Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

– Examen, ouvert à la presse, et vote sur les projets de loi suivants :

- projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier (n° 566) (Mme Brigitte Klinkert, rapporteure)              2

- projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part et de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part (n° 535) (Mme Maud Petit, rapporteure).              13


Mercredi
15 janvier 2025

Séance de 11 heures 

Compte rendu n° 26

session ordinaire 2024-2025

Présidence
de Mme Laetitia Saint-Paul, Vice-présidente


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La commission procède à l’examen, ouvert à la presse, et au vote de deux projets de loi.

La séance est ouverte à 11 h 10.

Présidence de Mme Laëtitia Saint-Paul, vice-présidente.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle ce matin l’examen de deux projets de loi relatifs à l’approbation d’accords internationaux.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Le premier des textes que nous avons à examiner aujourd’hui est le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier.

L’accord dont nous devons autoriser l’approbation s’inscrit dans le cadre de la politique de coopération avec l’Allemagne, particulièrement depuis la signature du traité d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019, qui approfondit les liens bilatéraux en matière transfrontalière, d’éducation, de recherche, de climat ou encore de politique étrangère.

L’accord franco-allemand relatif à l’apprentissage transfrontalier, signé le 21 juillet 2023 à Lauterbourg, est le premier accord conclu dans le cadre de l’article 186 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS ».

Précédemment, la région Grand Est avait institué un dispositif d’apprentissage transfrontalier sur la base de conventions régionales avec plusieurs territoires frontaliers allemands. Cependant, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait retiré aux régions la compétence de financement principal des formations par l’apprentissage. Le comité franco-allemand de coopération transfrontalière a relayé, dans son avis du 31 mai 2021, le souhait des acteurs locaux que soit pérennisé le dispositif d’apprentissage transfrontalier créé par la région Grand Est.

Le développement de l’apprentissage transfrontalier a par la suite été identifié comme objectif de coopération bilatérale en matière de formation professionnelle lors du conseil des ministres franco-allemand du 22 janvier 2023.

Ce projet de loi paraît donc bienvenu et donnerait une traduction concrète à la coopération franco-allemande. Le Sénat l’a adopté le 22 mai 2024.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Ce projet de loi, qui a été examiné et voté par le Sénat l’an dernier, a achevé son processus d’approbation par la partie allemande le 13 juin 2024 ; le Bundestag l’a d’ailleurs adopté à l’unanimité des membres présents, signe de sa nécessité pour nos partenaires.

L’accord dont nous devons autoriser l’approbation témoigne de la rencontre de deux ambitions.

Il s’agit, d’une part, de promouvoir et de consolider une relation bilatérale franco‑allemande forte dans tous les domaines, conformément aux objectifs des traités de l’Élysée et d’Aix-la-Chapelle. La coopération transfrontalière joue naturellement, à cet égard, un rôle central : nos concitoyens des territoires frontaliers sont bien placés pour le savoir, eux qui expérimentent au quotidien la richesse de cette relation.

Il s’agit, d’autre part, de concrétiser un espace européen de l’éducation auquel notre Assemblée contribue activement. L’adoption de la loi du 27 décembre 2023, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants pour un « Erasmus de l’apprentissage », rappelle le rôle constructif qu’a joué le Parlement dans le prolongement du discours de la Sorbonne de 2017, à l’occasion duquel le président de la République avait affirmé la volonté française d’étendre aux apprentis les opportunités d’échanges entre jeunes Européens. Ce projet de loi est une pierre supplémentaire de l’édifice de l’espace européen de l’éducation, qui offre à tous les jeunes Européens la chance de pouvoir effectuer des échanges.

Cet accord prolonge par ailleurs plusieurs initiatives transfrontalières menées par la France et l’Allemagne, d’abord à l’échelle régionale du Grand Est. Le Haut-Rhin et le Bas-Rhin ont œuvré à la promotion de la mobilité transfrontalière en matière de formation et d’emploi avec les Länder allemands du Bade-Wurtemberg et de la Rhénanie-Palatinat, dès 2010, dans le cadre de la conférence du Rhin supérieur. L’Alsace a également promu avec ces mêmes Länder le développement de l’apprentissage transfrontalier dans le cadre de son plan régional pour l’activité et l’emploi, il y a quinze ans. Deux conventions régionales, signées en 2013 et en 2014, ont ensuite renforcé cette coopération ; elles concernent respectivement le Rhin supérieur, à l’initiative du conseil régional d’Alsace, et la Lorraine et la Sarre. L’accord du 21 juillet 2023 s’inspire d’ailleurs largement de ces deux accords-cadres, qui donnaient satisfaction aux deux parties.

Pourtant, comme l’a souligné un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en avril 2021, ces coopérations étaient fragilisées, en France, par l’absence de cadre légal national bien établi, la notion d’apprentissage transfrontalier ne figurant alors dans aucun code. Par ailleurs, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a retiré aux régions la compétence en matière d’organisation et de financement principal de l’apprentissage pour la confier à l’État et à France Compétences.

Vous connaissez mon attachement à l’insertion par l’apprentissage – une politique que j’ai eu l’honneur de conduire au sein du gouvernement – et mon engagement pour les relations franco-allemandes. En tant que ministre, j’avais souhaité que nous disposions d’un cadre légal pour relancer l’apprentissage transfrontalier et donner une réalité concrète à l’espace européen de l’apprentissage. La loi dite « 3DS » du 21 février 2022 a permis de résoudre la double difficulté que j’évoquais : l’Assemblée a adopté un amendement que j’avais défendu au nom du gouvernement et qui inscrivait la notion d’apprentissage transfrontalier dans le droit français. Notre ancien collègue Sylvain Waserman a lui aussi été très actif à ce sujet ; je tiens à saluer son travail fructueux. Grâce à cette mobilisation, l’article 186 de la loi 3DS offre désormais la possibilité aux étudiants d’effectuer une partie de leur apprentissage dans un État frontalier de la France à la condition qu’un accord bilatéral en définisse les modalités de mise en œuvre.

L’accord de Lauterbourg constitue la première traduction de ce nouveau cadre juridique national. L’objectif de l’accord est, plus précisément, de permettre aux apprentis issus de l’ensemble du territoire métropolitain de réaliser une partie de leur formation, pratique ou théorique, dans l’un des trois Länder allemands frontaliers que sont le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et la Sarre, et réciproquement pour les apprentis issus de ces Länder. Toutes les certifications éligibles à l’apprentissage en France pourront faire l’objet d’un dispositif d’apprentissage transfrontalier ; tous les diplômes professionnels allemands pouvant être obtenus par apprentissage, hors enseignement supérieur, seront également concernés.

Contrairement aux accords-cadres de 2013 et de 2014, le présent accord s’appliquera à l’ensemble du territoire de la France métropolitaine, conformément au principe d’égalité, à l’exception des territoires d’outre-mer. L’exclusion des territoires ultramarins résulte de l’article L. 6522-5 du code du travail, qui identifie les États avec lesquels ces territoires peuvent instaurer un apprentissage transfrontalier sous réserve de la conclusion d’un accord bilatéral en ce sens. En revanche, côté allemand, seuls les trois Länder précités seront concernés, même si une clause d’extension simplifiée à d’autres Länder est prévue à l’article 10 de l’accord.

