Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Examen, ouvert à la presse, et vote sur les projets de loi suivants :
- projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et les Nations unies portant sur les arrangements relatifs aux privilèges et immunités ainsi que d’autres questions afférentes aux réunions des Nations unies tenues sur le territoire français (n° 1154) (Mme Maud Petit, rapporteure) 2
-projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières (n° 942) (M. Xavier Lacombe, rapporteur) 9
- projet de loi autorisant l’approbation de la résolution n° 259 portant modification de l’article 1er de l’accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement afin de permettre l’élargissement limité et progressif du champ d’action géographique de la Banque à l’Afrique subsaharienne et à l’Irak (n° 1110) (M. Vincent Ledoux, rapporteur) 21
– Informations relatives à la commission...................30
Mercredi
26 mars 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 47
session ordinaire 2024-2025
Présidence
de M. Alain David,
Vice‑président
— 1 —
La commission procède à l’examen, ouvert à la presse, et au vote des projets de loi n°s 1154, 942 et 1110.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Présidence de M. Alain David, vice-président.
M. Alain David, président. Notre ordre du jour appelle ce matin l’examen de trois projets de loi relatifs à l’approbation ou la ratification de plusieurs textes internationaux.
M. Alain David, président. Le premier des textes examinés aujourd’hui autorise l’approbation de l’accord-cadre entre le gouvernement de la République française et les Nations unies, portant sur les arrangements relatifs aux privilèges et immunités ainsi que d’autres questions afférentes aux réunions des Nations unies tenues sur le territoire français.
Après deux éditions présidées par la Suède et les îles Fidji à New York en 2017, puis par le Portugal et le Kenya à Lisbonne en juin 2022, la France et le Costa Rica accueilleront la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3) à Nice du 9 au 13 juin 2025. Cette conférence, mandatée par l’Assemblée générale des Nations unies, réunira l’ensemble des États membres et aura pour but la mise en œuvre de l’objectif de développement durable (ODD) n° 14 sur le milieu marin.
Pour la bonne tenue de cet événement international important, il a été nécessaire de conclure un accord-cadre entre la France et les Nations unies. À cette occasion, il a été décidé de couvrir toutes les conférences et réunions des Nations unies qui seront organisées à l’avenir sur le territoire français. Compte tenu du calendrier de l’UNOC, l’adoption par le Parlement de cet accord-cadre, signé à New York le 16 janvier 2025, doit intervenir dans des délais très courts. Je ne doute pas que la commission des affaires étrangères puis l’Assemblée dans son ensemble se montreront sensibles à l’intérêt général et feront en sorte que ce texte soit adopté.
Mme Maud Petit, rapporteure. Nécessaire pour permettre à la France d’accueillir l’UNOC en juin prochain à Nice, l’adoption de ce projet de loi répond, plus largement, au besoin d’actualiser les modalités d’accueil de telles réunions onusiennes sur notre territoire, définies jusqu’alors par la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités, et de renforcer l’attractivité de la France auprès des organisations internationales.
Notre pays a l’habitude d’accueillir des conférences internationales, comme en témoigne le succès de la COP21 en 2015. Du 29 mai au 2 juin 2023, il a aussi reçu la deuxième session du Comité intergouvernemental de négociation chargé d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, notamment dans le milieu marin, dit CIN-2.
Pour chacune de ces réunions, lorsqu’elles se tiennent dans un cadre onusien en dehors du siège des Nations unies à New York, il est nécessaire que la France négocie un accord dont l’approbation est soumise au Parlement. Cet accord définit les modalités d’organisation de ladite réunion et son financement, le régime de responsabilité applicable ou encore les privilèges et immunités des participants. Dans ces conditions, il était logique que la France négocie un nouvel accord pour accueillir l’UNOC. Le service juridique de l’ONU a toutefois proposé, en février 2024, la conclusion d’un accord-cadre similaire à celui qu’a, par exemple, négocié le Portugal, pays hôte de la précédente édition de l’UNOC, ce qui présente plusieurs avantages.
D’une part, il sera applicable non seulement à l’UNOC mais aussi à toutes les futures réunions onusiennes que la France accueillera. Notre pays n’aura plus à négocier au cas par cas des accords spécifiques pour chaque réunion onusienne, ce qui constituera un gain de temps et offrira une meilleure prévisibilité. La France y gagnera en réactivité et en attractivité auprès des organisations internationales. Il faut souligner que les mesures et réglementations spécifiques à chaque future réunion, susceptibles d’évoluer à de nombreuses reprises jusqu’au dernier moment, seront abordées dans le cadre d’accords ad hoc, qui ne requièrent pas, quant à eux, d’autorisation parlementaire. Toutefois, pour encadrer leur contenu et s’assurer en particulier d’une maîtrise des dépenses, l’accord-cadre est complété par un échange de lettres en date du 14 mars 2025 et annexé au projet de loi qui nous est soumis. Ces lettres viennent préciser plusieurs des dispositions de l’accord-cadre contenues aux articles 7, 10 et 11.
D’autre part, cet accord-cadre actualise les dispositions de la Convention de 1946, tout en s’en inspirant largement. Il étend notamment ces privilèges et immunités à l’ensemble des participants à une réunion onusienne et non aux seuls représentants des États membres, fonctionnaires et experts en mission. Il assure ainsi une meilleure prise en compte de la société civile, de plus en plus impliquée dans ces réunions, en particulier lorsqu’elles touchent aux sujets environnementaux et climatiques.
S’agissant de son contenu, l’accord-cadre est de nature classique et ne présente aucune difficulté. Il fixe une série de dispositions générales pouvant s’appliquer à toute réunion des Nations unies organisée sur le territoire français. Ces dispositions couvrent, entre autres, les conditions d’entrée et de sortie du territoire français pour les personnels détachés et les participants à la réunion, l’acquisition de biens et services nécessaires à la tenue de la conférence, ou encore le règlement des éventuels différends survenant dans le cadre de celle-ci.
Il rappelle l’inviolabilité des locaux des Nations unies pendant toute la durée des réunions. Il permet aussi aux participants en rapport avec une réunion d’entrer sur le territoire français et d’en sortir, sans qu’aucune entrave ne soit imposée à leur transit vers et depuis les locaux de la réunion, étant entendu que les procédures et réglementations nationales en matière d’entrée et de circulation restent applicables. Les éventuels visas nécessaires sont délivrés gratuitement et dans les meilleurs délais possibles par les autorités françaises.
L’article 7 ouvre la possibilité d’une coopération de la France et des Nations unies pour assurer la protection policière et la sécurité de l’événement. À l’intérieur du site de la conférence, une zone bleue inviolable sera sécurisée par le département de la sûreté et de la sécurité de l’ONU, tandis qu’à l’extérieur et aux abords du site, la sécurité sera assurée sous la responsabilité des autorités françaises. L’échange de lettres que j’ai mentionné autorise le port d’armes pour les agents des Nations unies présents dans la zone bleue.
L’approbation de cet accord-cadre rendra possible la tenue de l’UNOC, que notre commission soutient pleinement. Au-delà de ses enjeux essentiels pour la protection des océans, cette conférence aura des conséquences positives sur l’économie locale. Elle induira certes des dépenses liées à l’aménagement du site et à son fonctionnement, mais créera aussi des emplois chez les prestataires et leurs sous-traitants locaux. En outre, la présence d’un grand nombre de participants mobilisera pleinement le secteur de l’hôtellerie et de la restauration : entre 8 000 et 9 000 personnes sont attendues pour l’événement, dont 250 participants issus des Nations unies.
La France devrait aussi bénéficier d’une image positive et conforme à son engagement de longue date pour la protection des mers et des océans. Rappelons, par exemple, que notre pays est l’un des premiers à avoir ratifié le traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (BBNJ), lequel a été adopté à l’unanimité par notre assemblée. La France joue désormais un rôle moteur pour s’assurer de la mise en œuvre de cet accord qui nécessite une ratification par soixante États signataires – notre vice-présidente Éléonore Caroit est d’ailleurs personnellement impliquée dans ce projet.
Si l’organisation de l’UNOC a évidemment un coût non négligeable, évalué à environ 47,7 millions d’euros, la France et les Nations unies ont pris soin d’établir une liste précise des catégories de dépenses prises en charge par les autorités françaises, dont vous trouverez le détail dans l’échange de lettres annexé au projet de loi. Cela doit permettre un meilleur contrôle des dépenses effectuées, ce qui est essentiel.
Pour toutes ces raisons je soutiens sans réserve ce texte et vous invite donc à l’approuver. Par cet acte, l’Assemblée réaffirmera son plein soutien à l’UNOC et, à travers cet événement, son attachement à ces espaces si précieux que sont les mers et les océans.
M. Alain David, président. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Pierre Pribetich (SOC). En tant que socialistes, bien que nous soyons des admirateurs de nos prédécesseurs de l’Assemblée nationale constituante du 4 août 1789 pour l’abolition des privilèges, nous allons être favorables aux privilèges évoqués ici : ils ne sont pas féodaux mais liés à l’accueil de l’UNOC 3. Il s’agit d’élaborer le cadre de cette conférence importante mais aussi des futures réunions des Nations unies qui pourront être organisées sur notre sol. Vous avez rappelé les dispositions génériques et spécifiques, l’échange de lettres signées le 14 mars 2025, et le montant des dépenses estimées. Nous sommes favorables à ce texte et à l’idée d’attribuer des privilèges à ceux qui participeront à cette réunion.
Mme Maud Petit, rapporteure. Je vous remercie, cher collègue, d’approuver ce texte avec une pointe d’humour en nous replongeant quelques siècles en arrière.
M. Frédéric Petit (Dem). Nous avons l’habitude d’examiner ce genre de textes, même si celui-ci n’en constitue pas moins une étape importante de la préparation et de l’engagement de notre pays dans cette conférence et celles qui suivront. Le groupe Démocrates votera naturellement pour ce projet de loi.
J’en profite pour vous livrer une réflexion sur l’organisation de l’État. Notre commission approuve souvent à l’unanimité de telles dispositions qui facilitent notamment l’obtention de visas, à la demande des services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, mais, malheureusement, nos services consulaires ne sont pas toujours organisés de manière aussi fluide. Il arrive ainsi que des scientifiques se voient refuser un visa pour participer à un congrès en France, sous prétexte qu’ils sont déjà venus dans l’espace Schengen moins d’un an auparavant. Selon l’autre ministère, celui de l’intérieur, on ne vient pas deux fois par an dans l’espace Schengen quand on est un ressortissant indien, par exemple. Un effort de coordination est nécessaire. Notre commission devra veiller à ce que la facilitation des visas, assez originale dans le cas présent, soit effective et ne se heurte pas à une double chaîne de commandement dans certains pays où le ministère de l’intérieur est très attentif aux visas accordés. Les facilités devront prendre le pas sur d’autres considérations au moment opportun.
Mme Maud Petit, rapporteure. Nous pourrons demander à notre président de commission d’aborder la question des visas.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Alors que l’UNOC 2 avait coûté 11 millions d’euros au Portugal en 2022, la troisième édition de cette conférence devrait coûter plus de 47 millions d’euros à la France. Comment s’explique cet écart ?
D’autre part, à la lecture de votre rapport, j’ai appris que le sommet de Nice était co‑organisé par la France et le Costa Rica, mais je n’ai pas bien compris quelle était la participation du gouvernement de San José.
Mme Maud Petit, rapporteure. La différence de budget tient essentiellement au fait que le Portugal avait utilisé des bâtiments existants, alors que nous allons construire des infrastructures pour accueillir cet événement – la commune de Nice tient à une large participation du public. Quant au Costa Rica, il n’apportera pas de contribution financière : pour ce type de sommet, le pays hôte prend en charge toutes les dépenses.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Mon intervention pourrait être très courte car le groupe GDR votera pour ce texte, mais je vais utiliser mon temps de parole pour réagir à l’ambiance internationale et à la manière dont elle se répercute au niveau national.
Dans le conflit israélo-palestinien, on fait comme si l’histoire n’avait commencé qu’avec les crimes commis en Israël le 7 octobre 2023. On ne parle plus de tout ce qui s’est passé avant. On considère qu’entre la Russie et l’Ukraine, tout a commencé par l’invasion de la Crimée en 2014, puis du Donbass quelques années plus tard. On ne parle pas de ce qui s’est passé avant : l’installation des armes en Ukraine, puis le coup d’État occidental dans ce pays, auquel ont d’ailleurs participé des hommes politiques français.
Quelles sont les raisons de la dégradation de nos relations avec l’Algérie ? On considère que tout a commencé par l’arrestation de Boualem Sansal, puis le rejet des obligations de quitter le territoire français (OQTF). On oublie qu’en juillet dernier, le président de la République a décidé tout seul, sans demander l’avis de qui que ce soit dans notre pays, de donner le Sahara occidental aux Marocains. Or c’est à ce moment-là et en raison de cette prise de position que les relations diplomatiques se sont dégradées avec l’Algérie, qui a immédiatement rappelé son ambassadeur. On n’en parle ni dans les médias ni dans les interventions politiques. On commence par l’arrestation de Boualem Sansal.
Cette lecture de la vie politique internationale devrait questionner la commission des affaires étrangères. Je voudrais m’insurger contre le président de la commission des affaires étrangères parce que le planisphère qui se trouve dans cette salle, derrière le président de séance, a été changé. Il y a un mois, nous avions une carte conforme au droit international ; celle-ci est conforme aux désirs du président de la République. Il y a un mois, le Maroc et le Sahara occidental n’étaient pas de la même couleur ; maintenant, le Maroc et le Sahara occidental ne forment qu’un pays. Quelqu’un a pris cette décision. C’est l’image de la diplomatie parlementaire et de notre commission qui est derrière vous, monsieur le président. Il ne faut pas accepter cela. Le principe de séparation des pouvoirs s’exprime aussi par le fait que les députés de la commission des affaires étrangères décident de respecter le droit international, n’en déplaise au président de la République.
M. Alain David, président. Cette question devra être abordée avec le président Fuchs. Comme vous, je n’ai pas été informé de cette modification.
Mme Maud Petit, rapporteure. Votre intervention, monsieur Lecoq, n’appelle pas de réflexion de ma part concernant l’accord-cadre.
Mme Clémentine Autain (EcoS). Comme mon collègue Lecoq, je suis très choquée par cette nouvelle carte. Nous demandons des comptes au président Fuchs concernant ce choix.
M. Michel Guiniot (RN). L’objectif de cette UNOC 3, qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin, est d’accélérer l’action et de mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan. Plus que la conférence, c’est l’accord encadrant son organisation qui nous intéresse ici. Il contient des dispositions spécifiques concernant les aspects organisationnels et financiers propres à la réunion, ainsi que des dispositions génériques qui s’appliquent sans modification à toutes les réunions : privilèges et immunités ; inviolabilité des locaux ; entrées et sorties ; importations et exportations ; protection policière et sécurité ; ajournement, annulation ou modification du format ; acquisition de biens et de services ; responsabilité et règlement des différends.
Selon l’article 5, nous nous engageons à délivrer les visas et les autorisations d’entrée et de sortie, gratuitement et dans les délais, à toutes les personnes qui en solliciteront dans le cadre de l’UNOC. Est-il moral d’ouvrir autant les vannes des visas en plein débat national sur le sujet ?
L’étude d’impact estime que la dépense d’organisation imputée au budget français sera de l’ordre de 47,7 millions d’euros, sans compter les exonérations de droits de douane et de taxes consenties par la France, prévues à l’article 6, et les moyens mobilisés pour assurer la sûreté et la sécurité par le ministère de l’intérieur et le ministère des armées, prévus dans l’article 7.
Selon l’article 9, la France doit traiter toute action, plainte ou réclamation dirigée contre les Nations unies ou ses fonctionnaires concernant certains sujets, en particulier les blessures, dégâts matériels ou pertes de biens. Selon ce même article, la France assure mettre hors de cause l’ONU et ses fonctionnaires concernant les mêmes sujets. Comment compte‑t‑elle gérer tout problème lié à l’organisation de l’événement ?
L’organisation de l’UNOC a été confiée à la France et au Costa Rica par une résolution du 18 décembre 2023. Je m’interroge sur l’implication financière et humaine du Costa Rica dans l’événement. Vous avez déjà donné une réponse, mais elle ne me satisfait pas complètement. Si le Costa-Rica ne participe à rien, pourquoi son implication dans l’organisation est-elle mentionnée dans le texte ? Je dirais que c’est de la publicité mensongère.
Mme Maud Petit, rapporteure. Les visas sont accordés exclusivement dans le cadre et pour la durée de la conférence.
La sécurité de l’événement sera assurée par le préfet des Alpes-Maritimes avec des forces mobiles, ainsi que par la ville de Nice et sa police municipale, sous l’égide du ministère de l’intérieur.
L’article 9 contient des clauses indiquées dans tous les traités concernant l’organisation de conférences. Celle que vous évoquez n’a jamais été actionnée jusqu’à présent, et j’espère que ce sera encore le cas lors de la conférence de Nice.
Comme vous, j’ai été surprise par la participation du Costa Rica, pays co-organisateur ; il se trouve que cette participation est de nature politique. Seul pays hôte, la France prendra en charge l’organisation et réglera les dépenses. Je comprends que la réponse ne vous satisfasse pas, mais c’est ainsi que les choses vont se faire.
M. Michel Guiniot (RN). Pouvez-vous nous confirmer le coût de 47,7 millions d’euros ?
Mme Maud Petit, rapporteure. Le montant de 47,7 millions correspond en effet au budget cible fixé pour 2025 – j’espère qu’il ne sera pas dépassé –, qui inclut la construction de bâtiments pérennes et réutilisables.
Mme Liliana Tanguy (EPR). La France a démontré à plusieurs reprises sa capacité à organiser des événements internationaux de grande ampleur. Avant et depuis les Jeux olympiques de Paris 2024, elle a accueilli des événements majeurs, planifiés ou dictés par l’actualité mondiale : le sommet sur la Libye ; les conférences internationales de soutien à la Syrie ; les réunions d’urgence sur l’Ukraine.
En 2022, Brest avait accueilli le premier sommet international consacré à la préservation des océans, le One Ocean Summit. Du 9 au 13 juin 2025, c’est la ville de Nice qui sera sous le feu des projecteurs internationaux grâce à l’UNOC 3. Cet événement réunira des chefs d’État et de gouvernement ainsi que des dirigeants d’organisations et d’agences internationales, afin d’accélérer l’application de l’ODD n° 14, en soutenant une action urgente et renforcée pour la conservation et l’utilisation durable de l’océan, des mers et des ressources marines – députée du Finistère, je m’en réjouis.
Un tel rassemblement nécessite une organisation sans faille et une sécurité optimale tant pour les délégations officielles que pour le personnel onusien, tout en assurant l’inclusion de la société civile, élément essentiel de cet événement et pleinement intégré au programme. La France doit garantir la sûreté du site et de ses abords, assurer le bon déroulement des débats et des négociations, et permettre à cet événement de se tenir dans les meilleures conditions.
L’accord soumis à nos débats dépasse le cadre de cette seule conférence. Il vient formaliser et renforcer la coopération entre la France et l’ONU pour l’organisation future d’autres réunions internationales sur notre territoire. De durée indéterminée, il simplifie les démarches et fixe un cadre juridique stable pour l’accueil de ces événements. Inspiré par les engagements de l’accord de Paris, adopté lors de la COP21 en 2015, il intègre des références à la réduction de l’empreinte carbone et à la mise en place de bonnes pratiques en matière de durabilité.
En plus des enjeux diplomatiques et environnementaux, ces grands rendez-vous ont des effets positifs pour notre pays : ils favorisent l’activité économique, stimulent le tourisme et renforcent l’attractivité de la France comme terre d’accueil et de discussion mondiale. C’est pourquoi, pour garantir la sécurité, la protection des participants et le rayonnement international de notre pays, notre groupe soutiendra ce projet de loi avec détermination.
Mme Maud Petit, rapporteure. Je vous remercie, chère collègue.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Il est essentiel de défendre le multilatéralisme à un moment où le droit international est rudement attaqué. Les Nations unies sont la condition actuelle de la coopération internationale, laquelle est particulièrement nécessaire en matière d’environnement. Nous nous réjouissons donc que la France accueille le sommet des Nations unies sur l’océan en juin prochain à Nice.
L’océan est en proie à des dynamiques de destruction qui l’affectent massivement. J’ai visité le site de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) de Brest la semaine dernière : les scientifiques constatent des changements d’une rapidité et d’une ampleur dont certains, comme la fonte des glaciers, dépassent les prédictions issues des modèles. La destruction généralisée des milieux de vie a pour principale cause l’extension de la prédation économique, à laquelle l’océan n’échappe pas.
Face à la logique de la marchandisation et de la compétition généralisées, la coopération et la solidarité sont décisives. Si l’on ne peut demander au seul cadre multilatéral d’inventer un nouveau modèle économique compatible avec la préservation des milieux de vie, il est essentiel de préserver la possibilité de coopérer et la solidarité entre les nations et les peuples. Le multilatéralisme importe particulièrement à cette heure.
C’est tout le sens de la résolution dont nous discuterons la semaine prochaine dans l’hémicycle ; elle s’inscrit pleinement dans le calendrier de l’Année de la mer, fixé en vue de la réunion de l’UNOC qui se tiendra en juin à Nice. Nous l’avons déposée pour défendre la création d’un Institut Océan au sein de l’université des Nations unies en France. J’ai rencontré hier le professeur Marwala, recteur de cette université, avec qui les échanges ont été particulièrement fructueux. Le soutien au multilatéralisme exige des actes concrets et je suis donc heureux que cette résolution puisse être examinée en séance publique après l’adoption par notre commission, à l’automne dernier, d’un amendement budgétaire allant dans le sens de la création d’un tel institut.
Nous voterons pour le présent projet de loi et souhaitons par avance la bienvenue aux scientifiques, diplomates et personnes engagées en faveur de la préservation de l’océan qui ne manqueront pas de se rendre au sommet de Nice et de le suivre avec attention.
Mme Maud Petit, rapporteure. Je vous remercie pour votre soutien. Nous souhaitons toutes et tous la bienvenue à toutes les personnes qui travailleront très sérieusement sur un sujet fort important – à titre d’exemple, il sera certainement question des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, qui polluent nos vies et qui continuent à faire l’actualité.
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Article unique (autorisation de l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et les Nations unies portant sur les arrangements relatifs aux privilèges et immunités ainsi que d’autres questions afférentes aux Réunions des Nations unies tenues sur le territoire français, signé à New York le 16 janvier 2025, complété par l’échange de lettres signé le 14 mars 2025)
La commission adopte l’article unique non modifié.
L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
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M. Alain David, président. L’adoption, en 1972, de la convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets a marqué une étape importante dans la protection des océans. Ce texte interdit en effet l’immersion de certaines matières dangereuses et subordonne celle des autres matières à la délivrance préalable d’un permis.
L’amendement à l’article 6 du protocole de Londres de 1996, qui date déjà de 2009 et qu’il nous est proposé de ratifier, est important à plusieurs titres : d’abord parce qu’il traite de la protection de 70 % de la surface du globe ; ensuite parce qu’il fait partie des outils disponibles pour atteindre nos objectifs en matière de décarbonation ; enfin car il pose de véritables questions sur l’enfouissement de notre CO2 résiduel, la France ne disposant pas à ce jour de zones de stockage opérationnelles.
Le protocole de 1996 a inversé la logique suivie par la convention de 1972 en stipulant que n’est autorisée que l’immersion de déchets et matières énumérés dans une annexe. Celle-ci a été complétée en 2006 par l’ajout des flux provenant des processus de captage du CO2. L’amendement dont il nous est demandé d’autoriser la ratification a pour objet de permettre l’exportation de CO2 vers des États riverains afin de procéder à son stockage offshore.
Le Sénat a adopté le projet de loi le 12 février. Son adoption définitive par notre Assemblée permettrait au ministre chargé de l’industrie de signer un partenariat avec la Norvège sur le captage et le stockage du carbone lors d’un prochain déplacement, prévu fin avril.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Notre commission est appelée à examiner le projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) qui amende l’article 6 du protocole de Londres de 1996. Ce texte a déjà été adopté par nos collègues du Sénat le 12 février.
Conclu à la suite de la convention de Londres, signée en 1972, et ratifié à ce jour par cinquante-cinq États, le protocole de 1996 a pour objet de réglementer l’enfouissement des déchets dans les zones sous-marines, en posant un principe général d’interdiction du stockage offshore à l’exception de matières limitativement énumérées à l’annexe 1 au protocole.
Une première résolution, adoptée en 2006, a inséré le dioxyde de carbone parmi les matières susceptibles d’être stockées sous la mer, ce que permettent les technologies dites de captage et de séquestration de carbone (CSC). La résolution dont le projet de loi autorise la ratification a été adoptée en 2009. Elle vise à autoriser l’exportation de CO2 à des fins de séquestration géologique sous-marine. La portée de cette résolution peut paraître modeste en ce qu’elle vient simplement faciliter la mise en œuvre de la résolution de 2006. Néanmoins, au-delà de son caractère complémentaire, elle revêt une importance non négligeable et présente une pluralité d’enjeux non seulement environnementaux mais aussi techniques, industriels, économiques et sociaux.
Je me suis d’abord interrogé sur le délai de quinze ans qui sépare l’adoption de la résolution de 2009 et le dépôt de ce projet de loi en juillet dernier. Les représentants du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et ceux du ministère de la transition écologique et solidaire, que j’ai auditionnés la semaine dernière, m’ont indiqué que ce délai s’expliquait par deux raisons.
Premièrement, les technologies de CSC, s’agissant notamment du stockage offshore du CO2, ne se sont développées que très récemment, la maîtrise de ces procédés n’ayant véritablement émergé qu’à la fin des années 2010. Deuxièmement, et c’est une dimension économique essentielle, la hausse progressive du coût des quotas d’émission de carbone au cours des dernières années a pour effet d’améliorer la rentabilité du CSC et donc son attractivité. Certaines entreprises qui ne sont pas en mesure de décarboner totalement leur activité à l’heure actuelle peuvent ainsi avoir intérêt à recourir au CSC plutôt que de payer des droits à émission sur le marché du carbone. La ratification en bonne et due forme de la résolution adoptée en 2009 se justifie donc par la volonté croissante des États parties d’en exploiter toutes les potentialités.
Ces observations m’ont naturellement conduit à analyser l’opportunité de développer le captage, le transport et la séquestration géologique du dioxyde de carbone. Comme je l’ai indiqué, cette question doit être abordée dans toutes ses dimensions, qui me paraissent relever de quatre catégories distinctes : les contraintes techniques, les préoccupations environnementales, les enjeux économiques et l’acceptabilité sociale, en particulier pour les élus locaux.
Les contraintes techniques concernent principalement les phases de transport et de stockage du CO2. L’acheminement de celui-ci, après qu’il a été capturé puis comprimé et liquéfié, nécessite le déploiement d’infrastructures de transport par canalisation ou par bateau, qui peut présenter une certaine complexité compte tenu des distances à parcourir et des exigences d’étanchéité. Ensuite, le stockage onshore ou offshore du CO2 s’effectue soit dans des champs d’hydrocarbures préexistants soit dans des couches géologiques profondes. Le stockage implique de s’assurer de l’imperméabilité des réservoirs et de l’absence de risques sismiques dans les zones concernées.
Les technologies de CSC soulèvent également des préoccupations d’ordre environnemental. Pour résumer, il s’agit d’évaluer dans quelle mesure le CSC est un moyen véritablement utile pour respecter nos engagements climatiques en matière de réduction des émissions atmosphériques de CO2 et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Il s’agit aussi de mesurer les risques et conséquences éventuellement préjudiciables que fait peser le CSC sur l’environnement. Les auditions que j’ai conduites auprès des professionnels du secteur, acteurs publics comme privés, ont souligné la nécessité, sinon le caractère indispensable du CSC dans la poursuite de nos ambitions climatiques, telles qu’elles découlent de l’accord de Paris de 2015 et de la réglementation européenne.
Certes, le CSC ne constitue pas une solution unique au vu des autres leviers de décarbonation qui existent, comme l’électrification, le recyclage et les mesures de sobriété énergétique. Cependant, le CSC s’avère particulièrement utile pour réduire les émissions atmosphériques de CO2 de secteurs industriels dont l’usage du carbone demeure incontournable, tels que ceux de la production de ciment et d’acier.
Par ailleurs, j’ai pu constater que les inconvénients afférents à ces technologies – des risques de fuites susceptibles d’endommager les écosystèmes terrestres ou aquatiques – étaient aujourd’hui maîtrisés, notamment grâce aux mesures de prévention et de contrôle qui accompagnent le déploiement de ces procédés.
Pour compléter le tour d’horizon des défis auxquels le CSC est confronté, j’évoquerai les enjeux économiques et l’acceptabilité sociale.
D’une part, je l’ai déjà mentionné, le CSC présente un intérêt économique pour le secteur industriel. Son coût est actuellement estimé entre 100 et 200 euros la tonne de CO2, alors que le prix du quota d’émission d’une tonne de CO2 s’établit aujourd’hui autour de 75 euros. Cependant, le prix du quota augmente progressivement et devrait être compris entre 120 et 150 euros d’ici à 2030, ce qui fait que le CSC deviendra attractif et rentable à brève échéance. En outre, le dioxyde de carbone capté pourrait faire l’objet d’une valorisation très intéressante s’il était réincorporé dans le cadre de la production de carburants d’aviation durables que les compagnies aériennes européennes sont tenues d’acheter selon le droit de l’Union européenne.
D’autre part, nous devons rester vigilants quant à l’acceptabilité sociale de ces technologies pour les populations environnantes. Si les enjeux sont par nature moins sensibles dans les zones sous-marines, il convient d’informer et de consulter l’ensemble des populations concernées par les projets de CSC, en faisant preuve de pédagogie et de concertation, notamment à l’égard des élus locaux, dans un souci légitime de transparence de l’information et de démocratie de proximité.
Sur la base de ce constat, je considère que le projet de loi ouvre des perspectives et constitue une opportunité que la France doit saisir.
En premier lieu, l’exportation de CO2 dans un but de séquestration sous-marine est d’autant plus crédible que d’importantes capacités de stockage existent déjà ou sont en passe d’être pleinement opérationnelles dans plusieurs pays d’Europe du Nord. Je pense notamment au Danemark et à la Norvège, avec lesquels la France a conclu des accords de coopération au début de l’année 2024.
En second lieu, au-delà des projets d’exportation de CO2 capté et acheminé depuis la France, l’enjeu est de construire une véritable souveraineté industrielle française en matière de CSC, ce qui implique d’identifier des zones de séquestration terrestres et maritimes de CO2 sur notre territoire. Une étude menée en février 2025 a recensé des potentialités de stockage représentant 1,1 milliard de tonnes de CO2, soit presque le triple du volume des émissions actuelles en France.
La mobilisation de toute la chaîne de valeur est une condition de la réussite du CSC et du développement d’une filière française capable de nouer des coopérations avec nos partenaires européens tout en garantissant notre autonomie stratégique en la matière. Je forme le vœu que ce projet de loi de ratification pose en quelque sorte la première pierre de cet édifice et vous invite donc à voter en sa faveur.
M. Alain David, président. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Pierre Pribetich (SOC). Ce projet de loi relatif à l’amendement à l’article 6 du protocole de Londres de 1996 est important. Il pose en effet de nombreuses questions. Vous avez dit à juste titre que le recours aux technologies de captage et de séquestration du carbone était intégré en France dans la plupart des scénarios concernant la neutralité carbone. Il s’agit d’éviter que les émissions de CO2 soient rejetées dans l’air, en les captant directement à la source. Vous avez rappelé les secteurs industriels concernés. Je souligne toutefois l’aberration démocratique que représente un tel amendement, adopté en 2009 et provisoirement appliqué en 2019 mais qui sera peut-être ratifié en 2025. Nous ne pensons pas que ce soit une manière saine de permettre à la représentation nationale de s’exprimer.
La France n’a pas mis en œuvre de stratégie de stockage offshore et n’a rien fait pour accélérer le processus de réflexion en la matière. Certes, de premières orientations ont été fixées en juin 2023 mais elles consistaient simplement en un état des lieux et des perspectives. Nous demandons que la France se saisisse réellement de la question. L’exportation du CO2 vers des États voisins pose un problème parce que la mer ne doit pas être considérée comme un exutoire pour les déchets résultant des activités humaines.
L’élimination du carbone rejeté dans l’atmosphère est une nécessité mais elle ne peut constituer qu’un complément aux efforts de réduction des émissions : on ne peut pas considérer qu’il s’agit d’une solution alternative. Le recours au CSC doit être uniquement réservé à des usages industriels en vue de réduire des émissions résiduelles qui ne peuvent être supprimées à la source. Le CSC ne doit pas être utilisé par les industriels pour contourner la réduction des émissions qui est souhaitée.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Merci pour vos recommandations. La France a effectivement mis beaucoup de temps à avancer dans ce dossier et j’ai expliqué les raisons de ce retard. Par ailleurs, il ne faudrait pas que les efforts de réduction des émissions diminuent en raison des nouvelles possibilités qui s’ouvrent : le CSC viendrait en complément, nous sommes d’accord sur ce point. C’est une solution qui ne vise pas à contourner les efforts de réduction des émissions et dont nous ne pourrons pas nous passer face à la situation actuelle.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. Nous ne pouvons lutter contre le réchauffement climatique avec de mauvaises solutions. C’est pourtant ce que ce texte propose : le stockage du CO2 sous les mers n’est pas une panacée mais un leurre, car ainsi on ne se confronte pas aux problèmes sous-jacents. Le texte ne remet en cause ni la production massive de déchets industriels ni les émissions à la source. Il nous demande d’accepter l’exportation de CO2 vers d’autres pays, ce qui fera peser les risques environnementaux et sanitaires sur d’autres populations – en l’occurrence, pour les projets à venir, la population italienne. La transition écologique ne consiste pas à externaliser nos responsabilités mais à actionner le vrai levier de décarbonation, qui est celui de la sobriété. Il s’agit de repenser notre modèle industriel, de réduire la production de déchets et de favoriser l’économie circulaire.
Par ailleurs, les risques liés au stockage du CO2 ne sont pas minimes. Des catastrophes sont survenues dans d’autres pays, comme en 2020 la rupture d’un carboduc aux États-Unis, qui a causé des malaises ainsi que des maladies neuronales et cardiaques chez des personnes habitant aux alentours. Qu’en sera-t-il demain dans une vallée du Rhône surpeuplée et fragilisée par les aléas climatiques, où un mégaprojet de carboduc est prévu ? Qu’en sera-t-il également en Italie, où l’enfouissement du CO2 doit avoir lieu en pleine région sismique ?
Les investissements d’aujourd’hui doivent servir à nous protéger demain en anticipant les crises et les bouleversements climatiques qui frappent nos modèles de société, de consommation et de production. Pour cela, il faut recycler les matériaux, réutiliser les déchets, électrifier les procédés et contribuer en tout temps à l’efficacité énergétique. Il faut cesser de repousser à plus tard le problème en stockant toujours plus de déchets nucléaires en sous-sol, en enfouissant les déchets ménagers et en stockant en mer les rejets de CO2. C’est tout un modèle qu’il faut changer.
Notre groupe votera contre ce projet de loi. En tant qu’écologistes, nous croyons à des choix courageux de réduction des déchets et à la transition écologique, et non à des solutions faciles au profit des industriels pollueurs. Ce texte nous semble extrêmement déséquilibré dans la mesure où il s’inscrit dans une logique de réparation ou en tout cas de comblement d’un manque de volonté politique en matière de réduction des déchets.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Je vous remercie pour votre intervention, qui fait un peu écho aux recommandations précédentes. Je précise dans mon rapport qu’il peut effectivement exister des risques environnementaux mais que les scientifiques et les spécialistes nous confirment qu’ils sont de mieux en mieux maîtrisés. Vous faites référence à un projet italien en zone sismique ; des précautions sont prises, je l’ai dit, notamment en ce qui concerne l’imperméabilité des milieux concernés, mais je n’entrerai pas dans les détails techniques car je n’en ai pas la compétence.
Il existe aussi des projets en France : nous ne ferons pas qu’exporter du CO2 vers d’autres pays. J’évoque dans mon rapport le projet d’Artagnan à Dunkerque et d’autres projets dans d’autres zones métropolitaines. Malgré le retard pris depuis quelques années, notre pays doit être à la pointe dans ce domaine.
Par ailleurs, ce qui nous est proposé dans ce texte ne sera pas au bénéfice des industriels pollueurs. Il s’agit d’essayer de trouver des solutions pour que l’industrie, sans laquelle nous ne pourrions pas vivre, puisse réduire ses émissions atmosphériques de CO2 et que ce qui peut être capté soit traité. Nous allons réaliser un pas en avant considérable en la matière.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). En réalité, à chaque fois qu’on propose des solutions alternatives au lieu de fixer une ambition de réduction des déchets, les industriels choisissent cette solution de facilité qu’est l’enfouissement et il en sera de même pour le CO2. Nous avons également eu le même type de débat au sujet des incinérateurs. Le présent texte est déséquilibré : il faudrait être plus ambitieux en matière de réduction des émissions pour faire en sorte que les industriels sortent des modèles actuels.
Mme Maud Petit (Dem). La France organise du 9 au 13 juin, en partenariat avec le Costa Rica, la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan. Ce rendez-vous crucial vise à mieux protéger les océans en mettant en œuvre l’objectif de développement durable (ODD) n° 14 du Programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030, qui tend à assurer la conservation et l’exploitation durable des écosystèmes marins et côtiers.
La convention de Londres relative à l’immersion de déchets en mer, qui remonte à 1972, a été l’un des premiers textes relatifs à la protection du milieu marin. Cette convention et le protocole qui a suivi en 1996 avaient pour ambition de fixer des règles en matière d’enfouissement des déchets dans les zones sous-marines. Ces textes précisaient les modalités de stockage et les types de déchets susceptibles d’être séquestrés dans les sous-sols. La grande différence entre la convention de 1972 et le protocole de 1996 réside dans le fait que la première établit une liste de déchets dont l’enfouissement est interdit alors que le second texte suit une démarche inverse en interdisant l’immersion de déchets par principe, sauf quelques exceptions.
Pour se conformer aux objectifs fixés par l’Union européenne, la France a adopté une stratégie nationale bas-carbone dont l’ambition est de réduire de 35 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Un double défi nous attend donc : réduire absolument notre production de gaz à effet de serre et nous appuyer sur les technologies de captage et de séquestration de CO2 à des fins de stockage.
La ratification de l’amendement à l’article 6 du protocole de Londres, lequel article stipule que les parties contractantes n’autorisent pas l’exportation des déchets ou autres matières vers d’autres pays aux fins d’immersion ou d’incinération en mer, revêt une importance assez particulière pour notre pays. Je formule l’espoir que la France puisse maîtriser un jour les technologies de stockage. Pour l’heure, elle a conclu en mars 2024 un accord avec le Danemark qui prévoit le transport du CO2 vers ce pays à des fins de stockage permanent. La ratification de l’amendement à l’article 6 du protocole de Londres autoriserait l’exportation de flux de dioxyde de carbone destiné à être séquestré dans les formations géologiques du sous-sol marin à la condition qu’un accord ou arrangement ait été conclu par les pays concernés.
L’amendement à l’article 6 du protocole de Londres n’est-il pas en contradiction avec l’ODD n° 14 ? Pouvez-vous également nous rassurer sur le fait que le transport transfrontalier de CO2, qui est complexe, vous l’avez dit, est parfaitement sécurisé et sans risque environnemental ? Enfin, comment se fait-il que la France, qui possède le deuxième domaine maritime mondial, ne dispose pas d’infrastructures offshore capables d’assurer le stockage de dioxyde de carbone ?
Le groupe Les Démocrates soutiendra ce texte mais appelle à des avancées françaises encore plus tangibles en ce qui concerne la réduction de notre production de gaz à effet de serre.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Merci pour votre position au sujet de ce texte.
Je ne pense pas qu’il existe véritablement une contradiction entre le protocole et l’ODD, mais il sera toujours possible de procéder aux ajustements nécessaires.
La question du transport de CO2 est désormais bien balisée techniquement, si je puis dire, ce qui permet de garantir une sécurité globale.
Quant au stockage offshore, notre connaissance des fonds marins et sous-marins n’est pas encore suffisante pour avancer de manière sécurisée. Les réponses concrètes qui devront être apportées nécessitent un peu de temps.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Je partage votre étonnement en ce qui concerne le calendrier : le délai de ratification est assez incroyable.
Plusieurs États européens comme la Norvège, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, développent depuis plusieurs années des projets de séquestration de dioxyde de carbone par injection dans d’anciens réservoirs d’hydrocarbures. Pensez-vous, notamment en tant qu’éminent connaisseur de la Corse, qu’il serait possible et souhaitable que la France mène un projet de séquestration de carbone offshore en Méditerranée ?
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Des projets menés avec d’autres pays existent, majoritairement en mer du Nord. J’estime, en tant que député de Corse, qu’il est important que des projets puissent également voir le jour en Méditerranée. Le transport est l’une des principales difficultés en matière de CSC, du fait du coût et des kilomètres à parcourir. Un projet en Méditerranée, nommé Callisto et principalement français, est notamment prévu à Fos-sur-Mer, où nos émissions sont les plus importantes. L’évacuation sera ainsi techniquement plus facile, moins risquée et économiquement plus rentable.
M. Davy Rimane (GDR). La ratification de cet amendement est présentée comme une avancée environnementale mais elle risque en réalité de consacrer une double dépendance de l’État, d’abord à des infrastructures étrangères et ensuite à une technologie qui ne réglera pas le problème de fond.
Exporter notre CO2 vers des sites de stockage norvégiens, néerlandais ou italiens revient à reporter le problème au lieu d’investir dans des solutions durables et localisées chez nous. Le CSC est un mirage technologique qui permet surtout aux industriels les plus polluants de continuer à émettre. Le risque est de se donner bonne conscience en stockant du carbone. Par ailleurs, cette solution ne porte que sur un seul gaz à effet de serre et ne résoudrait donc qu’une partie du problème.
Il existe aussi un risque important de fuite économique. Il faudra des infrastructures lourdes, comme le montrent certains projets de construction de port pour les exportations dans plusieurs villes hexagonales et nous dépendrons d’autres États pour les coûts de stockage. Et qui paiera en fin de compte ces investissements massifs ? Les citoyens, les contribuables, alors que ce sont sans doute les industriels qui en profiteront.
En quoi est-il pertinent de ratifier cet amendement et de faire de tels investissements ? Ne vaudrait-il pas mieux rediriger nos efforts et les moyens correspondants vers des solutions de réduction des émissions mieux localisées, plus fiables et plus complètes ?
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Il ne s’agit pas de se donner bonne conscience mais de trouver une solution pour atteindre nos objectifs à l’horizon 2050. Cette solution vient en complément des efforts que nous devons poursuivre.
M. Davy Rimane (GDR). Vous n’avez pas répondu à certaines de mes questions : qui payera la facture de ces investissements lourds ? Plutôt que d’exporter, nous ferions mieux d’investir dans les nouvelles technologies ; certains pays ont fait le choix d’investir par exemple dans la transformation du CO2 en matière solide pour une réutilisation au quotidien. Dans le même temps, il nous faut poursuivre nos efforts pour minimiser la production de gaz à effet de serre.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Il est effectivement possible de réutiliser le CO2 ultérieurement. Mais, en vertu du principe pollueur payeur, ce sont les industriels qui paieront.
Mme Alexandra Masson (RN). Ce projet de loi est présenté comme une avancée pour la protection du climat mais il ne faut pas se laisser tromper par des discours un peu simplistes. Derrière cette proposition de ratification se cache en réalité la banalisation de l’immersion des déchets dans les fonds marins : l’amendement autorise l’exportation du CO2 liquéfié vers des pays où cela est possible. En d’autres termes, faute d’avoir développé ses propres capacités de stockage, la France s’apprête à envoyer ses émissions sous les océans ou ailleurs. Ce qui est présenté comme une solution propre constitue en réalité une manière déguisée de repousser le problème hors de nos frontières, dans les profondeurs de la mer. Tout ceci révèle un manque criant de stratégie nationale. La France aurait dû investir depuis longtemps dans des plateformes offshores, entre autres, dans ses propres espaces maritimes.
Les océans ne doivent pas devenir les zones où l’on enfouit ce que l’on ne sait plus gérer à terre. Les fonds marins abritent une biodiversité précieuse, fragile, souvent encore méconnue et absolument essentielle à l’équilibre de notre planète. Plutôt que de valider une pratique qui institutionnalise l’enfouissement sous-marin de nos déchets atmosphériques, la France devrait porter un message clair : la mer et les océans doivent être protégés.
Il ne me semble pas pertinent de ratifier cet amendement, surtout à l’approche de la Conférence des Nations unies sur l’océan qui se tiendra à Nice : nous devons faire preuve de cohérence dans nos choix. Nous sommes évidemment ouverts à une conciliation entre développement économique et gestion des ressources, mais on ne peut pas construire une politique crédible en se contentant de déplacer les problèmes. C’est une question de vision, de responsabilité et de respect de nos engagements. Si le CSC peut constituer une solution pour nos industriels dans les zones géographiques déjà équipées, ce ne peut être que de façon restreinte et temporaire.
Nous choisirons donc de nous abstenir. Si nous reconnaissons les enjeux économiques de ce texte, nous restons très réservés sur ses implications environnementales et sur le signal qu’il envoie, à quelques mois de la Conférence des Nations unies sur les océans.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Il faut reconnaître que la France a pris du retard dans ce domaine et qu’il y a urgence à développer une filière nationale. Je comprends vos questionnements mais le recours au CSC est indispensable pour les industries dont les émissions de CO2 sont incompressibles, celles du ciment et de l’acier. Si d’autres solutions existent, nous sommes bien sûr disposés à les étudier.
M. Hervé Berville (EPR). Ce projet de loi est important à la fois pour notre stratégie climatique, pour notre stratégie bas-carbone mais aussi pour la protection des océans. Dans la perspective de l’ambition de neutralité carbone d’ici à 2050, il nous offre non pas une alternative mais une option complémentaire à explorer. Le stockage géologique du CO2 apparaît comme l’une des options technologiques qui pourraient contribuer à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Son transport transfrontalier pourrait faciliter le développement de projets internationaux susceptibles d’avoir un impact sur notre bilan carbone, mais aussi de partenariats dans la bataille contre le dérèglement climatique.
L’amendement s’efforce de trouver un équilibre entre innovation technologique et protection de l’environnement, notamment des océans. Sa mise en œuvre nécessitera des infrastructures de transport – canalisations, terminaux – dont l’impact environnemental sera limité mais devra être suivi et dont le coût devra être assumé exclusivement par les industriels. L’accès au marché du stockage international pourrait offrir une alternative compétitive face à l’augmentation des quotas de carbone en Europe.
Cette solution doit s’inscrire dans une stratégie de décarbonation et ne doit pas occulter l’importance de la réduction des émissions de gaz à effet serre : celle-ci reste la priorité pour les industriels comme pour les États. Nous devons faire preuve de vigilance en encadrant administrativement et scientifiquement l’ensemble des mesures liées au stockage du carbone afin de maîtriser l’impact à long terme de celui-ci.
Le groupe EPR votera en faveur de ce projet de loi, qui s’inscrit dans le cadre international de l’accord de Paris, du protocole de Londres – très rigoureux, s’agissant de la protection de l’environnement marin – et des directives européennes qui nous autorisent à emprunter cette voie.
Pourriez-vous nous en dire plus sur les mécanismes de surveillance qui permettront d’assurer la protection des grands fonds marins, dont nous ne connaissons qu’une infime partie mais qui constituent un écosystème crucial pour notre planète ?
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Dans un premier temps, il est prévu de réutiliser les puits d’hydrocarbures existants, déjà sous surveillance et maîtrisés.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Les amendements au protocole de Londres racontent à eux seuls l’histoire d’une illusion. L’océan s’acidifie et se réchauffe dans des proportions considérables. Les perturbations qu’il connaît affectent profondément son fonctionnement ainsi que la vie des espèces qui y vivent. Le changement climatique s’accélère. La sixième extinction de masse des espèces a commencé. Face à ces modifications profondes de nos milieux de vie, cela vaudrait la peine de s’arrêter un instant et de réfléchir aux causes qui ont conduit à ce problème existentiel et qui l’aggravent. Au moment où Trump et l’extrême droite internationale coalisée autour de sa brutalité font l’éloge de la destruction de nos milieux de vie, la nécessité d’un modèle alternatif s’impose. Mais au lieu d’agir sur les modes de production et de consommation de l’énergie, certains se bercent d’idées saugrenues sur le salut par la séquestration du carbone. En d’autres termes, mieux vaut s’illusionner que critiquer le capitalisme et bâtir les conditions d’une autre économie ; c’est moins fatigant.
Dans le cas des dispositifs de séquestration dans l’océan, l’histoire de l’illusion est d’ores et déjà bien documentée. Le temps que la connaissance scientifique met à atteindre la sphère de décision politique est souvent bien long, estimé à plusieurs décennies dans certains cas. Comme député de Brest et comme chercheur, j’ai la chance d’échanger régulièrement avec des scientifiques. À propos de la séquestration de carbone dans l’océan, un collègue a partagé avec moi sa préoccupation majeure – que l’on retrouve dans les études de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis – concernant les fuites du carbone injecté hors des lieux de stockage sous-marins. En mer du Nord, où des études ont été menées, on ne peut pas savoir si le carbone injecté reste bien stocké en totalité ; il est possible qu’il aille se perdre dans le reste de l’océan.
Illusion technique sans connaissance scientifique n’est que ruine absurde. L’océan n’est pas le puits de carbone sans fond que certains imaginent. L’acidification liée à la captation de carbone met en danger bien des espèces. Le moment viendra où l’océan ne pourra plus retenir le carbone, accélérant d’autant le changement climatique. La séquestration est donc valorisée économiquement sans garantie qu’elle ne renvoie le CO2 vers l’atmosphère, à rebours de l’objectif affiché.
L’histoire des illusions techniques se raconte avec pour musique d’accompagnement le bal du capital. L’amendement que nous examinons aujourd’hui prévoit la capacité d’exporter son dioxyde de carbone si l’on ne dispose pas soi-même de capacités de séquestration – ce qui est le cas de la France. L’exportation du carbone fait écho à l’export des déchets, qui est une spécialité des pays capitalistes avancés. Mais le système Terre n’a que faire de la division internationale du travail, des économies de bouts de chandelle ou des vaines tentatives pour nier la réalité des dynamiques de destruction de l’environnement.
Le dioxyde de carbone produit reste produit : il faut en produire moins. Nous n’échapperons pas à cette réalité. Si l’on s’est quelque peu renseigné sur la question, on sait que l’histoire de cette illusion a déjà pris fin. Au moment où ceux qui nient le changement climatique en interdisent jusqu’à la mention dans les publications scientifiques outre‑Atlantique, l’histoire de la vérité doit inspirer des solutions plus résolues. Le dioxyde de carbone que nous n’avons pas à stocker est celui que nous ne produisons pas. Un tel changement ne peut s’opérer dans une économie reposant sur le principe d’accumulation sans fin des marchandises produites. Nous voterons donc contre ce texte.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Nous ne perdons pas de vue l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. La solution consistant à stocker le CO2 n’est pas la meilleure mais elle n’est pas exclusive. Le but est de la sécuriser, sachant que ce gaz n’est pas le plus toxique. Cette réponse ne vous satisfera sans doute pas, mais y a-t-il d’autres solutions ?
M. Alain David, président. Nous en venons aux questions individuelles.
Mme Clémentine Autain (EcoS). Parce que les efforts consentis ne sont pas à la hauteur de la tragédie que nous sommes en train de vivre – un dérèglement climatique mettant en péril la vie sur Terre et provoquant des catastrophes naturelles en chaîne, ainsi que des déplacements de population –, on cherche à s’adapter. En l’occurrence, il s’agit avec ce projet de loi de développer le captage et le stockage du carbone – et de s’en délester dans d’autres territoires que le nôtre. C’est une fuite en avant. Pourtant, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a souligné que, compte tenu des effets néfastes du transport au-delà de 200 kilomètres, les sites de stockage devaient être les plus proches possible de la source de CO2.
C’est parce que cette solution n’en est pas une que nous nous y opposons. Elle a par ailleurs un coût financier. Vous disiez tout à l’heure, monsieur le rapporteur, que les entreprises paieraient. Or ArcelorMittal vient d’être mis en examen pour avoir menti sur la réalité de sa pollution. Toute mesure s’appuyant sur la confiance, dans ce domaine, n’est pas sérieuse.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Je peux entendre que cette solution n’est ni suffisante ni idéale, mais elle est complémentaire : elle n’empêche pas de poursuivre les efforts en faveur de la décarbonation. Du retard a été pris, certes. Mais puisque vous évoquez l’exportation de CO2, sachez que des projets sont aussi à l’étude en France, par exemple à Fos-sur-Mer, pour que nous soyons à la hauteur et compétitifs dans ce domaine.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Je voudrais justement revenir sur le projet Callisto à Fos-sur-Mer. Comme l’a rappelé ma collègue, ArcelorMittal a été mis en examen hier pour mise en danger d’autrui et pour faux et usage de faux. Une plainte a en effet été déposée par 300 riverains et par des associations contestant les allégations de la société selon lesquelles elle aurait réduit de 70 % ses émissions de gaz. J’ajoute que ce territoire est déjà très pollué et que la population y est fragilisée par des problèmes de santé : les cancers, trois fois plus nombreux qu’au niveau national, mais aussi le diabète et les maladies respiratoires. L’installation d’un stockage de gaz carbonique à proximité risque d’aggraver ces problèmes et de nuire à la qualité de vie. Il faudrait inciter les industriels à faire preuve de transparence et à réduire leurs émissions, plutôt que chercher des solutions alternatives qui pourront s’avérer dangereuses dans quelques années.
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Le projet de Fos-sur-Mer vise à stocker le CO2 dont l’émission est incompressible. Quant à la mise en examen, je ne la commenterai pas. Je laisse faire la justice sans préjuger de rien et dans le respect de la présomption d’innocence.
M. Michel Guiniot (RN). Le texte que nous examinons permettra la modification de la convention sur la prévention de la pollution des mers de 1972. Cette modification, plutôt simple, consiste en l’autorisation de l’exportation des flux de dioxyde de carbone entre pays consentants. Une question se pose toutefois au sujet de l’exportation vers des pays qui ne sont pas parties à l’accord. Quels sont les mécanismes de contrôle prévus pour garantir que l’export se fera dans le respect du milieu marin ? De quelles options les entreprises françaises disposent-elles en attendant la mise en fonctionnement des principaux sites français de captage et de stockage maritimes et terrestres en 2028-2030 ?
M. Xavier Lacombe, rapporteur. Les pays concernés doivent respecter les règles édictées par la directive européenne de 2009 sur le stockage du CO2.
M. Hervé Berville (EPR). La convention de Londres est l’une des plus protectrices de l’environnement marin : si cet amendement au protocole a été autorisé, c’est après de longues discussions entre les partenaires. Rappelons aussi qu’il s’inscrit dans le cadre d’accords internationaux et de directives européennes, et que celles-ci ont été discutées avec les scientifiques, les acteurs économiques et les États, au regard de la stratégie de ces derniers pour parvenir à la neutralité carbone.
L’un de nos collègues a souligné que le capitalisme produisait des déchets. Ce n’est pas son apanage : il me semble que le système communiste en a lui aussi produit beaucoup… Nous devons œuvrer collectivement à l’élaboration d’une stratégie reposant sur deux jambes : l’atténuation et l’adaptation. Celle-ci, d’ailleurs, n’est pas un gros mot : elle n’exclut pas que l’on agisse sur la réduction des émissions ! Il s’agit simplement de tenir compte du principe de réalité : certaines émissions sont incompressibles.
J’ajoute enfin que solution passe par des partenariats avec des pays qui sont des démocraties matures – la Norvège, le Danemark – où existent des mécanismes de surveillance. Nous n’externalisons rien : nous trouvons simplement des solutions technologiques pour répondre à un enjeu écologique majeur.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je voudrais réagir à l’argument par l’absurde employé par notre collègue : en considérant que l’on ne peut pas critiquer le capitalisme au motif que le communisme soviétique a détruit l’environnement, on exonère totalement les modes de production actuels de leur responsabilité décisive dans la destruction des milieux de vie ! Il est scientifiquement établi que, si nous continuons d’organiser l’économie sur le principe d’une accumulation sans fin et d’une extension de la production de marchandises, les milieux de vie ne permettront plus, à long terme, la reproduction de l’espèce humaine. Il ne s’agit pas de revenir aux débats du XXe siècle entre le capitalisme et le soviétisme : il faut aller vers des dynamiques de collectivisation pour réguler l’économie.
Le rapporteur nous dit enfin que la séquestration du carbone viendra en complément. Mais toute la littérature économique, sur les questions de l’énergie et des déchets, montre que l’optimisation des techniques de production se traduit toujours par une hausse de la quantité de déchets ou d’énergie. C’est l’effet rebond, que l’on a pu observer avec les énergies renouvelables depuis les années 1970. Il faut appuyer les décisions et les politiques publiques sur les études scientifiques et sur la connaissance produite, y compris en sciences sociales.
M. Pierre Pribetich (SOC). Il est plus que temps de dire stop à ce type de pratiques et d’abandonner l’idée que l’on ne pourrait pas faire autrement. Je voudrais rappeler, en tant que professeur des universités, qu’il existe d’autres techniques sur lesquelles mener des recherches comme la photosynthèse artificielle, l’absorption chimique ou encore la bioénergie avec captage et stockage du carbone. Mais les premières orientations stratégiques n’ont été lancées qu’en juin 2023, ce qui n’est pas acceptable. Il faut qu’un grand programme de recherche pour la capture du CO2 soit lancé, afin que nous puissions être efficients le plus rapidement possible.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Le mot « adaptation » n’est pas un tabou pour nous, mais tous les scientifiques prédisent que lorsque le climat se sera réchauffé de quatre degrés, il n’y aura plus d’adaptation possible : le dérèglement climatique sera total. Il ne s’agit pas de défendre le capitalisme ou le communisme, mais de changer de modèle de transition écologique. L’adaptation, c’est maintenant : quand la température aura augmenté de deux, trois ou quatre degrés, ce sera trop tard.
M. Hervé Berville (EPR). Vous avez dit, cher collègue Cadalen, que la production de déchets était l’apanage du modèle capitaliste. Je vous réponds simplement – et cela n’a rien d’absurde – que ce n’est pas le cas.
Par ailleurs, c’est à l’horizon 2050 que nous visons la neutralité carbone. D’ici là, il faut des stratégies d’adaptation, de compensation ou d’exportation pour faire face à l’augmentation de certaines émissions. Les stratégies internationales comme l’accord de Paris ou la COP sur la diversité biologique fixent des échéances d’ici à 2030 voire à 2050. Elles nous invitent à agir maintenant mais en marchant sur deux jambes : adaptation et atténuation.
*
Article unique (autorisation de la ratification la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l’article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières, adoptée le 30 octobre 2009)
La commission adopte l’article unique non modifié.
L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
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M. Alain David, président. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) est une institution financière internationale créée en 1991, essentiellement pour accompagner, après la chute du bloc communiste, les pays d’Europe centrale et orientale puis les anciennes républiques soviétiques devenues indépendantes dans leur transition vers l’économie de marché. Elle a ainsi été l’un des principaux soutiens aux pays d’Europe centrale et orientale avant leur adhésion à l’Union européenne. Son siège est situé à Londres et son actionnariat est composé de soixante-quinze pays, ainsi que de l’Union européenne et de la Banque européenne d’investissement (BEI).
Lors de l’assemblée annuelle de mai 2023, le conseil des gouverneurs de la BERD a approuvé la résolution n° 259 visant à élargir, de manière limitée et progressive, son champ d’action géographique à l’Afrique subsaharienne et à l’Irak. Cette orientation s’inscrit dans le cadre stratégique et capitalistique 2021-2025 de l’institution.
Le projet de loi qui nous est soumis vise à entériner cette évolution afin d’en faire bénéficier un certain nombre de pays auxquels la France est particulièrement liée : ont été identifiés comme potentiels futurs pays d’opérations le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Kenya, le Nigéria, le Sénégal et l’Irak. Le Sénat a adopté ce projet de loi le 12 mars dernier et nous sommes invités à en faire de même rapidement.
M. Vincent Ledoux, rapporteur. La BERD avait initialement vocation à accompagner les pays de l’ex-bloc communiste dans leur transition vers l’économie de marché et la démocratie. La spécificité de cette banque de développement est de disposer d’un mandat politique ambitieux qui lui impose de conditionner son aide au respect de certains principes.
De nombreux pays de la région ont achevé leur transition et sont en train de sortir du périmètre d’intervention de la BERD. Seule la République tchèque en est totalement sortie en 2007, avant d’y revenir temporairement en 2021 pour surmonter les effets de la pandémie du Covid 19.
La diminution des besoins aurait pu aboutir à la disparition de cette institution qui était conçue à l’origine comme une sunset bank ayant vocation à s’éteindre lorsque sa mission serait achevée. Son expertise dans le secteur privé notamment, sa rentabilité et l’actualité de son mandat politique – tourné vers la démocratie, la transition énergétique et l’égalité femmes-hommes – ont plutôt incité ses actionnaires à étendre son périmètre d’intervention. Ils l’ont fait par vagues successives, d’abord en Asie – Mongolie, Turquie – à partir de 2006, puis dans le bassin méditerranéen – Égypte, Maroc, Tunisie, Jordanie – à partir de 2012, pour répondre notamment aux besoins des pays ayant connu les « printemps arabes ».
Les régions extra-européennes bénéficient de 40 % des investissements de la BERD, une part stable depuis 2018. L’activité de la Banque a par ailleurs retrouvé une actualité particulière avec le conflit en Ukraine, son deuxième pays d’intervention en dépit de la situation. Des projets sont en cours, pour 6 milliards d’euros, dans les transports – ligne de train reliant le front à la frontière de l’Union européenne –, les télécommunications, ou encore pour soutenir les entreprises dans l’emploi des vétérans de guerre.
Pour devenir un « pays d’opérations », les États doivent d’abord entrer au capital de la BERD, pour un ticket d’entrée moyen d’environ 2 millions d’euros. La moitié de ses membres
– trente-neuf sur soixante-dix-sept – sont bénéficiaires des investissements. En tant que banque, son activité principale consiste à prêter, à garantir des prêts et à investir en capital pour les projets publics ou privés qu’elle accompagne ensuite grâce à son expertise et à sa présence sur le terrain. Au total, elle compte plus de 2 800 agents déployés dans le monde entier. De manière marginale, pour environ 5 % du total de ses investissements, la BERD procède à des dons. La France ne fait pas partie des pays qui les financent car elle dispose par ailleurs de ses propres moyens d’intervention.
En 2024, les investissements de la BERD ont atteint le niveau record de près de 17 milliards d’euros, soit deux fois plus qu’en 2018 ; 76 % de ces investissements ont été destinés au secteur privé et 58 % ont financé l’économie verte. La Banque ne verse pas de dividendes à ses actionnaires, si bien que son capital est aujourd’hui aux deux tiers le fruit des résultats annuels cumulés et qu’elle n’a pas besoin de demander à ses membres de la refinancer régulièrement.
La France fait partie des principaux actionnaires avec 8,2 % du capital, ce qui lui assure l’une des vingt-trois places du conseil d’administration. L’Italie et l’Allemagne détiennent une part identique. Les États-Unis, dans l’attente de l’actualisation de leur position dans les organisations multilatérales, qui fait l’objet d’une revue d’ensemble, sont le premier actionnaire avec 9,6 % du capital, suivis du Royaume-Uni et du Japon, avec 9,3 %.
Le texte soumis au Parlement vise à ratifier la résolution n° 259 du 18 mai 2023 du conseil des gouverneurs de la BERD, l’organe de décision rassemblant les ministres des finances ou leurs représentants. Pour que la résolution entre en vigueur, il faut que 75 % des membres représentant 80 % du capital la ratifient. La France est, avec l’Italie, le dernier gros contributeur à ne pas l’avoir fait. La résolution propose, comme cela a été fait en 2006 pour l’Asie et en 2012 pour le bassin méditerranéen, d’étendre le périmètre dans lequel la BERD peut intervenir à l’Irak et à l’Afrique subsaharienne. Les auditions que nous avons menées, notamment celle de l’administrateur de la France à la BERD et de la direction générale du Trésor, nous ont permis de mieux saisir les enjeux de cet élargissement, d’ailleurs soutenu par notre pays.
Il s’agit de parvenir à concilier l’objectif initial de la BERD – le soutien au développement de l’Europe de l’Est – avec de nouveaux objectifs stratégiques. Pour rassurer tout le monde, j’insiste sur le fait que cet élargissement sera très progressif et peu coûteux à l’échelle des moyens de la BERD. Il n’exige pas d’augmentation du capital, car seulement 400 à 500 millions d’euros d’investissements sont prévus sur sept ans. Le nombre de pays d’Afrique subsaharienne concernés est également limité à six. Ils ont été retenus sur des critères stricts en matière économique et politique : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Kenya, le Nigéria et le Sénégal. En ce qui concerne l’Irak, il est mentionné dans la résolution mais est déjà couvert par l’article 1er de l’accord fondateur de la BERD tel qu’il a été modifié en 2012.
Cela ne pénalisera donc pas les projets en cours ni l’intervention en Ukraine, d’autant qu’une augmentation du capital de 4 milliards, la première en trente ans, est prévue pour financer la reconstruction de ce pays. Pour la France, qui a soutenu cette souscription, cela représente 343 millions d’euros versés sur cinq ans, soit 68 millions par an.
L’élargissement ne devrait pas non plus venir concurrencer inutilement les différentes institutions multilatérales – Banque mondiale, Banque africaine de développement – ou bilatérales – Agence française de développement (AFD) –, déjà présentes sur le continent africain. La BERD se montre attachée à coordonner ses efforts avec ses homologues et à apporter ce qui fait sa spécificité : un soutien au secteur privé et financier et à la transition énergétique, conditionné à des exigences démocratiques. Les acteurs du développement ont l’habitude de coopérer. Il est même rare qu’ils financent des projets seuls afin d’en partager les risques. Dans certains pays, des plateformes de coordination – dites « plateformes pays » – ont même été créées pour simplifier le financement et le pilotage des projets avec les autorités locales. Cette coordination pourrait bénéficier à l’AFD et à sa filière dédiée au secteur privé, Proparco, très active dans ces régions.
La France et l’Europe ont soutenu cette stratégie pour plusieurs raisons. Dans un contexte de désengagement des États-Unis au sein des organisations multilatérales, elle est susceptible de freiner l’avancée de la Russie et de la Chine en Afrique subsaharienne, en apportant de nouveaux financements à des coûts très avantageux. Cela peut permettre à la France, qui rencontre des difficultés avec certains gouvernements de la région, de maintenir sa présence en faveur du secteur privé de ces pays et de leur développement. Les financements de la BERD vont également ouvrir de nouveaux marchés dans le domaine de l’énergie ou des transports dont des entreprises françaises, déjà implantées dans ces régions, pourront bénéficier. En Égypte, par exemple, Électricité de France (EDF) a construit un immense parc solaire, grâce à des financements de la BERD et de la Banque mondiale.
Pour toutes ces raisons, il semble utile de ratifier cette résolution. La BERD ne répond pas à elle seule, bien sûr, à toutes les difficultés posées par la situation internationale actuelle, mais elle peut offrir à la France un levier d’action diplomatique complémentaire.
M. Alain David, président. La parole est aux orateurs des groupes.
Mme Clémentine Autain (EcoS). À première vue, l’idée de soutenir les projets de pays qui en ont besoin est séduisante, surtout au moment où les États-Unis opèrent un dangereux recul dans leur aide internationale. J’aurai toutefois deux préventions. Tout d’abord, les pays concernés réclament bien souvent l’annulation d’une partie de leur dette. Ces prêts sont-ils alors le bon modèle ? Par ailleurs, si nous sommes évidemment favorables aux critères démocratiques, ne faudrait-il pas aussi s’entendre sur ceux relatifs à l’économie de marché ? L’aide publique au développement encourage à adopter les normes néolibérales d’un capitalisme mondialisé et s’est un peu dévoyée. Quelles garanties avons-nous que les projets soutenus servent les intérêts des habitants et non ceux de multinationales qui viendraient faire leurs petites affaires ?
M. Vincent Ledoux, rapporteur. Le recul des États-Unis dans l’aide publique au développement est en effet inquiétant.
Pour ce qui est de l’endettement, n’oublions pas que les prêts sont fléchés principalement vers le secteur privé des petites et moyennes entreprises, sans exclure quelques collectivités territoriales et organisations étatiques. Par exemple, en Ukraine, la BERD va soutenir le retour à l’emploi des vétérans et la reconstruction des voies ferrées. Les acteurs de la BERD ont été actifs pendant tout le conflit. La BERD assure également l’accompagnement des acteurs qu’elle finance, comme un banquier qui conseille son client.
Pour accéder au capital et être pays d’opérations, les membres de la BERD sont soumis à une évaluation de leur situation politique et économique. En outre, les projets doivent remplir des critères précis. Ainsi 58 % des financements sont consacrés à l’économie verte. Enfin, les institutions qui interviennent sur le terrain du développement se coalisent pour améliorer l’efficacité de leur action.
M. Stéphane Hablot (SOC). Tout a été dit par Clémentine Autain sur cette banque européenne qui s’engage à soutenir la reconstruction et le développement. On ne peut qu’être favorable à cet accord, qui offre l’opportunité de relever des défis majeurs. Les pays d’Afrique subsaharienne concernés par l’accord traversent des crises climatiques et subissent de plein fouet des inégalités économiques. Nous croyons dans un investissement solide, durable et équitable pour bâtir des infrastructures, développer des énergies renouvelables, donner aux économies émergentes les moyens de se déployer. La BERD a relevé des défis dans de nombreux pays, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, et son action s’accompagne d’une exigence de respect des principes démocratiques.
Le rapport indique que les États aidés doivent adhérer aux valeurs du multipartisme et du pluralisme, aux principes de la démocratie. Nous avons constaté que la BERD avait soutenu l’Ukraine et coupé les ponts avec la Russie. Comment rappeler la Turquie à l’ordre ? Erdoğan n’est pas vraiment l’incarnation de la démocratie. Il faut savoir rappeler à l’ordre ses partenaires. Restons vigilants, ayons confiance dans les rendez-vous d’aujourd’hui pour accompagner, évaluer et faire durer les projets au service des pays, de leur population, de leur développement, dans le respect des principes démocratiques.
M. Vincent Ledoux, rapporteur. Vous avez raison de rappeler que la vigilance doit être permanente ; je pense qu’elle l’est. La BERD est un espace de discussion entre des pays qui auraient du mal à se parler dans un autre cadre. À chaque fois, les modalités de soutien sont revues, puisque certains pays partent, d’autres cessent d’être aidés, comme la Russie. Des pays sont au capital sans être pays d’opérations – c’est le cas de l’Algérie. S’agissant des pays d’Afrique subsaharienne, les discussions que nous pourrons avoir avec eux, en concurrence avec la Russie ou la Chine, qui s’embarrassent peu d’exigences démocratiques, seront aussi l’occasion de faire modestement bouger les lignes. La BERD doit rester un espace de dialogue, un espace de vigilance ; elle n’est pas un espace de complaisance.
Mme Maud Petit (Dem). Comme vous l’avez rappelé dans votre rapport, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement a été créée en 1991. L’ambition initiale de cette institution financière internationale était de financer des projets favorisant la croissance économique, le développement du secteur privé et la modernisation des infrastructures des pays d’Europe centrale et orientale, après la chute du bloc soviétique. Une fois ces objectifs atteints, la BERD avait vocation à disparaître. D’ailleurs, certains pays de l’ancien bloc soviétique ne bénéficient plus aujourd’hui de ses investissements.
Mais l’expertise, la rentabilité et la spécificité du mandat politique de la BERD ont conduit les actionnaires à vouloir en étendre le périmètre d’intervention. C’est ainsi que son champ d’action a été élargi à l’Asie centrale, au bassin méditerranéen en lien avec le printemps arabe, à la Mongolie, à l’Afrique du Nord et à la Turquie. Si le continent européen reste la première zone d’intervention de la BERD, avec 59,5 % de ses investissements, c’est en grande partie dû au conflit entre la Russie et l’Ukraine. Depuis le début de la guerre, en février 2022, la BERD apporte son soutien à l’Ukraine, en investissant dans des projets à hauteur de 6 milliards d’euros. Elle avait déjà investi 22 milliards d’euros dans ce pays, notamment pour financer le sarcophage de la centrale nucléaire de Tchernobyl, son plus gros projet achevé.
Si les investissements vers des projets européens restent majoritaires, les autres sont en pleine croissance. Ils ne représentaient que 18 % en 2013 et atteignaient 40,5 % en 2023. La BERD aspire à investir vers de nouveaux territoires. C’est le sens du projet de loi, en faveur duquel le groupe Les Démocrates votera.
Rappelons cependant que le mandat politique de la BERD spécifie que son intervention est conditionnée au respect des principes de la démocratie pluraliste, de l’égalité femmes-hommes, d’intégrité et de transparence ou de lutte contre les abus et l’exploitation sexuelle. Quel chemin la BERD a-t-elle engagé pour obtenir des garanties vis-à-vis de certains pays sur ces questions et principes ?
M. Vincent Ledoux, rapporteur. Vous avez raison de souligner que la vigilance demeure de mise, notamment à l’égard des nouveaux entrants. En discutant avec les administrateurs français de la BERD, j’ai compris que la discussion était permanente. Il existe des clauses de revoyure. L’évaluation des projets est d’ailleurs menée par une société externe. Les équipes s’interrogent en permanence, sur le terrain comme à Londres, pour réajuster le tir. Nous avons des garanties.
M. Guillaume Bigot (RN). Notre groupe a trois réserves. La première tient au périmètre géographique. Dès 2006, la BERD s’est détournée de sa vocation initiale en étendant ses activités à la Mongolie, à l’Afrique du Nord, aux pays du Proche-Orient et désormais à six pays d’Afrique subsaharienne et à l’Irak. Or, comme vous l’avez rappelé, cette institution a été créée en 1991 pour financer le décollage du secteur privé et favoriser la transition démocratique des pays européens de l’ex-bloc soviétique. Elle a été conçue de manière chrono-historico-dégradable pour disparaître une fois sa mission accomplie. Aussi, nous voilà maintenant face à une sorte de bureaucratie internationale, un machin, comme disait le général de Gaulle, qui se cherche des raisons de perdurer, alors même que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et de multiples fonds bilatéraux financent déjà des projets analogues.
Deuxième réserve : les textes qui fixent le cadre de la BERD et son esprit. L’article 1er de son statut dispose qu’elle soutient des États « qui s’engagent à respecter et mettent en pratique les principes de la démocratie pluraliste ». Si l’élargissement est entériné, on comptera désormais parmi les pays bénéficiaires des fonds de la BERD des démocraties aussi exemplaires que le Nigéria ou l’Irak, dans lesquelles on tire à l’arme lourde sur ceux qui contestent le résultat souvent trafiqué des urnes. On peut également s’interroger sur le respect de la transparence dans la vie des affaires ou de l’égalité hommes-femmes dans ces pays.
Surtout, le texte de la résolution justifie cet élargissement en évoquant « la réalisation des priorités de la communauté internationale sur les plans géopolitiques et du développement », une probable référence à l’évangile des objectifs de développement durable (ODD). Or la planète s’est totalement transformée, et pas nécessairement pour le meilleur. À cette heure, peut-on encore dire, quand on voit ce qu’est devenue la Chine, que financer le secteur privé c’est favoriser la démocratie ? Que procéder de manière émiettée, par le biais des organisations internationales multilatérales, c’est forcément favoriser les intérêts de la France et ceux des populations qui reçoivent ces aides ?
M. Vincent Ledoux, rapporteur. Comme Mme Autain, j’aurai un peu de mal à vous convaincre sur le cadre d’intervention – et je n’ai pas cette ambition. Vous avez parlé de « machin ». Après m’être également demandé pourquoi la durée de vie de la Banque avait été prolongée, je me suis rendu compte que c’était utile. Les périmètres d’intervention spécifiques de la BERD ne se recoupent pas avec ceux des autres outils bancaires. C’est une banque mondiale multilatérale, dont la vocation première est de garder le contact avec le secteur privé.
Par ailleurs, la bancarisation de la société africaine et le passage d’une société économique informelle à formelle est un pas vers l’autonomisation des populations – un pas de colombe mais un pas tout de même. Certains projets financent des microbanques qui permettent aux femmes de trouver les moyens de leur émancipation. J’ai le sentiment que ce n’est pas un « machin » de plus, mais un outil complémentaire dans notre stratégie d’aide au développement.
S’agissant des intérêts français, cela nous permet de nous positionner dans des champs géographiques nouveaux et d’apporter une réponse complémentaire de celle de l’AFD.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je souhaite exprimer tout l’intérêt que j’ai eu à la lecture de ce rapport particulièrement éclairant sur un sujet si peu connu du grand public et des parlementaires. Peu de nos concitoyens, hormis les passionnés de la construction européenne, connaissent l’existence et l’impact de la BERD, qui a pourtant été un acteur majeur de l’élargissement de l’Union européenne aux pays de l’ancien bloc soviétique, en les accompagnant dans leur transition économique et sociale. Votre rapport illustre parfaitement l’importance de cette institution, tout en montrant comment ses missions et son périmètre géographique ont évolué, du Caucase à la Mongolie en passant par le bassin méditerranéen. Elle est désormais active dans trente-neuf pays.
Dès lors, l’argument d’une spécialisation géographique ne peut justifier un refus d’élargir son champ d’action à l’Irak et à six pays d’Afrique subsaharienne, surtout lorsque l’on sait que la BERD a déjà su diversifier ses activités avec beaucoup de succès. Intégrer ces nouveaux pays, sans négliger le dossier crucial de l’Ukraine, bien évidemment, est non seulement cohérent mais stratégique. C’est un signal fort à envoyer, notamment aux pays africains où notre influence est de plus en plus disputée. Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Bénin, tout comme le Ghana, le Kenya et le Nigéria sont au cœur de notre nouvelle stratégie africaine. En renforçant la présence européenne et française dans ces régions, nous consolidons notre position face à une concurrence accrue et hostile. Cette évolution est aussi un levier de stabilité régionale, pour rééquilibrer l’action de l’Union européenne, un outil complémentaire à l’AFD et à l’Union européenne et un message cohérent avec la stratégie de la Team Europe. Le groupe EPR soutient pleinement cette résolution essentielle pour l’avenir de notre influence, qu’elle soit économique ou politique.
M. Vincent Ledoux, rapporteur. Votre intervention me permet de redire combien il est important que nous, commissaires aux affaires étrangères, puissions-nous emparer de sujets qui sont relativement peu évoqués. Alors que j’ai été rapporteur du budget des affaires étrangères pendant cinq ans à la commission des finances, jamais je n’avais rencontré la BERD – sans doute parce que la contribution de la France à la BERD relève d’un compte d’affectation spéciale. Nous pourrions entendre sa présidente, qui est française, en audition voire créer une mission particulière sur ce sujet très intéressant. Cela permettrait de répondre aux questions que nous nous posons à juste titre.
Il faut accompagner le développement de l’Afrique, d’autant que, dans ce nouveau contexte international, nous sommes en concurrence sur des segments où nous étions auparavant dominants. Nous passons d’une situation plutôt avantageuse à une situation dans laquelle il faut se différencier. La BERD peut être un outil pour nos chefs d’entreprise, ainsi que pour ceux qui ont besoin d’entrer dans l’économie formelle et dans la bancarisation mondiale, soit autant de critères d’amélioration vers une démocratie participative. Dans l’imperfection du monde, c’est une petite goutte de progrès.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Merci, monsieur le rapporteur, pour ce très bon travail. Je veux d’abord redire l’attachement de mon groupe au principe de l’aide au développement, dans un contexte où il est très sévèrement attaqué. Les décisions prises par Donald Trump pour faire s’effondrer l’USAID auront des conséquences absolument terribles. En Ukraine, c’est l’assistance aux médias indépendants qui a été interrompue ; au Cameroun, les programmes de vaccination contre le VIH et un certain nombre de maladies ; en République démocratique du Congo ou au Népal, les initiatives de lutte contre la malnutrition. En France, nous avons réduit de manière très significative les crédits consacrés à l’aide au développement et des polémiques sont relayées dans l’espace médiatique pour s’attaquer à son principe même.
S’il faut défendre l’aide publique au développement, je ne suis pas sûr que ce type d’outil offre la bonne réponse. La BERD, qui a été créée dans le contexte particulier de l’effondrement de l’URSS, l’a été selon une idéologie très marquée de soutien au secteur privé plutôt qu’à des modèles reposant davantage sur les services publics ou d’autres types d’économies. Ce n’est pas non plus un outil totalement européen, puisque les Américains en sont le principal actionnaire. Quant à être une forme d’instrument géopolitique qui permettrait de contrer l’influence d’autres pays, autant cela ne me dérange pas que la France puisse affirmer son indépendance, faire rayonner son savoir-faire et promouvoir son propre modèle d’aide au développement, autant qu’elle le fasse main dans la main avec certaines grandes puissances pour en contrer d’autres ne me paraît pas relever d’un agenda franco-français.
Enfin, nous ne sommes pas certains que l’endettement et le modèle bancaire soient la seule réponse aux problématiques d’aide au développement. Certains pays africains, qui sont déjà endettés à plus de 50 %, ne pourront pas aller de l’avant avec toujours davantage de prêts. Rappelez-vous ce que les politiques et les réformes d’ajustement structurel dans les années 1980-1990 ont fait comme dégâts dans ces pays.
Pour toutes ces raisons, mon groupe ne sera pas favorable à cette extension.
M. Vincent Ledoux, rapporteur. Nous aurons du mal à nous convaincre l’un l’autre en trois minutes des avantages ou des limites du modèle économique de la BERD. À mon avis, l’aide publique au développement ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire ; elle doit se maintenir à son niveau, surtout dans le contexte actuel.
Effectivement, il y a un biais : celui du soutien au secteur privé, notamment aux petites, très petites et microentreprises. Mais, après les séismes, la BERD a beaucoup aidé la Turquie et le Maroc pour accompagner les secteurs engagés dans la reconstruction et plusieurs municipalités.
M. Nicolas Forissier (DR). Notre groupe votera pour le projet de résolution. J’ai été assez surpris que l’on puisse être choqué que la BERD se tourne vers le secteur privé. Ce n’est pas le diable ! Ces financements, ces partenariats me paraissent relever de l’ordre naturel de la vie économique mondiale.
M. Alain David, président. La parole est aux orateurs individuels.
M. Stéphane Rambaud (RN). Le projet de rapport propose d’étendre le champ d’action de la BERD à l’Afrique subsaharienne et à l’Irak, au nom d’une énième stratégie de développement. À quoi sert-il de multiplier les promesses d’influence dans des pays qui n’en demandent pas ? Pourquoi s’obstiner à vouloir imposer un modèle que personne ne réclame ? Est-ce vraiment là le rôle de la France de financer sur le dos des contribuables des opérations d’influence coûteuses dans des territoires où la démocratie ne s’impose pas d’en haut et où nous n’avons ni mandat ni légitimité ? Il est temps que la France rompe avec cette logique d’alignement systématique, qu’elle retrouve une voix singulière, indépendante, respectueuse des peuples, soucieuse de la paix et fidèle à ses seuls intérêts véritables, ceux de la nation. Quand le gouvernement décidera-t-il enfin de consacrer les efforts de la France à la France ?
M. Michel Guiniot (RN). Inaugurée en avril 1991 à Londres à l’issue d’un débat initié par le président François Mitterrand en octobre 1989, la BERD avait originellement pour but de soutenir la transition vers l’économie de marché des pays de l’Est et de les aider à panser les plaies du communisme. Désormais, elle est active dans près de quarante pays en Europe centrale, en Asie centrale et en Méditerranée méridionale et orientale, notamment en Cisjordanie et à Gaza.
La France dispose de 2,5 milliards au capital de cette banque depuis sa création. Cette année, pour la première fois, elle a consenti à une augmentation de son capital à hauteur de 343 millions, sans que le Parlement n’ait donné son aval en raison d’un recours au 49.3.
En quoi la BERD procure-t-elle des services que notre aide publique au développement n’est pas en mesure de fournir en dépit de son habituel financement stratosphérique ? Pourquoi l’Italie et le Canada refusent-ils l’extension du mandat géographique de la BERD ?
M. Frédéric Petit (Dem). Une augmentation de capital n’est pas une dépense de fonctionnement. Elle induit une participation accrue.
Par ailleurs, il est contradictoire de déplorer simultanément le recours au secteur privé et l’endettement des États. L’endettement des banques œuvrant au développement de la petite entreprise ou de l’entreprenariat défavorisé dans certains pays ne pèse pas sur les États. Il est résorbé par le fruit de l’activité qu’il a permis de créer.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Je voterai pour la résolution, même s’il est permis de se demander si, en Afrique subsaharienne, la BERD est l’outil adéquat, compte tenu de l’incapacité de l’AFD à répondre aux attentes des populations et du coût géopolitique subséquent pour la France.
L’évolution proposée doit être analysée à la lumière du désengagement américain et du passage d’un ordre mondial fondé sur la coopération à un autre fondé sur la compétition. L’Europe doit à tout prix y jouer un rôle de puissance, en défendant ses valeurs qui sont contraires à cette vision du monde, quand bien même certains, en France, y souscrivent.
Dans ce contexte, il importe de développer les outils dont nous disposons. Il faudra faire davantage, notamment en rétablissant l’aide par la subvention et une véritable coopération ; la BERD n’en est pas moins un outil utile. En somme, on nous demande de choisir entre le rayonnement de la France et le rabougrissement national.
M. Vincent Ledoux, rapporteur. M. Roumégas a prononcé les mots exacts : compétition et coopération. Dans le monde où nous vivons, il faut concilier les deux. Cela vaut réponse à M. Rambaud : pour ma part, je préfère les ponts et les passerelles aux murs. Prôner le recroquevillement de la France pour laisser le champ libre aux grands empires est une erreur, d’autant que près de 60 % des investissements de la BERD sont réalisés en Europe et il ne semble pas opportun, par les temps qui courent, de les remettre en cause.
Monsieur Guiniot, indépendamment du recours au 49.3, l’inscription de la souscription de la France au capital de la BERD dans un compte d’affectation spéciale n’offre pas une bonne visibilité. Je plaide pour un renforcement du dialogue de notre commission avec la BERD. Concernant le Canada et l’Italie, la consultation de leur représentation nationale respectives est en cours, comme elle l’est chez nous au demeurant.
M. Roumégas a rappelé à raison que la BERD est un outil parmi d’autres, tous complémentaires entre eux. Le modèle d’organisation et de gouvernance qu’elle a adopté me semble cohérent. Ces outils évoluent au fil de l’eau. Dans le contexte que nous connaissons, assurer la diversité des sources de financement semble souhaitable. Cela permet de garder le contact avec les pays concernés et de continuer à faire pression en faveur de l’exigence démocratique qui est la nôtre. Certes, ce système n’est pas parfait et tous les pays qui en bénéficient ne sont pas au standard démocratique universel, mais y sommes-nous nous-mêmes, si tant est qu’il existe ? Le tout est d’y tendre.
*
Article unique (autorisation de l’approbation de la résolution n° 259 portant modification de l’article 1er de l’accord portant création de la BERD afin de permettre l’élargissement limité et progressif du champ d’action géographique de la Banque à l’Afrique subsaharienne et à l’Irak, adoptée le 18 mai 2023)
La commission adopte l’article unique non modifié.
L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
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Informations relatives à la commission
En conclusion de sa réunion, la commission désigne :
– Mme Marine Hamelet, rapporteure sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord portant création du Centre de développement des capacités cyber dans les Balkans occidentaux (C3BO) (n° 944) ;
– Mme Eléonore Caroit, rapporteure sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama (n° 1028).
La séance est levée à 12 h 00.
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Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Clémentine Autain, M. Hervé Berville, M. Guillaume Bigot, M. Jorys Bovet, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Nicolas Dragon, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, M. François Hollande, Mme Sylvie Josserand, Mme Brigitte Klinkert, M. Xavier Lacombe, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, Mme Constance Le Grip, M. Jean‑Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, Mme Élisabeth de Maistre, Mme Alexandra Masson, M. Laurent Mazaury, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Davy Rimane, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Sabrina Sebaihi, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, M. Frédéric‑Pierre Vos, M. Lionel Vuibert
Excusés. – Mme Nadège Abomangoli, Mme Eléonore Caroit, Mme Christelle D’Intorni, M. Marc Fesneau, M. Bruno Fuchs, M. Perceval Gaillard, Mme Marine Le Pen, Mme Nathalie Oziol, Mme Mathilde Panot, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert‑Dehault, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa