Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

 Examen, ouvert à la presse, d’un avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) :

- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Aide publique au développement (M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis)   2


Mardi
5 novembre 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 10

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Bruno Fuchs,
Président,
puis de
Mme Éléonore Caroit, Vice-présidente


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La commission achève l’examen, ouvert à la presse, de ses avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324).

La séance est ouverte à 16 h 30.

Présidence de Bruno Fuchs, président,
puis de Mme Éléonore Caroit, vice-présidente.

M. le président Bruno Fuchs. Mes chers collègues, en préambule de cette réunion, permettez-moi d’avoir une pensée pour nos amis espagnols et nos compatriotes expatriés, durement éprouvés par les intempéries dans la région de Valence. Ce drame rappelle à tous ceux qui contestent les effets du changement climatique que celui-ci est malheureusement déjà à l’œuvre pour les personnes, les biens et l’économie.

Nous achevons cet après-midi l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 avec le dernier de nos avis budgétaires sur la mission Aide publique au développement (APD). Il revêt une importance particulière cette année, puisqu’une forte baisse de ses crédits est prévue.

Les crédits de paiement inscrits dans le PLF pour 2025 au titre de la mission APD s’élèvent à un peu plus de 5,1 milliards d’euros, au total. Au sein de cette enveloppe, les dotations inscrites dans le programme 209, plus particulièrement piloté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, s’établissent à 2,4 milliards d’euros, soit une diminution de 26 % par rapport aux dotations de l’exercice 2024 – ce qui a déjà suscité de nombreuses réactions.

Vous avez choisi, Monsieur le rapporteur pour avis, de consacrer la partie thématique de vos travaux au sujet du coût et de l’efficacité de l’APD. Il s’agit d’un enjeu d’autant plus important que les montants mobilisés sont significatifs et peuvent, parfois à tort, être considérés comme des variables d’ajustement budgétaire commodes.

Le Parlement, par la loi du 4 août 2021, a profondément renouvelé le cadre et les principes de la politique française en la matière. L’une de ses mesures les plus novatrices a été la création d’une commission d’évaluation de l’aide publique au développement. Nous sommes nombreux ici à nourrir de fortes attentes à l’égard d’un véritable processus d’évaluation de l’efficacité de l’APD, tant du point de vue de la dépense publique que de celui des objectifs géopolitiques poursuivis, notamment l’influence de la France dans le monde. Malheureusement, plus de trois ans après le vote de la loi, la commission d’évaluation de l’APD n’a toujours pas été installée. Le Gouvernement devrait prochainement remédier à cet état de fait, ce qui serait bienvenu dans un contexte budgétaire marqué par une réduction notable des dotations en la matière. Si vous en êtes d’accord, j’écrirai au ministre pour l’interpeller sur ce point.

Représentant la commission au dîner d’Etat offert ce soir au palais de l’Elysée en l’honneur du président de la République du Kazakhstan, je serai contraint de céder la présidence de nos débats en cours de réunion mais je ne doute pas que la vice-présidente Éléonore Caroit me suppléera efficacement.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il n’est pas si simple de cerner les contours exacts des crédits de la mission Aide publique au développement. A priori, ils s’élèvent à 5,7 milliards d’euros, en baisse de 7 %.

La mission est composée de deux programmes principaux, le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement – piloté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères – et le programme 110, Aide économique et financière au développement – mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie –, qui subissent des coupes d’importance variable. Les 2,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) du programme 110, qui abondent à nos nombreux fonds et comportent beaucoup de bonifications de prêts, connaissent une diminution d’à peine 10 %. Les autorisations d’engagement du programme 209 – 2,1 milliards d’euros –, qui comprend les programmes d’aides d’urgence et humanitaire mais aussi bilatérales, baissent quant à elles de presque 33 %. Contrairement aux 7 % annoncés, la baisse globale des autorisations d’engagement devrait donc plutôt être de l’ordre de 20 %.

La mission budgétaire intègre toutefois le nouveau programme 384, qui budgétise le fonds de solidarité pour le développement (FSD), c’est-à-dire des versements volontaires de la France à des fonds multilatéraux, à hauteur de 738 millions d’euros. Cette évolution contribue à dissimuler la réalité de la baisse des crédits. Deux autres programmes sont inscrits pour la première fois, chacun pour 140 millions d’euros : le programme 370, Restitution des « biens mal acquis », et le programme 365, qui vise à renforcer les fonds propres de l’Agence française de développement (AFD).

Notons enfin une baisse supplémentaire de 641 millions d’euros, communiquée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui ne figure pas dans le bleu budgétaire.

Les crédits de la mission pourraient donc être plutôt de 5,1 milliards, et diminuer de 20 % plutôt que de 7 %.

Il convient de recontextualiser cette baisse. La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021, votée à l’unanimité, a fixé l’objectif de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement. Nous nous en éloignons, puisque nous nous situerons plutôt aux alentours de 0,5 %. La France reste toutefois l’un des pays les plus généreux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont la moyenne se situe à 0,37 %. Nous nous éloignons aussi d’autres recommandations importantes figurant dans la loi de 2021, comme celle préconisant que l’APD soit surtout composée de dons et d’au moins 65 % d’aides bilatérales ; nous sommes à peine à 57 %.

Encore largement constituée de prêts et de dons multilatéraux, notre aide au développement est ainsi peu lisible, donc difficilement pilotable. Cela soulève la question de la mesure de son efficacité réelle, tant pour le contribuable français que pour les populations aidées – ce serait une faute morale, politique et méthodologique d’opposer l’intérêt du contribuable français et celui des populations aidées.

La complexité, c’est comme le cholestérol : elle peut être bonne ou mauvaise. Elle est positive lorsqu’il s’agit de l’intelligence artificielle, elle ne l’est pas quand elle concerne une administration qui invente des acronymes, des tiroirs et des sous-tiroirs.

La complexité de notre APD résulte en premier lieu de sa dispersion thématique. Aux objectifs classiques que sont la santé, l’éducation, les transports, l’énergie, l’agriculture, ont été ajoutés le climat et l’environnement, la bonne gouvernance, l’égalité entre les femmes et les hommes, le développement du sport. La liste n’est pas exhaustive.

La complexité de notre APD résulte également de sa dispersion géographique – le dernier comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a enterré la liste des dix-neuf pays prioritaires et, en 2025, nous devrions aider cent‑cinquante pays – comme de la variété de ses destinataires : les gouvernements ; les peuples ; les organisations non gouvernementales (ONG), ce qui paraît logique ; plus étonnant, les entreprises ; enfin, pas moins de deux-cent soixante et onze organismes et fonds multilatéraux.

Les canaux de financement sont multiples, puisque la mission ne représente qu’un tiers des 15 milliards d’euros d’APD déclarés par la France à l’OCDE. Elle mobilise en réalité vingt-quatre programmes ministériels : les frais d’écolage, d’accueil des réfugiés, certains prêts du Trésor à des États étrangers doivent être comptabilisés.

Notre APD passe aussi par les contributions obligatoires de la France aux organisations des Nations unies. Ainsi, 1,4 milliard d’euros ont été accordés à la reconstitution des fonds de l’Association internationale de développement (IDA), l’institution d’aide au développement de la Banque mondiale. Il faut y ajouter les contributions volontaires de la France aux fonds multilatéraux.

Il faut enfin mentionner les 2,9 milliards d’euros de versements de la France à l’Union européenne consacrés à l’APD. Les fonds multilatéraux y sont également présents. Notre APD s’européanise énormément. Si l’on nous sert souvent l’argument de la recherche d’un effet de levier avec les financements européens, il ne s’agit nullement d’un gage de transparence et d’efficacité. J’en veux pour preuve les conclusions d’un récent rapport accablant de la Cour des comptes européenne sur l’emploi scandaleux des 5 milliards d’euros d’un fonds d’urgence pour l’Afrique : violation des droits de l’Homme en pagaille, projets fantômes, maquillages en tous genres. C’est la seconde fois que la Commission européenne est ainsi épinglée.

De plus en plus diluée dans une aide mondiale et européenne, notre APD est de moins en moins visible aux yeux des populations aidées.

L’APD est également illisible, ce qui compromet son pilotage. D’après la Cour des comptes, de 2017 à 2023, la France a consacré 25,1 milliards d’euros à des fonds multilatéraux. Sauriez-vous me dire ce qu’ils sont devenus ? Même les audits des Nations unies pointent des évaporations et un manque de traçabilité.

Cette illisibilité n’épargne pas l’Exécutif. J’ai interrogé le ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur la baisse de 641 millions d’euros que j’ai déjà évoquée. Je vous laisse apprécier la réponse : « Sur le plan multilatéral, les engagements de la France s’appuient sur des véhicules divers, dont le caractère juridiquement contraignant ou non doit être analysé au cas par cas. Cet examen nécessite une analyse poussée. ». L’administration elle-même ne semble pas toujours se retrouver dans ce magma ! Dans son rapport d’avril 2024, la Cour des comptes évoquait un « paysage administratif morcelé ». Sans faire ressurgir le serpent de mer de la commission d’évaluation de l’APD, ni me plaindre des trop rares réunions du CICID, je plaide pour que le contrôle de l’APD soit repris en main, alors qu’elle continue de suivre le cap totémique des 0,7 %, sans que l’on sache toujours ni quoi, ni qui, ni comment on aide.

Il faut donc s’interroger sur l’efficacité réelle de l’APD. Les plus de 5 milliards d’euros de la mission servent-ils réellement les Français et les populations aidées ? Il me paraît impossible de répondre à cette question sans évoquer le contexte budgétaire tendu dans lequel nous nous trouvons. La charge de notre dette en 2025 représentera dix fois le montant de l’APD. Il est contre-intuitif d’emprunter toujours plus cher pour prêter à des taux concessionnels à d’autres pays. Nous sommes parfois plus endettés que ceux à qui nous prêtons : la France est trois fois plus endettée que l’Afrique ; les BRICS – c’est-à-dire l’ensemble regroupant les Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – sont désormais plus riches que les pays de l’OCDE. Emmanuel Macron l’a très bien formulé au G5 Sahel à N’Djamena : à quoi sert-il d’annuler la dette de certains pays, qui contracteront ensuite encore plus de prêts auprès de la Chine ?

Deuxièmement se pose la question des retombées de notre APD pour nos entreprises. Comme vous le savez, l’OCDE interdit toute aide liée. Pourtant, l’APD américaine est liée à 30 %, ce qui constitue un moyen de s’assurer que l’argent du contribuable fera directement travailler des entreprises américaines et que les réalisations sur place serviront réellement les populations aidées. Pour notre part, nous ne pratiquons plus qu’un pourcentage très limité d’aide liée, même si l’AFD indique que 50 % des marchés publics internationaux ouverts par nos fonds APD font intervenir au moins une entreprise française.

Lors de mon déplacement aux Comores, j’ai pu constater que nombre de structures françaises ont effectivement bénéficié des plus de 50 millions d’euros dépensés dans ce pays. Mais ces entreprises, associations ou ONG réalisent souvent des études de faisabilité et de marché, des enquêtes thématiques : facturées à 500 ou à 1 000 euros la journée, ces études vous tombent souvent des mains – j’en ai lu un bon nombre – tant leur contenu est pauvre, ou concluent à la quasi-impossibilité de mener à bien les projets qu’elles sont censées documenter. Dès lors, quelle est l’utilité de certaines formes d’APD pour les populations ? Les entreprises françaises ne sont pas les seules à profiter de nos largesses. J’ai visité un chantier – au demeurant très utile – d’adduction d’eau dans la commune d’Ourovéni dans le Sud de la Grande Comore : c’est une entreprise chinoise qui a remporté le marché, comme trop souvent.

Troisièmement, qu’en est-il de l’effet de notre aide au développement sur les flux migratoires ? S’il est heureux que ce lien soit établi, il est ténu. L’objectif est de prévenir l’immigration irrégulière et les trafics d’êtres humains et de coopérer pour le retour et la réadmission. Il s’agit du dixième et dernier objectif assigné à notre APD, soit en moyenne 1 % des crédits. Lors de mon déplacement aux Comores, je n’ai pas constaté que l’APD – multipliée par trois en 2019, après que le président Azali a déclenché une crise migratoire – ait été utilisée comme un levier pour freiner les flux, revenus aux mêmes niveaux qu’avant.

Le lien avec l’immigration est complexe, voire paradoxal. D’abord, aucune littérature scientifique ne démontre clairement que l’APD limite l’immigration. Elle est même susceptible de l’encourager, en fournissant les sommes nécessaires au départ, en donnant accès à des outils tels que les téléphones portables et à la formation. Bien évidemment, je ne plaide pas contre l’APD mais, chaque année, plus de médecins tunisiens quittent la Tunisie que celle-ci n’en forme. L’immigration peut donc laisser voir une aide publique au sous‑développement.

Aux Comores, j’ai constaté qu’en dépit du professionnalisme et de l’engagement sans faille des diplomates, des personnels d’Expertise France ou de l’AFD, nos programmes d’aide, alors même qu’ils sont parfois très concrets et très efficaces, ne correspondent pas toujours aux usages des populations locales. Ainsi, à Moroni, j’ai visité deux écoles rénovées aux frais du contribuable français : elles ne comptaient quasiment aucun élève, ni professeur. J’ai visité un hôpital très bien rénové par nos soins mais vide de patients et de médecins. Nous essayons parfois de solidifier un État qui n’est qu’une fragile pellicule administrative : comme l’a souligné notre ambassadeur, M. Riquier, 20 % des fonctionnaires des Comores n’existent tout simplement pas. Je suis donc perplexe.

Nous donnons parfois presque l’impression de nous excuser de cette aide, comme si nous cherchions à la dissimuler, selon un autre ambassadeur de France. Je n’ai pas observé cela aux Comores mais j’y ai vu d’immenses plaques « don du peuple de Chine » apposées sur le Palais du peuple et le grand stade de Moroni. Ce ne sont pas les minuscules panneaux qui figurent sur certaines de nos réalisations – avec les logos d’Expertise France ou de l’AFD – qui vont convaincre les Comoriens de notre générosité.

Si l’aide bilatérale que nous pratiquons, sous forme de dons, dans un contexte complexe et dégradé, s’avère aussi peu efficace pour la France que pour les populations aidées, faut-il continuer de faire des chèques de plusieurs milliards à des grands fonds multinationaux ? Faut-il, autrement dit, continuer de transformer la France en ONG mondiale ? Je ne le crois pas.

L’APD doit redevenir une politique de coopération mutuellement avantageuse, avec des peuples et des pays avec lesquels existent un respect et une compréhension mutuels. Avant qu’une réflexion profonde soit engagée sur notre politique en la matière, je suis favorable à une diminution encore plus forte des autorisations d’engagements de crédits de cette mission, surtout des prêts et des crédits dédiés au multilatéral, ainsi qu’à une réduction de certaines actions bilatérales, surtout à l’égard de pays qui, en aucun cas, ne coopèrent avec la France.

M. le président Bruno Fuchs. Merci. Vous l’avez dit, l’une de nos fonctions est de contrôler l’action de l’État en la matière. Peut-être nous faut-il réfléchir aux propositions que nous souhaitons faire au Gouvernement afin de réformer une APD devenue, selon vos termes, complexe et illisible, et dont on peut douter de l’efficacité.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Les chiffres sont sans appel : l’aide publique au développement est en danger. Non seulement le budget baisse mais il intègre désormais le fonds de solidarité pour le développement, jusqu’alors financé par des taxes affectées. À programme constant, la baisse de crédits est donc de 23 %, une véritable saignée pour la solidarité internationale. Ces choix contredisent la loi de 2021, qui dispose que l’aide au développement devrait atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025, ne faisant ainsi que s’aligner sur les objectifs fixés par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1970, déjà atteints par d’autres pays : la Suède, la Norvège, l’Allemagne.

La budgétisation du FSD l’expose à des coupes sèches. Il est faux de dire qu’elle est due à une stricte application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Si le FSD n’est pas une personne morale, il peut être rattaché à l’AFD, qui en est une. Il n’y aurait pas de lien entre les taxes affectées et la mission du FSD : celui-ci est pourtant évident, puisqu’il s’agit de taxer les grands gagnants de la mondialisation pour redistribuer à ceux qui en font les frais. Tout est une question de lecture et de volonté politique. Vous souhaitez assigner à l’APD un rôle de défense des intérêts de la France, compris en termes de retombées économiques et de maîtrise des flux migratoires. Faut-il rappeler que son but premier consiste à réduire les inégalités entre pays et à participer à construire un ordre mondial plus juste ?

Alors que les crises climatiques, sécuritaires et sanitaires se multiplient, le Gouvernement choisit de baisser drastiquement le budget de l’aide au développement. L’aide alimentaire s’effondre alors que l’ONU prévoit que 750 000 Soudanais, 2 millions de Gazaouis et 2 millions de Haïtiens vont souffrir de la faim en 2025. Est-ce bien le moment ?

Vous martelez enfin que l’aide au développement est coûteuse, Monsieur Bigot. Elle ne représente pourtant que 1 % du budget de l’État, avec des résultats parfois immenses. Ainsi, les contributions de la France aux fonds multilatéraux que vous fustigez ont permis de vacciner plus de 64 millions d’enfants dans le monde. Vous le savez, les épidémies n’ont pas de frontière.

Nous sommes en profond désaccord avec votre avis et, au vu du danger que représentent ces coupes pour des millions de vies, nous voterons contre les crédits de la mission.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous m’avez mal compris. Je n’ai jamais prétendu que l’APD devait uniquement servir l’influence de la France, la prospérité de ses entreprises, ni même une politique de puissance ou de réputation : elle doit aussi servir les populations. Je le redis, s’agissant des fonds multilatéraux, nous ne disposons d’aucune traçabilité, ni de moyens de contrôle. J’ai consulté beaucoup de rapports, y compris ceux des Nations unies. Ils soulignent l’évaporation des fonds. En effet, l’aide n’arrive pas directement aux populations mais passe par des gouvernements souvent corrompus. Je me réfère notamment au rapport de la Cour des comptes européenne sur le fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique.

Par ailleurs, la France est probablement moins généreuse que les pays – plus prospères – que vous citez. Dans notre pays, la pauvreté et les problèmes d’accès à l’eau se multiplient : charité bien ordonnée commence par soi-même.

M. Frédéric Petit (Dem). Merci pour votre travail, Monsieur le rapporteur, mais je vois une contradiction dans vos propos : vous critiquez l’éparpillement et l’absence de lisibilité mais vous contribuez à les renforcer en introduisant des éléments d’analyse qui prêtent à confusion, ce qui m’invite à douter de l’honnêteté de votre démarche. Vous citez la comptabilisation des étudiants qui viennent en France ou de l’accueil des réfugiés mais il s’agit là de choix politiques, peu importe que l’OCDE les considère comme de l’APD. Nous nous battons contre ce type de confusions depuis cinq ans.

Vous semblez aussi considérer l’hétérogénéité des acteurs comme un problème : heureusement qu’ils sont hétérogènes car le monde est complexe et l’APD ne saurait être traitée de façon uniforme et rigide. De même, la pluri-annualité n’est pas un problème : elle permet d’éviter le saupoudrage.

Autre contradiction : vous parlez d’impossibilité de contrôler tout en citant les rapports de la Cour des comptes. Ce faisant, il y a donc bien un contrôle !

Depuis 2017, dans cette commission, nous avons fait le constat d’une difficulté de compréhension et de visibilité de l’APD, qui ne dépend pas uniquement de l’État ni du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous avons travaillé sur la loi du 4 août 2021, qui a prévu une commission destinée à contrôler ce que fait la France, pour plus de lisibilité.

Pour notre part, nous voterons ou pas les crédits de la mission en fonction des amendements qui seront adoptés, mais nous sommes en désaccord avec votre avis.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je ne permettrai pas de porter un jugement sur votre honnêteté intellectuelle. Sur la question de la complexité, je prendrai l’exemple des étudiants : le fait de leur donner des bourses ou de les encourager à venir relève de l’APD. Il y a donc bien un lien de cause à effet entre leur venue et le fait qu’il faille ensuite les payer et les loger. Par ailleurs, j’insiste sur l’objectif totémique de 0,7 % : il me paraît important de préciser à la représentation nationale et à nos compatriotes que ce chiffre inclut le fait d’accueillir de plus en plus d’étudiants. S’agit-il réellement d’aide au développement ? Non. À cet égard, notre ambassadeur aux Comores a souligné que, quand il délivrait 500 visas à des étudiants comoriens, il savait bien que presque aucun de ces gens de bon niveau ne reviendrait aux Comores. On peut parler d’aide au sous-développement !

M. le président Bruno Fuchs. Vous avez indiqué que l’aide au développement profitait à des gouvernements corrompus : cela peut arriver mais toutes les missions de l’AFD sont extrêmement contrôlées.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je n’ai pas mis en cause l’intégrité de l’AFD mais, comme toutes les organisations du monde, celle-ci doit composer avec tous les gouvernements, y compris ceux qui ne méritent pas ce nom.

M. le président Bruno Fuchs. Oui mais l’APD ne s’évapore pas dans la poche d’acteurs privés.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). En 2023, l’aide publique au développement a augmenté dans quatorze des trente et un pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE ; elle a baissé dans les dix-sept autres pays. Elle a représenté 0,37 % du RNB combiné des pays donateurs, soit deux fois moins que l’objectif de 0,7 % visé par les Nations unies, cible que vous avez qualifiée de « totémique ». Parmi les membres du CAD, seuls cinq pays ont dépassé le seuil : la Norvège a consacré 1,09 % de son RNB à l’APD, l’Allemagne 0,79 % et le Danemark 0,74 %, le Luxembourg et la Suède complétant le groupe. À l’autre bout de l’échelle, on trouve la République slovaque et la Grèce avec 0,14 %, la Hongrie avec 0,15 % et l’Australie avec 0,19 %. La France se situe au onzième rang de ce classement des pays donateurs, son aide représentant 0,5 % de son RNB : alors que les crises humanitaires, sanitaires et alimentaires se multiplient dans le monde, la France est-elle là à sa place ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Les pays que vous avez cités sont manifestement plus généreux que le nôtre mais ils en ont les moyens. Leur endettement n’est pas le nôtre : la Norvège a du pétrole, le Luxembourg pratique un scandaleux dumping fiscal à l’intérieur de l’Union européenne, la Suède est riche et bien gérée, et l’Allemagne enregistre d’énormes excédents commerciaux. L’effort budgétaire de ces pays est également assez faible en matière de défense. Moins endettés, plus riches et dépensant peu pour leur armée, ils peuvent consacrer davantage d’argent à leur politique d’aide au développement. Il faut toujours évaluer les politiques en fonction du contexte dans lequel elles se déploient : celui de la France est marqué par un endettement très élevé, une croissance très molle et une montée de la pauvreté dans l’ensemble du pays, y compris dans les territoires d’outre-mer. Je regrette que la France occupe cette onzième place mais il me paraît difficile de faire mieux sans aggraver notre endettement.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires est attaché au principe de l’aide publique au développement ainsi qu’au rang de grande puissance de notre pays. Dans ce cadre, la France doit pouvoir utiliser tous les instruments à sa disposition pour peser et l’APD en fait partie. Celle-ci est nécessairement appelée à évoluer en fonction du contexte budgétaire : l’austérité actuelle nous impose de faire des choix et de revoir nos priorités après un examen rigoureux de nos dépenses.

Le rapport soumis à notre examen rend compte d’une mission aux Comores portant sur l’utilisation de notre APD. Pour la députée de Mayotte que je suis, c’est une lecture riche d’enseignements. La France a signé avec les Comores un accord de coopération engageant 150 millions d’euros d’aide au développement pour lutter contre l’immigration clandestine. À la signature de cet accord en 2019, il y avait 27 831 reconduites à la frontière. Nous avons observé, au cours des années suivantes, un chantage aux expulsions et une fermeture périodique de la frontière comorienne. Actuellement, on atteint péniblement 24 467 reconduites vers les Comores depuis Mayotte, soit 3 000 de moins qu’avant la signature de l’accord avec Moroni alors que l’APD des Comores a augmenté dans la même période : l’aide croît, bien que les objectifs de l’accord de coopération ne soient pas atteints.

La France donne 252 millions d’euros aux Comores contre 150 millions en 2019. Ce montant comprend 26 millions de dons pour faire fonctionner la Banque centrale des Comores, financer les étudiants comoriens et la coopération culturelle et sportive. Les contribuables mahorais financent, comme l’ensemble des contribuables français, un pays qui revendique le souhait de déstabiliser le département de Mayotte et qui conteste nos frontières. Nous payons une coopération régionale de nature sportive et culturelle, dont Mayotte est exclue par veto des Comores. Notre pays finance celles et ceux qui nous agressent.

Le rapporteur pour avis l’a parfaitement expliqué : les écoles et l’hôpital financés par la France aux Comores sont totalement vides et n’aident pas la population. Là réside le deuxième échec de notre APD vers les Comores. L’argent public français est jeté par les fenêtres. Alors que nous devons procéder à des réductions de dépenses budgétaires, il est évident que l’aide aux Comores doit drastiquement baisser compte tenu de son inefficacité.

Le groupe LIOT reste attaché à l’aide multilatérale que vous remettez en cause dans votre rapport et se prononcera lors du vote des crédits de la mission en fonction du résultat de nos débats.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Nous sommes bien d’accord : l’aide aux Comores se retourne contre nous, puisque ce pays exerce désormais un chantage en menaçant de lâcher la bride à l’immigration si l’aide disparaissait. Le nombre de reconduites est compris entre 20 000 et 22 000 par an, selon la préfecture. Le gouvernement des Comores accepte ce rapatriement depuis Mayotte et empêche, dans le cadre d’une coopération certes limitée, le départ de 8 000 personnes : ce chiffre est très faible car il y a quarante points de départ sur l’île d’Anjouan et parce que les passeurs arrêtés sont relâchés quelques semaines plus tard à cause de la corruption aux Comores, phénomène que j’ai constaté sur place.

L’aide n’a en effet rien changé dans le volume des reconduites à la frontière et l’immigration illégale submerge le département de Mayotte. La situation est choquante car les besoins en termes de distribution d’eau sont criants à Mayotte mais ce sont les Comores que nous aidons.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Dans un PLF où presque toutes les missions voient leurs crédits diminuer, celle de l’aide publique au développement n’échappe pas au mouvement général : les crédits de paiement (CP) baissent de près de 10 % alors qu’un nouveau programme a été ajouté et que les crédits d’un autre explosent de plus de 2 000 %. Pourtant, la mission Aide publique au développement est loin d’être inutile et elle correspond même à un devoir moral et juridique : moral, car la France et de nombreux pays ont bénéficié de la colonisation pour exploiter des terres qui ne leur appartenaient pas, au détriment des peuples colonisés et de l’environnement ; juridique, car la France s’est engagée à contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. L’APD a concerné dix-neuf pays, puis quarante-six et le nombre est voué à encore augmenter. Néanmoins, si le budget de l’aide baisse quand le nombre de ses bénéficiaires croît, nous risquons de mettre en péril des projets de développement car notre soutien sera superficiel. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a plusieurs fois déploré cette situation.

Force est de constater que le Gouvernement ne respecte pas la loi que le Parlement a adoptée en 2021, puisqu’il refuse d’allouer 0,7 % du RNB du pays à l’aide publique au développement. Lorsque sont rappelés les dix objectifs prioritaires énoncés par le Conseil présidentiel du développement (CPD) en 2023, le PLF met en lumière l’accélération de la sortie du charbon. Un autre objectif avancé est la « [limitation] du réchauffement climatique global à 5 degrés » : on espère qu’il s’agit d’une faute de frappe car le CPD de 2023 indiquait 1,5 degré – une augmentation de 5 degrés n’est pas supportable pour la planète.

De nombreuses ONG dénoncent le nouveau programme 384, Fonds de solidarité pour le développement, dont les crédits seront vraisemblablement amputés lorsque l’État décidera une énième fois de faire des économies sur le dos des populations dans le besoin. Avant ce nouveau programme, la taxe sur les transactions financières (TTF) et la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) étaient récoltées par Euroclear puis versées à l’AFD ; selon le texte budgétaire du Gouvernement, la recette sera reversée à l’État : sera-t-elle enfin récoltée par la direction générale des finances publiques (DGFIP) ?

Je partage l’avis de mes collègues selon lequel l’aide multilatérale est essentielle car elle assure le fonctionnement des institutions internationales : sans elle, la paix dans le monde serait menacée.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La confusion entre l’aide publique au développement et le devoir d’assistance à celui qui a faim et qui a froid – la charité ou l’aide d’urgence – me gêne beaucoup. Notre jugement sur l’efficacité de l’APD est paralysé par le chantage moral.

Sur le site des Nations unies, la page des ODD de l’agenda 2030 présente rien moins que dix-sept mesures pour « sauver le monde ». La morale de la politique est celle du moindre mal, à savoir : éviter de faire de la Terre un enfer et non en faire un paradis en sauvant le monde. Voilà la différence entre la politique et Disneyland. On ne peut plus critiquer les ODD alors que leur dimension irénique, mondiale et bien trop ambitieuse les rend impossibles à atteindre. C’est un peu comme le paradis communiste : plus on s’en approche, plus il recule. Si nous adoptons une démarche d’aide sincère au développement des peuples – apprendre à pêcher à un homme plutôt que de lui donner un poisson –, il faut cibler nos actions.

L’énergie me semble la pierre angulaire de toute aide au développement : dans ce domaine, nos entreprises sont excellentes et nous devrions apporter une aide liée plutôt que de nous lier les mains avec les règles de l’OCDE et les ODD magiques. Nous devrions privilégier l’aide à la distribution d’énergie ciblée et d’eau potable : notre action serait très efficace dans certains pays, elle aiderait véritablement les peuples et elle favoriserait bien davantage le développement qu’une aide tous azimuts.

Mme Christelle D’Intorni (UDR). Je remercie notre collègue Guillaume Bigot pour la qualité de son rapport. Dans un contexte budgétaire alarmant, il est impératif de réduire notre aide publique au développement et de la mettre au service de nos intérêts stratégiques. Alors que notre pays accuse plus de 3 200 milliards de dette – chaque Français est endetté à hauteur de 46 470 euros – et que notre niveau de vie est en péril, est-il raisonnable de dépenser plus de 5 milliards chaque année pour les autres pays ? C’est pourtant bien ce que prévoit le Gouvernement ; la baisse des crédits de 600 millions n’est pas suffisante. Le ministre du budget et des comptes publics avait lui-même préconisé des économies de 1,2 milliard pour ramener le niveau de la mission à celui de 2017.

Des pistes d’économies existent, lesquelles pourraient faire l’objet d’accords transpartisans, à en croire les déclarations du ministre. La Cour des comptes indique que nos contributions volontaires aux organismes internationaux ont plus que doublé entre 2017 et 2023, passant de 1,5 milliard à 3,3 milliards d’euros. En parallèle, le programme 110, Aide économique et financière au développement, prévoit de doubler les autorisations d’engagement pour les institutions multilatérales, pour les porter à 1,3 milliard ; à ce montant s’ajoutent 218 millions de contributions volontaires aux Nations unies et 260 millions à d’autres organisations. Le volet bilatéral du programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, représente plus de 1,6 milliard en crédits de paiement : il conviendrait de le réduire fortement et de le réorienter.

Comme le note le rapporteur pour avis, les pays les plus coopérants en matière de politique de retour, comme la Géorgie et l’Albanie, reçoivent moins que d’autres, plus réticents à fournir des laissez-passer consulaires. Alors que le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) pour ses ressortissants n’est que de 7 %, l’Algérie a reçu de la France environ 138 millions d’euros dans la seule année 2022.

Enfin, nous sommes d’avis de refonder la gouvernance de notre politique de développement : alors que l’AFD a gagné des compétences, elle ne rend pas suffisamment compte de son utilisation des deniers publics dans les pays bénéficiaires. Faute de transparence, la Cour des comptes avait recommandé d’établir des indicateurs de réalisation des projets de l’AFD, particulièrement ceux établis avec des ONG. Cette mesure est d’autant plus nécessaire que la mission prévoit l’octroi de 110 millions de dons de l’AFD à différentes ONG.

Nous nourrissons une double ambition : mettre en adéquation les crédits de la mission avec la situation des comptes publics et refonder notre doctrine d’aide au développement en mettant celle-ci au service de nos intérêts stratégiques, principalement en matière migratoire. Puisque cette philosophie ne se retrouve pas dans la mission présentée par le Gouvernement, le groupe UDR votera contre l’adoption de ses crédits.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Le monde entre dans une zone de turbulences géopolitiques très fortes. Dans ce contexte, une politique d’aide ne prenant pas en compte le respect de notre pays et de sa puissance n’est pas seulement naïve, elle est dangereuse car elle envoie de mauvais signaux.

Il ne faut pas aider les pays qui, comme les Comores, mènent des politiques irrédentistes : les Comores considèrent Mayotte comme une terre comorienne.

M. Pierre Pribetich (SOC). Irrédentiste, c’est vraiment un terme fasciste !

Mme Alexandra Masson (RN). Cette accusation est absolument inacceptable !

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous retrouverez ce terme dans tous les livres d’histoire.

Je souscris totalement à vos propos, madame D’Intorni, il faut cesser de mener des politiques dangereuses pour nos intérêts.

M. Michel Guiniot (RN). Je tiens à vous remercier, Monsieur le rapporteur pour avis, pour la qualité de votre rapport et pour les enseignements qu’il délivre. Il est surprenant de découvrir des informations méconnues : vous citez, page 18, le chiffre de 1,4 milliard d’euros, qui correspond à la somme dépensée pour l’accueil au cours de la première année en France des réfugiés provenant de pays en voie de développement. Pour reprendre vos termes, l’aide publique au développement française est constituée d’un « agglomérat de dépenses hétérogènes ». Quel but ont ces dépenses ? Comment sont-elles contrôlées ?

Le budget de l’APD française a crû de 50 % entre 2017 et 2022. La Cour des comptes a indiqué dans un rapport de juillet dernier que la France avait presque doublé le montant de ses contributions volontaires. Alors que nous devons trouver plusieurs dizaines de milliards d’euros pour redresser notre pays, nous nous apercevons que beaucoup d’argent a été distribué pour des actions très éloignées de nos intérêts. Nous donnons chaque année des millions d’euros à l’empire du Milieu et nous avons répandu des millions pour le développement de pays qui sont devenus des terreaux islamistes et qui n’hésitent pas à rejeter la France mais qui ne se gênent pas pour profiter de nos largesses. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), ce sont près de 50 000 ménages français dont nous pourrions effacer la dette tous les ans. Nous en sommes rendus au point où nous prêtons gratuitement de l’argent. Tel est l’objet des bonifications d’emprunt prévues à l’action 02 du programme 110, pourvue de près de 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement pour accorder des prêts à taux zéro. Selon les chiffres du notariat, on pourrait offrir une maison à près de 5 millions de ménages français chaque année. Qu’il n’y ait aucune méprise, mon propos ne vise aucunement à critiquer l’action humanitaire française, pas plus que l’aide d’urgence internationale. Ma critique porte sur les crédits alloués au développement des pays que nous aidons. Nous avons élaboré un contre-budget, bien plus raisonnable et proche des attentes des Français.

Alors que l’aide publique au développement a été conçue pour maintenir la présence française dans un monde fracturé et préserver nos intérêts internationaux, estimez-vous que l’actuelle gestion de l’APD respecte sa raison d’être ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La définition de l’APD, telle qu’elle est donnée de manière quelque peu canonique par le CAD de l’OCDE, ne sert ni la France ni aucun pays. Je plaide pour un changement de paradigme, pour privilégier une logique de coopération mutuellement avantageuse alors que nous constatons que certaines politiques ne font que des perdants. La loi de 2021 recommandait une augmentation des dons et une diminution des prêts mais ce mouvement n’a pas eu lieu autant que le souhaitait le législateur. Quand les taux d’intérêt montent, les populations aidées ne reçoivent pas 1 euro de plus : cette politique est donc coûteuse car nous payons la différence entre le taux du marché et l’aide au pays.

M. Hervé Berville (EPR). Ce n’est pas cela la bonification, nous ne payons pas la différence ! Si les taux d’intérêt augmentent, les rentrées des prêts consentis augmentent ; je ne vois pas où est le problème.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Si les taux d’intérêt augmentent, le coût de la bonification augmente. Dépendre des mouvements des taux d’intérêt pour fixer le montant de l’APD ne me semble pas satisfaisant.

Mme Éléonore Caroit (EPR). En cette période de restrictions budgétaires, il est évidemment nécessaire de réduire les dépenses publiques. Cependant, le niveau des coupes budgétaires concernant l’aide publique au développement dans ce PLF est préoccupant. Avec une réduction de près de 2 milliards d’euros, soit près d’un tiers de l’enveloppe actuelle, l’APD est la mission la plus sévèrement touchée par les restrictions budgétaires, alors qu’elle est un levier fondamental de la politique internationale de la France.

Vous avez évoqué un manque d’efficacité mais, en tant que membre du conseil d’administration de l’AFD et députée des Français de l’étranger, j’ai constaté l’impact réel de nombreuses initiatives financées par l’APD, dans ma circonscription et ailleurs dans le monde.

Par la loi de programmation du 4 août 2021, la France s’était engagée à attribuer 0,7 % de son RNB à l’APD : ce taux a atteint 0,5 % au cours des deux dernières années mais notre pays accuse aujourd’hui un retard sur ses voisins européens, à l’image de l’Allemagne qui attribue au moins 0,7 % de son RNB à l’APD depuis 2016. Or je vous rappelle que cette loi avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et que votre groupe ne s’y était pas opposé, Monsieur le rapporteur pour avis. Les coupes budgétaires prévues par le PLF pour 2025 et celles que vous préconisez empêcheraient la France de respecter ses engagements, aggraveraient son retard et compromettraient les projets déjà engagés, réduisant à néant des efforts entrepris depuis plusieurs années.

Dans votre avis, vous insistez sur le fait que l’APD française est principalement déliée, c’est-à-dire qu’elle n’est pas conditionnée à la participation d’entreprises françaises aux projets financés ; vous critiquez cette caractéristique et indiquez, à tort, que l’APD bénéficie davantage à des entreprises étrangères, chinoises ou turques, plutôt qu’aux acteurs français. Cette affirmation est erronée : l’aide déliée correspond au contraire à la recherche d’une meilleure efficacité de l’APD ; elle permet à l’AFD de tripler le montant de ses prêts et d’être présente dans six fois plus de pays, et elle profite très largement aux entreprises françaises. En effet, ces dernières ont remporté plus de 50 % des marchés financés par l’AFD entre 2020 et 2023. En 2023, 73 % des projets en exécution de l’AFD ont impliqué au moins un acteur français, public ou privé. Les entreprises françaises sont particulièrement représentées dans les secteurs de l’eau, de l’assainissement, de l’énergie, des transports, de la santé, des infrastructures, et j’en passe.

Dès lors, je considère qu’il est extrêmement important de maintenir les crédits de la mission et que les réductions envisagées seraient contre-productives et mettraient en péril notre engagement de longue date, ainsi que la crédibilité de la France sur la scène internationale.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je n’ai jamais dit, ni même pensé, que l’AFD et l’APD n’avaient aucun effet, aucune efficacité. En revanche, je ne me satisfais pas que les entreprises françaises ne remportent que la moitié des marchés financés par l’AFD : vous vous en félicitez mais je vous réponds que 100 %, ce serait mieux que 50 %.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Il n’y a pas toujours une entreprise française parmi les candidats à un appel d’offres !

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. C’est tout à fait exact, notamment pour les petits contrats.

M. le président Bruno Fuchs. C’est même assez fréquent. Je me suis rendu récemment au Bénin où aucune entreprise française n’avait répondu à un appel d’offres pour la construction ou la réhabilitation de seize lycées agricoles, marché finalement attribué à des acteurs sud-africains.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. C’est un point très important. Les entreprises françaises ne répondent pas toujours aux appels d’offres. L’honnêteté me pousse à préciser que j’ai vu une très belle route construite par Eiffage aux Comores, laquelle a ensuite été prolongée par un tronçon réalisé par des entreprises chinoises qui paraît beaucoup moins réussi, aux dires mêmes des Comoriens. Seulement, au final, l’État comorien a maltraité l’entreprise française et lui a créé de très nombreux problèmes.

La dispersion de l’APD nous empêche de concentrer notre soutien sur des projets structurants et lourds que des entreprises françaises pourraient mener.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). « La France ne se replie pas sur elle-même, y compris dans des temps de bouleversements mondiaux », décembre 2020 ; « Il faut mettre les moyens dans notre aide publique au développement », novembre 2023 ; « Il faut un choc financier public », septembre 2024 : ces trois déclarations émanent du président de la République. Pourtant, nous assistons à une coupe massive de 2 milliards d’euros dans l’APD, orientation qui contredit les déclarations d’Emmanuel Macron sur la scène diplomatique, ainsi que la loi de 2021 que notre Assemblée avait votée à l’unanimité.

Bien sûr, c’est la crédibilité de la France sur la scène internationale qui est en jeu mais c’est aussi la solidarité internationale telle que nous l’entendons qui se retrouve sacrifiée sur l’autel de l’austérité. Les ONG, les fonds multilatéraux sur le développement durable, la sécurité alimentaire, la biodiversité, le traitement de la dette des pays pauvres, affaiblis par l’inflation : rien ni personne n’est épargné, tout le monde paie et se trouve sanctionné par ce budget. Les coupes s’accompagnent de la suppression de l’affectation de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières : il s’agissait pourtant d’un financement novateur qui avait été salué lors de sa création. Le Gouvernement choisit de précariser un pan entier du financement de l’aide publique au développement pour les années à venir.

Avec 2 milliards d’euros en moins, la coupe que subit l’AFD est massive et douloureuse. Pourtant, ce n’est pas assez pour vous, Monsieur le rapporteur pour avis. Il faut dire que pour l’extrême droite, la priorité est le repli sur soi et l’autarcie ; quant à l’APD, elle devrait à vos yeux se résumer à une politique de domination et à l’exportation de notre politique migratoire.

Une telle conception n’entre pas dans l’acception de l’APD par l’OCDE, selon les derniers critères définis en décembre 2022. L’aide publique au développement est, certes, imparfaite mais elle ne saurait reproduire des logiques de domination qui ont eu cours pendant des siècles. Elle reste un outil efficace et important de la solidarité internationale. Le groupe La France insoumise se tiendra toujours du côté de la solidarité internationale et réprouve la vision néocoloniale que vous avez de l’aide publique au développement.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Nous ne sommes d’accord que sur un point : l’aide publique au développement que je préconise n’entre pas dans le cadre défini par l’OCDE. Il me semble qu’une aide à la gouvernance d’un pays s’inscrit dans une démarche néocoloniale. Quand on veut mettre un sparadrap sur la plaie de l’inefficacité des États, on entre dans une logique néocoloniale, qu’on le veuille ou non. Une telle approche me fait horreur : il faut respecter les peuples mais, pour ce faire, encore faut-il se respecter soi-même. Quand on aide des pays qui refusent de reprendre leurs nationaux qui commettent des crimes chez nous ou qui font montre d’hostilité dans les instances internationales, on ne se respecte pas soi-même. Il faut nouer un dialogue sur un pied d’égalité avec les peuples du monde, ce qui n’a rien de néocolonial.

Il serait bien plus intéressant de déployer des coopérations : une coopération n’a rien d’une domination. En coopérant avec l’autre, on transmet et on reçoit des savoirs et des connaissances. Cette logique n’a rien à voir avec le paradigme mondialiste que vous cautionnez. Ce n’est pas notre groupe qui a souhaité emprunter sur les marchés financiers pour financer le déficit de l’État.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Au-delà des États, il y a les peuples. L’APD s’adresse davantage à la société civile qu’aux États. Peut-être que ces derniers n’accompagnent pas la politique migratoire de la France mais ce n’est pas aux peuples de payer le prix de notre mécontentement. Les punitions collectives ne sont pas la meilleure façon de faire montre de solidarité internationale.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je suis totalement hostile aux punitions collectives. L’aide alimentaire d’urgence et l’aide humanitaire dans des cas extrêmes ne doivent pas s’interrompre, même en cas de rupture des relations diplomatiques avec un État, mais vous faites preuve d’une grande naïveté en pensant que nous pouvons soutenir des peuples sans passer par les États, même si ce sont des ONG et le secteur privé qui interviennent. Ne vous en déplaise, ces pays sont indépendants et souverains sur leur territoire.

Mme Dieynaba Diop (SOC). Vous vous en doutez, nous regrettons la diminution de près de 22 % des crédits alloués à la mission Aide publique au développement. Ceux-ci s’élèveraient à un peu plus de 5 milliards d’euros actuels puisque l’inflation n’est pas prise en compte. La baisse atteint près de 1,5 milliard par rapport à la dernière loi de finances, montant considérable, d’autant que la demande et les besoins n’ont cessé d’augmenter dans les pays bénéficiaires.

Cette baisse brutale est en contradiction totale avec nos engagements et avec les ambitions affichées par les présidents de la République et les Parlements successifs depuis 2017. Pire, elle met à mal tous les efforts consentis pour faire de la France un pays pionnier en matière de développement. Ce constat a d’ailleurs conduit nos collègues de la commission des finances, que je remercie, à adopter des amendements pour procéder à un rééquilibrage budgétaire bienvenu, bien que partiel. J’espère que notre commission aura l’occasion d’aller encore plus loin en ce sens.

Je regrette le parti pris du rapporteur pour avis, qui développe une vision totalement désuète de l’aide publique au développement. Certes, en dénonçant les usages parfois douteux des dotations ou un manque de transparence, vous soulevez des problèmes qu’il faut traiter mais vous avez rédigé un rapport à charge. Vous dénoncez une aide publique au développement trop coûteuse et appelez même de vos vœux une APD franco-française, protectionniste et utilitariste plutôt que multilatérale, renouant avec un esprit quasi colonial qui laisserait la France contrôler et hiérarchiser seule les projets. Je me demande d’ailleurs si vous avez écrit un rapport pour avis ou une tribune au service du projet politique d’un certain parti d’extrême droite.

Nous ne partageons pas cette vision. L’APD doit rester un outil de développement et d’autonomisation des pays qui le demandent à travers leur administration ou des ONG. Elle est un instrument de solidarité internationale, conforme à nos valeurs républicaines d’égalité devant la loi, la santé ou l’alimentation. Je déplore les commentaires déplacés auxquels vous vous livrez depuis le début de cette réunion.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je regrette que vous vous sentiez obligée de caser des mots-clefs – extrémisme, extrême droite, fasciste – plutôt que de débattre, alors que je suis parfaitement ouvert à la discussion. Cela ne trompe personne.

Vous m’accusez d’avoir une vision désuète et protectionniste de l’APD. Pourtant, les États-Unis eux-mêmes lient 30 % de leur aide à l’achat de biens ou services d’entreprises américaines. Je sais que les économistes de l’OCDE ne reconnaissent pas cette pratique mais je ne suis pas, contrairement à vous, complètement tétanisé par leurs oukases. Cela fait-il de moi un néocolonialiste ? Libre à vous d’en juger.

M. le président Bruno Fuchs. L’aide au développement française n’est certes pas liée mais des efforts sont faits pour faire travailler de plus en plus d’entreprises françaises dans les pays concernés. Chaque année, nous nous améliorons sur ce point.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je ne l’ignore pas. Si j’appliquais une logique complètement égoïste ou de repli, je me réjouirais de voir, aux Comores, tous ces cabinets de consultants français facturer, pour des centaines de milliers d’euros au total, des études sur le genre ou la diaspora dont un professeur de lycée ne voudrait pas : après tout, ces sommes ne sont-elles pas comptabilisées dans le produit intérieur brut (PIB) français ? Si mon rapport est à charge, c’est uniquement parce que je suis soucieux du bon usage des deniers publics et que je me mets à la place des populations concernées, qui sont dans le besoin : en quoi de telles études les aident-elles ? Je ne me place pas dans une perspective protectionniste ou nationaliste, j’estime simplement que nous devrions verser une APD utile, pour la France comme pour les populations aidées.

Quant aux efforts consentis pour favoriser les entreprises françaises, si notre aide était liée, elles ne participeraient pas à 50 % des marchés publics ouverts grâce à nos fonds, mais bien à 100 % d’entre eux.

M. Michel Herbillon (DR). Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, le montant de l’aide publique au développement demeure à un niveau très élevé, avec près de 5,2 milliards d’euros en crédits de paiement. Comme vous l’indiquez très justement, elle a sensiblement augmenté entre 2018 et 2023, passant de 2,7 milliards à 5,9 milliards. Malgré son recul, la France se maintiendrait au cinquième rang des bailleurs mondiaux. La situation exige un budget et des choix responsables. Nous avons noté que certains groupes font le choix de l’irresponsabilité et d’une folie fiscale qui aurait des conséquences dévastatrices pour notre pays et nos concitoyens.

Par ailleurs, nous saluons l’inscription au budget de crédits et d’équivalents temps plein (ETP) en vue de la constitution de la fameuse commission d’évaluation de l’APD que notre commission appelle de ses vœux depuis longtemps. J’en profite d’ailleurs pour interroger notre rapporteur pour avis et notre président : cette commission va-t-elle enfin voir le jour ? Je suis lassé de devoir appeler à sa création. Il est tout à fait anormal et scandaleux qu’elle ne soit toujours pas en place. Il faut désormais faire de son installation une exigence.

M. Hervé Berville (EPR). Tout à fait !

M. Michel Herbillon (DR). Le groupe Droite républicaine votera en faveur de ces crédits, sous réserve que certaines conditions soient réunies et en fonction de l’examen des amendements.

Nous réitérons notre volonté de conditionner l’aide publique au développement au taux de délivrance des laissez-passer consulaires, documents impératifs pour exécuter les OQTF. La France doit cesser de financer des pays qui nous sont manifestement hostiles ou qui ne coopèrent pas convenablement en matière migratoire. C’est une question de principe : nous ne devons plus courber l’échine face à ceux qui défient nos lois. Prenons les mesures qui s’imposent.

Vous soulignez que l’AFD dispose d’un portefeuille de projets d’environ 250 millions d’euros aux Comores. La présence de la France vous y semble-t-elle clairement identifiée ? Comment percevez-vous le ressenti des Comoriens à ce sujet ?

M. le président Bruno Fuchs. J’ai rappelé tout à l’heure la nécessité d’accélérer la constitution effective de la commission d’évaluation de l’APD, dont le principe a été acté. Je ferai part de votre exigence au ministre concerné, par courrier et de vive voix.

M. Michel Herbillon (DR). Je vous en remercie. Faites savoir que notre patience a atteint ses limites !

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. D’après ce que j’ai compris, les décrets d’application sont en cours de rédaction et les locaux ont été identifiés. Nous approchons donc du but.

Très honnêtement, la population comorienne est assez indifférente à l’égard de la France. Seule lui importe la Chine, qui multiplie les constructions, lesquelles sont parfois de véritables fumisteries, comme le grand stade de Moroni, finalement si dangereux que le match de Coupe d’Afrique des nations qui devait s’y tenir n’a pas pu y avoir lieu. Il n’est d’ailleurs pas exclu que l’argent prêté par la France aux Comores serve à financer des projets chinois. Même le Palais du peuple arbore un grand panneau proclamant qu’il a été construit grâce à un don du peuple chinois. Imaginez la même chose sur l’Assemblée nationale ! Voilà qui, pour le coup, relève du pur colonialisme, ce qui n’a rien d’étonnant puisque la Chine est, comme la Russie, une grande colonisatrice devant l’éternel.

Mme Stella Dupont (NI). Alors que l’article 2 de la loi de 2021 engage la France à réaliser des investissements ambitieux en matière d’aide publique au développement, cette politique est fragilisée par les récentes coupes budgétaires. Le budget global de la mission baisse ainsi de 10 %, le financement de la dette ou de la solidarité à l’égard des pays en développement étant soumis à des coupes particulièrement importantes.

Les crédits avaient pourtant augmenté de manière continue de 2018 à 2023 et devaient continuer de le faire, conformément à nos engagements internationaux. La France, pour rester fidèle à son histoire et à ses valeurs et pour des raisons humanitaires, stratégiques, écologiques et économiques évidentes, doit conserver une ambition intacte en matière d’aide publique au développement. Dans un monde plus incertain que jamais, nous devons préserver une capacité de coopération à la hauteur des enjeux. Je regrette la position du rapporteur pour avis, qui entend saper l’APD et remettre en cause ses fondamentaux. Le directeur général de l’AFD alerte d’ailleurs sur ces baisses, qu’il juge excessives.

À cette réduction drastique s’ajoute la fin de l’affectation de la taxe sur les transactions financières et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion au financement de la solidarité internationale. Je souhaite qu’une partie de leur produit soit reversée à l’AFD, conformément aux exigences de la LOLF. Au nom du collectif social-démocrate, nous avons déposé un amendement en première partie du projet de loi de finances visant à augmenter le taux de la TTF de 0,2 point, ce qui permettrait de dégager plus de 1 milliard d’euros supplémentaire pour l’APD.

Mon vote sur les crédits de la mission dépendra des amendements qui seront adoptés.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La baisse des crédits par rapport à 2024 est indéniable. Elle est même beaucoup plus forte que les 7 % affichés. Les financements avaient toutefois augmenté très nettement, et pas seulement depuis la loi de 2021 : de 2016 à 2023, les crédits alloués à l’aide publique au développement ont davantage augmenté que ceux de la justice ou de la défense. Était-ce justifié ? Malgré les baisses, l’APD restera d’ailleurs bien supérieure à son niveau de 2017.

Par ailleurs, je ne souhaite pas saper l’aide publique au développement mais changer de paradigme. Le modèle dominant actuellement est celui de la mondialisation, comme le montre le remplacement, dans l’organigramme du ministère chargé des affaires étrangères, de la direction politique par une direction générale de la mondialisation.

M. Hervé Berville (EPR). Pas du tout ! La direction générale des affaires politiques existe toujours !

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. En tout cas, la direction générale de la mondialisation n’existait pas auparavant.

Je plaide pour une politique davantage axée sur la coopération. Dans cette attente, le contexte budgétaire me semble exiger qu’on marque une pause dans les financements accordés. Cela ne signifie pas que je suis contre l’aide au développement.

M. le président Bruno Fuchs. Deux approches s’opposent : certains déplorent vivement la baisse des dotations, tandis que votre groupe propose de l’accroître encore davantage.

Lorsqu’il est question du rayonnement de la France et de sa capacité à créer des partenariats – que vous appelez par ailleurs de vos vœux – autour de programmes de développement, l’enjeu de fond est aussi d’éviter des migrations futures, en permettant aux pays aidés de proposer du travail à leur jeunesse. Une baisse encore plus forte des programmes aurait-elle un impact positif en la matière ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La question du lien entre immigration et développement est complexe : Rémy Rioux lui-même reconnaît qu’il n’est pas démontré scientifiquement.

J’estime en outre que la politique de générosité, à laquelle je suis attaché car elle fait partie de l’identité de notre pays, ne peut pas se concevoir indépendamment d’une politique de puissance. Ce sont les deux revers d’une même pièce : la France peut être généreuse si elle est forte, donc si elle est respectée. Ce ne me semble pas être le cas.

M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons à présent aux interventions et questions à titre individuel.

M. Hervé Berville (EPR). Vous mélangez beaucoup de choses. Depuis tout à l’heure, vous expliquez vouloir changer de paradigme, alors que vous prônez en réalité le retour à un principe très répandu dans les années 1950 et 1960 : « la Corrèze avant le Zambèze ». Personnellement, je suis plutôt pour « les Côtes-d’Armor et les Comores » !

Vous parlez d’une politique de générosité, et même de charité. Mais l’aide publique au développement n’est ni l’une, ni l’autre : c’est une politique de solidarité, qui a deux objectifs essentiels. Le premier est la lutte contre la pauvreté : personne n’a envie de voir des pays, au Sud de la Méditerranée ou en Amérique latine, confrontés à des famines ou à des guerres à répétition, non seulement parce que nous en serions nous-même affectés mais aussi pour des raisons morales. Le second consiste à répondre ensemble aux défis communs. Votre groupe est souvent le premier à dire que la France ne réglera pas seule la question du dérèglement climatique pour justifier son refus de faire des efforts en la matière. Or l’AFD a précisément vocation à favoriser les investissements dans l’énergie et dans l’assainissement – dont, de façon assez contradictoire, vous déplorez par ailleurs qu’ils soient trop faibles.

En confondant tout, vous affaiblissez la France. En doublant nos aides publiques au développement, nous avons accru notre crédibilité et notre influence dans les instances multilatérales, à l’inverse de Donald Trump, dont la parole au G7 ou aux Nations unies ne pesait plus. Vous semblez par exemple confondre ODD et APD : les objectifs de développement durable n’ont pas vocation à être financés par la seule aide publique au développement. Il s’agit simplement d’objectifs communs en matière de protection de l’environnement, de stabilité ou de prospérité.

Cette grande confusion mènera à un grand affaiblissement de la France.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je préfère en effet la Corrèze et Mayotte aux Comores.

Vous estimez que la politique d’aide publique au développement a servi les intérêts de la France. En vérité, le pari de l’approche dite 3D – défense, diplomatie, développement –, qui était loin d’être absurde, a été perdu. Le choix a été fait de mettre le paquet sur dix-neuf pays prioritaires, dont dix-huit pays d’Afrique, en particulier ceux du Sahel, qui étaient menacés d’écroulement. Tout cela avait du sens et je ne jette la pierre à personne, d’autant que nous avions payé le prix du sang pour protéger ces États. Simplement, avec un peu de recul et d’honnêteté intellectuelle, il est clair que cette politique s’est enlisée dans les sables du Sahel, comme le montre notre expulsion du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Vous n’en avez pas tiré les conséquences et vous vous êtes obstinés à maintenir cet objectif chimérique de 0,7 % pour ne pas reconnaître votre échec, abondant pour ce faire toutes sortes de fonds multilatéraux. Tout cela est très sympathique mais nous n’avons plus les moyens de ce genre de générosité tous azimuts.

Vous avez raison sur un point : la politique d’aide au développement n’est pas une politique de générosité. Mais comme je l’avais déjà dit moi-même, vous ne m’apprenez rien.

M. le président Bruno Fuchs. S’il n’y a effectivement pas de lien entre développement et APD, il n’y en a pas non plus entre l’APD et la situation politique des pays concernés, notamment au Sahel.

Mme Marine Hamelet (RN). Merci pour votre rapport très éclairant sur les enjeux de notre politique d’aide publique au développement. Cette aide a atteint 14,2 milliards d’euros en 2023, dont plus d’un tiers financé directement par les contribuables. Ce niveau élevé nous classe parmi les cinq plus gros bailleurs mondiaux, en mobilisant 0,5 % de notre revenu national brut, alors que la France n’affiche que le onzième RNB mondial.

L’AFD dispose de quatre-vingt-cinq agences à travers le monde et participe à des projets dans cent-quinze pays. Nous comptons par exemple toujours des agences au Mali ou au Burkina Faso, qui ont pourtant rejeté fermement la présence française. N’y a-t-il pas urgence à recentrer géographiquement notre aide publique au développement, plutôt qu’à maintenir toutes ces agences ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Si.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le rapporteur pour avis a indiqué rejeter les notions de générosité ou de charité mais, en réalité, l’aide publique au développement, le multilatéralisme et les ODD portent l’idée d’une solidarité internationale. La France doit défendre ce principe. C’est pour cette raison qu’elle s’engage de façon répétée pour défendre le multilatéralisme. L’aide publique au développement a un sens très concret : des ONG et des personnels de l’AFD nous ont signifié que, si elle venait à baisser, la mortalité infantile augmenterait fortement dans plusieurs zones vulnérables.

L’attaque contre l’aide publique au développement nous préoccupe beaucoup. Nous souhaitons l’augmentation de son budget car nous défendons à la fois la solidarité nationale et la solidarité internationale : les deux ne sont pas dissociables, comme le rapporteur pour avis l’apprendra peut-être grâce à cette phrase de Jean Jaurès : « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène ».

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous n’avez pas le monopole de Jean Jaurès, il appartient à notre histoire !

Je vous invite, chers collègues, à consulter la liste des ODD pour 2030 sur le site internet des Nations unies : elle regroupe dix-sept objectifs « pour sauver le monde ». Jean Jaurès serait tombé dans les pommes en lisant cela, pour une raison simple : il était internationaliste et non mondialiste. S’il avait appris que les médecins tunisiens quittent leur pays pour faire fortune ailleurs, il leur aurait sans doute donné un coup de pied au derrière pour qu’ils retournent développer leur propre nation. (Protestations).

M. Laurent Mazaury (LIOT). Je tiens à revenir sur la réallocation de la taxe sur les billets d’avion, censée nourrir le fonds de solidarité pour le développement et qui sera finalement redirigée vers le budget général de l’État. Ce choix problématique me semble annoncer un futur encore plus restrictif pour l’APD et conduit cette taxe à manquer totalement sa cible initiale. Ce point me semble absolument fondamental : on peut craindre, à l’avenir, un détournement des sommes qui devraient rester allouées à l’aide publique au développement. Nous avons déposé un amendement sur ce sujet en première partie du PLF mais il n’a pas encore été examiné.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas opposés à ces taxes, qui sont plutôt justes puisqu’elles touchent les grands bénéficiaires de la mondialisation. Le fait qu’elles abondent directement les versements volontaires de la France à des fonds multilatéraux posait toutefois le problème du contrôle parlementaire de cet argent et du pilotage démocratique de notre APD.

Il ne me semble pas sain de se fixer un objectif purement quantitatif et de vouloir absolument l’atteindre, par principe. Vouloir consacrer davantage d’argent à l’aide au développement n’est pas une mauvaise chose. Simplement, quand nous ne parvenons plus à atteindre nos objectifs, nous cherchons des biais en abondant des fonds multilatéraux, sans vraiment contrôler l’usage de ces financements. Voilà ce que nous dénonçons.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Pour ma part, je faisais référence au fléchage des taxes destinées à financer l’APD et au rôle de la DGFIP dans leur perception.

M. le président Bruno Fuchs. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements portant sur ces sujets, qui semblent faire une relative unanimité.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Vous questionnez la légitimité démocratique des engagements pris unilatéralement par le président de la République au cours de sommets internationaux. En septembre 2022, Emmanuel Macron annonçait ainsi une contribution de 1,6 milliard d’euros au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, soit un renforcement de 23 % ; en mai 2021, il signifiait l’annulation pure et simple de la créance française envers le Soudan, pour un montant de 5 milliards de dollars.

Les engagements pluriannuels souscrits par les plus hautes autorités de l’État à l’occasion de grands-messes internationales, s’ils relèvent certes de la compétence de l’Exécutif, ne posent-ils pas la question du consentement parlementaire à ces dépenses ? Quelles pistes préconisez-vous pour mieux associer le Parlement à ces décisions coûteuses pour nos finances publiques ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. En effet, c’est bien la question du consentement à l’impôt qui était posée à travers la collecte des taxes évoquées par notre collègue Mazaury, puisqu’elles étaient directement affectées à des fonds sans être contrôlées par le Parlement. Lorsque le président de la République ou le ministre de l’Europe et des affaires étrangères engagent la parole de la France et décident d’abonder à des fonds pluriannuels, c’est la question du consentement annuel à l’impôt qui est posée. Les parlementaires se retrouvent alors mis devant le fait accompli et confrontés à un dilemme : refuser d’honorer la parole de la France ou voter le budget avec les mains liées. L’article 53 de notre Constitution dispose pourtant que « les traités […] ou accords […] qui engagent les finances de l’État […] ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi ». Pour remédier à ce problème, il faudrait assurer un suivi précis de ces fonds pluriannuels.

Présidence de Mme Éléonore Caroit, vice-présidente.

M. Olivier Faure (SOC). Je ne sais par où commencer tant mes oreilles ont saigné en écoutant le rapporteur pour avis.

Vous expliquez ne pas vouloir faire preuve de la moindre solidarité avec « des pays qui commettent des crimes chez nous ». Je vous rappelle que ces pays ne commettent aucun crime : des individus peuvent être en délicatesse avec la justice mais leurs pays d’origine n’en sont nullement responsables. Si des crimes ont été commis par des pays, ce serait plutôt par ceux qui ont colonisé ces territoires autrefois, à qui il revient de s’interroger sur leur action passée.

Ensuite, l’objectif de 0,7 % du RNB consacré à l’APD a été fixé en 1970 par l’Assemblée générale des Nations unies. Cinquante-quatre ans plus tard, il n’est toujours pas tenu. Le directeur général de l’AFD explique que son budget va diminuer d’un tiers. Et vous trouvez encore à y redire, arguant qu’il faudrait le baisser davantage !

Franchement, je ne comprends pas votre raisonnement. Il n’est aucunement question, dans cette affaire, de générosité ou de charité : quand nous soutenons des projets de reboisement pour éviter que des forêts ne disparaissent, nous luttons ensemble contre le réchauffement climatique, au bénéfice du monde entier, et non des seuls pays aidés. L’aide publique au développement doit évidemment être maintenue.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous avez le droit de contester la nouvelle baisse de l’APD que je promeus mais ne me prêtez pas des propos que je n’ai pas tenus. Je n’ai jamais parlé de « pays qui commettent des crimes chez nous », mais de pays adoptant des attitudes hostiles ou refusant de reprendre leurs ressortissants, dont certains peuvent avoir commis des crimes. Si vos oreilles saignent, peut-être devriez-vous consulter.

Mme Sylvie Josserand (RN). L’état catastrophique de nos finances publiques conduit la France à s’endetter à des conditions de plus en plus défavorables. Vous relevez ainsi que les taux d’intérêt de la dette française sont désormais supérieurs à ceux de l’Espagne, de la Slovénie ou du Portugal. Dans un contexte budgétaire alarmant, le bon sens économique devrait nous dissuader d’emprunter sur les marchés financiers à des taux de plus en plus élevés au service du seul intérêt de la dette, pour octroyer des prêts aux taux minorés à des pays tiers dans le cadre de l’aide publique au développement.

Considérez-vous que l’APD contribue, par son volume, à l’aggravation de l’endettement de notre pays, qui s’élève à 112 % du PIB ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. En tant que banque publique d’investissement, l’AFD est un établissement de crédit et, à ce titre, elle est soumise à toutes sortes de ratios, contrôlés notamment par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Cet organisme intégré à la Banque de France peut, par exemple, effectuer des contrôles sur pièces et sur place.

Je n’ai pas pu obtenir tous les documents demandés – on m’oppose souvent le secret des affaires ou le secret bancaire – mais je constate que l’AFD présentait un stock nominal de dette de 51,3 milliards d’euros en 2023. On ne peut pas lui en faire grief : après tout, prêter de l’argent, c’est bien le rôle d’une banque. Mais, sur cette somme, 9,7 milliards ont été prêtés à des pays particulièrement pauvres, dont on peut se demander s’ils vont rembourser leur prêt. Or, la mission Aide publique au développement finance également un programme destiné à renforcer les fonds propres de l’AFD.

Par ailleurs, j’appelle votre attention sur une petite ligne du programme 110, intitulée « Reste à payer » : il restera pas moins de 4,8 milliards d’euros à rembourser au-delà de 2027 !

Mme Dominique Voynet (EcoS). Il est difficile de juger de l’efficacité d’une politique d’aide au développement à partir d’une situation aussi singulière que celle des Comores, dirigées par un gouvernement sans doute parmi les plus corrompus et les plus inefficaces qu’il nous ait été donné d’observer.

Il est certain que ce n’est pas en trois jours aux Comores que l’on peut avoir tout compris, Monsieur le rapporteur pour avis : à partir des quelques coups de sonde que vous y avez donnés, vous avez prononcé des jugements extrêmement généraux et lapidaires ; vous avez dit quelques sottises, aussi. Les 150 millions d’euros d’aide au développement qui ont été consentis aux Comores il y a quelques années étaient fléchés vers le développement rural, l’appui au gouvernement comorien pour le contrôle de sa frontière – notamment grâce à l’installation d’un radar –, la santé, à travers un programme qui finance essentiellement la sécurité des accouchements – et donc orienté vers la santé des mères et des bébés – et, dans une moindre mesure, l’éducation.

Au-delà de la seule solidarité et de son utilité pour les pays bénéficiaires, l’aide bilatérale apportée par la France est bénéfique en termes d’influence, de rayonnement, de conquête de marchés, comme cela a été le cas pour la construction des routes aux Comores, qui n’ont jamais été financées par l’APD. Mais il est évidemment nécessaire de la combiner avec les fonds mondiaux, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation, le Gavi, qui sont très efficaces. Et nous siégeons dans leurs conseils d’administration.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je n’ai jamais prétendu avoir compris tous les problèmes des Comores, et encore moins jugé l’utilité de toute la politique d’aide publique au développement à l’aune de ce seul exemple. Lors des deux jours et demi que j’ai passés sur place, j’ai d’ailleurs préféré demander aux interlocuteurs de l’AFD d’ouvrir leurs dossiers et de m’expliquer les tenants et les aboutissants de tous leurs projets : on y a passé des heures et des heures. Ces projets, je les connais donc maintenant et j’y ai repéré plusieurs choses très étranges, comme ce projet de développement d’une assurance maladie universelle. Dans ce pays marqué par une économie informelle, où l’on compte 20 % de fonctionnaires fantômes, où l’état civil n’est pas stable, ce projet ne verra manifestement jamais le jour. Pourquoi, alors, avoir multiplié les études ?

Je n’ai pas du tout la prétention d’avoir tout compris de l’APD, sujet éminemment complexe, et encore moins les problématiques propres aux Comores en seulement deux jours et demi sur place. Il n’en reste pas moins que certaines choses m’ont beaucoup étonné.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je voudrais revenir sur le déliement ou la diminution de l’aide bilatérale, que vous abordez dans le rapport.

Je suis élue d’une circonscription qui recouvre trente-huit des cinquante-quatre pays africains – en plus des pays du Golfe – et, pour avoir visité une cinquantaine de projets financés par l’AFD, je peux vous garantir que plus de 80 % de ces projets sont bien ficelés et permettent de sauver des vies, d’augmenter le taux d’alphabétisation, d’améliorer la couverture en électricité ou l’adduction d’eau d’un pays.

Chaque fois que je me déplace, je rencontre les agents de l’AFD et les populations qui bénéficient de l’aide ; je vois donc bien ce qui se passe sur le terrain. L’aide bilatérale est bénéfique à la France en termes de rayonnement et d’implantation, notamment dans les pays africains, où elle est d’ailleurs souvent l’opérateur des projets financés par les aides européennes. Il faut donc maintenir notre niveau d’aide bilatérale et préserver les aides déliées, dont beaucoup d’entreprises françaises bénéficient lorsqu’elles répondent à des appels d’offres de l’AFD ou d’autres agences de coopération internationale pour le développement, comme le GIZ, l’Agence allemande de coopération internationale. D’ailleurs, il y a souvent des Français derrière les entreprises locales qui répondent à ces appels d’offres.

Enfin, j’appelle tous mes collègues à davantage de patriotisme : je vous en supplie, arrêtez de taper sur la France matin, midi et soir ! Arrêtez de répéter à tout bout de champ qu’on s’est fait virer des pays du Sahel. Ce n’est pas vrai ! Les gouvernements de ces pays ont été renversés par des putschistes, des hommes en treillis qui ont emprisonné des chefs d’État élus démocratiquement, comme Mohamed Bazoum. Qu’ils nous demandent de partir, cela ne me choque pas ; mieux : j’en suis ravie ! La France peut être fière de rester proche, voire très proche, de cinquante des cinquante-quatre États africains, alors arrêtons de nous tirer une balle dans le pied !

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Si mon rapport vous a laissé penser que je jugeais inutiles l’ensemble des projets de développement soutenus par l’AFD ou Expertise France, je me suis décidément fort mal exprimé.

Au contraire, vos propos abondent dans mon sens : des différents types d’aide au développement, l’aide bilatérale est peut-être celle qui fonctionne le mieux car connaître les pays aidés permet de travailler en bonne intelligence avec la population, notamment parce que l’État agit comme un filtre.

Madame Voynet, vous avez raison : les Comores sont un pays particulièrement corrompu, et ce n’est pas pareil partout, mais les sociétés nationales y mettent la main sur les projets qui fonctionnent, empêchant les habitants bénéficier pleinement de notre aide. Ainsi, un projet d’adduction d’eau d’une partie du Sud de la Grande Comore, par exemple, a été financé par l’État et la ville de Dunkerque et réalisé par une entreprise chinoise, soit dit au passage ; eh bien, il est passé sous le contrôle de la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux des Comores, privant les habitants d’une partie des fruits de ce projet qui devait changer leur vie.

Je ne suis pas opposé à l’aide bilatérale mais, dans le contexte financier actuel, particulièrement tendu, encore faudrait-il que les parlementaires sachent précisément ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. C’est bien à cette fin que la loi de 2021 prévoyait la création d’une commission d’évaluation de l’aide publique au développement : en 2024, on l’attend toujours.

Mme Alexandra Masson (RN). Merci pour ce rapport très clair et explicite. Selon le préfet de Mayotte, 8 669 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés en mer en 2023, soit 600 de plus qu’en 2022, 2 300 de plus qu’en 2021 et 4 900 de plus qu’en 2020 : une augmentation de 128 % en quatre ans. Cette immigration illégale dégrade fortement la sécurité à Mayotte et met en danger la cohésion sociale de cette île, déjà très précaire hélas.

Selon l’INSEE, la moitié des habitants de Mayotte ne possèdent pas la nationalité française et, si certains viennent de Madagascar ou d’Afrique centrale, les migrants illégaux sont très majoritairement Comoriens : toujours selon la préfecture de Mayotte, 427 des 444 personnes incarcérées et reconduites dans leur pays d’origine en fin de peine étaient comoriennes. Des projets ont-ils été engagés aux Comores pour empêcher l’immigration illégale vers Mayotte et, le cas échéant, sont-ils réalisables et sont-ils financés grâce à l’aide publique au développement ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il faut distinguer deux flux d’immigration illégale : le plus massif concerne les migrants en provenance d’Anjouan, qui arrivent à Mayotte à bord des fameux kwassa-kwassa. Les autorités comoriennes coopèrent un peu en empêchant environ 8 000 départs par an et en acceptant le rapatriement d’environ 22 000 ressortissants expulsés depuis Mayotte.

En réaction à la crise migratoire déclenchée en 2018 par le président Azali Assoumani, le président de la République a invité les autorités comoriennes à mieux contrôler leurs frontières et le départ de leurs ressortissants, en échange d’une aide au développement. Ce n’était ni univoque, ni simpliste mais ce système est un véritable piège : aujourd’hui, les autorités comoriennes menacent de lever les freins à l’immigration illégale si nous arrêtons notre aide au développement.

Donc non seulement l’aide publique au développement n’a pas du tout tari les flux d’immigration illégale, qui sont comparables à ce qu’ils étaient avant la crise migratoire mais, en plus, elle se retourne contre nous.

M. Frédéric Petit (Dem). Je rebondis sur notre échange de tout à l’heure : les bourses étudiantes qui relèvent de l’APD sont financées par le programme 185 de la mission Action extérieure de l’État ; celles accordées aux réfugiés le sont par le programme 303 de la mission Immigration, asile et intégration.

M. Hervé Berville (EPR). Tout à fait !

M. Frédéric Petit (Dem). Par ailleurs, vous appelez à prendre du recul mais, respecter les peuples, ce n’est pas nier les inégalités dans le monde ou prendre la lutte contre les inégalités pour de la coopération. Nous coopérons avec nombre d’autres pays ; cela ne nous empêche pas de reconnaître les inégalités. Les Français sont solidaires : ils consentent à financer l’aide publique au développement. Si la loi de programmation de 2021 a été adoptée à l’unanimité, c’est parce que nous savions que les Français étaient derrière nous.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Tous les Français sont effectivement solidaires et nous pouvons nous enorgueillir d’être un peuple très généreux. Mais là n’est pas la question : générosité ne veut pas dire jobardise ! Distribuer des mixeurs dans des écoles qui n’ont pas l’électricité ou financer 250 chameaux dans un pays qui en compte 7 millions, comme le fait l’Union européenne, ça n’a pas de sens ! Et je ne suis pas sûr que les Français soient tous consentants pour financer des actions qui n’ont pas de sens.

*

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE113 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à réduire de 760 millions d’euros en autorisations d’engagement et 500 millions en crédits de paiement les crédits alloués à l’action 01 Aide économique et financière multilatérale.

L’augmentation de 125 % de ces crédits dans le PLF pour 2025 semble en contradiction avec la politique du CICID comme avec la loi du 4 août 2021.

Il n’est pas question de remettre en cause nos engagements internationaux mais simplement de s’interroger sur la pertinence de dépenser autant à l’heure où l’on cherche à faire des économies un peu partout.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Favorable.

M. Frédéric Petit (Dem). Monsieur le rapporteur, 95 % des projets fonctionnent. Ce n’est pas parce que quelques-uns posent problème, comme ces mixeurs que vous citez – nous avons tous des exemples –, qu’il faut remettre en cause toute l’aide multilatérale ! Nous ne sommes pas là pour dire que certains projets sont ridicules, qu’ils ne fonctionnent pas, que les aides multilatérales sont incontrôlables : à nous d’utiliser les contrôles menés par la Cour des comptes européenne pour améliorer le dispositif et continuer d’avancer.

Monsieur le rapporteur, comment pourrions-nous avoir du recul sur une loi adoptée il y a seulement trois ans, juste avant l’émergence d’une guerre ? La commission d’évaluation de l’aide publique au développement n’a même pas encore été installée !

Donc non, il ne faut pas réduire ces crédits ; il faudrait même, peut-être, les augmenter. Telle sera ma position sur tous les amendements tendant à réduire les crédits de l’APD.

M. Hervé Berville (EPR). Sur la question du multilatéralisme, le rapporteur et, plus largement, l’ensemble du groupe Rassemblement national, défendent des positions contradictoires. Les fonds multilatéraux sont gage d’une aide publique au développement efficace : comment, sinon, protéger les océans, lutter contre le dérèglement climatique, faire face aux pandémies ? Regardez le nombre de maladies qu’on a réussi à éradiquer ou à faire reculer depuis cinquante ans grâce à ces fonds ! La coupe massive des crédits prévue par cet amendement ne fera qu’affaiblir notre aide publique au développement et réduire notre influence.

Vous feignez d’être favorable à la coopération mais, en réalité, vous êtes contre la solidarité multilatérale et l’efficacité de notre aide publique au développement. Nous voterons donc contre cet amendement perdant-perdant, néfaste aussi bien pour les pays les plus pauvres que pour la France.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Vous ne pouvez pas brandir la loi de 2021 uniquement quand ça vous arrange, comme lorsqu’il s’agit d’allouer 0,7 % du revenu national brut à l’APD – un objectif qui s’éloigne, d’ailleurs, et je vois que vous avez l’honnêteté de le reconnaître. Cette loi, vous le savez bien, prévoyait aussi une montée en puissance de l’aide bilatérale et une diminution de l’aide multilatérale.

M. Hervé Berville (EPR). Non, une augmentation des deux !

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Or, c’est le multilatéral qui a augmenté.

M. Hervé Berville (EPR). Je sais ce que je dis, c’est moi qui ai été le rapporteur de ce texte !

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Tout à l’heure, vous disiez aussi que l’augmentation des taux d’intérêt n’avait pas d’incidence sur le coût de la bonification ! Vous pouvez violer toutes les lois de l’arithmétique mais il y a des limites : si vous augmentez l’aide bilatérale, c’est forcément que vous diminuez d’autant l’aide multilatérale.

M. Hervé Berville (EPR). Tout dépend si c’est en relatif ou en absolu.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Ça dépend de la base 100, effectivement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE114 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement tend à revenir sur les bonifications d’intérêts versées par l’État, en minorant les crédits de l’action 02 Aide économique et financière bilatérale du programme 110 Aide économique et financière au développement de 600 millions d’euros en AE et 200 millions d’euros en CP.

Il n’est pas concevable que l’État assume la charge d’intérêts à la place des bénéficiaires des prêts à hauteur de près de 1 milliard en AE, alors que les ménages français sont en très mauvaise posture, que les taux des crédits à la consommation frôlent les 6,44 % et les taux des crédits à l’habitat avoisinent 3,38 %.

Selon le Trésor public, notre dette est proche des 3 % de taux d’intérêt. Pourquoi la France prêterait-elle un argent dont elle ne dispose pas à moins cher qu’elle ne l’emprunte ? C’est absurde.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La loi de 2021 recommandait la montée en puissance des dons et la diminution des prêts. Avis favorable.

M. Frédéric Petit (Dem). Non, Monsieur le rapporteur, les bonifications n’augmentent pas la dette de l’État : les prêts sont consentis par une banque, l’AFD, qui ne fait que son métier. Vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu, en précisant que l’AFD avait 51 milliards d’encours – ce que je peux confirmer car il se trouve que j’en ai été administrateur. Cette somme, je le répète, constitue la dette de l’AFD, pas celle de l’État. La part incombant à l’État se limite aux garanties et cela représente moins de 1 milliard.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE116 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Il s’agit là d’un amendement d’appel. Depuis 2019, les contributions volontaires de la France au Fonds international de développement agricole (FIDA) ont explosé. Alors qu’elles s’élevaient à environ 50 millions d’euros, Emmanuel Macron a unilatéralement décidé, fin 2023, de porter la contribution française à plus de 130 millions d’euros pour les années 2025 à 2027, soit une augmentation de 174 %. Pour cette treizième reconstitution du FIDA, la France s’est donné le rôle de champion avec la deuxième plus grosse contribution au niveau mondial.

Ironie du sort, quelques semaines après cette annonce, un mouvement agricole de grande ampleur débutait dans notre pays et ailleurs en Europe. Et la colère est loin d’être calmée : les organisations syndicales agricoles maintiennent leur pression sur l’Exécutif, à juste titre puisque les promesses qui leur ont été faites à l’époque n’ont pas été tenues.

Notre agriculture souffre. En 2023, on comptait au moins un suicide d’agriculteur par jour, soit un taux de suicide supérieur de 43 % à la moyenne nationale. Aux yeux de nos agriculteurs, le zèle dont fait preuve le président de la République pour financer le développement de l’agriculture mondiale est une provocation.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je soutiens bien évidemment cet amendement.

M. Hervé Berville (EPR). Je ne veux pas électriser les débats mais je viens d’un territoire agricole et établir un lien de causalité entre le suicide des agriculteurs, la crise agricole et l’aide publique au développement est honteux ! Soyez un peu cohérente : même si ce n’est pas là l’objectif de l’aide publique au développement, si vous ne voulez pas de migrants sur les routes, il faut bien qu’ils puissent se nourrir chez eux ! Or le rôle du FIDA est précisément d’aider les populations qui font face à des conditions climatiques difficiles, comme la sécheresse, à rester chez eux et à développer une agriculture résiliente au changement climatique. Vous ne pouvez pas à la fois appeler à soutenir l’aide publique au développement sans la lier aux questions migratoires et dire qu’il est honteux que le président de la République décide – à raison – de financer un programme pour accompagner les agriculteurs des pays bénéficiaires, au motif que cela participerait au désarroi dans nos campagnes !

Allez voir les agriculteurs dans les territoires : depuis des décennies, génération après génération, ils sont solidaires. Ils savent ce que représente la coopération internationale et ils savent que laisser mourir des gens de faim de l’autre côté de la planète n’améliorera pas leur quotidien, tant s’en faut : cela ne fera que les empêcher de dormir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE117 de Mme Laurence Robert-Dehault

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Cet amendement vise à réduire de moitié la dotation des aides budgétaires globales accordées par la France, principalement à des États subsahariens, pour leur permettre de faire face à des déséquilibres de leurs finances publiques.

Même dans une situation budgétaire aussi catastrophique que celle que nous connaissons, la philanthropie de la France ne connaît pas de limites. Je rappelle qu’en 2023, l’ensemble de la dette extérieure du continent africain s’établissait à 1 000 milliards d’euros ; la nôtre à plus de 3 000 milliards d’euros, soit trois fois plus que celle de l’Afrique tout entière. Alors que le risque d’une grave crise financière pour la France est bien réel, est-il raisonnable et pragmatique de continuer à emprunter sur les marchés financiers pour octroyer ou financer des prêts à d’autres États ? Avons-nous intérêt à continuer de prendre de tels risques ? Ces politiques ont-elles produit des résultats probants pour les pays concernés et apporté une véritable plus-value pour la diplomatie française et le développement de nos entreprises à l’échelle internationale ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis favorable.

Monsieur Berville, le chef d’État qui prône cette politique d’abondement volontaire tous azimuts à des fonds multilatéraux est celui-là même qui, au sommet du G5 Sahel à N’Djamena, s’interrogeait sur l’opportunité d’aider les pays à s’endetter auprès de la Chine. Je vous renvoie à vos propres contradictions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE115 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement de repli vise à réduire les crédits alloués aux bonifications d’intérêts versées par l’État à l’AFD pour certains prêts non étatiques. Il est particulièrement surprenant que l’État assume à la place d’un autre organisme la charge de la dette des prêts que nous accordons. Pourquoi l’État s’investit-il autant pour la bonification de prêts accordés par les agences de l’État et si peu pour soutenir les foyers français face à l’inflation ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis favorable. Ces bonifications ont évidemment un coût, ces crédits en sont la preuve.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE93 de M. Pierre-Yves Cadalen

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Afin de renouveler l’engagement de la France envers l’Ukraine, cet amendement vise à rétablir les crédits alloués au fonds Ukraine, qui a vocation à soutenir la reconstruction et la restauration des infrastructures civiles ukrainiennes. Il était doté de 200 millions d’euros en 2024, avant que le Gouvernement ne décide de sabrer cette dotation de 80 millions d’euros. Alors que le conflit continue d’entraîner des destructions importantes, des déplacements de populations, des morts, cette décision est incompréhensible.

Le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, a récemment indiqué que l’aide à l’Ukraine devait permettre de placer sa diplomatie dans les meilleures conditions en cas de négociations – c’est d’ailleurs ce que nous avons toujours dit, et cela nous a valu des procès d’intention. Par cet amendement, nous voulons nous engager concrètement dans la reconstruction de l’Ukraine, une fois que la guerre d’agression de la Russie aura été mise en échec. Notre groupe parlementaire avait par ailleurs reçu un certain nombre d’opposants russes, qui nous avaient alertés en particulier sur l’importance du problème écologique dans la reconstruction après les dégâts par la guerre : c’est aussi cela que ce fonds finance.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Défavorable, pour une raison simple : l’Union européenne aide déjà massivement l’Ukraine. En plus, pour abonder ce fonds, vous minorez les crédits alloués à la restitution des biens mal acquis, qui me semblent être un programme très intéressant.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Vous n’êtes pas sans savoir, puisque c’est écrit dans votre rapport, que cette ligne créée par la loi de 2021 n’est pas abondée. Votre réponse n’est pas très honnête.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Alors votre proposition n’est pas gagée !

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Si, nous l’avons fait et nous appelons le Gouvernement à lever le gage !

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE92 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Cet amendement vise à honorer l’engagement pris par la France, en avril 2022, de contribuer à hauteur de 360 millions d’euros au Fonds pour l’environnement mondial pour les années 2022 à 2026. Les récentes inondations mortelles en Espagne nous rappellent que la plus grande vigilance est de mise s’agissant de la préservation de ce type de fonds.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Ce sera difficile à synthétiser en quelques secondes mais cet amendement illustre le paradigme de la mondialisation. Prenons l’exemple des biens publics mondiaux, dont font partie les poumons verts de la planète, comme la forêt d’Indonésie ou la forêt primaire d’Amazonie : on cherche à les préserver mais les pays qui en sont propriétaires les exploitent – souvent, d’ailleurs, en recourant à des sociétés multinationales –, ce qui est très mauvais pour l’environnement et la planète. Or, plutôt que de remettre en cause ce paradigme et de dénoncer une externalité négative, on préfère appeler cela un bien public mondial et tendre la sébile aux contribuables français, qui n’y sont pour rien. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE91 de M. Pierre-Yves Cadalen

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Alors qu’Israël vient de rendre illégale l’action de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient – l’UNRWA – sur la base d’informations fallacieuses, doubler la contribution de la France au Fonds fiduciaire en faveur des territoires palestiniens, comme le propose cet amendement, permettrait d’envoyer un signal fort. Sans davantage de moyens concrets, la famine tuera des centaines de milliers de personnes, qui s’ajouteront aux 43 000 victimes déjà dénombrées.

J’ai beaucoup entendu parler de rayonnement, d’influence. La France, qui est l’un des rares pays à avoir des possessions territoriales sur tous les continents, est effectivement une puissance mondiale mais, depuis bien longtemps maintenant – et ce n’est pas le rapporteur qui me contredira –, elle ne parle plus au-delà du monde occidental. Au-delà du cas palestinien, il est grand temps qu’on se fasse à nouveau entendre du Sud et des pays non occidentaux car c’était l’une des grandes forces de notre politique étrangère. Pour renforcer notre influence, il faut aussi en finir avec les doubles standards : qu’elles soient occidentales ou non, toutes les vies se valent.

Je suis de ceux qui déplorent que la France se désintéresse de la grande diplomatie globale laissée en héritage par la parenthèse gaullo-mitterrandienne en matière de politique étrangère. Ce n’est pas en développant une politique raciste qu’on enverra les bons signaux.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je ne vois pas le rapport avec une politique prétendument raciste. Passons !

Je suis contre cet amendement. Malheureusement, le conflit à Gaza continue, et nous n’en sommes pas encore à la reconstruction. En outre, le président de la République a annoncé 80 millions d’euros supplémentaires à destination de Gaza en 2024, auxquels s’ajoutent d’importants fonds européens en faveur de l’aide humanitaire sur place. Je suis donc opposé à y consacrer davantage de crédits, a fortiori à travers un fonds multilatéral – un de plus !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE118 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à réduire les crédits alloués au programme 365, Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement. Les besoins en fonds propres de l’AFD s’expliquent notamment par l’application de règles prudentielles européennes auxquelles elle est assujettie en tant que société de financement.

Cet amendement vise non pas à augmenter le risque auquel est soumis l’AFD mais à diminuer les prêts accordés par l’AFD, qui sont bonifiés par l’État et s’apparentent donc à des prêts à taux zéro financés par le contribuable. Or, selon une note de transparence de l’AFD, des États comme la Chine et l’Inde, respectivement deuxième et cinquième puissances économiques mondiales, figurent parmi les bénéficiaires de ces prêts. Pourquoi l’AFD prête-t-elle de l’argent pour le développement de pays qui sont en meilleure santé financière que le nôtre ?

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je ne peux qu’abonder dans votre sens, cher collègue : les ressources à conditions spéciales accordées par l’AFD nous feront, à terme, courir des risques. Avis favorable.

M. Frédéric Petit (Dem). Lorsque l’AFD, qui est une banque, prête de l’argent à la Chine, ce n’est pas l’argent de l’État. Par ailleurs, elle s’engage en faveur de projets qui présentent un intérêt pour la planète. C’est l’archétype de la coopération dont on parlait tout à l’heure. Cela ne sera pas forcément comptabilisé dans l’APD et cela ne portera pas sur les crédits que nous sommes en train de voter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE119 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Les Français ne cessent de nous dire, dans nos circonscriptions, qu’ils ne comprennent pas que l’on puisse encore trouver plusieurs centaines de millions d’euros au débotté, que l’on distribue lors de chaque événement dramatique ou à l’occasion d’une visite officielle, alors qu’on leur demande toujours plus de sacrifices. Dans le contexte actuel, ils n’y consentent plus. Nous proposons donc, dans notre contre-budget, une baisse supplémentaire du budget global de l’APD de 2,34 milliards d’euros.

La sous-action Aide-projet gérée par l’AFD se voit dotée d’un budget – colossal – de 936 millions en CP. Or, l’AFD vise un trop grand nombre d’objectifs, qui ne contribuent en outre que très marginalement à la défense des intérêts de notre pays. Pour preuve, les premiers secteurs concernés, en 2023, ont été l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le climat et l’environnement. Or, comme le note très justement le rapport, on aurait pu s’attendre à ce que les secteurs prioritaires soient plutôt l’adduction d’eau, l’assainissement, l’électrification ou l’agriculture. Il manque aussi une priorisation géographique, pourtant préconisée par la Cour des comptes. Nous proposons une baisse de 300 millions du financement de l’aide-projet gérée par l’AFD.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE127 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). J’entends nos collègues parler de la nécessité de réduire les dépenses publiques et des efforts indispensables à accomplir pour redresser nos comptes. Toutefois, personne ne propose jamais d’économies et, lorsque nous en proposons, elles ne sont jamais au bon endroit. Les dix-sept objectifs de développement durable, qui portent sur des questions telles que la justice et la paix ou l’égalité entre les sexes, sont louables mais il est indispensable de couper toutes ces dépenses qui ne font pas partie des priorités des Français et qui ont très peu d’impact sur les pays qui en bénéficient. Aussi cet amendement vise-t-il à supprimer les 36 millions d’euros qui financent le partenariat relatif aux ODD.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE126 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à réduire de 10 % les crédits alloués aux contributions volontaires multilatérales, auxquelles l’État français choisit de participer sans y être contraint par des engagements internationaux. Alors que le contribuable français doit de plus en plus se serrer la ceinture, il paraît invraisemblable que la France fasse le choix d’engager des dépenses pour le développement de pays sans que cela serve notre politique diplomatique, ni nos échanges commerciaux.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE121 de M. Kévin Pfeffer

M. Kévin Pfeffer (RN). Le Fonds européen de développement (FED) illustre parfaitement le coût démesuré que représente le fonctionnement de l’Union européenne pour la France. Le FED, qui était auparavant financé directement par les États membres, l’est depuis 2021 par le budget général européen. Par conséquent, la France abonde cet instrument par sa contribution au budget européen, notre pays étant le deuxième contributeur net au sein de l’Union. Cependant, du fait de la pluri-annualité de la programmation, les contributions des États membres au onzième FED, qui concernait la période 2014-2020, vont s’étendre jusqu’en 2027, selon les estimations de la Commission européenne. La France finance donc doublement le FED, ce qui est d’autant plus consternant que les crédits du onzième FED ont été désengagés et n’ont donc pas vocation à être versés. Bruxelles, qui donne toujours des leçons d’austérité aux peuples européens, ne rationalise pas ses propres dépenses, au demeurant gigantesques. C’est pourquoi le groupe Rassemblement national demande la suppression du montant colossal de 144 millions d’euros donnés au FED, alors que la France le finance déjà largement par sa contribution générale au budget européen.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. D’autres pays, moins endettés que nous, ont obtenu des rabais. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement II-AE120 de M. Stéphane Rambaud, n’étant pas soutenu par son auteur, tombe.

Amendement II-AE110 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement met en lumière un grave problème dans la gestion des fonds que l’État confie à l’Agence française de développement. En effet, les feuilles de transparence de l’AFD laissent apparaître des financements de projets au Niger, en particulier le projet CNE1283 : « Appui à la mise en œuvre du plan de transition du secteur de l’éducation et de la formation du Niger ». Ce projet a fait l’objet d’une convention signée le 7 juillet 2022 qui prévoit un engagement de plus de 14 millions d’euros sur cinq ans. Le dernier versement en date a eu lieu le 31 août 2024. Or, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères avait indiqué, le 29 juillet 2023, à la suite du coup d’État militaire, que « la France suspend, avec effet immédiat, toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire au Niger », sans autre condition. Dans la mesure où il ne s’agit ni d’une aide d’urgence, ni d’une aide humanitaire, nous proposons de supprimer ces crédits à hauteur du montant du projet. Il faut mettre fin à l’action politique de l’AFD, qui nous discrédite sur la scène internationale.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis favorable. L’AFD explique qu’elle est au service de la diplomatie française mais celle-ci définit une ligne qui n’est visiblement pas suivie.

M. Frédéric Petit (Dem). Ce projet quinquennal a été voté en 2022. Lorsqu’on forme des enseignants, on ne laisse pas tomber les gens du jour au lendemain. Il est normal que ce projet soit encore inscrit, étant précisé qu’il n’a été que partiellement payé.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement II-AE123 de M. Stéphane Rambaud, n’étant pas soutenu par son auteur, tombe.

Amendement II-AE124 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Il s’agit, par cet amendement, de renforcer l’effort budgétaire demandé sur les subventions allouées aux ONG dans le cadre de l’aide bilatérale. Les versements de l’AFD aux ONG s’inscrivent dans un cadre insuffisamment transparent et les contrôles opérés ne sont pas assez rigoureux. Or, pour répondre aux besoins des populations vulnérables, l’aide doit être centrée sur des projets essentiels aux effets concrets, comme l’éducation et la santé. Plus grave, certaines ONG partenaires de l’AFD entretiennent des liens problématiques avec des organisations hostiles à la France. C’est le cas de l’ONG Secours islamique, qui entretient des relations avec l’Islamic Relief Worlwide, ainsi qu’avec les Frères musulmans, qui sont considérés comme une organisation terroriste dans plusieurs pays. Lors de son audition devant notre commission le 28 juin, Rémy Rioux, directeur général de l’AFD, avait été incapable de fournir une réponse sur ce partenariat douteux. En l’absence de véritable mécanisme de contrôle des financements français, et dans un contexte budgétaire tendu, cet amendement propose de réduire de 10 % les crédits alloués aux ONG.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur toutes les ONG mais de constater l’insuffisance des contrôles sur les ONG et les autres fonds. Avis favorable.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je voudrais dénoncer ce qui s’apparente à une mascarade. Depuis tout à l’heure, on assiste à une sorte de ballet entre le rapporteur et les députés du Rassemblement national pour discréditer l’APD. Nous avons tous compris, Monsieur le rapporteur pour avis, pourquoi vous avez placé la focale sur les Comores, alors que d’autres pays recèlent beaucoup plus d’enjeux pour l’aide au développement française. Ces amendements ont pour objet de vous permettre de parler d’immigration et d’autres sujets qui n’ont rien à voir avec la solidarité internationale, ce qui me choque.

Nous ne sommes pas, ici, sur un plateau de CNews mais à la commission des affaires étrangères. Pour ma part, je m’efforce de mener un travail sérieux, dans notre enceinte, sur les questions internationales. Je suis assez scandalisé par la manière dont s’est déroulée cette discussion budgétaire, qui vous a offert une tribune politique pour vous et vos amis. L’APD, qui connaît une baisse de 18 % de ses crédits, mérite autre chose que cela.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je respecte le travail parlementaire mais, pour votre part, vous tombez dans ce que vous dénoncez : vous nous accusez de tenir une tribune politique – il ne me paraît d’ailleurs pas choquant de faire de la politique au Parlement – tout en vous livrant à des effets de manche. Cela ne présente pas un grand intérêt.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE112 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement met en lumière une autre problématique dans la gestion des fonds que l’État confie à l’Agence française de développement. Les feuilles de transparence de l’AFD indiquent que l’agence finance des projets en Chine, notamment dans le domaine de la biodiversité, à hauteur de 13 millions d’euros, sur lesquels 3 millions ont déjà été déboursés. Il paraît absurde que la France octroie une aide aussi élevée à la Chine, alors que celle-ci a un taux d’endettement bien moindre que celui des États-Unis ou que le nôtre, que sa croissance est deux fois plus élevée que la croissance américaine et qu’elle est la première puissance économique mondiale en matière d’exportations et de pouvoir d’achat. Pour notre part, nous avons perdu plusieurs places dans le classement économique mondial. Accorder des subventions à des pays plus stables économiquement que le nôtre ne nous rendra certainement pas notre potentiel économique.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je ne sais pas si nos compatriotes manifestent un soutien franc et massif à la politique d’aide au développement mais, en tout état de cause, il me paraît difficile de la défendre lorsqu’elle vise le développement de la Chine. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE108 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). Les feuilles de transparence de l’AFD font apparaître le financement de projets au Niger. Parmi ceux-ci, le projet CNE1300 a fait l’objet d’une convention signée le 31 mai 2023 qui prévoit un engagement de 10 millions sur deux ans ; un versement a déjà été effectué le 24 avril 2024. Or la France, je le disais, a suspendu toutes ses actions d’aide au Niger. En l’occurrence, il s’agit de la cinquième phase d’un projet engagé de longue date. Ce n’est donc en rien une aide d’urgence. Le sentiment antifrançais est croissant au Niger : notre armée est rejetée, nos diplomates sont expulsés, l’ambassade est fermée, les entreprises ont commencé à partir. Malgré tout, l’AFD continue à honorer les engagements financiers liés à ce projet.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cela témoigne à nouveau du fait qu’une partie de notre politique de développement est en roue libre. Avis favorable.

M. Frédéric Petit (Dem). Cela montre plutôt que l’AFD honore sa signature. C’est une grande banque internationale, qui n’engage pas les crédits de l’État. Elle n’a pas le droit de se rétracter quand bien même les autorités lui feraient passer certains messages. C’est plus compliqué que ce que vous dites, comme pour les entreprises qui devaient quitter la Russie. Vous semblez penser que l’AFD est sous contrôle parlementaire : non, c’est une banque qui est tenue de respecter les règles propres à son secteur d’activité. Cela étant, elle va évidemment essayer d’en faire moins. J’ajoute que vous n’avez pas les dates de tous les versements qui ont été effectués.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Le problème tient au fait que l’AFD explique qu’elle est un instrument de la diplomatie française, tout en étant une banque. Je connais peu de banques qui demandent au contribuable et au Parlement des financements pour abonder leurs projets ou bonifier leurs prêts. C’est une banque publique qui finance des projets de développement mais elle doit évidemment être au service de la politique et de la diplomatie françaises.

M. Frédéric Petit (Dem). Oui, dans le cadre de son activité bancaire. Nous ne finançons que 1 milliard sur les 51 milliards de son stock de dettes. Et nous recevons des dividendes ! Son résultat s’élève à 600 millions d’euros. La puissance publique a besoin, parfois, de l’action des banquiers.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement II-AE122 de M. Stéphane Rambaud, n’étant pas soutenu par son auteur, tombe.

Amendements II-AE111, II-AE109 et II-AE107 de M. Michel Guiniot

M. Michel Guiniot (RN). L’amendement II-AE111 a trait au financement du projet CBF1482, qui soutient des associations féministes burkinabées. Ce projet a fait l’objet d’une convention en juillet 2023. Or le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a indiqué, le 6 août 2023, à la suite des provocations envers notre armée et nos diplomates, que la France suspendait jusqu’à nouvel ordre toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire au Burkina Faso. Ce projet ne relève ni de l’assistance humanitaire, ni de l’aide d’urgence.

L’amendement II-AE109 concerne le projet CNE1317, mené au Niger, que nous continuons à financer. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a pourtant indiqué, le 29 juillet 2023, à la suite du coup d’État militaire, que la France suspendait, avec effet immédiat, toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire dans ce pays. Là encore, ce projet ne relève ni de l’assistance humanitaire, ni de l’aide d’urgence, mais on continue à le financer.

L’amendement II-AE107 a trait au projet CBF1481, conduit au Burkina Faso, qui a fait l’objet d’une convention signée le 4 juillet 2023. Le communiqué du ministère de l’Europe et des affaires étrangères du 6 août 2023, que j’ai cité, n’a pas eu d’effet : les versements se poursuivent.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. On va encore nous expliquer que l’AFD est une banque mais c’est une banque qui a besoin de 962,3 millions d’euros pour bonifier des prêts, de 760 millions pour mener à bien ses projets et de 145 millions pour renforcer ses fonds propres. Je ne vois pas de banques privées venir ici tendre la sébile au contribuable français. En outre, nous connaissons une crise des finances publiques très grave. Le directeur général-adjoint de la mondialisation m’a expliqué que la représentation de l’État au conseil d’administration de l’AFD était volontairement minoritaire pour éviter que la dette de l’AFD ne s’ajoute à celle de la France. C’est une déclaration très grave. On voit que la question est beaucoup plus complexe que ce que vous suggérez. Grâce à l’effet de levier, l’AFD peut certes gagner de l’argent mais elle agit avec l’aide du contribuable et la signature de la France.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Le premier amendement concerne un projet visant à financer des associations féministes au Burkina Faso. Contrairement à ce que vous affirmez, cela relève de l’urgence. S’il y a un financement qu’il ne faut pas retirer, c’est bien celui-là ! L’aide au développement n’est pas seulement alimentaire. Les droits de l’être humain, en tant que tel, doivent être soutenus. Il serait scandaleux de supprimer ces financements.

M. Hervé Berville (EPR). L’AFD est certes une banque mais ce n’est pas une banque comme les autres : elle a en effet le statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC). Dans la mesure où elle reçoit des subventions et des crédits votés par le Parlement, elle doit faire l’objet d’un regard particulier et elle est redevable.

Cela étant, même si nos relations diplomatiques avec un certain nombre d’États ont été rompues ou suspendues, il est de l’honneur de notre pays de continuer à soutenir, par ce type de projets, la société civile, les femmes, les personnes plus vulnérables. Le jour où surviendra chez eux une alternance politique, j’ai l’espoir que ces peuples se souviendront que la France s’est trouvée à leurs côtés dans des moments difficiles, tant pour leur apporter une aide alimentaire que pour favoriser leur accès au droit et à l’égalité et les aider à lutter contre le dérèglement climatique.

Nous devons veiller à ce que l’AFD utilise bien ses crédits – comme nous y invite la loi du 4 août 2021, qui renforce les principes de transparence et de redevabilité – mais nous devons aussi promouvoir, indépendamment des relations bilatérales, la coopération avec la société civile de ces pays et les femmes et les hommes qui y vivent.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Dont acte : il faut continuer à apporter une aide d’urgence, alimentaire, etc. Toutefois, des politiques aussi structurantes, qui concernent les mœurs, la façon dont ces pays conçoivent les relations entre les hommes et les femmes, ne peuvent être menées à bien si les gouvernements nous sont hostiles.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AE96 de M. Pierre-Yves Cadalen

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter de 1 milliard d’euros les fonds alloués au programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, ce qui permettrait de revenir aux crédits de 2024. Ce n’est pas au moment où les crises s’intensifient dans le monde qu’il faut s’attaquer à la solidarité à l’égard des pays en développement. Réaliser des économies au détriment de la vie des habitants des pays en difficulté, c’est manquer à notre devoir de solidarité. C’est pourquoi, dans ce domaine, le Gouvernement doit laisser de côté son plan austéritaire. Les crédits de 2024 étaient déjà insuffisants au regard des objectifs de la loi de 2021. La mesure proposée serait donc, à nos yeux, un minimum.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je suis bien sûr défavorable à cet amendement.

M. Michel Guiniot (RN). Les conditions que connaît la France s’étant détériorées depuis l’année dernière, il me paraît déraisonnable de dépenser cette somme : pensons à ce que nous pourrions faire avec 1 milliard d’euros pour la France et les Français !

La commission adopte l’amendement.

L’amendement II-AE76 de M. Dominique Potier est retiré.

Amendement II-AE100 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Cet amendement vise à rétablir les contributions volontaires versées par la France aux Nations unies.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Par cohérence, mon avis sera défavorable. Les Nations unies elles-mêmes doutent parfois de l’utilisation qui est faite de leurs fonds par leurs propres entités.

M. Michel Guiniot (RN). Alors que nous éprouvons déjà de grandes difficultés à boucler notre budget, vous demandez que le Gouvernement lève le gage concernant une mesure qui coûterait plus de 120 millions d’euros aux contribuables français.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Nous devons assumer notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Si nous voulons avoir un certain pouvoir et exercer de l’influence, il nous faut aussi montrer l’exemple face aux autres nations. Je soutiens l’amendement.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Les Nations unies agissent principalement par l’intermédiaire de leur directoire, autrement dit par le Conseil de sécurité, qui, comme chacun le sait, est fracturé. Il me paraît difficile de ne pas en tenir compte.

M. Hervé Berville (EPR). On ne peut pas souhaiter que la France soit influente dans le monde et ne pas saisir les possibilités qui nous sont offertes de lui conférer des capacités d’action. Les contributions aux Nations unies servent aussi à renforcer la sécurité et la prospérité, et c’est ce qui donne de la crédibilité à la France lorsqu’elle s’exprime. Même les États-Unis de Donald Trump et le Royaume-Uni de Boris Johnson sont revenus sur une politique qui visait, à l’origine, à sabrer tous les budgets d’aide publique au développement et l’ensemble des contributions aux Nations unies. De même, la Chine a bien compris l’intérêt de l’ONU ; elle augmente ses contributions volontaires d’année en année et y obtient des postes. C’est grâce à ces contributions que la France se voit attribuer traditionnellement la direction des opérations de maintien de la paix de l’organisation. Qui paye décide !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE81 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Nous proposons d’augmenter les financements alloués aux droits et à la santé sexuels et reproductifs.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement IIAE82 de M. Pierre-Yves Cadalen.

Amendement II-AE94 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement a pour objet de rétablir la contribution française à l’aide alimentaire programmée à son niveau de 2024, soit 150 millions d’euros. Notre contribution a été réduite de 20 millions alors que plus de 750 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire et de malnutrition, notamment de nombreux enfants. Si l’amendement était adopté, nous demanderions au Gouvernement de lever le gage.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je suis opposé à cet amendement car il faut tenir compte de notre situation et de la pauvreté sur notre sol.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE79 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Il s’agit, par cet amendement, de porter à 20 millions d’euros en AE et en CP les crédits alloués au fonds français Muskoka.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je suis plutôt favorable à cet amendement compte tenu du caractère bilatéral de cette action, de la relative modicité des crédits en jeu et des résultats semble-t-il positifs du programme.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE95 de M. Pierre-Yves Cadalen

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cet amendement vise à soutenir l’UNRWA à un moment où l’Office est fortement attaqué.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. J’y suis bien sûr opposé parce que, pour citer M. Mélenchon, qui a lui-même cité la presse israélienne, il est de notoriété publique que certains membres de cette organisation – au nombre de neuf, semble-t-il – ont participé au pogrom du 7 octobre 2023.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Il faut que la justice passe mais ce n’est pas la première fois que le gouvernement israélien prend des décisions aussi scandaleuses ; il a déjà voté des lois d’apartheid. Il est inconcevable que la communauté internationale ne soutienne pas l’organisme des Nations unies qui vient en aide à la population palestinienne. Celle-ci est dans un état que tout le monde voit et déplore. Chacun se demande ce qu’il peut faire pour l’aider alors qu’elle se trouve sous les bombes. Il reste encore cette agence, que vous voulez supprimer, alors qu’il faut, tout au contraire, renforcer les moyens qui lui sont accordés.

L’UNRWA, qui s’appuie sur des personnels locaux, a fait le ménage. La France, de la même façon, embauche des personnels locaux dans un certain nombre de pays. Si, par malheur, l’un d’eux commet, un jour, un acte terroriste dans une de nos ambassades, direz‑vous qu’il faut retirer les personnels locaux de l’ensemble de nos ambassades ?

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Jean-Luc Mélenchon n’a jamais stigmatisé l’UNRWA : il n’a fait que reprendre des informations provenant de diverses enquêtes. Je salue d’ailleurs le travail accompli par Mme Colonna, dont les conclusions indiquent qu’il n’était pas approprié de mettre fin à l’action de l’UNRWA dans la situation actuelle.

La commission adopte l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement IIAE125 de M. Stéphane Rambaud, soutenu par l’un des cosignataires.

Amendement II-AE78 de M. Pierre-Yves Cadalen

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Il s’agit là d’un amendement d’appel visant à défendre le respect par la France de son engagement de porter l’APD à 0,7 % du RNB.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis défavorable eu égard à la situation des finances publiques.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE128 de M. Guillaume Bigot

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer le programme 384, Fonds de solidarité pour le développement, en raison du manque de contrôle des très versements importants faits à des fonds multilatéraux. Compte tenu de la situation critique des finances publiques, cela n’est pas acceptable.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cet amendement est très représentatif de la position du Rassemblement national sur l’APD : il s’oppose aux principes universalistes de la France.

M. Hervé Berville (EPR). Vous vous trompez totalement de cible en demandant la suppression des contributions françaises au multilatéralisme. Ce dernier assure une plus grande efficacité dans le travail collectif que nous menons pour relever les grands défis auxquels le monde est confronté dans les domaines de la santé, de la biodiversité, de l’alimentation, de l’action humanitaire. Ceux-ci ont des conséquences chez nous : l’APD, cela concerne à la fois les Comores et les Côtes d’Armor !

M. Michel Guiniot (RN). Nos collègues se trompent sur notre philosophie. Pour être utile, l’aide doit être contrôlée. Nous avons le droit de déterminer ce qui est bien et ce qui ne l’est pas et de voter contre un programme qui ne nous semble pas bien utilisé.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Personne n’est en faveur du réchauffement climatique ; personne ne s’oppose à l’égalité entre les hommes et les femmes ou à la lutte contre l’appauvrissement. C’est absurde !

Alors que notre pays est endetté et que la pauvreté monte dans nos territoires, notamment dans les collectivités d’outre-mer, nous ne voulons pas donner de chèques en blanc à des organisations multilatérales. La France, grâce à la politique de l’Union européenne que vous avez soutenue, a décroché en matière de PIB face aux États-Unis, sans parler de l’Inde ou de la Chine, et n’a plus les moyens de cette politique. D’autres pays, qui se sont enrichis, peuvent désormais abonder ces fonds. Nous sommes comptables de chaque euro dépensé devant les Français.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE77 de M. Jean-Paul Lecoq

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Le fonds de solidarité pour le développement était financé à l’origine par les recettes des taxes sur les transactions financières et sur les billets d’avion. Cela paraît normal : ces taxes frappent les effets négatifs de la mondialisation. La France ne tenant pas son engagement de consacrer 0,7 % de son RNB à l’APD, nous proposons d’affecter les revenus de ces deux taxes au programme 384.

J’ajoute que la DGFIP devrait collecter ces taxes.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis défavorable en raison de l’absence de contrôle de ce qui sera fait de cet argent.

Dans votre rapport de 2018 au premier ministre, Monsieur Berville, vous avez souligné une tendance à la dispersion au niveau multilatéral, dénonçant même la difficulté de contrôler l’utilisation des crédits. Je constate que vous avez changé d’avis et que vous souhaitez maintenant dépenser des milliards ! Le contribuable français nous observe.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). La question de l’évaluation des politiques publiques est certes importante mais, dans ce cas, proposez des amendements pour financer le contrôle, pas pour supprimer des financements ! Il s’agit d’un instrument essentiel de notre diplomatie économique, pas seulement humanitaire ou de solidarité. Le but n’est pas de faire disparaître la mission.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Telle n’est pas mon intention. Cette mission pèse 5 milliards d’euros, à mettre en rapport avec les 55 milliards d’intérêts de la dette que nous devrons payer l’année prochaine. Plutôt que de mettre de l’argent dans du contrôle, il me semble plus raisonnable de revoir à la baisse nos ambitions de générosité internationale.

M. Hervé Berville (EPR). Être contre la dispersion ne signifie pas que tout le multilatéralisme est inefficace, au contraire : il faut renforcer les moyens et les concentrer sur des sujets essentiels – santé, éducation, lutte contre le changement climatique, aide humanitaire – parce qu’ils ont des conséquences dans notre pays. On ne peut pas protéger les océans tout seul dans son coin.

Par ailleurs, mon rapport préconisait plusieurs choses : plus de moyens, une loi de programmation pluriannuelle, une re-budgétisation, la création d’une commission indépendante d’évaluation. Il ne s’agit pas seulement de contrôler mais de mesurer l’impact : cela me paraît plus efficace que de se contenter de supprimer 700 millions d’euros.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE90 de Mme Nadège Abomangoli

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Pierre Pribetich (SOC). Le Rassemblement national se pose en parangon de la finance mais quand on voit comment il gère les collectivités territoriales qu’il dirige, on a quelques frayeurs !

M. Michel Guiniot (RN). Dans toutes les communes que nous avons gérées, les maires ont été réélus au premier tour avec plus de 70 % des voix !

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE101 de M. Pierre-Yves Cadalen

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Il s’agit par cet amendement d’implanter à Brest le quatorzième institut des Nations unies consacré à l’océan. La France enverrait ainsi un signal important de soutien au multilatéralisme et rassurerait sur le respect de ses engagements internationaux, notamment le traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. La protection des océans étant un enjeu majeur, nous sommes favorables à l’installation de cette université des Nations unies en France. L’argent sera ainsi mieux utilisé qu’en recapitalisant les fonds de l’AFD.

La commission adopte l’amendement.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Alors que nous allons nous prononcer sur les crédits de la mission APD pour 2025, j’indique à la commission que je suis défavorable à leur adoption, d’autant plus que nous venons d’alourdir les dépenses.

M. Frédéric Petit (Dem). Avec l’adoption de l’amendement de M. Lecoq ainsi que de quelques autres, nous venons d’ajouter 2,5 milliards d’euros de dépenses. Nous ne voterons pas en faveur de ces crédits ainsi modifiés.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Vous vous trompez, cela fait moins de 2 milliards.

M. Pierre Pribetich (SOC). Monsieur Petit, vous êtes habituellement favorable à l’aide au développement. Pour une fois que l’on vous propose une augmentation des crédits, il faut voter pour !

M. Frédéric Petit (Dem). Je suis contre le fait que l’on augmente ces crédits dans ces proportions. L’amendement II-AE76 de Dominique Potier me paraissait acceptable mais vous avez voté quatre fois l’amendement Potier ! J’ai le sens des responsabilités.

M. Bertrand Bouyx (HOR). J’aurais aimé voter favorablement, notamment du fait de l’amendement relatif à la création d’un institut consacré à l’océan, mais l’amendement de M. Lecoq a plombé la mission.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je signale que la commission des finances a déjà voté sur le fond et que nous ne votons que pour avis. Il est important d’envoyer un signal positif car le Gouvernement prévoit des coupes supplémentaires. De plus, l’augmentation des crédits est cohérente avec le respect de l’objectif de 0,7 % du RNB.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Nous voterons les crédits parce qu’ils ont été amendés.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Distribuer de l’argent que nous n’avons pas et que nous sommes obligés d’emprunter de plus en plus cher ne me paraît pas responsable.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Aide publique au développement modifiés.

Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-AE88 de Mme Nadège Abomangoli

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il paraît très excessif – et démagogique – d’interdire à l’AFD d’accorder des prêts.

La commission adopte l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-AE104 de Mme Marine Hamelet et II-AE106 de Mme Laurence Robert-Dehault.

Amendement II-AE130 de M. Guillaume Bigot

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je note tout d’abord que certains groupes votent contre de simples indicateurs mesurant la satisfaction des populations, alors qu’ils réclament davantage de contrôle. Qu’ils assument leurs contradictions !

Mon amendement vise à définir des taux de projets contrôlés et des pourcentages de sommes allouées aux études préalables à chaque projet d’APD. Il s’agit d’améliorer le suivi assuré par les parlementaires.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Ces missions peuvent être dévolues à la commission d’évaluation de l’APD.

M. Frédéric Petit (Dem). Cet amendement, qui porte sur des projets APD, c’est‑à‑dire ceux qui sont pris en charge par l’OCDE, est mal rédigé. Je ne le voterai pas.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une modification d’un alinéa dans un programme : cela ne concerne pas toute la mission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE89 de Mme Nadège Abomangoli

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. S’il est pénible de se voir opposer le secret des affaires par l’AFD, il est totalement démagogique de stopper l’activité de prêt.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE131 de M. Guillaume Bigot

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je propose d’ajouter un indicateur concernant le taux de projets ayant été contrôlés. Cela permettrait un meilleur suivi de l’exécution.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE129 de M. Guillaume Bigot

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Nombre de projets d’APD donnent lieu à des études préalables dont le coût est très important pour le contribuable. Je propose de créer un indicateur retraçant le pourcentage de sommes allouées à ces études.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 59

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement IIAE80 de M. Pierre-Yves Cadalen.

Amendement II-AE83 de Mme Nadège Abomangoli

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cette demande de rapport qui concerne les droits de l’enfant car ceux-ci sont inclus dans notre politique de développement. Il est nécessaire, pour que cela ne demeure pas un objectif abstrait, d’être correctement informés.

M. Frédéric Petit (Dem). Je trouve antinomique que l’on demande au Gouvernement des rapports sur des sujets que nous souhaitons contrôler. C’est notre rôle. Par ailleurs, la commission d’évaluation de l’APD fera une synthèse de l’ensemble de ces études.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il me paraît toujours étonnant qu’un collègue ne souhaite pas obtenir plus d’informations : cela ne peut qu’améliorer la fonction de contrôle.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte successivement les amendements II-AE84 de M. Pierre-Yves Cadalen, II-AE85 de Mme Nadège Abomangoli et IIAE86 de M. Pierre-Yves Cadalen.

M. Michel Guiniot (RN). Je souhaite préciser, concernant l’amendement II-AE86, que plus de 95 millions d’euros ont été alloués à Haïti par le biais de l’APD depuis 2018.

Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement IIAE87 de Mme Nadège Abomangoli.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte successivement les amendements II-AE97 et II-AE98 de M. Pierre-Yves Cadalen.

Amendement II-AE99 de Mme Nadège Abomangoli.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis défavorable à cette demande de rapport portant sur la raison du non-respect de l’objectif de 0,7 % du RNB car nous la connaissons parfaitement : il est nécessaire de faire des économies.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE102 de M. Pierre-Yves Cadalen

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). La fin de l’affectation de la taxe sur les transactions financières et de la taxe sur les billets d’avion au fonds de solidarité pour le développement est une catastrophe. Nous demandons donc un rapport sur l’impact de cette décision, qui précarise encore plus l’aide publique au développement.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

M. Pierre Pribetich (SOC). Pourrait-on suggérer que tous ces rapports soient remis seulement sous forme électronique ? Cela économiserait quelques tonnes de papier et sauverait beaucoup d’arbres.

Amendement II-AE132 de M. Guillaume Bigot

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Il s’agit de demander au Gouvernement une synthèse des rapports relatifs à l’ensemble des projets d’APD ayant fait l’objet d’un contrôle interne ou externe. Cela pourrait éclairer nos votes.

M. Frédéric Petit (Dem). Il existe un site consacré à l’APD qui retrace tout ce que fait la France en la matière. Ces informations existent : je n’ai pas besoin que le Gouvernement me prenne la main pour aller voir des données publiques et à disposition de tous.

M. Guillaume Bigot, rapporteur pour avis. Un contrôle, ce n’est pas la même chose que la description des projets.

La commission rejette l’amendement.

Mme Éléonore Caroit, présidente. Nous avons à présent terminé l’examen de tous nos avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2025. Je tiens à remercier tous les collègues qui ont participé à nos échanges. Je remercie également nos différents rapporteurs pour leur investissement personnel dans la préparation de ce moment important de notre session parlementaire.

 

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La séance est levée à 20 h 05.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Hervé Berville, M. Guillaume Bigot, Mme Élisabeth Borne, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Éléonore Caroit, Mme Sophia Chikirou, M. Pierre Cordier, Mme Christelle D'Intorni, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Nicolas Dragon, M. Olivier Faure, M. Bruno Fuchs, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, Mme Sylvie Josserand, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Marie-Ange Rousselot, M. Aurélien Taché, Mme Dominique Voynet, Mme Estelle Youssouffa

 

Excusés. - Mme Clémentine Autain, M. Éric Ciotti, M. Perceval Gaillard, Mme Brigitte Klinkert, Mme Marine Le Pen, Mme Mathilde Panot, M. Remi Provendier, M. Davy Rimane, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Laurent Wauquiez