Le financement de ces nouveaux dispositifs sera assuré conformément aux dispositions en vigueur dans chaque pays. En France, il sera confié à l’opérateur de compétences des entreprises de proximité désigné pour gérer l’ensemble des contrats d’apprentissage transfrontalier. L’accord ne prévoit pas de mécanisme de compensation car il ne doit pas modifier les grands équilibres relatifs au financement de l’apprentissage.

On attend des effets très positifs de son application : outre une sécurisation des initiatives menées, elle devrait se traduire par une augmentation du nombre d’apprentis transfrontaliers grâce à la mise en œuvre des dispositions de la loi 3DS. Cette dernière a porté à 29 ans l’âge limite d’entrée dans un dispositif d’apprentissage et s’applique à l’ensemble du territoire métropolitain. Près de 300 contrats d’apprentissage transfrontalier pourraient être conclus chaque année dans ce cadre entre les régions frontalières franco-allemandes, auxquels s’ajouteront les apprentis issus des autres régions de France métropolitaine, sans qu’il soit possible pour l’heure d’en prédire le nombre exact. Une fois que le dispositif sera monté en puissance, on pourrait compter jusqu’à 1 000 apprentis transfrontaliers français chaque année.

Or les dispositifs d’apprentissage transfrontaliers favorisent l’insertion dans l’emploi. Selon une enquête menée par la région Grand Est auprès d’apprentis ayant bénéficié d’une formation de cette nature avant 2018, la proportion de jeunes occupant un emploi était d’un sur deux à la fin de leur contrat, de deux sur trois au cours du mois suivant et de 80 % dans les trois mois ; enfin, 80 % des répondants occupaient un contrat à durée indéterminée à l’été 2018. En comparaison, en janvier 2022, six mois après leur sortie d’études, seuls 65 % des apprentis ayant un diplôme allant du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au brevet de technicien supérieur (BTS) occupaient un emploi salarié dans le secteur privé.

Par ailleurs, l’intégration d’apprentis transfrontaliers revêt une triple importance pour les entreprises françaises. D’abord, elle renforce leur aptitude à évoluer dans un environnement professionnel diversifié, tout en mettant en avant leur capacité à accueillir des talents issus d’horizons variés, ce qui renforce leur attractivité auprès de potentiels collaborateurs et apprentis. Ensuite, elle favorise l’enrichissement des échanges professionnels grâce au développement de compétences linguistiques, ce qui contribue à promouvoir le plurilinguisme et le multiculturalisme au sein de leurs équipes. Enfin, l’accueil d’apprentis transfrontaliers permet de constituer un vivier de travailleurs qualifiés, dotés d’une double culture et d’une connaissance approfondie de l’environnement économique du pays voisin. Cette approche stratégique améliore non seulement les capacités d’adaptation des entreprises mais aussi leur compétitivité.

Ce texte pourrait inspirer d’autres accords du même type. Plusieurs pays ont fait part de leur intérêt pour l’apprentissage transfrontalier. C’est le cas de Monaco et de la Belgique, où des échanges ont lieu avec les trois communautés linguistiques du pays. Le Luxembourg souhaite aboutir rapidement à la conclusion d’un accord bilatéral pour structurer sa coopération avec notre pays. En Suisse, les autorités centrales consultent leurs cantons en vue de la possible négociation, en 2025, d’un projet pilote limité à quelques certifications et secteurs où la coopération franco-suisse est consensuelle. Enfin, le comité de coopération transfrontalière franco-italien institué par le traité du Quirinal a évoqué cette question dès sa première session.

Pour toutes ces raisons, je vous invite sans réserve à autoriser l’approbation de cet accord. Je forme le vœu qu’il entre en vigueur rapidement, ce qui permettrait son application dès la prochaine campagne de recrutement des apprentis, laquelle commence en février ou mars en Allemagne et au printemps en France.

Cette approbation marquera une étape supplémentaire, dans un domaine particulier, de notre coopération avec l’Allemagne, vitale pour notre pays. C’est en partenaires ambitieux et exigeants que la France et l’Allemagne pourront continuer de donner le cap et de promouvoir une Europe plus unie, souveraine et démocratique.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.

M. Stéphane Hablot (SOC). Cet accord s’inscrit dans le cadre d’une longue relation qui a commencé après la seconde guerre mondiale et qui a visé à réconcilier nos deux pays. Elle s’est muée, au fil du temps, en une coopération économique dont nous mesurons l’importance pour la jeunesse et l’intégration européenne. Le texte permettra à des apprentis français et allemands de bénéficier d’une formation qui leur apportera non seulement des compétences professionnelles mais aussi un enrichissement culturel et une maîtrise de la langue du pays voisin, donc une meilleure connaissance de celui-ci.

C’est une belle initiative, dans l’esprit des traités de l’Élysée et d’Aix-la-Chapelle, qui vise à promouvoir l’Europe de la proximité et des opportunités pour nos jeunes.

Notre groupe soutient le texte mais nous sommes vigilants sur deux points.

L’accessibilité, d’abord : le dispositif doit profiter à tous les jeunes, y compris ceux issus de milieux populaires, qui résident dans des villes pauvres – je pense à des communes comme Behren-lès-Forbach, en Moselle – ou dans des zones rurales. La mobilité internationale demeure un privilège. Il convient d’accompagner socialement les bénéficiaires de ces formations pour leur offrir des perspectives d’avenir dans les grandes entreprises du territoire voisin.

Nous sommes également attentifs à la gouvernance. Les régions ont mené des initiatives transfrontalières ; elles sont au cœur des dispositifs. Cela mérite d’être mieux valorisé.

Il serait donc souhaitable que l’accord franco-allemand favorise une gouvernance partagée et une répartition équitable des moyens pour éviter des déséquilibres territoriaux.

Bref, cet accord marque une très belle étape mais nous devons veiller à ce qu’il satisfasse aux exigences d’équité, de proximité et d’efficacité. Nous serons très attentifs à son application.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je partage en grande partie votre point de vue. Le texte a pour objectif de favoriser l’apprentissage transfrontalier de jeunes qui n’iraient pas naturellement se former dans un autre pays. Ce dispositif n’est pas comparable à l’Erasmus de l’apprentissage, lequel concerne la mobilité internationale. Il s’agit ici d’offrir la possibilité à des jeunes en CAP ou en brevet professionnel de suivre une formation théorique en France et une formation pratique en Allemagne : en général à proximité de leur lieu d’origine, mais pas seulement puisque le dispositif concerne l’ensemble du territoire national. Cela leur donnera des atouts supplémentaires, qu’il s’agisse de l’expérience multiculturelle, du bilinguisme ou de l’enrichissement de leurs connaissances professionnelles. Cela étant, il faut veiller, comme vous l’avez dit, à éviter l’inégalité territoriale.

De plus, ce premier accord sur l’apprentissage transfrontalier doit aussi s’étendre à d’autres pays intéressés.

M. Michel Guiniot (RN). L’apprentissage permet à des jeunes de découvrir des métiers et un environnement professionnel dans le cadre d’une formation adaptée et, souvent, efficace. On peut regretter que l’accord en discussion ne s’applique pas à l’enseignement supérieur, malgré la proposition faite en ce sens par les Allemands. Il sera donc mis fin en 2025 à la possibilité d’effectuer un apprentissage transfrontalier à ce niveau d’enseignement, ce qui est regrettable.

Jusqu’à la réforme de 2018, près de 100 jeunes étaient concernés, chaque année, par cette forme d’apprentissage particulièrement adaptée au marché du travail transfrontalier. Si l’accord vise explicitement l’apprentissage transfrontalier, le (2) de son article 1er précise qu’il s’applique, d’une part, à l’ensemble de la France métropolitaine et, d’autre part, aux trois Landër frontaliers. Un habitant de la Sarre pourra donc faire son apprentissage à Brest, et réciproquement. Le (3) de l’article 10 précise que les parties peuvent convenir par voie diplomatique d’étendre le champ d’application à d’autres Länder.

L’étude d’impact indique que l’accord a été conclu côté allemand au niveau des ministères fédéraux, qui ont travaillé avec les Länder concernés. Savez-vous si le gouvernement français a entrepris des démarches pour impliquer particulièrement les territoires transfrontaliers intéressés, notamment l’Alsace et la Lorraine ?

Cet accord corrige les conséquences d’un choix politique fait pendant le premier mandat de M. Macron : la réforme de la formation professionnelle de 2018, qui a ôté aux régions la compétence en matière d’organisation et de financement principal de la formation par l’apprentissage, un recul par rapport à des coopérations locales qui remontent aux années 1960.

Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la composition du comité de suivi ? L’article 9 indique que cette instance doit être composée d’un nombre égal de représentants des ministères compétents. Or le gouvernement Scholz comprend quatorze ministres, contre trente-cinq pour le gouvernement Bayrou. Avez-vous connaissance du nombre de personnes qui pourraient le constituer ?

Compte tenu du débat sur le financement de l’apprentissage, nous nous abstiendrons lors du vote.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Côté français, l’enseignement supérieur est inclus dans le dispositif. L’Allemagne a, en revanche, décidé de l’extraire du champ de l’accord car la compétence en matière d’enseignement supérieur appartient aux Länder et il semble que l’un d’entre eux s’opposait à son inclusion. L’extension du champ de l’accord aurait nécessité l’implication d’acteurs supplémentaires, ce qui aurait encore compliqué les négociations et l’application du texte.

J’ai commencé à mettre ce projet dans les tuyaux lorsque j’étais ministre déléguée chargée de l’insertion, en juillet 2020. Voyez le temps qu’il a fallu pour faire aboutir un projet somme toute assez simple ! Cela étant, il n’est pas figé : d’autres Länder pourront rejoindre les premiers signataires. En tout état de cause, l’accord accroîtra l’attractivité de l’apprentissage grâce à des séjours intégrés à l’étranger.

L’Alsace et la Lorraine nourrissent en effet de grandes attentes ; c’est là que la demande est la plus forte et que le nombre d’apprentis est le plus élevé. L’ambition du texte est néanmoins que l’ensemble du territoire métropolitain soit concerné.

Enfin, nous ne savons pas, pour l’instant, qui composera le comité de suivi mais je suis à votre écoute à ce sujet.

Mme Liliana Tanguy (EPR). En 2020, madame Klinkert, en votre qualité de ministre déléguée chargée de l’insertion, vous aviez défendu le projet qui voit aujourd’hui le jour. Au nom de notre groupe, je salue votre engagement et vous félicite de cette concrétisation.

Le projet de loi relève d’une dynamique ambitieuse de structuration d’un espace européen de l’éducation et de la formation professionnelle. Il incarne une volonté politique claire : renforcer l’intégration économique et sociale dans les régions frontalières. L’apprentissage transfrontalier est bien plus qu’un levier d’insertion professionnelle pour nos jeunes. En permettant à des apprentis de suivre une formation alternée dans deux pays, ce dispositif développe des compétences techniques spécifiques mais aussi une maîtrise linguistique et des capacités d’adaptation interculturelle particulièrement valorisées sur le marché du travail. Cela répond aux besoins des entreprises implantées dans des écosystèmes transfrontaliers où la mobilité des compétences est un facteur-clé de compétitivité et de succès.

Au-delà de ces aspects pratiques, l’accord ouvre des perspectives inédites. Il pourrait servir de modèle à des accords similaires avec d’autres pays frontaliers, comme vous l’avez souligné, madame la rapporteure. À ce propos, j’aurais aimé savoir où en sont les négociations avec d’autres pays.

Soutenir ce projet, c’est aussi répondre à une demande des acteurs locaux. Depuis 2021, les régions frontalières plaident pour une pérennisation du cadre juridique afin de sécuriser ce parcours pour les jeunes et les entreprises. Avec un potentiel de 300 apprentis par an pour la région Grand Est et des perspectives d’extension à d’autres régions, nous avons là l’occasion de consolider l’attractivité économique de nos territoires tout en renforçant nos liens historiques et stratégiques avec l’Allemagne.

Des défis restent néanmoins à relever, notamment en matière de transfert de données et d’harmonisation des droits sociaux, ainsi que dans le domaine du droit des affaires. Sur ce dernier sujet, j’ai participé dans le cadre de l’Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA) à des travaux ayant conduit à l’adoption d’une proposition de résolution dont notre Assemblée pourrait se saisir.

Cet accord représente une avancée majeure et envoie un signal fort à la jeunesse européenne. Il promeut une Europe plus unie et une coopération transfrontalière renforcée. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe EPR soutient le projet de loi.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je salue votre participation aux travaux de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, au sujet desquels je suis en discussion avec la présidente de l’Assemblée nationale. Je plaide en effet pour que nous consacrions une ou deux journées par an à l’examen et à la ratification des textes que l’APFA adopte, parfois à l’unanimité.

Les pays frontaliers de la France au sein de l’Union européenne, ainsi que la Suisse, ont manifesté leur intérêt pour ce dispositif. Des discussions ont été entamées, à ce jour, avec la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ; nous envisageons que les négociations aient lieu cette année. La principauté de Monaco est également désireuse d’engager des négociations dès que possible. Le comité de coopération transfrontalière franco-italien créé par le traité du Quirinal a évoqué cette question dès sa première session.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Cet accord est le premier conclu dans le cadre fixé par l’article 186 de la loi 3DS, lequel permet d’effectuer une partie de son apprentissage dans un pays frontalier de la France. Cette loi nous pose un problème de fond.

Si nous sommes évidemment favorables à davantage d’échanges internationaux, notamment dans le cadre des formations universitaires, ce n’est pas exactement ce dont il s’agit ici. Nous ne souhaitons pas assouplir toujours plus les conditions d’emploi des apprentis. Rien n’est prévu dans le texte pour améliorer les formations, ni en matière de logement. Ainsi, seuls les jeunes qui le peuvent feront leur apprentissage en Allemagne. Nous n’avons pas de garantie concernant les écarts de traitement entre les apprentis selon leur pays, alors que ce mode de formation est nettement plus développé en Allemagne. Le comité de suivi ne nous semble pas à même de vraiment contrôler et orienter les pratiques.

Par ailleurs, on nous parle de renforcement linguistique mais vous n’ignorez pas que l’enseignement de l’allemand a été massacré dans notre pays. C’est une langue en péril, le nombre de professeurs ayant été divisé par deux en une quinzaine d’années et les effectifs d’élèves ayant chuté. Ce n’est pas le renforcement de l’apprentissage qui y remédiera.

Quant à Erasmus, le programme a été attaqué ces dernières années sans que le gouvernement français ait vraiment réagi.

Aussi ce texte ne nous convient-il pas en l’état. La généralisation de l’apprentissage dans de telles conditions, que ce soit en France ou dans un pays frontalier, ne correspond pas aux besoins de notre industrie. Celle-ci a besoin d’ouvriers spécialisés polyvalents de très haut niveau tels que l’enseignement professionnel classique les formait, l’apprentissage venant compléter cette formation, non s’y substituer. Un apprenti n’est pas un travailleur comme un autre : c’est un jeune en formation. Nous nous abstiendrons donc.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Il est clair que nous ne pourrons pas nous mettre d’accord. J’ai pu mesurer, au ministère de l’insertion comme en Alsace, où il existe une vraie culture de l’apprentissage, combien ce mode de formation peut être important pour un jeune. Il est enrichissant d’alterner formation théorique et formation pratique en entreprise, d’autant que le recrutement à l’issue du contrat est quasiment assuré si les choses se sont bien passées. Je répète les résultats de l’enquête déjà citée sur l’apprentissage transfrontalier : un jeune sur deux disposait d’un emploi dès la fin de son contrat, deux sur trois dans le mois qui suit et 80 % dans les trois mois.

Certes, il reste des choses à faire. En matière de logement, il convient effectivement de mieux accompagner les apprentis qui n’habitent pas en zone frontalière. Il faut aussi développer dans notre pays l’apprentissage de l’allemand, en chute libre, et je compte sur vous pour m’y aider. Il est évidemment nécessaire d’apprendre l’anglais et l’espagnol mais sans oublier l’allemand, qui a beaucoup de locuteurs à travers le monde.

M. Frédéric Petit (Dem). Madame la rapporteure, tout le monde connaît votre engagement en faveur de la relation franco-allemande et de l’insertion. Je suis attaché pour ma part à ce que j’appelle le « franco-allemand profond », c’est-à-dire qui dépasse le cadre transfrontalier. Ce texte, dont je me réjouis, est une occasion à saisir en la matière. Son examen a été repoussé par la dissolution ; il a été adopté par le Bundestag en mai et si nos homologues allemands sont actuellement en campagne, ils n’en sont pas moins impatients que nous le votions. Le groupe Les Démocrates le soutiendra.

En matière d’apprentissage, la compétence est partagée entre État fédéral et Länder. Ce qui est dit dans l’article de l’accord relatif au comité de suivi concerne davantage les ministères des Länder que le niveau fédéral.

La mention du comité de coopération transfrontalière signifie que nous nous inscrivons dans la continuité du traité d’Aix-la-Chapelle.

Je citerai aussi l’association transfrontalière ProTandem : au-delà des problèmes logistiques, elle a pour objet de casser le premier écueil linguistique en montrant que l’allemand n’est pas une torture et qu’on peut débuter par de petits séjours.

Enfin, ce texte, qui découle de la loi 3DS, prouve que nous n’avons pas fait que des choses idiotes depuis 2017.

Vous avez parlé de cet accord comme d’une première étape avant une extension au sein de l’Union européenne. Cependant, en matière d’apprentissage, au problème de la compétence éducative s’ajoute celui de la compétence employeurs. Comment faire pour occuper un emploi qui n’est pas reconnu par sa formation ? Voilà ce qui coince au niveau européen.

À cet égard, je tiens à citer le travail réalisé par les conseillers du commerce extérieur qui, depuis des années, vont à la rencontre des entreprises allemandes. Ainsi, comment pourrions-nous étendre les compétences en matière de droit des entreprises, sujet également évoqué par Liliana Tanguy ? Un jeune de 16 ans qui s’inscrit dans un accord d’apprentissage dual en France – pour reprendre le terme employé en Allemagne – doit pouvoir être recruté par une entreprise qui n’est pas reconnue par l’organisme français.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Vous le savez, les entreprises allemandes sont très demandeuses de personnel français ; vous l’avez dit, le vote de l’Assemblée nationale est attendu côté allemand. C’était déjà le cas lors de la période 2010-2018, lorsque le taux de chômage en France était plus élevé. Aujourd’hui, en tant qu’élue alsacienne, lorsqu’une chambre de commerce allemande m’indique vouloir recruter des salariés dans la région, je tempère ses attentes car nous sommes quasiment au plein emploi dans certains bassins d’emploi.

L’accord concernera les jeunes Français souhaitant faire leur apprentissage en Allemagne, l’objectif étant bien sûr que la réciproque soit vraie. Jusqu’à présent, je reconnais qu’il y a eu moins d’Allemands pour venir faire leur apprentissage en France ; il faut parvenir à un certain équilibre.

Pour le reste, je compte sur votre aide, ainsi que sur celles des conseillers du commerce extérieur de la France, pour améliorer la coordination et bâtir des accords branche par branche, là où ils n’existent pas encore.

M. Michel Herbillon (DR). Je félicite la rapporteure pour ce texte, ainsi que pour son engagement au service de la coopération franco-allemande, de la formation et de l’insertion des jeunes. Ce projet de loi, qui aura nécessité quatre ans et demi d’efforts, a de nombreuses vertus.

D’abord pour la relation franco-allemande. Vous savez combien je suis attaché, comme vous, au sein de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, à donner un contenu concret, appréhensible et lisible à nos concitoyens, de part et d’autre du Rhin, à la coopération entre nos deux pays, dans la continuité du traité d’Aix-la-Chapelle.

Ce texte est vertueux aussi pour l’apprentissage de la langue du pays partenaire, un domaine dans lequel nous avons de grands efforts à fournir, de part et d’autre : il faudra que des initiatives soient prises au sein de l’APFA mais également de notre hémicycle. On se contente d’en parler de manière incantatoire en répétant que l’apprentissage de l’allemand recule ; il faut agir concrètement.

Le projet de loi est enfin vertueux pour la relation transfrontalière et l’apprentissage des jeunes, dont on ne dira jamais assez qu’il s’agit d’un extraordinaire passeport pour l’emploi. Les apprentis trouvent nombre d’avantages à bénéficier d’une formation pratique, et non seulement théorique. Sur ce plan, nous avons à apprendre de l’Allemagne, qui a bien plus développé que nous ce mode de formation. Beaucoup de jeunes Allemands que j’ai rencontrés dans des entreprises étaient certains d’obtenir un emploi à l’issue de leur apprentissage.

Bien entendu, il faudra suivre l’exécution de cet accord, dans l’optique d’atteindre un équilibre entre le nombre d’apprentis français et allemands et d’observer la situation au niveau des différentes branches. Je souhaite que, sur cette base, nous puissions étendre le dispositif à l’ensemble du territoire.

Vous aurez compris que mon groupe soutiendra le texte.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Vos paroles auraient pu être les miennes. Vous avez raison, la coopération franco-allemande est un engagement de tous les instants. Il faut qu’elle soit concrète et qu’elle touche la vie des gens dans leur quotidien. Grâce à ce texte, ce sera le cas et il faut se féliciter que ses dispositions concernent les jeunes et leur avenir.

J’adhère aussi à 150 % au fait que l’apprentissage représente un passeport pour l’emploi. En Alsace, mais aussi dans d’autres territoires où des entreprises allemandes ou d’origine allemande sont implantées, d’anciens apprentis sont devenus grands patrons. C’est un parcours vertueux : on peut démarrer avec un CAP et terminer chef d’entreprise.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Je m’exprimerai ici au nom du groupe Horizons. Pour avoir été rapporteure de la proposition de résolution relative au traité d’Aix-la-Chapelle, je plaide moi aussi pour le rapprochement concret des sociétés civiles. Le franco-allemand n’est pas simplement une question de choix politiques mais aussi de rapprochement à hauteur d’homme.

Dans cette perspective, pourra-t-on s’appuyer sur le fonds citoyen franco-allemand pour étendre l’accord à des jeunes éloignés des zones frontalières ? Comment résoudre certaines difficultés que rencontre ce fonds ?

Par ailleurs, quel est le nombre de contrats en cours et quels sont les objectifs en la matière ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Le franco-allemand à hauteur d’homme : voilà le meilleur résumé possible de ce texte ! Nos relations avec les autres pays doivent concerner les chefs d’État, les gouvernements, les Parlements – car je crois à la diplomatie parlementaire – mais aussi les citoyens, qu’il ne faut jamais oublier. De ce point de vue, l’instauration, à la suite du traité d’Aix-la-Chapelle, du fonds citoyen franco-allemand est une chose extraordinaire. Il nécessite d’ailleurs des financements supplémentaires tant il fonctionne bien. C’est également le cas de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj), qui n’a jamais enregistré autant de demandes de déplacements et de projets avec l’Allemagne que ces dernières années.

Le nombre de contrats était d’environ 450 au cours des années 2010-2018. Ce chiffre peut paraître faible – c’est en tout cas ce que j’entendais au ministère du travail – mais le dispositif ne faisait pas l’objet d’une grande publicité et n’était guère encouragé, faute de cadre juridique précis. Après le vote de ce texte, nous espérons dans un premier temps atteindre un chiffre comparable côté français, avant de rapidement doubler les effectifs. Je rappelle que l’accord ne concerne pas seulement les zones frontalières mais l’ensemble de la métropole.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons à présent aux interventions et questions à titre individuel.

M. Alain David (SOC). À mon tour, je salue ce projet de loi, qui renforce la coopération franco-allemande et offre à nos jeunes apprentis une ouverture professionnelle et culturelle précieuse. Cet accord est d’autant plus essentiel que l’Allemagne est notre premier partenaire commercial.

Un obstacle majeur pourrait toutefois limiter son succès : la forte baisse de l’enseignement de l’allemand en France. Selon l’association pour le développement de l’allemand en France, le nombre d’élèves apprenant cette langue a été divisé par quatre en trente ans. Alors que 22,9 % des élèves l’étudiaient en 1995, ils n’étaient plus que 14 % en 2022. Moins de 150 000 élèves ont choisi l’allemand comme première langue vivante (LV1) en 2021, contre 600 000 en 1994. Quant au nombre de professeurs, il est passé de 10 000 en 2006 à moins de 6 000 aujourd’hui.

Pour que cet accord tienne toutes ses promesses, il est essentiel de relancer l’apprentissage de l’allemand dès le collège, grâce à des mesures fortes et ambitieuses qui redonnent envie d’apprendre cette langue et qui soutiennent nos professeurs.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Avec 100 millions de locuteurs natifs, l’allemand est la langue la plus parlée en Europe. En outre, 15,4 millions de personnes l’apprennent. Elle ouvre des portes pour l’emploi, ainsi que pour apprendre d’autres langues, souvent bien plus difficiles, car elle structure le raisonnement. Je vous remercie de votre soutien au développement de son apprentissage.

M. Kévin Pfeffer (RN). Des accords-cadres intéressants, aux niveaux régional et frontalier, avaient été adoptés en 2013 entre l’Alsace et la conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur et en 2014 entre la Lorraine et la Sarre. Cependant, la réforme de l’apprentissage voulue par Emmanuel Macron en 2018 a recentralisé l’apprentissage, mettant fin à ces accords.

Cette réforme centralisatrice était mauvaise et les régions ont été progressivement réintégrées dans la gouvernance, conservant certains moyens financiers. En 2020, elles ont même perçu une somme exceptionnelle de 268 millions d’euros afin de neutraliser les effets préjudiciables de la réforme.

L’accord de Lauterbourg concerne les Länder allemands frontaliers et l’ensemble de la France métropolitaine. Comment justifiez-vous ce va-et-vient entre centralisation et décentralisation de l’apprentissage, entre exécution régionale et exécution nationale ? N’eût-il pas été préférable que l’accord ne concerne que la région Grand Est ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Pour bien connaître l’Allemagne – comme vous –, je sais que les choses ne sont pas nécessairement plus simples dans ce pays, justement en raison du partage des compétences entre l’État fédéral et les Länder. Ici, c’est d’ailleurs apparemment l’un des Länder concernés qui a bloqué l’extension du texte aux apprentis allemands de l’enseignement supérieur.

Je ne reviendrai pas sur la réforme des régions : c’est un grand débat et vous connaissez certainement mon opinion. Pour ma part, je suis très heureuse que l’accord concerne l’ensemble des apprentis français. Je crois d’ailleurs qu’un tel dispositif incitera les jeunes, quelle que soit leur région d’origine, à apprendre l’allemand. L’apprentissage transfrontalier est une pépite : il faut l’expliquer et en faire la publicité.

M. Frédéric Petit (Dem). C’est peut-être contre-intuitif mais il faut œuvrer en faveur de l’apprentissage de l’allemand première langue. L’anglais, nos jeunes l’apprendront toujours alors que ce n’est pas une langue structurante comme l’allemand – vous l’avez dit. Ma mère, agrégée d’anglais, a incité ses fils à choisir l’allemand en LV1 car elle savait que cela pourrait leur apporter autant que l’apprentissage des mathématiques. Il ne faut pas se dire que l’enjeu est déjà de sauver la deuxième langue. Sans être nécessairement dans les arcanes des associations ni du ministère de l’éducation, faisons passer le message, expliquons aux parents d’enfants scolarisés en primaire que l’allemand première langue est intellectuellement structurant.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je suis à 150 % d’accord avec vous et j’espère que tous les collègues nous aideront dans cette entreprise.

*

Article unique (autorisation de l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier, signé à Lauterbourg le 21 juillet 2023)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

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Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Les deux accords dont il est ici question s’inscrivent dans un mouvement général relatif au transport aérien impulsé par l’Union européenne (UE) dans les années 2000. Les accords de services aériens servent à définir l’ensemble des conditions dans lesquelles les liaisons aériennes peuvent être réalisées. Ils procèdent d’une compétence partagée : certaines de leurs dispositions – comme celles en matière de droit de la concurrence – renvoient à une compétence exclusive de l’Union européenne, tandis que d’autres – comme celles relatives à l’octroi des droits de trafic – relèvent encore des États.

L’accord sur la création d’un espace aérien commun avec l’Arménie, paraphé en 2017, a été signé le 15 novembre 2021. Il vise à désenclaver le pays en développant des liaisons aériennes directes avec les États membres de l’Union européenne et en lui donnant accès à leurs hubs. Il pourrait également favoriser l’essor du tourisme. Néanmoins, en raison des manquements aux règles européennes de sécurité aérienne des compagnies enregistrées à Erevan, les bénéfices à en attendre restent, pour l’heure, très limités.

L’accord avec l’Ukraine, paraphé en 2013, a quant à lui été signé le 12 octobre 2021. Son approbation a elle aussi une portée avant tout symbolique, puisque les vols commerciaux vers le territoire ukrainien sont actuellement impossibles du fait de la guerre qu’y mène la Russie. Reste qu’en 2021, plus de 4,5 millions de passagers ont voyagé entre l’Ukraine et l’Union européenne, dont 40 000 pour la France, ce qui donne une idée du potentiel des échanges couverts une fois une issue trouvée au conflit en cours.

Mme Maud Petit, rapporteure. Notre commission est appelée à se prononcer sur deux accords conclus par l’Union européenne dans le domaine aérien. Le premier a été signé le 12 octobre 2021 avec l’Arménie et le second le 15 novembre 2021 avec l’Ukraine. À ce jour, quatorze États membres ont ratifié le premier et seize le second. Le projet de loi autorisant leur approbation a été adopté par le Sénat le 5 novembre 2024.

De nombreux accords aériens avec des pays tiers ont été conclus par l’Union européenne depuis le milieu des années 2000. En mars 2024, sous la précédente législature, notre commission avait ainsi adopté un projet de loi approuvant l’accord signé avec les dix États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).

Le développement du transport aérien constitue l’un des vecteurs contribuant à pacifier les relations internationales, en améliorant la connectivité entre les pays et les continents. Le renforcement des échanges humains et économiques qui en résulte doit cependant s’inscrire dans un cadre qui comporte de nombreux enjeux : respect d’une concurrence libre et loyale entre les compagnies aériennes, sécurité et sûreté des vols, protection de l’environnement.

Dans cette perspective, les accords multilatéraux signés à l’échelle de l’Union européenne, sur la base d’un mandat confié par le Conseil à la Commission européenne, présentent un avantage majeur en ce qu’ils favorisent une stabilité et revêtent une force contraignante supérieures à celles de simples accords bilatéraux. En effet, le pays tiers avec lequel l’accord est conclu est davantage incité à respecter ses engagements dans la mesure où les mesures de rétorsion susceptibles d’être prises en cas de non-application le sont à l’échelle de vingt-sept États, ce qui renforce leur caractère dissuasif.

Les deux accords que nous examinons aujourd’hui visent à créer un espace aérien commun entre l’UE et l’Arménie pour le premier et entre l’UE et l’Ukraine pour le second. Tous deux relèvent de la politique de voisinage que l’Union mène depuis vingt ans et plus précisément du Partenariat oriental, engagé en 2009 afin de renforcer les relations avec ses voisins orientaux. Les liens avec l’Arménie et l’Ukraine se sont ainsi consolidés au cours des dernières années, notamment avec l’entrée en vigueur de l’accord de partenariat global et renforcé entre l’UE et l’Arménie en janvier 2021 et avec la décision en 2023 d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, mise à l’épreuve par la guerre d’invasion que la Russie a déclenchée en février 2022.

L’accord avec l’Ukraine a été négocié dès 2006 ; celui avec l’Arménie une décennie plus tard. Tous les deux matérialisent, symboliquement et dans les faits, la volonté de nouer des liens très forts entre l’Europe et ces États, à l’heure où des conflits mettent en cause leur intégrité territoriale.

Concrètement, les deux accords prévoient l’ouverture des droits de trafic de troisième et quatrième libertés aériennes. Les premiers autorisent une compagnie à débarquer des passagers ou des marchandises acheminés depuis l’État dont elle a la nationalité ; les seconds à embarquer des passagers ou des marchandises à destination de ce même État. Ils se substitueront aux accords bilatéraux auparavant en vigueur, qui prévoyaient une fréquence hebdomadaire maximale.

Sous réserve que l’Ukraine et l’Arménie intègrent toutes les prescriptions économiques, techniques, sociales, sécuritaires et environnementales que l’UE impose déjà aux compagnies européennes, elles disposeront partiellement des droits afférents à la cinquième liberté. Leurs compagnies pourront ainsi opérer des liaisons entre deux villes de l’Union dans le cadre d’une escale, au cours d’un vol en provenance ou à destination de leur État. Symétriquement, les compagnies européennes pourront relier l’Arménie et l’Ukraine à des pays tiers.

Les accords prévoient des mécanismes de coopération entre les États parties. Contrairement à celui passé avec l’ASEAN, ils soumettent les compagnies aériennes concernées à des obligations environnementales, notamment celle de respecter le régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale, dit « Corsia ». Ils présentent donc également l’intérêt d’imposer à l’Ukraine et à l’Arménie les standards européens, s’agissant, par exemple, de l’incorporation progressive du carburant d’aviation durable.

L’application provisoire de ces deux accords a débuté il y a près de trois ans. Les auditions que j’ai menées en tant que rapporteure m’amènent à formuler trois observations.

Premièrement, le bilan de l’accord entre l’UE et l’Arménie est prometteur. Le nombre de passagers voyageant entre les deux est passé de 700 000 en 2022 à 1,25 million au cours des onze premiers mois de 2024 ; en 2023, 100 000 ont voyagé entre Paris et Erevan. On compte vingt-quatre routes aériennes opérationnelles entre l’UE et l’Arménie, soit quatorze de plus qu’en 2019. Lors des auditions, les représentants du ministère des transports comme les acteurs privés ont souligné le succès de l’application provisoire, en particulier pour la France, où réside une communauté arménienne de quelque 500 000 personnes, ce qui augure un développement favorable.

À ce jour, toutefois, la libéralisation profite aux seules compagnies européennes, les compagnies arméniennes étant encore inscrites sur la liste noire de l’UE. Leur sortie n’est pas envisagée à court terme, même si la France finalise avec l’Arménie un accord de coopération visant la dispense de formations sous l’autorité de l’École nationale de l’aviation civile (ENAC).

Deuxièmement, l’accord entre l’UE et l’Ukraine n’a pu entrer en application en raison de la guerre avec la Russie, qui a provoqué la suspension des vols réguliers entre les deux. Néanmoins, pour soutenir les compagnies ukrainiennes, durement affectées, les États membres les ont autorisées à exploiter certaines liaisons aériennes entre des villes de l’Union. Cette souplesse leur a été accordée pour que les pilotes et les équipages maintiennent leur niveau professionnel et conservent leurs qualifications, en vue de la reprise de leur activité à la fin de la guerre.

Troisièmement, les procédures de ratification propres à chaque État membre, s’échelonnant souvent sur plusieurs années, rendent nécessaire une application provisoire des accords à partir de leur signature, afin qu’ils ne restent pas lettre morte. En effet, plusieurs étapes se succèdent de la négociation à la ratification, en passant par le paraphe et la signature. Cette situation n’est pas satisfaisante, notamment parce que cela complexifie le contrôle du respect des stipulations. L’enjeu est également démocratique : en vertu de l’article 53 de la Constitution, seul le vote du Parlement garantit que la France consent souverainement à l’entrée en vigueur des accords, en l’espèce plus de trois ans après leur signature. Il n’existe pas de solution miracle à ce problème ; on pourrait seulement envisager que le gouvernement présente dans les meilleurs délais au Parlement les projets de loi d’approbation.

Au-delà de la volonté légitime et louable de renforcer les liens qui unissent l’UE à l’Arménie et à l’Ukraine, les deux accords vont dans le bon sens, en particulier s’agissant du respect des acquis communautaires. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.

Mme Alexandra Masson (RN). Les accords relatifs à la création d’un espace aérien commun conclus avec l’Arménie et avec l’Ukraine relèvent du mouvement de libéralisation des services aériens. Ils garantissent l’ouverture des droits de trafic, sous réserve que l’Arménie et l’Ukraine respectent les règles de sécurité, de sûreté et de gestion de l’UE. Les autorisations d’exploitation resteront sous l’autorité des États, en France par l’intermédiaire de la direction générale de l’aviation civile (DGAC). Les vols depuis et vers l’Ukraine et l’Arménie ne seront plus limités en nombre ; la coopération avec ces pays sera accrue.

Le développement du transport aérien est un puissant vecteur de stabilité géopolitique ; l’amélioration de la connexion avec l’Ukraine est prometteuse pour la période qui suivra la résolution du conflit.

Les compagnies aériennes sont, pour le moment, les seules bénéficiaires de la libéralisation mais celle-ci sera également favorable à nos plateformes aéroportuaires nationales. La France est une nation phare de l’aviation. Elle est l’un des seuls pays à disposer d’une industrie aéronautique complète et elle abrite de grands constructeurs, des plateformes, des motoristes et des compagnies aériennes de premier rang. Plus de 1,142 million d’emplois dépendent directement ou indirectement de l’aviation. Je suis élue dans les Alpes-Maritimes : l’aéroport Nice-Côte-d’Azur est la troisième plateforme de France, après Roissy et Orly. Les activités aéroportuaires et aéronautiques y emploient directement près de 4 900 personnes, 97 600 indirectement ; elles augmentent le produit intérieur brut (PIB) de 5,5 milliards d’euros. En tant que destination aérienne, Nice bénéficie d’une attractivité économique nationale et européenne.

Les membres du groupe Rassemblement national sont favorables au projet de loi.

Mme Maud Petit, rapporteure. Je partage vos propos.

Il convient de relever que l’Ukraine dispose d’une industrie aéronautique très puissante. Les accords prévoient un partenariat et un soutien réciproque des industries dans ce domaine.

Mme Eléonore Caroit (EPR). Comme l’a souligné dès 1944 le préambule de la convention de Chicago, texte fondateur de l’aviation civile, le développement et la libéralisation du transport aérien sont des facteurs de paix et de prospérité.

Sur le plan économique, ces accords devraient faire augmenter un trafic aérien déjà significatif : en 2021, plus de 230 000 passagers ont voyagé entre l’UE et l’Arménie, près de 4,5 millions entre l’Ukraine et l’UE. Les retombées touristiques pourraient être fortes.

Les espaces aériens de ces deux pays seront soumis aux normes européennes, qui garantissent une concurrence équitable, des exigences de sécurité et de sûreté élevées et l’application de règles harmonisées afin de mieux protéger les consommateurs et les travailleurs du secteur.

Enfin, dans chaque texte, une clause environnementale prévoit que l’Ukraine et l’Arménie s’engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien, posant les bases d’une future coopération internationale dans ce domaine. Cette démarche participe pleinement à la stratégie environnementale de la France et de l’UE.

Ainsi, ces accords nous offrent l’occasion de réaffirmer notre soutien à l’Ukraine et à l’Arménie tout en continuant à développer des relations positives et fructueuses. C’est pourquoi je vous invite à les soutenir.

Mme Maud Petit, rapporteure. Si la situation géopolitique a empêché l’application de l’accord avec l’Ukraine, il n’en va pas de même s’agissant de celui conclu avec l’Arménie. Le nombre de vols augmente, ce qui est bénéfique. Espérons que la guerre en Ukraine se termine rapidement et que les échanges de passagers et de fret reprennent. Je précise toutefois que le transport de marchandises est marginal : la voie aérienne étant trop coûteuse, le développement des transports routier et ferroviaire est privilégié.

En ce qui concerne la dimension environnementale, je souligne que l’Ukraine et l’Arménie sont volontaires pour respecter les exigences de l’UE.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Mes pensées vont aux peuples ukrainien et arménien, victimes des ambitions expansionnistes d’un régime autoritaire et d’une guerre d’agression sanglante qui a provoqué des milliers de morts et l’exode de millions de personnes. Nous espérons que les canons se tairont bientôt et que le peuple ukrainien connaîtra la paix la plus juste possible.

La situation politique empêchera d’appliquer avant plusieurs années les accords que nous examinons, alors que leur négociation s’est conclue en 2013 pour l’Ukraine, et en 2017 pour l’Arménie ; le Sénat a même reconnu la portée purement symbolique du premier.

Vous avez évoqué les enjeux climatiques. Il est vrai que les textes prévoient une clause relative à la lutte contre le réchauffement mais aucune sanction en cas de non-respect. Un cyclone vient de dévaster Mayotte et Los Angeles est en feu : les obligations devraient être plus contraignantes.

J’émets également une réserve en matière de droit du travail. Si l’accord conclu avec l’Arménie se réfère aux conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT), ce n’est pas le cas de celui avec l’Ukraine ; or les conditions de travail ne cessent de se dégrader et la précarité augmente. Il est regrettable de ne pas pouvoir faire au moins référence aux grands traités qui encadrent ce droit.

Pourtant, le délai avant la pleine application des accords était suffisant pour négocier des conditions plus ambitieuses en matière sociale et environnementale.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons.

Mme Maud Petit, rapporteure. Je partage votre point de vue, cher collègue. Néanmoins, l’Arménie et l’Ukraine ont consenti beaucoup d’efforts en faveur de l’environnement ; la situation est encore perfectible mais elles font preuve de bonne volonté pour respecter les normes européennes, contrairement à des États signataires d’autres accords, en particulier le Qatar. Certes, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’introduction des carburants verts prendront du temps mais ces mesures vont dans le bon sens.

Il est vrai que les textes n’accordent pas une place spécifique au droit du travail. Dans ce domaine, chaque État a sa propre législation. Nous voulons que l’Ukraine et l’Arménie tendent à respecter les normes sociales de l’UE ; c’est un travail de longue haleine et il faudra les y aider.

M. Pierre Pribetich (SOC). Les accords de service aérien procèdent d’une compétence partagée entre l’UE et ses États membres. Ceux qui nous intéressent visent à créer un espace aérien commun avec l’Arménie et avec l’Ukraine et consistent donc essentiellement en un message symbolique fort. Toutefois, malgré le renforcement de la coopération dans les domaines environnemental et social, les membres du groupe socialiste regrettent que les objectifs soient peu ambitieux alors qu’il s’agit d’un élément essentiel pour accélérer l’intégration, que nous souhaitons, de ces États à l’UE. Nous notons toutefois la possibilité pour chaque partie de demander la convocation d’une réunion du comité mixte afin d’examiner ces questions.

Le 9 janvier 2025, le gouvernement d’Erevan a approuvé un projet de loi visant à demander l’adhésion de l’Arménie à l’UE ; la Commission a réagi le 13 janvier en déclarant : « L’Arménie et l’Union européenne n’ont jamais été aussi proches qu’aujourd’hui ». Dans le contexte de conflit armé que nous connaissons et dans la perspective de l’adhésion des deux pays concernés, ces accords expriment le soutien de la France et de l’UE à leur égard. Nous voterons donc le projet de loi.

Mme Maud Petit, rapporteure. Le symbole est essentiel. Je précise toutefois que l’accord avec l’Arménie est déjà en application même si sa mise en œuvre est compliquée par le fait que les compagnies aériennes arméniennes sont sur la liste noire de l’UE, ne respectant pas pleinement à ce jour les normes de sécurité. Les liaisons ne peuvent donc être assurées que par des compagnies extérieures.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Quatorze pays ont déjà ratifié l’accord avec l’Arménie, seize celui avec l’Ukraine : c’est la suite logique du processus de coopération que l’UE a entamé il y a plusieurs années avec ces États. Dans le cadre de la politique de bon voisinage, ces accords renforcent les liens de l’Union avec deux pays alliés, menacés par l’appétit de leurs voisins russe et azerbaïdjanais : c’est une façon de les soutenir. De plus, ils faciliteront les déplacements des diasporas concernées, très présentes en Europe.

Les clauses sécuritaires, sociales et environnementales vont dans le bon sens ; les dernières atténuent les inquiétudes que nous éprouvons quant à la hausse de l’impact carbone qu’entraînera l’augmentation du trafic aérien.

Ce projet de loi a une forte portée symbolique ; nous voterons pour.

Mme Maud Petit, rapporteure. Nous ne pouvons qu’apprécier la volonté des deux États concernés d’appliquer les normes européennes. L’impact carbone nous concerne tous, nous devrons évidemment nous montrer vigilants dans ce domaine.

Mme Anne Bergantz (Dem). Parce qu’il favorise la circulation des biens et des personnes, le développement du transport aérien renforce les liens entre les États et joue un rôle majeur de pacification. Aussi l’Union européenne a-t-elle signé plusieurs accords de coopération aérienne avec les États voisins depuis les années 2000 ; nous étudions aujourd’hui les deux plus récents.

Ils permettront d’abord de densifier le trafic, ce qui contribuera à désenclaver l’Arménie en l’ouvrant davantage au tourisme et aux affaires avec l’Europe. Les premiers résultats sont déjà visibles : entre 2019 et 2024, le trafic aérien avec l’Arménie a été multiplié par quatre. La situation avec l’Ukraine est différente puisque l’invasion russe a rendu impossible tout vol régulier ; l’accord prendra néanmoins tout son sens après la guerre, lorsque les 4 millions de personnes réfugiées en Europe souhaiteront accéder à nouveau à leur pays.

Les accords obligeront les pays signataires à se conformer aux règles européennes relatives à la sécurité, à la sûreté et au respect de l’environnement. Quelles initiatives les compagnies aériennes arméniennes ont-elles prises pour se rapprocher de nos critères de sécurité afin de sortir de la liste noire ?

Même si la situation géopolitique empêchera probablement la pleine application de ces accords avant plusieurs années, les membres du groupe Les Démocrates saluent la portée symbolique du texte. Il nous offre l’occasion de réaffirmer la volonté de la France de soutenir le rapprochement avec l’Arménie et l’Ukraine et de tracer le chemin d’une plus grande intégration commerciale et réglementaire.

Nous voterons donc en faveur de ce projet de loi.

Mme Maud Petit, rapporteure. La sortie des compagnies arméniennes de la liste noire n’est pas envisagée à court terme. La France et l’Arménie finalisent un accord de coopération qui vise à les aider. Celui-ci comporte trois axes, le premier étant constitué des formations dispensées sous l’autorité de l’ENAC.

Selon le deuxième axe, l’Arménie doit établir une collaboration avec des experts internationaux. Elle a conclu des accords de travail avec l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et avec l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), afin de rendre les réglementations arméniennes cohérentes avec les normes européennes et internationales et de faciliter le déploiement de programmes de formation conformes aux standards mondiaux. Par ailleurs, elle doit prendre part à des conférences internationales. En novembre 2014, une délégation arménienne a ainsi participé à une conférence en Indonésie, où elle a conclu des accords avec les autorités de l’aviation de plusieurs pays, toujours pour renforcer ses formations.

Enfin, l’accord prévoit des programmes de formation plus structurés, pour les pilotes comme pour les personnels techniques. Par exemple, des techniciens responsables de l’entretien des avions reçoivent des formations adaptées sur les systèmes aéronautiques modernes. Les inspecteurs de sécurité sont également concernés. J’espère que les compagnies arméniennes pourront ainsi rapidement être autorisées à opérer des liaisons dans le cadre des accords que nous examinons.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons à présent aux questions et interventions à titre individuel.

M. Michel Guiniot (RN). Pour l’heure, l’Italie et la Slovaquie n’ont ratifié d’accord qu’avec l’Ukraine. Où en sont les tractations dans ces pays concernant la ratification de l’accord avec l’Arménie ?

Par ailleurs, le 6. de l’article 8 de l’accord avec l’Arménie interdit expressément aux parties d’accorder des subventions ou des aides aux entreprises du secteur. Si l’accord avec l’Ukraine prévoit également une telle interdiction – à l’article 26 –, il l’accompagne de dérogations, énumérées à l’annexe VII. Ainsi, alors que l’accord avec l’Ukraine permet la compensation de pertes d’exploitation, ce n’est pas le cas de celui avec l’Arménie. Il y a quelques années, Air France a bénéficié d’une aide gouvernementale pour compenser la perte d’activité liée au Covid. Une telle aide pourra-t-elle encore être versée, avec un tel accord ?

Mme Maud Petit, rapporteure. Nous n’avons pas d’information sur la date des prochaines ratifications mais l’Italie et la Slovaquie devraient ratifier l’accord avec l’Arménie assez rapidement ; je souhaite que ce soit cette année, en tout cas.

Le droit de l’Union européenne s’appliquera de toute façon. L’Arménie et l’Ukraine ont manifesté leur volonté de le respecter – ce deuxième pays en particulier car il souhaite intégrer l’Union européenne d’ici quelques années.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Ces accords permettront de développer les relations de l’Union européenne avec l’Arménie et l’Ukraine, pays que la France n’a cessé de soutenir dans un contexte régional très tendu.

Pourriez-vous compléter votre réponse sur l’aide à ces pays en matière de sécurité ? Par ailleurs, les retombées économiques de ces accords pour les deux pays, l’Arménie en particulier, et les États membres de l’Union européenne ont-elles été évaluées ?

Mme Maud Petit, rapporteure. Dans le domaine de la sécurité, c’est-à-dire de la couverture des risques d’accidents, les formations dispensées et les moyens alloués afin de permettre le retrait des compagnies aériennes arméniennes de la liste noire établie par Bruxelles ont permis d’importants progrès.

Sur le plan économique, l’accord avec l’Arménie profitera surtout à la France et aux autres pays membres de l’Union européenne car les compagnies aériennes arméniennes sont actuellement interdites de vol sur notre territoire.

Quant à l’Ukraine, la situation est en suspens, comme vous le savez.

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Article 1er (autorisation de l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, signé à Bruxelles le 15 novembre 2021)

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 (autorisation de l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part, signé à Bruxelles le 12 octobre 2021)

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Elle adopte ensuite l’ensemble du projet de loi sans modification.

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La séance est levée à 12 h 45.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, Mme Anne Bergantz, Mme Véronique Besse, M. Jorys Bovet, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, Mme Sophia Chikirou, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, Mme Stella Dupont, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. David Guerin, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. François Hollande, M. Vincent Jeanbrun, M. Alexis Jolly, Mme Sylvie Josserand, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, M. Laurent Mazaury, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Pierre Pribetich, M. Remi Provendier, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, M. Boris Tavernier, M. Vincent Trébuchet, M. Lionel Vuibert

 

Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, M. Hervé Berville, M. Bertrand Bouyx, Mme Christelle D'Intorni, M. Perceval Gaillard, M. Harold Huwart, Mme Marine Le Pen, Mme Nathalie Oziol, Mme Mathilde Panot, M. Davy Rimane, M. Laurent Wauquiez

 

Assistait également à la réunion. - Mme Sylvie Bonnet