Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information sur l’avenir de la francophonie (Mme Amélia Lakrafi et M. Aurélien Taché, rapporteurs) 2
– Information relative à la commission.......................30
Mercredi
25 juin 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 76
session ordinaire 2024-2025
Présidence de
M. Bruno Fuchs,
Président de la commission des affaires étrangères
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La commission procède à l’examen, ouvert à la presse, du rapport d’information sur l’avenir de la francophonie.
La séance est ouverte à 9 h 10.
Présidence de M. Bruno Fuchs, président.
M. le président Bruno Fuchs. Chers collègues, notre ordre du jour appelle ce matin l’examen du rapport d’information de Mme Amélia Lakrafi et M. Aurélien Taché sur l’avenir de la francophonie.
Ce travail très attendu aurait dû aboutir au moment du sommet de la francophonie de Villers-Cotterêts, ce qui n’a pas pu être le cas en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. Il sera finalement débattu, ce qui n’est pas plus mal, à une quinzaine de jours de la cinquantième session plénière de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), qui se tiendra à Paris et dans un moment où la francophonie est au milieu du gué, alors qu’un accord a été signé aux États-Unis, après des négociations au Qatar, concernant le conflit entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC).
Ces faits interrogent sur la stratégie et sur l’influence de la francophonie. Nous pouvons nous demander si la France a une stratégie, alors que les dotations volontaires de la France au budget de l’APF vont passer de 350 000 à 150 000 euros et que celles à l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), bastion très fort des études universitaires et de la mobilité francophone dans le monde, vont baisser de 75 %. La stratégie française et sa projection dans la francophonie suscitent donc des interrogations. La France exerce-t-elle encore une influence ? Croit-elle encore en la francophonie ?
Pour ce rapport très attendu, vous avez mené de nombreuses auditions et tables rondes, au cours desquelles vous avez entendu près de 300 personnes. Vous vous êtes déplacés sur les continents nord-américain et africain, notamment au Maroc, en RDC et au Sénégal, ainsi qu’à Bruxelles. Notre commission étant réglementairement chargée de tout ce qui concerne la francophonie, il me semble particulièrement opportun qu’elle apporte sa vision et sa contribution à la réflexion légitime sur l’avenir de la francophonie au XXIe siècle.
Je souhaite la bienvenue à nos deux rapports et leur cède la parole.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Nous sommes très heureux de vous présenter ce travail, qui nous a captivés et qui avait été interrompu par la dissolution. Nous tenons à remercier le président Fuchs qui a soutenu la relance de notre mission dès octobre dernier, en ajoutant notamment un déplacement au Sénégal, en complément de ceux effectués durant la précédente législature. Cette démarche nous a permis de rencontrer environ 250 interlocuteurs en France et à l’étranger.
Notre déplacement au Sénégal s’inscrit d’ailleurs, à notre humble niveau, dans un mouvement d’ensemble de diplomatie parlementaire. J’ai le plaisir de présider le groupe d’amitié France-Sénégal pour renouer le lien entre nos deux pays, abîmé par les ambiguïtés de nos gouvernements pendant la dérive autoritaire de Macky Sall.
Le Sénégal incarne très bien les enjeux de la francophonie sur lesquels je souhaite insister. Le premier concerne une langue qui n’est pas la propriété exclusive de la France, mais que nous avons en partage et que nous pouvons faire progresser par un travail commun. Comme de nombreux pays de la francophonie, le Sénégal est à la fois fier de ses langues nationales, notamment le wolof, parlé quotidiennement par une majorité de la population, mais également très attaché à la langue française, qui appartient autant au pays de Senghor qu’à la France.
Comme les Sénégalais, la grande majorité des 350 millions de francophones dans le monde sont plurilingues. Ils ont grandi en apprenant le français et d’autres langues nationales, dans des espaces multilingues. L’avenir de la francophonie se joue donc essentiellement dans les systèmes éducatifs qui doivent faire une place au français aux côtés d’autres langues, tout en répondant aux défis de la démographie des élèves et des enseignants, forts sur le continent africain.
Cet enjeu concerne prioritairement l’Afrique, puisque 75 % des près de 100 millions d’élèves qui ont le français comme langue de scolarisation s’y trouvent. Cependant, dans certains pays, les dépenses publiques consacrées à l’enseignement demeurent très insuffisantes. Les méthodes éducatives sont dépassées et n’offrent de perspectives ni aux élèves, ni à leurs familles, ni aux enseignants. Ce constat est très net en RDC.
Le Sénégal, en revanche, se positionne en pointe sur ces enjeux et accueille des institutions spécialisées de la francophonie, comme la Conférence des ministres de l’éducation des États et gouvernements de la francophonie (CONFEMEN) et l’Institut de la francophonie pour l’éducation et la formation (IFEF). On peut citer notamment le programme école et langues nationales (ELAN) qui facilite les premiers apprentissages fondamentaux dans la langue maternelle avec un apprentissage concomitant en français.
À l’horizon 2050, le nombre de francophones pourrait être compris entre 500 et 700 millions, à condition qu’une éducation en français respectueuse du plurilinguisme progresse partout. Cette progression est observable au Maroc où, après trente ans d’arabisation des programmes scolaires, le pays a fait le choix souverain de réintroduire le français comme langue d’enseignement primaire, avec l’appui d’un excellent programme d’aide publique au développement (APD) accompagnant cette démarche. Toutefois, les quelques bons exemples ne peuvent masquer l’absence d’une véritable stratégie de notre APD concernant le monde francophone.
Le sommet de Villers-Cotterêts a échoué à identifier des mesures fortes de soutien à la modernisation des systèmes éducatifs, alors qu’un groupe de travail de l’Agence française de développement (AFD) avait été missionné en amont pour proposer des livrables sur le sujet, sans résultat tangible. Or, il est indispensable de canaliser vers l’enseignement francophone tant les coopérations éducatives bilatérales des États que les financements multilatéraux, comme ceux du Partenariat mondial pour l’éducation, trop souvent éparpillés, insuffisamment ciblés et loin d’être suffisants.
Notre action extérieure doit être claire sur ce sujet, car nous confondons trop souvent francophonie et écoles françaises avec drapeau français et programmes de notre éducation nationale. L’enjeu principal réside dans la coopération éducative permettant à nos partenaires de trouver leur intérêt à utiliser le français dans leur propre système et à rémunérer correctement leurs professeurs.
Le réseau des écoles françaises à l’étranger revêt une importance capitale, et nous proposons de valoriser le passage des jeunes enseignants à l’étranger afin d’attirer de nouveaux profils vers ces métiers en tension en France. Ces écoles doivent néanmoins évoluer vers des modèles de plus en plus hybrides, à l’image de l’école franco-sénégalaise de Dakar, qui nous offre un bel exemple.
Nous devons rompre avec ce qui pourrait encore faire percevoir le français comme un héritage du passé colonial ou comme une projection de l’ancienne métropole. C’est pourquoi nous proposons une mesure nullement symbolique : la création d’une Académie francophone de la langue commune qui actera définitivement la copropriété de la langue par tous les peuples ayant le français en partage. J’y vois là la pointe avancée d’une politique plus large favorisant les échanges avec les créateurs d’expressions françaises, mais facilitant également la traduction et la circulation des œuvres de langues arabes, amazighes et africaines, permettant ainsi une véritable exception culturelle francophone. Il nous faut valoriser réellement, sur un pied d’égalité, toutes les cultures de cet espace de solidarité qui doit devenir plus polycentrique.
Le groupe TV5 Monde, créé par les États francophones du Nord, constitue un atout formidable, mal connu en France, mais très visible en Afrique. Nous devons permettre aux médias publics africains d’entrer à son capital et dans son conseil d’administration. Le sommet de Villers-Cotterêts a formulé des annonces en ce sens, ce dont nous nous félicitons, mais il convient d’aboutir et d’apporter toutes les garanties de respect de l’indépendance éditoriale.
Cette approche par la langue commune doit également nous conduire – nous, Français – à nous considérer comme des francophones comme les autres. Les questions du plurilinguisme et des identités mêlées se manifestent partout dans l’Hexagone, notamment avec la reconnaissance des langues régionales minoritaires ou les besoins d’apprentissage du français pour les primo-arrivants. Nous retrouvons ces enjeux de façon éminente dans les outre-mer, qui constituent un condensé de nombre des enjeux de l’espace francophone : une histoire marquée par la colonisation et l’esclavage, le plurilinguisme – en particulier le créole français parlé par 15 millions de personnes dans le monde – ainsi que des enjeux de coopération. Huguette Bello, que nous avons auditionnée pour notre rapport, a fait un vibrant plaidoyer pour faire de La Réunion un moteur des coopérations régionales dans l’océan Indien.
C’est pourquoi je propose également, à titre personnel, que, dans le cadre du futur accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie – Kanaky, la France s’engage à soutenir le rehaussement de son statut de membre associé, qu’elle détient depuis 2016, à celui de membre de plein droit de la francophonie. En effet, quel que soit l’avenir politique de l’archipel, il importera de maintenir les liens avec l’espace francophone, tant culturels que diplomatiques. Je rappelle qu’un élu kanak du congrès de la Nouvelle-Calédonie présidait encore l’an passé le réseau des jeunes parlementaires de l’APF.
C’est précisément cette langue commune, cette francophonie partagée, qui nous permet d’aborder franchement les sujets dans le respect des identités. Ce fut le cas lors de la commémoration des massacres de Thiaroye, à laquelle j’ai eu l’honneur d’assister en tant que rapporteur de la mission. Ce moment de réconciliation a marqué un premier pas dans la reconnaissance par la France de ce pan de l’histoire et une transformation de la relation vers davantage d’égalité et de pérennité, en regardant en face les sujets qui fâchent.
Le deuxième grand défi pour l’avenir de la francophonie concerne son aspect politique. Nous montrons clairement dans notre rapport que cela constituait une grande ambition de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) dans les années 1990 et 2000, sous l’égide de Boutros Boutros-Ghali et d’Abdou Diouf, mais nous avons depuis constaté d’importants reculs. Le sommet de Villers-Cotterêts a malheureusement illustré l’incapacité des francophones à peser ensemble. Certains membres ont émis des réserves au paragraphe de la déclaration finale concernant Gaza, alors qu’en 2002 à Beyrouth, les francophones condamnaient unanimement la guerre en Irak. Surtout, l’OIF ne parvient plus à jouer son rôle de médiateur dans les conflits entre francophones et l’institution traverse une crise particulièrement grave avec la perception d’un « deux poids deux mesures » selon qu’un régime peut être considéré comme plus ou moins favorable à Paris.
La crédibilité de l’OIF pour agir en faveur de la paix se trouve également minée par le silence sur le conflit qui ravage l’Est de la RDC, le plus grand pays de l’espace francophone, de l’actuelle secrétaire générale Louise Mushikiwabo, ancienne ministre des affaires étrangères du Rwanda. Je sais que la diplomatie parlementaire francophone s’active avec des missions de bons offices de l’APF, mais nous demeurons encore loin du but.
L’avenir de la francophonie se joue sur ces sujets et nous aurons besoin, comme prochain secrétaire général de la francophonie, d’une personnalité incontestable qui se concentrera sur les missions les plus politiques et qui disposera des moyens nécessaires.
La seule invocation de la démocratie et des droits de l’homme, selon la doctrine qui prévalait dans les années 1990, ne suffit plus. Nous avons eu trop tendance à nous transformer en demi-faucon demi-colombe des valeurs universelles, alors que les peuples du Sud n’en voyaient pas le résultat favorable.
