Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Bilan et échange de vues, ouverts à la presse, sur les actions de diplomatie parlementaire engagées par la commission sous la XVIIe législature              2
– Communication, ouverte à la presse, de Mme Marine Hamelet, M. Frédéric Petit, M. Pierre Pribetich et M. Jean-Louis Roumégas sur la mission opérationnelle qui leur a été confiée par la commission en vue d’une contribution parlementaire à la définition des contours d’un accord de paix entre la Serbie et le Kosovo              9


Mardi
30 septembre 2025

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 84

session 2024-2025

Présidence
de M. Bruno Fuchs,
Président


  1 

La commission dresse le bilan et procède à un échange de vues, ouverts à la presse, sur les actions de diplomatie parlementaire engagées par la commission sous la XVIIe législature, puis entend, en seconde partie de réunion, une communication des quatre membres de la mission opérationnelle en vue d’une contribution parlementaire à la définition des contours d’un accord de paix entre la Serbie et le Kosovo, elle aussi ouverte à la presse.

La séance est ouverte à 16 h 00.

Présidence de M. Bruno Fuchs, président.

M. le président Bruno Fuchs. Nous reprenons nos travaux après une interruption plus longue que les années précédentes. Nous devions entendre le ministre des affaires étrangères le 17 septembre mais cette audition n’a pu avoir lieu en raison de la situation du gouvernement, toujours démissionnaire depuis le 9 septembre. C’est d’autant plus regrettable que l’actualité internationale a été particulièrement intense.

Nous échangerons aujourd’hui sur plusieurs sujets qui sont au cœur de nos travaux. Régulièrement, nous recevons des personnalités politiques et des experts, et nous produisons des réflexions. Depuis un an, nous nous efforçons de renforcer le poids de la diplomatie parlementaire, au sujet de laquelle il me paraît opportun de débattre.

J’ai assisté aujourd’hui à l’audition du candidat de la République du Congo au poste de directeur général de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). L’Exécutif français soutient le candidat égyptien ; pourquoi ne soutient-il pas le candidat congolais, qui a effectué une grande partie de sa carrière au sein de l’UNESCO et qui représente la francophonie ? Pourquoi notre commission n’a-t-elle pas été saisie pour débattre de la position de la France, dont on ignore dans quelles conditions elle a été arrêtée ?

Au cours des prochaines années, nous devrons renforcer le poids du Parlement en matière de diplomatie. Je vous propose de débattre librement de sujets que nous avons déjà évoqués cette année, avant d’examiner la mission opérationnelle lancée par notre commission en vue d’une contribution parlementaire à la définition des contours d’un accord de paix entre la Serbie et le Kosovo.

M. Frédéric Petit (Dem). Je rendrai compte tout à l’heure de la mission portant sur le conflit entre la Serbie et le Kosovo, qui nous a amenés à rencontrer des parlementaires et d’autres parties prenantes. Par ailleurs, je rappelle que notre commission a désigné ses rapporteurs budgétaires dès le mois de mars.

Permettez-moi de profiter de cet échange de vues pour réitérer une proposition que je formule depuis 2018 : appliquer l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution aux postes exécutifs des principaux opérateurs français en matière de diplomatie. Le pouvoir de nomination du président de la République devrait s’exercer après l’avis public de notre commission – et de celle du Sénat – concernant l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), Business France, France Médias Monde, l’Institut français, etc.

M. le président Bruno Fuchs. Comme pour l’Agence française de développement (AFD).

M. Frédéric Petit (Dem). Nous votons déjà pour le titulaire du poste de directeur général de l’AFD mais, en complément, il serait judicieux que tous les candidats aux postes exécutifs des opérateurs concernés par la mission Action extérieure de l’État soient auditionnés par notre commission. Leur légitimité au moment de leur prise de fonction en serait renforcée.

M. Pierre Pribetich (SOC). Je me réjouis de cet échange de vues consacré à la diplomatie parlementaire, au sujet de laquelle Mme Liliana Tanguy et moi-même avons été chargés d’un rapport d’information. En tant que commissaires aux affaires étrangères, nous sommes directement concernés par ce sujet.

Tout d’abord, notre utilité serait accrue si nous conduisions des missions complémentaires de la diplomatie gouvernementale. Nous devons trouver les moyens de mieux employer non seulement les parlementaires élus mais aussi les anciens parlementaires, comme c’est l’usage aux États-Unis. Cette forme de rayonnement permettrait de continuer de tisser des liens et d’emprunter des canaux de transmission différents.

Les groupes d’amitié pourraient également servir à renforcer ces liens. Dans ce cadre, les relations sont à la fois plus franches et plus créatives ; elles permettent de faire passer des messages lorsque des situations semblent bloquées. La diplomatie parlementaire pourrait ainsi permettre de maintenir un dialogue entre la France et l’Algérie, dont la relation est désormais totalement détériorée.

Notre commission est également légitime à formuler des recommandations et à dessiner une feuille de route. Une meilleure coordination des instances interparlementaires nous permettrait d’accentuer le rôle des députés dans ce travail de diplomatie parlementaire.

Je n’oublie pas notre rôle de contrôle : lorsque des nominations sont prévues, il serait souhaitable que les candidats présentent leur programme devant notre commission ; de même, nous devrions pouvoir entendre les ambassadeurs et autres hauts fonctionnaires chargés de la diplomatie gouvernementale.

Je ne serai pas plus long : je sais que vous regardez l’horloge, « dieu sinistre, effrayant, impassible, / Dont le doigt nous menace et nous dit : "Souviens-toi !" », comme l’écrivait Baudelaire. Souvenons-nous du rôle des parlementaires dans l’histoire de notre pays : ils ont contribué à débloquer des situations grâce aux contacts personnels qu’ils avaient pu établir et entretenir. Si nous parvenions à définir les principaux axes d’une diplomatie parlementaire, nous servirions l’intérêt général.

M. le président Bruno Fuchs. Je souscris à vos propos, cher collègue.

Outre la mission relative à la définition des contours d’un accord de paix entre la Serbie et le Kosovo, il était envisagé de lancer une mission portant sur la relation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Celle-ci n’a pu s’amorcer compte tenu de l’état des relations entre Bakou et Paris mais elle pourrait probablement être menée à bien désormais, un processus de paix étant acté et les deux pays.

Vous avez évoqué nos relations avec l’Algérie. Une réunion pourrait se tenir prochainement dans une ville française, rassemblant les membres d’une délégation de la commission des affaires étrangères algérienne et une délégation de parlementaires français représentant l’ensemble des sensibilités de notre commission. L’enjeu consiste à l’organiser à un moment propice, lorsque nous serons capables de réactiver la relation entre nos deux pays.

Un autre sujet de réflexion que je vous soumets est la défense du modèle associant la démocratie, le multilatéralisme et les libertés publiques. Il y a quelques mois, j’ai lancé l’organisation d’une conférence des présidents des commissions des affaires étrangères des Parlements des États de l’Union européenne et européens. Bien qu’elle ne se soit pas encore réunie formellement, elle a déjà mené à bien plusieurs actions : une délégation de commissaires des affaires étrangères d’une vingtaine de pays a été reçue par l’administration Trump aux États-Unis – une délégation aussi nombreuse et représentative a un poids certain ; une autre délégation, dont Frédéric Petit a été l’un des instigateurs, s’est rendue en Ukraine ; enfin, à la fin du mois de novembre se tiendra à Strasbourg un événement consacré aux conditions à réunir pour faire de l’Europe une superpuissance – un volet portera sur la diplomatie parlementaire.

Les conflits sont un autre volet de notre action. Nous avons évoqué quelques situations dans lesquelles notre commission a pu et peut encore jouer un rôle de médiatrice ou de facilitatrice.

D’autres initiatives visent à renforcer l’influence de la France dans certaines régions du monde. Ainsi, une délégation de notre commission s’est rendue en juin au Maroc, après les déplacements officiels du président de la République et de la présidente de l’Assemblée nationale à l’automne dernier ; un rapport sera prochainement présenté devant la commission par la délégation.

Les parlementaires français ont également été très présents à la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3) à Nice. Une délégation s’est aussi rendue au Liban après la visite officielle du président de la République. De même, en février dernier, nous avons organisé une importante conférence consacrée à la situation au Proche-Orient ; nous y avons présenté des idées sur la manière de sortir du conflit à Gaza et sur le jour d’après.

Je me réjouis de la publication prochaine du rapport consacré à ce que pourrait être une doctrine française en matière de diplomatie parlementaire. Notre action parlementaire peut encore être renforcée au bénéfice de la France et de nos concitoyens.

Enfin, nous avons adopté une approche un peu différente des relations franco-allemandes, pour réfléchir à la manière de les renforcer – notamment sous l’égide de l’Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA). Il nous a semblé pertinent d’associer nos deux Parlements pour rapprocher les deux gouvernements, dont les divergences récentes ont été préjudiciables à l’efficacité des actions européennes.

M. Frédéric Petit (Dem). Monsieur le président, je vous remercie d’évoquer l’APFA, dont je voulais également parler. Par ailleurs, sur les conseils de votre prédécesseur Jean-Louis Bourlanges, notre Parlement recevra lundi et mardi prochains, sous le patronage de la présidente de notre Assemblée, une délégation des parlementaires et des autorités biélorusses en exil, parmi lesquels Svetlana Tikhanovskaïa et son mari, libéré depuis peu. Leur réception conjointe par la commission des affaires européennes et la nôtre, lundi après-midi, sera le premier des quatre événements prévus. Nous devons accueillir comme il se doit ces gens qui se battent pour la démocratie, malgré l’actualité politique que nous ne pouvions anticiper.

