Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)              2

  présences en réunion...........................43

 


Jeudi
17 octobre 2024

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 017

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel, Président

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).

 

Après l’article 3

Suivant l’avis de M. Charles de Courson, rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF758 de Mme Céline Thiébault-Martinez.

Amendements identiques I-CF947 de M. David Guiraud et I-CF1524 de M. Philippe Brun

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement vise à supprimer l’abattement de 40 % sur les dividendes.

Selon le rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France Stratégie, 1 % des foyers fiscaux concentrent 96 % des dividendes ; 4 000 foyers perçoivent chacun plus d’un million d’euros par an en dividendes.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les dividendes sont par défaut imposés au prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 %. En supprimant l’abattement de 40 %, vous toucherez les contribuables pour lesquels l’imposition au barème est plus intéressante, donc ceux qui sont imposés dans les premières tranches de l’impôt sur le revenu (IR).

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1817 de M. Jean-Paul Mattei

Mme Perrine Goulet (Dem). Soucieux de l’équilibre budgétaire, le groupe Démocrate propose, afin de compenser la revalorisation de retraites qu’il souhaite maintenir au 1er janvier, d’abaisser de 4 321 à 1 500 euros le plafond de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite soumises à l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’abattement de 10 %, institué en 1977 pour aider les personnes retraitées, coûte 4,6 milliards d’euros.

L’amendement rapporterait entre 1,5 et 2 milliards portant sur les huitième et neuvième déciles. Néanmoins, l’effet d’une telle mesure semble très important, puisqu’elle concernait plus de trois millions de bénéficiaires. Avis défavorable.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’idée est très intéressante. Elle figurait dans le rapport Vachey, commandé par le Gouvernement pour financer les mesures préconisées dans le rapport Libault. Néanmoins le plafond proposé est vraiment trop bas.

Mme Perrine Goulet (Dem). Nous pouvons certainement revoir le montant, mais aussi envisager un abaissement du plafond de 14 000 euros de l’abattement forfaitaire pour frais professionnels au profit des actifs.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF306 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur général. Issu des travaux que j’ai menés avec Félicie Gérard sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation, l’amendement vise à porter de trois à cinq ans la période de référence pendant laquelle le contribuable peut utiliser le reliquat des plafonds de déduction des versements sur un plan d’épargne retraite (PER).

Le caractère tardif de la préparation de la retraite en France est largement documenté. Selon un rapport de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) de 2023, le pic de souscription des PER intervient entre 50 et 59 ans, cette classe d’âge représentant 29 % des nouveaux adhérents en 2022.

L’amendement accroîtrait utilement la capacité de déduction à l’entrée des contribuables qui souscrivent tardivement un PER.

Le coût de cette mesure est neutre puisqu’il s’agit d’un sursis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF945 de Mme Marianne Maximi, amendements identiques I-CF31 de Mme Véronique Louwagie et I-CF47 de M. Fabrice Brun, amendements identiques I-CF898 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1389 de Mme Marianne Maximi, I-CF1779 de M. Philippe Brun et I-CF1842 de Mme Eva Sas, amendements identiques I-CF474 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF946 de M. Éric Coquerel, amendement I-CF1809 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)

M. David Guiraud (LFI-NFP). L’objet de l’exit tax est de soumettre à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux les plus-values latentes ou en report d’imposition sur les droits sociaux détenus par les contribuables qui quittent le territoire national. Son rétablissement avait été voté par l’Assemblée nationale en 2022 et 2023 avant que l’article 49.3 ne le fasse disparaître.

L’amendement vise donc à instituer une nouvelle fois l’exit tax en corrigeant quelques failles du dispositif qui s’appliquait jusqu’en 2018. Il pourrait rapporter 800 millions d’euros. C’est une manière de restaurer la souveraineté parlementaire et d’introduire de la justice fiscale.

Mme Véronique Louwagie (DR). L’exit tax consiste à imposer la plus-value latente qui résulterait de la vente des actions que détient un contribuable décidant de transférer son domicile fiscal hors de France.

L’objectif est de taxer les personnes qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France dans le seul but d’échapper à l’imposition liée à la cession de leurs actions.

En 2018, le Président de la République avait annoncé son intention de mettre un terme à l’exit tax instaurée par Nicolas Sarkozy. Devant les réactions hostiles, l’exécutif avait été contraint de présenter un nouveau dispositif pour lutter contre les abus, qui fixe un délai, insuffisant à nos yeux, de deux ans à l’issue duquel le contribuable est exonéré de taxe.

Notre amendement propose donc de revenir au mécanisme et au délai de quinze ans en vigueur sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

M. Nicolas Ray (DR). Il s’agit de rétablir le régime initial de l’exit tax, qui n’était pas l’œuvre d’un extrémiste. Le contexte se prête à l’adoption de cet amendement de bon sens qui permet à la fois de procurer de nouvelles recettes – l’Institut Montaigne les évalue à 67 millions – et de lutter contre l’évasion fiscale.

M. Nicolas Sansu (GDR). Un consensus semble se dessiner en faveur du rétablissement de l’exit tax. C’est une très bonne chose. Le rapporteur général peut-il nous indiquer la rédaction qui a sa préférence ?

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Les groupes appartenant au Nouveau Front populaire ont déposé des amendements identiques pour rétablir l’exit tax.

Nous espérons que l’amendement adopté par la commission sera conservé dans le texte définitif, contrairement aux années précédentes.

Mme Eva Sas (EcoS). Les écologistes soutiennent le rétablissement de l’exit tax qui semble désormais faire consensus.

Dans une période où nous recherchons de nouvelles recettes fiscales et davantage de justice fiscale, il serait incompréhensible que cette mesure ne figure pas dans le texte définitif en cas de 49.3.

M. Emeric Salmon (RN). L’amendement de M. Tanguy a le même objet que les précédents.

M. le président Éric Coquerel. À l’instar de Mme Maximi, je souhaite vivement que l’amendement soit repris dans le texte final.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exit tax consiste, pour les contribuables quittant la France après y avoir été établis fiscalement pendant au moins six sur les dix ans précédant le transfert, en une taxation des plus-values latentes de titres bénéficiant d’un sursis d’imposition jusqu’à la vente. Depuis 2019, les contribuables conservant leur titre au moins deux ans ne doivent plus s’acquitter de la taxe et bénéficient d’un dégrèvement d’office.

Nous pouvons débattre de la réforme de 2019, mais le retour à la situation antérieure sans changement n’est pas forcément la meilleure solution. L’exit tax ne rapportait que quelques dizaines de millions d’euros par an pour un coût de gestion très important : entre 2011 et 2016, seuls 138 millions avaient été effectivement encaissés, soit moins de 25 millions par an, pour six milliards de plus-values latentes.

Il serait plus utile de supprimer le sursis de paiement pour les contribuables partis s’installer en dehors de l’Union européenne, de renforcer les contrôles ou encore de s’inspirer du modèle suédois, qui prévoit le maintien prolongé des effets de la résidence fiscale pendant plusieurs années après le départ. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). N’oublions pas que le dispositif remanié avait été institué en 2019 afin de favoriser les investissements en fonds propres dans les entreprises et de stimuler l’innovation.

Le rétablissement de l’exit tax renchérira automatiquement le coût du capital, s’ajoutant au report de la baisse des impôts de production, à la probable hausse de l’impôt sur les sociétés, au relèvement du taux du PFU (prélèvement forfaitaire unique) et à la taxation des superdividendes. Je prends le pari que dans quelques années nous serons confrontés à une baisse de l’investissement préjudiciable à la croissance et à l’emploi.

M. Éric Coquerel (LFI-NFP). Il reste à prouver que la suppression de l’exit tax a encouragé l’investissement, ce dont je doute fortement.

L’amendement I-CF945 ayant été rejeté, la commission adopte les amendements I-CF31 et I-CF47.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement I-CF475 de M. Alexandre Sabatou

M. Alexandre Sabatou (RN). Il vise à accorder une part fiscale entière dès le deuxième enfant. Cette mesure, simple à mettre en place, représenterait un gain de pouvoir d’achat pour les familles de 560 euros.

On nous oppose souvent le fait que les gens ne font pas des enfants pour des raisons économiques. C’est faux, les parents sont des acteurs économiques rationnels. Selon une étude de décembre 2023, on observe un déclin de la natalité 1,5 fois plus important depuis la fin de l’universalité des allocations familiales. Les parents affectés par cette réforme ont augmenté leur durée de travail pour compenser le manque à gagner.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La part fiscale entière est accordée au troisième enfant. Cela correspondait à la taille moyenne des familles à l’époque où la mesure a été instituée. Il n’est pas incohérent de demander d’adapter la fiscalité aux familles actuelles qui comptent plutôt deux enfants.

Or non seulement votre proposition aurait un coût d’environ 3,5 milliards, mais elle mériterait aussi d’être inscrite dans une politique familiale globale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF296 de M. Nicolas Metzdorf et I-CF305 de M. Moerani Frébault

M. Moerani Frébault (EPR). Je présenterai plusieurs amendements qui ont tous fait l’objet d’une concertation étroite avec les acteurs économiques sous l’égide de la Fédération des entreprises d’outre-mer.

La Nouvelle-Calédonie est confrontée à une crise économique sans précédent à la suite des émeutes de mai 2024 au cours desquelles de nombreuses entreprises ont été détruites.

Afin d’amorcer le processus de reconstruction, l’amendement vise à encourager les particuliers à prendre un risque supplémentaire en investissant sur le territoire calédonien par le biais du fonds d’investissement de proximité (FIP) outre-mer. Il majore ainsi de vingt points le taux de la réduction d’impôt.

Compte tenu de la situation dramatique du territoire, les entreprises calédoniennes ont plus que jamais besoin de notre soutien.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à porter à 50 %, contre 30 % pour l’outre-mer et la Corse et 18 % pour la métropole, la réduction d’impôt sur le revenu sur les investissements dans les FIP en Nouvelle-Calédonie.

Un taux de 50 % me semble excessif pour un outil qui n’a pas fait la preuve de son efficacité. Le groupe LIOT propose de son côté de supprimer la réduction d’impôt sur le revenu de 18 % sur les FIP métropolitains en maintenant le taux de 30 % pour la Corse et l’outre-mer, ce qui créerait un avantage comparatif pour ces territoires.

La presse financière se fait régulièrement l’écho de la rentabilité négative des FIP métropolitains – les pertes oscillent entre 15 et 60 %. Avis défavorable.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). La situation en Nouvelle-Calédonie justifie peut-être un effort supplémentaire et une distinction accrue entre les FIP calédonien, métropolitain et outre-mer.

La commission adopte les amendements I-CF296 et I-CF305.

Amendement I-CF466 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Abaisser à 65 ans la limite d’âge à partir de laquelle les veuves d’anciens combattants bénéficient d’une demi-part fiscale supplémentaire aurait un coût modique et permettrait à certaines veuves de ne pas connaître de difficultés entre le début de leur retraite et l’âge de 74 ans à partir duquel la demi-part supplémentaire s’applique.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le coût de l’amendement est modeste car la plupart des bénéficiaires de la demi-part, principalement de veuves d’anciens combattants de la guerre d’Algérie, ont largement dépassé les 74 ans. L’âge a été abaissé de 75 à 74 ans en 2018 après des débats épiques.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF491 de M. Karim Ben Cheikh

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Il a pour objet de simplifier et de rendre plus équitable la fiscalité des non-résidents. Si les revenus des non-résidents générés en France sont inférieurs à 28 000 euros, ils sont imposés par défaut au taux minimal de 20 % ; s’ils sont supérieurs à ce seuil, ils passent au barème progressif à partir de 30 %, sans que les revenus de source étrangère ne soient pris en compte. Autrement dit, lorsque les revenus sont bas, l’administration considère qu’ils ne reflètent pas l’ensemble de vos revenus et majore systématiquement votre impôt en vous appliquant le taux de 20 % : la fiscalité protège les plus aisés.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Le taux minimal est une garantie permettant d’imposer effectivement les revenus de source française des non-résidents. L’application du taux moyen par défaut bénéficierait surtout aux personnes percevant beaucoup de revenus à l’étranger et peu en France. Enfin, les personnes ayant des revenus faibles peuvent opter pour le taux moyen.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). La fiscalité des non-résidents est ainsi faite qu’elle est aujourd’hui supportée principalement par les petits revenus. C’est un comble !

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1749 de Mme Félicie Gérard

Mme Félicie Gérard (HOR). Il vise à supprimer la réduction d’impôt – qui ne concerne donc que les foyers fiscalisés – accordée au titre des frais de scolarité des enfants poursuivant des études secondaires ou supérieures.

Selon les chiffres du ministère de l’éducation nationale, la dépense par élève est en moyenne de 9 720 euros dans le secondaire et de 10 210 dans le supérieur. L’État prenant en charge 98 % de cette dépense, le coût pour les familles est de moins de 2 % du coût total. Il n’est pas souhaitable pour les finances publiques que s’ajoute une réduction d’impôt.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce dispositif constitue le pendant de l’allocation de rentrée scolaire qui est versée sous condition de ressources par les caisses d’allocations familiales pour 2 milliards d’euros par an. Il n’a pas d’autre justification que de soutenir les familles.

Les contribuables bénéficient d’une réduction d’impôt de 61 euros par enfant poursuivant des études au collège, de 153 euros pour le lycée et de 183 euros pour les études supérieures. Le coût global s’élève à 400 millions.

Bien que la Cour des comptes en 2023 et le Conseil des prélèvements obligatoires en 2024 la recommandent, je crains qu’une suppression “sèche” n’ait un effet trop brutal. En outre, je ne suis pas sûr qu’elle envoie un bon signal pour la politique familiale. Pourquoi ne pas envisager plutôt de baisser les plafonds de la réduction d’impôt ? Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF284 de M. Moerani Frébault

M. Moerani Frébault (EPR). La réhabilitation des friches revêt une importance capitale en outre-mer où le foncier est particulièrement limité. Il est donc primordial d’adapter les aides à la réalité de ces territoires.

Un dispositif d’aide fiscale à l’investissement a été introduit dans la loi de finances pour 2024 visant l’acquisition et la réhabilitation des friches hôtelières ou industrielles afin de relancer des activités similaires. Malheureusement il est mal calibré et ne permet pas de reconvertir les friches existantes.

L’amendement, soutenu par la quasi-totalité des députés du bassin Pacifique, tend à élargir le dispositif en supprimant la restriction aux seules friches hôtelières et industrielles ainsi qu’en autorisant les travaux de reconversion.

Son adoption permettrait de s’attaquer efficacement aux quinze friches hôtelières en Polynésie dont la résorption est cruciale pour revitaliser l’économie et favoriser la création d’emplois.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi de finances pour 2024 avait amorcé le verdissement des aides fiscales pour l’investissement outre-mer sur la base des travaux de l’Inspection générale des finances.

L’extension des aides à toutes les friches avait été étudiée mais elle pose trois difficultés : un risque de fraude avec la possibilité de bénéficier deux fois de la défiscalisation par la vente de biens en seconde main ; le risque d’alimenter une inflation sur le marché des biens d’occasion qui se répercuterait sur le prix des biens neufs ; enfin l’incompatibilité avec le droit européen en vertu duquel de telles aides doivent en principe porter sur les biens acquis neufs. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement I-CF284.

Amendements identiques I-CF285 de M. Moerani Frébault et I-CF293 de M. Nicolas Metzdorf

M. Moerani Frébault (EPR). Afin d’assurer l’avenir énergétique durable de l’outre-mer, l’amendement vise à clarifier les conditions d’éligibilité à l’aide fiscale au titre des investissements productifs pour l’installation de panneaux photovoltaïques destinés à l’autoconsommation.

L’article 75 de la loi de finances pour 2024 a ouvert la voie, mais des imprécisions freinent le développement des projets. L’autoconsommation solaire est pourtant indispensable pour produire une électricité décarbonée, soulager les réseaux, répondre à la demande croissante mais aussi alléger les factures des usagers. Les territoires ultramarins pourraient devenir des laboratoires d’innovation pour le solaire, comme le souhaite le Premier ministre.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’extension de la réduction d’impôt aux panneaux solaires en autoconsommation est une avancée de la loi de finances pour 2024. Prenons le temps de l’évaluer avant de l’élargir éventuellement.

Par ailleurs, l’extension aux investissements réalisés par les tiers me semble comporter des risques de fraude – risque de double comptabilisation de l’aide et difficultés à contrôler le respect du critère d’autoconsommation. Il faut également veiller à ne pas renchérir le coût de ces dépenses fiscales qui atteint déjà 1,05 milliard d’euros au total. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je m’abstiendrai car si je comprends la finalité de l’amendement, je suis plutôt partisan des aides à des secteurs que des crédits d’impôt.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques I-CF294 de M. Nicolas Metzdorf et I-CF311 de M. Moerani Frébault

M. Moerani Frébault (EPR). L’amendement vise à élargir le dispositif fiscal applicable aux friches à l’acquisition, la réhabilitation ou la reconversion de tout immeuble détruit lors des émeutes survenues en Nouvelle-Calédonie à partir du 13 mai 2024 en vue de son exploitation dans le cadre d’une activité commerciale ou d’une activité éligible à l’aide fiscale à l’investissement.

En effet, les émeutes ont occasionné des dégâts matériels très importants en Calédonie. De nombreux commerces et entreprises ont été détruits, plongeant le territoire dans une crise économique durable et sans précédent.

La mesure, limitée au territoire calédonien et à une durée de cinq ans, vise à soutenir les entreprises dans le processus de reconstruction indispensable à la reprise de l’économie locale.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable pour les trois raisons évoquées précédemment.

La commission adopte les amendements I-CF294 et I-CF311.

Amendements identiques I-CF295 de M. Nicolas Metzdorf et I-CF302 de M. Moerani Frébault

M. Moerani Frébault (EPR). Il s’agit d’étendre à la Nouvelle-Calédonie le taux de réduction d’impôt majoré qui est déjà appliqué en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna pour renforcer l’attractivité de ces territoires auprès des investisseurs. C’est une condition indispensable au redémarrage de l’économie calédonienne, des investissements et des emplois.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La Nouvelle-Calédonie bénéficie déjà de ce taux pour les investissements réalisés dans le secteur des énergies renouvelables et les travaux de réhabilitation et de rénovation d’hôtels.

Plus largement, la question de la pertinence de cet outil se pose. Des aides budgétaires versées par l’État existant déjà – à hauteur de 400 millions –, il me semble préférable de voir si elles sont suffisantes, car elles seront plus efficaces pour accompagner la Nouvelle-Calédonie qu’une réduction d’impôt.

Demande de retrait.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF830 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je propose de transcrire dans le PLF une recommandation de l’Inspection générale des finances (IGF) en réduisant un avantage fiscal sur les investissements en outre-mer, qui est actuellement capté par divers intermédiaires.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous souhaitez minorer le seuil de chiffre d'affaires ouvrant droit aux réductions d'impôt relevant du régime d'aide à l'investissement productif en outre-mer. La transformation de la réduction d’impôt en crédit d'impôt, entamée en 2014, a été interrompue, si bien que les deux outils coexistent. Pour limiter les coûts d'intermédiation et faciliter les contrôles, il paraît en effet opportun de poursuivre cette transition. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF830.

Amendements identiques I-CF287 de M. Moerani Frébault et I-CF292 de M. Nicolas Metzdorf

M. Moerani Frébault (EPR). Les organismes de logements sociaux (OLS) de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie souhaitant bénéficier de la réduction d’impôt au titre de la rénovation de logements anciens sont soumis à un plafond de 50 000 euros par logement, qui ne tient compte ni de la nature des travaux ni de la surface des habitations.

La Polynésie française fait face à un manque de 30 000 logements, dont la moitié dans le parc social. Les OLS du Pacifique se trouvent donc contraints de privilégier la construction neuve plutôt que la rénovation, les avantages fiscaux existants ne couvrant que 15 % des coûts.

Pour corriger cette incohérence, je propose de fixer le plafond d’éligibilité à la réduction d'impôt à 2 000 euros par mètre carré, un montant adapté à la réalité des coûts de construction, et qui permettra aux OLS de mieux équilibrer leurs plans de financement. Ce montant serait actualisé annuellement par décret, afin de garantir qu’il suive bien l’évolution des coûts.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le dispositif vient déjà d'être assoupli : la loi de finances pour 2024 a supprimé la condition de localisation géographique pour bénéficier de la réduction d'impôt au titre des travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans – seules les opérations conduites sur l'île de Tahiti, à Saint-Martin ou dans les communes de Nouméa, de Dumbéa, de Païta, du Mont-Dore, de Voh, de Koné et de Pouembout étaient auparavant éligibles.

Votre amendement conduirait à augmenter considérablement le plafond : dans un logement de 100 mètres carrés, il serait multiplié par quatre. Fixer une valeur absolue maximale me semble préférable. Demande de retrait.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF995 de Mme Marianne Maximi

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Le crédit d’impôt sur les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) permet aux seuls contribuables aisés de défiscaliser les sommes investies dans le capital d’entreprises prétendument innovantes. Si la même philosophie était appliquée aux aides, subventions, allègements fiscaux et autres cotisations concédées aux entreprises par l’État, ce dernier serait fondé à imposer la conversion de ces sommes en capital, ce qui en ferait l’actionnaire principal de la plupart des entreprises du CAC40.

Aucun contribuable modeste ne pouvant convertir son impôt en placements spéculatifs individuels, nous demandons la suppression pure et simple de cette disposition fiscale injuste.

M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut tout à fait débattre de l'utilité des fonds d’investissement de proximité (FIP) hexagonaux et des FCPI, mais vous proposez de supprimer toutes les réductions d’IR permises par les versements au capital de PME, y compris à travers les FIP Corse et outre-mer. Une suppression sèche et immédiate enverrait un mauvais signal aux épargnants et aux investisseurs. Une approche plus mesurée me semble préférable.

En vertu des règles relatives aux aides d'État, cette réduction d'impôt doit en outre être notifiée à la Commission européenne. Une nouvelle notification sera nécessaire pour prolonger le dispositif au-delà du 31 décembre 2025. Nous pourrons donc débattre plus avant de cette question l'année prochaine. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1413 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). Dans un rapport sur les aides aux entreprises publié en mars 2024, l’IGF recommande de ne pas prolonger la réduction d’impôt applicable aux investissements dans les fonds communs de placement au-delà du 31 décembre 2025, les jugeant trop peu performants. Une telle mesure rapporterait 87 millions d’euros.

À propos de la patent box, un régime fiscal préférentiel applicable aux revenus issus de la concession ou de la cession de brevets, l’IGF estime que le taux préférentiel de 10 % est trop favorable, surtout au vu du niveau de déficit public et dans un contexte de réforme des aides aux entreprises. Porter ce taux à 15 % permettrait de maintenir un régime fiscal encourageant la recherche et l’innovation tout en renforçant la contribution des entreprises de 200 millions – une mesure qui ne pèserait ni sur les plus précaires ni sur les classes moyennes.

Enfin, la suppression du tarif réduit appliqué aux carburants utilisés par les taxis remplirait un objectif écologique tout en générant une économie de 45 millions d’euros.

Par cet amendement, nous proposons ainsi des mesures qui permettraient de réaliser un gain de 245 millions en 2025, puis de 332 millions à partir de 2026.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement est un pot-pourri de mesures qui ne vont pas toutes dans la bonne direction. Je partage votre analyse sur l'utilité toute relative des FIP hexagonaux, mais je ne suis pas favorable à la suppression de la réduction d'IR de 30 % appliquée aux FIP de Corse et d’outre-mer, zones où ces dispositifs présentent un réel intérêt.

Je suis aussi favorable à une hausse du taux réduit sur les cessions et concessions de brevets, mais nous pourrons en discuter lorsque nous examinerons les amendements après l'article 13.

En l’état, je ne peux pas donner un avis favorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Sensible à l’appel corse, je retire mon amendement, que je modifierai d’ici la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF1272 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Nous avons créé l’année dernière un dispositif visant à soutenir le financement des TPE et PME innovantes, notamment les jeunes entreprises innovantes (JEI), l’IR-JEI. Il a permis, au cours des derniers mois, de créer des dizaines d’emplois. Je propose de le conforter en augmentant le plafond d’investissement des particuliers dans ces entreprises – Inscoper, Moovency, Héphaïstos Pharma, Anode et bien d’autres –, qui sont notre premier moteur de créations d’emplois.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Depuis le 1er janvier 2024 et jusqu'au 31 décembre 2028, les investissements réalisés dans les JEI et les jeunes entreprises innovantes de rupture (JEIR) ouvrent droit, sous conditions, à une réduction d'impôt sur le revenu de 30 % ou 50 %, contre 18 % pour une PME classique (IR-PME). Cette réduction est valable dans la limite de 75 000 euros pour une personne seule et de 150 000 euros pour un couple, contre respectivement 50 000 et 100 000 euros dans le dispositif de droit commun.

Je ne suis pas favorable à ce que nous supprimions totalement des plafonds déjà dérogatoires, au risque de créer des possibilités d'optimisation fiscale, dont pourraient profiter des contribuables très fortunés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1273 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Amendement de repli, qui vise à prolonger l’existence de l’IR-JEI, en conservant les plafonds existants.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La réduction d’impôt créée l’année dernière est valable jusqu’en 2028. Attendons d’en faire le bilan avant d’envisager sa prorogation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1790 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). J’insiste sur l’efficacité et la rentabilité du dispositif de soutien aux JEI, qui permet de mobiliser l’épargne des particuliers et de dégager des ressources nouvelles à très court terme. L’amendement vise à l’ouvrir aux investissements réalisés par l’intermédiaire de FCPI, ce qui présenterait deux avantages : permettre aux particuliers d’accéder à ces mécanismes d’incitation par le biais du réseau bancaire et mutualiser de petits tickets d’investissement au sein de gros tickets de financement des start-up.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez d’étendre votre dispositif aux investissements réalisés à travers un fonds commun de placement à risque (FCPR). Les JEI et JEIR bénéficient déjà d'un régime dérogatoire. Je ne souhaite pas en élargir davantage le champ aux FCPI et encore moins aux FIP, dont l’efficacité laisse à désirer. Avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je vous invite à voter cet amendement très ciblé en faveur des start-up innovantes. Nous avons, depuis le début de l’examen de ce PLF, envoyé de nombreux signaux négatifs aux investisseurs en pénalisant la rémunération du capital. Il est temps de les soutenir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1271 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Cet amendement vise à ouvrir l’IR-JEI aux FCPR. Il n’aurait aucun coût l’année prochaine, mais produirait des effets positifs sur l’emploi dès les prochains mois.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les JEI et JEIR bénéficient déjà d'un régime dérogatoire. N’en élargissons pas encore davantage le champ pour compenser le risque soulevé par les investissements dans les FCPR, qui présentent un niveau de risque particulièrement élevé sans que leur efficacité économique soit garantie. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1789 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Il s’agit d’étendre le dispositif de l’IR-JEI aux entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) et aux entreprises commerciales de l’économie sociale et solidaire (ESS), dont les acteurs soutiennent cet amendement.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi de finances pour 2024 avait déjà prorogé le taux de réduction d'IR de 25 % dont bénéficient les ESUS, tout en mettant fin à ce taux majoré pour les PME – les investissements dirigés vers ces dernières bénéficient désormais d'une réduction d'impôt de 18 %. Il n’est pas nécessaire d’accroître encore cet avantage comparatif. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je suis sensible au numéro de votre amendement ainsi qu’à votre souci de financer l’ESS, mais je ne pense pas que ce soutien doive prendre la forme de crédits d’impôt, raison pour laquelle je m’abstiendrai.

M. Michel Castellani (LIOT). Les entreprises de l’ESS que nous avons auditionnées il y a quelques jours nous ont clairement signifié être mises en tension par la baisse des aides qui leur sont versées, notamment par les collectivités locales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1161 de M. Michel Castellani

M. Michel Castellani (LIOT). L’objectif initial des FIP – encourager l’investissement non coté en région – n’est plus atteint dans l’Hexagone, car, depuis 2019, ces fonds ne sont plus tenus d’investir dans trois régions limitrophes. Il n’est ainsi plus rempli qu’en Corse et en outre-mer, où les FIP doivent investir 70 % de leur actif dans des PME exerçant exclusivement sur leur territoire.

En conséquence, nous proposons de supprimer la réduction d’impôt sur le revenu de 18 % permise par les investissements dans les FIP hexagonaux afin de limiter l’avantage fiscal aux FIP Corse et outre-mer.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable. Aucun FIP métropolitain n’affiche une rentabilité positive : au mieux, l’avantage fiscal compense une partie des pertes. Il serait étrange d’inciter les épargnants à investir dans de tels fonds.

La commission adopte l’amendement I-CF1161.

Amendements I-CF1207 de M. Nicolas Ray, amendements identiques I-CF659 de M. Laurent Panifous et I-CF1545 de Mme Christine Pirès Beaune et amendements I-CF1544 et I-CF1547 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)

M. Nicolas Ray (DR). Mon amendement vise à transformer en crédit d'impôt la réduction d'impôt accordée au titre des dépenses afférentes à la dépendance, notamment à l’hébergement dans des Ehpad. Seuls les résidents imposables peuvent en effet bénéficier de la réduction ; ceux qui ont des ressources plus faibles en sont exclus, ce qui crée une inégalité de traitement.

En outre, les dépenses de maintien à domicile, par ailleurs moins élevées que celles d'accueil en établissement, sont éligibles au crédit d’impôt. Il y a là aussi une injustice, d’autant que personne ne se rend dans un Ehpad par choix.

M. Michel Castellani (LIOT). L’article 199 quindecies du code général des impôts (CGI) accorde une réduction d’impôt de 25 % au titre des frais de dépendance et d’hébergement des personnes accueillies dans des établissements spécialisés, dans la limite de 10 000 euros par personne hébergée. Cette mesure ne bénéficie qu'aux foyers assujettis à l’impôt sur le revenu. Pour renforcer la justice sociale et réduire les inégalités, il faut étendre le dispositif aux plus vulnérables en transformant cette réduction d’impôt en crédit d’impôt.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement I-CF1545 est identique. Certains savent combien je tiens à cette disposition, qui permettrait de réparer une injustice fiscale et sociale : 76 % des 700 000 résidents en Ehpad perçoivent des revenus courants inférieurs au reste à charge, lequel a d’ailleurs explosé depuis la crise du covid.

Cet amendement avait été adopté en 2022, puis dans le PLF pour 2023. Je l’avais retiré à la demande de la Première ministre Élisabeth Borne, qui m’avait confié une mission sur cette question. J’ai rendu un rapport aux conclusions très nettes. En attendant une réforme structurelle du financement des Ehpad et du reste à charge, je propose d’instaurer ce crédit d’impôt pour les années 2025 et 2026.

Les amendements I-CF1544 et I-CF1547 sont de repli.

M. Charles de Courson, rapporteur général. On ne peut que partager votre diagnostic : la situation est injuste et le fait de transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt permettrait d’y remédier. Une telle mesure coûterait cependant, d'après les travaux de notre collègue Pirès Beaune, 880 millions d’euros. En tant que rapporteur général, je suis un peu gêné par un tel montant. J’émets donc un avis de sagesse.

M. Nicolas Sansu (GDR). Je soutiens les amendements identiques. Créer un crédit d’impôt permettrait de réduire le recours à l’aide sociale versée par les départements, donc de réduire leurs dépenses. Par ailleurs, dès lors que les personnes maintenues à domicile en bénéficient, la situation est porteuse d’une inégalité à laquelle il convient de remédier.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Si on peut évidemment souscrire à l’élargissement du bénéfice de la réduction d’impôt aux personnes non imposables, je ne crois pas que l’outil fiscal soit le plus adapté pour traiter un problème bien plus large, qu’on ne réglera probablement qu’en instaurant un système assurantiel obligatoire ou des mesures en matière de transmission héréditaire.

Comment ces amendements seront-ils financés ? La Gouvernement a présenté une copie dont l’équilibre est assuré à l’euro près : nous ne pouvons pas nous permettre de la dégrader de 800 millions d’un simple trait de plume. Mme Pirès Beaune, qui présente cette mesure depuis plusieurs années et a le mérite de la constance, l’a gagée, mais qu’en est-il des députés de la Droite républicaine ?

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les amendements identiques I-CF659 et I-CF1545 ne portent que sur les exercices 2025 et 2026 : les adopter n’enterrerait donc pas tout espoir d’une réforme structurelle du financement des Ehpad. Je vous invite à les voter, ainsi que ceux qui visent à réduire le crédit d’impôt services à la personne (Cisap) pour certaines activités.

Monsieur Lefèvre, nous avons examiné, et parfois adopté, toute une série d’amendements créant ou étendant des crédits d’impôt. Cet outil n’est pas forcément idéal, mais certains sont utiles et permettent, comme ici, de réparer des injustices flagrantes.

La commission rejette l’amendement I-CF1207 et adopte les amendements identiques I-CF659 et I-CF1545.

En conséquence, les amendements I-CF1544 et I-CF1547 tombent.

Amendement I-CF1152 de Mme Estelle Youssouffa

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Il concerne les familles d’outre-mer qui doivent se rendre en France hexagonale pour permettre à un enfant de bénéficier de soins médicaux ne pouvant être réalisés dans leur territoire, par exemple pour traiter certains cancers pédiatriques. Les dispositifs d’accueil sont saturés, offrent des hébergements de courte durée et ne répondent pas toujours aux besoins de l’enfant et de son entourage. Il est donc nécessaire d’aider ces parents qui n’ont pas d’autre choix que de se rendre en France hexagonale pour assurer la survie de leur enfant. Nous proposons de le faire à travers un crédit d’impôt de 75 %, dans la limite de 10 000 euros de dépenses éligibles.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous soulevez un vrai problème pour nos compatriotes d’outre-mer, mais votre solution ne me semble pas adaptée : le crédit d’impôt ne serait versé qu’en année n+2 après l’engagement des dépenses.

Il me semble préférable d’apporter une réponse de nature budgétaire, en cumulant l’allocation journalière de présence parentale et la majoration de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé pour les parents concernés.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je rejoins le rapporteur général : vous posez une question qui nous touche tous mais le crédit d’impôt ne peut pas être la solution à tous les problèmes. Tout le monde se plaint de la complexité du code général des impôts et de la superposition des dispositifs. La réponse budgétaire doit être privilégiée, quitte à la développer davantage si nécessaire.

M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, même si j’y vois plutôt un amendement d’appel, je le voterai car il soulève une question non encore résolue.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF-1319 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Le Cisap représente une dépense fiscale de 6 milliards. S’il est très utile pour lutter contre le travail dissimulé, créer des emplois et favoriser le pouvoir d’achat, il faut en clarifier certains points.

L’amendement vise ainsi à préciser le statut fiscal du particulier employeur, en opérant une scission entre le crédit d’impôt dont bénéficient les organismes de service à la personne (OSP) et celui que touchent les particuliers employeurs, étant entendu que je présenterai ensuite un autre amendement visant à connaître précisément le fléchage du Cisap.

Je précise que cette mesure de clarification ne coûterait rien à la collectivité.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Plusieurs amendements portant sur le Cisap, je prendrai quelques instants pour exposer ma position générale. Je proposerai un amendement visant à exclure du périmètre de ce crédit d’impôt certaines activités de confort, ce qui permettrait d’économiser 100 millions d’euros. Un deuxième amendement aura pour objet d’abaisser son taux de 50 % à 45 %, à l’exception des activités de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées et aux personnes invalides. Cette baisse rapporterait 500 millions d'euros.

Je serai défavorable à tous les autres amendements qui créent de la complexité, comme les taux dégressifs pour certaines activités, ainsi qu’à ceux modifiant le plafond, car ils ne permettent pas de diminuer sensiblement le coût de la dépense fiscale, peu de contribuables étant concernés.

L’amendement rendant plus complexe le dispositif sans bénéfice pour les finances publiques, j’y suis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Mon amendement a été élaboré avec la Fédération des particuliers employeurs de France, qui souhaitent que leur statut soit clarifié.

J’en ai déposé un autre afin d’abaisser le plafond de 12 000  à 10 000 euros, sans remettre en question le plafond de 20 000 euros applicable aux personnes en situation de handicap.

Un troisième amendement vise à ce que les contribuables précisent s’ils ont bénéficié d’un crédit d’impôt en tant que particuliers employeurs ou s’il leur a été proposé par des entreprises de services à la personne, afin d’assurer une meilleure information du Parlement quant à l’utilisation de ce crédit d’impôt.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1889 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je propose d’exclure du champ du Cisap plusieurs activités : la collecte et la livraison de linge repassé, dont le coût est négligeable ; l’assistance informatique, qui coûte 12 millions d’euros ; la maintenance, l'entretien et la vigilance temporaire à domicile pour la résidence principale et secondaire – 18 millions ; l'assistance administrative – 30 millions ; la téléassistance et la visio-assistance – 18 millions ; et la coordination et la délivrance des services à la personne – 18 millions. Nous économiserions ainsi 100 millions, montant très modéré au regard des 6,2 milliards que représente le Cisap.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les activités soumises à agrément, notamment l’aide aux personnes âgées, seraient-elles bien exclues du périmètre de votre amendement ? Si tel est bien le cas, je le voterai sans problème.

M. David Amiel (EPR). Des activités que vous qualifiez de prestations de confort peuvent en effet être indispensables pour certains bénéficiaires, notamment les personnes âgées. Votre amendement permettra-t-il de distinguer entre les différents publics ?

M. Gérault Verny (UDR). Le seul effet de la suppression de cette niche serait le retour du travail au noir pour toutes ces prestations.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Il est souhaitable de faire des économies, mais attention à ne pas aller trop loin, au risque d’abandonner les personnes âgées maintenues à leur domicile.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). N’oublions pas les forts problèmes de mobilité dans les territoires ruraux. Le tri proposé par l’amendement me paraît artificiel.

M. Daniel Labaronne (EPR). La réforme du Cisap demande un travail de fond, principalement sur le plafond et sur l’éligibilité des activités, mais aussi des personnes. Cet amendement ne modifie que l’éligibilité des activités.

M. Charles de Courson, rapporteur général. J’ai déposé cet amendement pour que nous réfléchissions à l’évolution du dispositif, qui me semble nécessaire. On ne peut pas l’étendre indéfiniment au motif qu’il contribue à réduire le travail au noir. Nous devons poursuivre cette réflexion. En attendant, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements I-CF1157 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1158 et I-CF1159 de M. Michel Castellani (discussion commune)

M. Michel Castellani (LIOT). Nous soutenons les dispositifs fiscaux en faveur de l'autonomie et de la dignité des personnes en situation de handicap et de dépendance. La dépense fiscale que nous visons bénéficie à des foyers très aisés : l’amendement I-CF1158 propose de retirer de la liste des activités les travaux de petit bricolage et l’amendement I-CF1159 le gardiennage de la résidence principale et secondaire.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous propose de retirer ces amendements pour que nous puissions en proposer un plus complet en séance.

Les amendements sont retirés.

Amendements I-CF779 de M. David Guiraud, I-CF1119 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1320 de M. Daniel Labaronne., I-CF1888 de M. Charles de Courson, I-CF1541 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF1149 de M. Michel Castellani, I-CF1385 et I-CF1341 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)

M. Emmanuel Maurel (GDR). La Cour des comptes a identifié un effet d'aubaine au profit des employeurs les plus aisés. Nous proposons d’abaisser le seuil de dépenses à 9 000 euros : ce niveau n’empêcherait pas les plus aisés d’employer des personnes à domicile et la réduction du crédit d’impôt de 6 000 euros à 4 500 euros ne leur causerait pas un préjudice financier insupportable. La moyenne du crédit d'impôt pour emploi des salariés à domicile est 1 319 euros en 2023 et seuls 11 % des 40 millions de foyers fiscaux bénéficient de cette mesure.

Cet amendement répond également à une exigence de justice. La mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux voit ses crédits demandés baisser de plus de 2 milliards alors que la dépense fiscale pour le crédit d’impôt des salariés à domicile augmente.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). En tant que rapporteure spéciale de la mission Remboursements et dégrèvements, j’ai reçu de Bercy toutes les réponses à mon questionnaire ; nous disposons donc de tous les éléments.

L’amendement I-CF1541, qui reprend les recommandations du rapport de la Cour des comptes, propose d’instaurer une dégressivité du Cisap, en excluant les activités soumises à agrément, c’est-à-dire celles concernant la petite enfance et les personnes âgées.

M. Michel Castellani (LIOT). Notre amendement suit la même logique de dégressivité.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les amendements I-CF1385 et I-CF1341 sont de repli : le premier propose la dégressivité pour les seules activités d’entretien et de travaux ménagers qui représentent 50 % du Cisap, le second pour les seules activités de jardinage qui en représentent 16 %.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les amendements de Mme Pirès Beaune posent problème car ils ajoutent au barème de l’IR un autre barème pour bénéficier d’un crédit d’impôt pour certaines activités.

Certes, nous devons réformer le Cisap, qui est notre deuxième dépense fiscale, mais je propose le retrait de ces amendements avant de nous mettre d’accord sur un amendement à discuter en séance.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Ces amendements réduisent les avantages fiscaux des classes moyennes et moyennes supérieures urbaines, qui contribuent le plus au système fiscal et social et qui font vivre le pays en travaillant durement. Elles utilisent ce dispositif notamment pour faire garder leurs enfants, parfois dans des conditions difficiles. Ces avantages sont pour elles une soupape de décompression fiscale, puisqu’elles paient proportionnellement plus d’impôts que les autres contribuables.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les recommandations de la Cour des comptes sont plus drastiques que ces amendements. J’ajoute que la dégressivité ne concernerait pas les gardes d’enfant.

Ces amendements répondent en outre à votre préoccupation sur le financement des 882 millions de l'extension de la réduction d'impôts en crédits d'impôt.

Les amendements I-CF1320 et I-CF1888 sont retirés.

Les autres amendements sont rejetés.

Amendement I-CF1321 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Il vise à assurer une identification précise du fléchage du Cisap afin de savoir si le contribuable a employé une personne ou s’il a eu recours à un organisme de service à la personne, en lui demandant simplement de renseigner cette information par l’ajout d’une rubrique au formulaire.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Cela demanderait de remplir deux déclarations au lieu d’une. Avis défavorable.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nul besoin d’un formulaire supplémentaire : il suffit d’ajouter une ligne au Cerfa. Une telle mesure permettrait notamment de lutter contre le travail au noir.

M. Thomas Cazenave (EPR). Elle permettrait aussi d’obtenir des informations très utiles pour le pilotage des politiques publiques de crédits d’impôt.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques I-CF899 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1404 de M. Éric Coquerel, I-CF1780 de M. Laurent Baumel et I-CF1853 de Mme Eva Sas, amendements I-CF759 de M. Éric Coquerel, I-CF461 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF1507 de M. Philippe Brun, amendements identiques I-CF9 de M. Emmanuel Maurel et I-CF1509 de M. Philippe Brun, amendements identiques I-CF448 de Mme Stella Dupont et I-CF1511 de M. Philippe Brun et amendement I-CF1129 de M. Michel Castellani (discussion commune)

M. le président Éric Coquerel. Ces amendements visent la suppression globale du prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou flat tax, alors que nous avons voté hier des amendements que l’on pourrait considérer comme des amendements de repli. Nous essayerons de corriger cela avant la séance. Pour l’heure, je vous invite à ne pas revenir trop longtemps sur le débat de fond que nous avons déjà eu hier.

M. Laurent Baumel (SOC). Aux termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la contribution des citoyens aux « dépenses de l’administration […] doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Ceux qui ont la chance de ne pas devoir dépenser l'intégralité de leurs revenus pour subvenir à leurs besoins peuvent investir leur épargne dans le financement de l’économie. C’est très louable, mais pourquoi les revenus supplémentaires qu'ils en tirent légitimement devraient bénéficier d'une sous-imposition, comme s’ils avaient une valeur morale ou sociale supérieure à ceux que les Français qui se lèvent tôt tirent péniblement de leur participation, pourtant beaucoup plus tangible, à la production de nos biens et de nos services ?

J'ajoute que la flat tax, en incitant certains à se rémunérer en dividendes plutôt qu’en salaire, contribue à soustraire ces rémunérations à l'assiette du financement du budget de l'État et de la sécurité sociale.

Mme Eva Sas (EcoS). La suppression de la flat tax permettrait de taxer les revenus du capital au même niveau que ceux du travail. C'est une question de justice fiscale mais aussi d'efficacité économique.

Le Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital souligne que « les travaux de recherche n'ont pas détecté d'impact du PFU sur l'investissement et les salaires dans les entreprises qui sont exposées ». Les Mozart de la finance qui sont à Bercy depuis 2017 ont donc permis aux plus aisés de bénéficier d’une baisse de leur imposition et à certains chefs d’entreprise de profiter d’un effet d’aubaine, sans aucune efficacité économique.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les revenus du patrimoine immobilier proviennent pour une bonne partie d’une épargne dégagée de revenus soumis à l’IR. J’observe également que la quasi-totalité des pays européens ont mis en place un système comparable à notre PFU. Nous ne pouvons pas avoir raison contre tout le monde !

Nous pouvons discuter des modalités du PFU – nous avons d’ailleurs augmenté son taux – mais je suis opposé à sa suppression.

M. Éric Woerth (EPR). Il ne faut pas diaboliser le capital : le bon fonctionnement de l’économie dépend du travail comme du capital qui est notamment nécessaire pour assurer la productivité. J’ajoute que le capital est souvent le fruit du travail, qui est déjà imposé. Il est donc logique que la fiscalité du capital soit inférieure et il me semble souhaitable de garantir la stabilité de notre système fiscal.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Grâce à votre politique du ruissellement, les inégalités n’ont jamais été aussi fortes. Cette théorie ne fonctionne pas, puisque la fiscalité que vous avez instaurée depuis sept ans n’a pas favorisé plus d’investissements : relisez le rapport du Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital

Nous faisons par ailleurs face à un problème de recettes et nous proposons ici des recettes. C’est toute votre politique qui est mise en échec.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le taux de flat tax à 33 % que nous avons adopté hier est un compromis de raison. Vous proposez de soumettre les bénéfices à l’IR, mais les bénéfices distribués sont soumis à l’IS avant de l’être à la flat tax. Ne superposons pas un impôt à un autre. La flat tax doit être simple et lisible.

M. le président Éric Coquerel. Il ne s’agit pas diaboliser le capital, mais d’éviter que le travail ne soit davantage imposé que le capital, ce qui ne se justifie ni économiquement ni moralement.

Monsieur Woerth, il n’y a pas de capital sans travail, mais l’inverse n’est pas vrai : l’économie sociale et solidaire le démontre.

Les amendements I-CF899 et suivants sont rejetés.

M. le président Éric Coquerel. Les amendements suivants tombent en conséquence de l’adoption hier de l’amendement I-CF1806 de M. Jean-Paul Mattei.

Les amendements I-CF1507 et suivants tombent.

Amendements identiques I-CF394 de Mme Léa Balage El Mariky et I-CF771 de M. Christophe Proença

Mme Christine Arrighi (EcoS). Les bénévoles associatifs qui utilisent leur véhicule personnel pour les besoins d’une association d’intérêt général à but non lucratif et qui renoncent expressément au remboursement des frais de déplacement peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu à laquelle nous proposons de substituer un crédit d'impôt afin de rétablir une forme d'équité fiscale et d'égalité entre les bénévoles assujettis à l'impôt sur le revenu et ceux qui ne le sont pas.

Mme Sophie Pantel (SOC). Il s'agit de reconnaître l'engagement des bénévoles et de leur contribution à la vie culturelle, civique et sportive dans les territoires.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L'abandon du remboursement de frais pour l'utilisation de véhicules personnels est considéré comme un don et bénéficie à ce titre d'une réduction d'impôts. Tant que la réduction d'impôt n'est pas transformée en crédit d'impôt, votre amendement n'est pas cohérent.

J’ajoute que les dons aux associations bénéficient d’une réduction d’impôt de 66 %.

Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Vous avancez l’argument de la réduction d’impôt pour les dons aux associations, mais elle ne concerne pas les non-imposables et ce dispositif ne vise pas du tout le même objet que la réduction d’impôt bénéficiant aux bénévoles qui utilisent leur véhicule personnel pour les besoins d’une association. Le bénévolat peut être vu comme un don de soi.

M. le président Éric Coquerel. Je soutiens ces amendements : les bénévoles bénéficiant d'une réduction d'impôt sont avantagés par rapport à ceux qui n’en bénéficient pas. Ce n’est pas acceptable.

M. Éric Woerth (EPR). Je rappelle que 50 % des Français ne paient pas d’impôt sur le revenu. Dans ces conditions, il me semble naturel que ceux qui en paient puissent dans certains cas bénéficier d’une réduction. Quant à ceux qui n’en paient pas, comment pourraient-ils tomber sous zéro ?

M. le président Éric Coquerel. Avec la TVA et la CSG, tous les Français paient des impôts !

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Les bénévoles sont-ils demandeurs d’un tel dispositif ? Ils sont tellement heureux de donner aux autres. Pourquoi créer une sorte de statut professionnel ?

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Les collègues qui ont proposé ces amendements sont dans l’excès : non seulement le monde bénévole n’est pas demandeur, mais en outre les associations que vous défendez sont déjà suffisamment aidées par des subventions et des réductions d’impôt. On ne peut pas gagner sur tous les tableaux !

M. le président Éric Coquerel. Soyez logique et demandez la suppression de la réduction d’impôt pour les bénévoles !

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF850 de M. Sébastien Peytavie

M. Tristan Lahais (EcoS). L'amendement vise à intégrer les tiers-lieux sociaux et culturels dans le dispositif de réduction d’impôt pour don à une association. Ces lieux jouent un rôle fondamental dans la création de formes alternatives d'organisation sociale, mais doivent faire face à un contexte de réduction de leurs moyens, notamment dans le PLF 2025.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La rédaction de l’article 200 du code général des impôts est suffisamment large pour inclure ces tiers-lieux.

Avis défavorable.

M. Michel Castellani (LIOT). Je soutiens cet amendement en raison de l’importance des tiers-lieux dans la vie associative, mais aussi pour la promotion de l’esprit d’initiative.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF395 de Mme Léa Balage El Mariky

Mme Christine Arrighi (EcoS). Les articles 200 et 238 bis du CGI laissent planer un doute sur le régime fiscal des coordinations et fédérations d'associations qui concourent à l'objectif d'intérêt général des associations qu'elles représentent.

De ce fait, certains groupements se sont vus refuser la possibilité de recourir au mécénat. Nous proposons donc que ces structures puissent bénéficier du mécénat et du mécénat de compétence auprès de particuliers, fondations et entreprises.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les coordinations et fédérations d'associations sont d’ores et déjà éligibles si elles remplissent les conditions de l'article 200. Cet amendement est donc inutile, voire dangereux car il pourrait permettre par exemple à une fédération assurant un simple rôle de coordination avec un seul salarié d’en bénéficier.

Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Le manque de clarté de ces articles peut conduire à une situation où une de ces structures serait exclue du dispositif alors que leurs statuts prévoient qu’elle concourt à l’objectif d’intérêt général.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 200 n’a donc pas besoin d’être modifié : il suffit à la structure de demander son éligibilité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF1041 de M. Sébastien Saint-Pasteur

Mme Sophie Pantel (SOC). Il vise à ajouter à l'article 200 du code général des impôts un alinéa permettant de défiscaliser les dons et versements effectués au profit des associations syndicales de défense contre l’incendie. Le risque incendie progresse en raison du changement climatique tandis que les crédits de la défense des forêts contre l’incendie (DFCI) sont en baisse. Pourtant, la prévention coûte toujours moins cher que la réparation.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les associations sont financées par les cotisations des propriétaires forestiers qui en sont membres ; cela fait partie de leurs obligations. Il ne serait pas normal qu’ils bénéficient d’une réduction d’impôt de 66 %.

La commission rejette l'amendement.

Amendement 1607 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Dans le projet de loi de finances pour 2020, nous avions créé, à titre expérimental, une réduction d’impôt de 75 % pour les dons aux associations luttant contre les violences domestiques et conjugales ; elle n’a pas été renouvelée, alors qu’elle fonctionnait plutôt bien. Il serait souhaitable de poursuivre cette expérimentation.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons mis fin à l’expérimentation dans le projet de loi de finances pour 2023. Je suis pour un maintien. À force de faire passer toutes les réductions de 66 % à 75 %, nous allons vider le dispositif de sa substance.

M. Erwan Balanant (Dem). Si certaines associations bénéficient d’une réduction d’impôt de 75 %, c’est parce que la société décide qu’il faut les aider dans leur travail sur des sujets graves, comme la très grande pauvreté. Les violences intrafamiliales sont un sujet de société. L’État devrait apporter une marque de soutien supplémentaire à ces associations compte tenu du travail remarquable qu’elles effectuent auprès des victimes de violences conjugales. On l’a vu à l’occasion du procès de Mazan.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). La véritable question est de savoir ce que fait l’État pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Le Gouvernement en avait fait une grande cause, mais les financements ne sont pas à la hauteur des besoins des associations qui réclamaient plusieurs milliards d’euros. Il faudrait flécher des subventions ; ce n’est pas ce qui s’annonce.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CF1118 de M. Jérémie Iordanoff

Mme Eva Sas (EcoS). Il propose la suppression de la réduction fiscale sur les dons aux partis politiques et aux campagnes électorales. Les recherches de l'économiste Julia Cagé démontrent que les réductions d’impôt profitent largement aux contribuables les plus aisés alors que les citoyens moins fortunés ne bénéficient pas de cet avantage fiscal. Autrement dit, la collectivité subventionne les préférences politiques des plus riches.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. L’article 200 du CGI prévoit une réduction d’impôt de 66 % des versements effectués au profit d’un parti ou groupement politique dans la limite de 20 % des revenus imposables, avec un maximum annuel de 7 500 euros par personne et de 15 000 euros par foyer fiscal. Il existe également une réduction d’impôt pour les campagnes électorales pour laquelle les dons ne peuvent pas dépasser 4 600 euros. Ces dispositifs participent à la démocratie, locale comme nationale, et leur suppression n’irait pas dans le bon sens.

M. le président Éric Coquerel. Certains considéraient tout à l’heure que les bénévoles ne devaient pas toucher d’argent. Je reprendrai leur argument en disant que je ne vois pas pourquoi on avantagerait ceux qui veulent favoriser la vie démocratique par des dons. J’espère que les votes seront cohérents.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). J’étais favorable au crédit d’impôt pour les bénévoles ; par cohérence, je suis contre l’amendement. Le financement de la vie politique nécessite de la transparence ; je ne suis pas pour le retour des valises et, si l’on supprime ce dispositif, il faut proposer un autre moyen de financer les campagnes. Par ailleurs, la réduction d’impôt plafonnée par élection est utile : lors de ma campagne pour les élections législatives, j’ai reçu de nombreux petits dons.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). L'amendement attaque de manière inélégante le pluralisme dont notre démocratie a besoin. Ce financement est connu, encadré, limité ; il ne concerne pas seulement les personnes les plus riches, tant s’en faut.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CF1068 de M. Arnaud Bonnet

Mme Eva Sas (EcoS). Il vise à exclure des réductions d'impôt les dons aux établissements de l’enseignement supérieur privé. Nous voulons mettre fin au soutien indirect de l'État à l'enseignement privé, qui s’ajoute au soutien direct constitué par la rémunération des enseignants. L’essor de l'enseignement privé contribue à la ségrégation sociale et concentre les élèves en difficulté scolaire et sociale à l'école publique. De plus, les établissements privés ne jouent pas le jeu de l'inclusion : un collège REP+ sur deux abrite une section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), contre seulement 5 % des collèges privés. Il faut rééquilibrer les moyens en faveur de l'école publique.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’enseignement privé, qu’il soit primaire, secondaire ou supérieur, participe dans sa quasi-totalité au service public de l’éducation. Les établissements hors contrat sont rarissimes. Les dons permettent à des familles modestes d’accéder à ces établissements qui sont loin de l’image qu’on se fait d’écoles pour la bonne bourgeoisie, implantées au cœur des villes : en Bretagne, 50 % des élèves sont scolarisés dans le privé. L'amendement me paraît idéologique. En outre, l’enseignement privé est protégé par la Constitution.

Mme Eva Sas (EcoS). Je ne peux pas vous laisser dire que l’enseignement privé fait œuvre d’inclusion sociale. C’est le contraire de la réalité : en moyenne, les classes sociales favorisées y sont sur-représentées.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CF685 de M. Corentin Le Fur, CS477 de M. Jean-Philippe Tanguy et CF686 de M. Corentin Le Fur (discussion commune)

M. Nicolas Ray (DR). Il s’agit de supprimer le bénéfice de la réduction d'impôt pour les dons aux associations qui se sont rendues coupables d'actes d'intrusion sur des propriétés agricoles et des établissements industriels ou d'actes de violence envers des professionnels. On ne peut pas commettre de tels actes et bénéficier du soutien des finances publiques.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans le même esprit, notre amendement vise à supprimer les avantages fiscaux des associations dont les adhérents se rendent coupables d'intrusion et de dégradations sur les installations nucléaires. Dans un paradoxe permanent, ces associations anarchistes revendiquent un avantage de l'État ! Leurs membres pénètrent dans les installations par des complicités et grâce à des gens lâches qui refusent d'utiliser la force contre eux ; parce qu’ils ont bénéficié de ce laxisme, ils prétendent ensuite que les sites ne sont pas protégés, avec la mauvaise foi qu'on leur connaît. Ces associations mettent tout le monde en danger et font beaucoup de mal à l’image du nucléaire. Leur propagande n'a aucune limite : tout récemment, elles alertaient sur le risque de submersion de la centrale de Gravelines, près de Dunkerque. Il est temps que l’État cesse de participer à son propre affaiblissement.

Mme Véronique Louwagie (DR). Les dons ouvrent droit à une réduction d'impôt de 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Il y a un côté immoral à organiser le financement public indirect d’associations dont le comportement n'est pas vertueux. Certaines mènent des actions violentes, brutales, pleines de férocité : il n’y a pas longtemps, à Normandel, dans ma circonscription, on a reconnu l’œuvre d’associations extrémistes anti-élevage à caractère criminel dans la destruction de poulaillers.

L'acharnement dont le monde agricole fait l'objet doit cesser. L'amendement vise à allonger la liste des structures pour lesquelles l'administration fiscale peut suspendre les avantages fiscaux au titre des dons et versements.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Marc Le Fur déposait cet amendement tous les ans. Il se heurte à plusieurs problèmes, dont certains sont de nature constitutionnelle. Premièrement, il n’existe pas de responsabilité collective : ce n’est pas parce qu’un de ses adhérents a commis une faute que l’association doit être privée d’avantage fiscal. Deuxièmement, les avantages fiscaux liés aux dons procèdent d’une logique libérale permettant aux particuliers de choisir les causes qui leur tiennent à cœur. Enfin, le garde-fou est ailleurs : si une association commet une faute, il faut lui retirer la reconnaissance d’utilité publique. Avis défavorable.

M. David Amiel (EPR). Quand une personne se rend coupable d’agissements criminels, la première chose à faire est de la poursuivre pénalement. Si une association promeut ces comportements de manière structurelle, elle peut être dissoute en Conseil des ministres ; l’option évoquée par Charles de Courson est également envisageable. Permettez-moi d’ajouter que des adhérents du Rassemblement national ont été condamnés par la justice. Pourtant, on peut toujours faire des dons à ce parti.

M. Emeric Salmon (RN). Je comprends l’argument de la responsabilité personnelle. Toutefois, ces associations ont la particularité de revendiquer leurs actions. C’est dans ce cadre que leur responsabilité doit être engagée.

Mme Véronique Louwagie (DR). Je suis surprise par la réponse du rapporteur général. Je comprends que les citoyens puissent donner aux associations qui leur agréent, mais je n’accepte pas qu’un financement public indirect profite à des associations dont les actions sont violentes, brutales ou de nature criminelle. Il aurait pu donner un avis favorable à l'amendement CF686 qui allonge la liste des infractions pénales permettant à l'administration fiscale de suspendre les avantages fiscaux des associations.

M. le président Éric Coquerel. J’avais répondu à Marc Le Fur qu’introduire comme variable les actions ou les objectifs de l'association risquait, à terme, de toucher des organisations dont vous vous sentez plus proche. Que dire des syndicats agricoles qui ont mené des actions violentes, y compris contre certains députés ? Ces syndicats ne bénéficieraient plus de la réduction d’impôt. La réponse de M. Amiel et du rapporteur général est la meilleure : il faut laisser faire la justice, qui peut aller jusqu’à prononcer la dissolution de l'association si elle l’estime nécessaire.

Mme Véronique Louwagie (DR). Vous donnez le sentiment que je vise certaines structures. Ce n’est pas le cas : l’exposé sommaire ne cite aucune association. Le dispositif existe déjà. Je demande simplement d’élargir la liste des infractions pénales susceptibles d’exclure les associations du champ de la réduction d’impôt accordée au titre des dons réalisés par les particuliers aux actions illicites subies majoritairement par le monde agricole – mais il n’est peut-être pas le seul.

M. Charles de Courson, rapporteur général. J’ai oublié de répondre sur l’amendement CF686, qui traite effectivement d’un sujet grave : les actes malveillants subis par des professionnels de l’agriculture. Les récents travaux de nos collègues sénateurs ont montré que le problème tient moins au champ de la loi qu’à son application. En 2022, le dispositif de suspension automatique de l'éligibilité aux avantages fiscaux prévu par l'article 1378 octies du CGI n'avait jamais été appliqué, alors qu'il existe dans la loi depuis 2009. En outre, la loi du 24 août 2021 a instauré une procédure de contrôle de la régularité des dons par l'administration fiscale afin de s'assurer que les organismes émettant des reçus fiscaux respectent les conditions prévues par la loi. L'administration a pour le moment adopté une approche large : une association utilisant des moyens illégaux à des fins d'utilité publique n'est pas autorisée à émettre des reçus fiscaux. Pour toutes ces raisons, il ne me semble pas pertinent de modifier le champ de l'article 1378 octies du CGI. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CF478 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans la même philosophie que les précédents, il cible les associations dont les membres se livrent à l'aide au séjour irrégulier d’étrangers et à une propagande permanente incitant à ne pas respecter l’État de droit dont ils se prévalent par ailleurs.

Je tiens à dire que le Conseil d'État s'est discrédité en décidant, contre le bon sens et une majorité de parlementaires, que le Gouvernement n'était pas légitime à dissoudre les Soulèvements de la Terre sous prétexte que les violences contre les biens – saccager des champs, détruire des biens privés ou publics et des systèmes d'irrigation – n'étaient pas des violences au même titre que les violences physiques. C'est inacceptable et il devra s’en expliquer un jour.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Comme pour les amendements précédents, le problème n’est pas l’état du droit, mais son application. Je suis étonné du faible nombre de demandes de dissolution déposées à l’encontre d’associations qui pratiquent des actes illégaux pour faire avancer leurs intérêts. Il faut demander au Gouvernement d’appliquer la loi.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CF489 de M. Karim Ben Cheikh et CF668 de Mme Eléonore Caroit, amendements CF669 et CF670 de Mme Eléonore Caroit (discussion commune)

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Je propose d’étendre aux contribuables non résidents, qui ne bénéficient pas de la réduction d’impôt quand ils donnent à des associations comme les Petits frères des pauvres, le bénéfice de la réduction d'impôt au titre des dons et versements. C’est une question d’équité fiscale autant qu’un enjeu de solidarité : les plus vulnérables des Français établis hors de France dépendent de l’action sociale des associations reconnues d’utilité publique, qui sont les seuls acteurs de l’action sociale à l’étranger.

Mme Eléonore Caroit (EPR). Pour les Français établis hors de France, contribuer aux associations qui leur tiennent à cœur est une façon de maintenir un lien avec la France. J’ai déposé trois amendements visant à augmenter le nombre de Français établis à l’étranger pouvant bénéficier de cette réduction d’impôt.

Le Gouvernement a été alerté à plusieurs reprises sur l’inégalité de traitement entre résidents et non résidents. Il la justifie par le fait que les personnes fiscalement non résidentes en France sont, sous réserve des dispositions des conventions internationales, imposables sur leurs seuls revenus de source française et que cela limiterait la progressivité de l'impôt. Pour répondre à cette critique, chaque amendement conditionne l’extension de la réduction d’impôt.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’explication tient à la cohérence de notre système fiscal. En France, contrairement aux États-Unis, l’impôt est territorial, pas national ; pour tenir compte de cette différence, les personnes non résidentes en France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global ni bénéficier de réductions ou de crédits d’impôt. C’est logique, même si cela peut heurter en première analyse. J’ajoute qu’il n’est pas interdit à un Français résidant à l’étranger de donner 33 euros à l’un de ses amis en France qui fera à sa place un don de 100 euros.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). J’apprécie la proposition du rapporteur général, mais il est plus simple d’adopter l'amendement que de proposer un détournement des procédures actuelles.

Mme Eléonore Caroit (EPR). Il permet aux Français qui le souhaitent de contribuer à la solidarité nationale.

La commission adopte les amendements identiques CF489 et CF668.

En conséquence, les amendements CF669 et CF670 tombent.

Amendement CF1020 de Mme Chantal Jourdan

M. Charles de Courson, rapporteur général. Il vise à étendre la réduction d’impôt aux épiceries sociales et solidaires. Si ces associations remplissent les critères fixés à l’article 200 du CGI, elles y sont déjà éligibles. L'amendement est sans objet.

L'amendement est retiré.

Amendement CF851 de M. Sébastien Peytavie

Mme Eva Sas (EcoS). Les personnes handicapées rencontrent trop d'obstacles pour vivre dans un logement accessible : seuls 7 % des logements français le sont entièrement, sur 30 millions de logements disponibles à l'achat ou à la location. La loi Elan de 2018 a ramené de 100 % à 10 % la part de logements neufs devant être accessibles aux personnes handicapées. L'amendement vise à augmenter les plafonds de dépenses ouvrant droit à un crédit d’impôt pour les frais de mise en accessibilité des logements destinés aux personnes âgées ou en situation de handicap. C’est une question de dignité et d’accès au logement.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L'amendement vise à porter le taux du crédit d’impôt de 25 % à 50 % et d’en relever le plafond à 7 000 euros. En 2024, le Gouvernement a créé MaPrimeAdapt’, qui peut financer 50 % ou 70 % des travaux de mise en accessibilité des logements des personnes âgées ou en situation de handicap en fonction des ressources des individus. Cela me semble suffisant.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CF1803 de Mme Sophie Mette

Mme Sophie Mette (Dem). Le risque d'impayé est un frein majeur à la location par bail rural aux jeunes agriculteurs. Dans le souci d'inciter les bailleurs à conclure des baux ruraux qui sécurisent ces agriculteurs dans le temps, l'amendement propose de créer un crédit d'impôt couvrant 100 % des dépenses engagées pour la souscription d'un contrat d'assurance visant à garantir le paiement du fermage, dans la limite de 2 000 euros. Un tel contrat sécurise les revenus locatifs du propriétaire bailleur et le protège contre les aléas de l'investissement locatif. La mesure est issue des recommandations du rapport de l'IGF et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur l'évaluation des freins fiscaux et non fiscaux au renouvellement des générations agricoles.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Cette charge est déjà déductible de l’impôt sur le revenu ; il est impossible de cumuler une charge déductible avec un crédit d’impôt.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CF419 de Mme Marie Pochon et CF768 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Tristan Lahais (EcoS). Les espaces forestiers sont des puits de carbone dont l’entretien est déterminant pour le respect de la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). L'amendement CF419 vise à majorer de 25 à 60 % le dispositif fiscal à l’investissement (Defi) travaux forestiers en cas de sylviculture durable.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le crédit d’impôt couvre déjà ce type d’investissement en prenant en compte les dépenses visant à garantir une gestion durable de la forêt et les travaux de plantation prévus par le plan simple de gestion (PSG), ou par le règlement type de gestion (RTG) pour les petites superficies. J’ajoute, étant quelque peu forestier moi-même, que la possibilité de maintenir un couvert continu dépend de la nature des sols. L'amendement n’est pas utile. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CF941 de Mme Chantal Jourdan

M. Inaki Echaniz (SOC). Il propose un crédit d’impôt de 80 % pour les propriétaires forestiers qui réaliseraient un diagnostic d’indice biodiversité potentielle (IBP), afin de sécuriser le travail des entrepreneurs forestiers. J’anticipe la réponse du rapporteur général en précisant que cette mesure est financée par une meilleure répartition du fonds alloué au plan de renouvellement forestier pour 2025.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Un crédit d’impôt de 80 % n’est pas raisonnable : c’est le taux prévu pour inciter à replanter après un ouragan. Les propriétaires forestiers doivent être responsabilisés. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement I-CF901 de Mme Marianne Maximi

M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est contraire au droit communautaire, et probablement au principe de liberté du commerce et de l’industrie. Il pourrait être facilement contourné en vendant le bois à un intermédiaire français qui l’exporterait.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF161 et I-CF162 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il s’agit d’autoriser les couples qui le souhaitent à individualiser leur impôt sur le revenu. Actuellement, les couples mariés ou pacsés sont automatiquement imposés conjointement, ce qui peut entraîner des inégalités fiscales au sein des foyers – généralement au détriment des femmes, dont les revenus sont souvent inférieurs à ceux de leurs partenaires. L’individualisation de l’impôt permettrait de renforcer l’autonomie financière et fiscale des femmes, et de lutter contre les disparités de revenus dans les couples.

L’amendement I-CF161 prévoit que les contribuables puissent exercer ou annuler cette option à tout moment, avec un délai d’application de trois mois. L’amendement de repli I-CF162 ne prévoit pas cette option.

M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est un vieux débat : certains pays ont opté pour la déclaration commune des conjoints, d’autres pour des déclarations séparées ; il existe même des cas mixtes. En France, c’est le foyer fiscal qui est imposé. L’individualisation pourrait être contraire à l’intérêt du couple, puisque dans l’immense majorité des cas, on paie moins d’impôts avec une déclaration commune qu’avec des déclarations séparées. Si vous vouliez modifier cet aspect, il faudrait une réforme d’ensemble.

Avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cessez de toujours renvoyer ce type de mesures aux calendes grecques. Les femmes doivent accéder à l’autonomie financière et fiscale, à l’heure où les inégalités de revenus avec les hommes perdurent. Les couples auraient le libre choix d’opter pour l’individualisation, et pourraient revenir sur cette décision si elle s’avérait contraire à leur intérêt.

M. Thomas Cazenave (EPR). Je partage l’avis du rapporteur général. Votre proposition réorganiserait complètement notre système fiscal, qui repose sur la notion de foyer. Rappelons aussi qu’à l’initiative de Marie-Pierre Rixain, nous avons voté l’individualisation par défaut du taux de prélèvement à la source, qui permet de mieux traiter les différences de situation dans le couple. Cette mesure répond à la question que vous soulevez.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). La notion de foyer fiscal constitue le socle de notre fiscalité dans de nombreux domaines ; en ce qui concerne l’IFI, le concubinage notoire est même pris en considération. Et désormais, grâce à la belle réforme du prélèvement à la source, les conjoints peuvent décider d’individualiser leur taux d’imposition.

Mme Eva Sas (EcoS). Le taux de prélèvement à la source peut certes être individualisé, mais l’impôt reste calculé sur le foyer fiscal, sans être individualisé.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF780 de M. David Guiraud, I-CF8 de M. Emmanuel Maurel et I-CF1127 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Nous proposons de tripler les taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, qui – victoire ! – a été pérennisée hier. Elle ne touche que 0,06 % des ménages, ce qui est scandaleusement bas. La presse a beau annoncer que 60 000 foyers fiscaux seraient concernés, ils seront plutôt 24 300. D’après l’Institut des politiques publiques, les mesures socio-fiscales prises lors du précédent quinquennat ont entraîné un gain annuel moyen de 3 500 euros pour les 1 % les plus riches, et une légère perte pour les plus pauvres. Dans le même temps, la richesse des 500 plus grandes fortunes françaises a plus que doublé, dépassant 1 200 milliards d’euros. Il est temps de mettre fin à cette logique de cadeaux pour les plus riches et les grandes entreprises ; nous défendrons ultérieurement d’autres amendements visant à renforcer leur contribution.

M. Emmanuel Maurel (GDR). La progressivité fiscale s’est largement érodée avec l’instauration du PFU et la suppression de la fiscalité sur le patrimoine. C’est pourquoi nous proposons de renforcer la contribution exceptionnelle des hauts revenus en portant ses taux à 6 % et 8 %. Rappelons que cette mesure touche l’ensemble des revenus, qu’ils soient soumis à l’IR ou au PFU. Son relèvement permettrait d’accroître l’imposition des 0,1 % de contribuables les plus riches ; elle serait donc loin de toucher tous les Français. D’après les données de Bercy – qu’il faut, certes, prendre avec des pincettes –, cela rapporterait environ 1 milliard d’euros.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Nous préconisons de porter le taux de la CEHR de 3 % à 3,5 % pour la tranche de revenu fiscal de référence comprise entre 250 000 et 500 000 euros, et de 4 % à 5 % pour les tranches supérieures à 500 000 euros.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF780 porterait le taux marginal à 74 % – soit 45 % de taux marginal initial, 12 % de CEHR et 17,2 % de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. De toute évidence, il serait jugé confiscatoire et annulé par le Conseil constitutionnel. Votre proposition pourrait avoir un sens avec des majorations inférieures, si elle se substituait à la contribution différentielle sur les hauts revenus ; mais comme nous avons adopté cette dernière, cela n’a plus lieu d’être.

Avec l’amendement I-CF8, le taux marginal atteindrait 70 % : même réponse. L’amendement I-CF1127 induirait un taux marginal de 67 %, mais ses auteurs ont probablement envisagé qu’il se substitue à la contribution sur les hauts revenus. Je les incite à le retirer.

M. le président Éric Coquerel. Contrairement à vous, je considère que ces mesures doivent se cumuler et non se substituer l’une à l’autre. Vu l’accroissement de la fortune des ultrariches et l’ampleur de l’effort national à effectuer, ce ne serait pas de trop.

La commission rejette successivement les amendements I-CF780 et I-CF8.

L’amendement I-CF1127 est retiré.

Amendement I-CF1644 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (EPR). L’expérience prouve qu’en matière de fiscalité, les dispositifs ciblés et ponctuels tendent à s’élargir et à se pérenniser. Or par définition, la contribution dite exceptionnelle sur les hauts revenus doit être limitée dans le temps ; c’est pourquoi mon amendement prévoit qu’elle s’éteigne lorsque le déficit public des administrations publiques sera résorbé. Je reprends en cela un de vos amendements voté en 2012, monsieur le rapporteur général.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement est satisfait, puisque le A du III de l’article 2 de la loi de finances pour 2012 prévoit expressément que la contribution perdure « jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul » – ceci, grâce à un amendement que j’avais effectivement défendu en 2012.

M. le président Éric Coquerel. Je m’étonne qu’il faille toujours des mesures ponctuelles pour faire contribuer les hauts revenus. Quand il s’agit de transformer l’allocation chômage, on n’hésite pas à créer des dispositifs pérennes !

M. Charles de Courson, rapporteur général. Mon amendement de 2012 nourrissait encore un espoir. Aujourd’hui, qui pourrait prédire la date de retour à un déficit nul des administrations publiques ? Autant dire que le dispositif est, hélas, permanent.

M. Éric Woerth (EPR). Nous avons eu ce débat intéressant au sujet des niches fiscales, dont la durée mériterait d’être révisée tous les deux ou trois ans. En revanche, les contributions que nous considérons comme exceptionnelles doivent, par principe, être limitées dans le temps. Soumettre leur extinction à l’atteinte d’un excédent budgétaire, c’est ne pas leur donner de limite, puisque nous avons peu de chance que cet objectif se réalise de notre vivant. Il serait pertinent de leur fixer une échéance, à un ou deux ans par exemple – le Premier ministre l’a d’ailleurs évoqué dans le cas qui nous intéresse.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). À quoi bon inscrire des bornes temporelles dans la loi, sachant que nous ne cessons de les repousser ? Le moment venu, la loi pourra mettre fin à cette disposition.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF 1108 de Mme Sophie Panonacle

Mme Sophie Panonacle (EPR). Lors de l’examen du PLF pour 2023, nous avions adopté un amendement qui n’avait malheureusement pas résisté au 49.3. Depuis, en mars 2023, j’ai été chargée de présider le Comité national du trait de côte (CNTC), avec la mission de formuler des propositions visant à financer des stratégies d’adaptation des communes littorales soumises à l’érosion côtière. Le CNTC a rendu ses conclusions en juin dernier. Il recommande en premier lieu de créer une taxe additionnelle sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), sur les mêmes bases que ma proposition d’il y a deux ans, à savoir un taux de 0,01 %, soit 10 euros par tranche de 100 000 euros, ce qui reste très faible pour les acquéreurs. Cela produirait 30 millions de recettes par an sur une assiette de 300 milliards, montant significatif pour amorcer l’accompagnement des communes.

En complément, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) a produit un rapport sur les enjeux du recul du trait de côte : ils se chiffrent à 240 millions d’euros à un horizon de cinq ans et à 1,2 milliard à un horizon de trente ans.

Au sein du CNTC, l’Association nationale des élus du littoral, des scientifiques, des acteurs socioprofessionnels, des associations environnementales et des services de l’État ont défendu cette proposition à mes côtés. Ces recettes abonderaient le nouveau fonds Érosion côtière (FEC) qui doit être créé dans la seconde partie du PLF.

Nous ne pouvons plus attendre : en faisant appel à la solidarité nationale, nous devons répondre à l’inquiétude légitime des maires des communes littorales de tous partis politiques et à leurs habitants.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à cette petite taxe de 11 millions d’euros. Diverses mesures ont déjà été prises pour adapter les territoires au recul du trait de côte. Citons le droit de préemption créé par loi « climat et résilience » dans les territoires concernés, ou encore l’ordonnance du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, qui comprend des dispositions pour lutter contre l’érosion : un nouveau bail réel d’adaptation à l’érosion côtière pour louer ou transformer les biens exposés, et la possibilité de déroger à la loi « littoral » pour faciliter la relocalisation des biens.

Enfin, l’exposé sommaire de votre amendement laisse entendre que vous voudriez par ailleurs créer une nouvelle taxe affectée – ce qui, je le rappelle, serait anticonstitutionnel dans un amendement parlementaire – sur l’assiette des DMTO, qui présente toutefois l’inconvénient d’être extrêmement fluctuante. 

M. Michel Castellani (LIOT). Je soutiens cette proposition. La question de l’érosion côtière s’impose à nous et gagnera en acuité. De nombreux députés, en particulier des territoires littoraux, devraient réfléchir à deux fois avant de rejeter cet amendement.

Mme Eva Sas (EcoS). Le groupe écologiste votera cet amendement, tant il est nécessaire de financer l’adaptation au recul du trait de côte. La réflexion devrait d’ailleurs être plus globale, au-delà de cette taxe.

M. le président Éric Coquerel. J’avais soutenu cette proposition en séance, et je persiste. Malheureusement, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, ne peut pas être mobilisé s’agissant de l’érosion côtière. Le problème est pourtant gravissime pour les communes littorales. Sans être parfait, le dispositif proposé a l’avantage de dégager des premiers financements.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous nous opposons à cette nouvelle taxe. Elle est emblématique. Si je comprends bien, il s’agit d’une taxe du CNTC, qui est un sous-comité du CNML, conçue avec l’Igedd et l’IGA dans le cadre du Cerema ; cette taxe sur la DMTO, créée dans le PLF, abondera le FEC, lequel participera au financement des SLGITC dans le cadre d’un PPAL créé par la loi Elan… Voyez comme notre pays est malade de la bureaucratie !

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Mme Panonacle soulève une question grave, monsieur Tanguy : de nombreux Français voient leur bien se déprécier du fait de l’érosion côtière. Plutôt qu’une taxe affectée, nous devrions plutôt agir dans le volet des dépenses du PLF, en créant une subvention et des crédits budgétaires directs.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je ne mets pas en cause l’objectif visé, mais pourquoi faire peser cette taxe sur les droits de mutation à titre onéreux, qui, en plus d’être aléatoires, sont payés par les acheteurs ? Cela grèverait la capacité à acquérir de nos concitoyens – nous avons d’ailleurs eu ce débat s’agissant du Grand Paris. Il serait plus judicieux de réfléchir à une taxe sur les plus-values réalisées dans les communes littorales.

M. Michel Castellani (LIOT). La complexité administrative qui vient d’être dénoncée, si elle est réelle, n’oblitère pas la gravité de l’érosion du trait de côte. Je réitère donc mon soutien à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Mme Sophie Panonacle (EPR). Merci pour votre vote, chers collègues. Je tâcherai d’expliciter le dispositif et l’intérêt de l’adosser aux DMTO. D’autres amendements viseront à abonder le fonds Érosion côtière. De Criel-sur-Mer à Bidart en passant par Serra-di-Ferro, le sujet est inquiétant, monsieur Tanguy.

M. le président Éric Coquerel. Je retiens la proposition de M. Lefèvre d’envisager un amendement en dépenses sur le sujet.

Amendement I-CF1249 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Eva Sas (EcoS). Le système de démembrement de propriété n’est rien d’autre qu’une niche fiscale spécialement créée pour réduire l’imposition sur les successions des plus riches, qui permet aux futurs héritiers d’anticiper une exonération d’impôt sur les droits de succession. Le Conseil d’analyse économique évalue le manque à gagner pour les finances publiques à 25 % de la somme qui serait normalement imposée si cette défiscalisation était abolie. Nous proposons donc de la supprimer, et d’intégrer la transmission de l’usufruit du bien dans le calcul global des droits de mutation.

Notre amendement s’inscrit dans une volonté de refonte globale des droits de succession visant à mettre fin aux différents régimes d’exonération pour proposer un barème global plus progressif, prenant en compte l’ensemble des donations et héritages perçus tout au long de la vie, dans une logique de justice fiscale et sociale.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez de mettre fin à la dissociation fiscale entre l’usufruit et la nue-propriété, afin d’appliquer les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à la valeur de l’usufruit au moment de son extinction. Nous pouvons débattre de la réduction des DMTG permise par le démembrement de propriété, mais j’invite à ne pas voter cet amendement. En effet, le régime de l’usufruit n’a rien à voir avec le pacte Dutreil ; à l’instar de l’assurance vie, il concerne les classes moyennes. Alors que l’âge moyen de l’héritage augmente, il permet de favoriser les dons anticipés du vivant du donateur. Il intervient également lors d’un décès, avec la possibilité pour le conjoint survivant dont l’époux laisse des enfants de recueillir soit l’usufruit sur la totalité des biens, soit la pleine propriété du quart des biens. Cette dissociation est donc utile dans de nombreuses situations ; aussi votre amendement me paraît-il inadapté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF13 de Mme Véronique Louwagie

Mme Véronique Louwagie (DR). La loi prévoit deux types de plan d’épargne retraite (PER) : le PER assurantiel et le PER compte-titres, ou PER bancaire. La mission d’information de la commission des finances relative à la fiscalité de l’épargne par capitalisation finançant la retraite, dont Mme Gérard et M. de Courson étaient les rapporteurs, a pointé plusieurs disparités fiscales entre ces deux PER, qui ne permettent pas au public de leur porter un intérêt équivalent. À titre d’exemple, le PER bancaire n’offre aucun avantage fiscal spécifique en cas de décès de l’assuré, les sommes étant intégralement incorporées dans l’actif successoral.

Comme ces dernières années, je propose d’homogénéiser ces deux dispositifs.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rapport que Félicie Gérard et moi-même avons remis sur la fiscalité du PER a en effet mis en lumière la différence de traitement entre le PER bancaire et le PER assurantiel s’agissant des droits de succession : le premier bénéficie du droit commun, tandis que le second bénéficie d’un régime proche de l’assurance vie, à savoir un abattement de 152 500 euros en cas de décès avant 70 ans et de 30 500 euros en cas de décès après 70 ans. Cela tient toutefois à la différence juridique entre les deux contrats. Si nous appliquions le régime du PER assurantiel au PER bancaire, qui est un compte-titres, nous créerions une rupture de traitement entre les différents types de comptes-titres. En outre, la transmission d’un PER bancaire est exonérée lorsqu’elle se fait au profit du conjoint survivant ou du partenaire pacsé. Une harmonisation n’est donc pas souhaitable.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut avis défavorable.

L’amendement I-CF13 est retiré.

Amendement I-CF218 de M. Nicolas Sansu

M. Emmanuel Maurel (GDR). Nous proposons de plafonner à 600 000 euros l’abattement sur la valeur de la résidence principale lors d’une succession. Ce plafond étant atteint par les résidences valant 3 millions d’euros, la mesure concernera un nombre limité de Français.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage votre interrogation sur le fait qu’une résidence principale puisse bénéficier d’un abattement de 30 % non plafonné, y compris lorsqu’elle est de très grande valeur. Néanmoins, il faut tenir compte de tous les paramètres fiscaux et constitutionnels – en particulier, du risque de rendre l’impôt confiscatoire. Il convient aussi de bien choisir le montant de l’abattement – d’autres amendements proposent des plafonds fixés à 400 000 ou 600 000 euros. Je suggère que nous interrogions le Gouvernement avant de statuer.

Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le redéposer en séance, en interrogeant le ministre sur le plafond adéquat.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF786 de M. Éric Coquerel et I-CF1267 de M. Nicolas Sansu ; amendements identiques I-CF1406 de Mme Marianne Maximi, I-CF1801 de Mme Christine Pirès Beaune et I-CF1845 de Mme Sophie Taillé-Polian ; amendement I-CF210 de M. Éric Ciotti ; amendements identiques I-CF1369 de M. Jean-René Cazeneuve et I-CF1699 de M. David Amiel ; amendements I-CF679 de M. Laurent Baumel, I-CF1593 et I-CF1594 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Qu’ont fait les super-héritiers à part être bien nés ? Je sais combien les membres de la commission sont attachés aux notions de travail et de justice. Or la valeur travail a disparu, puisque les plus riches sont le fruit de l’hyperconcentration d’immenses héritages. Songez que les 0,1 % de plus grands héritiers reçoivent en moyenne 13 millions d’euros, soit 180 fois l’héritage médian ; ils ne s’acquittent que de 10 % de droits de succession, alors que le taux marginal est de 45 %. Résultat : sur les neuf nouveaux milliardaires que la France a enregistrés cette année, sept sont des super-héritiers.

Nous proposons de rétablir de la justice en instaurant un barème progressif sur l’héritage et un héritage maximum de 12 millions d’euros. Comment justifier que quelqu’un, par sa seule naissance, perçoive plus de 12 millions ?

En parallèle, l’abattement serait porté à 120 000 euros par enfant.

Il s’agit donc bien de taxer les super-héritages, et non de mettre en difficulté nos concitoyens qui perçoivent des héritages plus modestes.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Nous souhaitons modifier profondément le régime des droits de mutation à titre gratuit, qui est tout à la fois injuste et mal perçu par les Français.

D’un côté, les successions en ligne directe sont très peu taxées : le taux marginal supérieur est de 45 % mais le taux moyen effectif est de 3 % ; les abattements sont élevés ; de nombreux moyens permettent aux plus riches d’éviter les impôts. Le rapport Mattei-Sansu sur la fiscalité du patrimoine a montré qu’un enfant peut percevoir tous les quinze ans plus de 0,5 million d’euros en franchise de droits, en cumulant les donations de ses parents et de ses grands-parents.

D’un autre côté, les successions indirectes, de plus en plus nombreuses du fait de la modification des structures familiales, sont très fortement taxées, même quand elles concernent des petits montants.

Notre amendement vise à instaurer une logique de flux successoral tout au long de la vie, l’impôt étant calculé sur la somme globale qu’une personne aura reçue durant son existence, à un barème unique.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Dans les trente prochaines années, vingt-cinq milliardaires français transmettront à leurs héritiers plus de 460 milliards d’euros ; à fiscalité constante, les finances publiques y perdront au moins 160 milliards. Or nous avons un problème de recettes. Plutôt que de raboter les dépenses et de vous en prendre aux services publics, nous vous proposons de faire entrer de nouvelles recettes. C’est une question de justice. Rappelons que la moitié des ménages ne touchent aucun héritage, et que 80 % ne reçoivent aucune donation. L’héritage est au cœur du mécanisme de reproduction sociale qui permet aux plus riches de le rester de génération en génération ; c’est aussi un mécanisme qui appauvrit les recettes de l’État. Aussi souhaitons-nous rétablir un peu de justice.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Le creusement des inégalités a pour principale origine le déterminisme social. En d’autres termes, vous pouvez travailler très dur toute votre vie sans rien pouvoir transmettre à vos enfants. En revanche, si vous êtes bien né, la transmission du patrimoine vous rend la vie douce, voire très douce. Où est le mérite tant prôné par certains ? Les inégalités de patrimoine creusent bien plus les inégalités sociales que les différences de revenus – ce constat est bien documenté.

Notre amendement, soutenu par tous les groupes de gauche, vise à lutter contre ce déterminisme social. Reprenant la mesure d’une proposition de loi que j’ai défendue dans le cadre d’une niche socialiste en 2020, il comporte trois volets : la mise en place d’un flux successoral tout au long de la vie, sur le modèle irlandais ; la suppression de la niche fiscale de l’assurance vie ; une réforme du pacte Dutreil qui abaisserait l’abattement de 75 % à 50 % au-dessus de 50 millions d’euros et qui porterait la durée de l’engagement de quatre à huit ans.

M. Tristan Lahais (EcoS). Ceux qui défendent la méritocratie et la valeur travail défendent bien souvent, en réalité, une méritocratie d’héritage. Ne confondons pas les avantages des classes moyennes et des plus aisés : une personne sur cent perçoit 4 millions d’euros au cours de sa vie, quand un héritier sur mille reçoit 13 millions. La taxation insuffisante des héritages représente un manque à gagner pour les comptes publics ; elle désavoue la valeur travail et exacerbe la reproduction sociale.

M. Vincent Trébuchet (UDR). L’amendement du groupe EDR va à rebours des précédents. À force de se regarder le nombril, la France ne se rend pas compte qu’elle est devenue complètement collectiviste. Elle est le troisième pays qui taxe le plus les successions au monde, avec un tarif maximal de 45 %, des abattements parmi les plus faibles et des montants fiscaux collectés parmi les plus forts. C’est inefficace économiquement, puisque cela dissuade beaucoup de Français d’effectuer des donations. L’âge moyen d’héritage ne cesse pourtant de croître, dépassant 52 ans. Cela pénalise également la transmission des sociétés, puisque, malgré le pacte Dutreil, le taux d’imposition pour la transmission d’une petite ou moyenne entreprise (PME) ou d’une entreprise de taille intermédiaire (ETI) est de 17 % en France, contre 5 % dans le reste de l’Union européenne.

Je voudrais surtout souligner les sous-jacents idéologiques des amendements précédents : ils témoignent d’un mépris d’une part de la classe politique pour les dimensions de filiation, de transmission, de respect des aïeux, et plus encore d’un aveuglement selon lequel l’État dépenserait mieux l’argent que les gens qui le réinvestissent dans la sphère économique.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je réfute les deux écueils idéologiques que sont le rejet total ou le soutien à tout prix de l’héritage.

L’amendement I-CF1369 cherche à prendre en compte certaines évolutions de notre société comme l’allongement de la vie, les remariages et les familles recomposées. Il vise à créer de nouveaux droits pour les enfants et les petits-enfants de conjoint, sous la forme d’un abattement d’un montant raisonnable de 31 865 euros, et à augmenter les droits des neveux. Ces droits concernent les donations, vecteur privilégié de l’accélération des transmissions, celle-ci bénéficiant à l’économie. Nous ne touchons pas aux successions pour ne pas susciter d’effet d’aubaine.

Très attaché au respect de la trajectoire des finances publiques, je mets un point d’honneur à financer ces mesures en instaurant une tranche supplémentaire d’imposition des successions. J’invite les services de la commission à m’aider à la calibrer.

M. David Amiel (EPR). La modernisation de la fiscalité des successions et des donations est nécessaire, afin de prendre en compte les taux très élevés appliqués aux transmissions aux parents en ligne indirecte – neveux, nièces, frères et sœurs – ainsi que la recomposition des familles pour intégrer les dons aux enfants et petits-enfants du conjoint.

Comme il n’y aurait pas de sens à affecter des ressources publiques à l’allègement de la fiscalité sur les successions dans un pays où le patrimoine hérité occupe une place de plus en plus grande, nous proposons de financer ces nouveaux droits par un effort supplémentaire, de dimension modeste, demandé aux successions les plus élevées.

M. Laurent Baumel (SOC). Afin de montrer à nos collègues du Rassemblement national que l’on peut être de gauche et sensible au désir de transmettre quelque chose à ses enfants, l’amendement I-CF679, de modernisation sociétale, vise à intégrer le phénomène contemporain des familles recomposées dans la fiscalité de l’héritage. En effet, la transmission d’une partie de son patrimoine à un beau-fils ou à une belle-fille que l’on a élevé équivaut, dans notre droit actuel, à faire une donation à une personne avec laquelle aucun lien n’existe.

Mme Véronique Louwagie (DR). Les amendements I-CF1593 et I-CF1594 cherchent à moderniser notre droit en faisant bénéficier les dons aux enfants du conjoint de l’abattement actuel. Ils n’ont pas de coût pour les finances publiques puisque les personnes souhaitant effectuer de tels dons adoptent les enfants du conjoint, les droits à payer étant alors identiques à ceux frappant les dons aux enfants biologiques. Le premier amendement porte l’abattement à 150 000 euros car nous proposons, dans d’autres amendements, d’augmenter le montant de l’abattement pour les dons aux enfants biologiques de 100 000 à 150 000 euros. Le second applique l’abattement actuel de 100 000 euros aux dons aux enfants de conjoint. Encore une fois, ces mesures n’auront pas d’impact sur les finances publiques puisque les familles contournent le droit par le recours à l’adoption plénière des enfants de conjoint.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements traduisent des conceptions différentes voire opposées de la famille et du droit de propriété : certains d’entre vous vont presque jusqu’à contester ce dernier quand d’autres cherchent à l’étendre le plus possible. La question du rapport entre les inégalités de patrimoine et de revenu et celle de l’évolution du concept de famille entrent également en jeu.

L’amendement I-CF786 est anticonstitutionnel car le Conseil constitutionnel considérera qu’une taxation de 100 % de la part d’une succession supérieure à 12 millions équivaut à une spoliation.

Les amendements I-CF1267 et identiques I-CF1406, I-CF1801 et I-CF1845 posent le problème, soulevé par le rapport sur les droits de succession rédigé cette année à notre demande par la Cour des comptes, de l’instauration d’un rappel fiscal à vie. Celle-ci alourdirait considérablement la fiscalité et pourrait aboutir à une imposition confiscatoire, surtout si le rappel n’était pas contrebalancé par des abattements de niveau suffisamment élevé.

Je suis opposé à tous les amendements remettant en cause le régime fiscal de l’assurance vie, produit largement répandu, apprécié des Français et souple en matière de transmission. Surtout, il finance une grande partie de la dette publique. Deux tiers voire trois quarts d’entre vous possèdent une assurance vie et les familles détiennent en moyenne deux contrats. Je suis en revanche ouvert à une réflexion globale sur le pacte Dutreil, notamment son assiette et son plafonnement. J’émets des réserves sur les amendements identiques car ils ne s’appuient pas sur un chiffrage précis prenant en compte les différences de situation entre les entreprises. J’invite leurs auteurs à les retravailler en vue de la séance publique.

J’en viens aux amendements animés d’une philosophie opposée à celle des précédents. L’amendement I-CF210 reprend la proposition de loi d’Éric Ciotti, qui instaurait un abattement sur l’ensemble de l’actif successoral jusqu’à 5 millions et prévoyait pour les patrimoines supérieurs des taux de 10 % et de 20 %. L’adoption de l’amendement reviendrait à presque supprimer les DMTG, puisqu’il exonère en outre de droits toutes les donations jusqu’à 5 millions tous les cinq ans. Le produit des DMTG s’élevant à 19 milliards, le coût de l’amendement atteint environ 16 milliards. Vous comprendrez que je ne puisse donner qu’un avis défavorable à un tel dispositif.

Les amendements identiques I-CF1369 et I-CF1699 sont plus équilibrés et ont le mérite de prendre en compte certaines évolutions sociétales. Le rendement des DMTG n’est plus évalué en détail depuis 2010, si bien que nous ne pouvons pas connaître, M. Cazeneuve l’a reconnu, le coût de la mesure pas plus que sa compensation par la hausse du barème. Il convient en outre d’intégrer les niches fiscales dans la réflexion car l’augmentation faciale du taux peut être limitée par les mécanismes de réduction d’assiette.

L’amendement I-CF679 vise à faire bénéficier les beaux-enfants, dans le cadre d'un mariage ou d’un pacte civil de solidarité (Pacs), du régime des DMTG appliqué aux enfants, et soulève le problème de l'adaptation de la fiscalité à l'évolution des formes sociales et familiales : il me semble que nous devons avoir une vision d’ensemble, tenant compte des autres liens comme celui des grands-parents avec leurs petits-enfants, qui ne bénéficie que d’un abattement extrêmement modeste de 1 594 euros.

La nécessité de mener une réflexion d’ensemble vaut également pour les amendements I-CF1593 et I-CF1594 : la modification d’un seul aspect du régime des DMTG risquerait de le déséquilibrer. Quels que soient les paramètres retenus, la réforme serait coûteuse, donc il convient d’avancer progressivement et avec cohérence. En effet, les DMTG rapportent 19 milliards et toute réforme ambitieuse exige une approche globale plutôt que la modification d’un élément isolé du régime fiscal.

Madame Louwagie, l’adoption plénière n’est pas si simple et reste conditionnée à l’âge de l’enfant.

M. le président Éric Coquerel. J’espère que nous adopterons un amendement atténuant le problème de fond que cause la fiscalité des transmissions. L’extrême concentration des richesses s’est accrue ces dernières années – les 500 personnes les plus riches détenaient 25 % du patrimoine total en 2017 quand elles en possèdent 42 % actuellement – et plusieurs mesures ont favorisé la transmission intrafamiliale : le résultat de ces deux processus est la constitution d’une noblesse d’argent dans le pays. Tout républicain croyant dans le fait que les hommes naissent libres et égaux en droits doit s’interroger sur les différences énormes entre ceux qui sont bien nés et les autres, les premiers n’ayant pas besoin de se lever tôt pour gagner leur vie. La dimension redistributive de l’impôt, profondément républicaine, doit toucher les héritages des dynasties. Il est vrai que le sujet est très sensible pour nos concitoyens, fait étonnant quand on sait que 40 % d’entre eux ne perçoivent aucun héritage et que plus de 80 % des successions sont exemptées de droits du fait de l’abattement de 100 000 euros. L’augmentation de l’imposition n’affecterait donc qu’une partie infime de la population, mais une très large partie d’entre elle refuse une telle perspective : les propriétaires des chaînes de télévision seraient particulièrement concernés par cette mesure, ce qui peut expliquer la propagande nourrissant le rejet de cette orientation. Dans ce contexte, il est impossible d’accepter un élargissement des abattements.

Je suis en désaccord avec vous, monsieur le rapporteur général, sur l’assurance vie. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné l’effet délétère du pacte Dutreil, lequel favorise l’accumulation des richesses de génération en génération. Il faut atténuer ce processus profondément antirépublicain.

M. Franck Allisio (RN). Dans les années 1970, les droits de succession étaient deux fois plus faibles et 30 % du montant des patrimoines provenait de l’héritage. La gauche a doublé l’imposition de ce dernier qui représente désormais 60 % du patrimoine total : voilà la preuve de l’inefficacité et de la faillite d’une idéologie hypocrite. La seule manière de rétablir l’égalité des chances et la méritocratie est de baisser les impôts sur les revenus du travail et non d’augmenter ceux frappant les successions.

M. Jean-Didier Berger (DR). Je pourrais partager une partie de vos propos, monsieur le président : pourquoi en effet pourrait-on devenir riche par hasard et sans mérite ? En revanche, la spoliation totale des biens d’une personne, comme certains amendements le proposent, méconnaît la logique humaine de l’héritage : la construction d’une famille s’effectue sur plusieurs générations et il est impossible de promouvoir une société dans laquelle chaque génération doive repartir de l’étage inférieur à celui auquel est parvenue sa devancière, car cela tuerait la notion même d’ascenseur social. Je soutiens à la fois la stabilité de la fiscalité et l’adoption d’amendements raisonnables comme ceux de Véronique Louwagie, qui visent simplement à adapter, à coût constant, la fiscalité aux évolutions de la famille.

M. Thomas Cazenave (EPR). Monsieur le président, vous donnez votre avis sur chaque amendement et vous venez d’expliquer votre position pendant quatre minutes. Nous avons contesté l’attribution baroque des postes de président et de rapporteur général et il me semble que le président n’a pas pour rôle de donner systématiquement son opinion.

Sur le fond, il faut ouvrir le débat sur l’héritage. La voie ouverte par Jean-René Cazeneuve et David Amiel, utilisant la justice d’une imposition plus élevée des plus gros patrimoines pour corriger certaines injustices nées de l’évolution des configurations familiales, me semble la bonne.

M. le président Éric Coquerel. Je ne prends pas systématiquement la parole pour indiquer mon avis sur les amendements, mais je donne parfois mon opinion comme m’y autorise le règlement. J’ai bien compris que vous ne souhaitiez pas que je préside cette commission, mais puisque tel est le cas, je peux exprimer mes positions comme les membres du Gouvernement le font. En outre, il apparaît clairement depuis l’examen du PLF que le rapporteur général et moi portons sur les amendements des avis bien différents.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il y a tout de même un problème de temps de parole, difficulté que j’avais déjà soulevée au temps où Éric Woerth présidait notre commission. Il y a des équilibres à respecter, même si cela ne me gêne pas du tout que vous soyez président.

Il n’est pas sérieux de régler la question des droits de succession par voie d’amendement. De nombreux aspects du sujet renvoient au code civil, que l’on songe à l’adoption et à la réserve héréditaire. Il faut donc adopter une vision d’ensemble.

Certains amendements sont inconstitutionnels. Quand les gens n’auront pas les moyens d’acquitter les droits de succession, ils vendront leurs biens, souvent à des fonds de pension et à des acteurs étrangers qui ne paieront pas de droits. À force de taxer, nous créerons un problème de souveraineté.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’une des solutions au grave problème des finances publiques réside dans la perception de nouvelles recettes empreintes de justice fiscale. Une note du Conseil d’analyse économique (CAE) de 2022 a montré que nous étions en train de construire une société d’héritiers, par ailleurs très peu nombreux. En France, 80 % des gens ne reçoivent aucune donation de leur vivant et n’ont donc accès à aucune niche fiscale en la matière. Neuf héritiers sur dix reçoivent moins de 100 000 euros. Il faut protéger les petites successions, mais ceux qui ont la chance de construire leur vie sur la base du patrimoine de leurs parents doivent contribuer davantage.

M. Vincent Trébuchet (UDR). La mesure que nous proposons a en effet un coût relativement élevé, mais nous pouvons la défendre car nous sommes bien plus ambitieux que vous, monsieur le rapporteur général, sur la baisse des dépenses. Pourquoi la solution résiderait-elle toujours dans la hausse des recettes de l’État ? Surtout que celui-ci fait une utilisation loin d’être optimale des deniers publics. Comme l’a très justement dit mon collègue Allisio du Rassemblement national, il convient de diminuer la fiscalité pesant sur le travail.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous avons ici un débat idéologique, au sens noble du terme : voulons-nous une société d’héritiers ou une société du travail ? Dans notre histoire, toutes les sociétés de rentiers ont mal fini. Actuellement, 60 % du patrimoine total gonflent grâce à l’héritage et non grâce au travail : c’est un vrai problème ! Les 0,1 % des héritiers les mieux dotés reçoivent environ 13 millions, soit 180 fois l’héritage médian. Le flux successoral est l’une des solutions du problème, d’autant qu’il exonérerait de droits davantage de personnes.

Enfin, le coût de certaines niches est devenu incontrôlable et il faut se pencher sur le pacte Dutreil.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je me fais le porte-parole d’Antoine Léaument en citant l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose que « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Or le taux effectif de prélèvements est largement supérieur pour les classes populaires que pour les plus riches. Ce déséquilibre ne fait qu’accroître les inégalités. L’économiste Thomas Piketty estime que les personnes ne recevant rien à la naissance doivent bénéficier d’un héritage via la redistribution de la richesse nationale, car l’insuffisance des droits de succession et d’autres phénomènes comme la captation coloniale, ont permis la constitution de patrimoines considérables.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il faut tordre le cou au mythe d’une fiscalité de l’héritage confiscatoire, qu’il est impossible d’entretenir lorsque l’on est membre de la commission des finances. Le produit des DMTG ne progresse pas grâce à l’augmentation des taux – ceux-ci sont stables depuis des années – mais à cause de la hausse du nombre de décès et de la valorisation des patrimoines.

Un récent sondage a montré que, pour la première fois, une majorité, certes étroite de 51 % des personnes interrogées, soutenait l’augmentation des DMTG des très grosses successions. Ce prélèvement reste impopulaire et certains ont intérêt à ce qu’il en soit ainsi. Je demande simplement que nous débattions à partir des vrais chiffres. Je soutiendrai les amendements de M. Cazeneuve et de M. Amiel car, même insuffisants, ils vont dans le bon sens en prenant en compte l’évolution des structures familiales et en taxant davantage les plus gros héritages. Il convient néanmoins d’aller plus loin.

La commission rejette successivement les amendements I-CF786, I-CF1267, I-CF1406, I-CF1801, I-CF1845 et I-CF210 et adopte les amendements identiques I-CF1369 et I-CF1699.

En conséquence, les amendements I-CF679, I-CF1593 et I-CF1594 tombent.

Amendements I-CF424 et I-426 de M. Christophe Plassard, I-CF1592 de Mme Véronique Louwagie, I-CF425 et I-CF427 de M. Christophe Plassard et I-CF181 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. Christophe Plassard (HOR). Les quatre amendements que j’ai déposés visent à modifier les plafonds des montants de donations autorisés entre les parents et leurs enfants ainsi que la durée pendant laquelle une nouvelle transmission ne peut bénéficier de ce régime. Actuellement, le plafond et la durée sont fixés à 100 000 euros et à quinze ans : les amendements visent à porter le premier à 150 000 ou à 200 000 euros pour prendre notamment en compte la récente poussée inflationniste et à conserver la seconde ou à l’abaisser à dix ans.

L’objectif est d’aider les jeunes générations en leur permettant de profiter du capital de leurs parents dans un contexte d’allongement de la vie. Cet argent sera injecté dans l’économie et créera de l’activité. L’un de mes collègues défendra plus tard un amendement complémentaire visant à flécher ce type de dispositif vers l’immobilier, secteur dans lequel s’investissent souvent les donations.

M. Nicolas Ray (DR). L’amendement I-CF1592 est équilibré et raisonnable. S’il convient de ne pas déstabiliser l’imposition des successions, il faut introduire de la souplesse et revenir sur la réforme de 2012. Il vise à relever l’abattement sur les successions en ligne directe de 100 000 à 150 000 euros, ce qui ne concerne que les petits héritages, à réduire de quinze à dix ans le délai de rappel sur les donations et à porter à 150 000 euros l’abattement dont bénéficient les petits-enfants puisque les héritages sont perçus à un âge toujours plus avancé – cette disposition permettrait aux jeunes de financer un projet professionnel ou d’acquérir leur résidence principale dans un contexte de prix immobiliers élevés.

M. Jean-Didier Berger (DR). L’amendement I-CF181 vise à libérer de l’épargne. En France, le taux d’épargne atteignait 17,7 % au premier trimestre de cette année contre 15,4 % dans la zone euro. Nous proposons de tripler le montant de l’abattement sur les transmissions aux enfants et aux petits-enfants pour stimuler la croissance.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est toujours populaire de doubler le montant de l’abattement et de réduire la durée pendant laquelle l’utilisation de celui-ci est impossible. Le défaut de ces amendements est de ne porter que sur un aspect de la fiscalité. Si nous doublons l’abattement pour les transmissions en ligne directe, certains d’entre vous soulèveront alors l’injustice faite aux neveux et aux nièces. Il convient d’élaborer une réforme d’ensemble et non de bricoler telle ou telle partie du régime fiscal des transmissions.

La diminution de quinze à dix ans de la période de rappel offrirait un avantage aux détenteurs des plus gros patrimoines, lesquels effectuent plusieurs donations afin de réduire l’imposition de leur succession. Le rappel à quinze ans, applicable depuis 2012, est un élément de lisibilité et de stabilité du dispositif.

Pour toutes ces raisons, je ne peux donner qu’un avis défavorable à l’ensemble des amendements. Le doublement de 100 000 à 200 000 euros sera sûrement adopté, mais je suis incapable d’en évaluer le coût. Quant à la baisse du rappel, elle augmentera peut-être les recettes à court terme mais pour mieux les diminuer plus tard – là encore, nous ignorons les montants en jeu.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous nous opposerons à tous ces amendements. Je ne les comprends pas dans le contexte de contrainte financière que nous connaissons. Tenir les promesses du Président de la République faites il y a sept ans pour diminuer une nouvelle fois les recettes de l’État et de la sécurité sociale, donc le financement des services publics locaux et nationaux, serait irresponsable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Sans parler d’irresponsabilité, il faut en effet adopter une approche globale. Les gens commencent à faire des donations entre 55 et 60 ans : un rappel de quinze ans les autorise à recommencer vers 75 ans. Dans la pratique, il n’y a souvent qu’une seule donation, le décès intervenant avant que la seconde n’ait lieu.

Il y a lieu de privilégier fiscalement le don d’une somme d’argent à la transmission d’un bien, afin de stimuler l’investissement et créer un nouveau flux fiscal. Nous devons ouvrir un débat apaisé portant sur tous les éléments, y compris l’assurance vie.

La commission rejette successivement les amendements.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du jeudi 17 octobre 2024 à 9 heures

 

Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Jean-François Coulomme, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Benjamin Dirx, M. Inaki Echaniz, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fouquart, M. Moerani Frébault, Mme Félicie Gérard, M. José Gonzalez, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, Mme Murielle Lepvraud, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Jean-Paul Mattei, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Vincent Trébuchet, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth

Excusés. - Mme Marina Ferrari, Mme Yaël Ménaché, M. Emmanuel Tjibaou

Assistaient également à la réunion. - M. Erwan Balanant, Mme Eléonore Caroit, Mme Gabrielle Cathala, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Stella Dupont, M. Damien Maudet, M. Paul Midy, Mme Sophie Panonacle, Mme Sophie Taillé-Polian