Nous devons prendre des mesures fortes montrant l’utilité du projet francophone pour répondre aux besoins concrets des jeunes qui apprennent le français et souhaitent se former, travailler et se déplacer dans l’espace francophone, depuis le Bénin vers le Maroc, depuis le Cameroun vers le Québec ou la France, pour étudier, entreprendre et créer.
C’est pourquoi il faut absolument faciliter les mobilités francophones Nord-Sud et Sud-Sud et engager ensemble le chantier d’un visa francophone. Il s’agit d’un projet comparable à un Erasmus de la francophonie que nous pourrions nommer « Senghor de la francophonie », susceptible de servir de support aux coopérations francophones de demain, et non d’un énième plan « Bienvenue en France », dont le nom cache une tentative bien vaine d’attirer principalement des étudiants anglophones et le mirage de la supposée stratégie indopacifique.
Pour trouver leur place dans un monde anti-impérial et décolonial, les institutions de la francophonie doivent pouvoir faire entendre une voix originale qui rassemble des pays du Nord et du Sud afin de plaider ensemble pour la paix et un ordre international plus juste. C’est précisément ce qu’attendent nos partenaires, comme me l’ont confirmé tous les ministres et parlementaires sénégalais que j’ai rencontrés. La langue doit constituer le support d’une grande coopération internationale orientée vers les défis de demain et vers la production de biens en commun, l’effacement de la dette des pays du Sud ainsi que le combat commun en faveur des forêts.
Nous devons coaliser les francophones autour d’un nombre restreint de grands projets, parmi lesquels je citerai deux exemples. Avec le Québec, nous pouvons coordonner entre États des politiques contraignantes pour garantir la place de la langue française dans l’espace public et dans les sciences, et pour favoriser la découvrabilité des contenus numériques en français face à l’impérialisme des plateformes anglophones, comme Netflix et autres. Au Sénégal, nous pouvons avancer avec nos partenaires vers une francophonie de l’intelligence artificielle et de la mer.
La francophonie constitue bel et bien un objet politique et il nous revient de retrouver la volonté de ses fondateurs, dont Thomas Sankara disait à ses camarades qu’il fallait utiliser le français conformément à leur internationalisme militant, c’est-à-dire comme outil de l’unité entre les peuples.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie pour ce rappel des fondamentaux concernant la francophonie politique et la réflexion nécessaire pour repenser sa doctrine afin de la rendre attractive, notamment auprès des jeunes populations. Je ne pense pas qu’on devienne mécaniquement francophone simplement parce qu’on évolue dans un espace francophone. Ces questions doivent être posées et nous attendons vos propositions, qui sont déjà nombreuses dans votre rapport.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Avec mon co-rapporteur, nous ne nous accordons pas sur tous les sujets, mais nous partageons l’essentiel, à savoir les pistes d’avenir et la vision d’une francophonie ambitieuse.
Je tiens à souligner un point crucial : sans une réforme profonde de nos institutions, nos ambitions resteront vaines. Cette réforme de l’OIF constitue un chantier délicat à mener sans brutalité, car ses équilibres sont fragiles.
Notre rapport montre que l’OIF résulte d’une longue construction : Niamey en 1970, Chaillot en 1991, Cotonou en 1995, puis Hanoï en 1997 et Antananarivo en 2005, avec la création du Conseil permanent de la francophonie et du poste de secrétaire général, l’adoption et la révision de la charte de la francophonie en intégrant la CONFEMEN et la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports de la francophonie (CONFEJES), mais aussi l’AUF et l’APF…
Depuis le sommet de Djerba en Tunisie en 2022, un cadre stratégique 2023-2030 doit guider l’ensemble des acteurs.
Pourtant, des chevauchements nuisent à l’efficacité de notre action. Par exemple, l’Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM), actuellement gérée par l’OIF, est très efficace, mais gagnerait à être portée par l’AUF et son réseau de plus de 1 100 universités, qui s’étend bien au-delà de la seule francophonie institutionnelle. Je rappelle que l’AUF inclue des universités américaines, chinoises ou algériennes.
Certains programmes démontrent une réelle utilité avec un impact terrain considérable, comme La Francophonie avec Elles pour l’autonomisation des femmes. Cependant, avec moins d’un million d’euros par an, ce programme reste limité.
Au total, l’OIF consacre 25 millions d’euros annuels à la coopération, mobilisant ainsi d’importantes ressources internes.
Nous saluons la modernisation menée par la secrétaire générale Louise Mushikiwabo depuis 2019, mais estimons désormais nécessaire de clarifier les rôles. Chaque acteur doit intervenir à sa juste place et à la bonne échelle. Nous proposons de structurer de grands pôles :
– un pôle « Éducation en français », piloté par l’IFEF, capable de mobiliser des financements majeurs auprès des bailleurs internationaux,
– un pôle « Enseignement supérieur et recherche », piloté par l’AUF et intégrant l’Université Senghor, que nous aimerions rebaptiser « Académie Senghor »,
– et un pôle « Francophonie économique », qui coordonnerait réseaux et opportunités, car 16 % de la richesse mondiale et 20 % du commerce méritent mieux.
Ces pôles doivent collaborer.
Un projet économique doit également offrir des formations, favoriser l’emploi et connecter les jeunes au réseau francophone. Pour cela, le secrétaire général doit être épaulé par un conseiller puissant, garant de la cohérence et du dialogue. Les collectivités locales, la société civile et les diasporas doivent également y trouver leur place. À cet égard, je rends un hommage appuyé à Pierre Baillet, qui nous a quittés il y a quelques jours et qui était un artisan passionné de la francophonie des territoires et secrétaire permanent de l’Association internationale des maires francophones (AIMF).
La diplomatie parlementaire doit redevenir une force. Je m’y engage comme déléguée générale de l’APF pour en faire une véritable organisation parlementaire internationale, proche du modèle de l’Union interparlementaire (UIP). La section française doit être resserrée et mieux coordonnée avec nos commissions parlementaires. Pour cela, je suis convaincue que nous pouvons compter sur notre présidente déléguée, Dieynaba Diop.
Pour construire une francophonie forte, la France doit tenir son rang. Or, nous avons vu trop d’écarts entre les promesses et la réalité. Le sommet de Villers-Cotterêts devait relancer des partenariats ambitieux. Huit mois plus tard, nous faisons face à des annulations budgétaires et des coupes sévères : l’AUF perd 72 % de sa dotation et le programme international de mobilité et d’employabilité francophone (PIMEF), annoncé lors du sommet, est menacé.
Nous appelons le gouvernement à corriger le tir. Diversifier les financements apparaît certes indispensable – entreprises, fonds d’actions, grand public – mais il n’est pas envisageable que la France se retire aussi brutalement. Ce désengagement briserait l’élan et enverrait un signal désastreux. Au contraire, engageons-nous, soyons fiers d’être un pilier de la francophonie et offrons à notre jeunesse toutes les opportunités qu’elle recèle. Renforçons notre représentation et affichons la francophonie au cœur de notre ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en confiant ce portefeuille à un ministre dédié et stable, car deux ans et demi de rapports ont vu défiler trois ministres différents. Enfin, faisons évoluer notre regard : au Québec, au Congo ou ailleurs, on attend de la France qu’elle s’implique davantage. Ne gâchons pas cette chance unique et restons à la hauteur pour une francophonie forte, lisible et attractive.
M. le président Bruno Fuchs. Rapport après rapport, les grands enjeux sont analysés et les perspectives sont posées, mais, au-delà des discours, c’est bien la volonté politique et désormais budgétaire qui est en question.
Je cède maintenant la parole aux représentants des groupes parlementaires.
Mme Dieynaba Diop (SOC). Ce travail traduit une volonté sincère de faire avancer la francophonie comme un espace vivant, pluriel et porteur d’avenir, en proposant des mesures concrètes et une vision ambitieuse, pour laquelle je remercie les rapporteurs.
Ce rapport nous rappelle une évidence trop souvent oubliée : la francophonie n’est pas un héritage figé, mais une construction vivante, diverse et profondément ancrée dans les réalités du XXIe siècle. Elle ne se résume ni à la France, ni à une nostalgie du passé colonial, mais se trouve portée par des dynamiques multiples, souvent venues du Sud.
Votre travail met également en lumière les fractures qui traversent l’espace francophone et souligne une réalité inquiétante : les engagements financiers de la France reculent. Ce désengagement survient au moment où le besoin de solidarité, de coopération et d’investissement dans la jeunesse n’a jamais été aussi urgent. Certains projets stratégiques sont fragilisés et ce désengagement budgétaire envoie un signal inquiétant, à contretemps des discours officiels.
En ma qualité de présidente de la section France de l’APF, je m’inquiète d’autant plus que nous accueillons cette année la cinquantième session plénière de cette assemblée, alors même que des coupes drastiques sont opérées, allant à l’encontre de nos déclarations.
La francophonie n’a de sens que si elle s’ancre dans une démarche de co-construction, de respect et de réciprocité. Le français ne peut pas constituer un outil d’influence s’il n’est pas d’abord un outil d’émancipation. Il représente un levier pour penser, créer et rêver ensemble, tout en promouvant des valeurs au service de la paix. Nous l’avons d’ailleurs constaté, avec Aurélien Taché, lors de notre déplacement à Thiaroye et je l’observe quotidiennement dans mes fonctions de présidente de la section française de l’APF.
Je souhaiterais vous interroger sur la question de l’enseignement du français à l’étranger. Plusieurs pays renforcent actuellement l’enseignement du français, notamment le Vietnam. Comment pouvons-nous garantir que cette éducation soit perçue comme un atout et non comme une survivance coloniale ?
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Le français doit avant tout être choisi de manière absolument libre, jamais imposé, et doit démontrer une utilité concrète. Cela signifie qu’il doit servir aux jeunes à ouvrir des opportunités d’emploi, d’échanges et de mobilité, comme c’est le cas au Vietnam, au Maroc et dans d’autres pays. Le français doit constituer un tremplin et non une barrière.
Concernant les valeurs, au-delà des indispensables principes de paix et de démocratie, je tiens à souligner l’importance du plurilinguisme. De nombreuses études démontrent qu’il est crucial et plus efficace d’accéder à la connaissance par sa langue maternelle. Nous devons donc promouvoir ce plurilinguisme, faciliter l’accès au savoir par la langue maternelle tout en développant le français comme langue internationale. Notre langue doit faciliter les connexions et constituer un facteur d’émancipation que nous devons promouvoir.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Il est essentiel de rappeler que nous comptons aujourd’hui 350 millions de locuteurs francophones à travers le monde, avec la perspective de doubler ce nombre d’ici trente ans. Toutefois, cette progression ne se concrétisera pas en comptant seulement sur les évolutions démographiques. Nous devons impérativement prendre conscience que l’investissement dans les systèmes éducatifs, notamment sur le continent africain où le nombre d’élèves augmente sans croissance proportionnelle des classes et des enseignants, constitue un enjeu majeur pour atteindre cet objectif.
Par ailleurs, pour que le français ne soit pas perçu comme une langue coloniale, il convient de favoriser son apprentissage conjointement avec les langues vernaculaires et nationales. C’est précisément le sens du programme ELAN, particulièrement intéressant. Cette approche, qui nécessite des moyens, peut être accompagnée par l’APD. Au Maroc, un prêt de l’AFD de 130 millions d’euros permet actuellement de soutenir la formation des professeurs de français et en français.
M. le président Bruno Fuchs. Un rapport d’Amin Maalouf insiste sur la question du plurilinguisme, notamment en France.
M. Michel Herbillon (DR). Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour leur travail, leur engagement au service de la francophonie et leurs propositions très concrètes. Je salue également l’engagement de longue date du président Fuchs sur la francophonie.
Toutefois, alors que ce rapport était très attendu, notre débat de ce matin se trouve heurté par les propos outranciers de M. Jean-Luc Mélenchon, relayés par vous-même, monsieur le rapporteur. Cette situation est regrettable, car le sujet de la francophonie est bien trop important pour faire l’objet d’une telle caricature.
Pour M. Mélenchon, pour La France Insoumise et pour vous-même, l’urgence pour la francophonie semble être de trouver un autre mot pour la qualifier, en substituant aux mots « langue française » ceux de « langue créole commune ».
Le français, langue officielle de vingt-neuf pays, est partagé dans le monde entier. Avec l’ensemble des locuteurs, nous la chérissons. Ce sont d’ailleurs des étrangers qui nous disent qu’il s’agit de la plus belle langue du monde, dont l’harmonieuse mélodie la rend singulière dans le concert des langues.
Pour Jean-Luc Mélenchon et ses acolytes, la langue est un objet politique. Il leur paraissait donc indispensable et urgent d’en faire une polémique et, disons-le clairement, un peu de politique. Personne n’est dupe de cette volonté perpétuelle de déconstruction de nos fiertés nationales, attitude qui dessert tant la francophonie que la France elle-même.
Je tiens à vous remercier d’avoir abordé la question essentielle de la domination de l’anglais dans les institutions européennes et du recul progressif du français, langue fondatrice de l’Union européenne. Ce phénomène, que j’avais déjà analysé il y a de nombreuses années dans un rapport pour la commission des affaires européennes intitulé L’Europe en VO, est loin d’être symbolique. Il se traduit concrètement par des réunions conduites sans interprétation, des documents internes rédigés quasi exclusivement en anglais ou encore des programmes d’envergure portant systématiquement des noms anglais comme NextGenerationEU, ReArm, SAFE et bien d’autres.
Face à ce constat, je salue les propositions ambitieuses formulées dans votre rapport qui visent à inverser la tendance. Dans le cadre de vos travaux, vous avez rencontré des représentants de la Commission européenne à ce sujet. Pourriez-vous nous préciser leur position ? Ont-ils pleinement conscience de l’ampleur du déséquilibre linguistique actuel ou observe-t-on plutôt une acceptation silencieuse d’un système désormais entièrement tourné vers l’anglais, au détriment de toutes les autres langues officielles ?
M. Aurélien Taché, rapporteur. Je considère que le fait que l’ensemble des locuteurs d’une langue soient répartis sur les cinq continents et que 80 % se trouvent aujourd’hui sur le continent africain doit nous amener à réfléchir sur la façon dont cette langue que nous avons en partage peut évoluer pour ne plus être perçue uniquement sous l’angle de son origine historique hexagonale – dont je suis très fier en tant qu’amoureux de la langue française –, mais comme une langue qui évolue dans des contextes nationaux très différents et s’hybride avec d’autres langues, comme l’arabe ou le wolof.
Dans de nombreux pays, la manière dont vous parlez le français et dont vous l’hybridez ou non avec les langues locales peut être perçue comme un facteur de relégation ou d’exclusion. Si vous ne vous exprimez pas exactement dans la langue de Molière, on vous fait comprendre que cette langue commune – et je revendique cette appellation – vous appartient un peu moins qu’aux autres. Je ne trouve pas cette situation souhaitable.
Par conséquent, ouvrir le débat sur la dénomination de cette langue me paraît très stimulant. Je n’y vois aucune polémique – il faut vraiment avoir l’esprit étroit pour en voir une. Il s’agit au contraire d’une invitation à réfléchir sur l’avenir de notre belle langue, qui concernera certainement 700 millions de personnes à l’avenir.
Je laisserai ma collègue aborder les aspects relatifs à l’anglais dans les institutions européennes, mais je partage ce qui a été dit.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je partage la pensée de mon collègue Herbillon et considère qu’il pourrait s’agir d’une nouvelle forme de néocolonialisme que de vouloir unilatéralement modifier la dénomination de cette langue. Nous sommes 350 millions de locuteurs, elle ne nous appartient pas et il paraît étrange de proposer de l’appeler « langue créole ». Dans ce cas, pourquoi ne pas l’appeler « langue basque » ou « langue corse » ? Chacun peut avoir son opinion sur la question et nous pourrions engager une réflexion à ce sujet, mais je doute que le changement de nom constitue l’urgence absolue.
Concernant les niveaux de langue, je vous invite tous à visiter la Cité internationale de la langue française, lieu remarquable où l’on apprend notamment que la langue française compte 700 mots d’origine italienne, près de 800 mots provenant de l’arabe, et des mots d’origine wolof, sans oublier les emprunts à l’anglais et même au russe. Le français est une langue vivante et riche, dont nous pouvons être fiers.
Il convient également de rappeler qu’il n’existe pas uniquement un français soutenu. La Cité internationale de Villers-Cotterêts explique parfaitement l’existence de plusieurs registres, parmi lesquels figure le français soutenu. Nous ne devons pas rester figés dans l’idée que ne pas parler un français parfaitement correct impliquerait de devoir s’exprimer dans une autre langue.
M. Michel Herbillon (DR). Le langage soutenu est certes l’un des registres, mais il s’agit de la norme.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Les trois registres existent et méritent tous d’être respectés. Quand nous évoquions le cas de la chanteuse Aya Nakamura, tristement harcelée par de nombreuses personnes, il faut reconnaître que son français doit être respecté.
Beaucoup déplorent le déclin de l’utilisation du français dans nos organisations internationales, mais je crains que nous ne la déplorions encore davantage à l’avenir, car la représentation française s’en accommode, ce qui constitue un véritable problème. À Bruxelles, le budget le plus important est précisément celui de la traduction. Utilisez donc le français et vos traducteurs ! Il est absolument inacceptable de basculer vers l’anglais, d’autant plus que le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne. J’ai été attristée, lors de notre récent séjour de deux jours à Bruxelles, de constater que nos fonctionnaires s’accommodent parfaitement de l’usage de l’anglais sous prétexte que « cela va plus vite ». Je ne partage absolument pas cette vision.
M. Michel Herbillon (DR). Je tiens à préciser qu’il ne s’agit aucunement de caricaturer la situation. Je reconnais pleinement que la langue française provient des apports de l’italien, de l’arabe, de l’anglais, de l’allemand et de bien d’autres langues, ce qui constitue sa richesse. Cependant, diffuser comme message à l’ensemble des locuteurs francophones, notamment à nos amis québécois qui se battent pour la défense du français, que notre langue s’appellera désormais non plus « langue française », mais « langue créole commune » représente une erreur. Cette proposition ne vise selon moi qu’à attirer la lumière vers une polémique, démarche habituelle de la part des auteurs de ce type de phrases. Je déplore sincèrement cette approche qui ne sert ni la francophonie ni notre pays.
M. Frédéric Petit (Dem). Je vous remercie pour ce rapport particulièrement intéressant. Monsieur le président, je vous remercie également, car ce rapport présente la particularité d’être dual, composé de deux avis distincts. Cette approche intéressante montre que notre Parlement bénéficie d’une expression parlementaire plurielle lorsque des désaccords existent, ce qu’il importe de pouvoir exprimer.
Ce rapport, particulièrement dans l’analyse du rapporteur Taché, maintient une ambiguïté qui me gêne. L’utilisation du pronom « nous » manque de clarté : désignez-vous la francophonie ou désignez-vous les Français ? Cette imprécision me gêne, car, en voulant aller au bout des polémiques, on reconstruit un nouveau néocolonialisme. Décider que nous, Français, savons mieux comment nommer la langue et vouloir l’imposer aux autres perpétue une tradition dépassée. Nous ne sommes plus un empire et nous ne décidons plus unilatéralement. Nous devons dépasser cette posture, et, paradoxalement, ce sont parfois ceux qui appellent à en sortir qui n’en sortent pas.
Vous avez parlé de TV5 Monde, mais vous auriez également pu citer la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), avec ses 80 000 adhérents malgré un financement très limité, ou encore le Bureau international de l’édition française (BIEF) qui contribue à 40 milliards de chiffre d’affaires, lié entièrement à la francophonie.
L’ambiguïté que nous maintenons nous dessert parfois. En tant que rapporteur de la diplomatie d’influence, j’observe que, lorsque nous accélérons certains processus, nous perdons parfois en profondeur. C’est précisément ce que nous devons expliquer. Les contradictions au sein même de notre administration compliquent le financement. À mon arrivée dans cette maison, parler de plurilinguisme au sein de l’Agence française de l’enseignement à l’étranger (AEFE) relevait presque de la haute trahison. On m’opposait systématiquement : « Nous sommes là pour enseigner le français, monsieur le député ». Lorsque nous sollicitons des financements auprès de Bercy en affirmant représenter une nouvelle démarche internationale, tout en maintenant de telles pratiques administratives, Bercy refuse. Le combat pour le financement impose que nous travaillions sur notre cohérence.
Enfin, plusieurs pays francophones sont en guerre, notamment dans votre circonscription, madame Lakrafi. Comment, en tant que francophone et particulièrement dans votre nouvelle mission depuis cette mandature, parvenez-vous à créer des espaces de dialogue entre adversaires ? Comment s’articule cette fonction essentielle de médiation que la francophonie peut offrir, aspect crucial que nous oublions lorsque nous ne sortons pas de nos ambiguïtés ?
M. Aurélien Taché, rapporteur. Personne ne veut imposer la dénomination d’une langue à qui que ce soit. Une réflexion sur le fait que le français est devenu une « langue-monde » me semblerait pertinente. Dans notre rapport, nous suggérons d’ailleurs la création d’une Académie francophone de la langue commune. Cette « langue-monde » est désormais partagée par des centaines de millions de personnes de différents pays. L’objectif est donc d’engager un débat collectif sur son évolution et — pourquoi pas — sur l’évolution de sa dénomination, ce qui ne relève absolument pas d’une démarche néocoloniale.
Derrière le débat sur le nom se trouve surtout le débat sur la francophonie elle-même. Vous m’interrogez sur l’ambiguïté, cher collègue. Nous ne pouvons ignorer que ce terme reste lui-même ambigu et hérite d’un passé colonial. À titre de comparaison, lorsque les Anglais utilisent le terme « Commonwealth », la référence au passé colonial apparaît moins manifeste.
Pour ma part, lorsque j’emploie le pronom « nous », je désigne bien l’ensemble des francophones.
J’estime essentiel de nous interroger sur la manière dont cette langue partagée peut servir de fondement à une coopération renforcée, perçue comme égalitaire par tous les peuples et pays de l’espace francophone, plutôt que comme un simple outil d’influence au service des gouvernements français. Ce débat doit également être mené pour la francophonie institutionnelle si nous souhaitons qu’elle progresse.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Les organismes que vous avez mentionnés ont été largement cités et auditionnés dans le cadre de notre rapport.
Je suis outrée par le récent changement de nom du Bief, qui s’appelle désormais France Livre – The French Publishing Network. Je suis favorable à ce que toute phrase en anglais soit accompagnée de sa traduction française. Je trouve absolument aberrant de passer notre temps à défendre la francophonie tout en donnant des dénominations anglaises à nos institutions.
Quant aux pays en guerre dans ma circonscription, notamment la RDC et le Rwanda, l’Assemblée parlementaire de la francophonie constitue un espace d’échange. L’OIF représente les États, tandis que l’APF, représente les parlements. Cette configuration permet aux parlementaires de maintenir le dialogue même lorsque les chefs d’État ne communiquent plus entre eux.
Lors des six derniers mois, la région Afrique s’est réunie à deux reprises, à Cotonou au Bénin et à Brazzaville au Congo. Lors de ces commissions, nous avons réussi à faire dialoguer le président de l’Assemblée nationale de la RDC et la présidente de la Chambre des représentants du Rwanda. Ces échanges se sont déroulés dans un climat extrêmement cordial.
Je souligne que Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale congolaise, s’est levé pour les commémorations du génocide contre les Tutsis, ce qui constitue un acte fort.
Lors de la quarante-neuvième session plénière de l’PAF qui s’est tenue à Montréal en juillet dernier, à l’initiative du président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Adama Bictogo, une mission de bons offices a été proposée. Ainsi, au mois de mai dernier, je me suis rendue avec quatre députés africains à Kinshasa et à Kigali pour rencontrer et auditionner des dirigeants, des ministres, des ambassadeurs, des victimes, des associations et des chercheurs. Nous avons élaboré un rapport destiné au président Faure Gnassingbé, désigné comme médiateur par l’Union africaine.
L’une des recommandations formulées lors de notre déplacement en RDC et au Rwanda consiste à créer une commission permanente de parlementaires congolais et rwandais. Contrairement aux précédents accords de paix qui n’ont pas perduré, nous souhaitons instaurer une commission s’inscrivant dans la durée, au-delà de la signature de la paix prévue le 27 juin à Washington. Cette commission permettrait d’identifier les signaux faibles et d’impliquer activement les parlementaires des Grands Lacs.
M. le président Bruno Fuchs. Cher collègue, votre question est centrale et la réponse tout aussi importante, car cette forme de diplomatie parlementaire n’a jamais été définie. Nous avons lancé dans cette commission une mission d’information sur ce que pourrait être la doctrine française en matière de diplomatie parlementaire. Aujourd’hui, nous progressons en avançant.
Dans mes fonctions précédentes, maintenant occupées par Amélia Lakrafi, j’ai mis un an à négocier une rencontre entre parlementaires rwandais et congolais. À Québec, l’année dernière, une résolution commune sur la situation a été signée par l’ensemble de l’APF, y compris les représentants congolais et rwandais. Cependant, tout cela repose actuellement sur la volonté d’individus et de parlementaires, sans nomenclature établie. L’idée que des parlementaires africains francophones participent au processus de respect des accords de paix et à la construction d’une nouvelle situation en RDC est indispensable et féconde. Cette démarche présente de réelles chances de succès, mais nécessite une meilleure structuration.
L’OIF doit aujourd’hui montrer une plus grande puissance politique du monde francophone. La situation dans l’Est du Congo perdure depuis trente ans sans que l’OIF s’en soit véritablement saisie. Nous verrions la diplomatie francophone agir beaucoup plus fortement si ces principes étaient restaurés, comme le propose ce rapport.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je vous remercie pour ce rapport de qualité.
Je conserve en mémoire l’époque où le français était porteur de tant de valeurs et où, du fait du siècle des Lumières, il était parlé au-delà des colonies. Lors de mon premier voyage en Union soviétique, les Russes montraient avec fierté leur maîtrise du français et m’expliquaient leurs motivations pour l’apprendre. Ils avaient choisi cette langue pour lire la littérature française et maîtriser la langue du pays où la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen avait été imaginée. Ils souhaitaient partager toutes ces valeurs que représente notre langue.
Le français n’est pas uniquement une langue diplomatique, bien qu’elle soit l’une des premières langues officielles à l’ONU. Elle constitue également un vecteur de transmission culturelle. Nous disposions de centres culturels français dans de nombreux pays, mais, à une époque où le Quai d’Orsay privilégiait les économies budgétaires, nous avons accepté de nous séparer de ces centres, sans comprendre que ce patrimoine était particulièrement utile à la diffusion de nos idées et de nos valeurs.
De même, l’Institut français ne bénéficie pas nécessairement de moyens supplémentaires pour développer des actions culturelles dans de nombreux pays. Au contraire, on lui impose des restrictions budgétaires.
Je souhaiterais avoir une pensée pour l’Institut français de Gaza, qui constituait l’une de nos fiertés. J’y ai passé du temps, avec des personnes profondément motivées, notamment par ce que représente la France, qui portaient ces idées à Gaza. Il était étonnant de constater que cet institut attirait un grand nombre de jeunes motivés à l’idée d’apprendre la langue française. Je crains malheureusement que peu de ceux qui y travaillaient soient encore en vie aujourd’hui.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Tout d’abord, je note que 98 Instituts français et environ 830 Alliances françaises sont présents dans 135 ou 136 pays. Notre réseau culturel demeure donc très étendu et particulièrement actif.
J’ai néanmoins exprimé, tant dans le rapport que dans mon avant-propos, ma profonde inquiétude face aux réductions budgétaires et la nécessité d’une mobilisation collective pour inverser cette tendance.
J’estime que notre commission des affaires étrangères devrait renforcer sa collaboration avec d’autres commissions, notamment celle des affaires culturelles et de l’éducation, ainsi qu’avec les députés représentant les Français de l’étranger qui visitent régulièrement ces Alliances et ces Instituts. Nous pourrions ainsi essayer de peser collectivement et, à mesure que nous progressons sur ces changements institutionnels, d’explorer de nouvelles sources de financement, notamment auprès de la Banque mondiale, pour accompagner nos centres culturels.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Le rôle des Instituts français et des Alliances françaises revêt une grande importance dans la promotion de la langue française. Ils s’adressent non seulement à ceux qui apprennent le français à l’école, mais également à tous ceux qui choisissent d’étudier notre langue. Ce phénomène s’observe dans différents pays, que certains qualifient d’archipels francophiles et francophones. L’Égypte illustre cette réalité avec ses 3,5 millions de locuteurs francophones. Cette présence ne résulte pas d’un apprentissage systématique du français dans le système éducatif égyptien, mais d’une véritable volonté de nombreux Égyptiens d’apprendre cette langue.
Il est donc impératif de continuer à soutenir les efforts des Alliances françaises et des Instituts français en matière d’enseignement du français. À Saint-Louis au Sénégal, nous avons vu des initiatives très intéressantes. Face à la baisse de fréquentation, l’Institut français a entrepris un travail important pour atteindre de nouveaux publics, dans un contexte où les grandes entreprises de la région sollicitent des formations pour leurs salariés. Cette démarche porte ses fruits, démontrant l’importance de soutenir ce réseau.
Les réductions budgétaires qui affectent toutes les institutions de la francophonie et la diplomatie culturelle feront beaucoup de mal aux projets francophones si nous n’intervenons pas.
M. le président Bruno Fuchs. Concernant les baisses budgétaires, j’ai personnellement rendez-vous avec le ministre des affaires étrangères demain matin pour aborder cette question. Ces réductions se révèlent brutales et mettent en grande difficulté l’ensemble des opérateurs ainsi que le projet francophone.
Mme Marine Hamelet (RN). Le sommet de la francophonie, organisé pour la première fois depuis trois décennies en France, à Villers-Cotterêts, devait constituer un moment ambitieux pour relancer la francophonie qui traverse – vous l’avez dit dans votre rapport – une crise profonde.
Alors qu’Emmanuel Macron avait initialement inscrit, dans ses vœux du nouvel an 2024, ce sommet parmi les grands événements du millésime français, au même rang que les Jeux olympiques et paralympiques ou la réouverture de Notre-Dame de Paris, ce sommet n’a pas été mentionné lors de ses vœux du nouvel an 2025, ce qui représente, à notre sens, un aveu d’échec.
La grand-messe de la diplomatique francophone souhaitée par Emmanuel Macron n’a pas eu lieu. Plusieurs chefs d’État, pourtant habitués du sommet, l’ont, cette fois-ci, boudé.
Il devait constituer un lieu privilégié de médiation pour rechercher un règlement de conflits régionaux, notamment celui opposant le Rwanda à la RDC. C’est précisément l’inverse qui s’est produit : le président de la RDC a quitté le sommet avant sa conclusion, tandis que le Rwanda a émis des réserves sur la traditionnelle résolution des sorties de crise dans l’espace francophone.
Ce sommet n’a donc pas répondu aux attentes légitimes qu’il suscitait. Il traduit l’échec d’un paradigme qui a connu un changement depuis sept ans, depuis l’élection du président Emmanuel Macron. Ce nouveau paradigme s’avère fait de contradictions et d’erreurs stratégiques.
L’exemple le plus frappant est la nomination à la tête de l’OIF de l’ancienne ministre des affaires étrangères du Rwanda. Face aux critiques suscitées par cette nomination, soutenue par Emmanuel Macron, vous avez indiqué que sa familiarité avec les acteurs et sa connaissance des enjeux de la crise opposant le Rwanda à la RDC constituaient un atout pour permettre à l’OIF d’intervenir au bon niveau à l’appui d’un processus de résolution du conflit. Force est de constater que son silence a miné la crédibilité de l’institution pour agir en faveur de la paix.
Quel bilan tirez-vous du changement de paradigme initié par Emmanuel Macron depuis son élection ?
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. La secrétaire générale a été élue par les dirigeants. Son élection a bénéficié du soutien français, certes, mais également de l’appui de nombreux autres pays. Remettre en question une élection traduirait une position peu respectueuse des principes démocratiques. Ayant été élue, elle occupe donc légitimement la tête de cette organisation.
Quant à votre question sur le changement de paradigme depuis 2017, qui dépasse le cadre de ce rapport, je tiens à défendre cette évolution, sur laquelle mon collègue et moi-même ne partageons pas nécessairement la même vision. Tous les développements actuels, notamment la fin de nos interventions militaires et le démantèlement de nos bases, ont été décidés dès 2017. Ces orientations figurent intégralement dans le discours de Ouagadougou du président de la République : moins de présence militaire et davantage de coopération muséale, artistique, scientifique, académique et entrepreneuriale.
Je regrette que cette évolution ne soit pas forcément bien perçue, car nous n’avons probablement pas consacré suffisamment de moyens pour communiquer ni mobilisé les bons réseaux. Des ministres et présidents africains me confient régulièrement qu’ils ne disposent pas du numéro de téléphone du conseiller Afrique du président. Nous pouvons certainement faire mieux, car tout est perfectible.
Néanmoins, j’adhère pleinement à ce changement de paradigme et souhaite que nous poursuivions dans cette direction. Aujourd’hui, nous développons davantage de doubles diplômes entre établissements français et universités africaines permettant à des étudiants camerounais d’obtenir des diplômes reconnus dans nos deux pays, ce qui renforce leur employabilité et leur ouvre des perspectives professionnelles avec de meilleures rémunérations. Ces avancées me semblent bien plus importantes que les critiques faciles.
Je suis attristée par le « French bashing » pratiqué par les politiciens français. Cette forme de haine de soi paraît typiquement française. On entend constamment que « la France est mise dehors en Afrique », mais la réalité est bien différente : les liens ont été rompus avec trois pays sur cinquante-quatre, qui ont connu des putschs militaires. La Centrafrique joue un double jeu, mais ne nous a jamais mis dehors. Nous avons unilatéralement décidé de fermer notre base militaire dans ce pays, qui avait d’ailleurs sauvé la vie du président actuel, qui ne nous a jamais demandé de partir. En dehors de ces trois exceptions, nous entretenons d’excellentes relations avec les nations africaines. Certains pays, comme le Sénégal, peuvent tenir un discours à destination de leur opinion publique, mais leurs dirigeants expriment un autre discours auprès de nous. Il serait temps de cesser de dénigrer notre propre pays et de reconnaître nos partenariats fructueux avec plus de cinquante nations africaines, en évitant de parler de l’Afrique comme s’il s’agissait d’un unique pays.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Je considère également que le sommet de Villers-Cotterêts a été assez largement un échec, alors que nos attentes étaient importantes. Dans son discours d’ouverture, le président de la République n’a pas évoqué le conflit au Congo, ce qui a conduit le président Félix Tshisekedi à quitter prématurément le sommet, ce qui est regrettable. Sur plusieurs autres grands conflits, il n’y a pas eu de position forte. Certaines initiatives méritent d’être saluées, notamment concernant le Liban ou l’Arménie, mais sur d’autres questions, le sommet a été décevant.
Je ne m’attarderai pas sur le soutien de la France au secrétariat général de la francophonie. Je préfère examiner les actes et le bilan depuis la nomination de Mme Mushikiwabo. Certaines réformes de l’OIF ont été intéressantes. En revanche, sur le plan de la politisation des institutions de la francophonie et du secrétariat général et du combat pour la paix dans l’espace francophone, notamment concernant la RDC, le compte n’y est absolument pas. Les prises de position de la secrétaire générale ont été très rares. L’APF s’investit effectivement, mais l’OIF aurait dû, dans cette zone, être à l’initiative d’une grande opération de maintien de la paix ou s’inscrire dans le cadre de l’ONU pour le faire, ce qui relève de son rôle. Cette défaillance constitue un manquement extrêmement important.
Quant au reste de ce qu’on a encore pu appeler la « politique africaine », nous ne serons pas d’accord, mais ce n’était pas l’objet principal de notre rapport. Si nous avions concentré une aide publique au développement beaucoup plus substantielle sur le monde francophone, plutôt que d’adopter une approche essentiellement militaire, qui a pu traîner, et si nous n’avions pas appliqué « deux poids deux mesures » dans le cadre des institutions francophones avec des pays jugés hostiles à Paris comme le Niger, le Burkina ou le Mali, contrairement à notre approche pour le Tchad ou la Guinée, nous ne serions peut-être pas dans la situation que nous connaissons. Nous devons prendre conscience de ces réalités si nous voulons continuer à défendre le projet francophone.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. On ne peut pas affirmer que le sommet de Villers-Cotterêts constitue un échec. Nous pouvons évidemment faire mieux, mais nous avons réuni quarante à cinquante chefs d’État et de gouvernement et une centaine de délégations, qui sont parvenues à s’accorder sur une résolution. Ce sommet n’était certes pas parfait, mais, avec la participation de tant que chefs d’États et de gouvernement, il serait inapproprié de le qualifier d’échec.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Je remercie les deux rapporteurs pour ce travail particulièrement riche et intéressant.
La francophonie et la langue française sont partagées par vingt-neuf États. Ce que nous affirmons avec conviction, avec Jean-Luc Mélenchon, qui travaille sur ces questions depuis longtemps – et Aurélien Taché a parfaitement traduit cette vision dans le rapport à travers des propositions concrètes – c’est que le français constitue une langue commune, résultat d’une créolisation linguistique. Il ne s’agit pas d’une langue morte, mais d’une langue vivante qui évolue quotidiennement et s’enrichit constamment. Le français, comme le disait Kateb Yacine qui se décrivait comme « colonisé décolonisé », représente « un butin de guerre » pour de nombreux peuples dans le monde, dont je suis. Affirmer aujourd’hui que le français est une langue commune créolisée constitue une fierté. Lorsque le sage montre la lune et que l’idiot regarde le doigt, que pouvons-nous y faire ?
J’ajoute que la copropriété de la langue française est désormais essentielle à affirmer. La proposition de créer une Académie internationale de la langue française constitue une idée qui mérite d’être mise en œuvre.
Il est regrettable de constater que la langue française, pourtant outil de souveraineté pour un État, ne parvient pas à résister face à la domination de l’anglais dans toutes les institutions. Nous devons nous battre pour défendre cette langue française que nous partageons avec vingt-huit autres États et plusieurs centaines de millions de personnes, pour qui elle représente la langue de communication, de travail et d’émancipation. Nous pouvons en être fiers et cette langue doit s’enrichir. Il est nécessaire de lutter contre les anglicismes et contre la tendance d’Emmanuel Macron à introduire l’anglais partout, démarche totalement inutile. Cherche-t-il à démontrer qu’il est à la mode parce qu’il parle couramment l’anglais ? Cela n’a aucune importance. Nous sommes extrêmement fiers de parler couramment français avec tous ceux qui le parlent également.
Le français n’est pas un outil de domination et nous devons nous affranchir de cette conception. C’est pourquoi nous affirmons notre volonté de construire ensemble la langue française du futur, celle des jeunes générations qui nous font face. Nous la co-construirons avec toutes ces personnes à travers le monde qui la transforment continuellement. Il s’agit d’un véritable projet politique : utiliser la langue française non comme instrument de domination, comme ce fut le cas par le passé, mais comme outil de partage et de solidarité. La langue française doit servir au rapprochement des peuples, et c’est ainsi que nous la défendons.
Je vous remercie pour les nombreuses propositions particulièrement pertinentes contenues dans ce rapport. Des alertes majeures doivent être lancées, notamment quand le gouvernement annonce une réduction de 75 % du budget de l’AUF, premier réseau d’enseignement supérieur au monde. Parallèlement, 100 millions d’euros seront alloués à des universitaires américains, sans que l’on sache précisément pourquoi ni comment, alors même que nos propres universitaires français manquent cruellement de financement. Le problème réside dans la vision d’Emmanuel Macron concernant la langue française.
Battons-nous pour une conception de la langue française telle qu’elle est réellement : une langue créolisée, partagée, commune.
M. le président Bruno Fuchs. Vous avez, peut-être sans le vouloir, mis en cause notre collègue Michel Herbillon. Dans cette enceinte, je tiens à ce que nos échanges demeurent respectueux. Je ne souhaite pas, que ce soit intentionnel ou non, que nos discussions puissent affecter individuellement l’un ou l’autre de nos membres.
M. Michel Herbillon (DR). Ma chère collègue, je respecte votre point de vue malgré mon désaccord, mais je ne trouve pas acceptable que vous me mettiez en cause parce que vous êtes, avec mon collègue Aurélien Taché, gênés par la polémique engagée.
Aurélien Taché évoque laborieusement un colloque, qui s’est pourtant tenu à l’Assemblée nationale, avec Jean-Luc Mélenchon, sur le sujet de la francophonie, ce dont vous avez le droit. Toutefois, vous ne pouvez pas prétendre ensuite que cela n’a aucun rapport avec notre débat d’aujourd’hui. Je suis surpris qu’Aurélien Taché, avec qui j’entretiens pourtant des relations cordiales malgré nos désaccords, m’ait qualifié d’esprit étroit, ce qui est parfaitement clair.
Quant à vous, ma chère collègue, vous citez l’expression « quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Je ne suis pas suffisamment « idiot » pour ne pas comprendre que cette formule me visait directement, surtout lorsque vous me regardez en joignant le geste à la parole. Une telle attitude n’est pas normale. Dans la mesure où je suis le seul ici à avoir évoqué la polémique lancée par Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens, dont vous faites partie, cette expression me visait. Je vous demande donc formellement de retirer ces propos et de présenter vos excuses pour cette citation qui me visait personnellement. Bien que nous puissions avoir des opinions divergentes sur certains sujets, le respect mutuel doit prévaloir.
Je tiens à souligner que Jean-Luc Mélenchon, qui a siégé dans cette commission pendant cinq ans, comme moi, n’a jamais eu recours à des attaques personnelles envers ses collègues, contrairement à vous et à M. Taché.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Je ne vous présenterai pas d’excuses, car il s’agit d’une expression de la langue française, qui n’a rien d’insultant. Cette expression, sorte de proverbe, traduit simplement une idée par une image. Ce n’est nullement une insulte et ne mérite donc pas d’excuses.
Je défends et soutiens que Jean-Luc Mélenchon, tout comme Aurélien Taché, affirme que la langue française est un bien commun, résultat d’une créolisation que nous revendiquons. Nous pourrions tout à fait dire, au lieu de « langue française », « langue créole », tant elle est partagée avec 29 États et des centaines de millions de personnes. Qu’y a-t-il de criminel dans cette affirmation ?
Vous cherchez à susciter des polémiques franchouillardes. C’est un sketch que vous avez entamé ce matin. Allez donc vous amuser sur les réseaux sociaux, mais, ici, nous traitons de sujets sérieux.
M. Frédéric Petit (Dem). Je ne vais pas débattre pour déterminer si je suis idiot ou franchouillard.
L’ambiguïté persiste et nous empêchera de revendiquer clairement ce que nous souhaitons financer. Cette ambiguïté vient d’être réaffirmée ici même : on nous dit que le français est un outil de souveraineté et qu’il doit être partagé. Je rappelle que les coupes budgétaires évoquées concernent spécifiquement la partie française, et non tout le financement de l’AUF. Cette organisation est financée par cinquante-quatre pays. Je souhaite donc souligner cette ambiguïté persistante qui entrave notre travail.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je tiens à préciser que l’AUF est financée à 80 % par la France. Elle est donc mise en péril par une baisse massive des crédits.
Hormis les membres de La France Insoumise, nous sommes tous des idiots. Je vous remercie, chère collègue.
Affirmer que le français est une langue créole constitue une confusion historique et linguistique. Le français est une langue romane héritée du latin, tout comme l’italien ou l’espagnol. Ce n’est pas une langue née d’un choc colonial, mais le fruit d’une évolution continue de plus de mille ans. Nous pouvons célébrer les métissages sans pour autant réécrire l’histoire.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Cher Michel Herbillon, j’ai dit que notre débat de ce matin était sans rapport avec le colloque, que nous avons organisé. Nous aurions d’ailleurs été ravis que vous veniez y exprimer votre position. Votre intervention a nourri nos échanges. Je ne suis nullement mal à l’aise avec l’expression employée par Jean-Luc Mélenchon. Je considère effectivement que la langue française est encore perçue comme un instrument de domination ou une langue coloniale. Des écrivains, au Sénégal et ailleurs, cessent d’écrire en français pour s’exprimer en wolof ou dans d’autres langues locales, précisément pour cette raison.
La proposition d’une Académie francophone de la langue commune vise justement à co-construire cette langue et pourrait constituer un espace de réflexion sur son avenir, sa dénomination et ses hybridations. Cette démarche permettrait de démontrer à ces écrivains qu’ils n’ont pas à rompre avec le français pour affirmer leur fierté nationale et culturelle, car cette langue leur appartient autant qu’à nous.
Concernant l’AUF, nous faisons face à une amputation budgétaire de 75 %, tandis que 100 millions d’euros sont alloués à des universitaires américains. Nous avons d’ailleurs proposé dans notre rapport qu’une part substantielle de ces 100 millions d’euros soit réaffectée au renforcement de l’AUF, ce qui constitue une priorité absolue. Nous disposons d’un réseau d’enseignement supérieur remarquable qu’il est impératif de soigner.
M. Michel Herbillon (DR). Je tiens simplement à souligner que vous n’étiez pas obligé de me qualifier d’esprit étroit. On peut parfaitement exprimer des désaccords sans recourir à des insultes ou injures envers ses collègues.
M. le président Bruno Fuchs. L’échange a eu lieu. Revenons au rapport, à ses propositions et aux redéfinitions nécessaires pour renforcer la puissance et l’influence de la francophonie.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le rapport constitue une somme considérable d’informations et de réflexions. À vous entendre tous les deux, je mesure ce que le pas de deux a pu avoir de vivant et parfois même d’explosif au cours des deux années écoulées. Je vous remercie pour ce travail.
Le débat qui vient d’avoir lieu est intéressant, malgré sa véhémence. Si la langue française est une langue romane, nous devons admettre que nous en constatons l’évolution plus que nous ne l’organisons. Ce sont les usages et la façon dont la langue est perçue, imprégnée et enrichie par d’autres expériences, d’autres langues et d’autres modes de vie qui permettent cette créolisation que vous avez décrite.
Le concept de copropriété d’une langue véritablement partagée me paraît très intéressant, car il permettrait de rompre avec l’idée que les Français sont des donneurs de leçons arrogants, cherchant à imposer leurs valeurs et leur cadre de réflexion plutôt qu’à écouter leurs interlocuteurs.
Vous avez fortement insisté sur le fait que le français est devenu une langue d’Afrique, avec 70 % des locuteurs sur ce continent. Je constate néanmoins que le fossé se creuse entre les locuteurs du français dans de nombreux pays africains et les locuteurs d’autres langues. Ce fossé n’est pas uniquement linguistique, mais également social. Le français tend à devenir, dans certains pays, une langue des intellectuels, une langue de l’administration dans les domaines du droit, de la diplomatie, de la justice et de la recherche universitaire. Certains éléments de votre rapport cherchent à réduire ce fossé, ce qui constitue un enjeu crucial.
Cette problématique se manifeste également dans un département français comme Mayotte, où la langue maternelle de nombreux habitants n’est pas le français, mais le shimaoré, langue bantoue proche du swahili. Comment réduire ce fossé ? L’enjeu dépasse la simple réflexion théorique sur la francophonie pour devenir une question concrète touchant notre propre pays et un département français.
Il me semble que le français est de moins en moins une langue de la science. Je conduis actuellement une mission pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), et force est de constater que le français n’y est plus une langue vernaculaire. La langue de travail y est désormais l’anglais.
Enfin, j’aurais aimé, bien que le rapport soit déjà très dense, qu’une attention particulière soit portée aux valeurs transmises avec la langue : l’égalité femmes-hommes, les droits des minorités et les droits des personnes handicapées. Ce sujet a-t-il suscité votre intérêt ? Avez-vous trouvé un écho auprès de vos interlocuteurs ?
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Pour commencer par votre dernière question, nous avons effectivement auditionné plus de t personnes à Paris et plus de 250 à l’étranger. Les sujets relatifs au genre, à l’accès au droit et à l’État de droit nous ont été fréquemment cités comme des points importants défendus par la francophonie. Cette caractéristique nous différencie peut-être du Commonwealth.
Concernant le français comme langue des élites et la situation de Mayotte, nous préconisons d’accroître et de restructurer la formation des formateurs en français et de français, ce qui représente deux approches distinctes. Cette formation devrait inclure l’enseignement du français langue étrangère pour accompagner efficacement les enfants et les adultes dont la langue maternelle diffère du français.
Je vous rejoins sur le plan des valeurs de la francophonie. Nous disposons d’ailleurs d’un réseau francophone pour l’égalité et le droit des femmes. Lors de nos échanges avec des non-francophones qui n’ont pas reçu le français en héritage, mais l’ont choisi, les premières valeurs qu’ils évoquent sont la liberté d’expression et la liberté de la presse, libertés qui ne sont pas garanties dans tant de pays. Nous devons nous battre pour le préserver.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Je m’associe aux propos de ma collègue. Concernant l’apprentissage du français dans certains pays, notamment le Sénégal : l’apprentissage de notre langue coïncide souvent avec l’entrée à l’école. Vous l’avez souligné pour Mayotte, mais c’est encore plus flagrant au Sénégal, les enfants arrivent à l’école sans parler le français. Ils doivent donc apprendre simultanément la langue et les matières enseignées. Sans accompagnement spécifique, cette situation démobilise et accentue la rupture scolaire.
Je me souviens d’un exemple rapporté du Sénégal : autrefois, si un élève prononçait un mot en wolof en classe, le professeur le reprenait immédiatement, créant un sentiment d’insécurité linguistique, pour reprendre le terme des linguistes, avec des conséquences préjudiciables. Des initiatives remarquables comme le programme ELAN de l’OIF s’attaquent à cette problématique, et nous plaidons tous deux pour leur renforcement.
Vous avez également évoqué le français comme langue scientifique, aspect qui a considérablement retenu notre attention. Nous avons constaté une progression extraordinaire de l’anglais dans les publications scientifiques. Notre rapport formule plusieurs propositions pour remédier à cette situation, notamment un classement francophone des universités, une alternative au classement de Shanghai. Ce dernier favorise indubitablement les universités anglo-saxonnes, les valeurs anglo-saxonnes, et j’irais jusqu’à dire la langue du capitalisme. Le classement francophone que nous proposons constituerait une avancée significative pour la francophonie scientifique à laquelle nous croyons fermement.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Nous avons effectivement consulté de très nombreux chercheurs, notamment au Canada. J’ai été stupéfaite et franchement contrariée de constater que même dans les universités françaises, les chercheurs sont valorisés lorsqu’ils publient en anglais. Cette idée de classement francophone a émergé de nos échanges avec Slim Khalbous, recteur de l’AUF, qui fédère plus de 1 100 universités dans 125 pays, bien au-delà de la francophonie institutionnelle. Notre démarche ne vise pas à concurrencer l’anglais, ce qui serait vain, mais à proposer une complémentarité. Nous avons donc imaginé un « classement de Paris » – l’idée ayant germé à Paris au lendemain de l’inauguration du sommet de Villers-Cotterêts – qui serait complémentaire à celui de Shanghai et aux autres classements existants. Ce classement se veut francophone et durable, car nous souhaitons y intégrer une dimension environnementale.
M. le président Bruno Fuchs. Je cède à présent la parole aux députés intervenant à titre individuel.
M. Michel Guiniot (RN). Je souhaite formuler quelques observations sur les points qui viennent d’être abordés. Concernant Villers-Cotterêts, nous n’avons jamais eu l’occasion, en tant que membres de la commission des affaires étrangères, d’être conviés à une quelconque visite ou réunion. Cette exclusion concerne même ceux qui résident dans la région, comme moi-même, domicilié à seulement 40 kilomètres du site précisément, étant Picard. Je considère cette situation profondément regrettable et y vois une véritable ségrégation à l’encontre de certains membres de notre commission.
En second lieu, j’ai entendu précédemment que la langue française serait une survivance coloniale. Faudrait-il alors comprendre que l’apprentissage de l’allemand constitue une survivance de l’Occupation, l’anglais une survivance de la guerre de Cent Ans, et l’espagnol peut-être une survivance des conquistadors ? Puisque nous évoquons Villers-Cotterêts, une citation attribuée à François Ier me revient à l’esprit, qui définit parfaitement ce qu’est la langue française à mes yeux : « On parle aux chevaux en allemand, on parle aux femmes en italien, on parle à Dieu en espagnol et on parle aux hommes en français. » Cette citation me semble exprimer l’essentiel.
Je souhaite également aborder ce que vous développez aux pages 128 et suivantes concernant les mobilités dans l’espace francophone. Vous soulignez très justement que la francophonie de l’avenir doit faire l’objet de chantiers stratégiques unissant les francophones pour les amener à accomplir de grandes réalisations communes. Une réponse conjointe aux défis migratoires qui sont posés à la France, comme aux pays francophones, est une nécessité croissante. L’espace de la francophonie, autant que la langue que nous partageons, doit être un vecteur de stabilisation des relations entre les pays, et non un prétexte à l’importation d’une population venant pour des motifs économiques.
Pour reprendre les termes du rapport, la migration doit être circulaire. Les individus qui migrent, notamment les étudiants venant se former en France, doivent illustrer que le partage d’une langue commune permet les échanges et que l’apprentissage dans un pays doit contribuer à l’enrichissement de l’autre, par le retour vers leur pays d’origine. Force est de constater que ce n’est actuellement pas le cas. Vous proposez de créer un visa francophone. Qu’en serait-il d’apporter une réponse commune aux défis migratoires, particulièrement face aux individus allophones ?
M. Aurélien Taché, rapporteur. Concernant le débat sur la langue française et la colonisation, je crois m’être déjà suffisamment exprimé et je doute que nous parvenions à un accord sur ce point.
En revanche, sur la question des mobilités, je tiens à souligner, à l’attention de votre groupe Rassemblement national, que cet aspect nous a été rappelé de façon insistante dans nos discussions sur la francophonie. Nous ne pouvons ignorer que la circulation au sein de l’espace francophone exerce une influence directe sur la motivation des populations à poursuivre l’apprentissage du français. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui l’étudient aujourd’hui, notamment au Maroc, dans l’optique de s’établir au Canada. À l’inverse, le Maroc offre des bourses aux étudiants d’Afrique subsaharienne pour favoriser la diffusion de la langue française.
Cette question des mobilités est fondamentale. De nombreux interlocuteurs nous ont signalé que les refus de visa et les obstacles à la mobilité constituaient des irritants majeurs, au point que certains s’interrogent sur la pertinence d’apprendre d’autres langues si la crispation sur les sujets de mobilité et de migration persiste en France. Le débat public français, que suivent attentivement nos amis francophones du continent africain, leur laisse malheureusement penser que la situation n’est pas près de s’améliorer.
M. Guillaume Bigot (RN). Chers collègues, votre rapport, par ailleurs de très bonne facture, me semble souffrir d’une lacune importante. La dimension économique de la francophonie y est quasiment inexistante. À titre d’exemple, le terme PIB n’apparaît pas dans votre travail, contrairement à celui de Gaza, situation tragique s’il en est, mais sans rapport direct avec la francophonie.
Cette absence de référence aux enjeux économiques me paraît d’autant plus regrettable que nous traversons une période où les échanges hors OCDE et entre les BRICS gagnent en puissance, alors que l’espace francophone se révèle particulièrement prometteur à cet égard. Il représente déjà 16 % du PIB mondial et 20 % des échanges de biens et services.
Je profite de cette intervention pour souligner que notre groupe soutient la création d’une agence francophone de promotion de l’industrialisation en Afrique, bien qu’il s’agisse d’un sujet connexe.
Ma question est la suivante : quand la francophonie sera-t-elle mobilisée, selon vous, pour répondre aux attentes économiques des Africains, mais aussi des Français, plutôt que de vouloir décoloniser la langue française ? Si j’étais taquin, je dirais que la créolisation relève de l’appropriation culturelle, ce terme étant lié à une histoire, une géographie et une culture spécifiques. Je pourrais également affirmer que cette volonté de décoloniser les langues reflète une colonisation mentale importée des campus américains, cette idéologie décoloniale entièrement américaine. J’ajouterais enfin que la langue française est effectivement romanisée, conséquence d’une expérience coloniale, puisque la Gaule a été colonisée par Rome. Mais là n’est pas l’essentiel. Ma question porte sur les mesures concrètes envisagées pour faire de la francophonie un véritable moteur de croissance.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. La francophonie économique ne fait nullement défaut dans notre rapport. Nous avons longuement examiné cette question et auditionné un nombre considérable d’entrepreneurs et d’organisations patronales francophones.
Nous proposons d’organiser un grand pôle de la francophonie économique en mettant en synergie les différents réseaux entrepreneuriaux. Ces nombreux réseaux rendent plus visibles les enjeux et les opportunités économiques de l’espace francophone qui représente, comme vous l’avez souligné, 16 % de la richesse mondiale, 20 % du commerce mondial et 14 % des réserves mondiales de ressources minières et énergétiques, faisant du français la troisième langue des affaires.
Notre objectif consiste à capitaliser sur les multiples propositions émanant des différents réseaux économiques. Nous avons notamment cité l’APF, non pas l’Assemblée parlementaire de la francophonie, mais l’Alliance des patronats francophones, le Forum francophone des affaires (FFA), le Groupement du patronat francophone (GPF), la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones, ou encore le Cercle des clubs d’affaires francophones à l’international que j’ai fondé il y a deux ans.
Nous préconisons une meilleure organisation et une mise en cohérence de tous ces réseaux afin de démontrer le dynamisme économique de l’espace francophone et son attractivité. Je prendrai pour exemple les pays du Golfe, les pays de ma circonscription que je connais bien. Désormais, le français est enseigné comme langue vivante obligatoire dans les écoles publiques saoudiennes et émiriennes. Pourquoi ? Parce que ces deux pays, ainsi que le Qatar, souhaitent développer leur présence en Afrique, particulièrement en Afrique francophone. Ils s’intéressent à cette langue pour faciliter leurs relations avec l’Afrique francophone. L’ensemble de cette dynamique et cet écosystème de réseaux francophones des affaires nécessitent une coordination et mériteraient une promotion plus soutenue.
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). M. le rapporteur, à l’occasion d’un colloque organisé mercredi dernier dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, à votre initiative, Jean-Luc Mélenchon a tenu des propos profondément choquants. Il a notamment appelé de ses vœux à trouver un autre mot que « langue française » pour qualifier notre langue, sous le regard acquiesçant du rapporteur.
Je rappelle que l’article 2 de notre Constitution dispose clairement que la langue de la République est le français. Jean-Luc Mélenchon termine son envolée lyrique anti-française et anti-France en faisant l’apologie explicite du grand remplacement. Avec de telles personnalités politiques en son sein, la République française n’a pas besoin d’ennemis extérieurs. Ils sont déjà nichés dans nos institutions démocratiques.
Madame la rapporteure, pouvez-vous enrichir la réponse que vous avez faite précédemment ? Comment vous positionnez-vous par rapport à cette vision de la francophonie, manifestement partagée par votre rapporteur ?
M. Aurélien Taché, rapporteur. Je répondrai brièvement, car si les désaccords peuvent s’exprimer de la manière la plus franche, qualifier un collègue parlementaire d’ennemi de la République constitue une attitude que je ne trouve pas acceptable. Je ne développerai pas davantage ma réponse, considérant la façon dont vous m’avez qualifié.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je me suis précédemment exprimée en précisant que qualifier le français de langue créole constitue une confusion historique et linguistique. J’ai souligné que le français est une langue romane héritée du latin, à l’instar de l’italien ou de l’espagnol. Je ne partage absolument pas l’affirmation selon laquelle elle serait née d’une langue véhiculaire composée d’anglais et de langues d’Extrême-Orient. Notre langue appartient, comme le portugais également, à une famille linguistique issue d’une évolution progressive sur plus de mille ans, et non d’une transformation brutale. Je ne peux donc scientifiquement qualifier le français de langue créole, même si je ne prétends pas être une experte. J’ai naturellement approfondi ces questions après avoir pris connaissance, comme vous, des comptes rendus du colloque organisé par mon collègue.
M. le président Bruno Fuchs. Recentrons nos discussions sur le rapport lui-même.
M. Jérôme Buisson (RN). Je vous remercie pour ce rapport dont les recommandations sur le développement de nos relations avec les pays francophones, tant sur les plans économique, politique, qu’éducatif et culturel, sont parfaitement louables.
Cependant, la présentation de ce document se trouve désormais entachée par la polémique lancée par Jean-Luc Mélenchon, que vous reprenez à votre compte. Cela est regrettable, car finalement, par la faute de ceux qui ont initié cette controverse, les médias ne retiendront probablement que cet aspect du rapport.
J’aimerais partager deux réflexions. Premièrement, les langues constituent effectivement des organismes vivants qui évoluent. Vous évoquez une créolisation de la langue française, selon votre terminologie, mais au-delà de leur évolution, les langues tendent également à se différencier les unes des autres. Sans un pays référent qui influence et structure également le français, langue qui nous appartient à tous, les variantes linguistiques s’éloignent progressivement entre elles. L’histoire nous montre que des populations finissent parfois par ne plus se comprendre d’un territoire à l’autre, alors qu’elles partageaient initialement le même idiome. Il n’est donc pas déraisonnable de considérer que le français doit déterminer lui-même ses limites, mission que remplit notamment l’Académie française.
Deuxièmement, certains héritages de la période coloniale représentent parfois un atout pour les pays concernés. La France elle-même a été colonisée durant de longues périodes et conserve des influences romaines ou arabes qui constituent aujourd’hui des richesses pour notre pays.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Je ne souhaite pas engager un débat sur les prétendus bienfaits du colonialisme, ce qui nécessiterait considérablement plus de temps. J’affirme simplement que le français appartient effectivement à tous ceux qui le parlent, donc également aux Français.
Je tiens cependant à souligner un point important : parmi tous les pays qui s’investissent aujourd’hui pour la progression de cette langue à travers le monde, ce ne sont ni les pays d’Afrique, ni la France qui déploient les efforts les plus remarquables. Je considère que le Québec, malgré sa taille modeste, consacre des ressources considérables, proportionnellement à ses capacités budgétaires et démographiques, pour que la langue française continue de se développer mondialement. Nous pouvons ainsi décentrer le débat et constater que la « mère patrie linguistique » n’est pas nécessairement la plus engagée dans ce domaine.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je ne partage pas entièrement l’analyse de mon collègue sur ce point. Mon séjour au Canada et au Québec m’a définitivement convaincue de ne plus laisser quiconque prétendre que nous serions les mauvais élèves de la francophonie.
La réalité est que de nombreux pays reconnaissent deux langues officielles dans leur constitution, tandis que nous n’en avons qu’une seule. Nous ne craignons donc pas sa disparition, contrairement aux Québécois qui répètent constamment, et à juste titre, qu’ils constituent une goutte de francophonie dans un océan d’anglophonie – expression que nous avons dû entendre une centaine de fois quotidiennement. Je comprends parfaitement leur combat qui revêt pour eux un caractère existentiel. Notre Constitution ne reconnaissant qu’une seule langue, nous n’éprouvons pas cette inquiétude de la perdre.
J’invite vivement l’ensemble de nos collègues, y compris Jean-Luc Mélenchon, à visiter la Cité internationale de la langue française. Cette institution abrite un musée, des expositions, des résidences d’artistes, des événements linguistiques, des formations et des actions pédagogiques. Elle constitue une vitrine remarquable qui m’a personnellement beaucoup appris, notamment sur les quelque 700 à 800 mots d’origine italienne, les 400 à 700 termes provenant de l’arabe, sans compter les nombreux emprunts au russe et les termes qui évoluent sémantiquement à travers le temps. Cette visite s’avère extrêmement instructive.
Communiquons davantage sur cette Cité internationale et rappelons que la France n’est aucunement un mauvais élève. Au contraire, notre pays demeure le principal contributeur financier des institutions francophones : l’AUF regroupe 1 100 universités dans 135 pays et bénéficie d’un financement français à hauteur de 80 % ; l’Assemblée parlementaire de la francophonie reçoit également sa plus importante contribution de la France, via le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, l’Assemblée nationale et le Sénat. Cette réalité s’applique à la majorité des institutions francophones que nous finançons majoritairement.
M. le président Bruno Fuchs. Permettez-moi de désamorcer une potentielle crise diplomatique avec nos amis canadiens : le Québec ne constitue pas encore un pays à part entière, même si mon collègue l’a qualifié ainsi un peu rapidement. Parmi les dix provinces canadiennes, le Québec jouit certes de la plus grande autonomie, mais ne possède pas le statut d’État indépendant. Évitons d’ajouter une nouvelle controverse avec nos amis canadiens, nous avons suffisamment de sujets polémiques ce matin.
M. Stéphane Rambaud (RN). Le rapport présenté met en lumière une réalité préoccupante : la francophonie n’est plus perçue comme un enjeu géostratégique de premier plan pour la France, ni comme le levier économique qu’elle pourrait pourtant représenter.
Cette situation n’a rien de surprenant. Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont sacrifié notre influence en validant des choix contraires aux intérêts nationaux, notamment le soutien apporté à la candidature d’une ministre rwandaise à la tête de l’OIF, alors même que le Rwanda a abandonné la langue française au profit de l’anglais.
La francophonie pourrait pourtant redevenir un puissant instrument de co-développement, particulièrement en Afrique de l’Ouest, si elle s’appuyait sur une vision politique ambitieuse, cohérente et assumée.
Ma question est donc la suivante : êtes-vous disposés à soutenir, comme le propose Marine Le Pen, la mise en œuvre d’une véritable union francophone fondée sur un partenariat équilibré, l’accès prioritaire aux universités françaises pour les étudiants des pays francophones sous condition de retour dans leurs pays d’origine, et enfin la création d’une agence francophone de l’industrialisation orientée vers les besoins des peuples plutôt que soumise aux logiques d’une technocratie mondialisée ?
M. Aurélien Taché, rapporteur. Concernant l’aspect politique de la francophonie, je partage au moins votre diagnostic. Notre rapport contient de nombreuses propositions sur ce sujet, notamment les réorganisations de pôle évoquées par Mme Lakrafi. Notre vision repose sur de grands pôles – francophonie d’éducation, francophonie scientifique, francophonie économique – permettant au secrétariat général de se recentrer sur les aspects plus politiques. Cette ambition nécessite toutefois des moyens accrus, pas uniquement français mais de l’OIF dans son ensemble, alors que les financements pour ces missions diminuent actuellement.
Quant au projet de l’union francophone que vous défendez, je ne peux me prononcer sur son contenu précis. Cependant, sur la question spécifique de la mobilité étudiante francophone, notre rapport propose effectivement la création d’un programme Senghor de la francophonie, équivalent d’un Erasmus francophone, qui favoriserait des mobilités étudiantes privilégiées. Ce programme constituerait un point d’appui majeur pour la coopération scientifique francophone que nous appelons de nos vœux.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je partage votre constat : nous avons entendu des mots forts, importants et ambitieux de nos dirigeants à Villers-Cotterêts, mais les actes, huit mois plus tard, avec des coupes budgétaires considérables, anéantissent totalement ces ambitions. Cette incohérence constitue une erreur fondamentale.
Sur l’organisation institutionnelle, sans connaître le détail de vos propositions de nouvelles structures, j’estime que nous pouvons répondre à vos ambitions en réorganisant l’existant de manière plus efficace.
Concernant les étudiants, nous déplorons — et je l’ai exprimé aux dirigeants canadiens — que la majorité des étudiants africains francophones formés dans nos lycées français à l’étranger choisissent désormais le Canada, pays en recherche de main-d’œuvre et d’intellectuels francophones, plutôt que la France. Nous investissons des centaines de milliers d’euros dans le réseau de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger – réseau qui souffre également dans le nouveau budget – pour former des élèves qui partent finalement au Canada. J’ai d’ailleurs suggéré, avec courtoisie, aux Canadiens de nous laisser ces étudiants ou de participer au financement de l’Agence. Je regrette profondément cette perte d’attractivité française pour les étudiants étrangers, causée notamment par les difficultés de délivrance des visas qui ont terni notre image dans certains pays.
M. le président Bruno Fuchs. Je souhaite rappeler à l’ensemble de notre commission l’importance de maintenir des relations cordiales et respectueuses, même lorsque nous nous confrontons sur le fond comme c’est le cas actuellement. Préservons la qualité de nos échanges humains. Je n’adresse mon propos à personne en particulier, il s’agit d’une remarque générale à ce stade de notre réunion.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Je respecte profondément tous mes collègues et n’ai jamais manqué de respect envers eux depuis mon élection il y a trois ans. Avec M. Herbillon, nous avons des discussions animées, mais nous nous apprécions malgré tout.
L’intervention de Mme Voynet revêt une importance particulière par son attention aux échanges universitaires et scientifiques. Elle souligne à juste titre que nos chercheurs et universitaires publient désormais en anglais pour obtenir une reconnaissance dans les classements internationaux. Cette situation pose un problème fondamental, particulièrement au moment où le gouvernement consacre 100 millions d’euros pour attirer des universitaires américains. Cette allocation ne sert ni la francophonie ni ne constitue une utilisation judicieuse des ressources publiques françaises.
Nous devons mesurer l’importance stratégique des échanges scientifiques et universitaires. La création d’un visa francophone représente une proposition essentielle. Lors de mon récent déplacement en Chine, j’ai constaté l’importance des échanges universitaires et estudiantins pour développer une connaissance mutuelle approfondie.
Sur le plan économique, la question de la langue utilisée dans la rédaction des contrats internationaux mérite notre attention. Les entreprises françaises implantées en Chine, par exemple, se heurtent à des difficultés linguistiques majeures : entre le mandarin et le français existe un gouffre que l’anglais ne comble pas adéquatement dans la rédaction contractuelle. Nous devons promouvoir le français comme langue des contrats entre entreprises, car notre langue permet une précision et une subtilité incomparables. En Afrique, sur de vastes territoires transfrontaliers, le français s’impose naturellement comme langue de communication pour le commerce et diverses activités.
Notre langue reste vivante et utile, mais nous devons éviter toute vision purement utilitariste. Adoptons plutôt une approche centrée sur les échanges humains, en nous éloignant résolument de toute posture de domination, de colonisation ou de démonstration de puissance. Pour favoriser l’adoption, l’évolution et l’enrichissement du français dans le monde, nous devons promouvoir une relation horizontale d’égalité entre tous les locuteurs. La proposition d’une Académie mondiale de la francophonie internationale s’avère excellente et mérite une mise en œuvre rapide.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Je partage entièrement vos propos, ma chère collègue. Les coopérations scientifiques francophones produisent déjà des résultats remarquables. Prenons l’exemple des premières classes préparatoires aux grandes écoles implantées à Thiès au Sénégal. Cette coopération tripartite entre la France, la Tunisie – très engagée dans ce projet – et le Sénégal permet à des élèves de passer leurs épreuves pour l’École polytechnique ou l’École des mines directement depuis ces classes préparatoires sénégalaises. Ces initiatives exceptionnelles demeurent malheureusement méconnues.
Nous devons effectivement investir massivement dans la francophonie scientifique. Notre rapport contient de nombreuses propositions en ce sens, identifiant des domaines stratégiques comme la mer ou l’espace, où nous pourrions développer de grandes universités francophones. Cela nécessite des moyens conséquents plutôt que de consacrer l’intégralité des ressources aux universitaires américains.
M. Guillaume Bigot (RN). Madame Chikirou, vous avez interpellé notre groupe sur ce sujet, mais je crois que vous avez mal compris nos propos. Il n’était absolument pas question de domination, mais plutôt de réintroduire une relation gagnant-gagnant, un principe de réciprocité dans lequel notre pays trouve également son intérêt. Notre objectif est de rompre avec ce discours permanent d’auto-flagellation et cette tendance à fermer les yeux sur certaines réalités.
Sur la question juridique, je rejoins parfaitement vos arguments que je trouve particulièrement pertinents. Le droit français a été importé par la Chine, notamment le droit administratif et est un droit de tradition latine aux contours précis. En comparaison, le droit anglo-saxon donne véritablement l’impression d’un système immature, contraignant à développer constamment une jurisprudence onéreuse. Si les États-Unis, par leur puissance, voient leur système juridique imité, celui-ci demeure fondamentalement confus, alors que le droit français des affaires, comme notre droit administratif, offre un cadre structuré qui serait particulièrement utile dans ce contexte.
Je considère par ailleurs qu’il faut cesser cette auto-flagellation permanente, même si nous ne siégeons pas en commission des affaires éducatives ou des affaires étrangères. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) méritent d’être défendus, car dans toutes les disciplines scientifiques, de l’économie à la médecine, nous constatons une dévalorisation systématique de nos institutions. Cette situation s’explique notamment par la domination des publications américaines, dont la pertinence a d’ailleurs été questionnée durant la crise de la covid. Les nations assumées comme la Chine ou l’Inde ne s’auto-dévalorisent pas constamment. Nous évoluons malheureusement dans un environnement européen excessivement critique envers lui-même, amplifié par une mondialisation à dominante américaine qui encourage cette auto-dépréciation. Il est impératif d’en sortir pour développer une francophonie fondée sur l’égalité.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Je souhaite partager une réflexion sur ce débat fondamental. Je m’interroge particulièrement sur l’idée de créer une académie internationale de la francophonie, qui me semble contradictoire avec le principe d’horizontalité que nous défendons. Une langue est un organisme vivant qu’il convient de laisser évoluer naturellement. Une académie a vocation à normaliser, or je considère qu’il n’existe pas un français unique, mais des français multiples qui constituent précisément la richesse de la francophonie. Le québécois, le français de Belgique, le français de Suisse possèdent leurs particularités qui enrichissent notre espace linguistique commun. Cette diversité représente une véritable force. L’harmonisation s’opère naturellement par la lecture des auteurs francophones de différentes origines. Je refuse cette approche normative qui pourrait s’apparenter à une nouvelle forme de colonialisme culturel. Laissons le français s’épanouir dans sa diversité mondiale et favorisons les échanges. La France doit simplement se montrer accueillante envers les francophones, car c’est le produit de notre histoire commune et notre principal atout si nous savons cultiver cette ouverture.
M. Frédéric Petit (Dem). Je souhaite ajouter une remarque concernant les projets existants, rejoignant ainsi les propos d’Amélia Lakrafi sur la nécessité de revitaliser et réorganiser l’existant plutôt que de créer de nouvelles institutions. Il existe déjà un remarquable dictionnaire francophone qui fonctionne parfaitement et qui recense l’ensemble des expressions francophones, incluant le créole et d’autres variantes. Je vous invite vivement à le consulter, c’est un outil absolument extraordinaire. Sans pouvoir préciser l’organisme qui le développe, je partage largement la vision que vient d’exprimer mon collègue Roumégas.
M. le président Bruno Fuchs. Je souhaite inviter nos deux rapporteurs à conclure, notamment sur leurs propositions, et peut-être à partager leur sentiment personnel sur nos échanges. Nous avons exploré les multiples dimensions de la francophonie, mais la question fondamentale demeure : qu’offre concrètement la francophonie au XXIe siècle à plusieurs millions de jeunes ? Quelle est l’identité contemporaine de la francophonie ? Notre impression est qu’elle vit encore largement de son héritage historique et linguistique.
Par ailleurs, avec l’essor des questions de gouvernance démocratique et de droits humains, une réflexion approfondie s’impose pour déterminer comment la francophonie peut demeurer attractive et utile au monde. Dans un environnement international profondément dérégulé, marqué par des violations récurrentes du droit international, l’espace francophone pourrait incarner un modèle de multilatéralisme, de respect du droit, de défense des libertés publiques et de promotion de la paix. C’est précisément cet espace que nous devons consolider et développer. Malheureusement, les réductions budgétaires et les constats de ce rapport démontrent que cette dimension essentielle n’est pas suffisamment valorisée, alors qu’elle est fondamentale pour le modèle de société que nous proposons à nos concitoyens.
Je vous laisse maintenant chacun un mot de conclusion.
M. Aurélien Taché, rapporteur. Je tiens à vous remercier pour ces échanges qui, malgré leur vivacité occasionnelle, se sont révélés passionnants. L’un de nos objectifs partagés avec Amélia consistait précisément à revitaliser ce sujet, à le réintégrer dans le débat politique contemporain. Je crois que, de ce point de vue, l’exercice est pleinement réussi. Je vous remercie également pour vos encouragements sur la qualité de notre rapport et me réjouis du travail accompli.
Nous comptons désormais sur notre président pour convaincre le ministre des affaires étrangères, dès demain matin, de défendre fermement les budgets alloués à la francophonie, car cette question sera déterminante pour l’avenir du projet francophone.
Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je vous remercie sincèrement, chers collègues. Je craignais une participation limitée, la francophonie pouvant parfois sembler un concept abstrait suscitant moins d’intérêt parmi nos collègues français. Pour moi, la francophonie représente avant tout une famille. On peut en hériter naturellement ou la rejoindre par passion et curiosité. Comme dans toute famille, les désaccords et les réconciliations se succèdent, mais la solidarité s’exprime toujours face aux difficultés.
La mobilité constitue également une dimension essentielle : pouvoir étudier au lycée français de Dakar, effectuer un stage à Rabat, obtenir un premier emploi à Kinshasa ou participer à une résidence d’artistes à Paris. La francophonie incarne donc simultanément une famille, un espace de mobilité et une source d’espoir pour de nombreux jeunes, particulièrement en Afrique. Les projections indiquent qu’en 2030, plus de 70 % des francophones seront africains. Nous devons par conséquent faire preuve de dynamisme pour apporter espoir et connaissance à cette jeunesse.
M. le président Bruno Fuchs. Je remercie et félicite les rapporteurs pour la qualité de leur rapport.
Conformément à l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, à l’issue des échanges, la commission autorise la publication du rapport d’information qui lui a été présenté.
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Information relative à la commission
En conclusion de sa réunion, la commission désigne :
– Mme Dieynaba Diop sur le projet de loi autorisant l’approbation de la résolution n° F/BG/2023/04 relative aux amendements à l’accord portant création du Fonds africain de développement (n° 1434).
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La séance est levée à 10 h 55.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, Mme Véronique Besse, M. Guillaume Bigot, M. Jérôme Buisson, M. Sébastien Chenu, Mme Sophia Chikirou, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Nicolas Dragon, M. Philippe Fait, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. François Hollande, M. Vincent Jeanbrun, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Constance Le Grip, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Élisabeth de Maistre, Mme Alexandra Masson, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, M. Aurélien Taché, Mme Dominique Voynet, M. Lionel Vuibert
Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, M. Hervé Berville, M. Bertrand Bouyx, Mme Eléonore Caroit, Mme Christelle D'Intorni, M. Marc Fesneau, M. Perceval Gaillard, M. Alexis Jolly, Mme Sylvie Josserand, Mme Marine Le Pen, Mme Mathilde Panot, M. Pierre Pribetich, M. Davy Rimane, Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Laurent Wauquiez