Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

– Audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes, sur la 3e conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3) à Nice, du 9 au 13 juin 2025              2

 


Mercredi
19 mars 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 45

session ordinaire 2024-2025

Présidence
de Mme Éléonore Caroit,
Vice-présidente


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes, sur la 3e conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3) à Nice, du 9 au 13 juin 2025.

La séance est ouverte à 9 h 05.

Présidence de Mme Éléonore Caroit, vice-présidente.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes, pour évoquer la 3e conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3) qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin.

Monsieur l’ambassadeur, vous présentez un profil peu commun au sein de notre représentation diplomatique. Vous êtes l’auteur de divers romans et essais, principalement autour de l’aventure maritime et regroupés dans L’Odyssée des marins, mais vous êtes aussi un homme de théâtre et vous avez lancé en 2005 à Toulouse la première édition du Marathon des Mots, un festival international à la croisée de la parole et du texte. Vous avez également dirigé France Culture de 2010 à 2015.

Vous avez exercé différentes fonctions dans le réseau culturel français à l’étranger, en tant que directeur du Centre culturel français d’Alexandrie, directeur de l’Institut français de Prague, directeur de l’Institut français du Royaume-Uni et conseiller culturel à Londres. Vous êtes aussi à l’origine de la préfiguration de l’Institut français. Ambassadeur chargé de l’attractivité culturelle de la France, vous avez initié en 2016 le Grand Tour, une manifestation qui regroupe cinquante rendez-vous culturels, touristiques, économiques participant à l’attractivité du territoire français. Vous avez été ambassadeur de France en Tunisie jusqu’en 2020 et, depuis, vous êtes notre ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes. Dans le cadre de vos fonctions actuelles, vous avez organisé le One Planet - Polar Summit en 2023 à Paris, un événement qui a marqué une prise de conscience importante concernant la préservation des pôles et de la cryosphère.

La 3e conférence des Nations unies sur l’océan, organisée par la France et le Costa Rica, sera précédée d’une séquence de mobilisation mondiale « We are the ocean » dès le 28 mai et de trois événements : le congrès sur les sciences de l’océan à Nice du 4 au 6 juin, le forum de l’économie bleue et de la finance à Monaco les 7 et 8 juin, et la conférence dédiée à la coalition contre la montée des océans et pour la résilience côtière, à Nice le 7 juin. Une délégation de notre commission sera présente, et j’invite les membres de notre commission à y participer même à titre individuel ou dans le cadre de l’initiative « Parlementaires pour la mer ».

La France entend faire de l’UNOC 3 un rendez-vous majeur, à la mesure de ce qu’a représenté la conférence de Paris en 2015. Accueillant 30 000 participants dont une centaine de chefs d’État ou de gouvernement, cette conférence aboutira à l’adoption d’un plan d’action pour les océans, composé d’une déclaration politique des États et d’engagements volontaires de tous les acteurs.

L’un des principaux enjeux de l’UNOC 3 porte sur la ratification du traité sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Ce traité, dit traité BBNJ pour Biodiversity Beyond National Juridiction, a été adopté à l’unanimité le 19 juin 2023, après plus de vingt ans de négociations. Il vise à protéger la biodiversité marine en haute mer, en prévoyant notamment l’obligation de réaliser des études d’impact environnemental, la création d’aires marines protégées reconnues par la communauté internationale, l’instauration de systèmes d’accès aux ressources génétiques marines et le transfert de technologies marines vers les pays en développement.

Notre commission a voté à l’unanimité le projet de loi autorisant la ratification du texte il y a un an, grâce au travail de nos collègues M. Hervé Berville, alors secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité, et M. Jimmy Pahun, rapporteur du texte. La loi a été promulguée le 13 novembre 2024. L’entrée en vigueur du traité BBNJ requiert une ratification par soixante pays. À ce jour, 112 pays ont signé le texte, mais seulement vingt l’ont ratifié. Nous sommes par conséquent engagés dans une véritable course contre la montre pour atteindre les quarante ratifications manquantes avant le grand rendez-vous niçois.

Monsieur l’ambassadeur, vous pourrez partager avec nous l’état d’avancement de ce travail de persuasion pour obtenir les ratifications manquantes. Pourriez-vous également vous faire le relais de « Parlementaires pour la mer » que je porte dans le cadre de l’UNOC 3 ? Je rappelle que cette initiative vise à rassembler les parlementaires autour de l’objectif de ratification du traité BBNJ, aussi ambitieux qu’essentiel puisque la haute-mer représente plus de 60 % de la surface des océans et près de la moitié de la surface de notre planète.

Au-delà de l’objectif lié de ratification du BBNJ, quelles autres avancées pouvons-nous espérer de l’UNOC 3 ? Cette conférence permettra-t-elle de progresser sur les négociations d’un traité international contre la pollution plastique, après l’échec des négociations à Busan ? Par ailleurs, un renforcement du moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins, un sujet sur lequel la France a su faire entendre sa voix, est-il envisageable ?

Avant de vous laisser la parole, monsieur l’ambassadeur, je précise que cette audition se déroulera sans intervention d’orateurs de groupe mais sous la forme de questions individuelles d’une minute trente, suivies des réponses de M. Poivre d’Arvor. L’objectif est d’entretenir un dialogue ouvert et informel, et surtout de susciter l’intérêt de tous nos parlementaires et concitoyens pour le rendez-vous de l’UNOC 3.

M. Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes. J’aimerais avant tout exprimer ma reconnaissance aux parlementaires qui ont permis la ratification du traité BBNJ. Il était particulièrement important que le pays organisateur de l’UNOC 3 donne l’exemple. Les Français ont la mer au cœur, parce que la France est un grand pays maritime, disposant du deuxième domaine maritime mondial avec plus de 10 millions de kilomètres carrés, soit environ vingt fois la surface de son territoire terrestre. Cette position lui confère des droits, mais aussi des responsabilités considérables.

L’UNOC 3 est seulement la troisième conférence des Nations unies sur l’océan après les éditions de 2017 à New York et de 2022 à Lisbonne. C’est dire si l’appréhension de l’océan comme question globale est assez récente. L’océan a surgi dans les affaires du monde il n’y a pas si longtemps, en 1982, lorsque fut signée la convention des Nations unies sur le droit de la mer à Montego Bay. À ce moment-là les États ont découvert ce que représentait l’océan. Si j’osais une comparaison triviale, je dirais qu’ils ont pris conscience qu’ils vivaient autour d’une piscine et ont convenu de la manière dont ils allaient disposer des bords de cette piscine, sous forme de zones économiques exclusives (ZEE). Selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), si l’océan était un pays, il représenterait en termes de produit intérieur brut (PIB) la cinquième puissance économique mondiale aujourd’hui, et probablement la quatrième à l’horizon 2035. Pourtant, notre connaissance de la mer, de sa richesse et de ses ressources, demeure très limitée.

L’étendue de son domaine maritime confère à la France la responsabilité d’assumer sa souveraineté, ce qu’elle fait avec talent, je crois, et depuis très longtemps. Ce domaine maritime, qui est avant tout ultramarin, lui procure une profondeur stratégique exceptionnelle et lui permet de développer une stratégie indopacifique, puisqu’il la positionne comme nation subarctique grâce à Saint-Pierre-et-Miquelon et subantarctique grâce à ses territoires australs et antarctiques. Il renforce également sa puissance militaire, ce qui est particulièrement significatif dans le contexte actuel, et son statut international, notamment au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, dont les cinq pays membres comptent parmi les plus grandes puissances maritimes. Parmi eux, la France se distingue comme la seule véritable puissance d’équilibre dans le domaine maritime, excellant dans la recherche scientifique et dans la cartographie, particulièrement dans les régions polaires. L’accord de Paris a illustré la manière dont la France exerce ce rôle de puissance d’équilibre.

L’UNOC 3 est la première conférence des Nations unies organisées en France depuis la COP21 sur le climat en 2015. Il s’agit d’un immense privilège. Cette conférence réunira les 196 pays membres des Nations unies, en présence de nombreux chefs d’État ou de gouvernement, y compris de pays sans littoral parce que, d’une manière ou d’une autre, chacun dépend de la mer.

Plus que toute autre conférence internationale, plus que les conférences des parties (COP), l’UNOC 3 devrait constituer une réussite. L’océan est en effet bien plus aisé à entretenir, parce qu’il correspond avant tout à du territoire. Et chacun, depuis sa ZEE, depuis son bord de piscine, est en mesure de contribuer au bon entretien de la piscine. Il existe un élan partagé au niveau mondial sur la protection du milieu marin, avec la création d’aires marines protégées et la réduction du chalutage dans ces zones.

Le traité BBNJ ne concerne pas moins de 45 % de la surface du globe. Cet acte législatif majeur instaure une gouvernance jusqu’alors inexistante ou quasi inexistante, sur un territoire auparavant dépourvu de toute régulation. Cette gouvernance pourra s’exercer si nous obtenons les soixante signatures nécessaires. Nous nous mobilisons tous pour atteindre cet objectif, et je tiens à saluer votre contribution à travers vos efforts en matière de diplomatie parlementaire.

L’opinion publique ne perçoit pas toujours à l’avance l’importance de ce type d’événement, comme ce fut le cas pour la COP21. Pourtant, la prise de conscience des enjeux climatiques est désormais globale. Réussir l’UNOC 3 et ratifier le traité BBNJ représenterait un succès considérable, et nous l’obtiendrons ensemble.

L’UNOC 3 ouvrira la voie à l’organisation de la première « COP océan », dans un an et demi. Après la haute mer, le sujet sera celui des grands fonds marins. À cet égard, je tiens à apporter une précision importante : c’est le président de la République lui-même qui a décidé, seul et de manière inattendue, d’annoncer à Lisbonne son souhait d’interdire l’extraction minière dans les grands fonds marins. Cette annonce, discrète, a été à peine entendue, mais elle a ensuite suscité de nombreuses réactions. Nous appliquons cette interdiction dans notre ZEE, à la satisfaction des territoires concernés, notamment la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie. Nous souhaitons étendre cette position à l’échelle internationale. Dans les zones de haute mer, l’extraction dans les grands fonds marins ne nous semble pas urgente. Elle pourrait être envisagée à l’avenir si nécessaire et si un modèle économique viable devait être trouvé, mais surtout lorsque nous aurons la certitude de ne pas détruire ce plancher océanique si précieux, riche en puits de carbone, dont l’altération pourrait causer des dommages incalculables.

L’UNOC 3 doit faire la fierté de la France. Bien que notre pays ait découvert tardivement son potentiel maritime par rapport à d’autres nations, nous sommes aujourd’hui un acteur majeur dans ce domaine. C’est une source de fierté pour tous les Français et tous les élus, toutes tendances confondues. La conférence abordera des enjeux économiques cruciaux pour nos entreprises, grandes et petites, ainsi que pour l’innovation. Des sujets essentiels tels que la pêche et l’aquaculture seront traités, avec des débats sur le niveau de protection de nos aires marines.

Mais l’UNOC 3 est avant tout un événement d’envergure internationale. En tant que puissance diplomatique, notre objectif est d’obtenir des succès concrets. Le premier d’entre eux est la ratification du traité BBNJ. Mais il n’est pas le seul. Nous aurons en effet à cœur d’avancer sur d’autres accords actuellement suspendus à leur ratification, notamment les accords conclus dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la lutte contre la pêche illégale et la surpêche.

L’océan est devenu un enjeu de puissance majeur. Les revendications du président Trump sur le Groenland et le canal de Panama, de même que les actions américaines pour sécuriser le passage de Suez, illustrent l’importance géopolitique croissante des océans. L’ouverture à la navigation commerciale, d’ici quinze à vingt ans, de la route du Nord, sur laquelle la Russie est souveraine à 80 %, représente un autre enjeu d’importance. En effet, aux perspectives économiques considérables liées au transport maritime s’ajoute le potentiel d’accès à d’importantes ressources d’hydrocarbures que comptent bien exploiter les États-Unis et la Russie, dont les hydrocarbures en Arctique représentent 18 % du PIB. Nous ne traiterons pas directement ces enjeux stratégiques lors de l’UNOC 3, mais ils seront abordés à travers des questions cruciales telles que les câbles sous-marins et la sécurité maritime. D’ailleurs la France excelle dans ces domaines, grâce à des entreprises comme Alcatel, Orange, nos chantiers navals ou au géant du transport maritime CMA CGM.

L’Europe dispose d’un levier formidable pour affirmer pacifiquement sa force à l’échelle mondiale. La Commission européenne présentera à Nice le pacte européen pour les océans, une initiative majeure couvrant des domaines comme la pêche et l’exploration scientifique. Le président de la République a proposé à cette occasion le lancement d’une mission internationale d’envergure, baptisée Mission Neptune, prévue pour 2026. Cette campagne d’exploration océanique, la plus ambitieuse jamais entreprise, réunira l’Europe, le Brésil, le Mexique, Monaco, la Norvège, le Royaume-Uni ou encore l’Inde. Elle mobilisera pour les quinze années à venir les agences spatiales et océanographiques de ces pays, avec le soutien de la Commission européenne et de philanthropes. Ce projet vise à approfondir notre connaissance de la planète bleue, cette planète plus accessible et plus profitable à tous que ces lointaines planètes où certains rêvent d’envoyer des fusées et des voitures électriques.

Par ailleurs, un sommet Méditerranée-Golfe sera organisé sur la connectivité numérique, électrique et maritime. Un autre sommet, présidé par le Maroc, sera consacré à l’Afrique bleue et à ses relations avec l’Europe. Durant ces cinq jours de conférences, dix grands panels d’experts élaboreront l’accord de Nice pour l’océan, qui devrait être aussi ambitieux que l’accord de Paris. Certes il ne sera pas contraignant, mais il pourrait le devenir à l’occasion de la première COP Océan en 2026.

L’Organisation maritime internationale (OMI) annoncera prochainement son plan de décarbonation du transport maritime, avec un objectif zéro carbone à l’horizon 2050, devançant ainsi le secteur aérien. Cette initiative mondiale démontre que l’océan, loin d’être un problème, est une solution à portée de main. La France, en tant qu’organisatrice de l’UNOC 3, joue un rôle majeur dans ce domaine, et j’insiste encore une fois : les Français pourront être fiers du travail mené, comme ils ont été fiers d’avoir accueilli les Jeux olympiques l’été dernier.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Avant de donner la parole aux intervenants, je tiens à souligner le travail transpartisan effectué au sein de notre commission sur la question des océans. Ce sujet a su nous rassembler largement au cours des dernières années, à travers des discussions sur des propositions de résolution votées à l’unanimité, notamment sur l’interdiction de l’exploitation minière des océans, la lutte contre les plastiques, ou encore les questions polaires.

Dans le cadre de la mission de mobilisation que je mène auprès des parlementaires, je constate que, dans d’autres pays, les parlementaires engagés sur ces questions ne sont généralement pas membres de la commission des affaires étrangères, ce sujet étant souvent perçu comme technique ou relevant du développement durable. À l’Assemblée nationale, notre commission, en collaboration avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, a su saisir l’enjeu maritime par le prisme international, et j’estime que nous pouvons en être fiers. C’est pourquoi je tiens à remercier les députés de tous les partis d’avoir insisté pour constituer la délégation qui se rendra à la conférence de Nice.

Mme Pascale Got (SOC). La 3e conférence des Nations unies sur l’océan s’inscrit dans un contexte d’urgence écologique où la préservation des écosystèmes marins devient un défi mondial. Nous nous trouvons à un tournant décisif pour la gouvernance de l’océan.

Le contexte international est marqué par de fortes tensions, mais des avancées ont été obtenues ces dernières années avec une trajectoire de décarbonation du transport maritime et la conclusion de deux accords historiques, l’un déjà signé, le traité BBNJ, l’autre en préparation, le traité mondial contre la pollution plastique. Une prise de conscience collective émerge autour de questions vitales pour des centaines de millions de personnes dépendant des océans : l’emploi, l’alimentation et l’innovation.

L’objectif annoncé de traduire les ambitions pour l’océan dans un cadre universel onusien laisse espérer une conférence de Nice tournée vers l’action, avec des engagements concrets en matière de protection de la biodiversité marine et de régulation des activités économiques en haute mer. Mais le passage des déclarations aux actes dépendra aussi du suivi des engagements pris par les États. Quels leviers concrets permettront d’assurer le respect de ces engagements et d’éviter que des décisions ne restent lettre morte ?

Par ailleurs, la France a historiquement défendu une approche multilatérale et solidaire dans la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité. La gouvernance des océans sera d’autant plus efficace qu’elle sera plus démocratique et inclusive, associant pleinement les pays du Sud, souvent les plus touchés par le changement climatique et les conséquences écologiques. Quelles initiatives concrètes la France défendra-t-elle à l’UNOC 3 pour garantir aux pays vulnérables un accès équitable aux financements et aux ressources scientifiques ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. Le traité contre la pollution plastique ne sera pas signé à Nice et, à vrai dire, la perspective d’une signature est encore lointaine, car certains grands pays producteurs d’énergie fossile ou d’hydrocarbures, comme l’Arabie saoudite, se montrent réticents. Cependant, nous espérons obtenir un engagement des pays méditerranéens en matière de production de plastique, et non de recyclage.

Concernant l’inclusivité, il convient de rappeler que ce sont les petits États maritimes qui ont sonné l’alerte, et non les grands pays. Parmi les quatre-vingts chefs d’État et ou de gouvernement attendus à Nice, une quarantaine représentera ces États petits par la surface terrestre, mais grands par leur ZEE, et dont l’existence même est menacée par la montée des eaux. Nos territoires d’outre-mer seront également présents pour témoigner.

Lorsque j’ai pris mes fonctions d’ambassadeur, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) faisait état de prévisions d’élévation du niveau de la mer de l’ordre de 80 centimètres à l’horizon 2100. Quatre ans plus tard, ces prévisions ont été révisées à 1,10 mètre, voire 2 mètres. Les conséquences pour les zones littorales seront évidemment considérables.

Nous prévoyons des mécanismes de compensation pour permettre l’adaptation des petits pays. Ces mesures vont jusqu’au déplacement de populations, notamment pour trois États du Pacifique dont, malheureusement, la disparition physique est probable d’ici dix ans.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Mayotte a été récemment frappée par plusieurs cyclones, qui ont causé des submersions marines. De plus, l’apparition d’un volcan sous-marin accélère l’enfoncement de l’île, particulièrement en Petite-Terre. 90 % de la population mahoraise vit sur le littoral, et nous observons un recul important des zones non submergées. Quelles mesures seront envisagées lors de la conférence de Nice pour les populations ultramarines françaises impactées par la montée des eaux ?

Par ailleurs, nous savons que la pêche est essentielle à la sécurité alimentaire et à l’équilibre nutritionnel des populations vivant dans les territoires insulaires. Or le passage des cyclones a détruit une grande partie de la maigre flotte de pêche à Mayotte. Comment la France positionne-t-elle ses territoires ultramarins face à la concurrence déloyale exercée sur ses ressources halieutiques ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. M. Mohamed-Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, et M. Valls, ministre des outre-mer, présideront à Nice un sommet de trois jours consacré à la condition insulaire et aux opportunités économiques qu’elle offre, en s’inspirant d’exemples comme Maurice, qui a réussi à se développer grâce à son port franc et à son tourisme. Mayotte, qui abrite le plus grand parc naturel français, mérite un investissement dans le domaine scientifique à la hauteur du trésor que constitue cette île. Sur les questions de développement économique, nous envisageons des échanges d’expériences avec les îles de la Caraïbe, notamment dans le secteur touristique qui semble encore sous-exploité à Mayotte.

Je ne peux guère m’exprimer davantage sur Mayotte, étant par ma fonction en charge de questions internationales, et non de sujets franco-français, mais je sais que les outre-mer seront au cœur de la conférence. Le président de la République a invité ses représentants, comme il l’a fait pour les îles du Pacifique et de l’océan Indien. J’espère qu’ils saisiront cette opportunité pour s’exprimer.

M. Michel Herbillon (DR). La France a déposé le 5 février auprès du secrétaire général des Nations unies son instrument de ratification du traité BBNJ. Elle achève ainsi le processus de ratification du traité et agit pour atteindre les soixante ratifications nécessaires à son entrée en vigueur d’ici la conférence de juin prochain. J’aimerais savoir si, à titre personnel, vous êtes confiant quant à l’entrée en vigueur de cet accord qui est absolument nécessaire.

Par ailleurs, j’ai pu constater, en rédigeant pour cette commission un rapport d’information sur les enjeux et la place de la France dans la zone indopacifique, de fortes tensions liées à la pêche illicite, qui représente près de 30 % des prises dans le monde. Cette pêche illégale a des conséquences dramatiques pour les réserves halieutiques, compte tenu des moyens colossaux déployés par la Chine, qui possède désormais la plus grande flotte de pêche du monde avec trois mille navires.

Dans mon rapport, je préconise d’intensifier les capacités de surveillance de la France dans les zones économiques exclusives, de développer de nouvelles zones maritimes protégées en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, et de mobiliser l’influence française dans les instances internationales telles que l’OMI, pour élaborer des cadres juridiques solides visant à protéger la biodiversité en haute mer et lutter contre les crimes environnementaux. De quelle manière la France agit-elle aujourd’hui dans l’espace indopacifique pour lutter contre la pêche illicite, un enjeu particulièrement sensible dans cette région ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. Nous l’avons rappelé, soixante signatures sont requises pour l’entrée en vigueur du traité BBNJ, et nous espérons que la soixantième sera déposée à Nice. Nous avons d’ailleurs prévu un dispositif spécifique permettant à un État de déposer sa ratification sur place. Actuellement, nous estimons pouvoir compter avec certitude sur cinquante-cinq signatures, mais notre objectif est d’atteindre soixante-cinq. Le président de la République m’a explicitement indiqué que ne pas ratifier le traité BBNJ signifierait que l’UNOC 3 est un échec, et nous ne pouvons pas nous le permettre car, sans cette ratification, le sujet risque d’être reporté de plusieurs années.

Je compte sur votre mobilisation sur le terrain pour parvenir à remplir notre objectif, et je tiens à souligner l’excellent travail de notre corps diplomatique sur ce sujet depuis un an et demi. Malgré nos moyens limités, nos diplomates fournissent un effort exceptionnel, et aucune diplomatie au monde ne peut se dire plus engagée que la nôtre sur ce sujet.

Concernant la pêche, l’accord de l’OMC adopté en 2022 est très explicite : il interdit les subventions à la pêche préjudiciable, autrement dit la construction de grands bateaux. Ces dispositions concernent directement les Chinois, qui en effet pratiquent la pêche illicite à une échelle industrielle. Je pense que cet accord sera ratifié à l’occasion de l’UNOC 3. En effet, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l'agriculture (FAO) et l’OMI seront représentées à la conférence de Nice, et nous organiserons un temps fort réunissant pour la première fois l’ensemble des Organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP). Nous interpellerons les représentants de chaque État spécifiquement sur ce sujet, qui ne se limite d’ailleurs pas à la zone indopacifique mais touche également l’Amérique latine et d’autres zones. Je suis convaincu que dans dix ou quinze ans, nous constaterons les bénéfices d’une meilleure gouvernance des océans, même si la surpêche restera un défi majeur que nous n’avons pas encore suffisamment appréhendé.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Dans le cadre de la mission de mobilisation que je mène auprès des parlementaires des pays susceptibles de ratifier le traité BBNJ, nous avons réalisé une étude détaillée, pays par pays, sur l’avancement des procédures législatives. Notre vision est assez claire, c’est pourquoi M. Poivre d’Arvor a avancé le chiffre de cinquante-cinq ratifications certaines. Toutefois, l’objectif des soixante signatures n’est pas inaccessible, et nous allons tout mettre en œuvre pour l’atteindre.

J’invite chacun d’entre vous, au-delà de cette mission spécifique, à contacter nos postes diplomatiques lors de vos déplacements pour être mis en relation avec des parlementaires traitant de ces sujets. J’insiste sur la nécessité de mener campagne auprès des parlementaires car le processus de ratification est un processus parlementaire dans 90 % des cas. Aussi n’hésitez pas à vous rapprocher de manière formelle ou informelle de nos postes diplomatiques. Ils ont reçu des consignes très claires et effectuent ce travail d’identification des parlementaires leaders sur ce sujet et de lobbying pour que les ratifications puissent être obtenues dans les délais impartis.

Mme Alexandra Masson (RN). À l’approche de l’UNOC 3, il est essentiel que nous prenions toute la mesure des défis qui pèsent sur nos océans et sur les régions polaires. Aujourd’hui, ces espaces vitaux subissent une pression environnementale et géopolitique sans précédent. L’Arctique se réchauffe trois fois plus vite que le reste de la planète. Chaque année, 8 millions de tonnes de plastique sont déversées dans les océans. L’acidification des océans a augmenté de 26 % depuis la révolution industrielle, menaçant la biodiversité marine et la chaîne alimentaire.

L’UNOC 3 sera un moment décisif à l’issue duquel des engagements forts devront être pris concernant la gouvernance des océans, le développement de la science marine, l’économie bleue, la protection des espaces maritimes, la lutte contre la pêche illégale et non déclarée, ainsi que les nouvelles opportunités qu’offre l’océan.

Dans une période marquée par une très grande morosité, où l’on entend souvent que plus rien ne va, et particulièrement dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, l’UNOC 3 fournit l’occasion de montrer que nous, Français, au sein de l’Union européenne, au sein de la communauté internationale, disposons d’un véritable levier de croissance et de rayonnement en tant que deuxième plus grand espace maritime mondial.

Monsieur l’ambassadeur, vous avez souvent souligné le rôle central de la science dans la préservation des océans. Outre la ratification du traité BBNJ, quelles mesures concrètes devraient selon vous être mises en place à l’issue de l’UNOC 3 pour garantir un financement durable et suffisant de la recherche océanographique, afin qu’elle soit à la hauteur des défis environnementaux à venir ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. Je profite de votre question, madame la députée des Alpes-Maritimes, pour rappeler que si Nice aura l’honneur d’accueillir cette conférence des Nations unies, l’ensemble de la région sera mobilisé puisque plus de mille événements et manifestations se tiendront en parallèle, notamment à Menton et Villefranche-sur-Mer, mais aussi à Monaco, qui sera un partenaire important.

La question de la recherche scientifique et de son financement était importante, elle est devenue décisive depuis le retour de Donald Trump au pouvoir. Aujourd’hui, les scientifiques américains sont plus ou moins explicitement interdits de voyage, et en particulier ceux qui manifestent quelque intérêt pour la question du changement climatique. Le gouvernement américain a sensiblement limité le nombre de ses accréditations et, en tant que pays organisateur de l’UNOC 3, la France a reçu plus de 400 demandes d’accréditation de scientifiques américains.

Nous allons organiser la plus grande mobilisation scientifique jamais réalisée dans le monde, puisque le One Ocean Science Congress, en prélude à l’UNOC 3, rassemblera plus de deux mille scientifiques. À cette occasion, nous ne nous contenterons pas de formuler des recommandations bienveillantes, nous serons très concrets. Nous allons en effet présenter le premier indicateur global sur l’océan, nommé Starfish, qui permettra d’évaluer les pressions, les risques, les bénéfices et l’état de l’océan, et qui sera publié chaque année le 8 juin. Je pense que Starfish agira comme une révélation majeure à l’échelle mondiale, puisque la disponibilité d’un indicateur fiable fait cruellement obstacle à notre compréhension de l’océan.

Par ailleurs, nous allons créer, au sein de la commission océanographique intergouvernementale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), une plateforme d’aide aux États souhaitant obtenir des conseils. Nous développerons également à Toulouse un jumeau numérique de l’océan, le plus grand à ce jour, à travers l’organisation intergouvernementale Mercator Ocean International, financée par la Commission européenne et le programme Copernicus. Enfin, nous lancerons de nombreuses initiatives, notamment une alliance appelée « Space for Ocean », qui réunira l’ensemble des agences océanographiques et spatiales du monde pour améliorer notre connaissance de l’océan.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Je me réjouis de vous retrouver, monsieur l’ambassadeur, à la tête de l’UNOC 3 après avoir brillamment organisé le One Ocean Summit à Brest, et je me félicite que la France porte haut et fort les enjeux de la protection des océans.

J’aimerais attirer votre attention sur la question des aires marines protégées qui, dans ma circonscription du Finistère, inquiète beaucoup les pêcheurs. Il est certes indispensable de fonder nos décisions relatives aux aires marines protégées sur des connaissances scientifiques fiables, mais il me semble tout aussi important d’associer les pêcheurs aux analyses portant sur l’impact et les risques de la pêche. Nous l’avons d’ailleurs réclamé au niveau européen lors de la discussion sur le plan d’action sur les niveaux de protection élevés. Aussi j’aimerais m’assurer auprès de vous que les pêcheurs seront bien représentés lors de la conférence de Nice.

J’aimerais également évoquer le sujet du transport maritime durable. Je souhaite que les réflexions portant sur la gouvernance du transport maritime prennent en considération la propulsion vélique. L’UNOC 3 me semble constituer une bonne occasion de mettre en avant ce type de solution technologique, et je pense en particulier à l’entreprise bretonne TOWT, leader mondial du transport à la voile.

M. Olivier Poivre d’Arvor. Comme vous le savez, les questions relatives à la pêche française relèvent des compétences du ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, Mme Pannier-Runacher. Je partage toutefois votre préoccupation relative à la situation des pêcheurs et votre souhait qu’ils soient associés à la réflexion. La conférence de Nice comportera dix panels d’action, dont trois seront consacrés à la pêche et à l’aquaculture. La France, je n’en doute pas, y trouvera l’occasion de s’exprimer.

Nous sommes régulièrement interpellés par les organisations non gouvernementales (ONG)sur les sujets relatifs à la pêche. Vous l’êtes certainement aussi, en tant que députés. Il est évident qu’une conférence telle que celle que nous préparons doit se tenir au bénéfice de tous les acteurs du monde maritime et notamment des pêcheurs français. Nous y veillerons.

Un atelier consacré à la propulsion vélique se tiendra à Monaco en parallèle de l’UNOC 3. L’excellence de la France est reconnue dans ce domaine technologique, et sa contribution est, je crois, assez remarquable. Aujourd’hui, des cargos à propulsion vélique assurent des liaisons transatlantiques. Certes leur chargement est nettement inférieur à celui d’un porte-conteneurs et le temps de traversée est légèrement plus élevé. Mais un tel mode de transport comporte bien des avantages, et parvenir à déplacer de telles masses en utilisant la force du vent à 95 % est une prouesse magnifique. Toutefois, la propulsion vélique ne représente pas, à ce jour, une alternative globale au transport maritime tel qu’il existe.

Mme Dominique Voynet (EcoS). La présence historique de la France dans les territoires antarctiques et subantarctiques permet un engagement scientifique et stratégique crédible de notre pays dans le Grand Sud. Monsieur l’ambassadeur, vous êtes présent parmi nous aujourd’hui pour présenter la conférence des Nations unies sur les océans, mais j’espère ne pas être hors sujet en évoquant la nécessaire rénovation de la station Dumont-d’Urville, considérée comme une priorité de la stratégie polaire française à l’horizon 2030. Notre groupe d’études sur les Terres australes et antarctiques français (TAAF) a reçu le 5 février dernier le directeur de l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV), M. Roper-Coudert, qui l’a alerté sur les contraintes budgétaires grandissantes, aggravées par l’inflation et par le triplement en seulement quatre ans du coût des conteneurs de ravitaillement de la station.

En 2023, lors du One Planet - Polar Summit, le premier sommet consacré aux glaciers et aux pôles, vous avez insisté, monsieur l’ambassadeur, sur la nécessité de renverser la tendance du sous-financement de la recherche polaire. Je crois en effet qu’il est nécessaire d’assurer la concrétisation des engagements pris lors de ce sommet à travers une programmation pluriannuelle stable. Nous avons évoqué, lors de la réunion du 5 février, le risque de fermeture de l’IPEV d’ici 2026. Dès lors, comment sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, et répondre aux difficultés structurelles auxquelles ces organismes scientifiques sont aujourd’hui confrontés ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. Permettez-moi de vous apporter une réponse très directe, puisque je me suis beaucoup penché sur ce sujet ces dernières années. Les crédits sont disponibles, et tout le monde subit la hausse des coûts de l’énergie. Mais le problème de l’IPEV est qu’il connaît des crises régulières qui ne sont pas maîtrisées par sa direction. Je pense qu’il est temps que l’IPEV se dote d’une véritable direction, et que le travail avec les TAAF s’effectue en harmonie. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et cela me paraît inacceptable.

Je regrette que les dispositions de la stratégie polaire ne soient pas appliquées, que le comité interministériel de la mer (Cimer) ne soit pas devenu un comité interministériel de la mer et des pôles sous l’autorité du premier ministre, et qu’il n’ait pas demandé à l’IPEV et aux TAAF de travailler ensemble, notamment sur la rénovation de la station Dumont-d’Urville. Les crédits ont été annoncés, mais ils ne sont pas dépensés, puisqu’à ce jour aucune étude sérieuse n’a été produite. Le manque d’harmonie entre l’IPEV et les TAAF a des conséquences concrètes, et l’abandon du projet d’aérodrome de la station Dumont-d’Urville en est la parfaite illustration.

L’avenir de la station Dumont-d’Urville requiert un véritable effort de management au sein de l’État. Je renvoie sur ce point à Matignon. M. Roper-Coudert, hélas, est sur le point de quitter ses fonctions, mais j’espère que l’IPEV se dotera d’une direction forte capable de travailler en bonne entente avec la préfecture des TAAF. Encore une fois, les moyens sont disponibles, le président de la République l’a annoncé. Mais il n’est pas possible de dépenser de l’argent alors que les plans de rénovation ne sont pas encore établis. Je vous remercie, madame Voynet, d’attirer l’attention sur ce sujet. La France est une grande puissance polaire, et elle doit se garder de perdre pied dans ce domaine.

M. Michel Guiniot (RN). L’UNOC 3 a vocation à mettre en œuvre des processus multilatéraux favorisant la protection de l’environnement marin, la mobilisation de financement pour conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines, le soutien à une économie maritime durable et le renforcement des connaissances liées aux sciences de la mer. Nous sommes particulièrement concernés par cette conférence puisque la France dispose de plus de 10 millions de kilomètres carrés de domaine maritime.

Or la souveraineté française est contestée dans plusieurs territoires ultramarins, à l’image de Mayotte ou de l’île Clipperton. La conférence des Nations unies sur l’océan a pour but d’engager les pays à respecter les traités pour protéger la nature. Mais si nos territoires sont contestés, il nous sera difficile d’y faire respecter nos engagements. L’ordre du jour de l’UNOC 3 inclura-t-il des dispositions pour éviter que les pays qui ne prennent pas part à ces débats ne puissent contrevenir à ces dispositions pourtant nécessaires ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. Lors de ma récente visite au Mexique, j’ai eu des échanges fructueux avec la présidente mexicaine, notamment sur la question de Clipperton pour laquelle nous avons trouvé une solution satisfaisante. La souveraineté française n’est pas menacée sur l’île, mais nous devons améliorer notre présence sur place. À cet égard, il serait judicieux d’envoyer au moins une fois par an un navire de la marine nationale pour remplacer le drapeau français et dératiser l’île. En collaboration avec le Mexique, qui bénéficie d’une licence de pêche dans ces eaux, nous travaillons à la création d’une réserve naturelle.

Depuis l’établissement des ZEE en 1982, de nombreux pays entretiennent encore des différends mineurs sur des questions de souveraineté territoriale, et la France n’y échappe pas, même si le conflit relatif aux îles Éparses avec Maurice et Madagascar est relativement modéré. La question mahoraise est à l’évidence d’une autre nature, mais je laisserai le ministre des outre-mer s’exprimer à ce sujet.

M. Xavier Lacombe (HOR). La Méditerranée est l’une des mers les plus polluées au monde. Elle concentre plus de 30 % du tourisme mondial, 10 % du commerce maritime et accumule 600 000 tonnes de pollution plastique chaque année. Surpêche, urbanisation et réchauffement climatique fragilisent davantage sa biodiversité.

En Corse, cette tension est particulièrement visible, puisque l’île est confrontée à un tourisme de masse à la fois vital pour son économie mais aussi destructeur pour son environnement, à l’image de la réserve naturelle de Scandola ou des Bouches de Bonifacio. L’État a récemment proposé de limiter la navigation dans certaines zones, une initiative à laquelle l’Assemblée de Corse s’est opposée, craignant des répercussions économiques négatives. Cela souligne l’urgence de mettre en place une gestion durable des sites fragiles, que ce soit par des quotas ou des alternatives écotouristiques.

Par ailleurs, l’efficacité des aires marines protégées en Méditerranée est compromise par le manque de moyens de surveillance, les empêchant de jouer pleinement leur rôle dans la régénération des écosystèmes.

Comment harmoniser la régulation du tourisme de masse en Méditerranée, particulièrement dans les espaces protégés ? Quelles sont les pistes envisagées pour développer un tourisme maritime durable ? Puisque la conférence des Nations unies sur l’océan se déroule dans une ville méditerranéenne, peut-elle contribuer à faire de la Méditerranée un laboratoire pour une économie bleue conciliant tourisme et préservation ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. Cette conférence sera probablement la seule COP organisée au bord de la Méditerranée avant longtemps, ce qui lui confère une importance particulière pour la région. Elle marquera également le cinquantième anniversaire de la convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, dite convention de Barcelone. Celle-ci, qui fut la première convention de mers régionales, fait l’objet d’une certaine insatisfaction, de même que les instances telles que l’Union pour la Méditerranée (UPM) ou le Dialogue 5+5, notamment au regard de leur capacité à influencer les actions des États.

Le président de la République a souhaité réunir l’ensemble des chefs d’État méditerranéens, soit une vingtaine de pays, en dépit des tensions géopolitiques actuelles. L’objectif est d’obtenir des engagements concrets des États et des entreprises sur des questions fondamentales comme la pollution plastique et le développement des aires marines protégées.

La Méditerranée, bien qu’elle ne représente que 1 % de la surface océanique mondiale, concentre, comme vous l’avez rappelé monsieur Lacombe, une part importante du commerce maritime global. Cela soulève des questions sur les bénéfices réels pour les pays du Sud, qui voient principalement passer de grands porte-conteneurs sans en tirer de réels avantages économiques. Il existe à l’évidence un besoin de réindustrialisation, comme l’a démontré le Maroc avec le développement du complexe portuaire de Tanger Med.

En parallèle, l’espace méditerranéen subit des désastres écologiques majeurs. Par exemple, le golfe de Gabès en Tunisie, autrefois l’un des golfes les plus poissonneux au monde, est aujourd’hui dévasté. Les instances internationales actuelles, comme l’Union pour la Méditerranée, n’ont malheureusement pas la capacité de restaurer efficacement la biodiversité.

À cet égard, l’éducation pourrait jouer un rôle déterminant. Nous travaillons avec l’UNESCO pour intégrer la sensibilisation à la protection de la Méditerranée dans tous les programmes éducatifs, dans toutes les langues parlées autour de ce bassin. Il s’agit de changer les comportements, tant au niveau industriel que personnel, pour que la Méditerranée soit activement protégée.

J’aimerais souligner que nous avons invité les présidents des grandes régions littorales françaises à participer à la conférence. Nous attendons encore la réponse du président du Conseil exécutif de Corse, M. Simeoni. Sa présence serait particulièrement appréciée, notamment lors du sommet de trois jours sur les îles. L’expérience de la Corse en matière de gestion du tourisme pourrait apporter des enseignements précieux à d’autres îles.

M. Hervé Berville (EPR). Monsieur l’ambassadeur, vous avez affirmé en introduction que la conférence des Nations unies sur les océans était promise au succès. Permettez-moi d’ajouter qu’elle s’appuiera surtout sur les efforts déployés depuis plus de deux ans, notamment à la suite du One Ocean Summit.

La question des océans est devenue un sujet transpartisan, considéré comme central au regard de deux enjeux fondamentaux : le dérèglement climatique et la souveraineté économique. Il est en effet évident que la question du dérèglement climatique ne saurait être résolue sans aborder celle des océans. De même, renforcer notre souveraineté économique implique nécessairement de prendre en compte les questions liées aux câbles sous-marins, au transport maritime ou aux ports.

Des avancées significatives se sont produites ces deux dernières années, notamment à la faveur l’accord de Montréal sur la protection de 30 % des océans et du moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins. J’aimerais d’ailleurs vous entendre davantage sur l’exploitation minière des fonds marins, qui représente la deuxième plus grande menace pour les océans après le dérèglement climatique. Il est question en effet d’extraire à plus de 4 000 mètres de profondeur des métaux dont la nécessité pour la transition écologique est loin d’être avérée.

Dans la perspective de la prochaine UNOC, j’ai trois questions à vous poser. D’abord, où en sommes-nous sur la création d’aires marines protégées en haute mer, à propos desquelles des discussions ont été entamées il y a plus d’un an avec plusieurs pays, notamment en Amérique latine et dans le Pacifique ? Ensuite, qu’en est-il du projet de l’International Platform for Ocean Sustainability (IPOS), ce « GIEC des océans » que nous avions promu avec Françoise Gaill ? Enfin, ce n’est pas faire offense aux négociateurs que d’affirmer que la première ébauche de ce qui pourrait aboutir à l’accord de Nice manque d’ambition. Quelle est notre stratégie pour renforcer cet accord et garantir que l’UNOC 3 soit un véritable succès ? Cette conférence représente un défi, et nous devons à nos concitoyens de le relever.

M. Olivier Poivre d’Arvor. Je crois qu’un sursaut s’est produit ces dernières années, notamment lors du One Ocean Summit de Brest en 2022, avec un engagement transpartisan sur le sujet maritime porté par le président de la République et celles et ceux qui, comme vous monsieur Berville, ont mené cette politique et contrebalancé la pensée dominante des ONG anglo-saxonnes.

Dans la perspective de l’UNOC 3, nous sommes concentrés avant tout sur la ratification du traité BBNJ. Les aires protégées en haute mer seront au menu de la première COP océan qui devrait se tenir avant la fin de l’année 2026. Bien que des échanges informels aient eu lieu entre certains pays sur le découpage de la haute mer, ce travail ne pourra véritablement commencer qu’une fois établi le secrétariat lié au traité BBNJ, probablement assuré par le Chili ou la Belgique.

Nous sommes sur le point de finaliser l’hébergement de l’IPOS au sein de la commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO. L’IPOS est déjà dotée d’une structure juridique et d’un budget, et apportera son expertise et ses conseils aux États, notamment sur la planification maritime des ZEE pour les petits États insulaires et les pays africains. Si tout se passe comme prévu, elle sera opérationnelle dès le 1er septembre 2025, sous réserve de l’approbation du conseil d’administration et de l’assemblée générale de la commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO.

Concernant le moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins, l’action de la France et d’une coalition d’une trentaine de pays a permis l’été dernier de bloquer la signature du code minier, malgré la pression de petits États comme Nauru. Toutefois, le combat n’est pas terminé sur ce sujet important.

Enfin, la déclaration politique rédigée trois mois avant l’UNOC, et qui tient compte du contexte international, peut en effet sembler peu ambitieuse. Mais il ne s’agit que d’une base de discussion, que les pays les plus déterminés contesteront sans doute durant la conférence. Néanmoins, l’essentiel réside dans l’accord qui sera trouvé à l’issue de la conférence de Nice. Cet accord reprendra cette déclaration politique, certes, mais surtout y adjoindra la liste des engagements concrets pris par une coalition internationale de 130 à 140 pays volontaires. Ces engagements porteront sur plusieurs points que je ne peux détailler ici, mais je serai ravi d’en discuter avec vous ultérieurement.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). L’océan, bien commun de l’humanité, est en train de s’effondrer. 44 % des espèces de coraux sont menacées d’extinction. Le krill, base de la chaîne alimentaire marine, a décliné de 70 % en quarante ans. C’est toute la biodiversité marine qui risque de s’effondrer et, avec elle, la civilisation humaine.

L’année de la mer est une belle initiative, et nous y souscrivons. Mais dans ce cadre, nous comprenons mal les attaques de l’État envers les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) qui surveillent et protègent la biodiversité marine, comme nous comprenons mal les suppressions de postes et les budgets sacrifiés des agences de l’eau ou du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).

« Quand d’autres vont vers Mars, nous avons décidé d’embrasser Neptune », disait le président de la République le 27 février. Dans cet esprit, ne devrions-nous pas donner l’exemple en interdisant la pêche au chalut dans nos aires marines protégées ? Ces bulldozers des mers armés de filets lestés raclent les fonds marins, détruisent des écosystèmes fragiles et libèrent des tonnes de CO2 emprisonnés dans les sédiments marins.

Pour donner corps aux envolées lyriques de notre président, nous formulons une proposition concrète : l’établissement en Bretagne du premier institut de l’Université des Nations unies sur les questions océaniques pour une coopération scientifique internationale au service de la préservation des océans. Cette proposition transpartisane sera étudiée par l’Assemblée nationale dans deux semaines. Le projet a été validé par l’Université des Nations unies, il ne manque que l’engagement de la France.

En accueillant la conférence des Nations unies sur l’océan, notre pays, deuxième domaine maritime mondial, veut et doit se positionner comme un acteur-clé de la coopération internationale. Que pensez-vous de cette proposition qui permettrait d’asseoir un leadership de la France en matière de politique des océans et de recherche océanographique ? Plus généralement, quelles initiatives la France compte-t-elle appuyer et soutenir dans la perspective de cette conférence internationale ?

Mme Eléonore Caroit, présidente. Je précise que plusieurs membres de cette commission sont signataires de cette proposition de résolution, notamment M. Cadalen, qui porte également ce sujet.

M. Olivier Poivre d’Arvor. J’ai pu échanger autour de ce projet avec des représentants des Nations unies. Brest et sa région disposent d’un écosystème exceptionnel dans le domaine maritime, avec des institutions comme Océanopolis, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), l’IPEV, et l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), qui accomplit un travail remarquable. D’ailleurs, la conférence de Nice sera l’occasion d’une première rencontre mondiale des universités marines, organisée avec l’UBO et l’Université Paris-Sorbonne.

Le coût du projet d’institut que vous évoquez, madame Stambach-Terrenoir, est estimé à environ 45 millions d’euros, ce qui est considérable. Bien que je sois favorable au développement de telles initiatives, ce montant soulève des questions de financement au moment où nous discutons à l’euro près pour le financement du séjour de scientifiques étrangers. Je n’ai aucune opposition de principe à la création d’un tel institut, mais l’investissement requis semble difficile à réaliser dans le contexte actuel.

Mme Eléonore Caroit, présidente. La parole est à M. Jimmy Pahun, coprésident du groupe d’études sur les pôles et les océans à l’Assemblée nationale.

M. Jimmy Pahun (Dem). Permettez-moi d’abord de saluer, madame la vice-présidente, votre engagement pour la promotion du traité BBNJ dans le monde entier. Je tiens également à remercier les députés ayant soutenu la résolution portée au cours de son mandat de députée par Mme Bérangère Abba, qui vous a permis, monsieur Berville, de défendre ardemment ce texte au siège de l’ONU lorsque vous étiez secrétaire d’État.

Il y a quelques jours, j’ai navigué sur le ferry Saint-Malo, qui relie Saint-Malo à Portsmouth en effectuant ses manœuvres portuaires uniquement sous propulsion électrique, et bientôt j’embarquerai à bord du cargo à voile de la société TOWT : la communauté maritime réalise des progrès considérables. Pourtant, les exonérations de charges accordées aux armements français pour les rendre plus compétitifs ont été partiellement réintroduites il y a peu, notamment pour le transport vélique, un secteur innovant dans lequel la France se pose en leader mondial. Cette décision est préoccupante, et je crains que certains de nos armements ne dépavillonnent.

L’UNOC 3, c’est l’accord de Paris des océans. N’oublions jamais que nous devons à l’océan une respiration sur deux. Il constitue un puits de carbone fondamental et Mme Stambach-Terrenoir a raison de souligner que le plancton, à la base de la chaîne alimentaire, est en très mauvais état et requiert notre attention.

Quand nous travaillons efficacement avec les pêcheurs, nous obtenons des résultats positifs, comme pour la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc ou la langouste sur l’île de Sein : l’année dernière, on débarquait 20 tonnes de langouste, cette année, on en a débarqué 60 tonnes parce que les pêcheurs sont parvenus à édifier une zone de cantonnement. Ma question, monsieur l’ambassadeur, porte sur les aires marines protégées : la France va-t-elle s’aligner sur les standards internationaux, notamment ceux de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), en matière de zones de protection forte ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. J’aimerais avant tout vous remercier sincèrement, monsieur Pahun, pour votre action en faveur des pôles. Vous avez effectivement contribué à sauver le budget de l’IPEV à plusieurs reprises, et il est temps désormais, comme je l’ai indiqué précédemment, que l’IPEV se sauve lui-même et acquiert une autonomie sous la supervision de l’État.

Nous avons été alertés sur la question des exonérations de charges par Guillaume Le Grand, le fondateur de TOWT, qui nous a adressé de nombreux messages exprimant son inquiétude.

Concernant les aires marines protégées, je vous renvoie une nouvelle fois vers Mme Pannier-Runacher qui, je le sais, travaille sur ce sujet. Une concertation est indispensable pour avancer, et le président de la République a clairement indiqué que si ce travail de concertation n’était pas mené à bien, il s’en chargerait lui-même, éventuellement avant même la tenue de l’UNOC.

De manière générale, je tiens à nuancer certains propos alarmistes que j’entends, notamment de la part d’ONG pour certaines assez radicales. Dire que l’océan est en feu, comme l’affirme notre amie Claire Nouvian, n’est pas juste. L’océan est désormais au cœur de nos préoccupations, à la faveur d’un travail remarquable réalisé par la communauté internationale ces dernières années, et par la France en particulier. Aussi je n’accepte pas que l’on dise de notre pays qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux. Au contraire, il est en avance sur de nombreux sujets. Quel autre pays que le nôtre a demandé, dans sa propre ZEE et à l’international, l’interdiction de l’exploitation des grands fonds marins ? Certaines ONG qualifient cette interdiction de petite mesure. C’est injuste.

De même, la signature de l’accord sur le traité BBNJ constitue une immense victoire, et non un petit pas comme l’ont dit certains. Le sujet n’est pas franco-français, il est mondial. L’océan n’a pas de frontières. Les poissons des aires marines protégées françaises peuvent se déplacer vers d’autres zones. Les critiques adressées à la France sont infondées. La France, notamment dans les outre-mer, fait preuve d’une réelle conscience environnementale. Nous sommes tous perfectibles, mais la France est à la pointe dans de nombreux domaines. Parlez-en aux Américains, par exemple, qui nous font souvent la leçon mais qui ne ratifient aucun traité.

Les ONG effectuent un travail d’alerte et de vigilance indispensable, y compris à Bruxelles et en particulier dans le cadre du débat sur la pêche. Elles occuperont d’ailleurs toute la place qui leur revient lors de la conférence de Nice. Mais il importe que l’État intervienne parfois pour faire valoir et défendre son action.

L’océan n’est pas en feu. Il est en ébullition, c’est vrai, en raison du réchauffement climatique. Mais nous ne sommes pas des pyromanes et nous nous efforcerons, à Nice, d’agir en pompiers.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). La protection des océans et de leur biodiversité est un enjeu capital, tant ces espaces sont déterminants pour la prospérité et le développement humain. L’UNOC 3 se donne plusieurs priorités, notamment celle d’œuvrer à l’aboutissement de processus multilatéraux pour améliorer la protection de l’océan à l’échelle de la planète.

Plusieurs questions se posent, en particulier celles du comportement des pays les plus pollueurs. Un exemple frappant est celui des négociations sur le traité international contre la pollution plastique qui ont échoué à Busan en décembre 2024, en raison du ferme rejet par certains pays gros producteurs de plastique de toute limitation de leur production.

La protection des océans peut-elle être réellement efficace sans une ambition affirmée de la part des plus gros pays pollueurs ? Est-ce aux États de bonne volonté, ayant déjà produit des efforts substantiels pour verdir leur économie, de pallier encore et toujours ce refus de coopération ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. La question que vous soulevez ne concerne pas uniquement les océans, mais l’ensemble du système hydrique, incluant les fleuves et la terre. Cette problématique est relativement récente et nous ne disposons pas encore des instruments de gouvernance requis pour y faire face efficacement. Je rappelle que l’UNOC 3, après deux éditions qui ont peu attiré l’attention, se tiendra la même année que la trentième COP climat. J’ignore si les COP représentent une véritable solution, néanmoins elles offrent une opportunité à la communauté internationale de travailler ensemble.

La pollution plastique est particulièrement préoccupante en Méditerranée, notamment en raison des microplastiques. La perspective d’un accord sur la pollution plastique, qui était un engagement pris lors du One Ocean Summit de Brest, s’est heurtée à des pays qui refusent, pour les plus conciliants d’entre eux, d’aller au-delà du recyclage. Notre ambition va plus loin, elle porte sur la conclusion d’un traité sur la production de plastique. Les négociations seront longues car elles remettent en cause d’importants intérêts économiques. Mais si cinq années de négociations sont nécessaires pour atteindre notre but, nous prendrons ce temps, à condition que l’accord soit ambitieux. Un traité peu contraignant serait en effet contre-productif. En attendant, il est impératif qu’au niveau français, nous réduisions l’utilisation du plastique à usage unique.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Le temps nous manque pour approfondir ce sujet, mais je tiens à signaler les initiatives parlementaires visant à réduire l’usage des plastiques. Certaines, d’ailleurs, ont abouti, comme l’interdiction du plastique à usage unique dans les cantines scolaires. De telles avancées doivent être mises en valeur, par comparaison avec d’autres pays très en retard sur ces sujets, à l’image des États-Unis.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). En tant qu’élu du littoral languedocien, je remercie mon collègue corse d’avoir attiré l’attention sur le sort de la Méditerranée, un enjeu mondial. Cette mer, berceau de civilisations qui ont conquis le monde, est aujourd’hui au bord de l’épuisement, comme l’a souligné un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF).

La conférence de Nice nous offre l’occasion de relancer la coopération en Méditerranée. Je suggère d’envisager un nouveau protocole à la convention de Barcelone, par exemple sur la question des paysages marins, étant donné l’importance du tourisme et la sensibilité de tous les pays à cette thématique. Contrairement à l’Atlantique, la Méditerranée ne bénéficie pas de mesures de gestion des ressources halieutiques, à l’exception du thon rouge. Le Maroc a innové en la matière, mais les pays européens, dont la France, n’ont pas encore agi. Nice pourrait être l’occasion de lancer de vastes plans de gestion de la pêche en Méditerranée.

M. Olivier Poivre d’Arvor. Le Parlement de la mer que vous avez créé en Occitanie est un magnifique exemple à suivre, parce que l’enjeu consiste à rassembler l’ensemble des acteurs de la mer, même s’ils ne sont pas toujours d’accord entre eux, autour d’objectifs communs tels que le paysage et les questions halieutiques. De telles initiatives sont à encourager.

Lorsque j’ai invité les régions à la conférence de Nice, il m’a semblé, en toute franchise, qu’elles n’ont pas saisi cette opportunité. Pour notre part, nous sommes prêts à organiser pendant l’UNOC 3 un temps échange entre les différents acteurs régionaux, avec nos voisins méditerranéens actifs dans plusieurs domaines, comme le Maroc et la Tunisie. Cela pourrait en effet permettre d’ajouter un nouveau chapitre à la convention de Barcelone.

M. Frédéric Petit (Dem). Nous disposons depuis vingt ans d’une loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui offre un cadre à l’action de la France. En tant que rapporteur de ce que nous appelons ici la diplomatie d’influence, j’ai immédiatement déploré le cloisonnement et le manque de cohérence de nos politiques et de notre action, malgré cette LOLF. Il convient de valoriser, comme vous l’avez fait monsieur l’ambassadeur, les aspects positifs de notre action. Je pense ici à l’adoption d’une feuille de route de la diplomatie d’influence, dans laquelle la mer figure en troisième position parmi les dix priorités identifiées, mais aussi à notre contribution à la loi de programmation sur la recherche, ou au nouveau rôle des ambassadeurs défini par le président de la République en 2019. Je rappelle également que c’est le Parlement qui a étendu l’interdiction de rechercher et d’exploiter des énergies fossiles à notre domaine maritime, après un débat intense en hémicycle.

Cependant, des points négatifs persistent. Je ne crois pas que l’interministériel représente une solution efficace. Je pense même qu’il soustrait le portage politique des thèmes transversaux à l’espace public. Vous avez évoqué des défaillances de management et la mauvaise utilisation des financements existants, dues à des institutions parfois fossilisées et à des doublons entre ministères. Ces problèmes renforcent mon opposition au privilège accordé à l’échelon interministériel.

Par ailleurs, j’aimerais attirer votre attention sur la gestion des visas scientifiques. Malgré vos efforts, il est possible que des scientifiques n’obtiennent pas leur visa en raison de blocage au ministère de l’intérieur, alors que vous les attendez. Les moyens existent, mais l’efficacité de la dépense publique est en cause. Avez-vous constaté une évolution sur ce sujet depuis cinq ans ? Selon vous, quelle direction devrions-nous prendre pour améliorer la cohérence de ce travail ?

M. Olivier Poivre d’Arvor. La diplomatie française s’est construite sur quelques paradigmes singuliers tels que la diplomatie culturelle ou la diplomatie économique. Pour ma part, je crois beaucoup à la diplomatie bleue et à son potentiel en matière de diplomatie d’influence. Celle-ci n’est pas uniquement une affaire de ressources humaines, mais aussi de capacité de l’État à attribuer la responsabilité d’un sujet à telle ou telle personne.

Vous avez fait allusion, monsieur Petit, à mes propos relatifs aux dysfonctionnements constatés sur la question polaire. Les moyens ne manquent pas au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, mais le pilotage stratégique est surtout l’apanage des armées à travers leurs actions en Arctique et en Antarctique. La force du Cimer tenait à sa capacité à réunir les acteurs autour d’une table et sous la direction d’un chef de file, en l’occurrence le secrétaire général de la mer (SGMer).

Pour les pôles, il serait vraiment utile qu’un arbitrage vienne de Matignon. Il est difficile de comprendre pourquoi, en Antarctique, les Français se montrent incapables de mettre en place un plan sérieux de réaménagement de leur station, un projet de 100 millions d’euros pour lesquels les financements existent. Je pense que les scientifiques doivent faire preuve de davantage de discipline.

La question des visas scientifique est en effet déterminante. J’entends votre alerte, mais je rappelle que nous sommes la nation qui accorde le plus de visas aux académiques dans le monde. Contrairement à d’autres pays qui sélectionnent leurs candidats, comme le Canada, nous acceptons des scientifiques de tous horizons.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Monsieur l’ambassadeur, vous avez insisté sur l’importance du multilatéralisme, en particulier sur les sujets océaniques. Ce thème, qui est partagé par tous, pourrait en effet redynamiser les relations internationales. Et la mer pourrait ainsi sauver la terre, parcourue de conflits.

Étant député de Seine-Maritime, j’aimerais revenir sur la figure du Havrais Guillaume Le Grand, le fondateur de TOWT. M. Le Grand n’est pas le patron de CMA CGM, c’est un homme qui a engagé sa vie, sa famille, et tout ce qu’il possède dans cette utopie du transport vélique, qui pourrait représenter l’avenir du transport maritime. Vous avez raison de relativiser la part de la propulsion vélique à l’échelle du transport maritime mondial, mais je crois qu’il faut souligner cette initiative et l’encourager.

Si les multiples recours à l’article 49.3 ne nous avaient pas empêchés de voter un budget, peut-être n’aurions-nous pas commis l’erreur de supprimer les exonérations de charges pour les sociétés telles que TOWT. En outre, l’obtention des certificats d’économie d’énergie (CEE) soulève une question importante. M. Le Grand m’a expliqué que l’obtention de CEE sur la ligne Le Havre-New York, était conditionnée à une escale à Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour la ligne Carthagène-Le Havre, il doit passer par la Martinique. Ces réglementations interrogent.

Enfin, j’aimerais savoir monsieur l’ambassadeur, comment évolue l’appréhension du sujet du bruit maritime.

M. Olivier Poivre d’Arvor. Le sujet du bruit maritime évolue peu et lentement. Il est débattu au sein de l’OMI, mais de nombreux pays s’en désintéressent complètement et la France, qui le porte, ne peut à elle seule le résoudre. Seules des contraintes internationales permettraient de réaliser des progrès. Les grands armateurs de conteneurs se sont récemment réunis, ce qui est rare en raison de leur forte concurrence. J’ignore l’issue de leurs discussions, mais le sujet du bruit leur a probablement été communiqué. Cependant, nous n’avons pas beaucoup progressé sur ce sujet, malgré nos actions.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Je souhaite porter à la connaissance de M. l’ambassadeur l’existence d’un avis politique émis au sein de la commission des affaires européennes concernant le chalutage dans les aires marines protégées. Bien que ce dossier soit suivi par Mme Pannier-Runacher, il convient de mettre en avant la voix des scientifiques lors de la conférence de Nice pour définir les pratiques dans ces zones. Je pense qu’il importe de montrer que les objectifs de l’activité de pêche et ceux de la préservation de la biodiversité peuvent être conciliés, et l’exemple du parc naturel marin d’Iroise, où le chalutage est permis, nous en fournit un exemple. Gardons également à l’esprit que la France importe 80 % de son poisson alors qu’elle possède le deuxième espace maritime au monde, ce qui soulève un problème de souveraineté alimentaire.

Par ailleurs, concernant la création d’un institut océanographique à Brest que Mme Stambach-Terrenoir appelle de ses vœux, je tiens à rappeler que l’UBO, comme l’a mentionné M. l’ambassadeur, est déjà à la pointe sur les questions maritimes. Elle est classée cinquième au niveau mondial dans ce domaine. Il serait donc préférable d’allouer des moyens supplémentaires à l’UBO plutôt que de créer un nouvel institut, surtout dans un contexte de contrainte budgétaire.

Mme Alexandra Masson (RN). Nous souhaitons tous ici la réussite de l’UNOC 3 et la ratification du traité BBNJ. Madame la vice-présidente, serait-il possible d’obtenir rapidement la liste mise à jour des pays n’ayant pas encore ratifié le traité ? Cela nous permettrait, dans le cadre des prochains déplacements prévus par la commission des affaires étrangères, d’agir auprès des parlementaires des pays concernés. Je pense par exemple au Liban, où nous nous rendrons à la fin du mois de mai.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Je ferai circuler la liste des pays qui ont ratifié et de ceux qui sont susceptibles de le faire.

Mme Dominique Voynet (EcoS). M. l’ambassadeur a mentionné les mille événements qui se tiendront en parallèle de la conférence de Nice. La commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires français en Polynésie envisage d’organiser l’un d’eux pour attirer l’attention sur les déchets nucléaires qui ont été, pour utiliser des termes élégants mais recouvrant une réalité dramatique, « océanisés » ou « lagonisés ».

Je voudrais attirer l’attention sur la difficulté persistante d’accès aux archives à laquelle se heurte cette commission d’enquête. Le ministère des armées a ouvert de nombreuses archives et déclassifié de nombreux documents, mais ce n’est pas le cas du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Aussi, nous ne savons pas exactement où ces déchets ont été immergés, probablement au large d’Amanu, au Nord de Hao, mais la localisation exacte reste inconnue.

M. Olivier Poivre d’Arvor. Madame Voynet, je suis certain que ce sujet sera abordé par le président de la Polynésie française, M. Brotherson, qui se rendra à Nice à la tête d’une importante délégation.

En conclusion de cette audition, je souhaite lancer un appel à la mobilisation générale. Je sais que certains sujets liés à la mer sont clivants mais je sens que, par-delà vos convictions diverses, vous êtes tous impliqués et vous contribuez à l’effort pour obtenir cette soixantième ratification du traité BBNJ qui fera entrer la conférence de Nice dans l’histoire. Cela fait chaud au cœur et je tiens à vous remercier sincèrement, en particulier vous, Mme la vice-présidente.

La parole des ONG est très importante. Elles ont accompli et continuent d’accomplir un travail considérable. Cependant, chacun doit jouer son rôle et la France n’a pas se comporter comme une ONG, car elle doit composer avec ses propres contraintes et ses propres atouts. Les plaidoyers des uns et des autres font progresser la prise de conscience des Français, notamment celle des plus jeunes. Et c’est bien cette jeunesse que nous devons parvenir à toucher lors de l’UNOC 3. Nous avons prévu, avec l’éducation nationale et le rectorat de Nice, des programmes visant à mobiliser entre dix et quinze mille jeunes.

J’ai insisté sur la dimension historique de l’UNOC 3, qui intervient dans un contexte de fortes tensions internationales. Russes, Chinois, Américains, tous les acteurs du débat seront présents. Le premier ministre groenlandais se rendra à Nice, le président du Panama également. Les débats promettent d’être passionnants.

Je suis certain que les questions les plus les plus essentielles relatives aux enjeux maritimes seront abordées, de la protection des océans à la réglementation du chalutage. Les acteurs économiques, des petits pêcheurs aux grandes entreprises, seront très impliqués dans les échanges, tout comme le monde de la recherche. À cet égard, je tiens à souligner combien la mobilisation scientifique française est remarquable, avec l’implication de l’Ifremer, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et d’instituts océanographiques comme celui de Villefranche-sur-Mer. D’ailleurs, nous devons continuer à développer ces pôles de recherche, notamment en Méditerranée. La France se positionne comme une terre d’innovation, et M. Lecoq a raison d’insister sur les promesses de la propulsion vélique, qui pourrait représenter 10 à 15 % du transport maritime de demain.

Partout dans le monde, chacun, du plus modeste au plus puissant, sait qu’aujourd’hui la mer représente un enjeu majeur pour l’humanité, et que l’enjeu de protection prévaut sur l’enjeu d’exploitation. Nous saurons toujours trouver des solutions pour exploiter la mer, pour pêcher, pour naviguer. Mais nous devons affirmer que ce bien commun doit d’abord être protégé et que l’exploitation durable est la seule relation équilibrée possible avec l’océan. La France a été pionnière par son engagement sur les questions climatiques et environnementales, en particulier à propos de la mer, à une époque où la plupart des pays s’en désintéressaient. Certains continuent d’ailleurs à ignorer ces enjeux, mais ils sont désormais minoritaires.

La conférence de Nice est organisée en collaboration avec le Costa Rica, qui apportera une perspective latino-américaine aux débats, et, bien entendu, avec les autorités locales niçoises. Je tiens tout particulièrement à remercier la ville de Nice et son maire, M. Estrosi. Accueillir une conférence des Nations unies est un grand privilège, mais aussi un immense défi. Nice sera sous le feu des projecteurs en juin. Ses habitants verront leur ville quelque peu bouleversée, et la vie y sera par certains aspects un peu plus compliquée. Mais une multitude d’événements culturels et festifs la rendront très attractive.

Je vous invite tous à être présents à Nice dès le dimanche 8 juin, veille de l’ouverture de l’UNOC 3. Nous organiserons ce jour-là un grand bain universel, pour lequel nous espérons entre dix et quinze mille participants en maillot de bain, et peut-être voir des délégués russes nager à côté de délégués ukrainiens, et d’autres personnes qui ne se fréquentent pas tous les jours rassemblées dans la Méditerranée. Cet événement sera accompagné par une grande fanfare internationale, avec Bagad de Lann Bihoué, les fanfares de Vintimille et de Monaco, ou encore un orchestre de Croatie. Une parade intitulée « Les Merveilles de l’océan » présentera une centaine de bateaux océaniques scientifiques du monde entier. Nous inaugurerons également la Zone bleue et, sur la Promenade des Anglais, le Parlement de la mer, qui offrira à des parlementaires du monde entier, engagés sur les questions maritimes, l’opportunité de se réunir et d’échanger.

Les événements débuteront le 28 mai avec l’ouverture de la Zone verte, et culmineront le 13 juin avec la signature de l’accord de Nice pour l’océan. J’espère qu’il sera à la hauteur des attentes, qui sont immenses.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Au nom de la commission, je vous remercie, monsieur l’ambassadeur, pour ce compte rendu des travaux préparatoires de l’UNOC 3. Je salue également votre formidable équipe car, pour être engagée auprès d’elle, je sais que l’organisation d’un tel événement représente un travail colossal et que, bien qu’il s’agisse d’une conférence onusienne, la France joue un rôle moteur dans cette organisation.

Les parlementaires français ont toute leur place dans cet événement. L’initiative que j’ai portée depuis la conférence Immersed In Change au Costa Rica en 2024, est en train de se concrétiser. Au-delà de la délégation officielle de la commission des affaires étrangères, j’invite tous les parlementaires intéressés à participer à la conférence de Nice. Nous disposerons d’un grand auditorium pouvant accueillir de nombreux parlementaires du monde entier, dont beaucoup ont déjà manifesté leur intérêt.

Enfin, je tiens à remercier tous les participants pour leur engagement et pour la qualité de nos échanges aujourd’hui, qui ont dépassé le cadre partisan. Je pense qu’il était important d’avoir une discussion ouverte et approfondie sur un sujet aussi important.

La séance est levée à 11 h 10.

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Membres présents ou excusés

Présents.  M. Hervé Berville, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, Mme Sylvie Josserand, M. Xavier Lacombe, Mme Constance Le Grip, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Élisabeth de Maistre, Mme Alexandra Masson, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Liliana Tanguy, Mme Dominique Voynet, M. Lionel Vuibert

Excusés.  Mme Nadège Abomangoli, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, M. Marc Fesneau, M. Bruno Fuchs, M. Perceval Gaillard, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, Mme Mathilde Panot, M. Davy Rimane, Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez

Assistaient également à la réunion.  M. Jimmy Pahun, Mme Anne Stambach‑Terrenoir, Mme Estelle Youssouffa