Mme Eléonore Caroit (EPR). Je souhaite pour ma part mettre l’accent sur la dimension environnementale de la diplomatie parlementaire. Outre la présence d’une délégation de notre commission à l’UNOC 3, à Nice, permettez-moi d’évoquer l’Interparliamentary Coalition for Ocean Protection (ICOP), à laquelle j’ai contribué, qui réunit de nombreux parlementaires français et étrangers engagés pour protéger l’océan, ainsi que l’initiative de Philippe Bolo concernant les plastiques, à laquelle je participe.

Il y a une véritable appétence des députés, dans notre commission et au-delà, pour les sujets environnementaux, qui nécessitent une coordination internationale et l’échange de bonnes pratiques entre parlementaires du monde entier. Il serait souhaitable que notre commission poursuive ses travaux en ce sens et s’implique davantage.

Il sera sous doute difficile de participer au prochain rendez-vous en la matière, la COP30 à Belém, l’organisation et la logistique – notamment le logement – étant particulièrement complexes, mais certaines activités se tiendront à Rio de Janeiro, ce qui les rend plus accessibles. Ainsi, des chercheurs français participeront à un groupe international de recherche dans l’Amazonie. Il est donc possible de s’engager en dehors d’un déplacement formel de notre commission. J’invite tous nos collègues à s’investir en ce sens et je souhaite que nous en parlions ici rapidement : la COP30, qui célébrera les dix ans de la COP de Paris, est un rendez-vous important que nous ne devons pas rater, d’autant que ses résultats sont particulièrement attendus.

Je regrette d’ailleurs que notre commission n’ait pas envoyé de délégation au sommet de Genève sur la pollution plastique, au mois d’août dernier. Il a certes été désastreux mais nous devons être plus alertes lorsqu’il est question de diplomatie environnementale.

M. le président Bruno Fuchs. Vos remarques soulèvent la question des moyens dont dispose notre commission. Si nous avons intérêt à multiplier nos participations, nous devons choisir en priorité les actions sur lesquelles nous pouvons véritablement peser, comme le traité des Nations unies sur la haute mer, qui entrera prochainement en vigueur puisqu’il est ratifié par plus de soixante pays depuis la semaine dernière, et qui doit beaucoup à l’engagement des parlementaires. Nous devrons faire des choix : est-il préférable de participer à des événements institutionnels comme la COP30 ou d’être présents sur le terrain ?

Parmi les initiatives particulièrement fécondes figurent les missions menées en commun avec d’autres Parlements, comme celles que nous allons lancer avec ceux du Maroc et du Sénégal. Pour des raisons budgétaires, il nous faut maintenant nous assurer du soutien des plus hautes autorités de l’Assemblée nationale.

Je me suis rendu à Dakar cet été pour initier une mission avec la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale du Sénégal. Trois principaux sujets de travail ont été identifiés : les principes d’un nouveau partenariat entre nos deux pays, le Sénégal incarnant une nouvelle forme de panafricanisme ; les enjeux relatifs à la mobilité – les visas, le regroupement familial et les étudiants  ; la question de la mémoire. Un séminaire intergouvernemental franco-sénégalais est prévu d’ici à la fin de l’année – étant organisé sous le patronage des premiers ministres des deux pays, il sera peut-être reporté de quelques mois. Dans ce cadre, les propositions élaborées par les deux commissions des affaires étrangères doivent contribuer à la réflexion des deux Exécutifs ; cette contribution me semble à la fois pertinente et forte.

Par ailleurs, nous avons lancé il y a peu une mission visant à proposer un accord de coopération économique entre la République démocratique du Congo (RDC) et la France, à l’instar de celui existant entre ce pays et la Chine. Dans ce cadre, Aurélien Taché et Vincent Ledoux doivent élaborer un projet-type, qui sera proposé à l’Exécutif des deux pays.

Ce sont des exemples très concrets de diplomatie parlementaire, issus de rencontres dans des pays africains. Bien évidemment, cette mécanique peut être dupliquée avec tous les pays du monde.

Mme Eléonore Caroit (EPR). Je souscris à vos propos, monsieur le président : l’action des parlementaires doit remplir un objectif et avoir une utilité concrète : il ne s’agit pas de faire du « tourisme parlementaire ».

Il me semble que les parlementaires ont un rôle à jouer dans les rencontres internationales comme la COP30, à laquelle participeront, d’ailleurs, des délégations parlementaires de différents pays. Nous devons identifier, parmi ces grands rendez-vous internationaux, les plus intéressants pour les membres de notre commission et nous devons le faire suffisamment en amont pour anticiper notre participation, qui peut être de taille modeste. À titre personnel, je participerai à la COP30, par mes propres moyens et je serai ravie d’en faire un compte rendu à notre commission si nous ne parvenons pas à y envoyer une délégation. Il importe de montrer que nous nous intéressons à la diplomatie environnementale, qui est un des axes prioritaires de l’action du Quai d’Orsay.

En tout état de cause, chacune de nos missions et chacun de nos déplacements doivent être lisibles par tous les commissaires et s’inscrire dans une sorte de cahier des charges.

M. le président Bruno Fuchs. Mon intention n’était pas de porter un jugement mais de mettre en perspective nos actions habituelles avec la participation à de grands événements internationaux. Si nous multiplions nos actions, nous risquons de rapidement atteindre la limite de nos moyens financiers et humains.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). En tant que membres de la commission des affaires étrangères, nous pouvons soutenir différents projets, comme la diplomatie environnementale évoquée par Eléonore Caroit.

La question des océans a mobilisé certains d’entre nous et plusieurs se sont rendus à Nice pour participer à l’UNOC 3. La France insoumise, par l’entremise de Pierre-Yves Cadalen, a défendu une proposition de résolution tendant à créer, en France, un Institut océan de l’université des Nations unies. Accueillir cette instance dans une université française renforcerait considérablement le soft power de notre pays, pour un investissement financier somme toute modeste.

Notre commission peut aussi jouer un rôle dans le maintien des relations avec certains pays africains, où la diplomatie traditionnelle a perdu en influence, en raison de choix politiques ou de la diminution de ses moyens financiers au cours des dernières décennies.

L’exemple du Sénégal est pertinent : avant les dernières élections et l’installation du nouveau gouvernement, tout n’avait pas été fait pour maintenir le lien avec les autorités sénégalaises. Monsieur le président, vous faites partie, comme nous, de ceux qui se sont efforcés de le maintenir. C’est grâce à ces efforts que des travaux ambitieux sont désormais envisagés avec le Parlement sénégalais. Certaines forces politiques ont particulièrement œuvré en ce sens ; la France insoumise assume d’avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour maintenir un lien de qualité, au moment où ceux qui allaient devenir les nouveaux détenteurs de l’autorité n’étaient pas bien considérés par la diplomatie française.

Sur d’autres sujets, il est plus compliqué de trouver une position commune au sein de notre commission : au moment même où nous débattons, des humanitaires ont embarqué sur une flottille en direction de la bande de Gaza, à laquelle l’Espagne et l’Italie ont contribué, contrairement à la France. Si les conditions politiques étaient réunies, notre commission aurait pu prendre position à ce sujet ; elles ne le sont malheureusement pas.

En tout état de cause, les membres de la France insoumise seront toujours favorables à la défense des biens communs et aux travaux menés dans le cadre de l’Organisation des Nations unies (ONU).

M. Hervé Berville (EPR). Il faudra se garder, à l’occasion de nos prochains travaux, à plus forte raison s’ils portent sur des questions qui ne concernent pas directement la France, d’adopter des résolutions dépourvues d’effet ou, pis, qui constituent des contresens historiques. Ainsi aurions-nous été bien ridicules si nous avions voté une résolution stigmatisant le Rwanda alors que ce pays a signé avec la République démocratique du Congo un accord de paix à la Maison Blanche – dont on verra certes ce qu’il donnera  ; nous aurions été le seul Parlement à pointer du doigt l’une des parties en présence.

Je partage le point de vue d’Arnaud Le Gall quant à la nécessité de parler du drame humanitaire et politique de Gaza, sujet sur lequel le président de la République est particulièrement impliqué. Même si l’on ne parle pas de la flottille, on peut très bien évoquer la résolution qui a été votée aux Nations unies et la volonté de la diplomatie française de cheminer vers une solution à deux États par la reconnaissance d’un État palestinien. Cette position est en ligne avec la tradition diplomatique française. Par cette conférence qu’elle a coprésidée avec l’Arabie saoudite, la France a apporté une contribution extrêmement utile. Ce n’est pas un hasard si, quelques jours après, le président américain a dévoilé un plan de paix. Même si celui-ci est, à bien des égards, insatisfaisant, cela montre qu’un chemin doit être emprunté pour faire émerger une solution à deux États et mettre fin aux bombardements et aux autres atrocités à Gaza.

Je suis également d’accord sur la nécessité d’inscrire nos actions dans la continuité. L’Institut pour l’océan, qui a été promu notamment par Pierre-Yves Cadalen, est une nécessité. Nous sommes fiers d’avoir accueilli la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan, d’avoir été le premier pays à pousser en faveur d’un accord sur la haute mer et de continuer à lutter contre l’exploitation minière des fonds marins, mais il faut aussi que nous nous donnions la capacité de contrebalancer la réduction des budgets de l’administration américaine dans les domaines de la recherche et de la science.

L’année prochaine, nous devrons être présents, en particulier, lors de deux rendez-vous diplomatiques. Le premier est le sommet Afrique-France, qui aura lieu en mai à Nairobi. Pour la première fois, une telle rencontre se tiendra en Afrique anglophone. Si cela ne change pas la nature des échanges, cela dit quelque chose de notre relation avec ce continent. Nous devons mener des travaux parlementaires en lien avec cette priorité africaine. Le second événement est le G7, qui aura lieu à Évian. Le G7 consacre traditionnellement une partie de ses échanges au commerce, qui sont importants pour nos circonscriptions, mais aussi au financement du développement et de notre politique environnementale internationale, ainsi qu’aux objectifs de préservation des biens communs. Ces deux sommets offriront l’occasion de travailler, sur certains sujets, de manière transpartisane.

M. le président Bruno Fuchs. J’observe que nous partageons la volonté d’inscrire nos travaux dans la durée et de préparer les échéances à venir suffisamment en amont pour essayer de peser sur le cours des choses.

S’agissant de l’Institut pour l’océan, je voudrais souligner la persévérance de Pierre-Yves Cadalen et de quelques autres promoteurs du projet ici présents. Il a été difficile, dans un premier temps, d’identifier les ressources nécessaires, mais nous serons en mesure de lancer une mission d’information « flash » relative à cet institut dès que nous aurons terminé l’examen des sujets budgétaires. Nous sommes convaincus de l’intérêt de cet organe, y compris pour notre pays.

M. Frédéric Petit (Dem). Je voudrais vous alerter au sujet de deux malentendus. D’abord, lorsqu’un Parlement prend une décision, il a le droit de se tromper, il n’est jamais ridicule.

M. Hervé Berville (EPR). On peut se tromper en étant ridicule !

M. Frédéric Petit (Dem). Le mot « ridicule » me gêne s’agissant d’une décision de notre Parlement, mais ce n’est pas là l’essentiel.

Plus fondamentalement, la diplomatie parlementaire s’inscrit dans le cadre de la séparation des pouvoirs. Nous ne sommes pas l’Exécutif. Il est important de respecter ce principe, qui est de surcroît un facteur d’efficacité. De ce point de vue, la procédure de nomination à certains emplois et fonctions, telle que prévue à l’article 13 de la Constitution, me paraît tout à fait adaptée. Nous n’avons pas le pouvoir de nomination mais nous pouvons nous prononcer sur la proposition qui nous est faite : je rappelle que nous nous étions opposés, en 2023, à la nomination de la personnalité proposée pour assurer la présidence de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Nous devons continuer à inscrire notre action dans le cadre d’une diplomatie non gouvernementale, garder notre indépendance, notre liberté d’expression – au risque, parfois de nous tromper –, notre faculté à nous opposer… Il ne faudrait pas que tout le monde s’occupe de tout, ce qui est la définition du totalitarisme.

M. Hervé Berville (EPR). Je souhaite évoquer un dernier point : la commission indépendante d’évaluation de l’aide publique au développement – dont Sabrina Sebaihi et moi-même sommes membres – est enfin installée. Si vous en êtes d’accord, je proposerai, en votre nom, à son secrétaire général de venir présenter sa vision de l’action de cet organisme devant notre commission. Au cours de la discussion parlementaire qui a conduit à l’adoption de la loi du 4 août 2021 – un texte qui, je le rappelle, avait recueilli, en première lecture, 502 voix pour et aucune contre –, nous avons prévu que le Parlement puisse saisir cette commission d’évaluation, dans le cadre d’un droit de tirage, de demandes sur des projets d’aide publique au développement et des interventions menées dans les pays concernés. Nous devrons travailler avec cette instance sur son programme d’évaluation pour 2026 et sur le budget de nos opérateurs. En effet, celui-ci pourrait connaître une troisième baisse consécutive ; le département Afrique de l’AFD risque de voir ses moyens réduits de moitié. Nous devons nous appuyer sur cette commission pour essayer d’avoir l’action la plus efficace et la plus lisible possible pour nos concitoyens. Par ailleurs, nous devrons nous pencher rapidement sur le renouvellement du directeur général de l’AFD.

M. le président Bruno Fuchs. Le directeur général sortant de l’AFD a récemment vu ses fonctions prolongées de quelques mois.

Comme l’a rappelé Frédéric Petit, nous représentons les populations. Avec Amélia Lakrafi et l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), nous avons lancé plusieurs initiatives de diplomatie parlementaire. Nous agissons de manière très différente des gouvernements. Dans des régions où les Exécutifs ne sont pas en phase, comme au Sahel, les parlementaires, qu’ils soient français ou francophones, continuent de discuter, ce qui est très utile.

En veillant à ne pas alourdir notre fonctionnement, nous pourrions constituer des groupes de travail pour contribuer à la réflexion sur certains sujets. Nous avons ainsi dernièrement décidé, en réunion de bureau de la commission, de créer un groupe de travail composé d’un représentant de chaque groupe parlementaire, dont l’objet serait de nourrir les réflexions sur la manière de traiter le conflit à Gaza en notre sein et de s’impliquer dans le suivi ou l’application de décisions relatives à ce dernier – son champ pourrait peut-être ensuite s’étendre à d’autres conflits. Il reviendra prochainement à chaque groupe politique de désigner un représentant au sein de cette instance, pour qu’elle puisse débuter ses travaux sous peu.

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M. le président Bruno Fuchs. Nous allons entendre la communication de la mission opérationnelle d’observation créée par notre commission en vue d’apporter une contribution parlementaire à la définition des contours d’un accord de paix entre la Serbie et le Kosovo. Il s’agit de l’une des manifestations concrètes des actions de diplomatie parlementaire que nous avons lancées. Le format de cette mission, quelque peu inédit, résulte de propositions que j’avais formulées au sein du bureau afin de permettre à notre commission d’avoir un apport plus tangible.

Pour rappel, le conflit entre la Serbie et le Kosovo, qui a pris une tournure majeure à la fin des années 1990, trouve ses racines dans des tensions ethniques et politiques antérieures. Le Kosovo, province à majorité albanaise au sein de la Serbie, cherchait à obtenir plus d’autonomie, voire l’indépendance, ce à quoi Belgrade s’opposait fermement. En 1998 et 1999, les affrontements entre les forces serbes et l’armée de libération du Kosovo, un groupe paramilitaire albanais, ont dégénéré en une guerre ouverte marquée par des violences et des violations des droits de l’homme.

M. Pierre Pribetich, rapporteur. Dans les Balkans, tout le monde a raison : c’est pour cela que ça va si mal. Si la paix est un art, alors cette région est le plus exigeant des ateliers européens. Au terme de notre mission, nous souhaiterions vous faire part de nos impressions et de nos analyses sur l’un des grands foyers de tensions qui persiste au sein des Balkans, aux portes mêmes de l’Union européenne (UE), entre la Serbie, pays candidat à l’adhésion à l’UE, et le Kosovo, qui aspire à l’être. Nous avons pu nous rendre dans ces pays et mesurer l’ampleur de la tâche qui s’annonce pour réconcilier les parties. Force est de constater que le contexte, intérieur comme extérieur, pèse aujourd’hui grandement sur l’avenir de ce conflit qui semble enlisé pour longtemps encore.

Ces deux territoires sont liés par des siècles d’histoire, de culture et de conflits ; aujourd’hui séparés par une frontière politique, psychologique et historique, ils demeurent unis par des blessures non cicatrisées. Cette membrane de séparation, c’est ce passé douloureux. Le conflit reste latent et les tentatives de médiation ne cessent d’échouer. Rappelons que les tensions perdurent depuis la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo, en 2008.

Si la France fait partie des 110 pays à avoir reconnu ce nouvel État, ce n’est le cas ni de la Serbie, ni de puissances telles que la Russie et la Chine, ni de certains membres de l’Union européenne, comme l’Espagne. La Serbie continue de dénoncer une violation du droit international, en particulier de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le Kosovo occupe une place centrale dans l’identité nationale serbe. L’attachement des Serbes au Kosovo relève davantage de l’histoire et du symbole que de réalités démographiques. Selon les estimations, 7 % de la population kosovare est d’origine serbe et 90 % d’origine albanaise. Pour Belgrade, ce territoire demeure la « Jérusalem serbe », qui abrite le siège de l’Église orthodoxe serbe et certains de ses plus grands monastères. C’est aussi sur cette terre que s’est déroulée, en 1389, la bataille du Champ des merles (Kosovo Polje), fondatrice du mythe national serbe, au cours de laquelle le prince Lazar, figure de la résistance serbe à l’expansion ottomane, fut capturé puis décapité. Il est depuis vénéré comme un saint martyr par l’Église orthodoxe serbe.

« Kosovo je Srbija » – « le Kosovo est la Serbie » –, scandé dans les manifestations à Belgrade, « Kosovo is Serbia » écrit en grand sur les passerelles des autoroutes : plus qu’un slogan, c’est un cri du cœur, une revendication identitaire.

De l’autre côté, « La liberté a un nom : UÇK », en référence à l’armée de libération du Kosovo, est repris en chœur par la foule à Pristina lors de rassemblements.

Les Albanais du Kosovo portent une autre mémoire : celle de la répression, des tensions ethniques, de la guerre des années 1990 et de la lutte armée menée par l’UÇK, qui est vue par certains comme une armée de libération, symbole de résistance et de liberté, par d’autres comme une organisation terroriste, mafieuse, responsable de crimes contre les civils.

Deux récits, deux vérités, deux douleurs, mais une même terre.

Si la pression internationale a permis quelques avancées sur des questions techniques, qui ont été perçues comme autant de petits pas vers la normalisation, le chemin à parcourir reste long.

Le premier tournant majeur a été l’accord de Bruxelles de 2013, qui prévoit notamment la dissolution des structures municipales parallèles serbes financées par Belgrade sur le territoire kosovar et la création d’une association des municipalités à majorité serbe, ainsi que l’intégration de la police et des autorités judiciaires du Nord du Kosovo dans le cadre juridique du Kosovo. Mais, très vite, les discussions ont achoppé sur la question centrale : quels pouvoirs accorder à l’association des municipalités serbes ? Pour Belgrade, cette entité doit disposer de véritables compétences exécutives. Pour Pristina, elle ne peut être qu’un organe consultatif, sans autonomie politique, pour éviter de recréer une mini-Republika Srpska au sein d’un État encore fragile.

En février 2023, l’accord de Bruxelles-Ohrid, inspiré du traité fondamental signé entre la République fédérale d’Allemagne (RFA) et la République démocratique allemande (RDA) en 1972, a suscité un nouvel espoir. Il prévoit des avancées concrètes tout en éludant volontairement la question la plus sensible, à savoir la reconnaissance explicite du Kosovo par la Serbie.

Là encore, l’accord est resté lettre morte. Aucune des deux parties ne semble prête à assumer le coût politique de la paix. Chaque avancée est perçue comme une concession, chaque concession comme une trahison.

La situation sur le terrain n’a jamais été aussi éloignée d’une normalisation et les crises se succèdent depuis septembre 2021, qui entraînent, chaque fois, un risque d’escalade dangereux.

L’Union européenne a bien compris que la normalisation des relations était impérative pour permettre l’adhésion de la Serbie et le développement du Kosovo.

Dialoguer ne signifie pas renoncer à son identité mais reconnaître l’humanité de l’autre et faire un pas vers la reconnaissance mutuelle. Il s’agit d’emprunter un chemin où chaque peuple voit son droit à la dignité, à la sécurité, à la mémoire respecté. Il est temps de rebâtir un pont entre les communautés. Impossible dans les Balkans, me direz-vous ? Pensez au vieux pont de Mostar, le Stari Most, édifié par les Ottomans en 1566, détruit par les Croates en novembre 1993, reconstruit à l’identique à partir de 1997 avec les pierres repêchées dans le lit de la Neretva, qui ont été réutilisées selon les anciennes techniques ottomanes. Chaque étape a constitué un acte de mémoire et de réconciliation. Le pont s’est relevé et est redevenu un symbole de coexistence. Cette œuvre d’art nous montre que, même dans les Balkans, après la destruction, la paix peut renaître, pierre par pierre.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Dans ce contexte, le Kosovo du premier ministre Albin Kurti – que nous avons rencontré – multiplie depuis 2021 les actions unilatérales d’affirmation de sa souveraineté, en particulier dans le Nord du territoire, où réside la majorité de la population d’origine serbe. Cette politique a donné lieu à certains succès, qui expliquent sa popularité auprès des Albanais du Kosovo. Il est ainsi parvenu à étendre les prérogatives de la police kosovare au Nord, dans des bases en dur, alors qu’elle en était jusqu’alors totalement absente. Elle a également poussé à la démission collective, en 2022, des policiers serbes du Nord du Kosovo, ainsi que des membres du principal parti de la communauté serbe, Srpska Lista, du Parlement et des autorités exécutives du pays. Ce vide a permis à des maires albanais de gagner quatre municipalités du Nord pourtant peuplées de Serbes, y favorisant l’implantation de la culture et de commerces albanais.

Le premier ministre Kurti s’est également attelé à démanteler, à partir de la fin de l’année 2023, les structures de l’administration serbe au Kosovo. Ces structures offrent des services plus ou moins directs à la communauté serbe dans des domaines aussi divers que l’éducation et la santé, le paiement de prestations sociales ou le recours aux services postaux. Elles sont perçues par Pristina comme un empiétement sur ses prérogatives et sa souveraineté. Aussi, après avoir fortement contraint leur fonctionnement, le Kosovo a décidé unilatéralement de leur fermeture, le 15 janvier 2025.

L’année 2024 a également vu se multiplier les initiatives du Kosovo pour assurer l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation applicable à la banque centrale kosovare prohibant les transactions financières en dinar serbe, la poursuite des expropriations de terrain dans le Nord du pays afin d’y construire des bases destinées aux policiers kosovars albanais ou encore l’examen un projet de loi visant à nationaliser les propriétés de l’Église orthodoxe serbe. Le Kosovo a également annoncé la possible réouverture unilatérale à la circulation automobile du pont reliant les parties serbe et albanaise de Mitrovica ou, à défaut, la construction de deux nouveaux ponts sur l’Ibar, suscitant une émotion perceptible chez les Serbes du Kosovo.

Le gouvernement justifie cette politique par l’attitude de la Serbie, qui multiplie les agressions à son égard. L’année 2023 a ainsi vu s’accumuler les sujets de tension, qui ont culminé, en septembre, lorsqu’un commando armé venu de Serbie a tué un policier du Kosovo dans une embuscade avant de se réfugier dans le monastère orthodoxe de Banjska. La responsabilité d’une attaque perpétrée le 30 novembre 2024 contre une infrastructure de distribution d’électricité et d’eau potable au Nord du Kosovo a été immédiatement attribuée par les autorités kosovares à la Serbie sans que son implication soit prouvée. Ces événements nourrissent un peu plus le sentiment que le Kosovo vivrait sous la menace constante d’une agression, ce qui justifie, aux yeux de l’opinion publique, la politique menée par le gouvernement Kurti.

Cette politique a toutefois valu un certain isolement au Kosovo au sein de la communauté internationale. Sa candidature d’adhésion à l’Union européenne n’a pas avancé et le pays fait même l’objet de sanctions réversibles imposées par l’Europe depuis juin 2023. Surtout, le gouvernement Kurti a, pour l’heure, sacrifié sa candidature, pourtant bien engagée, au Conseil de l’Europe. Cette situation vaut d’ailleurs au premier ministre des critiques marquées de la part des autres partis politiques comme la Ligue démocratique du Kosovo et le Parti démocratique du Kosovo.

Comme nous avons pu le constater sur le terrain, le contexte national est peu propice à l’évolution de la politique actuelle. Depuis les élections législatives du 9 février dernier, qui ont donné une courte majorité au premier ministre Kurti, le pays est incapable de se doter d’un nouveau gouvernement, faute de coalition entre les principaux partis. Cette instabilité institutionnelle, qui pourrait perdurer jusqu’en 2026, date de la tenue de nouvelles élections, favorise le statu quo et donc le maintien d’une attitude ferme à l’égard de la Serbie.

M. Frédéric Petit, rapporteur. Nous avions prévu de nous rendre, en mars, au Kosovo puis en Serbie – au sein de ma circonscription – mais notre voyage en Serbie a été repoussé en juillet en raison des événements qui s’y sont produits. Nous avons donc effectué ces visites à quatre mois de distance, ce qui n’est pas anodin dans des pays où la situation évolue très rapidement.

Le gouvernement serbe est confronté à un profond mouvement de contestation populaire qui n’a rien à voir avec le Kosovo, la situation politique ou les élections, mais qui traduit le réveil de la société, en lutte contre la corruption des pouvoirs publics. L’effondrement, le 1er novembre 2024, d’un auvent qui venait d’être rénové à la gare de Novi Sad, capitale de la Voïvodine – historiquement l’une des régions les plus multiculturelles –, causant la mort de seize personnes, a provoqué un important mouvement d’étudiants, rejoints par la société civile qui voulait en finir avec cette corruption.

Je suis plus réservé que mes collègues sur certains points. Comme je l’écris dans ma contribution annexée au rapport, je pense que les poches de conflits sont largement instrumentalisées et utilisées de manière artificielle, des deux côtés, pour répondre à des enjeux locaux. Marine Hamelet l’a rappelé s’agissant du premier ministre Kurti et des élections ; en ce qui concerne la Serbie, beaucoup s’accordent à dire que le gouvernement n’a plus de vision politique depuis un an qu’il résiste à l’opposition marquée des étudiants, qui s’est propagée ensuite aux petites municipalités. Il ne s’agit plus de luttes ataviques entre nationalités. D’ailleurs, les étudiants ne parlent absolument pas du Kosovo et les banderoles arborant le slogan « Kosovo je Srbija » sont plutôt le fait des milieux gouvernementaux que de la rue, des étudiants, des facs ou des partis – très peu, parmi les parlementaires rencontrés, l’ont évoqué, mis à part ceux qui sont membres du parti du président Vučić. Dans une Serbie où coexistent de nombreuses minorités ethniques et culturelles qui parlent des langues différentes, le mouvement étudiant a toujours été multiethnique – par exemple au sandjak de Novi Pazar, situé au Nord du Kosovo, qui regroupe des Bosniaques musulmans et qui fait partie, depuis toujours, de cette marmite multiethnique. Par conséquent, la société civile n’est pas obnubilée par la question du Kosovo, contrairement à ce que les gouvernements aimeraient nous faire croire. J’ajoute qu’au sein de la République serbe de Yougoslavie, le Kosovo était une région autonome, dans laquelle on parlait albanais et qui disposait de son propre Parlement – et Kosovo Polje était situé à l’intérieur de cette province autonome.

Le conflit est donc instrumentalisé et utilisé à dessein, j’y insiste, par des gouvernements qui en ont besoin pour rester en place.

Bien sûr, nous avons des divergences quant à la question de l’élargissement. Pour moi, les Balkans sont l’avenir de l’Union européenne. Faut-il rappeler qu’au moment d’engager la construction européenne, la Sarre était encore française – ce que beaucoup de jeunes ignorent ? Elle n’est devenue un Land allemand, le Saarland, que des années plus tard. Or il y avait aussi des frictions et des conflits dans cette région, qui étaient de nature à compromettre la paix en devenir. Pourrons-nous reproduire ce modèle au Kosovo et œuvrer à la réconciliation pour l’avenir, pour la jeunesse et les sociétés civiles ? Cela marchera-t-il ? Ce ne sera possible que si ce que nous avons entendu en Serbie se réalise. Il ne faut ni oublier ni humilier – ce principe a été respecté dans les relations franco-allemandes. Côté serbe, certains considèrent qu’il se passe désormais l’inverse de ce qui prévalait au moment de la guerre. Néanmoins, même s’il est vrai que les Serbes du Kosovo subissent du harcèlement et de la discrimination, nous n’avons pas pu étayer les accusations de viols ou de violences.

Enfin, au-delà de la diplomatie parlementaire, nous avons observé des initiatives intéressantes émanant de la diplomatie des sociétés civiles, engagées notamment par la France. Ainsi, nous avons visité une église située à la frontière entre les deux pays, rénovée grâce à des fonds français – ce qui n’a pas été très bien compris par les Albanais du Kosovo, d’autant que le monastère orthodoxe situé à côté est, lui, quelque peu discriminé. Pourtant, cette église ressortie de terre témoigne d’une histoire passée, qu’il est important de remettre à l’honneur. Il y a donc beaucoup de choses à faire et la diplomatie parlementaire, comme celle des sociétés civiles, permettra de maintenir le lien. Nous devons le faire, parallèlement à la diplomatie gouvernementale, parce que j’ai la conviction que ce sont les gouvernements qui attisent le feu, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’avenir de leurs enfants ou de leurs petits-enfants.

M. Jean-Louis Roumégas, rapporteur. Le dernier point de cette communication porte sur les évolutions possibles du conflit et le rôle de la France. La communauté internationale se révèle impuissante, pour l’heure, à trouver des solutions, même si de nouvelles initiatives pourraient voir le jour.

Les conséquences de la réélection du président américain Donald Trump sont observées avec attention. En effet, un rapprochement de la Serbie et des États-Unis est possible, en raison notamment des accointances idéologiques entre les deux chefs d’État et des intérêts économiques américains en Serbie, incarnés par le gendre du président, Jared Kushner. Cette lecture a été renforcée par les prises de position d’un proche du président, l’ancien envoyé spécial pour les Balkans, Richard Grenell, qui s’en est violemment pris au premier ministre Kurti sur le réseau social X. Dans les faits, il n’y a guère de bouleversements dans la politique américaine dans la région, à l’exception notable de la réduction drastique des fonds alloués à l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Le président Trump s’est toutefois exprimé à plusieurs reprises sur la situation locale en cours – dont le soir même de sa rencontre avec Vladimir Poutine, le 15 août dernier –, affirmant avoir mis fin au conflit. Force est de constater qu’il s’agit d’une lecture très optimiste du contexte géopolitique.

Quant à l’Union européenne, son attitude à l’égard du conflit est ambiguë. Elle apparaît très en retrait et incapable de peser sur le destin de la région. L’envoyé spécial pour le dialogue entre Belgrade et Pristina, Peter Sørensen, souhaite impulser une nouvelle méthode de travail, proche de la politique des petits pas des années 2010. Prenant acte des blocages politiques persistants, il veut ainsi revenir à la négociation d’accords techniques et de coopération économique, l’objectif étant d’éviter de s’enfermer dans une stratégie du tout ou rien. Toutefois, l’influence de l’Union européenne paraît fragile. D’abord, parce que cinq de ses États membres ne reconnaissent toujours pas l’indépendance du Kosovo, affectant sa crédibilité. Ensuite, parce que son attractivité décroît, en particulier en Serbie, où une large partie de la population semble s’en détourner. Le pouvoir joue d’ailleurs de cette défiance, accusant les manifestants anti-régime de fomenter une révolution de couleur soutenue par les pays occidentaux. Quant aux étudiants et à une partie de l’opposition, ils critiquent l’Union pour son silence sur les manifestations.

Dans ce contexte complexe, la France peut jouer un rôle actif du fait des bonnes relations qu’elle entretient avec les deux parties. Elle a reconnu l’indépendance du Kosovo au lendemain de sa proclamation et entretient un dialogue politique régulier avec Pristina. Quant aux relations franco-serbes, elles ont connu une forte dynamique ces dernières années. Les échanges politiques de haut niveau sont fréquents et les relations économiques bilatérales en développement. Ce n’est donc pas un hasard si notre pays a été à l’origine du projet d’accord qui a inspiré le traité dit de Bruxelles-Ohrid.

Cependant, nous devons prendre garde à conserver une position équilibrée qui garantisse la pérennité de nos relations bilatérales et faire en sorte que la voix de la France soit entendue dans les Balkans.

En Serbie, l’opposition au président Vučić reproche aux autorités françaises leur proximité avec le gouvernement en place. Un certain malaise est également perceptible au sein de l’opinion publique, agacée de l’attitude de la France jugée trop sévère à son encontre. Au-delà des visites du président de la République, nos interlocuteurs regrettent la rareté des contacts de haut niveau.

Parallèlement, notre influence au Kosovo est en déclin, du fait de notre soutien aux sanctions européennes qui lui sont imposées en réaction aux actions unilatérales de Pristina et de notre refus de voir le Kosovo adhérer au Conseil de l’Europe tant qu’il se refusera à transmettre le statut de l’association des municipalités serbes à sa Cour constitutionnelle. Plus largement, l’enseignement du français est en recul : il ne subsiste plus qu’une seule école française à Pristina, dont notre délégation a pu apprécier le dynamisme et l’engagement de l’équipe pédagogique et de direction. La France est encore trop absente de certaines organisations qui comptent dans le pays, telle la Force pour le Kosovo (KFOR), à laquelle ne participent que quatre militaires français. Quant à notre ambassade, elle dispose de moyens qui sont sans commune mesure avec ceux alloués à la représentation des États-Unis, qui a compté jusqu’à 400 personnels.

Nous insistons donc sur la nécessité pour la France d’investir pleinement la région des Balkans si elle souhaite peser sur son avenir. Il est impératif de redonner toute son ambition à la stratégie française pour les Balkans occidentaux qui identifiait avec raison la centralité de cette région pour œuvrer à la réunification et à l’intégration du continent européen. Le règlement du conflit serbo-kosovar en est une dimension importante. Notre pays dispose d’atouts majeurs, comme sa large expérience en matière de bon voisinage et la promotion du multilatéralisme dans les affaires internationales. De par sa présence et son influence au sein d’organisations internationales, dans lesquelles la Serbie et le Kosovo sont représentés, il peut agir comme un trait d’union pour rapprocher les deux parties et favoriser la reprise du dialogue. Dans cette perspective, la France gagnerait à soutenir les coopérations régionales au sein des Balkans, en particulier si elles permettent de nouer des liens entre les sociétés civiles. Nous pensons à des initiatives telles que le programme Open Balkans en matière économique ou le travail du Regional Youth Cooperation Office, qui devraient être mieux valorisés.

Pour toutes ces raisons, nous sommes persuadés que l’intensification des contacts avec nos homologues serbes et kosovars, à laquelle notre mission a contribué, est cruciale, à la fois parce qu’elle répond à une attente de nos partenaires et parce qu’elle crée des liens entre nos sociétés. C’est là tout l’apport de la diplomatie parlementaire dont nous encourageons le développement au sein de cette commission comme des groupes d’amitié.

M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie, tous les quatre, de nous avoir présenté le rapport réalisé dans le cadre de votre mission, qui a duré plusieurs mois et qui a été décidée, bien sûr, avec l’aval des autorités des deux pays. Vous aviez, au départ, des approches différentes, ce qui ne peut que rendre votre travail plus riche.

M. Stéphane Hablot (SOC). Le dialogue entre Belgrade et Pristina s’enlise. L’Europe apparaît comme un acteur d’arrière-plan dans son propre voisinage. Le rôle de médiation est insuffisant et il est désormais urgent d’aider au développement économique. Au Kosovo, la Turquie contrôle l’aéroport de Pristina, vend des drones et rénove des mosquées. En Serbie, la part des investissements chinois est passée, en cinq ans, de 11 % à 30 % des investissements étrangers. La Russie fournit les armes et 95 % du gaz. Les Émirats arabes unis ont lancé un immense projet immobilier, estimé à 3 milliards de dollars, de nature à modifier le cœur de Belgrade.

L’inertie de l’Europe pousse à s’interroger. Quels sont les investissements européens et comment les rendre davantage visibles ? Quel calendrier proposons-nous pour que l’ex-Yougoslavie adhère à l’Union européenne ? À Mitrovica, dans le Nord du Kosovo, les Serbes ont conservé leur maison et cohabitent avec les Albanais. La solution ne serait-elle pas que chacune de ces ethnies garde son identité, c’est-à-dire son appartenance à son peuple, tout en vivant dans un même État ? Le drapeau du Kosovo arbore six étoiles, qui représentent les six principales communautés ethniques et symbolisent le vivre ensemble dans un même État. C’est bien en respectant l’identité des ethnies, grâce à un État qui fédère, et en développant les activités économiques que nous obtiendrons la paix durable.

M. Frédéric Petit, rapporteur. Il faut rester prudent s’agissant des investissements des Émirats arabes unis à Belgrade. L’Europe reste, de très loin, le premier partenaire de ces pays.

Ensuite, n’oublions pas qu’historiquement la région résulte d’une mosaïque d’ethnies. Je dis parfois que Voïvodine est une proto-Union européenne ! Ses habitants savent très bien ce que c’est de s’opposer un temps, puis de s’efforcer de construire un avenir commun, pour la jeunesse – comme nous l’avons fait avec l’Allemagne ou d’autres pays par la suite. Ils ont l’expérience, depuis plusieurs siècles, de la résolution des conflits que nous essayons de mettre en œuvre, en humanistes, grâce à l’Union européenne – nous avons évoqué tout à l’heure le pont de Mostar, mais vous pouvez aussi lire le roman Le Pont sur la Drina.

Au XXIe siècle, les nations ne seront pas des nations ethniques, attribuées par Dieu ou par filiation, mais des nations de citoyens. C’est en ce sens que nous devons avancer.

La solution passe aussi, comme vous l’avez mentionné, par des coopérations. J’explique, dans ma contribution, qu’au lieu de compter les virgules dans les statuts de l’association des municipalités, nous pourrions nous attaquer au fléau des mafias ou lutter contre les armes de petits calibres. La France le fait déjà, en aidant les deux pays – au-delà de leurs différences et sans chercher à savoir si le Champ des merles est une victoire orthodoxe ou non. Nous avons évoqué le lycée français qui vient d’être créé au Kosovo. Il y a déjà un lycée français à Belgrade. Au lieu d’avoir des lycées séparés, dotés chacun de sa direction propre, nous pourrions imaginer des actions communes, comme des olympiades des lycées français des Balkans. Il y a également beaucoup à faire en matière de lutte contre le grand banditisme. On a évoqué tout à l’heure une agression commise par un commando armé serbe mais il s’agissait manifestement de bandits et non de l’armée serbe régulière.

M. Michel Guiniot (RN). Dans la liste des auditions, vous indiquez avoir reçu le codirecteur de l’Observatoire des Balkans à la Fondation Jean Jaurès. Cette dernière a publié, le 30 janvier dernier, un article sur la Serbie dans lequel elle parle de son président élu au suffrage universel direct comme d’un homme à la tête d’un régime autoritaire, ce qui ne correspond pas à la position officielle de la France. Jugez-vous son éclairage parfaitement neutre ?

Vous avez également rencontré au Kosovo M. Barbano, chef de la mission Eulex, la mission Etat de droit de l’UE au Kosovo. À la suite d’une enquête des autorités slovaques en 2014, cette mission et ses membres ont été reconnus coupables de corruption et d’abus de pouvoir. Tant du fait de l’Union européenne que des autorités locales, ses prérogatives ont été réduites au strict minimum à partir de 2019, retirant à Eulex ses compétences en matière de police judiciaire ou de douane. Elle semble défaillante sur ses attributions résiduelles, notamment en matière électorale – vous l’évoquez en pages 34 et 35 du rapport. Malgré tout, Eulex a vu son mandat renouvelé pour deux ans, en juin dernier. Pourriez-vous nous indiquer quels sont le rôle et l’intérêt de cette mission civile ?

Enfin, vous écrivez dans votre contribution, monsieur Petit, que « la France a d’importants atouts dans cette diplomatie des sociétés civiles [dont des] lycées français établis de chaque côté de la haine ». Je sais que vous utilisez parfois des expressions un peu originales, mais qu’entendez-vous par là ?

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Que répondre au sujet de la Fondation Jean Jaurès qui, d’ailleurs, assume pleinement ses positions ? Permettez-moi de profiter de votre question pour remercier nos diplomates dont l’action dans ces deux pays en particulier, et plus généralement dans toute la zone des Balkans, est compliquée. Je pense que si la Fondation Jean Jaurès a tenu ce genre de propos, c’est lié au fait que ses volontés européistes sont de plus en plus en recul, aussi bien au Kosovo qu’en Serbie ; nous l’avons constaté sur place.

M. Pierre Pribetich, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur la qualification de la Fondation Jean Jaurès qui, au demeurant, produit d’excellentes analyses. Soyons lucides : soit vous voulez sortir par le haut et garantir la paix dans ce territoire, que ce soit grâce à la politique des petits pas mentionnée par notre collègue Jean-Louis Roumégas ou grâce aux accords de coopération évoqués par Frédéric Petit, soit vous laissez s’installer la pax mafia. Car la réalité, c’est que les trafics existent. Je veux bien que, pour des raisons idéologiques, vous ne souhaitiez pas que l’Union européenne joue un rôle. Néanmoins, la pax europaea est préférable à la pax mafia.

Nous avons visité plusieurs organismes militaires et de sécurité et la présence de ces instruments de sécurité doit au moins permettre de maîtriser la situation. Ce n’est pas la peine d’être grand clerc pour deviner que, si nous laissons les choses se faire, la situation risque de dégénérer rapidement. Par conséquent, si nous voulons que les Balkans aient un avenir, l’Europe doit s’impliquer davantage, ne pas laisser le champ libre à la Turquie et empêcher les États-Unis de s’emparer de certains marchés. Il vaut mieux qu’elle soit présente, responsable et qu’elle utilise les outils dont elle a la maîtrise pour ne pas laisser s’implanter des influences néfastes qui conduiraient à la pax mafia. J’y insiste, la pax europaea est préférable à la pax mafia.

M. Frédéric Petit, rapporteur. Puisque vous parlez de pax mafia, permettez-moi d’ouvrir une courte parenthèse sur l’élection du président serbe au suffrage universel : elle est quand même contestée et les élections dans ce pays ne sont pas parfaitement libres et démocratiques, au sens où l’entend la Constitution française qui garantit l’expression de chaque citoyen. Sur ce sujet, la France a une position ; je suis libre d’en avoir une autre.

Pourquoi, me demandez-vous, ai-je écrit que des lycées français sont établis de chaque côté de la haine ? Laissez-moi prendre un autre exemple : nous venons d’homologuer un établissement laïc d’enseignement français à Jaffa, dans la commune israélienne de Tel Aviv, qui est une ancienne école chrétienne – implantée, par conséquent, en territoire arabe. Or je sais que pour être homologué établissement français, il faut constituer un comité de parents : le programme et la langue seuls ne suffisent pas. J’ai donc demandé au père salésien espagnol qui en assure la direction, comment il avait procédé : il m’a expliqué que cela avait été compliqué au départ, parce que l’établissement rassemble des juifs, des musulmans et des chrétiens, qui plus est dans la banlieue de Tel Aviv. Mais les parents ont finalement compris qu’il leur revenait de s’impliquer et les choses avancent depuis un an.

J’ai rencontré à cette occasion une enseignante française, responsable du cycle 1 et salariée locale, avec ses deux filles également scolarisées dans l’établissement. D’origine israélienne, elle a fait son alya. Elle m’a expliqué que si elle n’avait pas été enseignante dans cette école, elle serait repartie à Paris dès le 8 octobre. Elle est restée, parce qu’il y a une lueur d’espoir.

Nos établissements d’enseignement français sont donc aussi des outils de géopolitique des sociétés civiles. Notre rôle ne consiste pas simplement à déboucher les toilettes du lycée de Serbie ou à repeindre la cantine de celui au Kosovo mais à inculquer des valeurs communes à ceux qui sont situés de chaque côté de la haine et à les rassembler au sein d’un même réseau. Nous disposons des outils pour cela ; il suffit d’avoir un peu d’imagination et il n’est pas nécessaire d’engager beaucoup d’argent pour rapprocher les gens.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Frédéric Petit a évoqué les élections en Serbie et le problème démocratique qu’elles posent ; néanmoins, c’est aussi le cas au Kosovo et, plus généralement, dans l’ensemble des pays des Balkans. En Albanie, les élections du mois de mai dernier ont nécessité un recomptage qui a duré des mois et entraîné des difficultés, voire une impossibilité, à former un gouvernement. Ce problème est récurrent et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous nous opposons à l’élargissement de l’Europe aux pays des Balkans.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Vos interventions, très complémentaires, sont intéressantes car elles permettent d’aborder le sujet sous des angles différents et de se poser toutes les bonnes questions avant d’adopter une position définitive sur la difficile réconciliation entre la Serbie et le Kosovo.

Je souhaite, pour ma part, aborder d’autres questions. Sur quels principes communs construisons-nous nos relations, à la fois au niveau européen et au niveau national ? Qu’il s’agisse des sanctions envers la Russie, du soutien à l’Ukraine ou d’autres dossiers, que partageons-nous concrètement, au-delà des intérêts économiques ? Par ailleurs, ces derniers ne prévalent-ils pas un peu trop souvent et trop fortement sur notre volonté de promouvoir les valeurs françaises ou européennes ? Je pense notamment à la vente de douze avions de combat Rafale à la Serbie l’an dernier, sans aucune condition, ce qui pose bien sûr problème.

J’en viens au rôle de relais de l’influence russe que joue la Serbie en Europe, sur le plan diplomatique mais aussi par des actions de déstabilisation, comme l’ont montré l’affaire des têtes de cochon déposées devant des mosquées et celle des jets de peinture sur des synagogues. La Serbie fait également tout un travail diplomatique pour empêcher la reconnaissance du Kosovo dans des pays que je connais bien, comme les Comores et le Suriname, et dans d’autres que vous citez dans votre rapport.

Jean-Louis Roumégas a évoqué, d’une façon qu’on peut trouver émouvante, la société civile mais on sait ce qu’il en est des sportifs, par exemple. Djokovic fait de l’humour avec les supporters mais la belle image dont il jouit cache des opinions nationalistes extrêmement fortes. Qu’en est-il des entreprises, des artistes, des journalistes et des étudiants ? Les nationalistes engrangent des victoires électorales sur des bases qui ne sont pas celles de la réconciliation. Où sont donc les interlocuteurs crédibles ? Par ailleurs, utilisons-nous pleinement les leviers qui sont à notre disposition ? J’entends ce que dit Frédéric Petit au sujet des actions éducatives, qui sont une façon de s’inscrire dans le moyen ou le long terme, mais on peut avoir l’impression que cela n’ira pas assez vite pour enrayer l’évolution que vous avez tous décrite.

M. Jean-Louis Roumégas, rapporteur. Quand on se rend sur place, on s’aperçoit que la perspective européenne, qui aurait dû être un levier pour la normalisation des relations, n’a pas pleinement fonctionné. On pourrait donc se demander à quoi bon continuer. Je pense, néanmoins, que l’Europe doit à tout prix être présente. Dès qu’on lève les yeux dans les Balkans, on voit qu’on est entouré par l’Europe. La géographie parle d’elle-même et, au-delà des questions économiques, les sociétés, serbe comme kosovare, sont totalement européennes. Les populations ont des attentes qui sont manifestes : les think tanks et les mouvements de jeunes sont très clairs à cet égard.

En revanche, il y a une ambiguïté dans la position de l’Europe. Le fait que le président Macron vende des Rafale ne plaît pas spécialement aux jeunes, qui rêvent d’un soutien à la démocratie et à la transparence de la société et de l’information. Ceux qui manifestent tous les jours sont un peu déçus par le soutien apporté à des gens dont les positions leur paraissent figées et qu’ils jugent incapables de faire évoluer le pays. Il existe un hiatus entre la position des dirigeants, qui jouent du conflit et de sa non-résolution, et les attentes des populations. La France et l’Europe doivent continuer à être présentes, pour jouer un rôle positif à travers les échanges économiques mais aussi par les valeurs. C’est un tout.

Quand on va là-bas, il paraît totalement impossible qu’il n’y ait pas de relations avec la France et avec l’Europe. Même si l’une de nos collègues n’arrête pas de dire qu’elle n’est pas favorable à l’élargissement – on peut effectivement s’interroger sur le calendrier –, la France et l’Europe doivent être présentes.

M. Pierre Pribetich, rapporteur. Je suis parfaitement en phase avec ce qu’a dit Jean-Louis Roumégas. L’absence de l’Europe créé un vide et la nature a horreur du vide. On favorise ainsi les divergences.

Mme Voynet a raison : la diplomatie serbe est efficace. La reconnaissance du Kosovo est en chute libre : les Serbes courtisent certains pays, auprès desquels ils dépêchent des parlementaires en mission diplomatique.

Je suis favorable, depuis une décennie au moins, à l’élargissement de l’Union européenne et à l’intégration des ex-pays de la Yougoslavie. C’est la seule manière d’éviter que s’instaurent le vide et des systèmes mafieux. Notre absence risque de conduire à l’installation de régimes autoritaires, voire totalitaires.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Je ne suis pas entièrement d’accord avec vous, ce qui ne devrait surprendre personne. La présence de l’Europe ne signifie pas l’intégration et le principal sujet de préoccupation des personnes que nous avons rencontrées n’est pas l’Europe.

Par ailleurs, j’ai le sentiment que nous n’avons pas le même calendrier que ces pays – je parle des Balkans en général. Nous les pressons sans arrêt de faire ceci ou cela, ce qui produit l’effet inverse au sein de la population : on en demande tellement, dans des délais si courts, que beaucoup n’ont plus envie. Au-delà des jeunes et des think tanks que nous avons rencontrés, on commence à se dire que l’Europe, finalement, représente beaucoup de contraintes et d’obligations. Les gens n’y trouvent pas leur compte.

Mme Christine Engrand (NI). Le conflit entre la Serbie et le Kosovo reste l’un des plus épineux des Balkans : il a des répercussions directes sur la sécurité européenne et des événements récents montrent combien la situation demeure fragile. L’attaque de Banjska, qui a coûté la vie à un policier kosovar et à trois assaillants en septembre 2023, a marqué une étape inquiétante. Quarante-cinq personnes ont par la suite été mises en examen mais seules trois arrestations ont effectivement eu lieu, ce qui illustre bien le manque de coopération judiciaire entre Belgrade et Pristina, alors même que l’impunité nourrit les tensions.

Sur le plan international, le Kosovo revendique entre 110 et 119 reconnaissances de son indépendance mais reste confronté au refus de cinq États membres de l’Union européenne. Cette fracture interne complique l’efficacité de notre diplomatie commune. Par ailleurs, le maintien de 3 700 soldats de la KFOR montre la persistance d’un risque sécuritaire sérieux.

Comment la diplomatie parlementaire peut-elle contribuer concrètement à lever l’obstacle que représente le non-alignement de cinq États membres de l’Union européenne au sujet de la reconnaissance du Kosovo ? Face au poids d’acteurs extérieurs tels que la Russie, la Chine et les États-Unis, quelle place spécifique la France peut-elle occuper afin d’éviter l’instrumentalisation du dossier serbo-kosovar ?

M. Frédéric Petit, rapporteur. La question du travail parlementaire à l’intérieur de l’Union européenne, avec les Espagnols, par exemple, est assez intéressante. Nous en avons déjà un peu parlé tout à l’heure, à propos de l’APFA et des Biélorusses : nous avons besoin de réseaux parlementaires à l’intérieur de l’Union européenne, pour travailler ensemble sur ces questions, et pas seulement avec les pays concernés. En Afrique, monsieur le président, il faut effectivement y aller à deux, avec d’autres Européens.

Les investissements directs étrangers (IDE) de l’Union européenne au Kosovo s’élèvent à 2 milliards d’euros, contre 500 millions pour la Turquie. Je n’ai pas trouvé de chiffre exact pour la Chine mais je crois qu’il est également inférieur. Sur le plan des échanges, nous sommes les premiers, avec 41 % de parts de marché. Il y a des choses visibles, comme l’énorme centre Confucius de Belgrade, mais beaucoup de Français travaillent aussi là-bas.

J’ai bien aimé l’idée que l’Europe est tout autour. Je me sens dans l’Union européenne quand je vais là-bas, parce que les gens sont unis dans la diversité, depuis bien plus longtemps que nous. Ils vivent notre propre contradiction qui consiste à vouloir rester français tout en travaillant avec nos amis européens – même s’ils nous énervent, même s’ils ne sont pas pareils, même si nous sommes déphasés – et ils essaient de trouver des solutions.

Des problèmes se posent, bien sûr ; je ne suis pas un Européen naïf. Je vais vous raconter une anecdote : un jeune m’a demandé, dans la rue, comment il était possible de faire confiance à l’Union européenne alors que Mme von der Leyen appartient au même parti que M. Vučić. Le parti de M. Vučić, qui est un très vieux parti non-européen, mais européen tout de même, fait en effet partie du Parti populaire européen (PPE). Le Parti démocrate européen a marqué ses distances : notre secrétaire général a rencontré les partis d’opposition. Il existe aussi en Europe des gens qui, comme nous, sont capables de dire des choses fortes. Il est important de le souligner.

Un autre problème, que nous avons déjà un tout petit peu abordé, est celui de la mobilité. Les accords actuels ne prévoient rien en la matière. La question du retour des Serbes qui ne sont pas du Nord-Kosovo et dont les propriétés ont été rachetées n’a donc jamais été prise en compte. Les Serbes n’y touchent pas ; ils sont bloqués. Ils seraient déjà contents d’arriver à régler l’affaire, que vous connaissez, des quatre municipalités. Quant aux Kosovars, qui ont récupéré les terrains, ils n’en parlent évidemment pas. La solution ne peut passer que par la mobilité telle qu’on l’entend dans le cadre de la construction européenne.

M. Jean-Louis Roumégas, rapporteur. Il n’y aura pas de solution diplomatique rapide. La question qui se pose est la suivante : devons-nous continuer à être présents, à dialoguer, à avancer sur le chemin de l’Europe ou bien faut-il se désintéresser de ces territoires à cause de la persistance de conflits ? Sans l’Europe et sans la communauté internationale, les conflits auraient été beaucoup plus graves. Et vu la situation des Balkans, il est impossible de se désintéresser de cette région, pour des raisons géopolitiques, de même qu’on ne peut pas se désintéresser de ce que fait la Turquie : il y va de la paix dans le monde et de l’équilibre des forces. Par ailleurs, les sociétés concernées sont extrêmement réceptives. Il faut donc avancer. Le conflit se résoudra grâce à un changement de génération, en Serbie comme au Kosovo.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je commencerai par un mot de solidarité avec la jeunesse serbe, qui se soulève depuis presque un an. L’effondrement du toit de la gare de Novi Sad a été le symbole physique du fait que la corruption peut tuer. Une bonne partie de l’argent public n’a pas été utilisée pour rénover les infrastructures et améliorer la vie des Serbes : il a certainement été capté, en grande partie, par les dirigeants du pays. Par ailleurs, le mouvement de révolte de la jeunesse serbe s’inscrit dans un mouvement plus large qu’on retrouve aussi à Madagascar, au Pérou ou au Népal. La génération Z se lève un peu partout pour dire son ras-le-bol de la corruption et son envie d’un autre monde.

Je salue votre initiative, monsieur le président, de lancer des missions opérationnelles qui permettent à notre Parlement d’être dans l’action mais je m’interroge sur la capacité de la France à être vraiment un pays crédible pour ce qui est de la médiation entre la Serbie et le Kosovo. En 1999, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a bombardé la Serbie sans mandat de l’ONU, sans résolution du Conseil de sécurité mais sous l’impulsion des États-Unis, sans qu’on sache exactement pourquoi les Américains avaient changé de position d’une manière aussi brutale. Je comprends que vous n’avez pas pu aller en Serbie, à cause des événements…

M. Frédéric Petit, rapporteur. Si, nous y sommes allés en juillet.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Au temps pour moi. Nous pouvons mener, en tant que parlementaires, une diplomatie différente de celle du gouvernement mais la France est pleinement partie prenante de l’OTAN. Je ne sais pas si les Serbes sont extrêmement réceptifs, compte tenu de l’histoire, que j’ai rappelée, à l’idée d’une médiation de notre pays.

Par ailleurs, presque la moitié des pays membres de l’ONU ne reconnaissent pas encore le Kosovo, notamment la Russie, la Chine et cinq États membres de l’Union européenne, dont l’Espagne et la Grèce. La France ne serait-elle pas plus crédible quand il est question de mener une médiation dans cette région, et dans bien d’autres régions d’ailleurs, si elle n’était pas membre de l’OTAN ? J’aimerais que vous nous disiez comment le message français est perçu.

Je ne pense pas qu’on puisse confondre la question de la présence de la France et de l’Europe avec celle de l’adhésion à l’Union européenne. Il faut évidemment s’intéresser à ce qui se passe dans les Balkans et à la manière dont nous pouvons, modestement, contribuer à rénover la relation entre la Serbie et le Kosovo. Mais que peut apporter, concrètement, l’Union européenne ? On parle d’Europe des valeurs mais, quand l’Europe n’est pas capable de dénoncer le génocide à Gaza, qu’elle se ferme lorsque les réfugiés arrivent et qu’elle laisse faire Viktor Orbán, je ne sais pas quelles valeurs elle défend réellement. Je sais, en revanche, quelles sont les valeurs universelles de la France.

M. Frédéric Petit, rapporteur. Je pense que vous faites pas mal de contresens. La France est aimée en Serbie. On trouve une référence à notre pays dans toutes les maisons et les campagnes serbes, et jusque dans une chanson qu’on chante aux enfants. Ce que vous avez dit est une erreur historique : les Serbes se définissent, depuis un siècle, comme des compagnons d’armes des Français.

S’agissant de l’OTAN, nous ne sommes pas le pouvoir exécutif et nous ne siégions pas à cette époque, mais je rappelle quand même que le bombardement dont vous parlez ne visait pas un pays au hasard. Les Serbes, et ils ont été condamnés pour cela, commettaient à l’égard des Albanais du Kosovo un massacre que nous n’arrivions pas à arrêter. Quand certains Serbes disent que ce qui se passe actuellement dans le Nord du Kosovo est exactement ce qu’ils ont fait eux-mêmes en sens inverse, cela revient à reconnaître le passé. Les bombes qui sont tombées étaient une manière de dire qu’il fallait arrêter.

Vous pouvez contester ce qui a été fait à l’époque, et c’était évidemment un événement qui a marqué l’opinion publique serbe – cela explique leur refus d’adhérer à l’OTAN –, mais je ne vois pas en quoi le fait que la France fasse partie de cette organisation l’empêcherait d’être présente et appréciée. Je rappelle que c’est une entreprise française qui a sauvé le Danube, menacé par trente ans de déchets accumulés : ils servent aujourd’hui à chauffer le centre de Belgrade. Nous sommes là ; beaucoup de choses se font, au-delà des chambres de commerce et des lycées. La situation n’est pas restée figée et, du reste, on n’avance pas en regardant, comme vous le faites, dans son rétroviseur.

M. Jean-Louis Roumégas, rapporteur. Les débats sur l’Europe à l’intérieur de l’Europe, en particulier en France, ne sont pas vraiment compréhensibles, à tort ou à raison – je pense que c’est à raison – dans ces pays, qui sont les marches de l’Europe. Je l’ai vu en Moldavie comme dans les Balkans. Pour la population – je ne parle pas des politiques –, l’Europe reste un phare en matière de liberté d’expression, de démocratie et de défense du droit international, malgré les contradictions des dirigeants européens. Il ne faut pas négliger cette réalité, ni confondre les sociétés civiles et le jeu des politiques locaux. Nous devons poursuivre les échanges culturels et politiques et développer notre présence, tout en gardant la perspective de l’intégration européenne, par étapes, évidemment – cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Cette perspective est mobilisatrice et plutôt vertueuse. C’est une évidence quand on rencontre la société civile.

Mme Marine Hamelet, rapporteure. Il n’a pas encore été question de la situation des Serbes au Nord du Kosovo, où nous nous sommes rendus. Nous avons constaté qu’elle était assez catastrophique ; je pense que nous serons tous d’accord sur ce point. Les populations serbes sont contraintes de quitter le Kosovo en raison de l’emprise qui s’y exerce. Frédéric Petit a dit qu’il n’y avait pas de viols mais nous avons entendu le contraire à plusieurs reprises. Les femmes hésitent à porter plainte, surtout quand elles doivent s’adresser à des policiers kosovars, mais beaucoup d’exactions ont lieu. Tout est fait pour rendre la vie impossible et faire en sorte que les gens désertent. Si rien ne se passe, l’intégralité de la population serbe du Kosovo va partir. Il faut faire quelque chose.

Pour le reste, la France a toute sa place là-bas, bien sûr.

M. Pierre Pribetich, rapporteur. Je ne partage pas la même vision mais nous en avons déjà parlé. Vos propos sont excessifs. J’ignore s’il y a des réalités derrière ce que vous évoquez – un ou deux cas correspondent peut-être à ce que vous dites  ; la pression visant à faire partir les Serbes du Kosovo est plus sociale et politique, mais elle est énorme. Les autorités font du nettoyage ethnique, social, sociétal et politique. Je pense, toutefois, que les Kosovars sont conscients qu’ils devront sortir de la situation actuelle.

Il est urgent que nous nous mêlions de cette question. Tout cela se passe, je le rappelle, à deux heures, en avion, de nos frontières. La vente de Rafale – j’ai eu l’occasion de poser une question à ce sujet à un ministre des armées qui s’appelait, de mémoire, Sébastien Lecornu – ne s’explique pas dans un contexte où notre présence doit d’abord permettre d’apaiser la situation. Nous devons multiplier les liens pour éviter un vide qui peut conduire à des tensions politiques et à des affrontements, car tout peut dégénérer. Il est urgent de faire de la diplomatie parlementaire et de convaincre notre gouvernement et l’Europe d’être présents, pour éviter le pire.

M. le président Bruno Fuchs. Merci à nos quatre rapporteurs pour leur travail.

Conformément à l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, à l’issue des échanges, la commission autorise à l’unanimité la publication du rapport d’information qui lui a été présenté sous la forme d’une communication des participants à cette mission opérationnelle.

 

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La séance est levée à 18 h 00.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Hervé Berville, Mme Véronique Besse, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Eléonore Caroit, Mme Christine Engrand, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Frédéric Petit, M. Pierre Pribetich, M. Jean-Louis Roumégas, M. Aurélien Taché, Mme Dominique Voynet

Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Christelle D'Intorni, Mme Stella Dupont, M. Olivier Faure, M. Marc Fesneau, M. Perceval Gaillard, Mme Sylvie Josserand, Mme Brigitte Klinkert, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Lecoq, M. Laurent Mazaury, Mme Mathilde Panot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Lionel Vuibert, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa