser les grandes fortunes et les entreprises profitables, repose sur une baisse tous azimuts de la dépense publique, même si certains éléphants blancs sont épargnés. La mission, qui était déjà loin de se hisser à la hauteur des enjeux, paie un lourd tribut à ce choix politique : ses crédits sont en baisse de près de 10 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, avec 21,809 milliards en 2025 contre 24,103 milliards en 2024 alors que la direction du Trésor a évalué, en décembre 2023, les besoins de financement de la transition écologique à 110 milliards d’ici à 2030. Il faut également souligner que si certains programmes affichent une hausse, c’est non pas pour préparer la transition mais pour financer, par exemple, le déficit d’exploitation des trains d’équilibre du territoire (TET) ou la hausse des redevances d’accès au réseau ferré. Le diable se niche souvent dans les détails.
Ainsi, quand le Gouvernement se félicite de la consolidation de la stratégie nationale biodiversité 2030 avec « une enveloppe d’engagement 50 % plus élevée qu’en 2023 », l’action 07, Gestion des milieux et biodiversité, subit en réalité une forte diminution, de 25 % en autorisations d’engagement (AP) et 14,7 % en crédits de paiement (CP). Certes, l’Office français de la biodiversité (OFB) voit ses crédits augmenter de façon non négligeable mais son financement demeure considérablement moins important que celui de ses homologues européens. Dans le même programme 113, Paysages, eau et biodiversité, les parcs nationaux sont, quant à eux, sujets à une baisse d’investissement de près de 65 %.
Le plus préoccupant reste la diminution drastique des crédits du fonds vert, mis en place il y a deux ans à peine et dont les collectivités locales se sont rapidement emparées. Il connaît une baisse colossale de ses crédits de près de 60 %, soit une baisse de 1 milliard cette année, après une baisse de 400 millions en 2024. La demande est pourtant très forte avec 12 611 candidats et 4 547 dossiers traités en 2024.
De grosses inquiétudes subsistent aussi sur l’ADEME, dont le budget est réduit de 35 %, et sur le fonds chaleur, dont les crédits s’élevaient à 820 millions d’euros en 2024. Nous nous interrogeons sur le maintien de sa capacité à accompagner les efforts des collectivités locales dans le domaine des déchets, pour laquelle l’agence disposait de 300 millions en 2024. Le Gouvernement a abondamment communiqué l’an dernier sur MaPrimeRénov. Ses crédits sont pourtant amputés à hauteur de 1 milliard. Les politiques écologiques, destinées à préparer l’avenir et non à satisfaire les caprices de tel ou tel lobby influent, souffrent bien davantage que d’autres du stop and go. Elles doivent s’inscrire dans la durée, avec ténacité. Ce n’est pas le cas ici.
Pour toutes ces raisons, j’inviterai la commission à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.
L'examen du budget offre également à la commission des affaires étrangères la possibilité d’analyser les instruments, les objectifs et les modalités de l’action internationale de la France en matière environnementale.
J’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport aux forêts et aux enjeux du dérèglement climatique. En avril dernier, un délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages a été nommé. Six mois plus tard, nous peinons toujours à identifier ses missions et je crois pouvoir affirmer que lui-même peine à le faire. Il y a quelques semaines, l’intitulé du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a été modifié pour y adjoindre la forêt. Cela indique, au mieux, une volonté de replacer les enjeux forestiers au cœur de l’action gouvernementale mais cela peut aussi indiquer que le Gouvernement s’enlise dans une vision productiviste, économique et capitalistique dans laquelle les forêts ont pour principal – voire unique – intérêt de fournir des ressources en bois et non de remplir les fonctions environnementales souvent, et à nouveau, négligées.
La déforestation perdure dans certaines régions du monde par l’expansion des terres agricoles et l’exploitation intensive du bois. Les dernières années ont été rythmées par un accroissement toujours plus important des aléas environnementaux. Or les forêts sont menacées aujourd’hui, si ce n’est principalement mais, en tout cas, de façon importante, par les effets du dérèglement climatique : augmentation des températures, prolifération des ongulés, des insectes ravageurs et des parasites nuisibles, multiplication des incendies, sécheresses et tempêtes toujours plus intenses. Le message de l’ONF est alarmiste et il est clair : nombre de forêts sont aujourd’hui menacées de disparaître. Selon certains scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ce sont près de la moitié des surfaces forestières françaises qui pourraient dépérir ou devenir très vulnérables d’ici à la fin du siècle. Les forêts peinent à se régénérer. Un ralentissement global de la croissance des peuplements forestiers est également à déplorer.
Les forêts ne font toutefois pas que souffrir du dérèglement climatique. Elles jouent un rôle important dans la lutte contre le changement climatique et dans l’adaptation à celui-ci. Certes, elles peinent à remplir progressivement leurs fonctions biologiques les plus élémentaires – leur capacité de stockage du carbone a diminué de près de moitié en dix ans – mais elles stockent aussi de l’eau.
La filière forêt-bois en France est également menacée. Elle représente près de 50 000 emplois, ancrés dans les territoires et contribue au financement du budget des collectivités locales, notamment des communes les plus modestes situées dans les zones de plateau ou de montagne.
Dans beaucoup de pays européens, la forêt est d’abord destinée à la production de bois, au point qu’on parle désormais de culture du bois et non de la forêt. En Suède, par exemple, 80 % des forêts sont destinées à cette production. En un an seulement, entre 2020 et 2021, la forêt suédoise a perdu près de 20 % de sa capacité d’absorption de CO2.
Le rapport dresse une sorte d’inventaire des préoccupations des acteurs publics et privés de la filière forestière et contient quelques préconisations, qui pourraient être reprises par notre groupe d’études transpartisan sur la forêt. Certaines de ces préconisations ont été apportées par le député qui était coprésident de ce groupe d’études, lors de son audition.
La France a pris des initiatives au niveau européen et mondial, qui montrent sa préoccupation devant l’état de ses forêts mais aussi sa détermination à agir pour la protéger. Certains y ont vu du greenwashing. Nous aurions intérêt, compte tenu de l’important couvert forestier des départements et collectivités d’outre-mer, à nous investir davantage à l’international. Il faut concilier exploitation forestière et protection de la biodiversité. Plusieurs réunions de la conférence des parties sur la désertification, le changement climatique et la biodiversité sont prévues dans les prochains mois. Certes, la France a un peu perdu de sa superbe ces dernières années mais elle peut relever le défi. Les forêts, dont le sort dépend en partie de ces trois conventions, méritent notre engagement. Ce sujet, qui a longtemps été sous-estimé, réclame aujourd’hui l’investissement des parlementaires.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). À la fin du mois de septembre, le Haut Conseil pour le climat a rappelé au nouveau gouvernement l’importance cruciale d’atteindre la neutralité carbone en 2050. En effet, la France et l’Europe sont durement touchées par les effets du dérèglement climatique. Les événements extrêmes sont plus fréquents et plus intenses : sécheresses, incendies, inondations… À l’échelle du globe, les catastrophes climatiques s’enchaînent, frappant tous les pays, parfois de manière concomitante, au point que chaque jour amène son lot de désastres.
Depuis le rapport sur le financement de la transition écologique de Jean Pisani-Ferry et de Selma Mahfouz de mai 2023, nous savons que, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, le budget public doit augmenter de 25 à 34 milliards d’euros par an. Cela représente 10 à 12 milliards d’euros pour le budget de l’État, le reste étant à la charge des collectivités locales. L’enjeu n’est pas seulement d’accélérer la baisse des émissions mais de lutter contre la forte diminution du puits de carbone des forêts, fragilisées par le changement climatique.
Le budget de rigueur que propose le Gouvernement, avec des crédits en recul de 10 % est un très mauvais signal. L’amputation des moyens des collectivités locales de 6,5 milliards d’euros en est un autre, qui paralysera leurs investissements dans la transition écologique. Qui plus est, le budget n’est adossé à aucun document de planification : le Parlement n’a pas encore pu examiner les textes stratégiques qui encadrent l’action de la France, la nouvelle stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ces retards soulignent que, contrairement à ce qu’affirmait le Premier ministre dans son discours de politique générale, la dette écologique n’est pas une priorité.
Les montants indigents de l’aide au développement en direction des pays du Sud en sont une autre illustration. Ces derniers demandent aux pays riches, qui portent une responsabilité historique dans le réchauffement climatique, une contribution globale de 1 000 à 1 300 milliards d’euros par an entre 2025 et 2030. La France ne sera visiblement pas au rendez-vous.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Je n’ai pas grand-chose à ajouter. La transition énergétique est une politique qui demande de la continuité et des moyens stables, qu’ils soient alloués par les agences de l’État ou par les collectivités locales, et notre pays s’illustre par son incohérence.
Le principal motif de plainte des collectivités locales, mises au régime sec par un projet de loi de finances qui leur retire 8,5 milliards d’euros, tient au fait que nombre d’entre elles s’étaient engouffrées avec enthousiasme dans le financement des équipements indispensables pour concrétiser la transition écologique. Même si la tentation est grande de s’en remettre à deux ou trois entreprises ou opérateurs, tout ne peut pas venir d’en haut. Certains doutaient de l’engagement des collectivités au rendez-vous : elles ont été pour les milliers de projets du fonds vert qui avait, pour une fois, vocation à s’appliquer sur le terrain. La même chose s’est passée pour le fonds chaleur de l’ADEME. Il est regrettable que des politiques qui illustrent la mobilisation civique pour la transition écologique soient ainsi menacées.
Quand j’ai évoqué tout à l’heure les 110 milliards d’euros nécessaires pour piloter la transition d’ici à 2030, ce n’est pas en cumulant les misérables crédits de chaque année. Il faut 110 milliards d’euros par an ! J’ajoute que cette politique est très riche en emplois non délocalisables et qu’elle contribue à la vitalité des territoires.
Mme Alexandra Masson (RN). Comme vous, nous regrettons la diminution des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables, qui sont en baisse de près de 2,3 milliards d’euros par rapport au PLF 2024. Avec mes collègues du Rassemblement national, nous déplorons particulièrement la baisse de 30 % des autorisations d’engagement du programme 205, Affaires maritimes, pêches et aquaculture. Nous déplorons en outre les 820 millions d’euros de crédits accordés aux énergies éolienne, terrestre et maritime dans le programme 345, Service public de l'énergie, qui pourraient aisément être réaffectés à l’action 04 du programme 205, Action interministérielle de la mer, dédiée aux dispositifs de contrôle et de surveillance qui participent à l’exercice des missions de police en mer.
Il est indispensable que l’État renforce son action pour concilier les objectifs de protection de l’environnement et le maintien de l’activité économique maritime. Des mesures ont déjà été prises pour favoriser la transition écologique de la marine de commerce. Il ne faut pas oublier le secteur de la plaisance, souvent délaissé alors qu’il joue un rôle clé dans le dynamisme économique de certains territoires littoraux. C’est pourquoi nous souhaitons renforcer l’action Ports du programme 203, Infrastructures et services de transport, en diminuant le financement des études allouées à l’éolien en mer que nous jugeons inefficace et destructeur pour les territoires et les paysages.
Le groupe RN se réjouit de la création du programme 235, Sûreté nucléaire et radioprotection, qui correspond à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), un nouvel interlocuteur unique et indépendant chargé du contrôle et de l’instruction des dossiers de sûreté dont la création a permis d’écarter les lobbies hostiles au nucléaire. En revanche, nous dénonçons la poursuite d’une trajectoire écologique punitive avec l’augmentation du malus CO2 et du malus poids des véhicules automobiles, qui pénalise toujours plus les Français qui n’ont d’autre choix que prendre leur voiture pour se déplacer.
Nous estimons que les demandes de la rapporteure concernant les énergies renouvelables, et l’éolien en particulier, sont faramineuses : près de 4 milliards d’euros au total. Ces moyens pourraient être fléchés vers d’autres énergies renouvelables comme la géothermie, qui ne bénéficie que de 43 millions d’euros.
Nous voterons donc contre le budget de cette mission budgétaire.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. En effet, il n’existe pas de politique maritime permettant de hisser les infrastructures portuaires au niveau requis ; je remarque toutefois que votre groupe n’a pas déposé d’amendement en ce sens. Je reviendrai plus longuement sur l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) à l’occasion des amendements que votre groupe a déposés sur le nucléaire.
Je veux concentrer ma réponse sur le malus infligé aux véhicules les plus lourds et les plus polluants. En trente ans, le poids des véhicules a augmenté de 60 % ; nous subissons tous des chenilles processionnaires des véhicules utilitaires sportifs (SUV), dont la vitesse de pointe a augmenté de 197 à 207 km/h en quinze ans alors que les limitations de vitesse sont désormais respectées par l’écrasante majorité de nos concitoyens. Plus de poids, plus de vitesse, des moteurs plus puissants : on peut se demander si une politique plus raisonnable visant à promouvoir des véhicules plus modestes, mieux adaptés au quotidien, ne permettrait pas d’économiser de l’énergie. De nombreuses associations et services de l’État préconisent la réduction à 110 km/h de la vitesse sur les autoroutes à 80 km/h sur les routes nationales pour la même raison ; elle aurait en outre le mérite d’alléger les circuits secondaires et de limiter une concurrence stupide entre les deux réseaux qui alimente les projets de contournement.
Mme Éléonore Caroit (EPR). Je vous remercie d’avoir rappelé le rôle crucial que jouent les forêts dans la lutte contre le changement climatique et l’importance d’adapter les écosystèmes et l’économie à ce qui en découle. Les forêts n’échappent pas aux effets du changement climatique ; elles en sont même la manifestation emblématique.
Depuis des années, la forêt est un sujet de préoccupation national et international. La France est le quatrième pays européen en surface de boisement, laquelle représente près d’un tiers du territoire, hors outre-mer. Elle est aussi un pays amazonien – je pense à la Guyane. Pour ces raisons, notre pays a pris des initiatives à résonance internationale comme le One Forest Summit, co-organisé en 2023 avec le Gabon.
La Commission européenne a adopté une nouvelle stratégie pour les forêts à l’horizon 2030 dans le cadre du Pacte vert. Le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 demande ainsi aux entreprises de garantir que les produits qu’elles exportent ou mettent sur le marché européen comportent un risque nul ou négligeable de déforestation. C’est un sujet de taille : sans intervention réglementaire appropriée, la déforestation due à la consommation européenne atteindrait 250 000 hectares en 2030 rien que pour six produits : les bovins, le cacao, le café, l’huile de palme, le soja et le bois. La pérennité de ce règlement est pourtant menacée. À la demande de plusieurs pays, la Commission européenne a proposé de reporter son entrée en vigueur d’un an. Je crains que cette suspension ne se prolonge.
Au niveau international, le cadre juridique relatif à la préservation et à la restauration des forêts est morcelé entre plusieurs conventions, ce qui nuit à l’effectivité de la protection, comme l’indique le rapport. Dans ma circonscription, en Amérique latine et dans les Caraïbes, la protection des forêts est un sujet à la fois politique et d’actualité. La Colombie accueillera dans quelques jours la prochaine COP16 sur la biodiversité et le Brésil la COP30 sur le climat l’an prochain. Ma question est la suivante : la protection des forêts vous paraît-elle suffisamment prise en compte au niveau international ? Pensez-vous que la communauté internationale gagnerait à signer un traité global sur la préservation et la restauration des forêts, à l’image de ce que nous avons fait pour les océans avec le traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ) ?
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Certains observateurs ont douté de la volonté de la France de s’engager fermement après le One Forest Summit. Il est vrai que ses engagements n’ont pas tous été respectés. De ce point de vue, la confirmation du report de l’entrée en vigueur du règlement de 2023 enverrait un très mauvais signal.
La France doit agir résolument au niveau européen. Elle a tout intérêt à travailler avec des partenaires qui ont démontré leur capacité à gérer les forêts de manière responsable, comme la Slovénie, dont nous observons avec intérêt les méthodes de gestion forestière, de la formation du personnel à la préservation de la biodiversité. Nous devons nous tourner vers ce modèle plutôt que vers celui des pays du nord de l’Europe dont les forêts rajeunissent au rythme de coupes massives qui y sont pratiquées.
Nous ne sommes pas armés pour proposer de nouvelles méthodes de gestion à l’international. Nous peinons déjà à les appliquer chez nous : le morcellement forestier est une réalité, de même que l’incapacité de dresser l’inventaire total des parcelles sans maître et de tenir le cadastre à jour. Je plaide pour que nous investissions davantage dans les forêts aux niveaux national, européen et mondial pour nous protéger contre le changement climatique.
M. le président Bruno Fuchs. Il existe trois grands bassins de captation de carbone en Asie du Sud-Est, en Amazonie et au Congo. N’y a-t-il pas une action à mener de ce côté ?
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Je rêve d’un traité international sur l’Amazonie comme celui qui existe sur l’Antarctique. Cela suppose que le Gouvernement brésilien y soit favorable ; cela suppose aussi de consacrer des moyens importants à la lutte contre la déforestation, qu’elle soit due à la consommation vivrière des populations autochtones, aux coupes de bois ou à des incendies de forêt qui justifient par la suite la mainmise de quelques latifundiaires sur des surfaces immenses. Je serais ravie que l’Assemblée nationale se mobilise en ce sens.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). L’écologie et l’ordre international sont indissociables, non parce que la question écologique devrait être traitée uniquement au niveau mondial mais parce qu’elle fait sentir avec une acuité sans précédent la nécessité profonde de transformer l’ordre économique international. Plus personne ne conteste l’origine humaine du changement climatique et de la sixième extinction des espèces. Les activités humaines en cause dans la production de ce phénomène ne sont pas d’une nature abstraite : ce sont des activités économiques régies par la dynamique d’accumulation du capitalisme. Le refus de ce constat pour des raisons idéologiques empêche le Gouvernement de se saisir adéquatement du problème écologique.
La commission des affaires étrangères est l’endroit où poser cette question décisive : quel rôle la France peut-elle jouer pour contribuer à réorienter les modes de production en fonction des impératifs environnementaux, ici et partout où les peuples le souhaitent ? De ce point de vue, la baisse de l’aide publique au développement est une très mauvaise nouvelle. Elle nous prive de moyens pour financer le développement des énergies renouvelables, l’agriculture vivrière ou encore les capacités techniques et juridiques des communautés ou collectifs défendant l’environnement. De même, la baisse drastique des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables est, comme l’indique l’avis budgétaire de la rapporteure, « bien loin de l’engagement du Premier ministre à faire de la réduction de la dette écologique française l’une de ses priorités ». La France est loin de montrer l’exemple à l’international.
Alors que des bombes au phosphore sont très probablement utilisées au Liban et en Palestine par l’armée israélienne, il faut rappeler qu’œuvrer pour la paix revient à protéger les populations civiles et l’environnement. Jean Jaurès a toujours raison : le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. De surcroît, l’étude des conséquences sociales du changement climatique nous apprend que l’orage peut être lourd de guerres lui-même.
Le Haut Conseil pour le climat estimait en 2024 que les politiques publiques ne correspondaient pas aux engagements internationaux de la France pour 2050. Ce budget acte un nouveau recul et nous place en contradiction avec la parole donnée au reste du monde. Où en est la planification écologique ? La puissance publique n’est-elle pas depuis plusieurs années en train de se dépouiller méthodiquement des moyens de l’assurer ?
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Si vous voulez dire que certains opérateurs privés manquent de la décence la plus élémentaire dans la gestion des espaces forestiers qui sont la propriété de l’humanité, je ne peux que vous donner raison. Il faut toutefois faire la distinction entre les petits propriétaires privés qui ont intérêt à ce qu’elle reste en bonne santé, qui ont conscience que la forêt doit être gérée et pas seulement prélevée à intervalles réguliers, qui diversifient les peuplements pour les adapter à la réalité du changement climatique et qui mettent en commun leurs moyens dans des groupements pour une gestion plus fine, et les grandes entreprises qui exploitent la forêt sans aucun souci de durabilité, qui ne se donnent pas la peine de replanter et qui terrorisent ou exploitent la force de travail de la population riveraine et autochtone. Les exemples sont légion. La France y a souvent prêté la main ; elle le fait peut-être encore, même si on en parle moins. La crédibilité du One Forest Summit a été entachée par le fait qu’il était co-organisé par le Gabon, qui a parfois livré sa forêt à la soif de profit d’opérateurs étrangers, y compris français.
Un consensus semble se dégager : plutôt que regarder en pleurant les dégâts que le changement climatique inflige à la forêt, il est nécessaire d’adopter des mesures pour lui permettre de jouer pleinement son rôle d’amortisseur. Je retiens que vous êtes prêt à travailler avec moi non seulement sur les conséquences, mais aussi sur les causes de l’organisation du marché du bois. Compte tenu du délai imparti, le rapport est succinct sur l’aval de la filière qui reste opaque. Sans mépris pour ceux qui travaillent la forêt et ceux qui la replantent, il semblerait, à partir des témoignages qui nous sont remontés, que ce soit organisé de façon assez cynique.
Mme Pascale Got (SOC). Le budget 2025 de la mission Écologie, développement et mobilité durables est insuffisant pour résorber la dette écologique et menace d’affaiblir notre crédibilité dans les négociations internationales. Dois-je rappeler les déclarations à la COP21, au G20 et à l’Organisation des Nations unies (ONU) dans lesquelles notre pays s’est positionné comme leader mondial de la lutte contre le réchauffement climatique ? Si la France se détourne de ses ambitions à l’échelle nationale, comment peut-elle se prétendre un modèle pour les autres pays de l’Europe ? La baisse significative du financement des dispositifs nationaux, à rebours des engagements de la France, envoie un signal contraire à nos partenaires. Cela revient à accepter la prédominance de la Chine, qui rafle les marchés du solaire, de l’éolien et de la voiture électrique sur le seul critère du prix, et non sur celui de l’appréciation environnementale.
Outre notre crédibilité, c’est l’accompagnement social de la transition écologique qui est affecté. D’une part, la réduction de 500 millions d’euros des subventions à l’achat de véhicules électriques est assez surprenante : alors que le coût des véhicules reste élevé, ces coupes excluent de nombreux ménages du passage à une mobilité propre, particulièrement dans les territoires ruraux et périurbains, et accentuent, s’il en était besoin, la fracture territoriale. D’autre part, la rationalisation des aides à la rénovation énergétique lèse les foyers modestes qui vivent dans des passoires thermiques et qui ont besoin d’aide. La transition écologique doit être une opportunité pour tous, pas seulement pour ceux qui ont les moyens.
Par ailleurs, ce budget peut être vécu comme un pied de nez à l’accompagnement de l’action territoriale avec la baisse significative du financement de plusieurs programmes stratégiques comme ceux relatifs aux Affaires maritimes, pêche et aquaculture, Paysages, eau et biodiversité ou encore Énergie, climat et après-mines. Ce sont autant de choix budgétaires qui freineront l’évolution vers des pratiques vertueuses. Je dénonce également le coup de rabot de 1,5 milliard d’euros donné au fonds vert, qui complexifiera les projets de rénovation énergétique et limitera la prévention des risques d’incendie de forêt ainsi que le soutien aux zones à faibles émissions de gaz à effet de serre.
Ce budget envoie un signal contradictoire aux entreprises, aux ménages et aux collectivités locales. Le groupe socialiste votera contre.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Vous avez plus de talent que moi pour traiter plusieurs sujets en peu de temps. J’insisterai sur deux d’entre eux.
Le premier est l’absence d’ambition de la France et de l’Europe en matière de relocalisation des technologies énergétiquement responsables, qu’il s’agisse des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques. Après quelques années d’efforts, nous nous résignons visiblement à ce que toute la production parte en Chine. Pour ma part, je pense que l’indépendance énergétique du pays serait mieux garantie si nous faisions l’effort de privilégier les emplois locaux. Certaines régions en sont conscientes et se sont positionnées sur la formation à ces métiers.
Deuxièmement, au risque de susciter la colère de mes camarades du groupe Écologiste et Social, je suis d’une grande prudence s’agissant du passage aux véhicules électriques à marche forcée. La plus grande partie des émissions d’un véhicule a lieu lors de sa fabrication et de son élimination, et je préfère une petite voiture thermique d’une tonne utilisée pendant trente ans à un SUV électrique de 2 200 kg. Si le malus pour les véhicules lourds est une bonne chose et bien que je regrette la baisse des aides à l’acquisition d’un véhicule électrique pour les ménages modestes, qu’il est hors de question de culpabiliser, il me semble que notre politique en la matière n’est pas aboutie et mériterait d’être réexaminée.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Je remercie Mme Voynet pour ce rapport riche qui nous alerte sur l’état des forêts et formule des recommandations intéressantes pour améliorer la situation. Pour ma part, je m’en tiendrai à des considérations concernant le budget de la mission.
En 2023, le sixième rapport du GIEC estimait que nous atteindrions les 1,5 °C de réchauffement d’ici à 2030, bien plus tôt que ne le prévoyait l’accord de Paris. Les effets de ce réchauffement – incendies, canicules, inondations, tempêtes, fonte des glaciers et du permafrost, montée des eaux – sont déjà visibles et les réfugiés climatiques se comptent chaque année par dizaines de millions. Tous les indicateurs montrent que l’heure est à l’urgence. Michel Barnier semble en avoir conscience puisqu’il a déclaré dans son discours de politique générale que la dette écologique était une véritable épée de Damoclès.
Le projet de loi de finances pour 2025 n’est pourtant pas à la hauteur des enjeux. Les crédits alloués à la mission Écologie, développement et mobilité durables sont en baisse de 10 %, ceux du fonds vert se sont effondrés de 60 % par rapport à l’année dernière et la prime à la rénovation pour les ménages a été rabotée de plus de 1 milliard d’euros. En plus de rogner sur le budget de l’écologie, le Gouvernement envoie des signaux contradictoires sur la décarbonation : tout en incitant les Français à se tourner vers les véhicules et le chauffage électriques, il augmente les taxes sur l’électricité. Enfin, une grande partie du plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre repose sur la construction de six réacteurs nucléaires. C’est une fausse bonne idée : les réacteurs coûtent cher et ne seront pas opérationnels avant 2040. Il faut agir dès maintenant pour préserver l’environnement et lutter contre le dérèglement climatique. Cela passe par les énergies renouvelables.
En avril dernier, la Commission européenne a estimé que les actions entreprises par Paris ne permettraient pas d’atteindre les objectifs d’installation d’infrastructures d’énergies renouvelables fixés pour 2030. Plutôt que de multiplier les effets d’annonce, le Gouvernement ferait bien de prendre ses responsabilités et de se donner les moyens de l’action.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Si certains n’ont pas encore compris que les politiques écologiques étaient avant tout des politiques d’investissement qui méritent d’être financées pour nous épargner à l’avenir des catastrophes naturelles et des désastres humains, je suis désolée pour eux. Je constate que l’été pluvieux a balayé les préoccupations de l’année dernière. Faut-il attendre une sécheresse que l’on présentera comme historique l’année prochaine, et qui sera dépassée l’année suivante, pour relancer l’investissement dans les politiques énergétiques et environnementales ? Je plaide pour une politique qui tienne dans la durée, sans être soumise aux coups de boutoir des élections et au chaos des agences de notation et qui permette d’agir sur les causes.
J’ai été à l’origine du premier programme national de lutte contre le changement climatique en 1999. À l’époque, il était urgent de remplacer les 7 millions de chaudières au fioul, jugées comme des équipements coûteux et polluants. Un quart de siècle plus tard, il en reste 5,5 millions. En vingt-cinq ans, nous avons supprimé 1,5 million de vieilles chaudières ; si nous continuons comme cela, nous n’en serons pas débarrassés avant 2100.
Mme Maud Petit (Dem). Je vous remercie pour ce rapport très instructif. L’année 2024 est en passe d’être classée comme la plus chaude jamais enregistrée ; les canicules et les inondations se multiplient. La lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité sont des urgences pour lesquelles nous devons continuer d’agir résolument.
Dans un contexte budgétaire contraint, le budget de la mission Écologie est doté de 20,5 milliards d’euros. Cela représente, il est vrai, une diminution de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2024. Je tiens toutefois à souligner que les efforts seront maintenus afin d’atteindre les objectifs internationaux, européens et nationaux réaffirmés en 2022 lors de la COP15. La stratégie nationale pour la biodiversité verra ainsi ses moyens fixés à 441 millions d’euros, ce qui correspond aux crédits consommés en 2024.
Nous devons tous nous mobiliser pour réorienter les finances au service du climat. La prochaine étape sera la COP29, qui se déroulera à Bakou du 11 au 22 novembre 2024 et durant laquelle un nouvel objectif pour le financement collectif de l’action diplomatique devrait être fixé à partir d’un plancher de 100 milliards de dollars, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement. Un appel à une trêve mondiale – les activités militaires étant la source de 5 à 6 % des émissions de gaz à effet de serre – sera lancé et des initiatives telles que les corridors et zones d’énergie verte ou l’accélération de l’action climatique dans le tourisme seront abordées.
Au groupe Les Démocrates, nous ne doutons pas que notre pays œuvrera pleinement à faire une priorité de l’action climatique et de la transition dans le monde en développement. Le partenariat Nord-Sud qui devrait être formalisé à la COP29 est primordial pour avancer en ce sens. En tant qu’ancienne ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, que pensez-vous que nous puissions attendre de ce sommet ? Pouvez-vous faire une incise sur la forêt dans les départements et collectivités d’outre-mer, qui représentent une part non négligeable de la surface boisée, notamment en Guyane ?
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Je compatis presque à votre difficulté à identifier, dans un budget amputé de près de 10 %, des secteurs pour lesquels l’effort est peu ou prou maintenu. C’est certes le cas de la stratégie nationale pour la biodiversité mais les crédits alloués à la biodiversité dans le PLF pour 2025 sont, je le répète, en baisse.
Vous m’interrogez sur les engagements que la France pourrait prendre, dans la perspective de la COP29, en vue de renforcer les partenariats entre le Nord et le Sud. Pour avoir participé personnellement à plusieurs conférences des parties, je peux témoigner de ce que la parole de la France et de l’Europe, perçues comme capables de faire le lien entre les pays indifférents à ces questions et les pays souffrant des conséquences du changement climatique, a longtemps été jugée importante, et même essentielle. Je crains que cette influence ne se soit franchement érodée car, si nous parlons beaucoup, nous agissons peu. Or les pays du Sud veulent désormais savoir comment nous entendons passer à l’action. À ce titre, l’effondrement des crédits consacrés à l’aide publique au développement sera perçu avec beaucoup d’inquiétude à travers le monde.
La forêt guyanaise constitue un patrimoine exceptionnel, qui a la chance de ne pas être encore traversé par des routes qui faciliteraient l’irruption de trop nombreuses communautés et activités humaines : le sentier des Émerillons, par exemple, n’est emprunté que par les Amérindiens et les soldats de la Légion étrangère, qui y vont à pied. L’orpaillage fait néanmoins déjà des dégâts considérables qui, s’ils sont peut-être plus visibles sur l’eau, affectent également la forêt, tant ces écosystèmes sont intriqués. Notre pays doit donc se doter des moyens nécessaires, au-delà des crédits dont dispose le Parc amazonien de Guyane, qui fait un travail considérable, pour préserver ce qui est un trésor de l’humanité, et non simplement une possession de la France.
M. Bertrand Bouyx (HOR). La transition écologique représente un défi majeur et nécessitera une transformation profonde de nos modes de vie si nous voulons assurer un avenir durable aux générations futures. Les moyens doivent être à la hauteur des enjeux, qui sont nombreux et primordiaux. Le budget qui y sera consacré atteindra 16,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement.
Le groupe Horizons salue les investissements prévus en faveur des énergies renouvelables, notamment dans les études de dérisquage des champs d’éoliennes en mer, qui visent à installer les parcs tout en veillant à la protection de la biodiversité – élu dans une circonscription littorale, j’y suis particulièrement attentif. Il est urgent de décarboner notre mix énergétique en nous appuyant sur la complémentarité du nucléaire et des énergies renouvelables. Parallèlement, les investissements prévus en faveur de la stratégie nationale pour la biodiversité, pour la sûreté nucléaire et pour la recherche seront des armes indispensables pour répondre aux défis de demain.
La diminution exceptionnelle des émissions de gaz à effet de serre de la France, de 5,8 % en 2023 par rapport à 2022, s’est confirmée au premier trimestre 2024 par une nouvelle baisse de 5,3 % par rapport à l’année dernière. Ces résultats nous placent sur la trajectoire prévue dans les accords de Paris de 2015. Nous ne devons pas relâcher nos efforts : il y va de notre crédibilité. C’est pourquoi le groupe Horizons soutiendra les engagements prévus dans le budget pour 2025.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Nous serons au moins d’accord sur un point : ce qui nous est proposé est – un peu – mieux que rien.
Vous avez raison de souligner qu’un des plus grands défis consiste à accompagner l’évolution des modes de vie. Forte de mes convictions écologistes et de gauche, je serai très attentive à ce que cette évolution n’intervienne pas en abandonnant ou en culpabilisant les citoyens au motif, par exemple, qu’ils utilisent une voiture polluante lorsqu’ils vivent dans des endroits dépourvus de transport en commun. Il n’est pas question de pratiquer une écologie punitive ni de promouvoir une société à deux vitesses, avec d’un côté ceux qui peuvent se payer une Prius, manger bio et prendre le train pour partir en vacances et, de l’autre, ceux qui seraient laissés à leur sort et considérés comme de mauvais citoyens, incapables de comprendre les enjeux du changement de monde auquel nous sommes confrontés.
D’importants progrès ont certes été réalisés dans le domaine des énergies renouvelables. Je constate néanmoins qu’entre l’élaboration d’un projet et sa concrétisation, il s’écoule toujours énormément de temps : souvent cinq, six, voire huit ans.
Je souhaite comme vous décarboner le mix énergétique mais je constate que si chacun parle volontiers d’urgence écologique, les définitions du mot « urgence » semblent diverger. Les énergies renouvelables présentent l’avantage de pouvoir être déployées rapidement, là où la construction d’un réacteur de type EPR 2 ou d’un petit réacteur modulaire (SMR) n’adviendra qu’à l’horizon 2035, 2040, voire 2050. Si nous voulons décarboner l’économie, il faut agir dès maintenant, en investissant fortement en faveur des énergies renouvelables, qui sont menacées par des positions politiciennes de court terme que je déplore.
M. le président Bruno Fuchs. Nous passons à présent aux interventions à titre individuel.
M. Michel Guiniot (RN). Merci pour votre rapport détaillé et particulièrement axé sur l’enjeu forestier. Je partage certaines de vos préoccupations, notamment la nécessité de mieux connaître notre patrimoine forestier pour le préserver, qui fait l’objet de votre recommandation 16.
Vous regrettez la baisse de 10 % infligée aux crédits de la mission Écologie, développement et mobilités durables. Il apparaît pourtant, dans le programme 345, que les fonds dédiés à l’éolien restent constants. Les projets d’installation privés sont, faut-il le rappeler, soutenus par l’État et l’énergie produite par ces entreprises privées est rachetée à des prix supérieurs aux coûts de production, tout en bénéficiant d’une fiscalité avantageuse. Les éoliennes terrestres défigurent les paysages, ravagent durablement les terres et nuisent à la flore et à la faune. Leurs impacts sur les populations avoisinantes sont décriés et connus – sans parler de l’éolien en mer. En cessant de soutenir l’éolien, ce sont près de 824,3 millions d’euros que nous pourrions affecter à des dépenses plus utiles, par exemple en renforçant le budget de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
Seriez-vous favorable à ce que nous mettions un terme à ces subventions paradoxales pour financer de vrais projets écologiques ?
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Votre intervention avait bien commencé : votre engagement en faveur de la forêt me semble tout à fait bienvenu. Vous en êtes toutefois rapidement venu à l’une des obsessions de votre parti politique : pénaliser l’éolien. Pour m’être renseignée sur la question, je sais que, malgré votre campagne de terrain active, aucun projet n’a été abandonné par son promoteur ; en général, la commune concernée. Il est vrai, par ailleurs, que de plus en plus de territoires demandent que les éoliennes ne soient pas installées n’importe où, n’importe comment ni à n’importe quel prix, mais que les implantations soient adaptées au terrain, respectent les paysages et permettent de limiter les impacts, par exemple sonores, sur les habitants.
Ce qui m’importe, c’est que nous ne restions pas l’arme au pied jusqu’en 2040 en espérant qu’une solution magique émerge. Aucune source d’énergie n’est parfaite. Seulement, nous ne nous sommes pas donné les moyens d’utiliser au mieux les atouts de chacune d’entre elles. L’éolien, ce n’est pas du vent : nous en avons besoin pour produire de l’électricité. Je rappelle en outre que la France compte 258 481 pylônes électriques en exploitation. Or je n’ai jamais entendu des collectifs de citoyens ni des partis politiques protester contre certaines lignes à très haute tension qui balafrent les paysages.
M. Michel Guiniot (RN). Il ne s’agit pas tant d’une obsession du Rassemblement national que d’un intérêt personnel. J’ai en tête l’exemple de quatre parcs éoliens récemment annulés après avoir reçu un avis négatif des commissaires enquêteurs.
M. Marc de Fleurian (RN). Je comptais vous interroger sur les récentes inondations mais je suis contraint d’utiliser mon temps de parole pour réagir à vos propos : vous avez évoqué les « coups de boutoir des élections », comme si l’expression souveraine et démocratique du peuple français pouvait représenter un problème pour les hommes et les femmes politiques que nous sommes. Je ne peux pas laisser passer une telle sortie : chaque fois que vous évoquerez les résultats des élections comme un problème, je vous reprocherai cette conception selon laquelle le politique devrait imposer sa vision, comme un curé sermonnerait la population au motif qu’elle aurait mal voté.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Je suis plus que suspicieuse quant à votre affirmation : il ne me semble pas avoir prononcé ces mots. Il existerait de nombreuses raisons de contester les dernières élections, notamment la longue vacance à la tête de l’État qu’elles ont occasionné et le temps qui s’est écoulé avant la nomination d’un gouvernement capable de prendre les problèmes à bras-le-corps – chacun voit comment la dette a évolué en quelques mois et combien elle pèsera sur nos décisions futures. Peut-être y reviendrons–nous quand vous aurez relu le contenu de mon intervention. Je regrette que vous ayez préféré inventer des formules plutôt que traiter du sujet que vous comptiez aborder.
M. Marc de Fleurian (RN). Vous consulterez la vidéo !
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Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-AE3 de Mme Laurence Robert-Dehault
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Bien que mal connue, l’activité portuaire de la France, qui génère une valeur ajoutée de plus de 15 milliards d’euros et représente environ 180 000 emplois directs, est un atout considérable. Malgré l’avantage incomparable que nous offre le fait de posséder le deuxième domaine maritime du monde, un rapport sénatorial soulignait en 2020 que les ports français souffrent encore d’un manque de compétitivité et d’une absence de vision stratégique à long terme ; et pour cause : le budget alloué à la stratégie portuaire n’a cessé de diminuer depuis 2019. Depuis 2016, les rapports se succèdent ainsi pour pointer des résultats décevants, des occasions manquées mais aussi des potentialités à exploiter. Tout cela révèle une inertie préoccupante de l’État, en contradiction avec le déploiement d’une véritable stratégie nationale portuaire, pourtant annoncée par Emmanuel Macron en 2017. En conséquence, le retard pris par la France représenterait 30 000 à 70 000 emplois perdus dans la filière des conteneurs.
Alors que le rapport sénatorial préconisait de doubler les crédits alloués à la stratégie portuaire, le PLF pour 2025 est une énième occasion manquée. D’une part, il prévoit une baisse draconienne des crédits versés par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) au titre de la modernisation et du développement des infrastructures portuaires. D’autre part, il ne procède à aucune revalorisation des crédits alloués à l’entretien des ports.
Je propose donc d’abonder l’action Ports de 8 millions d’euros, pour qu’elle retrouve un niveau de crédits équivalents à celui de 2019. Les fonds nécessaires seraient prélevés sur le financement des études consacrées au développement de l’éolien en mer.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Votre amendement illustre bien la fixation du Rassemblement national sur l’éolien. En Europe, les énergies renouvelables représentent pourtant désormais 23 % de la consommation énergétique finale, soit davantage que le nucléaire. Cette proportion considérable augmente d’année en année, y compris dans des pays que vous regardez d’habitude avec beaucoup de sympathie, comme l’Italie, où l’éolien représente 15,1 % de la production nette d’électricité.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Dans ma circonscription se trouvent à la fois le port du Havre et une usine de fabrication d’éoliennes. J’insiste donc sur la nécessité de ne pas opposer ces deux activités : l’usine fait fonctionner le port, les éoliennes étant acheminées vers les lieux d’implantation par la mer. Lorsque le Rassemblement national a défendu l’idée que vous venez de promouvoir pendant la campagne des élections européennes, les travailleurs de l’usine – qui sont un peu plus d’un millier, pour près de 5 000 emplois indirects sur l’ensemble du territoire – ont pu constater que si votre programme était appliqué, ils perdraient leur travail.
J’ajoute que, même s’il est vrai qu’on a toujours besoin d’investissements, les bateaux de croisière ou les navires fluviaux qui restent à quai dans les ports sont désormais connectés au réseau électrique : au Havre, en tout cas, on ne voit plus monter les colonnes de fumée qui polluaient auparavant les abords du centre-ville. Les gestionnaires des ports, dont je fais partie en tant que membre du conseil de développement, prennent donc des dispositions pour faire évoluer le commerce international. La compagnie française CMA CGM a par exemple beaucoup investi dans des porte-conteneurs propulsés au gaz, tandis que la société havraise TOWT (TransOceanic Wind Transport) développe le transport vélique à partir de voiliers cargos capables de transporter des marchandises à travers l’Atlantique. Si les chantiers navals n’avaient pas été fermés du fait des politiques conduites ces dernières années, ces cargos auraient d’ailleurs été totalement fabriqués en France.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE1 de Mme Laurence Robert-Dehault
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Alors que le premier ministre avait promis un exercice budgétaire placé sous le signe de la maîtrise des dépenses, les Français verront finalement leur facture d’électricité augmenter. Ils financeront également, à hauteur de 4 milliards d’euros, le soutien aux énergies renouvelables électriques, dont 800 millions pour le développement des énergies intermittentes, à savoir l’éolien terrestre et offshore.
Ces sources d’énergie, en plus d’être inefficaces, coûtent à la collectivité : leur développement dépend principalement de subventions publiques et elles ne vivent que grâce à des tarifs d’achat garantis qui faussent le marché. Leur rendement est en outre presque anecdotique : le plus grand parc éolien offshore de France, à Saint-Nazaire, s’étend sur 7 800 hectares, soit l’équivalent de la superficie de la ville de Limoges, et a produit environ 1,5 térawattheure en 2023, alors que la centrale nucléaire de Gravelines produit 28,8 térawattheures par an pour seulement 75 hectares occupés, soit cent fois moins de place pour vingt fois plus d’électricité. Le rendement de l’éolien terrestre est encore plus catastrophique et la construction frénétique de ces structures métalliques est parfois décidée sans l’assentiment des communes concernées. La politique de stigmatisation de l’artificialisation des sols s’arrête d’ailleurs là où commence l’influence du lobby éolien.
Plutôt que de poursuivre cet acharnement faussement écologique, il est possible d’atteindre la neutralité carbone à moyen terme, notamment grâce au nucléaire, complété d’un recours à l’hydroélectricité, qui ne souffre pas de l’intermittence.
En attendant la présentation d’un grand plan de relance du nucléaire, l’heure est aux économies. L’amendement vise donc à revenir sur les crédits alloués au développement de l’éolien terrestre et offshore.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Je suis toujours un peu malheureuse quand on aborde les questions énergétiques dans une assemblée parlementaire. J’espère ne faire insulte à personne en soulignant que de nombreux députés – je ne prétends pas que c’est votre cas – n’ont pour seule source d’information en la matière qu’une bande dessinée très populaire écrite par un polytechnicien. La plupart des concepteurs de la politique énergétique de la France, très présents chez EDF, Orano ou au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sont d’ailleurs issus de Polytechnique et du corps des Mines.
Même s’il est difficile de se battre quand on ne dispose que d’une minute pour exposer ses idées, je le ferai en rappelant que les éoliennes, le photovoltaïque ou encore le bois-énergie se développent partout en Europe. Seule la France continue à répéter « nucléaire, nucléaire, nucléaire ! » comme un mantra et à caricaturer les autres sources d’énergie. Vous qui dénoncez l’artificialisation des sols qu’entraînerait la construction des éoliennes, je vous invite à aller visiter une centrale nucléaire pour constater la quantité de béton à couler pour en construire une.
J’aurais aimé que nous puissions approfondir le débat, par exemple dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie mais celle-ci n’a pas été présentée. Il est difficile de concevoir une politique énergétique au coup par coup, par petits morceaux et à l’occasion d’un débat budgétaire préparé dans les conditions que vous connaissez. Avis défavorable sur cet amendement.
M. Frédéric Petit (Dem). Mon groupe votera contre cet amendement. Le rendement d’une installation énergétique ne s’apprécie pas au regard de sa superficie : avec un tel raisonnement, évaluer le rendement d’une centrale hydroélectrique supposerait de prendre en compte toute la rivière qui l’alimente. Le rendement désigne la part de l’énergie latente présente dans la nature que l’installation permet de capter. Je rejoins donc la rapporteure sur la nécessité de maîtriser correctement ces concepts.
En revanche, je ne suis pas d’accord pour dire que nous miserions tout sur le seul nucléaire : nous avons défini un plan qui prévoit de s’appuyer à la fois sur le nucléaire et sur le développement intensif des énergies renouvelables. Les deux sont nécessaires, l’important étant que les différentes sources d’énergie obéissent à des phasages différents et complémentaires, pour que le réseau fonctionne correctement. Il faut, pour faire simple, 50 % d’énergies pilotables et 50 % d’énergies latentes comme le vent, qui permettent de réduire d’environ un quart la quantité d’énergie que nous pomperions sinon dans la nature.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE4 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). La lecture du PLF laisse perplexe quant à la vision stratégique du Gouvernement : d’un côté, les organismes œuvrant pour la sûreté nucléaire voient leur budget diminuer ou stagner : de l’autre, les crédits de l’Agence de la transition écologique (ADEME) n’ont cessé d’augmenter pour dépasser les 900 millions d’euros, contre 540 millions en 2021.
Or cette agence souffre d’un biais idéologique congénital qui la pousse parfois à délaisser tout pragmatisme au profit d’un dogme faussement écologique. Dans son étude intitulée « Trajectoires d’évolution du mix électrique à horizon 2020-2060 », présentée en 2019, elle recommande ainsi d’accélérer la fermeture des centrales nucléaires au motif que leurs coûts de production trop bas gênent le déploiement des énergies renouvelables, handicapées par ce concurrent trop efficace. C’est en partie à cause de ce genre d’agences, gangrenées par un lobby puissant, que notre filière nucléaire, pourtant jadis à la pointe de la technologie, a pris du retard.
L’ADEME soutient en outre pléthore de projets dont l’utilité réelle paraît obscure et dont on se demande s’il est responsable, ou même utile, de les financer en période de disette budgétaire. Je pense par exemple à l’objectif consistant à « intégrer la dimension “Adaptation” dans l’ensemble des actions de l’agence pour accompagner tous les acteurs dans la définition et la mise en œuvre de trajectoires Climat, conjuguant atténuation et adaptation ».
Le Gouvernement explique qu’il faut rationaliser les dépenses. Cette exigence doit également s’appliquer à l’ADEME. Je propose donc de ramener les crédits qui lui sont alloués au niveau fixé dans la loi de finances pour 2021.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Tout ce qui est excessif est insignifiant. L’ADEME travaille non seulement sur la transition énergétique mais aussi sur des solutions innovantes de traitement des déchets, sur la pollution des sols, ou encore sur la lutte contre le bruit. Je ne sais pas à quel lobby puissant vous faites référence – j’aimerais bien que le lobby de l’écologie le soit davantage, pour ne rien vous cacher –, mais je constate que vous mettez en cause des politiques indispensables pour adopter les stratégies les plus efficaces, qui supposent non seulement de combiner les énergies renouvelables et d’autres que je ne souhaite pas voir se développer, comme le nucléaire, mais aussi d’améliorer l’efficacité énergétique et de promouvoir la sobriété.
Faciliter l’évolution des habitudes de consommation est essentiel. Alors que les consommateurs sont soumis à des publicités promouvant de façon incessante des comportements voraces en énergie, il est nécessaire de contrebalancer cette tendance, comme l’ADEME s’efforce de le faire. J’imagine que nombreux sont dans cette salle ceux qui considèrent qu’elle ne mérite pas d’être ainsi caricaturée.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Il semblerait que le Rassemblement national s’en tienne toujours aux mêmes recettes. Quand vous arrivez aux commandes d’une commune, la première chose que vous faites, c’est de supprimer les subventions aux associations de solidarité. Quand vous arrivez à l’Assemblée nationale, votre première idée, c’est de supprimer les subventions d’agences de l’État compétentes, dont l’action est nécessaire dans le cadre de la planification écologique.
Je rejoins pleinement les propos de mon collègue du Havre. À Brest, un immense polder a été construit pour accueillir des usines et des centres de fabrication dans le secteur des énergies renouvelables. Les Brestoises et les Brestois seront ravis d’apprendre que le Rassemblement national ne souhaite pas que des secteurs pourvoyeurs d’emplois y soient développés alors que les infrastructures nécessaires existent déjà. Cessez donc d’agiter ce genre de propositions idéologiques et soyez utiles, pour une fois.
Mme Marine Hamelet (RN). Je n’ai jamais prétendu vouloir supprimer les crédits de l’ADEME : il s’agit simplement de les ramener à leur niveau de 2021. Ne caricaturez pas !
M. le président Bruno Fuchs. J’espère, chers collègues, que nous serons capables de débattre dans le respect de chacun, malgré les divergences claires qui peuvent s’exprimer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE2 de Mme Laurence Robert-Dehault
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) assure des missions de service public essentielles, dont nous souhaitons qu’elles se développent : réalisation de l’inventaire national des déchets radioactifs, assainissement de sites ou reprise de déchets orphelins lorsque le principe pollueur-payeur ne peut être appliqué, financement d’opérations d’élimination des déchets chimiques. Elle est également, en sa qualité de maître d’ouvrage, chargée des études de recherche et de conception industrielle du projet Cigéo – centre industriel de stockage géologique – dont les installations sont situées dans la Meuse, l’Aube et dans mon département de la Haute-Marne. Il consiste à stocker en couches géologiques profondes des déchets radioactifs de haute et de moyennes activités à vie longue.
Dans la perspective du grand plan de relance du nucléaire que le Rassemblement national appelle de ses vœux, l’ANDRA aura un rôle fondamental à jouer. Ses crédits ne sont pourtant pas revalorisés depuis 2023, malgré l’inflation. Je propose donc de renforcer les fonds alloués à l’ANDRA à hauteur de 266 960 euros, pour couvrir l’inflation observée depuis 2023.
Mme Dominique Voynet, rapporteure pour avis. Vous me donnez l’occasion de dire quelques mots de la loi Bataille et de son application depuis la décision d’ouvrir un laboratoire expérimental sur le site Cigéo. Cette loi prévoyait d’explorer différentes hypothèses de prise en charge à long terme des déchets radioactifs de hautes activités à vie longue : dans les couches géologiques profondes – granit et argile –, en sub-surface, ou dans des piscines à proximité des sites de production. C’est cette dernière hypothèse qui est actuellement appliquée : près de 70 tonnes de plutonium sur étagère sont stockées à La Hague et des milliers de tonnes de déchets de haute activité à vie longue demeurent sur le territoire national. L’existence d’un unique laboratoire destiné à explorer la faisabilité et la réversibilité du stockage dans les couches géologiques profondes en Haute-Marne ne respecte donc pas totalement les exigences de la loi Bataille.
Jusqu’à preuve du contraire, l’ANDRA dispose des crédits qui lui sont nécessaires et n’a formulé aucune demande budgétaire. On peut donc considérer que votre amendement relève d’une approche idéologique de soutien au nucléaire plutôt que du souci de répondre à un réel besoin.
M. Frédéric Petit (Dem). Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : si certains opérateurs posent problème, ils ne sont pas les seuls responsables. Je rappelle que nous-mêmes, en tant que parlementaires, siégeons dans leurs conseils d’administration. Voilà plusieurs années que je propose que nous leur consacrions des débats spécifiques impliquant les administrateurs nommés. La gestion de l’ADEME, par exemple, a beaucoup évolué ces deux dernières années, parce que son directeur a été choisi sur la base de son projet et que le Parlement a accepté sa nomination, contrairement à celle du premier nom proposé par l’Exécutif. Nous avons un rôle à jouer en la matière : assumons-le.
La commission rejette l’amendement.
Puis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.
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La séance est levée à 12 h 35.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, M. Guillaume Bigot, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Éléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, M. Éric Ciotti, M. Pierre Cordier, Mme Christelle D’Intorni, M. Gérald Darmanin, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, Mme Stella Dupont, M. Olivier Faure, M. Marc de Fleurian, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. Vincent Jeanbrun, M. Alexis Jolly, Mme Sylvie Josserand, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Dominique Voynet
Excusés. - Mme Élisabeth Borne, M. Nicolas Dragon, M. Perceval Gaillard, Mme Brigitte Klinkert, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, Mme Mathilde Panot, M. Davy Rimane, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa