Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)              2

  présences en réunion...........................55

 


Vendredi
18 octobre 2024

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 020

session ordinaire de 2024-2025

 

Présidence de

M. Éric Coquerel, Président

Puis de

Mme Véronique Louwagie,

Vice-Présidente,

Puis de

M. Éric Coquerel,

Président

 


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La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).

Article 11 : Instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises

Amendements de suppression I-CF1 de M. Charles Sitzenstuhl, I-CF1355 de M. Charles Rodwell et I-CF1648 de M. Mathieu Lefèvre

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Nous en arrivons à un sujet important : la hausse de l’impôt sur les sociétés (IS), prévue à l’article 11 et qui est une très mauvaise idée.

L’histoire retiendra que c’est un gouvernement de droite qui fait replonger la France dans la folie fiscale. En 2017, après l’élection d’Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont déployé la grande réforme fiscale qui avait été promise aux Français. La pierre angulaire en était la baisse de l’impôt sur les sociétés, alors ramené à 25 % – un taux proche de la moyenne européenne.

Assurer la stabilité de ce taux est particulièrement important pour encourager les investisseurs, garantir l’attractivité de la France et redonner une marge de manœuvre à nos entreprises. Je ne peux souscrire à l’importante hausse de l’IS qui est proposée, et qui, n’en doutons pas, est appelée à être pérennisée. Je demande donc la suppression de cet article.

M. Charles Rodwell (EPR). Effectivement, la réforme fiscale menée depuis 2017 a été une grande victoire politique et l’un des principaux moteurs de notre économie. Depuis sept ans, elle a permis de recréer de la valeur, de l’emploi, des entreprises. Nous ne pouvons donc pas soutenir cette hausse sans précédent de l’IS.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). L’enfer fiscal est toujours pavé de bonnes intentions. Cette hausse massive de la fiscalité ferait largement décrocher la France par rapport à ses voisins européens. Même les travaillistes britanniques ont sanctuarisé le taux d’impôt sur les sociétés, conscients qu’il joue un rôle majeur dans les comparaisons à l’échelle internationale.

Adopter cette surtaxe, qui risque en effet malheureusement d’être pérennisée, c’est envoyer un signal délétère non seulement aux 450 entreprises directement concernées, mais aussi à toutes les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) de la chaîne de sous-traitance qui font vivre vos circonscriptions, avec toutes les conséquences que l’on sait sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Une hausse de 8 milliards de l’impôt en 2025 ne peut pas être sans conséquences négatives sur la croissance, l’attractivité et l’emploi.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vais exposer ma position sur l’ensemble de l’article ; je serai plus bref ensuite.

Les entreprises doivent contribuer à limiter le déficit public, mais l’effort qui leur est demandé par le Gouvernement à travers l’article 11 me semble excessif. Je vous proposerai donc deux amendements visant à le diviser par deux, pour le ramener à 4 milliards.

Des amendements ont été déposés pour pérenniser la contribution, en augmenter le taux ou élargir le champ des entreprises assujetties. Certaines de ces propositions pourraient aboutir à imposer les bénéfices à hauteur de 55 % : c’est trop. N’oublions pas que les grandes entreprises ne seront pas les seules redevables de cette surtaxe, qui touche également plusieurs entreprises de taille intermédiaire (ETI), au chiffre d’affaires compris entre 1 et 1,5 milliard d’euros.

En l’état, notre taux d’IS est déjà légèrement au-dessus de la moyenne européenne, qui va de 15 % à 35 % pour Malte. Avec ces amendements, il deviendrait le plus élevé de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Le taux d’imposition prévu par le Gouvernement est de 30,15 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 milliards, et 35,3 % pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur. Face à des hausses aussi massives, il y a fort à parier que les entreprises développeraient des stratégies comptables adaptées. La pérennisation proposée dans certains amendements ne ferait que déplacer la base taxable dans d’autres pays.

D’autres amendements proposent à l’inverse de supprimer cette contribution, d’en abaisser le taux ou de la limiter à une seule année. Pour ramener le déficit sous la barre des 5 %, nous ne pouvons pas nous permettre de la supprimer totalement. Cette contribution reste ciblée, contrairement à celles des années 1990, qui concernaient presque toutes les entreprises, ou à celle de 2011, qui visait celles dont le chiffre d’affaires était supérieur à 250 millions d’euros. En outre, la durée d’application du dispositif – deux ans – reste réduite par rapport à ce que nous avons pu connaître par le passé : les surtaxes instaurées par Alain Juppé, Lionel Jospin et François Fillon avaient duré respectivement dix, trois et cinq ans.

Je demande donc le retrait de tous les amendements au profit des deux miens.

M. le président Éric Coquerel. À l’heure où l’on demande un effort à tous  chômeurs, retraités, classes populaires et moyennes – et où un plan de rigueur prévoit une baisse de 36 milliards des dépenses sociales et publiques, qui sont le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas, les Français ne comprendraient pas que l’on renonce à faire contribuer les très grandes entreprises, qui sont les grandes gagnantes de sept années de macronisme et qui ont pour la plupart recyclé les cadeaux que vous leur avez accordés non même pas en profits, mais en dividendes.

Le taux d’IS proposé – à titre temporaire, d’ailleurs, et croyez bien que je le regrette  serait un retour à celui qui avait cours en 2017, voire en dessous, selon que le chiffre d’affaires de l’entreprise excède ou non 3 milliards. Voilà en quoi consiste tout votre effort !

Cette surtaxe ne concerne en réalité qu’une infime partie des entreprises et, quoi que vous en disiez, ne les mettra pas en difficulté. Leurs dividendes en souffriront peut-être un peu, mais au regard des efforts nécessaires, notamment en matière écologique, elle paraît tout à fait justifiable. Si elle était supprimée, votre budget serait définitivement inacceptable.

Quant à votre bilan économique, je vous renvoie à la tribune que j’ai signée dans Libération il y a quelques jours. Quand on observe une baisse de 2 % des emplois industriels depuis 2017, on ne peut pas parler de réindustrialisation du pays – ce que vous dites est faux depuis le début. Depuis 2022, on compte toujours moins de créations d’entreprises, mais beaucoup de fermetures liées à la délocalisation. Quant aux 2 millions d’emplois prétendument créés, je rappelle que près de 1 million correspondent en réalité à des apprentis, et 700 000 à des autoentrepreneurs. Alors arrêtez d’embellir votre bilan et d’essayer de faire croire que la baisse des impôts des très grandes entreprises a été bénéfique. C’est faux, et il serait inimaginable de ne pas les faire contribuer aujourd’hui.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Si certains en doutaient encore, les amendements de suppression proposés par la majorité sont bien la preuve de l’étrangeté de la situation politique.

Bien évidemment, nous nous y opposerons. Quoi que vous disiez, vous demandez des efforts à tous les Français : la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ne suffira pas à leur épargner une hausse des dépenses quotidiennes. Mutuelle, assurances, taxe sur l’électricité, la note sera salée ! Dès lors, vous ne pouvez pas tenir à l’écart les profits des 450 plus grandes entreprises, sans quoi nous verrons les gilets jaunes revenir dans la rue – et ils auront raison !

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Personne, ici, ne peut croire qu’augmenter l’imposition des entreprises sera sans conséquence sur l’investissement, l’emploi et le développement, sur les employés de ces entreprises et, par ricochet, sur tous les Français. On voit bien l’idée d’une vengeance de court terme, d’une punition contre des entreprises qui se sont fait beaucoup d’argent, mais à moyen terme, tout le monde en sera victime. Contrairement à ce que vous semblez penser, madame Pirès Beaune, les entreprises sont déjà ciblées par ce projet de loi de finances, à travers l’augmentation des charges et de plusieurs taxes spécifiques.

Néanmoins, je voterai contre ces amendements de suppression. Au regard de l’état de nos finances publiques, il est nécessaire de prévoir un impôt supplémentaire, à condition qu’il soit exceptionnel et ciblé sur les plus grandes entreprises. Et j’espère que, d’ici à la fin de la discussion budgétaire, nous aurons diminué suffisamment les dépenses publiques pour que la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises soit la plus faible possible.

M. Nicolas Sansu (GDR). Bien évidemment, je voterai contre ces amendements de suppression.

Chers collègues macronistes, qui nous parlez de vos victoires politiques et économiques depuis 2017, vous devriez vous demander pourquoi elles ne se sont pas traduites en victoires électorales ! Il existe en France un véritable problème de consentement à l’impôt, parce que l’immense majorité des Français n’acceptent pas que les cadeaux soient toujours pour les mêmes. On sait que les très grandes entreprises ont fait des profits extraordinaires, les versements de dividendes des très grandes multinationales augmentent année après année, ils dépasseront 100 milliards cette année !

Comment, dès lors, ne pas leur demander un effort, alors que tous les Français seront mis à contribution, par exemple, comme vient de le rappeler Mme Pirès Beaune, à travers la hausse du coût des mutuelles ou de la taxe sur l’électricité, si le Gouvernement décidait de passer en force sur ce sujet ? Refuser cette surtaxe serait une grave erreur politique, qui fracturerait le pays.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous ne voterons pas non plus ces amendements de suppression, non parce que ça nous fait plaisir d’augmenter les impôts, mais parce qu’en l’absence de plan de financement, ils déséquilibreraient le budget. Moi, je n’ai pas de baguette magique. Nous allons bien proposer quelques amendements, notamment un pour imposer lourdement le rachat d’actions, mais mon petit doigt me dit que nos collègues macronistes auteurs des amendements de suppression ne le voteront pas !

Que l’on soit ou non d’accord avec les idées des uns et des autres pour trouver de nouvelles recettes et limiter le déficit, le plan qui nous est proposé a l’avantage d’être cohérent. À ma connaissance, vous ne proposez pas un plan qui permette 8 milliards d’économies sur les dépenses.

M. Nicolas Ray (DR). Si vous n’aviez pas mis les finances publiques dans cet état, nous ne serions pas en train de débattre d’une nouvelle taxe ! Notre groupe souhaite vivement que les efforts portent principalement sur la réduction des dépenses, mais à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : une contribution temporaire et ciblée est une des solutions pour résoudre une équation budgétaire extrêmement complexe. Chacun doit faire un effort, y compris les entreprises – même le président du Medef, qui n’était pourtant pas ravi, en a convenu.

Si nous voulons alléger les contraintes des Français et des collectivités dans d’autres domaines – retraites, factures d’électricité –, cette mesure est nécessaire, même si nous ne l’acceptons pas de gaieté de cœur et qu’il faut absolument la borner et la calibrer. Nous voterons donc contre ces amendements de suppression.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Ces amendements, dus aux macronistes mêmes qui nous ont plongés dans le chaos budgétaire à coups de cadeaux aux grandes entreprises, sont scandaleux et insupportables.

Vouloir récupérer 3 milliards avec une hausse de la taxe d’électricité alors que 12 millions de gens sont en situation de précarité énergétique, c’est normal... Gagner 3,6 milliards sur les retraites alors que 2 millions de retraités sont pauvres, ou 3,8 milliards sur le déremboursement des consultations médicales alors qu’on compte 11 millions de pauvres dans notre pays, cela vous convient. Mais alors, aller récupérer 8 milliards auprès des très grandes entreprises auxquelles vous avez consenti jusqu’à 200 milliards de cadeaux par an et qui ont versé 107 milliards de dividendes l’an dernier, cela vous est insupportable ! C’est absolument indécent !

Non, les baisses d’impôts n’ont eu absolument aucun effet positif sur l’économie et la croissance de notre pays. Cette année, on compte trente-sept fermetures d’usine pour vingt-trois ouvertures.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous sommes absolument contre ces amendements de suppression.

Il y a quelques années, suite à la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3 % sur les dividendes, nous avions demandé aux grandes entreprises un effort ponctuel d’une année, dans le cadre de la loi sur les services numériques, et elles avaient joué le jeu. Y sontelles prêtes aujourd’hui ? Il est vrai que l’effort qui leur est demandé est important, mais il est nécessaire pour équilibrer les finances publiques. En revanche, la baisse de l’impôt sur les sociétés a été une réussite, qui a permis aux entreprises de dégager des profits pour les réinvestir, d’améliorer la situation de leurs salariés et de soutenir leur développement. C’est pourquoi la contribution qui leur est demandée doit absolument rester ponctuelle.

Mme Eva Sas (EcoS). Ces amendements de suppression illustrent bien l’attitude de certains partisans d’Emmanuel Macron, constants dans leur volonté de diminuer toujours plus l’impôt sur les entreprises, quitte à creuser le déficit, comme ils l’ont fait pendant déjà sept ans.

Et pourtant, le projet de loi de finances (PLF) est déjà très déséquilibré : on demande beaucoup au plus grand nombre, notamment à travers les 10 milliards de coupes budgétaires dans les dépenses sociales, et peu aux plus riches. La seule chose que l’on demande aux grandes entreprises, c’est cette contribution exceptionnelle sur l’IS, dont le rendement ne devrait même pas atteindre les 8,5 milliards annoncés – plus personne n’y croit, je vous renvoie aux Échos d’aujourd’hui. La suppression de cette contribution ne ferait que déséquilibrer encore davantage le budget.

M. Gérault Verny (UDR). Prenons l’exemple de LVMH, qui alimente beaucoup de fantasmes dans l’opinion. Son chiffre d’affaires représente 0,7 % du PIB français, mais 4,5 % des produits de l’IS. Alors qu’il ne réalise que 7 % de son chiffre d’affaires en France, le groupe y verse 40 % de ses impôts. Gardons en tête que les grandes entreprises que vous voulez taxer réalisent leurs profits à l’étranger mais font rentrer des devises et créent de l’emploi en France.

Il y a un problème idéologique : une entreprise n’est pas une banque, c’est une personne morale qui crée de la richesse et des emplois, eux-mêmes contributeurs de richesse. Les besoins en innovation de la France, comme les carburants novateurs dont nous avons parlé hier, ce sont ces entreprises qui y répondront.

Le taux d’IS en France est déjà fixé à 25 %, pour une moyenne européenne de 21 %.

M. Éric Woerth (EPR). D’un point de vue économique, cette mesure peut sembler une erreur. Personne, dans la majorité relative, n’a envie d’augmenter l’IS. Mais il faut regarder la réalité d’en face.

Ce PLF marque le début d’une nouvelle histoire pour nos finances publiques. Alors que nous commençons à tenter de les redresser structurellement, après toutes les crises, ce grand impôt est un passage obligé – cette solution a d’ailleurs déjà été retenue dans le passé. L’important est qu’il reste ciblé et temporaire, les deux étant garantis dans le texte, qui prévoit une contribution de deux ans réduite de moitié la deuxième année.

D’ailleurs, un tel impôt n’est en rien contradictoire avec la politique de l’offre qui a été menée jusqu’à présent, et dont je crois sincèrement qu’elle a été efficace en France, comme dans d’autres pays – mais je sais que vous ne partagez pas ma conviction, monsieur le président. Les résultats sont longs à apparaître, mais la France est bel et bien en train de se transformer sur le plan économique, et plutôt en bien.

M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas le tout de le croire, encore faut-il le démontrer.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques I-CF1270 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1428 de M. Éric Coquerel, I-CF1832 de M. Olivier Faure, I-CF1837 de Mme Eva Sas

M. Nicolas Sansu (GDR). Tout le monde s’accorde sur le fait que le dispositif proposé par le Gouvernement ne générera pas 8 milliards d’euros de recettes. Pour atteindre cet objectif de rendement, l’amendement vise à demander aux 450 plus grandes entreprises une contribution exceptionnelle de quinze points pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 milliards, et de trente points pour celles dont le chiffre d’affaires excède 3 milliards.

Et que l’on ne nous reproche pas une mesure confiscatoire, car cela reviendrait à considérer que le chiffre d’affaires est un revenu personnel ; or vous répétez sans cesse que ce n’est pas le cas. On ne peut pas changer de point de vue en fonction du type d’impôt que l’on souhaite instaurer !

M. Philippe Brun (SOC). À l’évidence, il y a un problème avec l’article 11 : d’après nos calculs, le rendement du dispositif proposé par le Gouvernement s’approche davantage de 5,5 milliards que des 8 milliards annoncés. Afin de rester fidèles au montant promis aux Français, qui figure dans tous les documents d’évaluation du PLF, il est donc nécessaire de modifier les taux prévus à l’article 11.

Les propos de l’ex-majorité présidentielle sont troublants : cette contribution exceptionnelle n’est que la redite de la surtaxe sur l’IS votée avec enthousiasme par Jean-René Cazeneuve en 2017. Éric Woerth, qui avait voté contre, y est aujourd’hui favorable. C’est le même dispositif, mais les avis évoluent.

Quand il faut trouver de l’argent, on instaure une surtaxe sur l’IS des grands groupes : c’est un dispositif vieux comme le monde, ou comme la désindexation des retraites ! On a toujours fait comme cela et il est très étrange de s’y opposer avec tant de ferveur.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La baisse continue de la fiscalité des entreprises n’a pas entraîné la floraison de l’économie mais, bien au contraire, une explosion des dividendes et une stagnation des investissements. Or, pour faire face notamment aux enjeux essentiels de la transition écologique et de l’adaptation au dérèglement climatique, nous avons besoin d’investir massivement. Pour pallier le manque d’investissement des entreprises, la puissance publique a besoin de recettes. En la matière, les propositions du Gouvernement ne sont que de la poudre aux yeux : elles sont largement insuffisantes pour répondre aux enjeux, d’où notre amendement.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Tels qu’ils sont rédigés, au B. du IV. de l’article, vos amendements aboutiraient à abaisser le taux de la contribution exceptionnelle à 30 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards. Je vous invite donc à les retirer et à les retravailler d’ici à la séance.

M. David Amiel (EPR). Au-delà de cette erreur de forme, je voudrais relever deux contrevérités. Premièrement, la surtaxe à l’impôt sur les sociétés instaurée en 2017 n’avait rien à voir avec celle proposée aujourd’hui. Le gouvernement de François Hollande ayant décidé d’une modulation de l’IS contraire aux règles européennes, il avait fallu rembourser 10 milliards d’euros aux grandes entreprises. La surtaxe proposée visait à protéger les finances publiques du coût de cette erreur.

Ensuite, il ne faudrait pas laisser croire que la hausse de l’impôt sur les sociétés, si nécessaire soit-elle à court terme en matière budgétaire, serait sans conséquence sur l’investissement, l’emploi ou l’attractivité. Sinon, la gauche britannique n’aurait pas pris la peine de sanctuariser l’impôt sur les sociétés dans le plan d’ajustement budgétaire qui est en cours.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Amiel, ce n’était pas une modulation du taux de l’IS, mais une taxe de 3 % sur les dividendes : c’est à ce motif qu’elle a été invalidée par la Cour de justice de l’Union européenne.

M. Philippe Brun (SOC). Il est toujours désagréable de contredire le rapporteur général, mais l’alinéa qu’il cite correspond non à l’imposition globale au titre de l’IS, mais au taux de la surtaxe. Les 30 % que nous proposons aboutissent donc à une taxe plus élevée que le texte en l’état.

La commission rejette les amendements.

Amendements I-CF1297 de Mme Danielle Simonnet, I-CF1353 de M. Charles Rodwell, I-CF1649 de M. Mathieu Lefèvre, I-CF377 de M. Charles Sitzenstuhl et I-CF1736 de M. Philippe Brun (discussion commune)

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Si nous en sommes arrivés à un tel niveau d’endettement, c’est à cause des politiques menées par les gouvernements successifs depuis 2017, qui ont appauvri les caisses de l’État à coups de cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises.

Pourquoi limiter cette contribution exceptionnelle sur l’IS à deux ans ? La casse de l’école, de l’hôpital, de l’ensemble des services publics sera pérenne, elle ! Les réductions de dépenses publiques qui mettent les services à l’os aussi, et les classes populaires en sont les premières victimes.

À défaut de demander aux entreprises un effort plus important, pérennisons au moins cette augmentation de l’IS. C’est l’objet de cet amendement.

M. Charles Rodwell (EPR). La logique de mon amendement est exactement inverse, cela ne vous étonnera pas. L’histoire fiscale française prouve que les contributions exceptionnelles ne le demeurent pas. Face à un choc fiscal sans précédent – sauf, peut-être, celui organisé par François Hollande il y a une dizaine d’années – nous proposons de limiter cette hausse d’impôts à l’année 2025. Nous pourrons en analyser les effets concrets avant, éventuellement, de la reconduire.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Effectivement, une mesure ponctuelle ne peut, par définition, pas être prise pour deux ans. Je répète une fois encore que l’instauration de cette contribution éloignerait durablement notre pays des standards internationaux en matière d’impôt sur les sociétés, alors même que d’autres impôts frappent beaucoup plus durement l’appareil productif dans notre pays qu’ailleurs. L’impôt sur la production, par exemple, y est cinq fois plus élevé qu’outre-Rhin, et les entreprises doivent s’en acquitter avant même le premier euro de bénéfice.

Comme mon collègue Rodwell, je me désole qu’une fois la boîte de Pandore fiscale ouverte, tout ce qui était ciblé et temporaire soit élargi et pérennisé. Il convient donc a minima que cette contribution reste ponctuelle.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). L’article n’ayant pas été supprimé, à mon grand regret, mon amendement de repli vise lui aussi à limiter la contribution au seul exercice 2025.

Je tiens à souligner que le rapporteur général partage notre scepticisme sur cette surtaxe.

Enfin, on entend souvent que la politique fiscale menée par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire aurait appauvri les caisses de l’État. C’est tout l’inverse : elle a enrichi la France, dont les recettes fiscales nettes sont passées de 450 milliards en 2017 à 543 milliards en 2023. Cent milliards de gain en sept années de présidence active d’Emmanuel Macron !

M. Philippe Brun (SOC). C’est orwellien. Le déficit dérape de deux points non prévus, et M. Sitzenstuhl nous assure que la politique d’Emmanuel Macron aura été une réussite pour le rétablissement des comptes publics !

Monsieur Amiel, vous prétendez que la contribution exceptionnelle est très différente de la surtaxe de 2017, parce que celle-ci faisait suite à une censure du Conseil constitutionnel. Je vous rappelle que ce qui avait été censuré, c’était une taxe sur les dividendes, pas sur les bénéfices des sociétés, et que ce ne sont pas les mêmes groupes qui étaient concernés. En réalité, ces deux surtaxes sont bien de même type. Taxer temporairement les très grands groupes qui peuvent se le permettre est une mesure que l’on instaure fréquemment, en France comme dans d’autres pays, lorsqu’il y a un trou dans la caisse – et, en l’occurrence, c’est vous qui en êtes responsables.

L’amendement du groupe socialiste vise à pérenniser la contribution proposée, mais en l’état, le dispositif proposé est bien temporaire. Il nous est difficile de nous faire les avocats du Gouvernement, mais si cela est nécessaire, sur cet article, nous le ferons.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable à tous ces amendements, qui vont dans des sens contraires. Ceux qui veulent pérenniser la contribution conduiraient notre pays à avoir le taux d’IS le plus élevé d’Europe. Le caractère temporaire de la contribution me semble tout à fait raisonnable. D’ailleurs, les gouvernements de toutes sensibilités ont toujours limité ce genre de taxes exceptionnelles dans le temps – trois ans pour Lionel Jospin, cinq pour François Fillon et dix pour Alain Juppé, ce qui est un peu long.

M. le président Éric Coquerel. Il faut arrêter de répéter que le taux d’IS français est le plus élevé d’Europe. Nous sommes légèrement au-dessus de la moyenne européenne, mais notre taux légal et notre taux d’imposition effectif sont respectivement de 25,8 % et 25,9 %, contre 29,8 % et 26,6 % en Allemagne par exemple. D’ailleurs, ils représentent une part du PIB inférieure à la moyenne européenne.

Monsieur Rodwell, le choc fiscal sans précédent, c’est celui que l’on connaît depuis 2017, qui a privé l’État de 62 milliards de recettes en 2024. Convenez qu’Il ne s’agit pas aujourd’hui d’accorder des baisses séculaires d’impôt, mais de revenir sur une partie des cadeaux fiscaux que vous avez consentis de manière inconsidérée et qui ont augmenté le déficit du pays.

M. Gérault Verny (UDR). Tout de même, il faudrait arrêter de penser qu’on est forcément les meilleurs : si les pays qui fonctionnent dans le monde ont un taux d’imposition bien moindre, c’est peut-être dans cette direction qu’il faut aller ! Ce que vous appelez cadeaux fiscaux n’est qu’un retour à un taux d’imposition à peu près normal des entreprises. Tous les Français devraient être fiscalisés de la même façon.

M. Laurent Baumel (SOC). Monsieur Rodwell, si je me souviens bien, François Hollande a surtout beaucoup baissé l’impôt sur les sociétés, notamment à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a permis une baisse d’impôts inconditionnelle et pérenne de 40 milliards. Cela avait d’ailleurs fait débat au sein de ma famille politique et, plus largement, de la gauche.

Dès que l’on ne baisse plus les impôts, vous criez au choc fiscal : c’est une définition un peu curieuse ! On finit par avoir l’impression d’une approche purement idéologique.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Nous sommes contre ces amendements. Nous préférerions que l’effort porte en priorité sur la réduction des dépenses mais, au regard de la situation de la France, nous acceptons le principe de la surtaxe. Nous espérons que les efforts paieront et que, dans deux ans, nous pourrons revenir dessus.

M. David Amiel (EPR). Le taux moyen d’IS se situe plutôt aux alentours de 21 % en Europe, monsieur le président, c’est-à-dire bien en dessous de notre taux actuel de 25 %. Quant à la comparaison avec l’Allemagne, elle doit s’apprécier au regard de l’ensemble des prélèvements sur les entreprises, qui, outre-Rhin, sont inférieurs aux nôtres de 3 points de PIB. C’est pourquoi j’en appelle à la raison : l’effort demandé aux grandes entreprises doit rester exceptionnel, en réponse à une situation budgétaire ponctuelle.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le président, je n’ai pas dit que le taux actuel était le plus élevé, mais qu’il le deviendrait si nous votions pour les mesures proposées par le Gouvernement. Et si l’on compare les taux, il faut aussi comparer les assiettes, ce qui est plus compliqué.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1344 de M. Charles Rodwell, I-CF378 de M. Charles Sitzenstuhl et I-CF1746 de M. Philippe Brun (discussion commune)

M. Charles Rodwell (EPR). Avec ce nouvel amendement de repli, nous proposons de revoir les seuils à la hausse, afin d’épargner autant que possible les ETI qui font la force du tissu économique en France et qui ont été les plus affectées par les chocs économiques subis depuis plusieurs décennies. Il s’agit de les protéger d’un choc fiscal – j’assume ce terme – qui pourrait entraîner des destructions d’emplois.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Nombre de nos collègues semblent oublier que l’économie française évolue au sein d’un marché unique européen et que nos grands groupes affrontent des concurrents européens et surtout mondiaux. D’où la réforme fiscale lancée en 2017 avec Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. Contrairement à ce que prétendent certains sur les bancs de gauche, l’idée n’était pas de faire des cadeaux aux grandes entreprises, mais de les aider à être plus compétitives au niveau européen et mondial. Résultat : baisse du chômage, relance de l’industrie, hausse de l’attractivité. Le choc fiscal envisagé risque de casser durablement la croissance et l’attractivité des grandes entreprises françaises.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous proposons au contraire de revoir le seuil de l’imposition à la baisse, en passant de 1 milliard de chiffre d’affaires à 800 millions, afin de mettre les entreprises un peu plus à contribution. Même si elles évoluent dans un marché européen et mondial, les entreprises vivent aussi dans un environnement national. Quand la société et les services publics vont mal, elles en pâtissent. Pour recoudre les plaies infligées au pays depuis sept ans, il faut remette de l’argent dans les services publics. Les entreprises, elles aussi, en profiteront.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les 8 milliards d’euros attendus de l’article 11 se décomposent de la façon suivante : 1 milliard venant de 294 entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 3 milliards ; 7 milliards de 157 entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur. Remonter le seuil de chiffre d’affaires, comme le proposent les deux premiers amendements, ferait perdre 1 milliard. Abaisser le seuil à 800 millions, comme le propose le troisième amendement, rapporterait 400 à 450 millions. Pour ma part, je préconise d’en rester au texte initial. Avis défavorable.

M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Il est toujours surprenant d’entendre nos collègues macronistes vanter leur bilan formidable en matière de lutte contre le chômage, qui serait dû à leur politique fiscale. Parlons des résultats, plus que discutables. Les défaillances d’entreprises ont littéralement explosé au cours des premiers trimestres de cette année, et le pays reste en situation de chômage de masse. La baisse affichée du chômage est largement imputable à la manière dont vous avez modifié, réformé et en définitive trafiqué son mode de calcul. En outre, vous avez fait exploser la précarité dans ce pays. Il y a 700 000 travailleurs ubérisés ! La réforme Pénicaud, l’une des premières effectuées en 2017, s’est traduite par un dynamitage des conventions collectives, qui a entraîné des conséquences désastreuses pour les travailleurs de ce pays. Voilà votre bilan.

M. Daniel Labaronne (EPR). Revenons sur la notion de pérennité. Les mesures en cours d’adoption vont porter un coup terrible aux entreprises. Casser les entreprises, la croissance, l’emploi, l’innovation, l’investissement, va avoir des effets pérennes. Quant aux chiffres du chômage, ils sont calculés par le Bureau international du travail (BIT). Quel intérêt le BIT aurait-il à trafiquer les taux de chômage français ?

Allez voir les chefs d’entreprise. Ils vous diront tous que la politique économique et fiscale, que nous avons conduite, leur a permis de se développer, de croître et de créer de l’emploi. C’est le recrutement qui leur pose actuellement des difficultés.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1651 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Par souci d’équité, nous proposons d’exonérer de la nouvelle contribution les sociétés appartenant à un groupe fiscalement intégré lorsqu’aucune société du groupe n’a un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros.

M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est une question que je me suis posée, monsieur Lefèvre. Dans le texte, le seuil d’assujettissement à la contribution exceptionnelle est similaire à celui retenu pour toutes les autres contributions au titre de l’IS. Vous voulez leur permettre de conserver les avantages de l’intégration fiscale sans en supporter les inconvénients sur ce point. Le principe est de considérer le groupe d’entreprises comme une unité économique, ce qui permet de compenser les bénéfices de certaines filiales avec les déficits des autres filiales. Et n’oublions pas que l’intégration fiscale est une option : rien n’oblige les entreprises à y recourir, elles peuvent y renoncer. Pour les groupes intégrés, il est normal de retenir le chiffre d’affaires agrégé au niveau du groupe, indépendamment du résultat de chaque entité. Avis défavorable.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Vous confirmez donc, monsieur le rapporteur général, que certaines entreprises intégrées se retrouveraient redevables de la contribution alors même qu’elles n’atteignent pas le seuil de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires à elles seules.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Absolument. Je me suis effectivement posé la question d’une éventuelle rupture d’égalité mais, je le répète, l’intégration n’est qu’une option. En contrepartie des avantages, il peut y avoir des inconvénients. Vous pouvez toujours soulever le problème, monsieur Lefèvre, si vous faites un recours devant le Conseil constitutionnel.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1228 de Mme Marianne Maximi et I-CF1229 de M. Éric Coquerel (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). À rebours des interventions précédentes des macronistes, nous voulons pérenniser la contribution des grandes entreprises à la solidarité nationale. Remettons les choses en perspective : cette contribution ne compensera même pas les cadeaux faits aux entreprises depuis sept ans ! Dans quel monde vivez-vous ? Je me pose la question quand je vous entends dire que vous avez relancé la croissance et que tout va bien. Arrêtez aussi de penser que nous ne discutons pas avec les entreprises, que vous êtes leurs seuls interlocuteurs et que vous en avez une connaissance beaucoup plus fine que tout le monde. Reconnaissez que votre politique a détérioré les finances publiques de notre pays sans produire le moindre effet sur les emplois industriels. Admettez qu’il faut un changement complet et pérenne de la fiscalité des entreprises. Quand vous vous en prenez aux classes populaires avec des réformes comme celle de l’assurance chômage, vous ne posez pas de bornes dans le temps. Dans ces cas-là, c’est définitif. Essayons de faire la même chose quand il s’agit de faire contribuer les plus gros.

M. le président Éric Coquerel. L’amendement I-CF1229 est un amendement de repli.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons épuisé le sujet au cours des échanges sur les amendements précédents : la pérennisation de la contribution nous conduirait à redevenir les champions du taux d’IS, au détriment de nos entreprises. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Il est très embarrassant d’entendre en permanence critiquer les résultats macroéconomiques de notre politique, à rebours de ce qu’indiquent tous les organismes internationaux de statistiques. Pourquoi avons-nous été le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers durant quatre années consécutives, si ce n’est grâce à une politique d’attractivité, de compétitivité et d’amélioration de la productivité ? C’est pour les mêmes raisons que les créations d’entreprises ont été plus nombreuses que les fermetures. Il faut arrêter d’avoir cette vision absolument pessimiste et catastrophique de nos résultats macroéconomiques : ils sont là et nous en sommes fiers !

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Labaronne, crier dans le micro ne donne pas plus de vérité à vos arguments. En nombre d’entreprises créées, nous sommes effectivement les premiers en Europe depuis quatre ans, mais en valeur et en nombre d’emplois, nous sommes dans la moyenne. Et vous savez très bien qu’il y a plus d’investissements qui partent vers l’étranger que d’investissements arrivant en France.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1231 de Mme Marianne Maximi, I-CF1233 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1650 de M. Mathieu Lefèvre, I-CF379 de M. Charles Sitzenstuhl, I-CF1348 de M. Charles Rodwell et I-CF1885 de M. Charles de Courson

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous souhaitons que les grandes entreprises contribuent à la hauteur de ce qu’elles ont pu recevoir de la part de nos collègues macronistes au cours des dernières années : 62 milliards d’euros de baisse d’impôt par an, selon les propres chiffres d’Emmanuel Macron et de Gabriel Attal. Quand on prend les mesures déclassées pour les grandes entreprises, on peut même atteindre les 200 milliards. En comparaison, la proposition du Gouvernement nous semble faible, pour ne pas dire anecdotique. Nous proposons donc de porter le taux de contribution exceptionnelle à 40 % pour les entreprises entre 1 et 3 milliards de chiffre d’affaires et à 55 % au-delà. Si vous voulez rétablir nos finances publiques, il va falloir faire des choix courageux. J’ai l’impression que vous avez toujours beaucoup plus de courage pour taper sur les Françaises et les Français que pour taper sur vos amis patrons de grandes entreprises.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Pourquoi la France insoumise ne propose-t-elle pas un taux à 100 %, étant donné que le programme de M. Mélenchon prévoit ce taux pour les particuliers qui dépassent un certain niveau de revenus ? Je ne comprends pas. En revanche, je comprends pourquoi vous ne votez pas les projets de lois de règlement. Si vous les lisiez, vous verriez que les recettes d’IS ont augmenté quand le taux a été abaissé de 33 % à 25 %. C’est bien la preuve que la politique de l’offre fonctionne et que l’on raisonne, comme le dit le rapporteur général, de façon économique et dynamique. On peut aussi raisonner de façon statique et penser que l’on captera 100 % des bénéfices des grandes entreprises si l’on porte le taux d’IS à 100 %. En réalité, c’est oublier la compétition internationale, le grand plan de réarmement industriel des États-Unis, la libéralisation de la Chine ; et c’est peut-être avoir une vision assez étriquée de la France et de ses entreprises.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). J’invite notre collègue Maximi, qui se demande dans quel monde nous vivons, à venir chez moi, dans le centre de l’Alsace, où le taux de chômage frôlait les 10 % il y a quelques années, comme à peu près partout dans le pays. Le plein emploi est désormais une réalité. Si vous circulez sur les routes, vous voyez des entreprises industrielles qui s’installent, s’agrandissent, cherchent de nouveaux salariés. Voilà les résultats tangibles de notre politique économique. Depuis 2017, le taux de chômage est passé de 9,4 % à un peu plus de 7 %. Ce ne sont pas des cadeaux aux entreprises, c’est du travail et de meilleurs salaires pour les Françaises et les Français.

M. Charles Rodwell (EPR). Je regrette vraiment que certains de nos collègues ne se réjouissent pas que nous ayons créé 2,7 millions d’emplois depuis sept ans dans notre pays, car c’est autant de familles dont la vie a changé. L’amendement que je propose cherche encore à limiter l’effet négatif de la hausse d’IS prévue. S’il n’était pas adopté, l’amendement I-CF1885 du rapporteur général pourrait être considéré comme un repli acceptable. Espérons que nos collègues, notamment ceux qui ont choisi Charles de Courson comme rapporteur général, soutiendront son amendement.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les deux premiers amendements aboutissent à des taux d’IS marginaux respectivement de 55 % et de 43 %. Ce n’est pas raisonnable. D’ailleurs, quand la gauche était au pouvoir, avec Lionel Jospin par exemple, elle ne l’a jamais fait. Les autres amendements visent à réduire la contribution exceptionnelle. Le mien propose une baisse de moitié, quand les autres vont un peu au-delà.

Les chefs d’entreprise avec lesquels j’ai discuté ne demandent pas la suppression de la mesure. Ils sont conscients des difficultés que traverse le pays et estiment qu’ils doivent aider à son redressement. Le montant de 8 milliards d’euros leur paraît excessif, mais ils appuieraient une mesure de 4 milliards. Il faut garder un équilibre.

C’est pourquoi je propose de ramener le montant de la contribution à 4 milliards la première année et 2 milliards la seconde. Je donne un avis défavorable à tous les autres amendements.

M. David Guiraud (LFI-NFP). Pour être honnête, je pensais que les résultats de la politique économique du Gouvernement et des dernières élections vous feraient un peu douter. S’agissant des rentrées de l’IS, un détail devrait vous sauter aux yeux : les prix ont augmenté, et il y a eu des superprofits ! C’est cela qui a généré un peu plus d’IS.

En transformant le CICE en allègements de charges, vous avez transféré le poids de cet outil – plusieurs dizaines de milliards d’euros d’aide aux entreprises par an – du budget de l’État vers celui de la sécurité sociale. Mais mécaniquement, le montant de l’IS a augmenté. Le grand mensonge du quinquennat, c’est que la politique de l’offre que vous vantez a été payée par les Français qui font leurs courses au supermarché et qui paient la TVA. Cela s’appelle la TVA sociale.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). À entendre les mélenchonistes, il y a cadeau fiscal dès que le taux d’imposition n’est pas de 100 %. Votre objectif est vraiment le ras-le-bol fiscal. Pour ce PLF, vous avez proposé plus d’une centaine de taxes supplémentaires : c’est une véritable addiction. Pour notre part, nous revendiquons d’avoir baissé les impôts de 50 milliards par an, à égalité entre les entreprises et les ménages. La suppression de la taxe d’habitation et de la redevance télévision a redonné du pouvoir d’achat aux Français : dites-leur que vous voulez le reprendre ! Et la baisse de l’IS a permis aux entreprises d’améliorer leur compétitivité, d’investir et de créer des emplois.

M. Nicolas Sansu (GDR). Que les Français sont ingrats, chers collègues macronistes : vous avez tout fait bien, et ils ne votent pas comme il faut !

Monsieur Sitzenstuhl, je vous signale que sur les 90 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires des sept dernières années, il y a 80 milliards de recettes de TVA. Quoi que vous disiez, les entreprises ont été moins mises à contribution que les ménages. Avec la baisse de l’IS et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, elles ont moins contribué qu’elles n’auraient dû au budget de la nation. À un moment, il est bon de réintroduire un peu de justice fiscale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1884 de Mme Marianne Maximi, I-CF1881 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1883 de M. Mathieu Lefèvre ; amendements identiques I-CF380 de M. Charles Sitzenstuhl, I-CF1882 de M. Charles Rodwell et I-CF1887 de M. Charles de Courson (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Petit rappel au bloc présidentiel : en 2017, vous aviez demandé une contribution exceptionnelle aux grandes entreprises, la surtaxe d’IS décidée par Édouard Philippe, qui avait rapporté 10 milliards d’euros. Celle que vous envisagez rapportera au mieux 5 milliards. Nous proposons d’en relever le taux de manière à atteindre au moins le niveau de 2017, ce qui semble raisonnable.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Comme celui du rapporteur général, mon amendement tend à réduire le taux de la surtaxe. À notre collègue Baumel, je rappellerai que la hausse d’une vingtaine de milliards des prélèvements obligatoires, décidée en 2012 sous la présidence de François Hollande, avait totalement grippé l’économie pendant plus d’un an. Ensuite, en effet, François Hollande avait changé de politique. Soutenu par sa majorité, il avait eu la bonne idée de créer le CICE, que le président Macron a eu raison d’intégrer dans les allégements généraux de charges.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Merci, monsieur le président, d’avoir laissé vivre le débat sur l’IS pendant une bonne heure. Il n’est pas certain que nous puissions l’avoir en séance.

Je sais que c’est difficile à entendre pour quelqu’un de gauche, mais je voudrais redire à Nicolas Sansu qu’une baisse des taux d’imposition peut conduire à une augmentation importante des rendements. Lisez les données publiques sur le sujet. Les recettes fiscales nettes sont passées de 450 à 543 milliards d’euros entre 2017 et 2023. La politique de baisse des impôts initiée en 2017 n’a donc pas entraîné une diminution des recettes fiscales.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous propose de réduire de moitié le montant de la contribution, dont l’essentiel portera sur les 157 entreprises qui réalisent plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Selon les dernières estimations et à taux inchangé, le produit de l’IS, qui était de 57 milliards en 2023, devrait être de 58 milliards en 2024 et de 56 en 2025. Il n’y a donc pas d’explosion des bénéfices des entreprises. Ajouter 8 milliards, concentrés sur peu d’entreprises, aux 56 milliards qui sont payés au total au titre de l’IS, c’est trop. C’est pourquoi je vous propose d’adopter les trois amendements identiques, tandis que j’émets un avis défavorable pour les trois amendements précédents. Le I-CF1884 porterait le taux d’IS à 55 %, soit cinq points de plus que celui que j’ai connu en arrivant dans cette assemblée il y a trente et un ans ! Le I-CF1881 nous ferait d’ailleurs retrouver ce taux de 50 %.

M. le président Éric Coquerel. Comme Charles Sitzenstuhl, je pense qu’il est bon que nous ayons ce débat. Sans vouloir faire de polémique, je pense qu’il sera aussi au cœur de la commission d’enquête sur les finances publiques. Pendant plusieurs années, vous avez défendu l’idée qu’en baissant les seuils d’imposition vous obtiendriez plus de rendement. Ce fut le cas pendant les années post-covid pour l’IS, et pendant les années de forte inflation comme 2023 pour la TVA. Mais dès que l’inflation a reflué et que la croissance a faibli après le rebond, cela s’est infirmé. C’est d’ailleurs le problème que nous rencontrons cette année : si les recettes sont si faibles, c’est que l’inflation a reflué, entraînant une réduction des montants de TVA. Quant au rendement de l’IS, il a retrouvé un niveau commun depuis 2023, une fois passé le rebond post-covid. Le rendement supérieur n’était donc pas imputable à la baisse des seuils, mais à la conjoncture économique et à l’inflation. L’une de mes théories est que votre croyance dans cet effet de seuil explique en partie la surprise de la baisse des recettes en 2024.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les macronistes prétendent que la baisse de l’IS a permis de lutter contre le chômage et a fait advenir le plein emploi. M. Sitzenstuhl nous décrit son territoire – où les chiffres repartent à la hausse, au passage – comme étant en plein emploi, mais 6 ou 7 % de chômage, ce n’est pas zéro ! Le plein emploi, ce n’est pas cela ! Il y a des gens derrière les chiffres, qui ont besoin d’accompagnement à la recherche d’emploi. Or vous proposez de baisser les crédits de France Travail, vous réformez l’accompagnement, vous réduisez les droits des gens. Vous repoussez l’âge légal de départ à la retraite alors que certains sont en recherche d’emploi après un accident du travail ou une maladie professionnelle, vous prenez les crédits des accidents du travail et maladies professionnelles au lieu de mener des politiques de prévention ! Cette politique ne contribue pas au plein emploi.

M. Éric Woerth (EPR). C’est ahurissant : une bonne partie de nos collègues n’arrivent pas à se réjouir de la baisse du chômage. Vous ne vous réjouissez que des mauvaises nouvelles dont vous vous nourrissez sur le plan politique.

Cet article est au cœur du dispositif prévu par le Gouvernement pour redresser les finances publiques, priorité absolue de ce PLF : c’est le centre des mesures consacrées aux recettes, sachant que la réduction des dépenses est un volet plus important. À vouloir trop le modifier, on remet en cause l’équilibre d’ensemble. Si certains amendements visent à réduire les recettes et d’autres à les augmenter, il serait peut-être plus sage d’en rester à ce que propose le Gouvernement, en se montrant très vigilants sur le caractère transitoire du système : deux ans, avec une réduction de moitié de la contribution la seconde année.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Après une heure de débats, je voudrais vous faire part d’une vraie inquiétude : je ne sais pas où va ce PLF. Ce n’est pas du fait des oppositions, mais du fait de la majorité, si l’on peut l’appeler comme ça. Je ne vois aucune coordination entre les différentes parties qui soutiennent M. Barnier. Certains veulent supprimer la ressource principale de leur budget. C’était la même chose hier avec les taxes sur l’électricité, on entendait tout et son contraire.

M. Sitzenstuhl vient de sous-entendre que l’on ne discuterait pas de tout cela en séance : cela signifie qu’il y aura un recours à l’article 49.3, puisqu’une motion de rejet ne peut pas être adoptée sans nous et que j’ai indiqué que nous ne la voterions pas. À moins que vous ne votiez pour une motion de rejet de votre propre budget ? Tout est possible, surtout si l’on veut faire croire que l’impossibilité d’élaborer un budget sérieux est due à une faute collective du Parlement.

Sans vouloir polémiquer, j’aimerais savoir où nous allons. Nous travaillons tous sérieusement, je le dis sans ironie. Nous ne sommes pas là pour faire du théâtre. Alors je le demande aux forces de la majorité : où allez-vous ? Est-ce que vous vous coordonnez ? Je ne vous vois pas travailler ensemble, ni ici ni en coulisses. Ce n’est pas trahir un secret : c’est dans la presse.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Puisque Charles Sitzenstuhl décrit les résultats mirobolants de la politique macroniste chez lui, qu’il vienne tout près, dans ma circonscription, à Strasbourg et Illkirch-Graffenstaden. Depuis mon élection, en juin 2022, les suppressions d’emplois se multiplient : 80 chez Fast Despatch Logistics, un sous-traitant d’Amazon qui a fermé ; 125 chez Clestra, fabricants de cloisons pour bureaux ; 248 chez du Dumarey Powerglide, un équipementier automobile ; 126 chez Novares, autre sous-traitant automobile qui va fermer son site d’Ostwald. Dans quel monde vivent les macronistes, et singulièrement M. Sitzenstuhl ? Venez voir à quel point votre politique fonctionne !

M. Corentin Le Fur (DR). Je partage l’avis d’Éric Woerth. Cette contribution exceptionnelle ne fait plaisir à personne et certainement pas à Michel Barnier, mais le creusement brutal de la dette et du déficit nous impose de prendre des décisions courageuses et difficiles. Il faut donc conserver cet article, en insistant sur le caractère exceptionnel de la contribution.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). J’entends dire que la France insoumise va déposer une motion de rejet. Par respect de la représentation nationale, il est important que nous sachions dès maintenant si vous avez vraiment l’intention de censurer ce budget avant même que nous puissions en débattre. Je constate que le Rassemblement national a voté pour les deux motions de rejet que vous avez déjà déposées. Dans ce cas, il n’y aurait pas de débat sur le budget à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi je vous pose la question, monsieur le président : allez-vous déposer une motion de rejet ? Est-ce que nos travaux sont utiles ?

M. le président Éric Coquerel. Et vous, allez-vous recourir ou non à l’article 49.3 ? Pour ma part, je vous répondrai ceci : vous verrez la semaine prochaine.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). S’il devait y avoir une motion de rejet, ce serait très grave pour notre débat parlementaire. Nous l’avons déjà mal vécu dans d’autres circonstances.

Pour en revenir à l’article 11, je tiens à rappeler que la baisse de l’IS à 25 % a été très bénéfique. Elle a permis aux entreprises de constituer des réserves, de faire de l’autofinancement, de se projeter dans l’avenir. Il faut distinguer le bénéfice utile du bénéfice futile. Le premier est celui qui est réinvesti, qui sert à l’entreprise. Je suis assez réservé sur cette contribution exceptionnelle, mais je pense qu’il faut faire avec et que les grandes entreprises vont jouer le jeu, car nous avons besoin de recettes complémentaires. Mais il faut s’assurer de son caractère temporaire pour, j’insiste, préserver la baisse de l’IS. Nous serions même favorables à ce que le taux de 15 % soit appliqué à davantage d’entreprises.

M. le président Éric Coquerel. En réponse aux envolées d’Éric Woerth, revenons-en aux faits : 35 % de la baisse du nombre de chômeurs constatée en 2023, ce qui représente 100 000 personnes, s’explique par un changement des statistiques de Pôle emploi.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 11 non modifié.

Article 12 : Création d’une contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime

Amendement I-CF1652 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Il s’agit de limiter l’application de la contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime, prévue, là encore, sur deux exercices, à la seule année 2025.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 12 est particulier en ce qu’il concerne un seul groupe : CMA-CGM.

Comme les autres entreprises de transport maritime, celui-ci est assujetti, au titre de l’impôt sur les sociétés, à une taxe sur le tonnage de ses navires. Ce dispositif spécial, qui lui a permis de s’acquitter, au cours des deux dernières années, d’un impôt sur les sociétés d’environ 100 millions par an, n’est pas propre à la France : il s’applique dans vingt-deux des vingt-sept pays de l’Union européenne (UE) et explique que quatre des cinq plus grandes compagnies maritimes au monde sont européennes. Ceux qui souhaitent la suppression de ce régime fiscal particulier doivent donc être conscients qu’elle entraînerait immédiatement la délocalisation de l’activité, car il a pour contrepartie le maintien d’au moins la moitié de la flotte de l’entreprise sous pavillon français – ce qui implique que l’ensemble des officiers des navires concernés soient français.

Le produit de la contribution exceptionnelle proposée par le Gouvernement devrait être de 500 millions en 2025 et de 300 millions en 2026, ce qui me paraît tout à fait raisonnable. Je joue cartes sur table : le président de la CMA-CGM, qui a demandé à me rencontrer, m’a indiqué qu’il était tout à fait d’accord. Il aurait pu faire un don à l’État français, cela aurait été plus drôle, mais en l’occurrence cela passe par l’IS.

Limiter cette contribution à un seul exercice, monsieur Lefèvre, même le président de la CMA-CGM n’y est pas favorable. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1417, I-CF1424 et I-CF1425 de Mme Christine Arrighi

M. Pouria Amirshahi (EcoS). La contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime est d’autant plus souhaitable qu’elle s’applique à un secteur dans lequel les enjeux liés à transition écologique sont importants. Toutefois, son montant est, à l’évidence, largement insuffisant. Ainsi, CMA-CGM, numéro trois mondial du transport maritime, dont les profits ont monté en flèche au cours des dernières années, ne serait taxée, au titre des deux contributions exceptionnelles proposées par le Gouvernement – la première sur les grandes entreprises, la seconde sur les armateurs – qu’à hauteur de 19 % en 2025 et de 14,6 % en 2026. Nous proposons donc de porter le taux de la contribution exceptionnelle du transport maritime à 31 % en 2025 et 27 % en 2026, de manière que son produit atteigne 900 millions la première année et 800 millions la suivante.

Les amendements I-CF1424 et I-CF1425 sont de repli.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Vos trois amendements porteraient la contribution totale de la CMA-CGM à, respectivement, 3,2 milliards, 2,7 milliards ou 1,6 milliard, soit du double au quadruple de ce qui est proposé. Au regard des 8 milliards de la contribution de l’article 11, il me paraît suffisant de demander à une seule entreprise un effort de 800 millions.

En outre, j’appelle votre attention sur le risque de délocalisation de l’activité : il n’y a pas plus fragile qu’une compagnie de transport maritime. Si nous adoptons l’article 12 sans modification, nous conforterons les dirigeants de la CMA-CGM dans leur volonté de rester en France, plus précisément à Marseille. Avis défavorable.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Ce chantage permanent à l’emploi et à la délocalisation est une manière de nous priver de notre capacité d’agir, en l’espèce en imposant une taxe – qui plus est exceptionnelle – à une entreprise qui a largement les moyens de l’acquitter. J’ajoute que le taux proposé par le Gouvernement reste bien inférieur au taux normal de l’impôt sur les sociétés, qui est de 25 % – impôt dont toutes les entreprises françaises sont redevables. La moindre des choses serait de retenir un taux équivalent pour cette contribution exceptionnelle.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je comprends votre réaction, mais il faut être pragmatique. Il y a une contrepartie au régime dérogatoire dont bénéficient les compagnies de transport maritime, puisqu’elles s’engagent à maintenir une partie de leur flotte sous pavillon français. Rien ne serait plus facile pour elles que de délocaliser leur activité : on peut changer de pavillon du jour au lendemain. Il est de mon devoir de rapporteur général d’appeler votre attention sur ce véritable risque.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). M. Renault avait déposé un amendement qui visait à doubler le taux de la contribution exceptionnelle, mais il est retenu par une audition liée à notre niche parlementaire. Nous soutiendrons donc le I-CF1425.

Les arguments du rapporteur général sont fondés : cette activité est facilement délocalisable. Mais compte tenu des profits très importants réalisés par CMA-CGM au cours des trois ou quatre dernières années, un effort supplémentaire ne serait pas du luxe.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1417 et I-CF1424 et adopte l’amendement I-CF1425.

Amendement I-CF1426 de Mme Christine Arrighi

M. Pouria Amirshahi (EcoS). La rédaction du Gouvernement offre aux grands groupes de transport maritime la possibilité de contourner le dispositif. Ils pourraient en effet créer des filiales, lesquelles pourraient échapper à la contribution au prétexte qu’elles ne réalisent pas un chiffre d’affaires suffisant. Nous proposons donc de retenir, non pas le résultat de l’entreprise, mais celui du groupe.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les modalités d’assujettissement prévues sont assez classiques en droit fiscal. Je peux vous garantir qu'il n'y a pas de faille, pour la simple raison que seule CMA-CGM remplit la condition de chiffre d'affaires. Aucune autre entreprise n'est susceptible d'être concernée, et ce même si nous adoptions votre amendement. Je vous invite donc à le retirer, car il est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 12 modifié.

Après l’article 12

Amendements identiques I-CF400 de M. Éric Ciotti, I-CF912 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1234 de Mme Marianne Maximi

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il n’est pas étonnant que M. Saadé ait accepté de s’acquitter d’une petite taxe de 500 millions : en 2022, le montant de ses bénéfices s’est élevé à 23,5 milliards. C’est le record pour une entreprise française, TotalEnergies compris… Il peut donc participer beaucoup, beaucoup plus !

La taxe au tonnage, qui permet aux entreprises de transport maritime de calculer le montant de leur IS sur le tonnage de leur flotte plutôt que sur leurs bénéfices, a fait perdre à l’État 3,8 milliards en 2022 et 5,6 milliards en 2023. Nous proposons donc de supprimer cette niche fiscale : nul doute que celui qui est désormais également le patron de RMC et de BFM TV a les moyens de payer l’impôt sur les sociétés de droit commun.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous mets en garde contre l’abrogation de la taxe au tonnage. Celle-ci a été introduite en 2004, peu après la publication par l'UE d'orientations visant à encadrer les aides d’État au transport maritime. Cette taxe, qui existe dans la plupart des pays maritimes du monde, a été adoptée au sein de l’Union par une vingtaine d’États, dont l'ensemble des pays qui possèdent une compagnie maritime. Près de 90 % de la flotte mondiale est couverte par un régime similaire.

Ce régime dérogatoire a largement rempli son rôle en matière de défense de la compétitivité des armateurs européens, puisque trois des quatre premiers armateurs mondiaux le sont : l'Italo-Suisse MSC, le Danois Maersk et le Français CMA-CGM.

Avant la crise, il coûtait entre 50 et 200 millions d’euros par an. Certes, son coût a explosé entre 2020 et 2023, en raison de la forte augmentation des tarifs du fret, liée notamment à la crise ukrainienne. Mais il est bien plus pertinent de faire contribuer CMA-CGM de manière ponctuelle, via une contribution comme celle prévue à l'article 12 – d’autant que nous venons d’en doubler le taux – que de supprimer la taxe au tonnage.

En effet, sa suppression mettrait à mal la compétitivité de CMA-CGM, qui emploie 155 000 personnes dans le monde, dont 4 000 à Marseille. Ses dirigeants seraient alors conduits, ils ne me l’ont pas caché, à délocaliser leur activité. Je vous rappelle que tous les officiers des navires battant pavillon français doivent être français. Si CMA-CGM ne bénéficie plus du régime, il ne sera plus tenu d’en respecter la contrepartie, à savoir le maintien d’une partie de la flotte sous pavillon français. Or un officier français coûte deux fois plus cher qu’un officier non européen…

Je vous mets donc en garde : on pourrait discuter de la suppression de ce régime à l’échelle européenne, mais l’envisager dans un cadre franco-français serait une pure folie.

M. Jimmy Pahun (Dem). CMA-CGM est l’arbre qui cache la forêt, car l’économie maritime française ne se porte pas si bien que cela : beaucoup d’armements qui ne parviennent pas à tenir leurs objectifs sont en vente.

L’existence d’une flotte stratégique française importante est le fruit d’une volonté politique. Les Américains, par exemple, n’ont plus de flotte internationale. La taxe au tonnage s’applique à la quasi-totalité de la flotte mondiale ; or il suffit de vingt-quatre heures pour changer de pavillon !

J’ajoute que CMA-CGM – dont, je vous le promets, je ne suis pas le porteparole  réinvestit près de 85 % de ses bénéfices et, en tout état de cause, acquittera la contribution exceptionnelle que nous avons adoptée. De manière générale, la suppression de la taxe au tonnage pourrait mettre à mal le Fontenoy du maritime – qui doit nous permettre de doubler, d’ici à 2027, le nombre des élèves formés dans le secteur de la marine marchande – et tout un secteur de l’économie française.

M. Philippe Brun (SOC). Traditionnellement, nous défendons, lors du débat budgétaire, un amendement similaire à ceux dont nous discutons. Nous avons, du reste, été les premiers, au sein de cette commission, à susciter un débat sur la taxe au tonnage, lorsque nous avons constaté les superprofits réalisés dans ce secteur en 2021, 2022 et 2023.

Cette année, nous avons choisi de proposer une autre mesure que la suppression de ce régime avantageux. En effet, si la taxe au tonnage confère à un très grand groupe un important bénéfice fiscal, elle a, s’agissant des autres armateurs, plus modestes – notamment les compagnies de ferries – un coût très faible pour les finances publiques. Ainsi, entre 2009 et 2019, c’est-à-dire avant que CMA-CGM ne réalise des superprofits, son coût moyen n’était que de 45 millions d’euros, soit un montant tout à fait acceptable pour une niche fiscale destinée à soutenir nos entreprises de transport maritime. Ce qui n’est pas acceptable, en revanche, c’est que le groupe CMA-CGM ne paie qu’1 % d’impôts en 2022 et 2 % en 2023.

Nous proposons donc de maintenir la taxe au tonnage mais d’en limiter le bénéfice à 500 millions d’euros – c’est l’objet de l’amendement I-CF605. Ainsi, nous protégerions les petits armateurs tout en taxant celui qui réalise des superprofits, à savoir CMA-CGM.

Mme Eva Sas (EcoS). Nous ne voterons pas non plus pour l’abrogation de cette niche fiscale. Nous préférons en effet l’encadrer en faisant en sorte que les entreprises de fret maritime s’acquittent d’une imposition équivalente à au moins 15 % du bénéfice imposable au titre de l’IS, soit le taux auquel sont soumis les PME.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF605 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons, comme je viens de l’expliquer, qu’une entreprise assujettie à la taxe au tonnage plutôt qu’à l’impôt sur les sociétés ne puisse pas en tirer un avantage supérieur à 500 millions. Ainsi, dans les phases où elle ne réalise pas des profits importants, CMA-CGM serait protégée et, dans les phases hautes, elle verserait une juste contribution au redressement des comptes publics et au financement des services publics. Estil normal que cette entreprise ait payé moins de 1 % sur les bénéfices en 2022 et moins de 2 % en 2023 ? Rodolphe Saadé a multiplié sa fortune par six en deux ans !

Nous sommes fiers que cet armateur français soit florissant et nous nous réjouissons qu’il investisse, mais reconnaissons qu’il doit s’acquitter d’une juste contribution. Il n’est pas normal qu’un boulanger se voie imposer un taux d’IS de 15 %, voire de 25 %, et qu’un armateur ne soit taxé qu’à hauteur de 2 %.

Nous sommes favorables au maintien de la niche fiscale parce qu’elle s’applique dans 23 pays européens et que nous voulons défendre les armateurs français, mais nous souhaitons en limiter l’avantage pour les entreprises qui réalisent des profits très importants. Tel est l’équilibre que nous défendons.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Tout d’abord, les bénéfices des grandes compagnies maritimes sont très fluctuants. Il arrive qu’elles soient en déficit. Certes, les crises récentes leur ont permis de réaliser des profits considérables, mais elles pensaient toutes voir leurs résultats plonger en 2024 : si cela n’a pas été le cas, c’est parce que, la navigation en mer Rouge étant devenue dangereuse à cause des attaques houthies, les armateurs contournent l’Afrique. N’oublions pas, du reste, qu’il y a quatre ou cinq ans, la CMA-CGM était en difficulté au point qu’elle a dû solliciter le soutien d’un pool bancaire.

Pour tenir compte de ces fluctuations, le calcul devrait se faire sur une base pluriannuelle, pour s’assurer que les excédents compensent les déficits. Par ailleurs, il faudrait que votre amendement, qui est intéressant, s’applique à l’échelle européenne, sous peine de provoquer la délocalisation de l’activité dans un autre pays européen. Enfin, le régime actuel étant appliqué sous la forme d’une option décennale irrévocable, le modifier en cours d’option crée un risque juridique.

Je vous suggère donc de retirer votre amendement et d’y retravailler en réfléchissant à une éventuelle extension de la mesure à l’échelle européenne.

M. le président Éric Coquerel. À ce compte-là, monsieur le rapporteur général, toute entreprise susceptible de délocaliser son activité pourrait avancer les mêmes arguments pour bénéficier d’un régime fiscal aussi favorable ! CMA-CGM a payé moins de 2,7 % d’impôt sur les sociétés depuis 2020. Je conçois que les entreprises du fret maritime puissent être aidées pour que leurs navires continuent de battre pavillon français, mais je ne crois pas que la différence en frais de personnel avec un pavillon de complaisance soit à la hauteur des cadeaux fiscaux en question. Du reste, nous n’avons pas affaire à une entreprise qui ne se maintient à l’équilibre que grâce à ces aides : elle verse entre 2 et 6 milliards de dividendes par an et M. Saadé a multiplié sa richesse par six ! C’est disproportionné.

J’estime donc, pour ma part, qu’il faut corriger le dispositif actuel. L’amendement de M. Brun, qui tient compte du caractère fluctuant de l’activité tout en rétablissant une certaine justice vis-à-vis des autres entreprises confrontées à la concurrence internationale, me semble pertinent.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le groupe CMA-CGM ne distribue pas de dividendes : c’est une entreprise purement familiale, non cotée, qui réinvestit la totalité de ses bénéfices en interne. Si nous n’avions que des entreprises de ce type en France, ce serait formidable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF825 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je me réjouis que le bon sens ait gagné du terrain au sein de notre commission puisque nous ne sommes plus les seuls à défendre ce régime fiscal. Les socialistes et le Rassemblement national ont rejoint nos conclusions. Chacun devrait se réjouir que la France possède un champion mondial aussi puissant et qu’elle soit devenue, en vingt ans, l’un des leaders mondiaux du transport maritime, pour le bénéfice de tous.

Nous proposons, même si cette mesure ne rapporte pas grand-chose, que le barème de la taxe au tonnage, qui est exprimé en euros, soit indexé sur l’inflation.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous avez raison, les tranches du barème n’ont pas été actualisées depuis la création du régime, en 2004. Toutefois, les régimes applicables dans les différents pays européens ne sont pas uniformes, simplement soumis à un encadrement commun. Ainsi, notre barème débute à 93 centimes pour les 1 000 premières unités de jaugeage, contre 90 centimes en Italie, en Espagne et en Norvège et 92 en Allemagne. C’est pourquoi il serait préférable que la mesure que vous proposez s’applique à l’échelle européenne plutôt qu’au niveau national.

M. le président Éric Coquerel. Je confirme, monsieur le rapporteur général, que le groupe CMA-CGM se verse bien des dividendes.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Ils restent dans la famille !

M. le président Éric Coquerel. Soit, mais il s’agit tout de même de dividendes.

La commission adopte l’amendement I-CF825.

Amendement I-CF984 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Nous proposons d’instaurer un complément d’imposition pour les entreprises ayant opté en faveur du régime de la taxation forfaitaire au tonnage afin que leur contribution soit au minimum égale à 15 % du bénéfice imposable au titre de l’impôt sur les sociétés, soit le taux auquel sont soumises les PME. Il s’agit, autrement dit, de plafonner l’avantage très important que les entreprises tirent de cette niche fiscale, qui est l’une des plus coûteuses pour les finances publiques : 5,6 milliards d’euros en 2023. En 2021, CMA-CGM n’a payé que 2 % d’impôt sur les 16 milliards de profits qu’elle a réalisés !

M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons tous approuvé la transposition de l’accord conclu dans le cadre de l’OCDE pour porter à 15 % le taux d'imposition minimale des multinationales. Mais, pour des raisons que j’ai déjà expliquées, les compagnies de transport maritime sont exclues du périmètre de cet accord. Je ne peux donc pas être favorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF936 de Mme Chantal Jourdan et I-CF953 de Mme Marianne Maximi

M. Philippe Brun (SOC). Je dois vous dire mon étonnement : si l’on s’en tient aux programmes de chacun des groupes parlementaires, l’encadrement, sinon la suppression de la taxe au tonnage aurait dû être adopté par notre commission à une majorité d’environ 60 %. En France, le lobbying a encore de beaux jours devant lui ! Force est de constater que le groupe CMA-CGM, qui a fait le siège du bureau de chaque parlementaire, a obtenu gain de cause. On peut se demander dans quelle mesure les mouvements politiques sont indépendants de ces mauvaises influences.

Quoi qu’il en soit, nous vous proposons, comme depuis plusieurs années, de taxer les superprofits des entreprises du transport maritime par une contribution additionnelle à celle que nous avons adoptée à l’article 12.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La création d’une taxe exceptionnelle sur les surprofits des compagnies de transport maritime est déjà l'objet de l'article 12. La contribution qu’il instaure est prévue pour deux ans, et son taux a été doublé par notre commission. Par ailleurs, le rendement de votre taxe serait faible car elle est assise sur les bénéfices imposables, calculés en appliquant le régime de taxation au tonnage. Ainsi, son produit ne devrait pas dépasser 150 millions alors que celui de la contribution exceptionnelle s’élève à 1,6 milliard sur deux ans. Reparlons-en donc dans deux ans. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). M. Brun a raison d’évoquer les risques du lobbying, mais il ne peut pas lancer des accusations en l’air. La position du Rassemblement national a toujours été la même : chaque année, nous proposons de taxer les surprofits, et à défaut de supprimer la niche fiscale. Nous n’aurions rien contre voter pour l’amendement de M. Brun, sauf qu’il rapporterait moins que la contribution de l’article 12. Nous avons soutenu l’amendement de Mme Arrighi qui a permis d’en doubler le taux, et nous avions déposé un amendement qui avait le même objet.

Il est donc difficile de nous soupçonner. La seule préoccupation du Rassemblement national est de taxer des surprofits très importants, dénoncés à juste titre par des collègues de bords différents, pour faire rentrer, dans les deux prochaines années, un maximum d’argent dans les caisses de l’État et le mettre au service du bien public. Notre seul souci, c’est l’efficacité. Du reste, j’ai indiqué publiquement, lors de la présentation de notre contre-budget, que si des surprofits étaient constatés malgré l’extension du dispositif, nous proposerions une nouvelle taxe ou la suppression de la niche fiscale.

Nous avons fait adopter un amendement de la gauche, et vous nous accusez d’être vendus à Saadé ! C’est dommage, et c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je souscris aux interrogations de M. Brun. Puisqu’on parle des investissements de M. Saadé, je pose la question : à quoi servent les superprofits qu’il a accumulés ? Notamment à acheter une chaîne de télévision, BFM TV, en faisant savoir qu’on ne pourrait pas forcément y parler librement des entreprises possédées par le même M. Saadé… Nous pouvons craindre que l’indépendance de la rédaction de la chaîne ne soit gravement remise en cause, comme le confirment les récents départs de journalistes.

Le fait que ces entreprises qui enregistrent des profits records les investissent dans les médias pour influer sur la fabrique de l’opinion publique doit nous conduire à nous interroger. Ces profits maximaux ne devraient-ils pas servir l’intérêt général plutôt que la diffusion des idées de leurs dirigeants et la défense de leurs intérêts dans la sphère politique et médiatique ?

M. le président Éric Coquerel. J’ajoute que le groupe a également acheté La Provence.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Face aux insinuations, nous assumons parfaitement notre indépendance.

La taxe au tonnage – qui est, du reste, une forme d’impôt de production, en l’absence de bénéfices – est indispensable pour préserver l’activité des entreprises concernées. Mais il est vrai que l’on peut s’interroger lorsque des bénéfices soumis à une taxation avantageuse remontent dans une holding pour être investis dans une activité différente. Le problème se pose, en fait, à l’échelle européenne, car il relève du régime des sociétés mères-filles, auquel nous devons nous intéresser. La taxe au tonnage est utile, mais elle ne doit pas être dévoyée.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF550 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement, qui va dans le sens d’une rationalisation de la logistique, vise à créer une taxe sur les livraisons à domicile dont seraient exonérées les livraisons dans les territoires ruraux et dans les points relais. Taxer les livraisons à domicile limiterait le trafic et l’émission de CO2 dans les villes, notamment en Île-de-France. La taxe serait affectée aux autorités organisatrices de la mobilité, en vue du financement des transports en commun. Cette mesure rationnelle alignerait la France sur les autres pays européens, où la livraison en point relais est beaucoup plus répandue et la livraison à domicile beaucoup moins.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les livraisons de colis provenant d'un pays tiers à l'Union européenne sont déjà taxées depuis 2021, en application d'une directive européenne. En outre, la taxe proposée serait répercutée sur les clients des plateformes, alors que pour certains, par exemple les personnes à mobilité réduite, la livraison est une nécessité.

Une telle taxe ne peut être décidée qu’à l'échelle de l'Union, comme cela a été le cas pour la première taxe de cette nature, sous peine de pénaliser les seules entreprises françaises, par exemple Leboncoin. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Eva Sas (EcoS). L’objet de cette taxe n’est que de créer un avantage en faveur de la livraison en point relais par rapport à la livraison à domicile, afin d’inciter les gens à choisir cette formule. C’est ce que font tous les autres pays européens, où la livraison en point relais est beaucoup plus importante. C’est rationnel car, avec la livraison à domicile, les chauffeurs passent plusieurs fois par jour, ce qui génère beaucoup plus de trafic et d’émissions de CO2. Ne serait-il pas possible de faire ce petit geste ?

La commission rejette l’amendement.

Article 13 : Précisions apportées au dispositif d’imposition minimale mondiale des groupes d’entreprises multinationales et des groupes nationaux

Amendement I-CF1868 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement très technique vise à interpeller le Gouvernement à propos des modalités de transposition des règles du pilier 2 dans notre droit national et de la potentielle contradiction entre certains éléments de l’article 13 du projet de loi de finances et le droit de l’Union européenne.

La mise en œuvre de l’accord sur l’impôt minimal mondial au sein de l’UE est prévue par la directive du 14 décembre 2022, qui a été transposée par l’article 33 de la loi de finances pour 2024. Postérieurement à l’adoption de cette directive, l’OCDE a régulièrement publié des instructions administratives visant à apporter des éclaircissements sur les modalités de mise en œuvre du système d’imposition minimale.

L’article 13 du présent projet de loi de finances transpose une partie de ces instructions, dont certaines ne figurent pas dans la directive et peuvent, dans certains cas, entrer en contradiction avec ses dispositions. L’interposition de la directive entre le droit national et les instructions administratives de l’OCDE entraîne par conséquent un conflit de normes, qui pourrait conduire la loi française soit à ne pas être à jour des derniers standards appliqués par nos partenaires pour calculer et prélever l’impôt minimal mondial, soit à s’écarter de la lettre de la directive du 14 décembre 2022.

Cet amendement vise donc supprimer les alinéas qui entrent en contradiction avec cette directive, à savoir ceux portant sur la notion de crédit d’impôt transférable, sur les modalités de calcul de la déduction fondée sur la substance au prorata du temps de travail et de la présence sur le territoire des personnels et des actifs corporels des entités constitutives, sur l’ajustement des charges de personnel et des actifs corporels d’une entité soumise à un régime de dividende déductible, sur la simplification des modalités de calcul du résultat qualifié des entités non significatives, et sur la prise en compte sur option des plus ou moins-values sur participations dans le résultat qualifié.

Nous avons le devoir de bien légiférer. À défaut, de nombreux recours pourraient être formulés et les dispositions conformes aux recommandations de l’OCDE mais non à la directive européenne seront annulées. Nous verrons lors de l’examen du texte en séance publique ce qu’en pense le Gouvernement.

M. Daniel Labaronne (EPR). Faut-il comprendre que cet amendement vise à mettre le droit français en conformité avec les préconisations de l’OCDE plutôt qu’avec celles de l’Union européenne ? En d’autres termes, existe-t-il une hiérarchie des normes qui placerait l’OCDE au-dessus de l’Europe ?

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le problème est précisément que le texte gouvernemental nous demande de transposer les recommandations de l’OCDE, qui, sur certains points, ne sont pas conformes au droit communautaire. L’amendement vise à supprimer les dispositions non conformes au droit communautaire ; nous les réajusterons si le droit communautaire évolue. Nous poserons la question en séance publique au Gouvernement, mais la sagesse est de nous caler sur le droit communautaire afin d’éviter des contentieux qui risquent d’être nombreux.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les explications du rapporteur général sont très claires mais, au-delà de la hiérarchie des normes, les suppressions proposées amoindrissent-elles le dispositif ? Que produirait, ou ne produirait pas, cette modification ?

M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut regretter que l’OCDE et l’Union européenne n’aient pas essayé d’harmoniser leurs positions, mais c’est aux directives européennes que notre droit doit être conforme. Quant à savoir si les dispositions que je propose de supprimer sont plus ou moins dures que le droit européen, c’est variable selon les alinéas. La question est difficile, mais il faut poser cette question juridique.

M. le président Éric Coquerel. Je précise que, bien que les deux amendements ne soient pas en discussion commune, le vote de celui-ci ferait tomber le suivant de M. Aurélien Le Coq.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous voterons pour cet amendement et contre l’article, car la transposition intègre un élargissement de crédits d’impôt auquel nous sommes opposés. Qui plus est, le taux prévu pour l’impôt mondial minimal est de 15 % alors qu’un début de consensus avait été trouvé, y compris avec les Américains, à 21 %, soit la moyenne dans les pays de l’OCDE. Ce sont le président Macron et l’ancien ministre de l’économie Bruno Le Maire qui ont soutenu la fixation d’un taux inférieur

La commission adopte l’amendement I-CF1868.

En conséquence, l’amendement I-CF1236 de M. Aurélien Le Coq tombe.

La commission adopte l’article 13 modifié.

Après l’article 13

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1079 de M. Jean-Luc Fugit et I-CF1050 de M. Gabriel Amard.

Amendements I-CF842 de M. Dominique Potier et I-CF661 de M. Benjamin Lucas-Lundy (discussion commune)

M. Laurent Baumel (SOC). L’amendement I-CF842, motivé par un souci de justice, propose un mécanisme pour inciter à la diminution des écarts de revenus. L’idée est qu’au-delà d’un écart de 1 à 12, les rémunérations et les cotisations qui y sont associées ne soient plus déductibles de l’impôt sur les sociétés. Qui peut en effet se prévaloir, quels que soient son mérite, son talent, ses études ou son parcours, de créer en un mois plus de richesses que quiconque en un an ?

M. Pouria Amirshahi (EcoS). L’écart moyen entre le salaire du PDG et le salaire moyen est passé de 64 à 97. La rémunération du PDG a augmenté en moyenne de 66 %, contre seulement 21 % pour celle des salariés. L’amendement I-CF661 vise donc à établir un budget plus juste et plus efficace socialement en comptant les rémunérations dépassant vingt fois les rémunérations les plus basses dans la base de calcul de l’impôt sur les sociétés. C’est une façon de poser clairement la question des écarts de salaire au sein de l’entreprise. Une bonne part des profits réalisés n’est pas réinvestie en augmentation des salaires : voici une incitation à le faire.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement pose un problème d’égalité des entreprises. Vous calculez en effet un rapport de 1 à 20 sur les plus bas salaires, mais il y a de grosses différences selon les entreprises. La déductibilité serait donc à géométrie variable.

Par ailleurs, la déductibilité est déjà encadrée : les rémunérations excessives ne sont pas admises – une règle qui est strictement appliquée pour les dirigeants – et les rémunérations alternatives font l’objet de dispositions spécifiques – les jetons de présence, par exemple, ne sont déductibles que dans la limite d’une fraction des rémunérations moyennes dans l’entreprise.

C’est pourquoi je vous suggère de retirer ces amendements pour les réécrire.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Dans la réalité, toutefois, les écarts de salaire de 1 à 20 n’existent pas dans les petites entreprises : ils s’observent d’abord dans les grandes entreprises, où ils sont creusés par les surrémunérations des dirigeants. Il est très rare, dans une PME une PMI, que des dirigeants gagnent vingt fois plus que le salaire le plus bas de leur entreprise.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Mais dans une société holding qui ne compte que des cadres percevant de hauts salaires, vous allez rendre déductibles tous les salaires ! La structure des salaires est très différente d’une entreprise à l’autre. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne suis pas favorable à de tels amendements. Je suis favorable à la propriété privée, à la liberté d’entreprise et à l’économie de marché, pas à l’économie administrée, aux prix planchers ni à l’encadrement des salaires. Je ne suis pas d’accord avec cette dérive vers la remise en cause d’un système d’économie de marché par l’immixtion de l’État dans la gestion des entreprises, ni à ce que la représentation nationale dicte la conduite des chefs d’entreprise.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1414 de Mme Christine Arrighi

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il vise à réviser les règles d’amortissement des véhicules de société thermiques et hybrides, avec des seuils décroissants en fonction des émissions de ces véhicules. Il s’agit de réduire une niche fiscale brune, d’un coût de 450 millions, en réduisant progressivement les plafonds de déduction maximale pour amortissement de ces véhicules de 20 % par an à partir de 2025, soit une suppression en 2029. Pour normaliser progressivement le régime d’amortissement des voitures électriques, il est proposé de réduire de 10 % par an le plafond d’amortissement pour ces véhicules, de 2026 à 2029. L’objectif est de favoriser les véhicules à très faibles émissions de dioxyde de carbone.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les plafonds sont plus élevés pour les véhicules dont les émissions sont faibles, et inversement. Vous interprétez ces dispositions comme une niche fiscale brune mais ce n'est pas le cas, car elles visent à exclure des charges déductibles certaines dépenses considérées comme somptuaires. La modulation des plafonds a été introduite comme un bonus-malus pour favoriser l'acquisition de véhicules à faibles émissions. Votre amendement veut approfondir cette logique, mais il va à l'encontre de la notion même de charges déductibles, car ces dernières sont liées aux charges exposées dans le cadre de la gestion normale de l'entreprise. Il est normal, pour les besoins de l'activité professionnelle, d'autoriser la déduction des véhicules de société. Je ne peux pas donner un avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1074 de M. Emmanuel Duplessy

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il vise à aligner la fiscalité applicable aux jets privés sur celle qui s’applique aux yachts et bateaux de plaisance. Quatre-vingt mille tonnes d’équivalent CO2 relâchées dans l’atmosphère, près de 11 millions de kilomètres parcourus, soit 272 fois tour de la Terre : ces chiffres impressionnants correspondent aux déplacements réalisés par cinquante jets privés français en l’espace d’une année seulement. Les avions d’affaires d’entreprises comme Axa ou Total, ou encore d’Artémis, la holding de la famille Pinault, ont chacun consommé en un an l’équivalent de quatre siècles d’empreinte carbone d’un Français moyen. On voit que certaines personnes sont complètement déconnectées et prennent l’avion comme d’autres le bus ou le métro. Elles polluent terriblement, car les vols en jet privé émettent dix fois plus de dioxyde de carbone que les vols en avion de ligne.

Les dépenses de toute nature liées à certains biens somptuaires, comme les yachts ou les bateaux de plaisance, sont déjà exclues des charges déductibles de l’assiette de l’impôt dû par les entreprises. Cet amendement vise à ajouter à cette liste les jets privés, à l’utilisation si néfaste à l’environnement. Conjuguant environnement et justice fiscale, cet amendement définit bien la position du groupe Écologiste et social.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans notre droit fiscal, sont déductibles les dépenses liées à l’exploitation de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle les yachts sont exclus : il n’est pas interdit à une société d’en acheter un, mais ce n’est pas déductible. Toutefois, les jets privés peuvent être utilisés à des fins professionnelles. Si l’on démontre que ce n’est pas le cas, les charges correspondantes ne seront pas déductibles. Il me paraît nécessaire de préserver cette cohérence de notre droit.

M. le président Éric Coquerel. Depuis hier, on trouve toujours une raison pour ne pas taxer les jets privés, qui sont pourtant, proportionnellement au nombre de passagers transportés, les engins les plus polluants qui soient. Ce n’est pas un très bon message.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La limite entre l’usage professionnel et l’usage privé est parfois floue et très propice à l’optimisation, comme on le voit pour de nombreux dispositifs fiscaux. Par ailleurs, il faut interpeller les dirigeants d’entreprises très fortunés : leur confort et la rapidité de leurs déplacements ne peuvent pas justifier de telles atteintes à l’environnement.

M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est aux inspecteurs des impôts de contrôler l’utilisation dans le cadre du contrôle fiscal, comme ils le font pour les automobiles : s’ils découvrent que vous utilisez votre véhicule professionnel pour aller en vacances, ils vous redresseront, car ces frais-là ne sont pas déductibles.

Mme Eva Sas (EcoS). Mais ce n’est pas parce que le déplacement est professionnel que tout est permis ! C’est tout de même un comportement climaticide ! Nous appelons à la rationalisation des émissions de CO2, y compris dans le cadre professionnel.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1276 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Il s’agit des JEIR, les jeunes entreprises d’innovation de rupture, qui sont des TPE et PME innovantes issues de nos laboratoires de recherche, souvent industrielles. Je rappelle à ce propos que 50 % de la création nette d’usines en France est issue des TPE et PME industrielles et innovantes, comme Quandela et Pasqal, qui font des ordinateurs quantiques, Naarea et Jimmy, dans le nucléaire de quatrième génération, Néolithe, qui transforme les déchets, ou Mycophyto, qui trouve des alternatives aux pesticides.

Ces JEIR subissent une double peine, car il est beaucoup plus long de recourir à la deep tech et à l’innovation, et parce qu’elles sont souvent lancées par des chercheurs qui, dans les premières années, s’y consacrent à temps partiel parallèlement à leur doctorat ou à leurs recherches. Elles perdent de ce fait plusieurs années d’aides par rapport aux JEI (jeunes entreprises innovantes) classiques. Il est donc proposé de porter de huit à douze ans la durée de l’aide qui leur est destinée, sachant que les trois ou quatre premières années ne sont généralement pas utilisées. Cette disposition est financée par d’autres amendements, dont certains ont déjà été votés.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. La loi de finances pour 2024 a déjà fortement assoupli le régime des jeunes entreprises en rehaussant les plafonds de l'IR-PME et le taux de réduction d'impôt pour les versements réalisés dans les JEI. Et vous voulez porter de huit à douze ans la durée de ces avantages ! Pensez que le tissu économique n’est pas fait que de JEI. Évaluons le dispositif avant de voir s’il faut le faire évoluer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1275 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Cet amendement de repli vise à limiter l’application de la mesure aux entreprises créées depuis le 1er janvier 2018. Il n’a donc pas de coût pour le budget pour 2025.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le coût de ce que nous avons voté dans la loi de finances de 2024 est de l’ordre de 200 millions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1274 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Cet autre amendement de repli tend à appliquer la mesure aux seules JEIR créées à compter du 1er janvier 2025, de telle sorte qu’elle n’aura pas de coût pour les huit prochaines années. Il s’agit, en revanche, d’un symbole très important. Il n’y a certes pas que des JEI, mais nous en avons besoin pour réindustrialiser le pays et réaliser la transition écologique – je ne citerai que Beyond Aero, qui fait des avions à hydrogène.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Mêmes motifs, même avis.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement I-CF207 de Mme Marie-Christine Dalloz est retiré.

Amendements I-CF857 et I-CF959 de Mme Marianne Maximi, et amendements identiques I-CF1291 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1431 de Mme Marianne Maximi, I-CF1831 de M. Boris Vallaud et I-CF1836 de Mme Eva Sas (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisque l’objectif est de trouver des sources de financement pour nos politiques publiques, nous vous en proposons une : la taxation sur les dividendes. En effet, un dividende ne sert pas à grand-chose, sinon enrichir quelques-uns, puisque 96 % de la masse versée sont captés par une infime partie de la population française. Or tout ce qui part en dividendes est autant d’argent qui ne va pas en augmentation de salaires, donc en consommation populaire, ni en investissements dans l’entreprise.

Ainsi, les dividendes ne servent finalement qu’à priver les entreprises et les salariés, qui ont produit la richesse, de l’argent qui leur est dû. L’amendement I-CF1857 vise à les taxer à hauteur de 10 %, récupérant ainsi 6,7 milliards pour les caisses de l’État. Voici donc remboursés celles et ceux qui pleuraient tout à l’heure en trouvant qu’il manquait trop d’argent.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement I-CF959 est un amendement de repli. La promesse du Président de la République de reprendre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat n’a, comme on le sait, pas été tenue. L’une de ces propositions était l’instauration d’une taxe de 4 % sur les dividendes, élargie au rachat d’actions. Or les entreprises du CAC40 ont distribué l’année dernière 107 milliards d’euros en dividendes et en rachat d’actions.

Il est déjà indécent de ne pas tenir ses promesses, mais ce l’est encore plus quand, dans le même temps, on supprime 4 000 postes d’enseignants, on retire le chèque énergie automatique et on coupe dans les moyens de l’hôpital. On peut demander un petit effort sur les dividendes : 4 %, ce n’est pas grand-chose !

M. Nicolas Sansu (GDR). La question des superdividendes a déjà été abordée dans les deux derniers PLF et un amendement de M. Mattei avait d’ailleurs été retenu à ce propos. L’amendement I-CF1291 vise faire payer les entreprises avant distribution des dividendes, et non pas les bénéficiaires de ces derniers. L’ensemble des groupes du Nouveau Front populaire proposent ainsi une taxe sur les superdividendes lorsque les revenus dépassent de 20 % la distribution des années antérieures.

Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement I-CF1831 vise lui aussi à instaurer une taxe exceptionnelle sur les superdividendes distribués par les grandes entreprises qui ont dépassé de 20 % la moyenne des dividendes distribués les cinq dernières années et qui réalisent plus de 1 milliard de chiffre d’affaires.

Les grandes entreprises françaises ont distribué à leurs actionnaires plus de 63 milliards l’an dernier, soit une hausse de 8,7 % par rapport à l’année précédente. Mais parfois, elles ne déclarent pas de bénéfices. TotalEnergies, par exemple, qui ne déclare pas de bénéfices en 2021, trouve malgré tout le moyen de verser 2,62 milliards d’euros de dividendes au titre d’un seul trimestre – soit, rapporté aux 550 000 actionnaires, une moyenne de 4 764 euros.

Mme Eva Sas (EcoS). Mon amendement identique tend à surtaxer à hauteur de 5 % les dividendes pour leur partie supérieure à 120 % de la moyenne des cinq années précédentes. Cet amendement très raisonnable est nécessaire dans cette période où nous avons besoin de recettes complémentaires pour redresser nos comptes publics. C’est mieux que de procéder à des coupes budgétaires dans les dépenses sociales et de mettre tout le monde à contribution. Cet amendement avait été adopté à l’initiative de Jean-Paul Mattei durant la législature précédente. Cette surtaxation des dividendes est le minimum qu’on puisse demander.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’invalidation par le Conseil constitutionnel, en 2017, de la taxe de 3 % sur les dividendes créée en 2012 par le gouvernement Ayrault a coûté 10 milliards, car il a fallu rembourser les entreprises. Il y a donc là un problème constitutionnel de conformité au droit européen.

Se pose également un problème économique. C’est un vieux débat : faut-il traiter différemment les bénéfices mis en réserve et les bénéfices distribués ? Toutes les thèses s’affrontent depuis vingt ou trente ans, la vôtre étant de privilégier les premiers sur les seconds. La mienne est plus équilibrée : il me semble que cela dépend des entreprises et qu’il est très difficile de légiférer à ce propos. Pour cette raison, avis défavorable à tous ces amendements.

M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je les défends. Sur le plan constitutionnel, l’interprétation est un peu abusive et je vous invite à vérifier ce qu’il en est lorsqu’il y aura des recours, sans quoi nous risquons de nous brider pour des raisons peu scientifiques.

Ces amendements sont vertueux, y compris pour les défenseurs de la politique de l’offre. Pour ces derniers, si l’on veut attirer les capitaux, qui deviendront de l’investissement, de l’emploi et de l’économie, il faut les avantager. Mais les avantages deviennent difficilement défendables lorsqu’ils favorisent exagérément l’enrichissement particulier du capital au moyen des dividendes. Même en admettant qu’ils rejailliraient sur l’économie, le fait est que les dividendes des entreprises du CAC40 ont été multipliés par deux depuis 2017, ce qui est bien plus par exemple que l’investissement. Taxer très raisonnablement les dividendes – ainsi que les superdividendes, c’est-à-dire ceux qui augmentent inconsidérément d’une année sur l’autre – sans pour autant pénaliser les profits me semble être un bon moyen préventif : peut-être ceux qui ne voudront pas être taxés commenceront-ils à mettre ces sommes en réserve ou les consacreront-ils à des investissements, plutôt que de les mettre dans leur poche.

Cette proposition, qui est en outre très rentable, me semble être, parmi toutes celles qui portent sur les superprofits, celle que nous devrions adopter.

M. Daniel Labaronne (EPR). Je suis très surpris d’entendre nos collègues mélenchonistes dire que les dividendes ne servent à rien. Allez dire cela à des épargnants, à des ménages français, à des retraités ou même à des salariés qui placent leur argent dans des plans d’épargne en actions ou des assurances vie pour préparer leur retraite ! Ces dividendes peuvent être une composante de leurs revenus, et donc de leur pouvoir d’achat.

Les dividendes sont aussi une prime de risque. On accepte de placer son argent dans des entreprises : si ça marche, on a des dividendes, sinon, on n’a plus que ses yeux pour pleurer. Faudrait-il instaurer une sorte de crédit d’impôt pour ceux qui placent leurs dividendes dans les entreprises quand cela ne marche pas ? Votre conception de l’économie est étonnante.

On peut évidemment encadrer les dividendes s’ils ne sont pas réinvestis ou servis sous forme de revenus à des épargnants ou des retraités, mais dire que les dividendes ne servent à rien, c’est vraiment le niveau zéro de la compréhension du fonctionnement de notre économie. Si un étudiant m’avait dit ça lorsque j’étais professeur d’économie, j’en aurais conclu que je ne lui avais rien appris.

M. le président Éric Coquerel. Les dividendes ne servent pas à rien, ils servent à enrichir la rente capitaliste – mais on peut contester cette utilité.

Par ailleurs, monsieur Labaronne, je rappelle que les dix premiers actionnaires du CAC40 possèdent environ 30 % des actions : cela relativise un peu l’argument selon lequel l’augmentation des dividendes profiterait aux petits actionnaires.

M. Nicolas Sansu (GDR). Monsieur Labaronne, je ne vois pas de risque majeur à investir dans un plan d’assurance vie. En outre, même s’il y a des risques, il pleut tout de même toujours où c’est mouillé : 93 % des revenus des dividendes reviennent à 0,1 % des ménages.

Par ailleurs, s’il est évidemment vrai, monsieur le rapporteur général, qu’il y avait en 2012 un problème constitutionnel, nous en sommes maintenant à la flat tax, et non plus aux revenus de dividendes barémisés. Le risque n’est pas le même.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Puisque mon nom a été cité, je dois dire que ce type d’amendement me semblait plus pertinent en 2022 qu’aujourd’hui, car il n’est pas certain que, compte tenu de la situation économique, nous aurons beaucoup de superdividendes à distribuer. Quoi qu’il en soit, l’idée était de se demander, au moment de la distribution des dividendes, si les bénéfices seraient mis en réserve ou distribués – car, monsieur le rapporteur général, ce qui est mis en réserve, c’est un bénéfice ; un dividende, c’est ce qui sort. Cela étant dit, il est tout à fait normal que les actionnaires soient rémunérés – et heureusement.

Je rappelle, même si nous ne savons pas ce qu’il adviendra de cette mesure, que nous avons adopté hier une augmentation très raisonnable, de 3 points, du taux de la flat tax. Il faudrait aussi voir comment s’articule la question des superdividendes avec la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus : n’y aura-t-il pas un effet d’écrasement ? J’assume donc pleinement le principe de s’intéresser aux superdividendes, mais il ne faudrait pas entraîner des effets négatifs sur les autres mesures prévues dans ce PLF.

M. Matthias Renault (RN). Nous avons déjà eu cette discussion à propos de l’amendement I-CF603 de M. Philippe Brun après l’article 3, qui reprenait l’amendement Mattei de 2023 et qui a été adopté. Évitons de débattre deux fois du même sujet.

M. Philippe Brun (SOC). Il ne s’agit pas tout à fait de la même chose. L’amendement « ex-Mattei » que nous avons adopté avant-hier portait sur l’impôt sur le revenu ; ceux dont nous parlons concernent l’IS.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1538 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Le régime des sociétés mère-fille est un dispositif cohérent lorsque les dividendes sont distribués au sein d’un groupe dont les sociétés sont soumises à des taux identiques d’impôt sur les sociétés, mais il ne l’est pas lorsque les dividendes reçus proviennent de pays où les taux d’impôt sur les sociétés sont nettement plus bas qu’en France. Il permet aux entreprises concernées d’échapper à 24 milliards d’euros d’impôt chaque année. Il s’agit de la principale niche fiscale existante, représentant deux tiers du rendement actuel de l’impôt sur les sociétés.

Je propose de limiter le jeu des déductions de bases imposables pour la réintégration des résultats des filiales étrangères, en cantonnant le dispositif aux pays de l’Union européenne, en instaurant, pour les pays hors UE et les flux concernés, un mécanisme de crédits d’impôt qui restreindra les déductions fiscales, et en plafonnant ces crédits d’impôts.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le régime mère-fille n’est pas une dépense fiscale, il vise à éviter les doubles impositions : le remettre en cause, c’est prendre le risque de taxer deux fois les flux.

Votre amendement va en réalité surtout concerner les entreprises, dont de très nombreuses PME et ETI, qui ont des filiales au Royaume-Uni, au Maghreb, aux États-Unis, au Canada ou au Japon. Des milliers d’entreprises françaises qui avaient réussi à se développer à l’international et à investir en seront lourdement pénalisées. C’est un effet pervers de votre proposition, certes suffisamment prudente pour exclure les relations intraeuropéennes, pour ne pas buter sur la directive communautaire.

Pour ces raisons, l’amendement ne me paraît pas très adapté.

M. le président Éric Coquerel. Dans le cadre de notre mission d’information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, Jean-René Cazeneuve et moi-même étions arrivés à la conclusion que la différenciation fiscale en fonction de la taille – au profit des grandes entreprises – existait, mais était moins marquée qu’à une certaine époque. La vraie différence concerne les entreprises multinationales, qui peuvent jouer de leurs filiales, de leurs holdings et de divers dispositifs pour payer beaucoup moins d’impôts que les entreprises françaises.

La commission adopte l’amendement I-CF1538.

Amendement I-CF913 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Il s’agit là aussi de durcir la fiscalité sur les holdings, utilisées par les grandes multinationales pour défiscaliser massivement leurs bénéfices grâce au régime des sociétés mère-fille. Ces entreprises développent des réseaux de filiales à l’étranger dont les bénéfices sont artificiellement déplacés vers une holding, souvent implantée dans un paradis fiscal, ce qui permet qu’ils ne soient pas taxés. C’est un immense braquage dont les premières victimes sont les salariés, qui produisent en bout de chaîne une valeur qu’ils ne voient jamais puisqu’elle s’évade vers les îles Caïman par exemple. Grâce à ces montages, des multinationales profitent de la main-d’œuvre d’États où elles ne paient pas d’impôts. Nous demandons donc que le régime mère-fille ne soit plus applicable aux holdings.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le phénomène d’optimisation fiscale que vous décrivez est bien réel ; nous devons certainement réfléchir à la manière de l’encadrer et de le limiter. Mais votre amendement n’est pas conforme au droit européen. Si nous l’adoptions, nous ne pourrions l’appliquer aux entreprises qui ont des filiales dans d’autres pays de l’Union européenne et le Conseil constitutionnel finirait par annuler la mesure pour rupture d’égalité devant les charges publiques.

Par ailleurs, vous ne visez que les holdings bancaires alors que l’essentiel du problème provient des holdings familiales ou patrimoniales.

Je vous suggère de retirer l’amendement afin de le retravailler d’ici à la séance.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). À entendre ce que répètent en boucle certains collègues, on croirait que l’évasion fiscale est autorisée en France. Si la France est un paradis fiscal, comme vous le dites, pourquoi les entreprises y pratiqueraient-elles l’optimisation que vous dénoncez ? En réalité, les profits n’échappent pas à l’impôt : ceux réalisés en France sont taxés en France. Quant aux dividendes, ils sont taxés puisqu’ils ont été soumis à l’impôt sur les sociétés. Et s’ils ne sont pas distribués mais versés à une holding, que celle-ci se situe en France ou à l’étranger ne change rien à la fiscalité applicable.

Depuis sept ans, nous avons beaucoup développé la lutte contre la fraude. Je salue à ce propos le travail des services de Bercy, ainsi que les efforts faits dans le cadre de l’OCDE. Le rapport d’information cité par le président témoigne de ces progrès. La fraude fiscale diminue dans le monde, et c’est une très bonne chose.

M. Nicolas Sansu (GDR). Mais quand on multiplie les dispositifs comme le Dutreil, le démembrement et le versement des dividendes à des holdings familiales situées dans des paradis fiscaux, on pratique bien une optimisation agressive qui s’apparente à de la fraude fiscale.

M. Gérault Verny (UDR). La transmission d’une entreprise n’a rien à voir avec la taxation de certains dividendes ou de certains profits.

Une holding est une société qui détient une société fille, notamment dans le but de consolider la propriété de plusieurs entreprises pour des raisons de simplification. Cela a été dit, les résultats des sociétés filles sont systématiquement taxés ; c’est même le cas de la remontée des dividendes de la société fille à la société mère, en France ou à l’étranger. Tant que l’argent reste dans la holding, je ne vois pas le problème : cela permet de réinvestir les sommes – et si elles sont distribuées, elles sont fiscalisées.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF522 de M. Hendrik Davi et I-CF967 de M. David Guiraud

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Un rapport sénatorial a montré que 80 % des créations d’emploi en recherche et développement se faisaient dans des entreprises de moins de 500 salariés. Pourtant, cinquante grands groupes captent à eux seuls la moitié du CIR (crédit d’impôt recherche).

Avec la transformation du CICE en baisse de cotisations, le CIR est devenu en 2024 la première dépense fiscale du budget de l’État, son coût s’élevant à 7,7 milliards d’euros par an – pour des résultats très discutables. Un rapport de France Stratégie publié le 1er juin 2021 démontre son inefficacité.

Pour Sanofi, dont le directeur général déclarait pendant la pandémie que son vaccin bénéficierait en priorité aux États-Unis, le CIR représente plus de 1 milliard d’euros au cours des dix dernières années. Pourtant, la société a multiplié les plans massifs de licenciement, touchant 1 000 postes en France, dont 400 de chercheurs. C’était aussi le deuxième distributeur de dividendes du CAC40 en 2020, avec 4,8 milliards.

Notre amendement vise à supprimer cette niche inutile et coûteuse. Il faut remettre entièrement à plat le financement de la recherche et développement.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il est évident que le crédit d’impôt recherche, première niche fiscale en France, doit être revu. France Stratégie – rattaché au Premier ministre – estime que son impact est faible, notamment dans les grandes entreprises, bien que les cinquante plus grosses en captent près de 50 %.

Alors que l’on demande aux Français et aux petites entreprises de justifier la moindre aide perçue, Sanofi se prend 1 milliard de CIR en dix ans et supprime la moitié de ses postes de chercheurs, sans compter les choix stratégiques qui le conduisent à liquider à l’étranger des fleurons comme le Doliprane ! C’est injuste et cela doit nous alerter.

Il faut donc faire en sorte que le bénéfice du CIR aille aux plus petites entreprises, qui en ont besoin, plutôt qu’à un grand groupe qui en profite pour verser 4 milliards de dividendes à ses actionnaires.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faut lire les rapports correctement. Ce que dit celui de France Stratégie publié le 1er juin 2021 n’est pas que le CIR est inefficace, mais qu’il est plus efficace pour les petites et moyennes entreprises que pour les grandes. Le rapport n’en conclut pas qu’une limitation du CIR ne s’y traduira pas par une réduction de la recherche et de l’innovation.

Le CIR fait tout de même l’objet d’une adhésion globale des différents groupes politiques. Il n’est pas parfait : quelques amendements tenteront d’ailleurs de le recalibrer. Mais il serait excessif de dire qu’il est totalement inutile. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Pierre Henriet (HOR). Le crédit d’impôt recherche fait la preuve de son efficacité dans beaucoup d’entreprises. Il faut effectivement améliorer son ciblage, mais en veillant à le préserver en particulier au profit des PME. Mickaël Bouloux et moi, qui sommes vos corapporteurs spéciaux du budget de la recherche, défendrons plus tard un amendement ICF344 tendant à lui appliquer un plafond de 100 millions d’euros. C’est une mesure d’équilibre qui ne nuirait pas à l’objectif du CIR – doter nos entreprises de chercheurs de haut calibre.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Mon groupe votera également contre les amendements qui tendent à supprimer purement et simplement le crédit d’impôt recherche. En tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission Remboursements et dégrèvements, je le vois évoluer et j’ai travaillé sur le sujet avec Francis Chouat en 2021, dans le cadre du rapport sur l’application de la loi fiscale du rapporteur général Laurent Saint-Martin ; nous défendrons d’ailleurs des amendements issus de ce travail. La suppression du CIR pour toutes les entreprises serait une grave erreur, car il est intéressant, notamment, pour les TPE et PME.

M. David Amiel (EPR). Ce que dit le rapport de France Stratégie – comme celui du Conseil d’analyse économique – est très éloigné de l’utilisation qui en est faite par nos collègues. Un exemple : « la réforme du CIR a eu des effets positifs et statistiquement significatifs sur les activités de R&D et le chiffre d’affaires ».

Il est vrai que les effets du CIR sont beaucoup plus forts sur les PME que sur les grandes entreprises. Il faut dire que le dispositif a été pensé à une époque où le taux d’impôt sur les sociétés était très élevé, pour favoriser l’attractivité et l’investissement au niveau des grandes entreprises. Il serait déraisonnable de le réduire alors que nous avons décidé d’augmenter considérablement leur taux d’IS pour les années à venir. Nous parlons d’entreprises internationalisées, qui font un choix entre différents pays pour localiser leurs sites industriels, de développement et de recherche.

M. le président Éric Coquerel. Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires propose tout de même des pistes de profondes réformes. Nous y reviendrons.

M. Nicolas Sansu (GDR). Le CIR peut être très intéressant pour les TPE et PME, voire pour les ETI. Il l’est aussi pour les multinationales, mais il faudrait le calibrer, cibler ses bénéficiaires et l’encadrer. En effet, son montant a plus que doublé en quelques années : le chien s’est échappé de la niche, jusqu’où ira-t-il ? En outre, des représentants de la DGFIP (direction générale des finances publiques) m’ont dit en audition ne pas réussir à le contrôler du fait du caractère uniquement déclaratif du dispositif.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF500 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie

M. Kévin Mauvieux (RN). C’est très bien de soutenir les entreprises dans les domaines de la recherche, de l’innovation et de l’investissement, sauf si on devient le dindon de la farce. Nous proposons que les entreprises qui ont bénéficié du CIR soient tenues de rembourser le montant perçu lors des trois précédents exercices fiscaux en cas de délocalisation, et ne puissent y prétendre pendant les trois exercices suivants. Le CIR doit être subordonné au fait de rester en France, d’y investir et d’en faire bénéficier le pays.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement est contreproductif : il découragera les entreprises innovantes de s’installer en France en les exposant au risque de devoir rembourser l’intégralité des créances de CIR perçues à l’échelle du groupe si l’un de leurs établissements ferme – quand bien même elles ouvriraient par ailleurs un nouveau site en France dans le même temps.

En outre, le CIR est octroyé en fonction des dépenses de recherche : si l’entreprise diminue son activité en France, le montant auquel elle a droit baissera.

Une réforme du CIR est nécessaire, mais plutôt sous la forme d’une révision de son assiette et peut-être de son taux. Avis défavorable.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). La boîte de Pandore fiscale est ouverte ! Mais notre pays a besoin de stabilité fiscale. Pourquoi une entreprise installerait-elle en France ses activités de recherche si elle est menacée de devoir un jour rembourser son crédit d’impôt au motif qu’elle aurait délocalisé une partie de son activité ? Vous vivez dans un monde dénué de toute dimension concurrentielle. Le crédit d’impôt recherche est un avantage compétitif pour le territoire national. S’il est aussi coûteux pour les finances publiques, c’est d’abord parce que notre coût du travail est beaucoup plus élevé qu’ailleurs, mais aussi parce que notre productivité est plus faible. En agissant sur ces deux facteurs de production, peut-être pourrons-nous nous passer in fine de ce type de crédit d’impôt.

M. le président Éric Coquerel. La productivité française n’est pas inférieure à celle des autres pays. Nous ne sommes pas de mauvais élèves du point de vue du taux de productivité par personne en état de travailler. Un travailleur français est plus productif qu’un travailleur allemand. Arrêtez ce déclinisme !

M. Kévin Mauvieux (RN). Si je l’ai bien compris, M. le rapporteur général craint que la mesure que nous proposons ne dissuade des entreprises de venir s’installer en France, de peur de devoir rembourser un avantage fiscal si elles délocalisent après en avoir profité. Mais c’est exactement ce que nous voulons : éviter que des entreprises ne repartent deux ans après leur arrivée, après avoir profité de l’argent des Français ! Ce n’est pas ainsi que notre économie pourra structurellement se redresser : il n’y aura que des installations conjoncturelles.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce que cherchent les entreprises, c’est la stabilité du système. Une entreprise peut être obligée de fermer un laboratoire, non par plaisir, mais en raison de graves difficultés ou d’évolutions technologiques. Si elle sait que, dans cette éventualité, elle devra rembourser le CIR sur trois ans, elle n’est pas incitée à venir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1287 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Nous proposons un CIR à la source pour les jeunes entreprises innovantes.

M. le rapporteur général me dira qu’il n’y a pas que les JEI dans la vie, mais les TPEPME innovantes sont le premier moteur de création d’emplois en France : si nous voulons le plein emploi, nous avons besoin d’elles. Or une des difficultés du CIR, très bon dispositif par ailleurs, est que les entreprises le touchent avec un an de décalage, voire deux ou trois. L’idée est que les JEI puissent en bénéficier dès l’année en cours, afin de pouvoir anticiper d’un an la création d’emplois. Il ne s’agit donc pas d’un coût supplémentaire, même si la mesure aurait évidemment un impact sur la trésorerie de l’État.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les JEI bénéficient déjà du remboursement immédiat du CIR, alors que les autres entreprises ne sont remboursées qu’au bout de trois ans.

Votre amendement pose également un problème opérationnel : il implique de verser le CIR avant la clôture de l’exercice et avant la constatation de la créance. Il créera ainsi de la complexité en obligeant les entreprises à rembourser les trop-perçus d’une année sur l’autre.

Non, il n’y a pas que les JEI dans la vie, on ne peut pas déroger pour elles à toutes les règles. Elles ont déjà beaucoup d’avantages. Restons-en là et voyons déjà ce qu’ils donnent.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Cet amendement est frappé au coin du bon sens. Il s’agit, en la réduisant à un petit nombre d’entreprises, d’expérimenter une mesure que nous avons appliquée à d’autres crédits d’impôt, comme celui sur les services à la personne : on perçoit une avance de trésorerie alors que l’impôt sur le revenu n’est pas liquidé.

Monsieur Sansu, il n’est pas possible que quiconque à la DGFIP vous ait dit que le CIR n’était pas contrôlé. Il l’est évidemment.

D’ailleurs, la restriction de l’amendement aux JEI est une garantie contre le risque de fraude que l’on pourrait associer à un versement anticipé du CIR.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il y a bel et bien un problème dans les opérations de contrôle de la DGFIP. D’abord, les moyens humains manquent – hélas, vous les réduisez de budget en budget. Surtout, il y a un problème de compétences dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Ce n’est pas la même chose d’être compétent en matière fiscale et de l’être concernant la recherche en pharmacologie ou dans l’énergie. Par exemple, c’est le Centre national du cinéma qui juge s’il est légitime de soutenir un projet d’innovation et de recherche cinématographique : il est compétent pour cela. Mais pour le CIR, comme il s’agit d’entreprises, on ferme les yeux : elles font forcément des choses passionnantes ! Il n’y a pas d’administrations de contrôle qui aient la compétence nécessaire en interne. Redonnons à la DGFIP les moyens de contrôler les comptes et confions aux administrations thématiques le soin de vérifier le contenu de la recherche et de l’innovation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1265 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Les émeutes qui ont eu lieu cette année en NouvelleCalédonie ont très gravement endommagé le tissu économique de l’île. Il faut maintenant reconstruire. Nous proposons d’appliquer à la Nouvelle-Calédonie le taux de réduction d’impôt majoré déjà appliqué en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, pour accroître l’attractivité du territoire auprès des entrepreneurs comme des investisseurs.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons déjà examiné des amendements de ce type. La situation particulière qui fait suite aux émeutes en Nouvelle-Calédonie relève davantage d’aides budgétaires que d’un tel dispositif. Le Gouvernement a d’ailleurs inscrit un certain nombre de crédits pour aider à la reconstruction. Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Nous sommes en profond désaccord : vous souhaitez que l’État aide ; je propose une réduction d’impôt pour éviter cette aide. C’est une différence de vision de la société. Baissez les taxes et vous verrez que l’État aura moins besoin d’aider l’activité économique.

La commission adopte l’amendement I-CF1265.

Amendements identiques I-CF288 de M. Moerani Frébault et I-CF298 de M. Nicolas Metzdorf

M. Moerani Frébault (EPR). Notre amendement confirme l’éligibilité des panneaux photovoltaïques aux dispositifs de défiscalisation destinés aux logements sociaux ultramarins  un pas décisif vers notre objectif de 100 % d’électricité renouvelable d’ici à 2030 dans les outre-mer.

Le logement en outre-mer fait face à une crise structurelle, alors que les besoins augmentent. Les coûts de construction et d’entretien n’étant pas suffisamment pris en compte, beaucoup de bailleurs renoncent à des équipements essentiels, dont les panneaux photovoltaïques, à cause de leur incertitude quant à leur éligibilité au dispositif de défiscalisation. En votant l’amendement I-CF288, nous les inciterons à adopter des solutions d’énergie renouvelable.

Ce mécanisme ne présente aucun effet d’aubaine possible, étant réservé aux bailleurs sociaux pour leur autoconsommation, à l’image de ce qui a été fait l’an dernier pour le secteur productif.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Depuis le 1er janvier 2024, ces investissements sont éligibles au dispositif, au titre de l’article 199 undecies B du code général des impôts concernant les investissements productifs outre-mer, lorsque l’exploitant en affecte au moins 80 % à l’autoconsommation. Les amendements créeraient ainsi une mesure doublon, de surcroît avec des conditions encore plus souples. Avis défavorable.

La commission adopte les amendements.

Amendements I-CF1326 et I-CF1328 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Parmi toutes les dépenses fiscales bénéficiant au logement locatif social, une seule n’est pas liée à l’activité de construction des bailleurs sociaux et bénéficie à l’ensemble des acteurs, y compris aux organismes investissant peu ou pas du tout : l’exonération d’impôt sur les sociétés. L’Agence nationale de contrôle du logement social signale que les deux tiers des organismes ne prennent pas la part qu’on peut attendre d’eux dans la construction neuve au regard de leur poids dans le parc actuel. L’exonération d’IS, qui vise à renforcer les fonds propres pour stimuler l’investissement, n’atteint donc pas son objectif initial.

L’amendement I-CF1326 tend par conséquent à supprimer l’exonération d’IS pour les bailleurs sociaux, tandis que le I-CF1328 vise à la faire dépendre de résultats en matière de construction.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exonération d’IS au profit des bailleurs sociaux représente environ 800 millions par an. La contrepartie en était la construction de logements.

La situation des bailleurs sociaux étant très variable, je suis défavorable à votre premier amendement.

En revanche, le second propose une piste intéressante : recycler ces 800 millions pour aider ceux des bailleurs qui investissent le plus dans les zones les plus difficiles. J’y suis plutôt favorable, en le considérant comme un amendement d’appel au Gouvernement. Tout avantage fiscal doit avoir une contrepartie d’intérêt général. Des organismes de logeurs qui n’investissent pratiquement plus – parfois pour de bonnes raisons, d’ailleurs – ne devraient pas continuer à bénéficier de l’exonération. Plusieurs rapports ont du reste soulevé le problème.

La commission rejette l’amendement I-CF1326 et adopte l’amendement I-CF1328.

Amendements I-CF948 de M. Éric Coquerel et I-CF11 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous proposons la création d’un impôt universel ciblant les multinationales pour contrecarrer leurs différentes stratégies d’évitement de l’impôt.

Je ne comprends vraiment pas pourquoi le bloc présidentiel refuse de combattre l’évasion fiscale, qui coûte jusqu’à 100 milliards par an selon certains chiffrages. Pire, vous coupez dans les moyens de combattre l’évasion fiscale : le prochain budget prévoit de supprimer 550 postes à la DGFIP, qui a déjà perdu 25 % de ses effectifs depuis sa création en 2008.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement contrevient à l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France, lesquelles, rappelons-le, ont une valeur supérieure à la loi.

Tout d’abord, le principe de territorialité de l’IS suppose de n’imposer que les bénéfices réalisés en France ; les bénéfices réalisés à l’étranger sont imposés par d’autres États.

Il est par ailleurs tout à fait possible que la répartition du bénéfice d’une entreprise soit décorrélée de la répartition de son chiffre d’affaires : on peut être bénéficiaire dans un pays et déficitaire dans un autre. Tout dépend de la localisation des charges et de la répartition des activités les plus rentables.

En outre, pour appréhender les bénéfices sous-imposés des grandes entreprises à l’étranger, il existe le pilier 2, que nous avons transposé en France l’an dernier. Il n’est pas parfait, loin de là, mais il est plus opérationnel. C’est sur ce sujet que notre commission devrait concentrer ses travaux. Défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement, qui me semble très pertinent, est issu de travaux de Gabriel Zucman, qu’il a présentés récemment au Parlement européen. Le cas de TotalEnergies illustre bien le problème auquel nous sommes confrontés : il y a quelques années, on a constaté que le groupe n’avait payé aucun impôt en France pendant deux ans alors même qu’il y réalisait un quart de son chiffre d’affaires. La plupart du temps, les entreprises déclarent leurs bénéfices dans des pays appliquant une fiscalité privilégiée. Cela engendre un coût estimé à 36 milliards annuels pour notre pays ; 40 % des profits des multinationales seraient ainsi délocalisés dans des paradis fiscaux, notamment par une utilisation abusive, ou du moins difficilement corrigeable, des prix de transfert.

Gabriel Zucman propose que l’entreprise paye ce qu’il appelle un « déficit fiscal » au pays où elle réalise une partie de son chiffre d’affaires ; ainsi, si elle réalise 10 % de ses ventes en France, elle devra s’acquitter de l’impôt sur les sociétés sur 10 % des bénéfices qu’elle déclare dans des pays à fiscalité privilégiée. On pourrait ainsi récupérer 26 milliards. C’est un des amendements les plus rentables en matière de lutte contre l’optimisation fiscale abusive.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Madame Maximi, nous ne sommes pas opposés à la lutte contre l’évasion fiscale ; en revanche, nous refusons la spoliation fiscale.

Il est indécent, non seulement à notre égard, ce qui n’est pas très grave, mais surtout à l’endroit des agents de la DGFIP, de prétendre que nous n’avons rien fait pour lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. Quinze milliards d’euros issus de la fraude ont été récupérés l’an dernier.

Vous évoquez les suppressions de postes, mais elles sont liées aux réformes d’ampleur qui ont été menées, en particulier le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d’habitation.

Pour revenir à l’amendement, imaginons que l’ensemble des pays développés décident d’agir de même : quel bénéfice nous resterait-il à taxer ? Cet amendement est totalement décorrélé de la réalité. Il ne prend pas en considération l’existence de conventions fiscales empêchant, fort heureusement, la double imposition.

M. Charles de Courson, rapporteur général. TotalEnergies réalise effectivement 25 % de son chiffre d’affaires consolidé en France, par le biais de deux activités : la distribution de carburants, qui lui procure, comme à tous ses concurrents, un revenu de 1 à 2 centimes par litre ; et la raffinerie, qui est déficitaire, pour des raisons étrangères au prix de transfert – un accord conclu entre Total et l’administration fiscale prévoit que les prix de transfert sont calés sur les prix de marché.

M. Pouyanné nous a expliqué que les bénéfices du groupe, qui, il y a deux ans, avaient franchi la barre des 20 milliards, provenaient en grande partie des pays dans lesquels TotalEnergies produit le pétrole. Toutefois, les États en question imposent les entreprises pétrolières à des taux bien supérieurs à ceux que l’on applique en France : ils sont souvent de l’ordre de 50 % et peuvent aller jusqu’à 75 %. Dans le cas de TotalEnergies, le chiffre d’affaires n’est en rien corrélé au bénéfice réalisé et, par conséquent, cela ne me paraît pas être un bon critère. Il faut plutôt suivre, à mon sens, l’approche de l’OCDE, dont on pourra peut-être s’inspirer, un jour lointain, pour la fiscalité des particuliers.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Lefèvre, il ne s’agit pas de mettre en cause la qualité du travail des agents de Bercy mais d’écouter ce qu’ils nous disent. Face à des entreprises qui emploient à prix d’or des avocats fiscalistes et des techniciens dotés d’une grande expertise, ils se sentent souvent en état d’infériorité. Dans ces domaines qui réclament des compétences très pointues, l’administration a toujours un train de retard. Le fait que TotalEnergies soit assis sur la puissance française a une forte incidence sur son implantation à l’international, singulièrement en Afrique, et sur le chiffre d’affaires qu’il réalise en France et en dehors de nos frontières. Il faut en tenir compte, et non se fonder sur son chiffre d’affaires stricto sensu. Il y a en effet un décalage important, qui n’est pas acceptable, entre la taxation et cette réalité. La taxe proposée permettrait de rééquilibrer quelque peu les choses.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Décidément, vous n’aimez pas les entreprises ! Quand je vois l’accumulation de taxes et de propos dirigés contre elles, je m’inquiète. Il va falloir que vous choisissiez : vous ne pouvez pas taper toute la journée sur les entreprises et, dès qu’un risque de délocalisation apparaît, vous précipiter pour soutenir les salariés sur les piquets de grève.

Bien sûr qu’il faut lutter contre l’évasion fiscale : je rappelle que c’est nous qui avons soutenu l’impôt minimum mondial élaboré par l’OCDE et toutes les initiatives en faveur de la transparence. Ces dernières, en particulier les exigences de publication pesant sur les grandes entreprises, se sont traduites par des obligations d’une ampleur considérable qui n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient il y a cinq ans ni même trois.

Bien sûr aussi que le prix de transfert constitue un enjeu, mais celui pratiqué par TotalEnergies, comme par toutes les grandes entreprises, est contrôlé chaque année. C’est d’autant plus facile dans le cas d’une entreprise pétrolière que ce sont les cours instantanés qui déterminent les prix de transfert. Le prix du baril de brent étant public, l’entreprise ne peut pas tricher.

Vous intentez un procès permanent aux entreprises, surtout lorsqu’elles réussissent.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Cazeneuve, je ne résume pas l’intérêt de l’entreprise à celui de ses actionnaires : il faut aussi prendre en compte l’intérêt des salariés, qui produisent les richesses.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pour rester au même niveau de finesse, je vous dirais, monsieur Cazeneuve, ainsi qu’à vos amis macronistes, que pour votre part, vous n’aimez pas la justice !

On a tout de même pu constater votre échec, après vos grands discours sur la lutte contre la fraude, l’optimisation et l’évasion fiscale. Vous avez fait une loi avec M. Darmanin, et l’année dernière, M. Attal nous a refait un plan. Mais en réalité, vous n’avez pas voulu appliquer les mesures fortes qui auraient permis de mettre un coup de frein à l’évasion et à la fraude fiscale.

On nous oppose souvent les conventions fiscales internationales qui, il est vrai, peuvent constituer un obstacle. Alors évaluons-les, l’une après l’autre, pour déterminer si l’on a intérêt à les conserver en l’état ou s’il faut les remettre en cause, dans le cas où elles ne font que freiner la lutte contre la fraude fiscale.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Une convention fiscale bilatérale est le fruit d’une négociation entre deux pays. On ne peut la faire évoluer que si l’on se met d’accord au préalable. Nous avons de grands principes, comme l’absence de double imposition. Par conséquent, lorsqu’une entreprise disposant d’un établissement stable dans un pays y paie l’impôt, on ne peut exiger d’elle le versement d’un impôt complémentaire – on peut éventuellement lui demander une compensation. En tout état de cause, il est très compliqué de modifier les conventions internationales.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons ces amendements. Même s’ils ne sont pas parfaits techniquement, ils témoignent d’un travail qui doit être salué.

Nicolas Dupont-Aignan et Alain Bocquet avaient élaboré une proposition de cette nature il y a dix ans. Depuis lors, le travail n’a pas été fait. Cela n’a rien à voir avec le fait d’aimer ou de ne pas aimer les entreprises. Lorsque je travaillais chez General Electric, le groupe avait à New York une division de 6 000 employés dédiée exclusivement à l’optimisation fiscale dans tous les pays où il était présent. Il ne s’agissait en rien de créer des usines, de concevoir des produits ni d’aider les ingénieurs, mais de gagner de l’argent – en truandant peutêtre, mais sans créer la moindre valeur.

Il faut parfois protéger les puissances de l’argent contre leur envie d’en faire toujours plus. L’hubris, en la matière, détruit le capitalisme. L’éthique du capitalisme, c’est l’épargne et sa bonne gestion dans le temps. La destruction sous nos yeux de Boeing devrait tout de même vous inquiéter : c’est une entreprise qui avait une capacité phénoménale d’innovation et de création de produits de qualité, et qui s’est détruite de l’intérieur par passion triste pour l’argent.

La commission adopte l’amendement I-CF948.

En conséquence, l’amendement I-CF11 tombe.

Amendement I-CF983 de M. Éric Coquerel

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il s’agit d’établir une véritable taxe sur les Gafa, les géants du numérique, après l’échec de celle de Bruno Le Maire. Comme l’indique le rapport d’information d’Éric Coquerel et de Jean-René Cazeneuve sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, « la taxe sur les activités numériques des entreprises mise en place en 2019 reste peu efficace, vu qu’elle s’applique tout autant aux entreprises françaises qui payaient déjà leurs impôts, comme Leboncoin, qu’aux Gafa – en plus d’avoir une portée bien trop réduite et de ne traiter le souci de l’évitement fiscal qu’en surface. » Les Gafa, qui sont devenus des champions du monde de l’évitement fiscal, seraient parfaitement en mesure de s’acquitter de cette taxe. De fait, ils sont souvent en situation de monopole ; cela a permis à Amazon, par exemple, d’augmenter le prix de ses abonnements de 80 % en deux ans.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à créer la notion complexe d’établissement stable virtuel pour imposer en France les profits des géants du numérique. En première analyse, il me semble inopérant de vouloir consacrer l’établissement stable virtuel en droit national si l’on ne renégocie pas les conventions fiscales internationales avec nos partenaires. En outre, le pilier 1 de l’OCDE, en cours de négociation, propose une solution plus opérationnelle, qui permettrait de réattribuer des droits à imposer selon les ventes des acteurs du numérique. L’avenir de ces discussions dépend du résultat de l’élection américaine. En attendant, nous pouvons relever le taux de la taxe Gafa existante, dont le rendement atteindra tout de même 756 millions en 2024. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1260 de M. François Ruffin, I-CF939 de Mme Marianne Maximi et I-CF12 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Une série de dispositifs permet aux plus grandes fortunes d’échapper à l’impôt et à ce qu’elles doivent à la collectivité. Ainsi, les impôts personnels sont progressifs jusqu’à 600 000 euros ; au-delà, il existe diverses possibilités d’y échapper, au point qu’ils deviennent régressifs. Ainsi, les 378 ménages les plus riches ne paient que 2 % d’impôt sur leur revenu. Au-delà de 600 000 euros, les détenteurs de grandes fortunes effectuent divers placements, investissent dans des sociétés, parfois des holdings, pour échapper au taux de 59 % d’impôt sur le revenu et se voir appliquer le taux de 25 % de l’impôt sur les sociétés. En outre, ils se servent des biens acquis par ces sociétés pour couvrir leurs frais personnels, comme nous l’avons vu tout à l’heure à propos des jets.

À défaut d’une réforme fiscale globale, qui rendrait le système plus juste grâce à la création de nouvelles tranches, nous proposons, par l’amendement I-CF1260, d’augmenter le taux de la quote-part pour frais et charges afin de contraindre les hauts revenus à contribuer au financement de la collectivité, conformément aux principes de la Déclaration des droits de 1789.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF12 a également pour objet d’augmenter la quote-part de frais et charges sur les remontées de dividendes opérées dans le cadre du régime mère-fille. Il vise notamment les holdings familiales, qui posent le plus de problèmes. Lorsqu’une filiale verse un dividende de 100 000 euros à la société mère holding, cette dernière n’est imposée que sur 5 000 euros, ce qui représente, au taux de 15 %, un impôt de 750 euros. Celui-ci s’élèverait à 25 000 euros si l’on était dans le cadre de l’IS normal. Cela explique le gonflement des patrimoines. De nombreux travaux ont dénoncé ce système. Nous l’avions pointé du doigt, avec Jean-Paul Mattei, dans notre rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine. La mesure proposée limiterait l’évitement de l’impôt.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La quote-part de frais et charges est de 5 %, ou 1 % dans les groupes intégrés. L’amendement I-CF1260 vise à porter ces taux à 30 et 60 %, ce qui est vertigineux, et les amendements suivants, à 10 % et 6 ou 5 %.

Le phénomène d’optimisation fiscale que vous décrivez est bien réel, mais vos amendements ne sont pas conformes au droit européen. L’article 4 de la directive mère-fille interdit qu’une quote-part de plus de 5 % soit prélevée sur les distributions opérées entre sociétés établies dans l’Union européenne. Si nous adoptions l’un de ces amendements, nous ne pourrions donc appliquer la majoration des taux aux entreprises ayant des filiales dans d’autres pays de l’Union européenne et le Conseil constitutionnel serait immanquablement saisi par un contribuable invoquant l’atteinte au principe d’égalité. En effet, il existerait deux régimes : un régime intraeuropéen, où s’appliqueraient les taux de 5 et 1 %, et un autre où les taux s’élèveraient à 30 et 60 %. Avis défavorable.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais la question ne se poserait pas si les précédents gouvernements avaient entrepris une réforme fiscale qui, par la création de nouvelles tranches d’imposition, aurait rendu l’impôt plus progressif. L’impôt serait alors justement réparti en fonction de la capacité contributive de chacun.

La possibilité d’effectuer des placements dans des sociétés, parfois des holdings, permet d’échapper à l’impôt et entretient une forme de confusion entre les dépenses professionnelles et personnelles. Le passage de 1 à 60 % peut effectivement paraître impressionnant, mais cela ne représenterait in fine qu’un impôt de 7,5 %, qui plus est pour des contribuables qui ont largement la possibilité de s’en acquitter – j’ajouterai qu’ils en ont le devoir. Si cet amendement ne recueillait pas votre vote, je considérerais les deux autres comme des amendements de repli.

M. Nicolas Sansu (GDR). Il faut trouver le moyen d’encadrer le régime mère-fille, qui est l’un des dispositifs d’optimisation fiscale les plus importants. Les sommes en jeu s’élèvent, selon la DGFIP, à 30 milliards d’euros. On ne peut accepter que de tels montants échappent à l’imposition de droit commun et que le budget de l’État soit grevé de la sorte. Je vous invite à chercher une solution pour que l’on puisse lancer le débat sur cette question.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je partage la position du rapporteur général : ces propositions se heurtent au droit européen, qui autorise un taux maximal de 5 %. La France applique d’ailleurs ce taux maximal.

Cette question doit être traitée avec nos partenaires européens. Il serait justifié de faire passer le taux de la quote-part de 5 à 10 %, ce qui se traduirait par une taxation de 2,5 % – un taux raisonnable, surtout compte tenu de la baisse de l’IS. Cela étant, les holdings sont nécessaires au développement de notre tissu économique. Elles peuvent par exemple permettre le rachat d’entreprises. Le système de l’intégration fiscale pourrait peut-être évoluer, avec la participation salariale, mais cela ne peut se faire qu’au niveau européen.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF832 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Cet amendement, qui est issu d’une proposition de l’Inspection générale des finances (IGF), vise à supprimer la déduction des investissements productifs réalisés dans les départements et collectivités d’outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent ces investissements. L’efficacité de cette niche fiscale n’est pas connue et, en tout état de cause, très peu d’entreprises en bénéficient.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L'IGF souligne en effet que ce dispositif connaît une désaffection croissante. Cela étant, on dénombre encore un millier de bénéficiaires de cette déduction, qui est par conséquent toujours utile. La sagesse commanderait d’approfondir cette question et de chercher des dispositifs plus efficaces dans les collectivités d’outre-mer. En attendant, supprimer ce dispositif sans disposer d’un outil de substitution me paraîtrait peu prudent. Demande de retrait.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Nous sommes pleinement dans notre rôle, à la commission des finances, lorsque nous nous efforçons de supprimer des niches fiscales. L’ancien rapporteur général formule une proposition sur la base d’un rapport de l’IGF parfaitement détaillé. Si vous jugez la mesure trop brutale, appliquons-la à compter du 1er janvier 2025.

Les niches fiscales ne sont pas pérennes par nature, et n’ont pas à être systématiquement remplacées par des incitations budgétaires. Si elles sont inefficaces, nous devons assumer la décision de les supprimer.

M. Matthias Renault (RN). Cette niche fait partie d’un ensemble de cinq dépenses fiscales qui constituent l’héritage des lois Pons, Girardin et Perben et qui sont destinées à favoriser l’investissement productif outre-mer. Ce régime fiscal, qui avait ses défauts, a été considérablement raboté. Le dispositif que vous visez est le miroir d’autres dispositions relatives à l’impôt sur le revenu, lesquelles constituent la principale dépense fiscale en faveur de l’investissement outre-mer. Je crains qu’avec cet amendement, vous n’envoyiez un signal de détricotage des trois lois précitées et que, par la suite, vous ne vous attaquiez à l’exonération fiscale sur l’IR.

M. Nicolas Sansu (GDR). Peut-être cette niche est-elle inefficace, mais lorsqu’il s’agit du crédit d’impôt recherche ou du régime mère-fille, vous refusez d’y toucher ! Il faut être un peu cohérent. Il ne s’agit pas du tout des mêmes montants, et la suppression de cet avantage fiscal constituerait un très mauvais signal pour nos compatriotes d’outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF942 de M. Éric Coquerel, I-CF214 de M. Emmanuel Maurel, ICF943 de M. Éric Coquerel et I-CF944 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement I-CF942 veut rendre l’impôt sur les sociétés progressif, à l’instar de l’impôt sur le revenu. Cet objectif devrait recueillir l’assentiment d’une majorité d’entre nous. En effet, vous êtes nombreuses et nombreux ici à vous préoccuper du sort des petites entreprises, qui sont bien souvent soumises à un taux d’imposition supérieur à celui qui s’applique aux grandes ou aux très grandes entreprises. Nous proposons, dans un but de justice fiscale, que les plus petites paient moins et que les plus grandes, qui sont capables de verser des dividendes considérables – 107 milliards l’année dernière –, s’acquittent d’une contribution supérieure.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF214 vise, de la même façon, à instaurer un IS progressif. Nous proposons d’aller du taux réduit de 15 % jusqu’à un taux maximal de 33,3 %.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Par l’amendement I-CF943, nous vous proposons un mécanisme concret et vertueux consistant à moduler l’IS en fonction de l’usage qui est fait des bénéfices. L’impôt serait plus ou moins élevé selon que ces derniers sont intégralement reversés sous forme de dividendes ou majoritairement employés pour effectuer des investissements et recruter – comme le font les petites entreprises. Ce serait une mesure de justice.

M. Charles de Courson, rapporteur général. L’institution d’un barème progressif de l’impôt sur les sociétés est-elle fondée, et quelles en seraient les conséquences ? On pourrait dire que le barème est déjà progressif, puisqu’il comporte deux tranches, aux taux de 15 et de 25 %. Mais il est vrai que le plafond de la tranche à 15 % est bas – on n’y a d’ailleurs pas touché lorsqu’on a diminué le taux normal.

Les dispositions que vous proposez entraîneraient une rupture d’égalité entre les groupes intégrés, qui constituent une unique structure juridique, et ceux qui ont un grand nombre de filiales. Elles pourraient même conduire le Conseil constitutionnel à estimer qu’une entreprise unique réalisant un très gros chiffre d’affaires est moins bien traitée qu’une autre entreprise ayant filialisé.

En outre, la France, si elle les appliquait, se trouverait dans une situation tout à fait distincte de celle de ses voisins. Cela nous ferait courir un risque de délocalisation ou d’optimisation fiscale.

L’institution du taux de 15 % a été inspirée par un objectif comparable au vôtre, mais cela a été fait avec une extrême modération puisque le seuil à partir duquel on passe à 25 % est faible.

Par ailleurs, l’idée selon laquelle, par nature, la mise en réserve des bénéfices serait bonne et leur distribution sous forme de dividendes, mauvaise ne me semble pas pertinente. Il est logique qu’une entreprise mature ayant peu de projets d’investissement distribue des dividendes. En revanche, des sociétés, jeunes ou anciennes, qui ont des plans ambitieux d’investissement versent beaucoup moins, voire pas du tout de dividendes. Les stratégies de distribution sont extraordinairement variées.

Ces propositions, si elles sont intellectuellement intéressantes, se heurtent à la réalité. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF914 de M. Aurélien Le Coq

M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer la niche Copé, au sujet de laquelle nous avons des débats passionnés depuis des années.

Avant l’entrée en vigueur de ce dispositif, beaucoup d’entreprises réalisaient leurs plus-values à l’étranger, notamment en Belgique, où les plus-values ne sont pas taxées. La niche Copé a permis de rapatrier les plus-values en France – c’est pourquoi certains disent qu’elle coûte, et d’autres qu’elle rapporte. Ce qui est certain, c’est que supprimer ce dispositif créerait un biais fiscal important en faveur des dividendes. Une société mère qui détient une filiale privilégierait en effet la remontée des bénéfices par le versement de dividendes plutôt que par une plus-value. Autrement dit, les entreprises se livreraient à de l’optimisation fiscale. D’ailleurs, la majorité des pays de l’OCDE disposent d’un régime similaire. Le supprimer ferait de nous une exception dans un sens défavorable à nos entreprises. Avis défavorable

M. le président Éric Coquerel. C’est une des niches fiscales dont le coût est le plus élevé. En 2019, Éric Woerth l’évaluait à 5 milliards par an. Compte tenu de l’envolée boursière, il a dû exploser depuis. Je doute que ses bénéfices excèdent son coût. C’est le genre de niches qu’il conviendrait de supprimer, d’autant plus à un moment où l’on cherche à réduire les déficits. À tout le moins, il faudrait la remettre à plat.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous travaillons nous-mêmes à un dispositif qui limiterait le coût de la niche Copé tout en lui faisant produire des effets positifs pour l’économie. De façon générale, dans ce PLF, nous considérons une multitude de mesures une par une alors que nous aurions besoin d’une réforme générale de la taxation du capital et des niches. En multipliant les votes, quel que soit le bien-fondé de chaque mesure prise isolément, nous créons un problème de cohérence globale et risquons de réduire l’attractivité de la France. Il me paraîtrait intéressant que la commission des finances travaille sur une réforme générale au cours des mois à venir.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). J’ai déposé un amendement destiné à augmenter légèrement la quote-part de frais et charges. Lorsqu’une entreprise cède des titres de participation, elle est taxée, dans le cadre de la niche Copé, à un taux de 3 %. Il y a quelques années, avec Émilie Cariou, nous avions fait adopter un amendement qui visait à relever légèrement ce taux, compte tenu de la baisse de l’impôt sur les sociétés. En effet, l’IS étant passé de 33,3 à 25 %, la taxation, dans le cadre de la niche Copé, a été ramenée de 4 à 3 %.

Cela étant, je partage le point de vue de M. Tanguy : il faut regarder les choses globalement. Lorsqu’une entreprise cède un élément d’actif, en dehors des titres, elle est soumise à l’IS. Il y a là un traitement différencié, qui peut toutefois se justifier par certaines contraintes, en particulier le fait que, lorsqu’une entreprise rachète un titre, elle ne peut pas l’amortir. Bref il y a sur ces sujets très techniques un équilibre qui ne peut être trouvé que par une réflexion globale.

La commission rejette l’amendement.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du vendredi 18 octobre 2024 à 9 heures

 

Présents. - M. David Amiel, M. Pouria Amirshahi, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Eddy Casterman, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Sandra Delannoy, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fernandes, M. Marc de Fleurian, M. Emmanuel Fouquart, M. Moerani Frébault, Mme Félicie Gérard, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Corentin Le Fur, M. Jérôme Legavre, Mme Christine Loir, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Paul Midy, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, Mme Lisette Pollet, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth

Excusés. - Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Tjibaou

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cazeneuve, M. Inaki Echaniz, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Taillé-Polian