Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) 2
– Information relative à la commission................55
– présences en réunion...........................56
Vendredi
18 octobre 2024
Séance de 14 heures 30
Compte rendu n° 021
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel, Président
puis de
Mme Véronique Louwagie, Vice-présidente
puis de
M. Éric Coquerel, Président
— 1 —
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
Après l’article 13 (suite)
Amendements I-CF1540 de M. Philippe Brun et I-CF1808 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Mon amendement vise à moduler la niche dite Copé, qui permet aux holdings de bénéficier d’un taux préférentiel sur les plus-values à long terme tirées de cessions de titres de sociétés. Je propose de maintenir le taux actuel de la quote-part pour frais et charges financières (QPFC) devant être réintégrée dans le résultat fiscal en deçà de 1 million d’euros, mais de le fixer à 20 % au-delà̀. Les plus-values à long terme seraient ainsi soumises à un taux d’impôt sur les sociétés (IS) de 10 %, ce qui permettrait à la fois d’imposer davantage les grandes opérations et de préserver les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME).
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je propose de porter la QPFC de 12 % à 16 %, pour tenir compte de la baisse du taux d’IS décidée en 2022, dont je me félicite. Les plus-values tirées de cessions de titres de holdings seraient ainsi taxées à 4 %, contre 3 % actuellement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Augmenter la quote-part de frais et charges appliquée dans le cadre du dispositif Copé induirait un biais important : une société mère pourrait être tentée de distribuer les bénéfices de ses filiales en versant des dividendes plutôt que de réaliser une plus-value.
En outre, la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) appliquent un régime similaire au dispositif Copé. Il faut donc veiller à ce que des groupes ne soient pas incités à réaliser leurs plus-values à l’étranger, en cédant leurs titres de participation à prix coûtant. Je suis donc réservé quant à ces amendements.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je m’étonne de vous entendre suggérer qu’il serait possible de faire de l'optimisation fiscale en cédant des titres à des prix réduits : ceux-ci doivent systématiquement être vendus à leur valeur vénale.
Une société qui cède des actifs est assujettie à l’IS, à hauteur de 25 %, alors qu’une société qui cède des titres ne paie que 3 % au titre de la QPFC. Au vu de cet écart important, porter le taux d’imposition à 4 % ne me semble pas constituer un effort extraordinaire et apporterait un peu de justice. Un amendement similaire avait d’ailleurs déjà été adopté il y a quelques années, avant d’être supprimé dans le cadre de la navette parlementaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En tout état de cause, s’il faut adopter l’un des deux amendements, mieux vaut le vôtre que celui de M. Brun.
La commission rejette l’amendement I-CF1540 et adopte l’amendement I-CF1808.
Amendements I-CF601 de M. Philippe Brun et I-CF1819 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Je propose de réduire l’imposition des PME par rapport à celle des grands groupes. Comme les travaux de notre président, Éric Coquerel, l’ont montré, du fait des déductions dont les entreprises peuvent bénéficier, le taux implicite d’impôt sur les sociétés s’établit à 39 % pour les PME, contre 18 % pour les grandes entreprises.
Les sociétés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions d’euros payent un taux d’IS de 15 %, dans la limite de 42 500 euros de bénéfices imposables. Nous proposons de porter ce plafond à 100 000 euros. Les PME bénéficieraient ainsi d’une première tranche élargie à un taux d’IS réduit. Ce serait un premier pas vers le rétablissement de la justice fiscale pour les entreprises.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le taux d’IS réduit est en effet un bon outil pour soutenir les petites entreprises. Je propose pour ma part de relever le plafond à 60 000 euros. S’il est difficile de chiffrer le coût de cette mesure, qui devra peut-être être équilibrée par des recettes complémentaires, j’estime qu’elle inciterait de nombreuses entreprises à opter pour l’IS – je songe notamment aux entreprises individuelles, auxquelles cette possibilité est ouverte depuis février 2022 – et favoriserait l’activité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Lorsque le taux de l’IS a été abaissé de 33,3 % à 25 %, nous étions nombreux à estimer que le taux réduit de 15 % aurait dû diminuer dans la même proportion. Cela n’a pas été le cas. Le seuil à compter duquel les bénéfices sont taxés à 25 % n’a pas été révisé non plus.
C’est ce deuxième problème que vous vous efforcez de traiter. J’y serais tout à fait favorable si la question du financement ne se posait pas. Le taux réduit de 15 % coûte actuellement 2,8 milliards d’euros. L’amendement de notre collègue Brun créerait une dépense fiscale d’environ 2 milliards, contre 800 voire 900 millions pour celui de M. Mattei. Si nous souhaitons améliorer le dispositif, commençons donc par adopter ce dernier.
M. le président Éric Coquerel. Je suis un peu réservé quant à ces amendements. L’idée d’appliquer un IS progressif selon la taille des entreprises, en baissant l’impôt des TPE-PME tout en augmentant celui des multinationales, me semblait intéressante. Ici, en revanche, il s’agit simplement de baisser l'impôt dont s’acquittent les petites entreprises. Or tous les propriétaires de PME ne sont pas nécessairement vertueux et étrangers à toute stratégie d’optimisation ou de défiscalisation, notamment s’ils possèdent plusieurs sociétés : ce n’est pas parce qu’une entreprise est de taille modeste qu’elle paye mécaniquement un niveau d’impôt conforme à sa production et à la richesse créée. Je m’abstiendrai donc sur ces amendements qui visent à alléger les impôts des PME de façon indifférenciée.
M. Philippe Brun (SOC). Ce projet de loi de finances (PLF) alourdit, bien qu’insuffisamment à nos yeux, la charge fiscale des grandes entreprises. Nous avons d’ailleurs sauvé l’article 11, que l’ex-majorité présidentielle voulait supprimer. Il me semblerait juste que nous allégions dans le même temps la charge qui pèse sur les PME. Il n’est pas acceptable que ces dernières soient assassinées d’impôts comme elles le sont aujourd'hui. J’assume totalement que nous, députés de gauche, défendions les artisans et les commerçants, qui travaillent toute leur vie et supportent un niveau d’impôt très élevé par rapport aux grands groupes. Vous aurez donc compris que cet amendement est probusiness…
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je veux rassurer nos collègues : en adoptant l’amendement de M. Mattei, nous permettrions aux PME concernées de payer 1 750 euros d’IS en moins. Ce montant me semble très modéré.
Pour répondre à la préoccupation exprimée par M. le président, nous pourrions décider, au-delà d’un certain niveau de bénéfice, d’appliquer le taux de 25 % dès le premier euro, ce qui serait négligeable pour les grandes entreprises. Peut-être faut-il étudier cette solution.
M. David Amiel (EPR). Je me réjouis de voir certains de nos collègues de gauche faire un pas vers la social-démocratie. Je partage l’objectif de ces amendements : la non-indexation des barèmes de l’IS sur l’inflation, notamment celui du taux réduit, pose problème. J’appelle toutefois ceux qui entendent ainsi protéger les TPE-PME à faire preuve de la même vigilance quand il sera question des hausses de charges prévues dans le PLFSS, qui pèseront très lourdement sur les entrepreneurs de toutes tailles. Le groupe EPR soutiendra en tout cas l’amendement de M. Mattei, moins coûteux, même s’il faudra l’affiner en séance.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le plafond des bénéfices éligibles au taux réduit d’IR n’a presque pas varié depuis 2002 : s’il avait été seulement indexé sur l’inflation, il serait bien plus élevé que celui que nous proposons. Nous suggérons d’ailleurs, dans le même temps, de baisser le plafond de bénéfices donnant accès au régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) de 77 700 à 50 000 euros, afin d’inciter davantage d’entreprises à opter pour l’IS et à tenir une comptabilité. Cet amendement nous semble donc de nature à générer de nouvelles recettes fiscales, tout en améliorant la clarté des comptes des entreprises.
La commission rejette l’amendement I-CF601 et adopte l’amendement I-CF1819.
Amendements I-CF957 de Mme Marianne Maximi et I-CF858 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Comment justifier que, dans une entreprise, un salarié gagne plus de vingt fois ce que gagne un autre ? Qui apporte plus de vingt fois la richesse produite par un autre salarié ? Personne. Ces écarts de salaire faramineux n’ont aucun sens et ne font que renforcer les injustices. Et que dire de M. Pouyanné, patron de TotalEnergies, qui touche 7,33 millions d’euros, soit 450 fois le Smic, ou du PDG de Teleperformance, qui perçoit 1 484 fois le salaire moyen dans son entreprise ?
Afin de limiter les écarts de salaire, nous proposons d’augmenter le taux d’IS pour les entreprises où ils excèdent un ratio de 1 à 20 – ou, à défaut, de 1 à 50 dans l’amendement de repli. C’est une question de justice.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’outil que vous proposez n’est pas le bon. Dès lors qu’un président de groupe n’est pas forcément rémunéré par la seule société mère mais peut l’être aussi par ses filiales, les entreprises n’ayant pas filialisé leurs activités subiraient en quelque sorte une distorsion de concurrence. Pour réduire les écarts de salaire, il faut adopter une tout autre approche et éventuellement réformer le droit commercial, par exemple en prévoyant que les conseils d'administration ne peuvent pas fixer la rémunération de leurs dirigeants au-delà d’un certain niveau. Une augmentation du taux de l’IS ne me semble pas pertinente, d’où mon avis défavorable.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je rappelle que 65 % des salariés de TotalEnergies participent au capital de l’entreprise : ils détiennent 11 milliards d’euros de capital et ont touché 525 millions en dividendes en 2023. Toucher aux dividendes, c’est donc nuire au pouvoir d’achat des salariés qui en bénéficient.
Par ailleurs, d’après les chiffres de l’Insee, si l’écart entre les revenus des 10 % de Français les plus aisés et ceux des 10 % les plus modestes est de dix-huit avant redistribution, il est réduit à sept après paiement des cotisations sociales et des impôts, et même à trois une fois pris en compte les services publics dont nos concitoyens bénéficient gratuitement. Ce ratio fait de notre système l’un des plus redistributifs et des moins inégalitaires parmi les pays développés.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). La mesure s’appliquerait-elle également aux clubs de football ?
M. le président Éric Coquerel. Pour rappel, elle est défendue par la Confédération européenne des syndicats (CES), à laquelle appartient par exemple la CFDT et d’autres syndicats qu’on ne saurait taxer de radicalisme.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1095 de Mme Marianne Maximi et I-CF958 de Mme Aurélien Le Coq.
Amendement I-CF255 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). L’animation est un domaine d’excellence française : parmi les dix plus grandes écoles du monde dans ce secteur, trois sont françaises, dont celle des Gobelins, et notre pays accueille de grands studios, comme Fortiche production, à l’origine de la série Arcane. Alors que les coûts de développement sont de plus en plus élevés – jusqu’à 100 000 euros pour produire une minute de film ou de série –, le crédit d’impôt audiovisuel reste plafonné à 3 000 euros par minute produite. Pour assurer l'attractivité de la France dans un secteur d’activité par ailleurs en crise, je propose de le porter à 10 000 euros par minute.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le coût du crédit d'impôt audiovisuel s'élève à 140 millions d'euros. Son taux, de 20 %, est majoré à 25 % pour les œuvres audiovisuelles d'animation. Les aides versées par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), automatiques pour les trois quarts, représentent déjà plus de 400 millions annuels. Compte tenu de la dynamique de ces dépenses, la Cour des comptes recommande d’évaluer le crédit d'impôt audiovisuel, ce qui n’a pas encore été fait. Cette niche a d’ailleurs été créée lorsque le taux d'IS s'établissait à 33,33 %. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je profite de l’occasion pour exprimer mon soutien aux salariés d’Ubisoft en grève.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1104 de M. Steevy Gustave
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à porter de 20 % à 40 % le taux du crédit d’impôt pour les productions cinématographiques et audiovisuelles réalisées en outre-mer. Les territoires des océans Atlantique et Indien sont en effet confrontés à un surcoût de 20 %, qui atteint même 30 % pour les collectivités du Pacifique, d'après le rapport de nos anciens collègues Stéphane Claireaux et Maina Sage. Il s’agit d’atténuer ces surcoûts, ce qui permettrait aussi de redynamiser les territoires concernés, très touchés par le chômage.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je l’ai dit, le crédit d'impôt audiovisuel coûte déjà 140 millions d'euros. Le CNC propose également des aides sélectives pour les œuvres présentant un intérêt culturel pour les départements d'outre-mer. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF574, I-CF573 et I-CF575 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)
M. Mickaël Bouloux (SOC). Il s’agit de favoriser l’utilisation du vélo en permettant aux entreprises de mettre des flottes de vélos à disposition de leurs salariés. L’amendement le mieux-disant prévoit d’indiquer clairement que ces derniers peuvent utiliser ledit vélo autrement qu’entre leur domicile et leur travail. Les trois amendements visent par ailleurs à prolonger le dispositif existant.
Inciter les entreprises à proposer des flottes de vélos est à la fois bon pour la planète, bon pour la santé et bon pour le pouvoir d'achat des salariés – utiliser son vélo plutôt que sa voiture pour se rendre au travail peut permettre d’économiser plusieurs centaines d’euros par mois. Renforcer le dispositif existant ne permettra pas de résoudre toutes les difficultés, mais constituerait néanmoins une avancée intéressante.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez de proroger la réduction d’impôt dont bénéficient les entreprises mettant à disposition des vélos jusqu’en 2030, de l'étendre aux cas dans lesquels les vélos ne sont pas utilisés entre le domicile et le travail, d’étendre la réduction d’impôt aux entreprises qui louent les vélos pendant au moins deux ans – contre trois ans actuellement –, et de porter le taux de la réduction d’impôt de 25 % à 30 % du prix d'achat de la flotte.
La loi de finances pour 2024 a déjà prorogé la réduction d’impôt jusqu’en 2027. Attendons donc d’évaluer le dispositif avant de le prolonger davantage. L’étendre aux vélos qui ne sont pas utilisés entre le domicile et le travail constituerait ensuite un détournement de la réduction d’impôt. Enfin, le taux de 25 % me semble déjà très incitatif, d’autant que les entreprises disposent d'autres outils, comme le forfait mobilités durables et le fonds mobilités actives. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF488 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). Dans le cadre du dernier Printemps de l’évaluation, j’ai conduit une étude sur le crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV), dont j’ai tiré une série d’amendements.
Le premier vise à allonger de trois à cinq ans la période d’accompagnement par ce crédit d’impôt pour les jeux vidéo dont le budget excède 5 millions d’euros. Alors que la France développe de plus en plus de jeux vidéo de très grande qualité – dits AAA –, un délai de trente-six mois n’est pas toujours suffisant au vu de leur technicité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On ne peut pas accroître sans cesse le soutien à certains secteurs d’activité au détriment des autres. Pourquoi l’industrie audiovisuelle serait-elle davantage privilégiée que l'industrie textile ou automobile ?
Dans la mesure où une grosse production coûte en moyenne 100 millions d’euros, votre amendement concernerait en réalité la grande majorité des jeux : ce que vous présentez comme une exception deviendrait la règle. Les jeux vidéo les plus complexes, dont le budget dépasse 10 millions d'euros, bénéficient en outre déjà d'un délai allongé de soixante-douze mois. Ne modifions pas les règles avant d’avoir évalué le dispositif.
M. Denis Masséglia (EPR). Je n’oppose pas les secteurs industriels : nous voulons tous encourager l’ensemble des activités, quelles qu’elles soient.
Je précise que les développeurs ne bénéficient pas du crédit d’impôt pendant soixante-douze mois : ils peuvent simplement choisir les trois exercices au titre desquels ils souhaitent le percevoir, sur une période de six ans maximum. Je propose qu’ils puissent le toucher pendant cinq ans. L’existence d’un plafond par structure permet en outre de centrer l’accompagnement sur des entreprises dont le chiffre d’affaires est relativement faible.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF495 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). L’industrie du jeu vidéo se transforme : de plus en plus souvent, un jeu continue d’être développé même après son lancement sur le marché – c’est le concept du game as a service, le jeu vidéo en tant que service. Dans ces cas, il convient, sous réserve d’un agrément du CNC, de poursuivre l’accompagnement financier pendant deux ans après le lancement – au-delà, il ne revient plus à l’État d’assumer une partie des coûts liés au développement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le crédit d'impôt jeux vidéo est la colonne vertébrale du soutien à la filière et a permis de nombreux succès. Votre idée est intéressante mais les besoins d'un studio de développement ne sont pas forcément les mêmes avant et après la mise sur le marché. Je ne suis donc pas certain que la prolongation de l'octroi du crédit d'impôt soit une mesure bien calibrée, le dispositif existant étant déjà assez généreux, puisqu’il porte sur 30 % des dépenses engagées dans la limite de 6 millions d’euros par exercice.
Si un agrément provisoire complémentaire était créé, il faudrait adapter l'aide allouée à l'entreprise, afin de garantir l'efficience de cet outil et d’en limiter le coût. Je vous propose de retirer votre amendement et de le modifier d’ici la séance. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF493 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). Pour bénéficier du crédit d’impôt, le développeur présente un prototype au CNC afin d’obtenir un agrément. Ce temps de préparation, souvent très long, peut mettre en péril certains studios. Je propose donc, tout en conservant la durée actuelle d’octroi du crédit d’impôt, de permettre aux studios qui en font la demande d’en bénéficier dès six mois avant l'obtention de l’agrément.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il ressort de vos propres travaux que la prise en compte des dépenses de prototypage n'est pas la règle chez nos voisins – seule l'Allemagne le fait, en accordant des taux de subvention inférieurs à ceux applicables en France. Cette mesure serait en outre de nature à renchérir fortement le coût du crédit d'impôt. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je remercie M. Masséglia pour cette série d’amendements. Si je ne le rejoins pas sur toutes les solutions qu’il propose, il a le mérite de souligner l'importance du secteur du jeu vidéo, qui fait partie des fleurons français et doit être soutenu au même titre que l'industrie cinématographique, et de proposer des mesures très précises, adaptées à la manière dont se développe concrètement un jeu. Je voterai pour cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF486 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia (EPR). Les jeux vidéo AAA présentent des coûts de développement supérieurs à 100 millions d’euros. Plusieurs studios français, ayant atteint le plafond du crédit d’impôt, s’interrogent sur l’opportunité de poursuivre le développement en France plutôt que de le sous-traiter. Je propose donc de porter ce plafond de 6 millions à 10 millions d’euros.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez une hausse d’environ 40 %, dont la nécessité n'est pas démontrée puisque, comme vous le soulignez vous-même, la plupart des entreprises bénéficiant du crédit d'impôt n'atteignent pas le plafond. Je rappelle également que les jeux vidéo les plus complexes disposent d'un délai rallongé de soixante-douze mois. Les entreprises concernées peuvent donc prétendre à des aides plus élevées. Avis défavorable.
M. Denis Masséglia (EPR). Je me permets d’insister sur le fait que l’accompagnement n’excède jamais trente-six mois, même pour les jeux vidéo les plus perfectionnés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF484 de M. Denis Masséglia et amendement I-CF1878 de M. Daniel Labaronne (discussion commune)
M. Denis Masséglia (EPR). S’il faut voter un seul amendement, c’est bien celui-ci. Il ne créera aucune dépense supplémentaire en 2025 ni en 2026, mais permettra d’affirmer que nous voulons continuer à produire des jeux vidéo en France – et si vous souhaitez l’inverse, vous pourrez voter pour l’amendement de M. Labaronne. Au vu des coûts de développement et des investissements nécessaires pour concevoir des jeux vidéo, il faut donner de la visibilité au secteur, qui connaît déjà des tensions – la société Don’t Nod vient d’annoncer soixante-neuf licenciements et Ubisoft est en grande difficulté. Si nous ne le faisons pas, la France risque de perdre une de ses forces.
M. Daniel Labaronne (EPR). Sans vouloir passer pour celui qui veut détruire l’industrie du jeu vidéo, je propose, pour la bonne gestion des finances publiques, de fixer la borne temporelle au 31 décembre 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est la loi de finances pour 2024 qui a instauré un bornage temporel pour le CIJV, sur votre proposition même, monsieur Labaronne. Je m’étonne donc d’un tel amendement. Maintenons la date actuelle de 2026. Nous avons deux ans devant nous pour éventuellement proroger ce dispositif.
Ouvrir un horizon aussi lointain que 2031, monsieur Masséglia, annulerait les effets du bornage. Nous ne respecterions plus la règle dont nous avons convenu selon laquelle la durée des avantages fiscaux doit être revue tous les trois pour déterminer s’il faut les maintenir.
Denis Masséglia (EPR). La mesure que je propose fait suite à une évaluation et, de manière générale, il serait bon de s’appuyer sur les travaux des députés ayant analysé les secteurs que nous examinons. L’industrie du jeu vidéo s’inscrit dans le temps long. Un studio de capture de mouvement nécessite pour son fonctionnement plusieurs centaines de milliers d’euros d’investissement. Si nous voulons conserver les 20 000 emplois que génère cette industrie en France, nous devons donner de la visibilité aux entreprises.
Cet amendement est vital pour elles. Les membres de la commission qui voteraient contre auraient une part de responsabilité en cas de délocalisation.
M. le président Éric Coquerel. J’ai déjà demandé que ce type d’argument ne soit pas utilisé au sein de la commission.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je salue la sagacité du rapporteur général et retire mon amendement.
Monsieur Masséglia, vous défendez avec fougue cette industrie, toutefois je soulignerai avec un peu de malice que vous n’êtes pas seulement son promoteur mais aussi son évaluateur – et son utilisateur… (sourires). N’y aurait-il pas un biais de sélectivité dans votre analyse ?
M. le président Éric Coquerel. Vous l’aurez compris, il me paraît nécessaire que l’industrie du jeu vidéo puisse se projeter grâce à des aides pérennes. Toutefois, le crédit d’impôt ne me paraît pas une bonne solution. Un système similaire aux aides distribuées par le CNC pour le cinéma serait préférable. Nous avons jusqu’à fin 2026 pour réfléchir à des financements alternatifs et je suis prêt à travailler en ce sens.
M. Denis Masséglia (EPR). Je vous remercie pour votre proposition, monsieur le président. Je suis tout disposé à me joindre à cette réflexion, que j’ai déjà entamée en envoyant divers courriers à l’exécutif. Nous pourrions réfléchir à la solution que vous préconisez, même si le secteur n’y est pour l’instant pas favorable. Un dispositif équivalent à celui du CNC ne s’oppose toutefois pas au crédit d’impôt. C’est la raison pour laquelle j’insiste sur la nécessité de prolonger dès maintenant le CIJV.
L’amendement I-CF1878 est retiré.
La commission rejette l’amendement I-CF484.
Amendement I-CF1879 de M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne (EPR). Nous proposons de borner au 31 décembre 2025 le crédit d’impôt dont bénéficient les entreprises du spectacle vivant.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce dispositif est déjà limité au 31 décembre 2027. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF110 de Mme Fatiha Keloua Hachi.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement a pour objet d’étendre le champ d’application du crédit d'impôt en faveur des représentations théâtrales d’œuvres dramatiques aux œuvres chorégraphiques, après l’adjonction du cirque l’année dernière. Cette petite niche de 2 millions d’euros ne concernant que trente bénéficiaires ; mieux vaudrait l'évaluer avant de procéder à un nouvel élargissement.
La commission adopte l’amendement I-CF110.
Amendements identiques I-CF509 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1365 de Mme Marianne Maximi, I-CF1764 de M. Christian Baptiste, amendements I-CF1844 de Mme Eva Sas, amendements I-CF978 de Mme Marianne Maximi et I-CF831 de M. Jean-René Cazeneuve (discussion commune)
M. Nicolas Sansu (GDR). Le crédit d’impôt recherche (CIR) est une niche coûteuse dont l’utilisation n’est pas très bien documentée. Par cet amendement, nous proposons, pour l’application du taux de 30 %, d’abaisser le plafond des dépenses de 100 millions à 50 millions et de procéder au calcul du plafonnement au niveau du groupe.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Avec ces amendements, chers collègues macronistes, nous proposons d’envisager non la suppression mais la conditionnalité du crédit d’impôt recherche.
M. Christian Baptiste (SOC). Si nous avons abaissé le plafond à 50 millions, c’est qu’au-delà de ce montant de chiffres d’affaires, une entreprise n’est plus considérée comme une PME. C’est autour d’elles que nous voulons recentrer le CIR car elles sont les plus susceptibles de réaliser des innovations de rupture. Le niveau de dépenses de recherche et développement resterait en dessous du montant moyen de celles exposées par les grandes entreprises, d'après la direction de la législation fiscale.
Mme Eva Sas (EcoS). Le CIR est une dépense fiscale certes utile mais élevée – 7,2 milliards en 2023. Il convient donc de l’encadrer pour mieux la cibler. En l’occurrence, nous entendons la recentrer sur les PME et exclure l’immobilier d’entreprise de son assiette. Nous espérons ainsi limiter les effets d’aubaine.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le plafonnement au niveau du groupe et non plus des entités permettrait d’éviter que ce soient les grandes entreprises qui profitent le plus du CIR. Rappelons que 10 % des bénéficiaires les plus importants reçoivent 77 % de son montant total.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je retire mon amendement.
Mme Eva Sas (EcoS). Je le reprends.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il y a dans cette série d’amendements deux propositions : modifier les taux du CIR et consolider le calcul des dépenses de recherche au niveau du groupe. Décomposons les économies induites : 400 millions pour la suppression du taux de 5 % au-delà de 100 millions, et 3 milliards environ pour l’abaissement du plafond à 50 millions, ce qui réduirait déjà le CIR de moitié ; c’est tout à fait excessif.
Quant à l’idée de calculer le montant des dépenses de recherche au niveau du groupe, et non de chaque entité, elle vise à répondre à un problème ancien : certains groupes ayant de nombreuses filiales peuvent déclarer plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses éligibles – jusqu’à 1 milliard pour certaines entreprises des secteurs automobile, aéronautique et pharmaceutique –, contrairement aux structures intégrées qui sont soumises au plafond de 100 millions. La question mérite réflexion mais une telle modification ferait baisser le CIR de 1 milliard. Autrement dit, les amendements qui cumulent les deux propositions auraient pour effet de réduire le CIR de 60 % environ.
Le CIR est un outil efficace pour les PME, plusieurs études le montrent, d’où la volonté de nos collègues de créer un taux intermédiaire entre 50 et 100 millions. Soyons prudents : supprimer ce crédit d’impôt pour les entreprises qui dépasseraient le seuil de 100 millions ne me paraît pas pertinent.
Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Ce qui me paraît excessif, c’est le dévoiement du CIR, qui a été conçu, non pour soutenir l’attractivité, mais pour favoriser la recherche et le développement et l’innovation. Or les cinquante plus gros bénéficiaires, qui ne représentent que 0,17 % du total des entreprises concernées, accaparent la moitié des avantages de la niche. Depuis dix ans, le groupe Sanofi, par exemple, a bénéficié de 1 milliard au titre du CIR tout en fermant onze laboratoires de recherche et en supprimant des centaines de postes de chercheur en France – et voilà qu’il s’apprête à vendre sa filiale produisant le Doliprane car il estime que ses profits ne sont pas à la hauteur du taux de rentabilité visé. Précisons que le chiffre d’affaires d’entreprises comme Sanofi repose pour partie sur la sécurité sociale puisqu’ils vendent des médicaments remboursés par la collectivité. C’est dire combien les mannes dont elles bénéficient s’accumulent. Il faut corriger cette situation. Évitons de nouveaux scandales et réservons ce crédit d’impôt aux entreprises qui en ont le plus besoin, les TPE et les PME.
Je précise que plusieurs de ces amendements sont inspirés de recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO).
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Le CIR est une arme essentielle de compétitivité qui contribue à maintenir nos chercheurs en France ; personne ne peut dire le contraire. Son efficacité, il est vrai, est plus grande pour les PME mais elle se vérifie aussi dans les grands groupes qui en bénéficient, rappelons-le, en contrepartie des frais qu’ils engagent pour créer laboratoires et emplois.
Ce matin, vous avez tiré sur TotalEnergies, maintenant vous vous en prenez à Sanofi. Vous oubliez qu’il s’agit d’une entreprise multinationale qui réalise seulement 7 % de son chiffre d’affaires en France ; on ne peut donc pas dire que c’est la sécurité sociale qui finance ce groupe, qui a du reste annoncé un investissement de 1 milliard en France. Ne nous arrêtons pas aux mauvaises nouvelles.
Si j’ai retiré mon amendement, c’est que depuis le début de l’examen du budget, s’accumulent taxes et impôts sur les entreprises, en particulier les grandes entreprises. Halte au feu ! Restreindre encore le CIR aurait été un mauvais signal, même s’il peut être amélioré.
M. Corentin Le Fur (DR). Le CIR est un outil indispensable sur l’efficacité duquel tout le monde s’accorde. En revanche, on peut s’interroger sur le dévoiement dont il fait l’objet et l’envolée de son coût qui commence à atteindre un niveau préoccupant pour nos finances publiques. Une réflexion s’impose. Le réserver aux PME n’est pas une bonne solution, car les grands groupes ont aussi besoin d’innover. Mieux vaudrait le limiter aux activités industrielles et agricoles, en excluant le secteur de l’assurance et de la finance. Ce recentrage sur l’économie réelle, que nous proposerons dans un amendement ultérieur, dégagerait une économie de près de 1,5 milliard.
M. Daniel Labaronne (EPR). C’est une erreur de penser que les secteurs de la banque et de l’assurance n’ont pas besoin d’être soutenus, car la recherche y est très en pointe dans notre pays.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF499 de M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement d’appel entend, comme le suivant, renforcer le dispositif de l’impôt mondial sur les multinationales mis en place par l’OCDE. Je salue sa création mais ce n’est pour moi qu’une étape. Si le taux minimal de 15 % est maintenu, cela ne fera que renforcer la concurrence internationale. Il faut le relever à 25 %. Au sein des pays de l’OCDE, le taux théorique de l’impôt sur les sociétés (IS) se situe en moyenne entre 20 % et 22 % et le taux réel est déjà de 15 %. Que les multinationales occidentales contribuent à hauteur de 25 % aux frais liés aux infrastructures, à la formation et aux systèmes de soins ne me paraît nullement abusif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ferai une remarque de méthode : le taux de l’impôt mondial n'est pas comparable au taux de l'IS, lequel repose sur une assiette plus restreinte. Les entreprises utilisant beaucoup de crédits d’impôt risqueraient d’être assujetties à un taux supérieur à 25 %. En outre, votre amendement est contraire à l'accord de l'OCDE que nous avons signé en 2021 et à la directive du 14 décembre 2022 qui le transpose, remarque qui vaut aussi pour votre amendement suivant. Je vous invite donc à les retirer pour les retravailler.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je m’étonne de voir un représentant du Rassemblement national s’émouvoir d’un taux d’imposition sur les entreprises trop bas alors que ce matin, ce même groupe a soutenu une hausse de l’IS.
Rappelons par ailleurs que l’accord de l’OCDE est le fruit d’une négociation internationale aussi longue que difficile, dans laquelle la France a joué un rôle majeur. Ce taux de 15 % peut paraître faible, de notre point de vue français, mais il est élevé pour d’autres pays. Ce compromis, c’est mieux que rien.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous allons retravailler cet amendement pour l’améliorer, monsieur le rapporteur général. Toutefois, je le maintiens pour que l’alerte lancée par le RN figure au compte rendu.
La commission rejette l’amendement.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF498 de M. Jean-Philippe Tanguy.
Amendements I-CF949 de M. Manuel Bompard, I-CF956 M. Éric Coquerel, I-CF950 et I-CF952 de M. Aurélien Le Coq, I-CF951 de Mme Marianne Maximi, I-CF955 de M. Aurélien Le Coq, I-CF548 et I-CF549 de Mme Eva Sas (discussion commune)
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Dans le rapport qu’elle a consacré en 2021 aux travailleurs de la deuxième ligne, Christine Erhel soulignait le manque de reconnaissance à leur égard au sortir de la crise du covid tandis qu’Élisabeth Borne, alors ministre du travail, pariait sur le dialogue social pour faire avancer les choses. Or c’est la catégorie de salariés qui a perdu le plus d’argent du fait de la crise et de l’inflation, comme l’a montré une étude récente de l’Insee. Dans le même temps, des entreprises comme CMA CGM ou TotalEnergies accumulent les superprofits. Nous proposons de les taxer pour procéder à un rééquilibrage et investir davantage dans nos services publics.
Ce n’est pas sans précédent : en 1916, une contribution exceptionnelle avait été mise en place sur les bénéfices de guerre pour soutenir les « essentiels » qu’étaient alors les soldats. Faisons en sorte que ces travailleurs, qui ont connu un autre front en aidant nos concitoyens pendant le covid, soient reconnus à leur juste valeur.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nos amendements déclinent la création d’une taxation sur les superprofits des entreprises ayant profité de la crise et de l’inflation après avoir touché des aides durant le covid, des sociétés autoroutières aux géants céréaliers en passant par les banques qui ne sont pas en reste. Après avoir atteint un record en 2023, avec 11 milliards, les bénéfices de BNP Paribas ont déjà connu une hausse de 20 % au deuxième trimestre et ceux du Crédit agricole suivent une évolution comparable – 8 milliards en 2023 et une augmentation de 6 % au deuxième trimestre. Rappelons que pendant le covid, ces banques ont bénéficié de 2 300 milliards de prêts.
Nous en avons assez de voir ceux qui ont été aidés au moment où ils en avaient besoin mettre l’argent dans leurs poches plutôt que de le réinvestir pour relancer l’économie.
Mme Eva Sas (EcoS). En 2023 a été instaurée, outre la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim), une contribution temporaire de solidarité (CTS) sur les bénéfices des entreprises appartenant à l’aval de la chaîne pétrogazière. Son rendement a été faible, 61 millions, alors que l’exemple de l’Italie, qui ne compte sur son sol pas plus de productions pétrogazières, montre qu’on aurait pu espérer davantage puisqu’une taxation analogue y a rapporté 2,8 milliards.
Notre amendement I-CF548, très important à nos yeux, a pour objet de rétablir cette CTS en corrigeant les failles mises au jour par l’économiste Laurent Bach. Il importe d’étendre le champ d’application aux entreprises procédant à des achats-reventes de produits pétroliers et sous-traitant le raffinage, leur exclusion ayant conduit à une diminution de 72 % de la base taxable. De la même manière, il convient d’intégrer les bénéfices avant report des déficits antérieurs, susceptibles d’augmenter de 20 % cette même base.
Alors que le déficit public atteint 6,1 %, il serait incompréhensible de demander des efforts aux classes moyennes et populaires sans faire contribuer les groupes pétrogaziers, qui ont enregistré plus de 10 milliards de bénéfices au premier semestre. Jean-René Cazeneuve, alors rapporteur général, avait d’ailleurs proposé de prolonger la CTS dans la loi de finances pour 2024.
Ceux qui sont sceptiques pourront toujours adopter notre amendement I-CF549, de repli, qui propose une taxe d’un rendement moindre, estimé à 300 millions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je donnerai un premier avis sur les amendements relatifs à la taxe sur les superprofits. Les précédents gouvernements ont instauré deux types d’impôts sur les superprofits, la CTS et la Crim, dont le produit a été décevant, respectivement 61 millions et 1,6 milliard contre les 12 milliards espérés. Ce faible rendement s’explique par les spécificités de l'imposition des bénéfices : la possibilité de reporter des déficits et la territorialité de l'impôt rendent très difficile un tel exercice, surtout si l'on corrèle l'imposition à l'évolution des prix.
Désormais il est trop tard pour capter les profits particulièrement élevés enregistrés entre 2021 et 2023. Les bénéfices des entreprises stagnent et le produit de l’IS avec, tournant autour de 58 milliards.
En outre, le PLF prévoit une hausse d'impôt sur les entreprises de 8 milliards auxquels s’ajoute 1 milliard pour les compagnies de transport maritime, ce qui est considérable.
L’amendement I-CF956, qui vise à créer une taxe sur les dividendes exceptionnels pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions, se heurte à la décision du Conseil constitutionnel de 2017 sur l’application de la directive « mères filles ». Il en va de même des deux amendements suivants.
L’amendement I-CF955 prévoit une contribution additionnelle sur les bénéfices des entreprises du secteur céréalier. Or la récolte de 2024 a été la plus mauvaise depuis une vingtaine d’années, avec des chutes de 20 % à 60 %. Il n’y aura donc pas de superprofit à taxer. En revanche, cela affectera la compétitivité de plusieurs coopératives françaises, normalement exonérées d’impôt sur les sociétés mais taxées en raison de leurs filiales.
Les amendements I-CF548 et I-CF549 tentent de redéfinir l’assiette de la taxe de solidarité mais son rendement n’en demeurerait pas moins réduit, sans compter le risque d’optimisation fiscale.
Mme Eva Sas (EcoS). Votre seule critique est que le rendement de nos deux amendements ne sera peut-être pas à la hauteur. Néanmoins, ils corrigent les failles observées pour la CTS. Par ailleurs, s’il est exact que les entreprises n’ont pas réalisé de superprofits dans certains secteurs, c’est faux dans le secteur pétrogazier : TotalEnergies a engrangé 10 milliards de dollars au premier semestre 2024. Il est donc nécessaire d’appliquer la CTS, sous peine d’éroder le consentement à l’impôt.
Mme Véronique Louwagie (DR). La définition d’un superprofit ou d’un profit exceptionnel est difficile, comme l’a démontré la Crim, dont le rendement a été très inférieur aux prévisions – environ 1,5 milliard contre 12,3 milliards. Je suis surprise par ces amendements alors qu’existe déjà la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises. Ces dispositifs pourraient être de nature à inquiéter le monde économique.
Par ailleurs, nous devons tenir compte des taux d’impôt dans les autres pays. Ainsi, au Portugal, le taux d’impôt de 21 % baissera à 17 % en 2026 et à 15 % en 2027. Si vous voulez que toutes nos entreprises quittent le territoire, ne vous y prenez pas autrement !
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La notion de superprofit est définie dans l’amendement I-CF951 : « La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019. » Quand on voit les résultats des banques au deuxième trimestre, on peut considérer qu’elles sont encore en période de superprofits.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ces amendements sont mieux ciblés qu’une taxe générale car ils permettent de récupérer une partie des superprofits réalisés depuis trois ans sans pénaliser les entreprises qui se sont bien comportées. Ce n’est pas inintéressant du point de vue de l’efficacité économique. Le Rassemblement national s’abstiendra parce que ces dispositifs sont proches de ceux qu’il proposait l’année dernière. Avez-vous chiffré l’effet de ces amendements ? Cela pourrait éclairer nos travaux en séance.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je suis toujours surpris que l’on confonde profit et bénéfice. Les superprofits font l’objet d’une définition ? mais à quoi correspondent les superbénéfices ?
Par ailleurs, entendez-vous taxer de la même manière les banques qui réalisent des résultats satisfaisants principalement à l’étranger – sans doute est-ce une forme de colonialisme fiscal – et le réseau mutualiste, qui fait l’effort d’avoir des agences commerciales dans tous les territoires, notamment ruraux ?
La commission adopte l’amendement I-CF949.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement I-CF1283 de M. Paul Midy
M. Paul Midy (EPR). La niche fiscale relative aux brevets, dite patent box, ne concerne que quelques grandes entreprises. Elle permet de fiscaliser les revenus des brevets non pas à 30 % mais à 10 %, pour un coût d’environ 800 millions par an et sans véritable effet avéré. Je vous propose de plafonner cet avantage à 20 millions par entreprise : cela permet de le préserver pour les TPE, PME et ETI innovants, tout en le limitant pour seulement une douzaine de grandes entreprises. Mon objectif n’est pas d’augmenter la fiscalité sur les entreprises mais d’assurer, par ce gage, le financement de l’avantage social du programme JEI (jeune entreprise innovante), dont le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit la suppression, ce qui serait une catastrophe pour des centaines de jeunes TPE-PME et leurs milliers d’emplois.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette niche fiscale n’a pas permis une hausse significative du nombre de brevets déposés. De plus, en 2020, dix entreprises représentaient 66 % des montants déclarés, pour un total de 700 bénéficiaires. Plutôt que de plafonner l’avantage fiscal – cela peut poser problème selon que les groupes sont ou non intégrés –, je propose une légère hausse de son taux, qui passerait de 10 % à 15 %. Un taux proportionnel me semble plus cohérent.
M. Paul Midy (EPR). Je maintiens ma proposition de plafonnement car une augmentation du taux affecterait les TPE, PME et ETI innovantes, et non les seules grandes entreprises.
M. David Amiel (EPR). Pouvez-vous nous donner un chiffrage des deux options proposées ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le relèvement du taux à 15 % rapporterait environ 200 millions d’euros. Le plafonnement est plus difficile à évaluer mais, compte tenu de la forte concentration de cette niche, il ne devrait pas rapporter beaucoup plus.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Ayons bien les chiffres en tête : dix entreprises se partagent 650 millions dans le cadre de ce crédit d’impôt, tandis que la transformation de la réduction d’impôt pour les personnes résidant en Ehpad en crédit d’impôt coûte 880 millions pour quelque 300 000 personnes.
M. Paul Midy (EPR). Le plafonnement à 20 millions devrait permettre de récupérer 40 millions par entreprise, soit un total de 400 millions. C’est donc plus que le relèvement du taux et cela n’affecte pas les TPE-PME.
La commission adopte l’amendement I-CF1283.
Amendement I-CF1070 de M. Arnaud Bonnet
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Il s’agit de mettre fin aux exonérations dont bénéficient les entreprises donatrices aux établissements d’enseignement privé, dans le secondaire comme dans le supérieur, qui pratiquent des frais de scolarité très élevés, tournent le dos à des publics pourtant prioritaires, accueillent des familles qui contournent la carte scolaire. La défiscalisation des dons en leur faveur représente autant d’argent en moins pour les établissements d’enseignement public. De plus, ces dons mettent en cause non seulement l’indépendance de la recherche mais aussi la gouvernance des établissements, qui sont pourtant d’intérêt général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La quasi-totalité de ces établissements participent au service public de l’éducation et sont contrôlés, notamment sur leurs programmes. Je ne vois pas comment vous pouvez discriminer des organismes qui participent à l’exécution d’un service public. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF917 de Mme Sarah Legrain.
Amendements I-CF544 de Mme Eva Sas, I-CF1498 et I-CF1500 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF1121 et I-CF1122 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1123 de M. Michel Castellani, I-CF344 de M. Pierre Henriet, I-CF1526 et I-CF1521 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF972 de M. Aurélien Le Coq, I-CF974 de Mme Marianne Maximi, I-CF975 de M. Éric Coquerel, I-CF1440 de M. Pierrick Courbon, I-CF1124 de M. Michel Castellani et I-CF1222 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Pour limiter les effets d’aubaine du crédit d’impôt recherche, l’amendement I-CF544 a pour objet de réserver le taux de 30 % aux activités respectant l’un des six objectifs environnementaux de la taxonomie verte européenne – à l’exception des recherches liées aux énergies gazières et nucléaires – et de réduire ce taux à 20 % dans le cas contraire. L’Ademe pourrait être chargée de contrôler ce critère.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Le CIR est très coûteux – plus de 7 milliards d’euros par an, dont 5 milliards pour les grandes entreprises – mais son impact reste modeste au regard du montant élevé de la dépense fiscale, qui a triplé depuis 2008 : les dépenses de recherche et développement (R&D) sont restées stables en France ces trente dernières années, alors qu’elles ont crû fortement en Allemagne, aux États-Unis et au Japon où l’équivalent du CIR n’est pourtant pas aussi généreux.
Je retire l’amendement I-CF1498, qui propose une réforme en profondeur, car il demande une réflexion plus importante. L’amendement I-CF1500 vise à créer une tranche intermédiaire au taux de 15 %
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’amendement I-CF1121 vise à créer un nouveau palier entre 50 millions et 100 millions, taxé à 15 %, tandis que l’amendement I-CF1122 propose un taux de 20 % jusqu’à 100 millions et de 5 % au-delà. Enfin, l’amendement I-CF1123 vise à plafonner le CIR à 30 millions, ce montant étant ajusté pour les départements et régions d’outre-mer (Drom) et la Corse.
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement I-CF344, issu de la mission transpartisane que je conduis avec Pierre Henriet, vise à supprimer le taux de 5 % au-delà de 100 millions. Cela rapporterait plus de 600 millions, qui pourraient être utilisés pour refinancer la loi de programmation de la recherche, dont la trajectoire a été légèrement diminuée.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement I-CF1526 vise à supprimer le taux de 5 % et à abaisser le plafond à 20 millions, ce plafond étant toutefois porté à 100 millions au niveau du groupe. L’amendement I-CF1521 propose la même disposition à l’exception du plafonnement au niveau du groupe.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le coût du CIR est disproportionné puisqu’il s’élève à 7 milliards par an sans pour autant atteindre son objectif, comme l’illustre l’exemple de Sanofi. Cette entreprise, qui a touché plus de 1 milliard ces dix dernières années, a en effet divisé par deux ses effectifs de recherche. Les amendements I-CF972, I-CF974 et I-CF975 visent donc à abaisser le seuil du CIR afin que celui-ci coûte moins cher l’année prochaine à l’État.
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement I-CF1222 vise à accorder un taux préférentiel à la recherche utilisant des méthodes alternatives à l’expérimentation animale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tous ces amendements ont pour but de réduire le coût du CIR. Le meilleur compromis me paraît être la solution proposée par l’amendement I-CF1121, qui consiste à créer un taux intermédiaire de 15 % entre 50 et 100 millions. Avis défavorable à tous les autres amendements.
M. François Jolivet (HOR). Nous apportons notre soutien à l’amendement I-CF344 déposé par MM. Henriet et Bouloux, tous deux rapporteurs spéciaux du budget de la recherche, qui vise à plafonner le CIR à 100 millions. En effet, la création d’un taux intermédiaire aura pour effet de pénaliser les grosses ETI.
M. Gérault Verny (UDR). Tout d’abord, je souhaite que nous en finissions avec cette diatribe contre Sanofi. Le paracétamol a été découvert en 1889 : ce n’est donc pas une innovation. De plus, le principe actif du Doliprane n’étant malheureusement plus fabriqué en France, mais en Inde et en Chine, il ne sert à rien de parler de délocalisation.
L’innovation ne se traduit pas seulement en brevets : elle existe également en matière de procédés permettant aux entreprises d’améliorer leur productivité et leur compétitivité. Le CIR permet donc de générer de la richesse ; c’est un atout que les pays du monde entier nous envient. Il faut absolument le protéger.
Les amendements I-CF1498 et I-CF1500 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF723 de M. Corentin Le Fur, I-CF1116 de Mme Natalia Pouzyreff, I-CF1687 de M. Mickaël Bouloux et I-CF1820 de Mme Perrine Goulet (discussion commune)
M. Corentin Le Fur (DR). Il faut réduire le coût du CIR, qui ne cesse de progresser. Je propose d’exclure de ses bénéficiaires les entreprises des secteurs de l’assurance et de la finance.
Mme Constance Le Grip (EPR). L’objet de l’amendement I-CF1116 est identique.
M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement I-CF1687 vise à exclure les activités liées à la finance du bénéfice du CIR.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous nous sommes déjà interrogés sur l’éligibilité des secteurs concernés. Elle s’explique par leur recours à des programmes informatiques spécialisés. En réalité, ces secteurs ne réunissent que 1,74 % des dépenses de recherche déclarées dans ce cadre et captent 1,86 % de l’avantage fiscal, soit quelque 140 millions.
Avis de sagesse.
M. Daniel Labaronne (EPR). Dans les domaines de l’économie monétaire, de la finance internationale et des assurances, l’école française jouit d’une solide renommée internationale. L’école d’économie de Toulouse, la Toulouse School of Economics, par exemple, a accueilli Jean Tirole, lauréat du prix Nobel d’économie : ses travaux ont alimenté une réflexion théorique qui profite au secteur bancaire et financier, produisant in fine de nombreux emplois et donnant lieu à beaucoup de services très concrets pour les consommateurs. Ce serait un non-sens de supprimer le crédit d’impôt recherche dans ces domaines.
La commission adopte l’amendement I-CF723.
En conséquence, les amendements I-CF1116, I-CF1687 et I-CF1820 tombent.
Amendements I-CF1447 de Mme Christine Pirès Beaune et I-CF969 de M. David Guiraud (discussion commune)
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Mon amendement vise à réserver le CIR aux PME et aux TPE. Les grandes entreprises bénéficieront, elles, d’une réduction d’impôt, et non d’un crédit. Pendant trois ans, TotalEnergies a payé 0 euro d’impôt sur les sociétés mais a empoché chaque année 50 millions au titre du CIR.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Si nous adoptons cette mesure, une entreprise déficitaire ne pourra plus bénéficier d’une créance d’impôt liée à ses activités de recherche. Il est discutable de fonder une différence de traitement sur un unique critère de taille, car il n’y a pas de lien avec les capacités contributives des entreprises ni avec l’objet du CIR, qui doit demeurer attractif. Il vaudrait mieux réviser son assiette et créer un taux intermédiaire.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est un amendement malin. Toutefois, il faudrait peut-être en modifier la rédaction pour l’examen en séance afin d’étaler le dispositif sur plusieurs années. Certaines multinationales qui connaissent de fortes variations de trésorerie font beaucoup de recherche, notamment dans le secteur de l’automobile. Elles peuvent de bonne foi mener des projets de recherche les années où elles sont déficitaires, mais il est rare qu’elles restent déficitaires plusieurs années de suite.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). D’autres pays appliquent un critère de taille, qui ne devrait donc pas être inconstitutionnel. Nous ne disposons pas d’un chiffrage de la mesure, qu’il serait intéressant d’établir.
La commission adopte l’amendement I-CF1447.
En conséquence, l’amendement I-CF969 tombe.
Amendement I-CF1869 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’un des éléments de calcul de l’assiette du CIR fait débat : la masse salariale des jeunes docteurs est doublée, de sorte que le crédit d’impôt sur les dépenses concernées s’élève à 60 % au lieu de 30 %. Nombreux sont ceux qui trouvent que c’est excessif, j’ai donc déposé cet amendement pour que nous débattions de la suppression de ce dispositif. Ses défenseurs soulignent qu’il favorise l’embauche de jeunes docteurs en réduisant son coût pour les entreprises. Toutefois, l’aide étant déjà de 30 %, on peut discuter de l’opportunité de la doubler. Le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) recommande de revenir à l’assiette générale.
M. Gérault Verny (UDR). Ce dispositif a été créé pour rendre le secteur privé plus perméable au monde de la recherche fondamentale, les jeunes docteurs étant difficilement employables car trop éloignés de l’univers de l’entreprise. Pendant une période limitée, celle-ci devra dépenser de l’argent pour faciliter l’adaptation du jeune docteur, qui n’aura donc pas réellement de valeur ajoutée. Il est dangereux de supprimer ce dispositif.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1337 de M. Daniel Labaronne
M. Daniel Labaronne (EPR). J’en déposerai une version améliorée pour l’examen en séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1514 de Mme Christine Pirès Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il vise à inscrire dans la loi une recommandation publiée au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), afin d’éviter les erreurs d’interprétation concernant le temps de travail effectivement consacré à la recherche dans les entreprises bénéficiaires du CIR.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement tend à préciser que l’entreprise établit « avec précision et rigueur » le temps de recherche – cela va de soi. Cette obligation figure déjà dans le Bofip et elle est vérifiée en cas de contrôle. Il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Je vous propose de retirer l’amendement.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je fais confiance aux agents de la DGFIP ; ils estiment que cette précision servira leur travail.
La commission adopte l’amendement.
Amendements I-CF1870 de M. Charles de Courson, I-CF1564 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF187 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. De nombreux groupes ont présenté des amendements tendant à réformer le CIR, sans remettre en cause ses atouts. Dans son assiette figurent les dépenses liées aux brevets, à la normalisation et à la veille technologique. L’amendement I-CF1870 vise à les en exclure, conformément à la recommandation de l’IGF. La veille technologique n’est pas une activité de recherche. Sur 7,8 milliards de dépenses, ce toilettage ferait économiser 250 millions.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Sans répéter les arguments du rapporteur général, j’ajoute que l’idée vient de France Digitale : pour une fois qu’un lobby défend une mesure qui diminuera les dépenses de l’État plutôt que de les augmenter à son profit, j’ai estimé qu’il était intéressant de la défendre – je le fais de manière transparente.
M. Philippe Juvin (DR). Le CIR est indispensable parce qu’on surtaxe les entreprises, ce qui oblige à créer des crédits d’impôt, lesquels entraînent des abus – c’est un système digne des Shadoks. Je propose de supprimer au moins les frais d’abonnement à des revues scientifiques et de participation à des congrès – bref, la veille technologique. Cela engendrera 250 millions d’économies, mais il faut surtout remettre à plat ce crédit d’impôt qui incite l’État à maintenir un niveau de taxe très élevé.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je ne voterai pas ces amendements. Le CIR vise à soutenir la recherche et la recherche a besoin d’être nourrie de lectures, de discussions, de rencontres, ce qui passe aussi par la circulation des chercheurs dans les congrès, internationaux notamment. Tout cela engendre des frais.
M. le président Éric Coquerel. Je m’abstiendrai. Une remise à plat est nécessaire, mais nous avons examiné des amendements qui y tendaient. Je n’ai pas envie de voter des amendements qui ne changeront rien mais dont l’adoption permettra de dire que nous avons débattu du CIR. C’est la niche la plus importante et on peut dire ce qu’on veut, elle constitue pour certaines entreprises une aubaine fiscale plus qu’une incitation à la recherche et à l’innovation – au moins en partie. Ce n’est pas acceptable et je regrette que nous n’ayons pas travaillé là-dessus aujourd’hui. J’ajoute que je ne vois pas l’intérêt de cibler cet aspect en particulier.
La commission adopte l’amendement I-CF1870.
En conséquence, les amendements I-CF1564 et I-CF187 tombent.
Amendement I-CF602 de M. Philippe Brun ; amendements identiques I-CF229 de M. Denis Masséglia, I-CF1307 de Mme Félicie Gérard et I-CF1497 de M. Stéphane Delautrette ; amendements identiques I-CF225 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1306 de Mme Félicie Gérard (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Le crédit d’impôt collection (CIC) soutient la filière textile, qui renaît doucement après des années de délocalisations. Il coûte très peu aux finances publiques mais il joue un rôle décisif dans la relocalisation de cette industrie. Son extinction est prévue le 31 décembre 2024 ; ce serait une erreur de ne pas le prolonger. L’amendement I-CF602 vise à supprimer le bornage, les suivants à le reporter.
M. Denis Masséglia (EPR). Grand défenseur de toutes les industries, je suis présent pour soutenir celle du textile qui irrigue nos territoires. La France a des compétences excellentes dans ce domaine. Il est indispensable de prolonger ce crédit d’impôt.
Mme Félicie Gérard (HOR). L’amendement I-CF1307, issu d’échanges avec les représentants du secteur textile, vise à prolonger de trois ans le CIC, jusqu’en 2027. Sa suppression pourrait avoir des effets délétères pour les entreprises de ce secteur, en particulier pour les TPE et PME, dans un contexte de forte concurrence internationale. Avec les plateformes de vente, le textile à bas coût se développe rapidement ; il est essentiel de soutenir ces entreprises françaises.
Le I-CF1306, de repli, vise à prolonger le CIC d’un an.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à sa prolongation pour trois ans mais défavorable à en faire un dispositif permanent – c’est contraire à notre doctrine.
M. Daniel Labaronne (EPR). Ces amendements illustrent le dévoiement du crédit d’impôt recherche. On nous explique qu’il faut maintenir le CIC pour soutenir la filière, or ce dispositif a été conçu pour favoriser la création de collections, non pour soutenir la filière. Si c’est ce qu’on veut faire, il faut élaborer un plan stratégique qui prévoie des dispositions spécifiques – ce que nous avons fait en 2020. En attendant, les propositions de cette nature nuisent à la notoriété et à la crédibilité du CIR. Dans la loi de programmation des finances publiques, nous avons prévu d’évaluer systématiquement les crédits d’impôt avant de les proroger. Nous ne tenons pas nos engagements.
M. Denis Masséglia (EPR). La France est un grand pays industriel dont certaines activités ont subi des délocalisations massives dans les années 1990 et 2000. Dans ma circonscription du Maine-et-Loire, des milliers d’emplois ont été supprimés chaque année dans le secteur du cuir et du textile. Il rebondit enfin. L’État doit absolument accompagner ce mouvement, sinon, le jour où nous n’aurons plus d’industrie, nous en serons tous responsables. Chaque fois que nous votons la suppression d’un crédit d’impôt, il faut réfléchir aux conséquences sur les territoires – des milliers d’emplois sont peut-être en danger. L’IGF avait ainsi recommandé dans un rapport de supprimer un crédit d’impôt sur les jeux vidéo tout en reconnaissant ignorer les effets possibles de la mesure.
M. Charles de Courson, rapporteur général. M. Labaronne n’a pas tort : le CIC n’était pas borné jusqu’en 2020, quand nous avons décidé de l’arrêter en 2024. Nous avions prévu un rapport d’évaluation, que nous n’avons pas eu. Je compte sur les auteurs des amendements pour exiger du ministre une évaluation afin de décider de l’avenir du dispositif.
L’amendement I-CF602 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques I-CF229, I-CF1307 et I-CF1497.
En conséquence, les amendements identiques I-CF225 et I-CF1306 tombent.
Amendements identiques I-CF1502 de Mme Christine Pirès Beaune et I-CF1791 de M. Paul Midy et amendement I-CF1852 de M. Boris Vallaud (discussion commune)
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Mon amendement vise à prolonger de trois ans le crédit d’impôt innovation (CII), qui doit s’éteindre le 31 décembre 2024. Je propose l’année 2027 parce que le CII Corse (CIIC) prendra fin également à cette date. Dans ce laps de temps, nous devrions pouvoir disposer d’un rapport d’évaluation digne de ce nom – celui que le Gouvernement a déjà produit n’était pas satisfaisant.
M. Paul Midy (EPR). Le CII prendra fin le 31 décembre ; l’amendement I-CF1791 du groupe Ensemble pour la République vise à le proroger trois ans. En effet, 10 000 TPE et PME y ont recours chaque année, il soutient le financement de prototypes et de pilotes qui permettent d’innover et ses bénéfices ont été plusieurs fois démontrés. La Banque de France notamment a relevé ses effets positifs sur l’emploi et les chiffres d’affaires – donc sur les recettes des cotisations et de l’IS – et sur l’innovation – tous les acteurs concernés le soutiennent, en particulier la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le CIIC coûte 320 millions ; des évaluations existent, elles concluent en effet à une hausse du nombre d’emplois et du chiffre d’affaires des entreprises qui en bénéficient, ainsi qu’à une augmentation du nombre de produits créés. Je sais que les amendements concernent le dispositif en général ; il existe peut-être des spécificités corses, mais le bilan est globalement positif. Avis favorable sur les amendements identiques et défavorable sur le I-CF1852.
M. Denis Masséglia (EPR). Je viens de recevoir un message du patron d’une petite PME de ma circonscription, qui nous regarde. Son entreprise emploie quelques dizaines de personnes et fabrique des équipements de levage pour les contrôles techniques de véhicules. Il explique que grâce au CIR, il a recruté un ingénieur recherche et développement en 2021, un deuxième en 2023 et un ingénieur développeur en 2024. On voit que ce dispositif est essentiel même dans les territoires ruraux.
La commission adopte les amendements identiques I-CF1502 et I-CF1791.
En conséquence, l’amendement I-CF1852 tombe.
L’amendement I-CF186 de M. Philippe Juvin est retiré.
Amendements I-CF976 de M. Aurélien Le Coq et I-CF977 de M. Éric Coquerel (discussion commune)
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le premier amendement vise à exiger le remboursement du CIR, assorti d’une pénalité, lorsque l’entreprise qui en a bénéficié a réduit ses moyens consacrés à la recherche. Le second, de repli, prévoit seulement le remboursement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si l’entreprise diminue sa masse salariale affectée à la recherche, toutes choses égales par ailleurs, le montant de son CIR baisse mécaniquement. Les effets de bord de la mesure que vous soutenez seraient dommageables. La recherche est par nature risquée. Si une entreprise a engagé un programme de recherche pointu, qui n’aboutit pas, et qu’elle supprime les postes afférents, doit-elle perdre le CIR de tous ses programmes ? Une entreprise qui remplace un chercheur expérimenté par un jeune chercheur, diminue donc sa masse salariale, doit-elle voir son crédit réduit ?
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF981 de Mme Marianne Maximi.
Amendement I-CF1503 de Mme Christine Pirès Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les agents de la DGFIP en Corse nous ont signalé que la loi ne précise pas si le CIIC peut s’appliquer à un investissement qui concerne à la fois une activité éligible et une activité exclue. Ainsi, des propriétaires de villas de luxe, estimées entre 6 et 8 millions d’euros, ont demandé à bénéficier du crédit d’impôt alors qu’ils les louent une semaine par an – ce n’est donc pas de l’hébergement touristique. Nous avons déjà renforcé le cadre, mais cela ne suffit pas. Le présent amendement vise donc à préciser que le crédit d’impôt s’applique aux investissements consentis pour satisfaire les besoins « exclusifs » d’une activité éligible.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut même poursuivre le raisonnement : le propriétaire fait ensuite de la villa sa résidence principale pendant deux ans – ce sera cinq ans si l’amendement que nous avons adopté l’est dans le texte définitif – avant de la revendre, exonérée de plus-value. Mme Pirès Beaune, nos quatre collègues corses et moi-même sommes convenus de la nécessité de mettre fin à ce petit jeu – pour une fois que des élus se mettent d’accord pour restreindre des abus, il faut le saluer. Avis favorable, donc, à cet amendement que le président Coquerel et moi-même avons cosigné.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF839 de M. Aurélien Le Coq.
Amendement I-CF789 de Mme Céline Hervieu
M. Philippe Brun (SOC). L’amendement I-CF789 vise à exclure les dirigeants assimilés salariés du bénéfice du crédit d’impôt famille (Cifam), pour mieux réguler les crèches privées. Dans son livre Les Ogres, le journaliste Victor Castanet met au jour la manière dont certains opérateurs contournent ce dispositif sur le marché des crèches d’entreprise, en commercialisant des berceaux pour le gérant, et non pour les salariés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le détournement du Cifam pose surtout la question de son contrôle. Certains dirigeants de PME peuvent légitimement utiliser ces places de crèche : rien ne justifie de les pénaliser. Le dispositif a permis d’orienter les financements des entreprises et de créer des berceaux. Comme le soulignaient les rapports d’inspection déjà publiés sur ce sujet, il ne faut pas remettre en cause l’intégralité du dispositif sans disposer d’une alternative satisfaisante.
Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF790 de Mme Isabelle Santiago
M. Philippe Brun (SOC). Avec la garantie de réservation anticipée, certaines crèches privées proposent de mettre à disposition une place à une date fixe moyennant une rémunération pouvant atteindre 50 % du prix. Victor Castanet dénonce là un autre contournement du Cifam : les entreprises surréservent les berceaux, avec le financement de l’État, sans qu’aucune prestation ne soit finalement délivrée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement propose d’exclure du bénéfice du crédit d’impôt famille les réservations de places en crèche à date fixe. Le Cifam a permis d’orienter les financements des entreprises et de créer des places en crèche ; son détournement pose davantage une question de contrôle que de législation. Mon avis est donc plutôt défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF849 de M. Sébastien Peytavie
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le dispositif de l’amendement vise à tirer les conséquences du livre Les ogres de Victor Castanet mais il émane également d’une proposition soutenue par l’ancien gouvernement devant la commission d’enquête sur les crèches en avril dernier.
Les entreprises imposées sur leurs bénéfices sont incitées à investir dans la garde des enfants de leurs employés, mais le système soulève de nombreuses questions. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a pointé plusieurs limites du Cifam. Le plafond de 500 000 euros des dépenses engagées par une société n’empêche pas le mécanisme de profiter avant tout aux grandes entreprises.
En outre, aucune limite n’a été fixée au prix du berceau. Par conséquent, les grands groupes privés pratiquent des tarifs anormalement élevés sur les places en crèche. L’amendement vise à plafonner le tarif pris en charge par le Cifam.
Il faudra instaurer un jour un véritable service public de la petite enfance et sortir les crèches du secteur marchand.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous ne pouvez pas fixer un plafond national car les coûts de revient diffèrent fortement selon les endroits – il suffit de penser aux écarts de loyer entre les villes. Si le plafond est trop élevé, il ne sert à rien ; s’il est trop bas, de nombreuses crèches situées dans les métropoles ne bénéficieront plus du dispositif.
Je vous demande de retirer l’amendement, à défaut, l’avis sera défavorable.
M. Matthias Renault (RN). L’objectif de l’amendement est bien d’éliminer les crèches privées des grandes villes – l’amendement émane d’ailleurs entre autres d’élus de la ville de Lyon. Nous examinons toute une série d’amendements visant à détricoter le Cifam, sous couvert d’un livre mettant en lumière certains scandales : au moins, le I-CF839, qui proposait la suppression du crédit d’impôt, avait-il le mérite de la franchise.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’amendement de mon collègue Peytavie propose que le montant du plafond soit déterminé par décret en Conseil d’État après la consultation de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) et des collectivités territoriales.
L’ancien gouvernement avait soutenu cette disposition au printemps dernier devant la commission d’enquête : son adoption est donc non seulement possible, mais souhaitable pour que le Cifam cesse de financer des prix exorbitants de places en crèche pour des grandes entreprises qui réalisent une grosse opération financière et des groupes de crèches comme People & Baby – si vous avez encore besoin de vous informer sur tous les problèmes que pose l’activité de ces structures lucratives, je vous invite à lire l’enquête de Victor Castanet.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF783 de Mme Isabelle Santiago et I-CF785 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)
M. Philippe Brun (SOC). Le premier amendement fixe un tarif unitaire annuel maximum à 12 000 euros, toutes taxes comprises, pour l’accueil de l’enfant.
Le livre de Victor Castanet souligne l’absence de plafond pour le prix annuel du berceau. Il est donc possible de siphonner le Cifam en mettant un tarif de 25 000 ou de 30 000 euros par enfant. L’argent public ne peut pas financer des crèches privées à des tarifs de palaces.
Le second amendement va dans le même sens et vise à mettre fin au financement public de berceaux à un prix prohibitif et déconnecté de toute réalité économique. Il propose que le ministre chargé de la famille fixe le tarif couvert par le crédit d’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF783 est plus astucieux, dans la mesure où il n’empêche pas l’existence de tarifs différents et où il se contente de plafonner l’avantage fiscal. Le problème de la grande disparité des coûts de revient reste néanmoins entier : les crèches publiques comme privées coûtent plus cher dans les centres-villes. La fixation d’un plafond national me semble inopportune et son application créerait de nombreuses difficultés. Réfléchissons à un système adapté à la disparité des situations locales.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
M. le président Éric Coquerel. Je vous invite à ne pas défendre longuement vos amendements lorsque le rapport de force sur un sujet est établi et n’est pas amené à bouger – en l’occurrence, sur le Cifam. Je demande également au rapporteur général de donner brièvement son avis, afin que nous puissions accélérer l’examen du texte.
Amendement I-CF1238 de M. Denis Fégné
M. Philippe Brun (SOC). Il vise à conditionner l’éligibilité des grandes entreprises au crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV) à des engagements concrets de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1237 de M. Denis Fégné.
Amendements I-CF929 de M. Stéphane Delautrette, I-CF511 de M. Patrice Martin, I-CF930, I-CF931 et I-CF935 de M. Stéphane Delautrette et I-CF653 de M. Charles Fournier (discussion commune)
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). L’amendement I-CF653 vise à étendre le C3IV aux entreprises industrielles et commerciales qui assurent le recyclage, le réemploi, la réutilisation et le reconditionnement des équipements et composants d’équipements, en ajoutant les équipements électriques et électroniques ainsi que les véhicules selon leur teneur en métaux critiques – aluminium, cuivre et terres rares.
Une telle mesure améliorerait fortement la disponibilité et l’accès à ces matières premières nécessaires à la production industrielle, dimension importante pour la souveraineté de notre pays. En outre, le soutien à cette filière de recyclage ferait de celle-ci un atout de la politique industrielle française voire européenne. Enfin, une telle politique réduirait fortement le besoin d’extraction primaire notamment de terres rares, activité qui cause des ravages humains et environnementaux dans plusieurs parties du monde.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis défavorable à l’ensemble des amendements, notamment au I-CF653 qui est contraire à nos engagements européens.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF908 de M. Aurélien Le Coq, I-CF906 de M. David Guiraud, I-CF909 de Mme Marianne Maximi, I-CF910 de M. Aurélien Le Coq et I-CF911 de Mme Marianne Maximi (présentation commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Le premier amendement conditionne l’octroi du C3IV à la publication d’une série de données fiscales à des fins de transparence. Le deuxième le conditionne à la fixation d’engagements annuels de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le troisième pose comme condition l’absence de versement de dividendes en cas de licenciements économiques. Le quatrième est un repli du précédent. Enfin, le cinquième rend inéligible au C3IV toute entreprise condamnée pour avoir enfreint les règles relatives à la non-discrimination – égalité entre les femmes et les hommes, présence de salariés handicapés et absence de discrimination selon l’orientation sexuelle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le bénéfice du C3IV est déjà subordonné à l’octroi d’un agrément et les sociétés qui le perçoivent sont particulièrement contrôlées par l’administration. Les grandes entreprises que vous ciblez sont déjà soumises à l’obligation de publier une déclaration pays par pays. L’avis est défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1197 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement vise à ouvrir aux ménages la possibilité de financer une installation solaire photovoltaïque par l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ).
Le développement de solutions d’autoconsommation n’est pas accessible aux ménages les plus modestes car MaPrimeRénov’ ne couvre que 90 % du coût des travaux et 14 % du prix des panneaux photovoltaïques. C’est insuffisant pour démocratiser cette technologie et en faire bénéficier les foyers les plus modestes. L’ouverture de l’éco-PTZ à ce type d’équipement aiderait les particuliers à réduire leur facture énergétique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’éco-PTZ, couplé à MaPrimeRénov’, permet déjà de financer des équipements de chauffage ou de fourniture d’eau chaude fonctionnant à l’énergie solaire. Une hausse des plafonds, pouvant désormais atteindre 50 000 euros, a assoupli l’éco-PTZ. En outre, les installations en autoconsommation bénéficient de plusieurs aides, notamment l’obligation d’achat, qui sont régulièrement accrues. L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF250 de Mme Karine Lebon.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1162 de M. Olivier Serva.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF925 et I-CF927 de M. David Guiraud.
Amendement I-CF741 de Mme Martine Froger.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à instaurer un crédit d’impôt pour la souscription par les associés coopérateurs de parts sociales dans une société coopérative d’entreprises. J’y suis défavorable car la souscription de titres participatifs dans les sociétés coopératives ouvre déjà droit à une réduction d’impôt, dite Madelin, égale à 18 % des versements effectués au titre des souscriptions au capital d’une PME. Vous fixez le plafond de ce crédit d’impôt à 40 000 euros, ce qui me paraît très élevé. La mesure serait donc très coûteuse pour les finances publiques.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1327 de M. Daniel Labaronne.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF518 de Mme Violette Spillebout.
Amendement I-CF986 de Mme Marianne Maximi
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Il propose de supprimer les exonérations de la taxe d’apprentissage dont bénéficient les très grandes entreprises qui embauchent des apprentis. Il conviendrait de revenir sur la généralisation de l’apprentissage. En effet, cette opération raye artificiellement 1 million de personnes des listes de demandeurs d’emploi et ces travailleurs sont presque intégralement payés par l’État. Les patrons ont, surtout dans les grands groupes, recours à des apprentis, qui n’obtiennent pas d’emploi pérenne à la suite de leur formation et sont remplacés par d’autres apprentis. Et tout cela se fait sur le dos des lycées professionnels qui sont démantelés alors que ces établissements garantissent, pour leurs diplômés, une bonne sortie du système éducatif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La masse salariale mensuelle des entreprises pouvant bénéficier d’une exonération de taxe d’apprentissage lorsqu’elles embauchent des apprentis ne doit pas dépasser 10 500 euros : il s’agit donc d’entreprises de toute petite taille. Je suis défavorable à votre amendement car il est sans portée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF15 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il propose la neutralité fiscale du transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ou du patrimoine affecté de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) – statut créé il y a quelques années – vers une société.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La doctrine fiscale est assez claire : lorsqu’un entrepreneur individuel choisit l’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) valant option pour l’IS, les conséquences sont la cessation de l’entreprise individuelle et le transfert des biens professionnels.
Si les conditions sont remplies, les exonérations et les abattements sur les plus-values prévues à l’article 151 septies du code général des impôts (CGI) s’appliquent. L’option du report d’imposition, inscrit à l’article 151 octies, est également ouverte. Ce n’est qu’une possibilité ; il est de la responsabilité du contribuable de s’en saisir ou non. Il n’y a donc pas de distorsion entre les entrepreneurs soumis à l’IR et ceux assujettis à l’IS. Je vous demande de retirer l’amendement.
Mme Véronique Louwagie (DR). Je retire l’amendement, que je redéposerai en séance publique pour avoir l’avis du ministre.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques I-CF206 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1332 de M. Daniel Labaronne
M. Nicolas Ray (DR). L’examen de conformité fiscale (ECF), institué par un décret de 2021, a pour objet, dans le cadre d’une nouvelle relation de confiance avec la direction générale des finances publiques (DGFIP), d’encourager les entreprises à faire preuve de transparence pour mettre de côté le risque fiscal de l’activité courante. Toutefois, très peu d’entreprises se sont inscrites dans cette démarche. L’amendement vise à les inciter à le faire en leur accordant une prescription fiscale sur les dépenses et les charges ; il s’inscrit ainsi dans l’esprit de la loi d’août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.
M. Daniel Labaronne (EPR). L’amendement engage les entreprises, notamment les PME, à avoir davantage recours à l’ECF. Celui-ci, conduit par un organisme agréé, aboutit à l’obtention d’une certification : nous proposons que cette dernière sanctuarise les dépenses et les charges de l’entreprise dans le domaine fiscal. Si un contrôle révélait la présence d’anomalies, l’administration pourrait toutefois engager des poursuites. L’idée de l’amendement m’a été soufflée par la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous demande le retrait de ces amendements, dont l’effet pourrait se révéler contraire à l’objectif recherché. En réduisant de trois à deux ans le délai de reprise de l’administration fiscale pour les entreprises ayant procédé à un ECF, les contrôles de l’administration fiscale sur ces structures risquent d’augmenter d’un tiers.
La réalisation d’un ECF n’exonère l’entreprise d’aucune de ses obligations. Cependant, en cas de contrôle de l’administration fiscale entraînant un rappel d’impôt, l’administration ne pourra pas exiger le paiement de pénalité ni d’intérêt de retard si les entreprises ont bien pris en compte les recommandations formulées par l’auditeur. En outre, l’entreprise peut demander le remboursement de la part des honoraires de l’auditeur correspondant aux impôts dont certains montants ont été rappelés.
L’amendement I-CF1332 est retiré.
La commission rejette l’amendement I-CF206.
Amendement I-CF824 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Eva Sas (EcoS). Le dispositif d’encouragement de l’actionnariat solidaire, qui repose sur une réduction d’impôt égale à 25 % des versements effectués par un particulier acquérant des parts du capital d’une entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS), a été étendu par le Sénat à des entreprises agréées par le ministère chargé de la culture ayant pour mission de contribuer à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, des parcs et des jardins protégés. Ces entreprises ayant un objet totalement différent de celui des ESUS, nous proposons de revenir au dispositif initial pour davantage de lisibilité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. La dernière loi de finances initiale (LFI) a prorogé le taux de réduction d’IR de 25 % pour les investissements dans les ESUS et les foncières solidaires et a mis fin au taux majoré de la réduction d’impôt applicable aux investissements dans les PME. Le dispositif bénéficie d’un avantage comparatif puisque la réduction d’impôt pour les PME est de 18 % : maintenons-le en l’état.
Mme Eva Sas (EcoS). Pardon, mais votre réponse n’a aucun rapport avec l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF316 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il vise à proroger de trois ans un dispositif qui doit expirer le 31 décembre 2024 et fait bénéficier les dirigeants d’entreprise qui cèdent leurs titres lors de leur départ à la retraite, sous certaines conditions, d’un abattement fixe de 500 000 euros sur les plus-values réalisées pour le calcul de l’IR. Il est opportun de proroger ce mécanisme qui assure une rémunération équitable aux dirigeants des PME au moment de leur départ à la retraite et qui les incite à ne pas céder trop tardivement leur entreprise. Les fonds dégagés peuvent être réinvestis et l’activité préservée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 19 du PLF fait plus que satisfaire votre amendement, puisqu’il proroge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2031. Je vous demande donc de le retirer.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF807 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Eva Sas (EcoS). Il vise à supprimer les aides publiques aux banques et aux assurances ne déployant pas de programme de cessation des investissements dans les énergies fossiles, qui sont responsables d’au moins 90 % des émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ces investissements pourraient causer la prochaine crise des subprimes en devenant des actifs échoués si les énergies fossiles venaient à perdre leur valeur – perspective vraisemblable dans un avenir proche. Nous souhaitons inciter les acteurs financiers à ne plus investir dans ces énergies et, pour ce faire, de conditionner toute aide à ce secteur à l’engagement de ne pas financer de nouveau projet fossile et de réduire leurs investissements dans ces énergies de 90 % d’ici à 2040.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une telle mesure appliquée aux banques nationales déplacerait les investissements vers les banques européennes et mondiales ou vers des filiales de banques françaises.
Avant de disposer de sources d’énergie totalement décarbonées, nous avons des besoins énergétiques à satisfaire et des projets à financer. On ne peut pas prendre de disposition aussi brutale, la transition doit être progressive. L’avis est donc défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 14 : Coopération administrative dans le domaine fiscal : échange d’informations sur les crypto-actifs, supervision des obligations déclaratives, mise en conformité au regard du droit de l’Union européenne
La commission adopte l’article 14 non modifié.
Après l’article 14
Amendement I-CF1811 de M. Jean-Paul Mattei
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’idée est de payer la plus-value l’année où on la réalise : l’imposition des plus-values immobilières se fait à la source et l’amendement vise à étendre cette modalité de taxation aux plus-values réalisées sur les cessions de titres d’entreprise. Cette disposition améliorerait la trésorerie de l’État car, actuellement, le prélèvement n’a lieu qu’un an après l’opération.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’idée est intéressante, mais la possibilité de choisir le barème au choix supposerait que les intermédiaires prélevant l’impôt reçoivent au préalable communication du taux personnalisé d’imposition ou une application du prélèvement forfaitaire unique (PFU) suivie, le cas échéant, d’une compensation. Cela créerait une nouvelle charge pour les intermédiaires désignés et pour l’administration, sans garantie de gains supplémentaires significatifs. Enfin, cela ne mettrait pas fin aux déclarations.
Je propose le retrait de l’amendement au profit d’une demande de rapport sur la mise en œuvre de cette mesure.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je souhaiterais que l’amendement soit examiné en séance publique car je défends cette idée depuis longtemps. Il est possible de régler la question des compensations, comme on l’a fait pour les crédits d’impôt.
La commission adopte l’amendement.
Mme Véronique Louwagie (DR). S’agissant de l’amendement I-CF316 que j’ai retiré après les explications du rapporteur général, je m’aperçois que le titre de l’article 19 du projet de loi, « Mesures d’incitation à la transmission des exploitations agricoles au profit de jeunes agriculteurs », laisse à penser que le champ de l’article est plus restreint que celui de mon amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’alinéa 67 de l’article 19 dispose bien que l’année 2024 est remplacée par l’année 2031. Vous pourrez demander confirmation au ministre en séance.
Amendement I-CF516 de M. Franck Allisio
M. Emmanuel Fouquart (RN). Il reprend un amendement adopté par la commission des finances du Sénat – puis supprimé par amendement gouvernemental – lors de l’examen du texte devenu la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. La disposition prévoyait d’appliquer le régime de rapatriement des bénéfices à toutes les sociétés établies dans un paradis fiscal. Le Rassemblement national, qui avait soutenu le plan de lutte contre la fraude, voit dans cette mesure un gisement de recettes fiscales et un moyen de lutter contre l’évitement de l’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement vise à étendre le régime des sociétés étrangères contrôlées (SEC) aux entreprises situées dans un État ou territoire non coopératif (ETNC). Le régime des SEC permet déjà la taxation en France des bénéfices des entreprises établies dans un ETNC lorsque celui-ci est aussi qualifié de régime fiscal privilégié. La qualification d’ETNC repose sur l’absence de coopération administrative en matière d’échanges d’informations, tandis que le régime fiscal privilégié se fonde sur l’appréciation, au cas par cas, du niveau d’imposition qui peut s’appliquer aux filiales d’entreprises situées en France.
Votre amendement pourrait avoir comme conséquence d’imposer en France des entreprises déjà taxées dans leur État de résidence indépendamment du fait qu’elles soient soumises à un régime fiscal privilégié ou non. Il conviendrait de réécrire l’amendement.
Pour l’établissement dans un ETNC, de nombreuses mesures sont déjà applicables, lesquelles se traduisent le plus souvent par de lourdes majorations des retenues à la source.
Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ce dispositif, qui n’a pas été élaboré par le Rassemblement national, est techniquement utile. La commission des finances du Sénat ne brille ni par son progressisme ni par son inclination à soutenir ce genre de mécanisme, or elle l’a adopté, preuve de l’utilité de celui-ci. Je préfère que l’on défende l’intérêt des contribuables français plutôt que de refuser le risque d’imposer doublement les entreprises s’établissant dans des territoires non coopératifs, pour ne pas dire pire.
On peut toujours trouver des limites techniques, mais comme l’a dit le président, ces sociétés ont toujours un temps d’avance sur nous ; il serait opportun que, pour une fois, notre État ait un temps d’avance sur elles.
La commission adopte l’amendement I-CF516.
Amendement I-CF1586 de M. Franck Allisio
M. Emmanuel Fouquart (RN). Afin de compléter le dispositif visant à lutter contre les abus en matière de prix de transferts, introduit dans la dernière loi de finances, l’amendement modifie l’article 223 quinquies B du CGI de manière à rendre obligatoire pour toute entreprise dont le chiffre d’affaires de l’entité française atteint au moins 50 millions d’euros non pas la réalisation d’une déclaration postérieure à la clôture de l’exercice mais l’obtention d’un accord préalable unilatéral en matière de prix de transfert. Cet accord existe déjà mais il est facultatif.
Les abus étant récurrents, un contrôle plus strict de ces pratiques se révèle nécessaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cette mesure, totalement disproportionnée, reviendrait à demander à toutes les entreprises de solliciter un rescrit auprès de l’administration fiscale. Elles sont déjà soumises à l’obligation de définir leurs prix de transfert en application du principe de pleine concurrence. En outre, l’administration dispose des outils adaptés pour contrôler les prix de transfert et éviter que ceux-ci ne réduisent l’assiette de l’IS en France. Tout bénéfice indûment transféré peut être réintégré à la comptabilité de l’entreprise.
La conclusion d’un accord préalable de prix de transfert n’exclut ni le contrôle ni la fraude, car une entreprise ayant conclu un accord peut toujours décider de s’en écarter. Les accords préalables existent avant tout pour assurer une forme de sécurité juridique aux entreprises.
L’avis est défavorable.
La commission adopte l’amendement I-CF1586.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF1725 de M. Guillaume Garot.
Amendement I-CF517 de M. Franck Allisio
M. Emmanuel Fouquart (RN). Il vise à aggraver les amendes prévues aux articles 1740, 1740 A et 1741 du CGI sanctionnant respectivement les fraudes aux dispositifs d’allégement fiscaux spécifiques aux outre-mer, la délivrance de faux documents permettant à un contribuable d’obtenir indûment un allégement ou un crédit d’impôt, et le fait de se soustraire ou de tenter de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel de l’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les aggravations d’amendes proposées sont quelque peu excessives compte tenu de l’important renforcement de la pénalisation de la fraude voté en 2024.
En cas de fraude à l’impôt sur le revenu (IR) ou à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), une privation du bénéfice des crédits et des réductions d’impôts pendant trois ans est prévue. S’agissant des manœuvres visant à aider un contribuable à frauder, un délit ad hoc de mise à disposition d’instruments facilitant la fraude, qui a fait l’objet de longs débats en commission, a été créé. Enfin, concernant l’aggravation de l’amende prévue à l’article 1741 du CGI, le montant de 500 000 euros peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, et jusqu’à 3 millions d’euros en cas de fraude fiscale aggravée.
Nous avons déjà beaucoup durci les sanctions dans les dernières lois de finances ; essayons de dresser un bilan avant de les aggraver de nouveau. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1549 de Mme Christine Pirès Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’article 1740 A bis du CGI, que nous avons créé en 2018 et modifié en 2020, est inopérant ; l’administration ne l’a jamais appliqué. Le Gouvernement souhaitait, à juste titre, responsabiliser les professionnels fournissant des conseils ou les moyens en vue de frauder, tant il est vrai que cela requiert une certaine technicité. Le dispositif ne s’appliquait donc que lorsque l’administration avait pu à établir des manœuvres frauduleuses entraînant une majoration de 80 %, ce qui est très rare.
Cet amendement vise à rendre effectif cet article, qui s’appliquerait aux manquements délibérés à l’encontre desquels l’administration prononce une majoration de 40 %, qui sont plus fréquents.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour sanctionner la complicité fiscale des conseils du contribuable, l’administration fiscale doit démontrer que la prestation a un rôle direct et intentionnel dans les manœuvres frauduleuses. Cette sanction a donc été réservée aux situations d’abus de droit et aux schémas frauduleux d’optimisation, cas où les conseils jouent un rôle déterminant.
Notre collègue va plus loin en proposant de l’étendre aux manquements délibérés du contribuable : la minoration de revenus fonciers ou les omissions déclaratives, par exemple, sont techniquement simples, et il paraît très difficile d’apporter la preuve du rôle du conseil. Le contrôle par le juge serait exigeant.
En l’état du droit, le nouveau délit créé sanctionne durement la mise à disposition d’outils facilitant la fraude fiscale. Je ne suis pas favorable à une modification du droit ; attendons trois ans pour constater si les craintes de Mme Pirès Beaune se confirment.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avons du recul sur l’application de cet article, qui a été modifié en 2020. Par ailleurs, cet article ne s’applique pas en cas de rectifications ou de bonne foi du contribuable.
La commission adopte l’amendement I-CF1549.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1551 de M. Christine Pirès Beaune.
Compte tenu de l’avis défavorable du rapporteur général, l’amendement I-CF1333 de M. Daniel Labaronne est retiré.
Amendement I-CF1782 de M. Thomas Cazenave
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Il s’agit de renforcer les moyens de l’État pour lutter contre la fraude dans le domaine des cryptomonnaies.
La commission adopte l’amendement I-CF1782.
Amendement I-CF1504 de Mme Christine Pirès Beaune
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il fait suite aux travaux du Printemps de l’évaluation 2024 relatifs à la Corse et vise à permettre aux services de Bercy de se rendre sur place dans le cadre d’un contentieux relatif au CIIC, comme c’est le cas en matière de remboursements de crédits de TVA.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable car cette situation est anormale.
La commission adopte l’amendement I-CF1504.
Article 15 : Report de trois ans de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
Amendements de suppression I-CF841 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF1357 de M. Charles Rodwell
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans la vie politique, il y a vraiment des moments de grande ironie. Il revient donc au Rassemblement national de se mobiliser pour permettre à Emmanuel Macron de tenir sa promesse. On aura vraiment tout vu !
Si Marine Le Pen avait gagné les élections présidentielles, nous aurions baissé drastiquement les impôts de production. Nous aurions notamment supprimé la cotisation foncière des entreprises (CFE), impôt injuste, ce qui aurait favorisé les TPE et PME, en particulier les artisans. Ce choix n’a pas été fait.
S’agissant de la réindustrialisation, le lien de confiance ne doit pas être brisé. Notre contre-budget prévoit d’honorer l’engagement de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) que d’autres ont pris. La parole de la France en matière de stratégie économique a un sens. La suppression de la CVAE n’est pas idéale mais va dans le sens d’une baisse des impôts de production.
Quand Marine Le Pen sera à l’Élysée, nous mènerons enfin une politique industrielle digne de ce nom. J’ai hâte !
M. Charles Rodwell (EPR). C’est effectivement ironique que le Rassemblement national critique publiquement notre politique économique avant d’en souligner les bienfaits. La suppression progressive de la CVAE est un engagement que nous avons pris vis-à-vis des entreprises et des salariés depuis plusieurs années.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements sont pleins d’humour. Celui de M. Tanguy vise à souligner la contradiction entre les promesses faites et l’article 15, qui reporte de trois ans la suppression progressive de la CVAE, soit après les élections présidentielles. Je salue les trois fondamentalistes qui croient encore aux engagements pris. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je suis défavorable à ces amendements : c’était un mauvais projet et il est très bon qu’il soit gelé. La suppression de la CVAE pose un gros problème aux collectivités locales : cette mesure a été adoptée sans tenir compte du lien qui existait entre les collectivités et un impôt assis sur la réalité économique locale, lequel incitait les collectivités à attirer des entreprises sur leur territoire. Sa suppression a donc un effet délétère. Par ailleurs, elle est compensée par l’octroi d’une fraction de TVA, ce qui pose problème quand celle-ci est moins dynamique. Enfin, nous avons besoin des recettes issues de cet impôt.
M. Corentin Le Fur (DR). Je suis d’accord avec vous s’agissant des difficultés rencontrées par les collectivités ; il faudra réfléchir à un financement plus global de celles-ci. Néanmoins, nous estimons indispensable de baisser les impôts de production. Malheureusement, l’état très préoccupant de nos finances publiques nous impose de reporter cette mesure. C’est pourquoi nous voterons contre ces amendements.
M. Nicolas Sansu (GDR). Revenons aux fondamentaux : on ne peut défendre les collectivités locales tout en étant favorable à la baisse de la CVAE ; il y a là une contradiction patente.
Revenons à la réalité : en 2009, la taxe professionnelle (TP) a rapporté 30 milliards. Aujourd’hui, le produit des impôts économiques locaux s’élève à 12 milliards en raison de la baisse de la CFE et de la CVAE. En 2009, la taxe foncière et la taxe d’habitation ont rapporté 45 milliards, contre presque 40 milliards aujourd’hui pour la seule taxe foncière. Autrement dit, la charge de l’impôt a été transférée sur les habitants, et sur les consommateurs puisque la suppression de la CVAE est compensée par la TVA. Nous n’avons pas d’impôt économique local digne de ce nom qui garantisse le développement du service public local et de l’investissement public local ; ce n’est pas raisonnable.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Le Conseil d’analyse économique (CAE), organe rattaché à Matignon, a analysé les conséquences de la suppression de la CVAE : elle profitera aux entreprises du secteur de l’énergie, du gaz, des mines et de la finance – uniquement de grosses entreprises. Vous choisissez de faire des cadeaux aux grosses entreprises au détriment des collectivités locales ; c’est scandaleux. Votre politique consiste toujours à prendre aux petits pour donner aux gros. À votre place, je retirerais ces amendements de suppression.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Sansu, ce qui reste du produit de la CVAE est versé à l’État.
Je partage l’analyse du président : on a brisé à la fois le lien entre le citoyen contribuable et le citoyen électeur, du fait de la suppression de la taxe d’habitation, et celui entre les intercommunalités, les communes et les entreprises, en transformant la CVAE en impôt d’État. Aujourd’hui, il faut être fou pour équiper des zones d’activités ; c’est un problème qui nous concerne tous.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je n’ai pas rencontré un seul électeur gersois me suppliant de rétablir la taxe d’habitation ou une seule entreprise gersoise me priant de rétablir la CVAE. Cette baisse d’impôts a donné du pouvoir d’achat aux Français et a permis aux entreprises de se développer.
M. le président Éric Coquerel. Je connais des électeurs gersois qui étaient contre la suppression de la taxe d’habitation et qui ont quand même voté pour vous au second tour.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1047 de M. David Guiraud
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous sommes pour le rétablissement de la CVAE, dont les deux tiers étaient payés par 10 000 grandes entreprises. Vous faites les poches des collectivités territoriales et, une fois de plus, vous faites payer les Françaises et les Français à la place des entreprises. Il est donc faux de dire que seules les toutes petites entreprises y contribuaient.
Le manque à gagner pour l’État est d’environ 15 milliards. La suppression de la CVAE est compensée par un transfert de TVA : ce sont donc les catégories populaires qui paieront à la place des entreprises. Non seulement les collectivités territoriales sont prises à la gorge, parce que vous supprimez leurs ressources fiscales, mais en plus, vous leur imposez un effort de 5 milliards – voire 6,5 milliards.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Si nous rétablissions la CVAE pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, les collectivités percevraient beaucoup moins de recettes au titre de cet impôt qu’en 2022.
Par ailleurs, le rétablissement de la CVAE n’est pas la meilleure manière de faire contribuer les entreprises : lorsqu’on taxe la valeur ajoutée, on ne prend pas en compte le bénéfice réalisé par l’entreprise et on pénalise l’investissement et la compétitivité des entreprises.
Enfin, sa suppression bénéficiera à terme à près de 530 000 entreprises dont 25 % sont industrielles. Selon le rapport Dubief-Le Pape de 2018 sur la fiscalité de production, 80 % des entreprises bénéficiaires sont des TPE, des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).
M. Éric Woerth (EPR). La mesure doit être reportée, compte tenu de la situation, mais il convient de supprimer la CVAE, ainsi que, plus globalement, les impôts de production – c’est ce que nous faisons au fur et à mesure ; le chemin est long et difficile.
Nous pourrions avoir un dialogue beaucoup plus adulte et moins agressif avec les collectivités. Nous pourrions leur proposer une réforme de la fiscalité locale reposant sur un partage de l’impôt national en fonction des compétences des collectivités locales. Le bloc communal pourrait concentrer la fiscalité foncière – tant celle applicable aux entreprises que celle applicable aux ménages –, tandis que les régions se verraient attribuer une fraction de l’impôt sur les sociétés territorialisée.
M. David Guiraud (LFI-NFP). La question démocratique est ici fondamentale. On ne peut mêler autant le budget de l’État et celui des collectivités locales en multipliant des tours de passe-passe comme la suppression de la CVAE par la TVA payée par les Français.
La réalité, c’est que les collectivités ont de moins en moins la capacité de mener des projets. La maire de Pibrac a ainsi démissionné car elle se considère comme une « simple gestionnaire sans marge de manœuvre ».
Monsieur Cazeneuve, avez-vous discuté avec les élus locaux, qui sont assurément contre la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE ?
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le problème vient de la suppression de la taxe professionnelle. La liberté des communes a été abandonnée depuis longtemps. Elles n’étaient pas libres de fixer le taux de la CVAE, qui était imposé par l’État. La CVAE est un impôt de production, ce qui signifie que même en l’absence de bénéfices, une entreprise doit l’acquitter. C’est l’impôt le plus ridicule pour l’entreprise.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Woerth, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) est un impôt local qui finance le bloc communal ; plus les propriétaires seront nombreux dans la commune, plus le lien entre les contribuables et la commune sera fort. Dans votre rapport sur la décentralisation, vous proposez de créer une contribution sociale généralisée (CSG) départementale, à laquelle je suis favorable à condition de territorialiser l’assiette et de moduler le taux. Il est en revanche impossible de verser une fraction de l’IS aux régions car on ne peut territorialiser l’assiette.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1048 de M. Aurélien Le Coq.
Amendements identiques I-CF1438 de M. Éric Coquerel, I-CF-1269 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1834 de M. Philippe Brun et I-CF1838 de M. Tristan Lahais
M. Nicolas Sansu (GDR). Cet amendement, soutenu par les quatre groupes du Nouveau Front populaire, vise à rétablir la CVAE pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard, afin de redonner des marges de manœuvre aux collectivités locales.
Par ailleurs, hier, Édouard Philippe a dit à Mme Vautrin tout le bien qu’il pensait de ce budget qui réduira l’investissement public local.
M. Jacques Oberti (SOC). En devenant député, j’ai abandonné mon poste de président d’une communauté d’agglomération d’Occitanie que j’occupais depuis dix ans. Monsieur Cazeneuve, aucun chef d’entreprise ne m’a jamais demandé de supprimer la CVAE. En revanche, ils se réjouissaient des moyens dégagés par l’intercommunalité en faveur de l’aménagement du territoire, des transports publics et du développement économique.
Le premier coup de rabot a été donné par le mode de calcul de la compensation versée aux communes, assise sur la moyenne des recettes des trois dernières années de perception de l’impôt. Le second est l’engagement non tenu par l’État d’abonder le fonds Vert avec l’argent perçu.
Mme Eva Sas (EcoS). Au nom du groupe Écologiste et social, je dénonce la saignée infligée aux collectivités locales, qui subissent plus de 8,5 milliards d’euros de coupes budgétaires, entre le mécanisme de résilience, la diminution du fonds Vert et la non-indexation des dotations sur l’inflation.
Les conséquences seront gravissimes. Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg, dont le budget sera amputé de 9 millions d’euros, se demande si elle devra fermer des crèches ou des cantines scolaires, ou arrêter de financer des animations dans les quartiers.
Nous refusons ces coupes budgétaires. Nous souhaitons que les collectivités retrouvent des marges de manœuvre fiscales. Nous proposons le rétablissement progressif de la CVAE pour sauvegarder les services publics du quotidien.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Plus les collectivités ont des moyens, mieux on se porte dans les territoires. Néanmoins, je ne peux laisser dire qu’il n’y a plus de marges de manœuvre pour les collectivités locales. Cette année, leur niveau d’investissement a augmenté de 12 % ; elles n’ont jamais eu autant de moyens pour investir. Je me réjouis des bonnes nouvelles contrairement à d’autres – ce n’est pas leur fonds de commerce.
Par ailleurs, on ne pouvait ni piloter la CVAE ni prévoir ses recettes ; les communes n’étaient pas compétentes pour fixer son taux. De nombreux rapports recommandaient sa suppression.
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Mattei, la philosophie de l’impôt de production, c’est que l’agent économique qu’est l’entreprise bénéficie des services assurés par la collectivité – les routes, l’éducation…– et qu’à ce titre, il est normal qu’elle participe à son financement. On peut en débattre, mais ce n’est pas un impôt stupide.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF628 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). La suppression de la CVAE met en lumière votre politique : vous supprimez les moyens de souveraineté des communes qui n’ont plus aucune marge de manœuvre, elles le disent toutes. Dans le même temps, le bloc présidentiel, qui fait porter la responsabilité du déficit sur les collectivités locales, adopte une attitude méprisante.
Vous prévoyez d’effectuer des prélèvements sur les recettes des collectivités. Intercommunalités de France a fait des calculs qui font froid dans le dos. Dans la commune de Clermont-Ferrand, ils s’élèveront à 3,7 millions d’euros, soit une fois et demie les dépenses de la cantine scolaire ; pour la métropole, c’est 4,5 millions en moins, soit la rémunération de 320 agents. Or les collectivités assurent 60 % de la commande publique. Depuis sept ans, vous vous dites favorables aux entreprises, mais vous menez une politique en parfaite contradiction avec ces discours.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
M. Éric Woerth (EPR). Les collectivités n’ont pas le monopole du service public. Il n’y a pas, d’un côté, les collectivités, qui financent les services publics et, de l’autre, l’État, responsable d’une gabegie d’argent public et qui n’offrirait aucun service public aux Français. L’éducation nationale, les forces de l’ordre et l’essentiel de la dépense sociale sont financés par l’État. D’un autre côté, les collectivités sont également touchées par la crise.
Si nous partageons ce constat, nous pouvons dialoguer de manière responsable sur la répartition du financement des services publics entre les acteurs et les modalités de ce financement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1760 de M. Philippe Brun
M. Jacques Oberti (SOC). Cet amendement de repli vise à conserver ce qui reste de CVAE et de CFE, en vue de préserver l’important lien entre les entreprises et les intercommunalités et d’être attentif au monde de l’entreprise.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF631 de M. Aurélien Le Coq et I-CF633 de M. David Guiraud (discussion commune)
M. David Guiraud (LFI-NFP). C’est également un amendement de repli relatif à la CVAE. Nous savions que la Macronie avait pris fait et cause pour les entreprises plutôt que pour les collectivités. Mais voilà que le Rassemblement national modifie significativement sa ligne politique : il avalise la suppression de la CVAE, à son tour prend fait et cause pour les entreprises et abandonne la liberté des collectivités territoriales. Pendant un an, le Rassemblement national nous a fait croire l’inverse ; il montre aujourd’hui son vrai visage.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je ne sais pas de quoi parle M. Guiraud. Le Rassemblement national, qui a toujours défendu la baisse des impôts de production, aurait souhaité la suppression d’un autre impôt que la CVAE. Si M. Guiraud et quelques-uns de ses amis n’avaient pas voté pour M. Macron, une autre décision aurait été prise. Je le regrette ; j’aurais presque préféré que M. Guiraud appelle à voter pour Marine Le Pen.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements I-CF1243 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1398 de M. Gérault Verny, I-CF1655 de M. Mathieu Lefèvre, I-CF1351 de M. Charles Rodwell et I-CF381 de M. Charles Sitzenstuhl (discussion commune)
M. Charles Rodwell (EPR). Même les fondamentalistes savent faire preuve de pragmatisme. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’engagement que nous avons pris de supprimer la CVAE. Je rappelle que celle-ci a été compensée aux collectivités. Je rappelle aussi que les impôts de production sont une hérésie économique : il s’agit de taxer un bien avant même qu’il ne soit vendu. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons poursuivre la politique économique de baisse massive des impôts de production menée depuis sept ans.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Il est important de supprimer ou, à tout le moins, de baisser la CVAE. À entendre les débats, on a le sentiment qu’en France, les entreprises vivent dans un paradis fiscal. Ce n’est pas ce que montrent les chiffres. Le poids des impôts de production en France représente environ 4 % du PIB, contre 3 % en Italie, 2 % en Espagne et en Pologne, et 0,75 % en Allemagne – la comparaison avec nos concurrents et partenaires directs me semble pertinente. C’est pourquoi ce matin, certains d’entre nous ont mené un combat important pour baisser les impôts de production, ou à tout le moins, éviter d’alourdir la charge qui pèse sur les entreprises.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1243, qui vise à reporter à 2100 la suppression de la CVAE, est une provocation ; je ne peux qu’y être défavorable.
L’amendement I-CF1398 tend à supprimer la CVAE au 1er janvier 2025. Or le report de cette suppression permettra à l’État d’économiser 6 milliards d’euros sur la période 2025-2027. Les amendements I-CF1655, I-CF1351 et I-CF381, qui proposent de suspendre la suppression progressive pendant un an avant de la reprendre, sont du même acabit.
Pouvez-vous nous fournir l’équivalent de cette économie en réduction des dépenses ? Les auteurs de ces amendements soutiennent le Gouvernement tout en le mettant en difficulté – enfin, chacun fait ce qu’il veut.
Avis défavorable à tous ces amendements.
M. Gérault Verny (AD). Nous ne pouvons pas, d’un côté, déplorer la baisse de la production industrielle française et les difficultés que rencontrent les entreprises françaises à l’export et, de l’autre, ne pas nous intéresser aux causes, d’autant qu’elles sont connues. Le coût horaire du travail s’élève à 41 euros en France, contre 22 euros en Espagne, 21 euros en Italie, 8 euros en Bulgarie – cas le plus extrême dans le marché commun. Les impôts de production représentent 4,75 % du PIB en France, contre 2,87 % en Italie, 2 % en Espagne et 0,75 % en Allemagne qui est notre plus grand concurrent industriel.
En supprimant la CVAE nous mettrions fin à une injustice, un boulet aux pieds des industriels, qui se battent sur le marché commun contre des concurrents qui ne sont pas soumis à la même réglementation ou à la même fiscalité.
M. Jacques Oberti (SOC). Je me place du côté des collectivités et de leurs regroupements : contrairement à ce qui a été dit, la suppression de la moitié de la CVAE n’a absolument pas été compensée – on a pris la moyenne de trois années, dont la dernière était celle du covid. Certaines collectivités, qui comptaient sur une stabilisation, ont misé sur le fait qu’on ne rognerait pas la TVA redistribuée, mais chacun voit ce qui nous attend.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 15 non modifié.
Article 16 : Clarification des modalités de calcul de l’atténuation des variations de valeurs locatives des locaux professionnels
La commission adopte l’article 16 non modifié.
Après l’article 16
Amendement I-CF84 de M. Nicolas Sansu
M. Nicolas Sansu (GDR). Nous proposons d’augmenter la taxe sur les bureaux dans les zones qualifiées de premium au vu de la valorisation de ces locaux et de leur taux de rentabilité. Cette contribution au financement des infrastructures de transport peut être relevée sans problème. Elle a déjà servi à financer le Grand Paris Express et on pourrait également l’utiliser pour le développement des Serm (services express régionaux métropolitains).
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement doublerait brutalement le montant de la taxe, qui passerait de 25 à 50 euros par mètre carré. Ce n’est pas raisonnable. Je vous invite à retirer cet amendement et à formuler une proposition plus réaliste.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF329 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Nous souhaitons reprendre une mesure qui était inscrite dans la proposition de loi de Romain Daubié visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. Il s’agit d’exonérer de la taxe sur les bureaux et autres locaux professionnels, dans les régions Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), les locaux à usage de bureaux ayant fait l’objet d’un plan de transformation en logements. Nous avions adopté à l’unanimité la proposition de loi, mais la navette a été stoppée par la dissolution.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exonération que vous proposez est trop large : si elle débute à la date de la demande de permis, les bureaux seront exonérés pendant des années avant de devenir effectivement des logements. Il faudrait au moins corriger l’amendement sur ce point d’ici à la séance. Par ailleurs, la taxe sur les bureaux qui s’applique désormais en Paca – l’Île-de-France n’est plus la seule région concernée – n’a pas encore deux ans. Attendons de voir ses effets avant de la grever d’exonérations. Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Votre réponse m’étonne, monsieur le rapporteur général, car cette mesure figurait dans un texte voté à l’unanimité dans l’hémicycle – y compris, donc, par vous, si vous étiez présent à ce moment-là.
La commission adopte l’amendement I-CF329.
Amendement I-CF814 de Mme Cyrielle Chatelain, amendements identiques I-CF564 de M. Inaki Echaniz, I-CF585 de M. Mickaël Bouloux et I-CF1325 de M. Daniel Labaronne, amendements I-CF1009 de Mme Marianne Maximi, I-CF1010 de M. Aurélien Le Coq, I-CF220 de M. Emmanuel Maurel, amendements identiques I-CF132 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1143 de M. Paul Molac et amendement I-CF816 de Mme Cyrielle Chatelain (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Près de 3,1 millions de logements sont vacants alors que les besoins explosent et que l’organisation de la rareté aggrave la spéculation immobilière et donc la cherté du logement. Par ailleurs, un tiers des logements vacants depuis plus de deux ans appartiennent à des multipropriétaires.
Pour lutter contre ce phénomène sans appliquer des mesures punitives à l’égard des ménages modestes, l’amendement I-CF814 fusionne la taxe sur les logements vacants (TLV) et la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) pour en faire une taxe obligatoire dans toutes les communes. Cela permettra de renforcer les financements des collectivités territoriales, durement asphyxiées par ce projet de budget.
L’amendement I-CF816 vise à rendre cette taxation progressive, selon le nombre de biens vacants détenus par le propriétaire, afin qu’elle soit beaucoup plus incitative et plus juste, par un ciblage sur les multipropriétaires.
M. Inaki Echaniz (SOC). La situation, comme l’a expliqué Mme Simonnet, est difficile car le nombre de logements vacants ne cesse d’augmenter. La fusion des deux taxes existant en la matière pour lutter contre ce fléau dans des conditions plus efficaces et plus intéressantes pour les collectivités est une vieille demande des collectivités et de nombreux groupes parlementaires. Nous vous proposerons aussi d’adopter un dispositif innovant pour taxer les logements vacants de façon progressive, en fonction du nombre de mètres carrés, du nombre de biens détenus et de la durée de la vacance.
M. Daniel Labaronne (EPR). Mon amendement vise également à fusionner les deux taxes. Il donne en outre aux conseils municipaux la possibilité de moduler la majoration de la taxe d’habitation sur les logements vacants et les résidences secondaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements visent à fusionner la TLV et la THLV en supprimant la première, en alignant la notion de vacance du logement sur ce qui était prévu dans le cadre de la TLV, à savoir une durée d’un an, et en donnant la possibilité aux assemblées locales de majorer la THRS. Je rappelle que le taux de la TLV est de 17 % la première année, puis de 34 %.
La TLV est une recette de l’État, alors que la THLV va aux communes. La fusion des dispositifs que vous proposez priverait l’État du produit de la TLV, soit à peu près 200 millions d’euros.
Une extension du zonage retenu pour la majoration de THRS est intervenue l’année dernière, avec l’accord des associations d’élus locaux et du CFL (Comité des finances locales). Restons-en à ce périmètre au lieu de prévoir une généralisation : le zonage actuel est déjà très étendu puisqu’il concerne 3 697 communes, abritant 29 millions d’habitants – 16 millions de logements et 2,25 millions de résidences secondaires.
Le dispositif actuel est suffisant. Avis défavorable à une nouvelle augmentation qui pèserait sur les contribuables locaux.
M. Philippe Juvin (DR). Flaubert parle de « fureur de déambulation » dans Madame Bovary. Votre fureur est celle de la fiscalisation. Nous avons déjà une taxe dont le taux passe de 17 à 34 % au bout d’une année, celui de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires peut aller jusqu’à 60 % et la taxe sur les logements vacants est sans plafond. Nous avons donc affaire à un objet fiscal incontrôlé. Je vous propose de ne pas céder à ce moment d’égarement et de rejeter en bloc les présents amendements.
M. Daniel Labaronne (EPR). Il faut absolument remettre des biens sur le marché. Les 3 millions de logements vacants représentent 8 % du parc immobilier : c’est un enjeu majeur, notamment dans les territoires ruraux. Nous avons besoin d’une fiscalité très incitative et d’un accompagnement pour les propriétaires, afin de lutter contre un ensemble d’inhibitions ou de craintes. Je rappelle à cet égard qu’il existe des dispositifs de garantie en cas de loyer impayé ou de dégradation du bien. Il faut inciter les élus locaux à appliquer des mesures pour remettre sur le marché des biens vacants.
M. Inaki Echaniz (SOC). La vacance des logements n’est pas seulement frictionnelle : il y a des propriétaires qui ne veulent pas mettre leurs biens sur le marché et les laissent à l’abandon, notamment dans les villes moyennes et les territoires ruraux. Je devine en vous écoutant, monsieur Juvin, que vous soutiendrez notre amendement visant à réduire l’imposition sur les locations de longue durée. La crise du logement est telle que nous ne pouvons pas continuer à arrondir les angles face à des gens qui ne font pas les efforts nécessaires.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). J’ai encore le bonheur d’être maire, puisqu’un recours a été déposé contre mon élection à l’Assemblée nationale. Je sais, comme les élus locaux que vous êtes ou que vous avez été, qu’il est difficile de reconquérir des logements vacants. Dans ma modeste commune de 4 500 habitants, nous rencontrons tous les propriétaires concernés afin de leur présenter les aides dont ils peuvent bénéficier pour la rénovation énergétique des logements et leur remise en location, mais il faut aussi utiliser la THLV. J’aurai plus tard l’occasion de défendre la déliaison des taux : nous devons laisser les communes voter la fiscalité dont elles ont envie pour mener leurs projets. Si elles votent de mauvais taux, leurs élus seront battus aux élections municipales. Laissons les communes gérer comme elles l’entendent.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis choquée, monsieur Juvin, que vous parliez d’égarement quand nous débattons sérieusement de la taxation des logements vacants. Le véritable égarement, c’est que 2 000 enfants soient laissés à la rue et que le Gouvernement ne se donne aucun moyen de répondre à la crise du logement. Que mettez-vous sur la table ? S’il faut recourir à des taxes pour que le logement serve à son usage premier, qui est de loger des gens, au lieu d’être un objet de spéculation financière, alors utilisons ce levier.
L’amendement I-CF132 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements restants.
Amendement I-CF1203 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Les communes de plus de 50 000 habitants situées dans des zones tendues disposent de la taxe sur les logements vacants, mais les autres n’ont pas d’outil spécifique. Pour elles, tout dépend de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Or les communes veulent un véritable levier fiscal pour lutter contre la vacance de logements. Je vous propose donc de créer une taxe communale spécifique en la matière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous incite à retirer votre amendement pour le réécrire : en l’état, la nouvelle taxe ne ferait que s’ajouter à l’existant, c’est-à-dire la TLV, la THLV et la THRS. Il faudrait préciser l’articulation entre les dispositifs.
L’amendement est retiré.
L’amendement I-CF178 de Mme Marie-Christine Dalloz est retiré.
Amendements I-CF594 de Mme Sophie Pantel, I-CF422 de Mme Sandra Regol, I-CF1555 de M. Nicolas Ray, I-CF1038 de M. Sébastien Saint-Pasteur, I-CF996 de M. Aurélien Le Coq, amendements identiques I-CF95 de M. Vincent Descoeur et I-CF1518 de M. Jean-Pierre Bataille, amendements identiques I-CF1892 de M. Charles de Courson, I-CF94 de M. Vincent Descoeur, I-CF1354 de Mme Sophie Pantel et I-CF1517 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)
Mme Sophie Pantel (SOC). Nous devons consolider notre modèle de sécurité civile en donnant aux services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) les moyens de faire face à leurs nouvelles missions, compte tenu des défaillances auxquelles ils sont obligés de remédier sur le terrain, et de garantir à tous et toutes un égal accès aux secours. C’est une préoccupation transpartisane, dont les épisodes cévenols et d’autres événements que nous venons de vivre dans plusieurs départements montrent bien l’importance.
Le financement des Sdis est essentiellement assuré par les départements, les communes et un petit bout du FCTVA (fonds de compensation pour la TVA). La contribution des communes étant plafonnée, les départements servent de variable d’ajustement alors qu’ils sont exsangues. Ils subissent, en effet, un effet de ciseaux dû à la perte de leur autonomie fiscale et à la hausse des dépenses qui leur incombent, en particulier les restes à charge des allocations individuelles de solidarité. La strate départementale est, par ailleurs, celle qui fait le plus d’efforts en matière de solidarité horizontale, c’est-à-dire entre collectivités de même niveau.
Les amendements que nous vous proposons ont été préparés avec Départements de France et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Un consensus a vu le jour, notamment après l’été 2022, sur le principe de la « valeur du sauvé ». Puisque les assureurs sont les principaux bénéficiaires des interventions des Sdis, nous souhaitons doubler la TSCA (taxe spéciale sur les conventions d’assurance) en mettant fin à certaines exemptions qui concernent, par exemple, des activités contribuant au réchauffement climatique – je pense aux contrats relatifs aux aéronefs, aux navires de commerce ou aux poids lourds. L’amendement I-CF594 permettrait ainsi de collecter 300 millions d’euros au profit des départements, avec un fléchage vers les Sdis. Chers collègues, votre vote sera scruté par 250 000 sapeurs-pompiers.
Mme Sandra Regol (EcoS). Comme beaucoup, sur tous les bancs, nous voulons mobiliser la TSCA pour financer notre sécurité civile, désormais exsangue. On voit bien que les inondations et les feux de forêt massifs se multiplient, mais on réalise mal leur coût, au-delà de la santé, pour nos pompiers. Leur mobilisation contre les feux en Gironde a pourtant coûté 1 million d’euros par jour, dont 60 000 euros par jour lors du pic des incendies rien que pour le carburant. De tels coûts nécessitent de dégager des financements supplémentaires. Le recours à la TSCA, évoqué depuis des années par les syndicats de pompiers, est désormais une idée transpartisane. Il est temps d’avancer pour donner à notre sécurité civile les moyens dont elle a réellement besoin.
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement I-CF1555 vise à augmenter le financement des Sdis en doublant la part du produit de la TSCA qui est affecté aux départements. Seule la répartition évoluera : notre amendement n’a pas d’effet sur les montants payés par les assurés. Le produit de la taxe a changé, mais la part allouée aux départements n’a pas été corrigée depuis 2007 : elle reste déterminée selon le nombre de certificats d’immatriculation délivrés en 2005.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Michel Barnier a dit ce matin que les 2 300 interventions de sapeurs-pompiers réalisées à la suite des récentes crues et inondations avaient sauvé des vies. Reste à savoir comment financer de telles interventions. Il y a un consensus au sein des services départementaux d’incendie et de secours et des conseils départementaux sur le fait que les financements actuels ne suivent plus la croissance des interventions, qu’il s’agisse de lutter contre les feux de forêt et les inondations ou de réaliser d’autres missions d’assistance : les budgets sont de plus en plus dans le rouge. Nous proposons, par l’amendement I-CF996, de modifier la clef de répartition du produit de la taxe sur les conventions d’assurance en augmentant de 3 points la fraction reversée aux départements. Tout le monde dit que le modèle actuel ne tiendra pas sans un effort sur ce plan.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le premier de tous ces amendements relatifs au financement des Sdis tend à supprimer certaines exonérations de TSCA, concernant les aéronefs ou les navires. Je vous mets en garde : les acteurs visés auront tout simplement recours à des assureurs étrangers et nous n’aurons donc pas un sou de plus.
La plupart des autres amendements, dont le mien, jouent sur la répartition du produit de la taxe – 13,3 % vont actuellement à la Cnaf, 6,45 % aux départements et le reste à l’État. En réduisant de 3 points la part de la Cnaf pour augmenter d’autant celle des départements, on déplacerait 200 millions d’euros ; il reviendrait ensuite aux départements de déterminer s’ils utilisent ces crédits uniquement pour les Sdis ou non – ces services sont plus ou moins en difficulté selon les cas. Il me semble que c’est la voie de la sagesse. Vous objecterez peut-être que l’on dégraderait de 200 millions les comptes de la Cnaf, mais ils sont excédentaires. J’émettrai donc un avis favorable aux amendements qui vont dans ce sens et défavorable aux autres.
Mme Sophie Pantel (SOC). Notre amendement I-CF1038 tend à faire passer de 6,45 % à 10,45 % la part de TSCA affectée aux départements. L’amendement I-CF1354 aura, de même, pour effet de transférer vers les départements 200 millions d’euros, en les prélevant sur les excédents de la Cnaf. Nous sommes d’accord sur le principe d’un tel transfert, mais je trouve qu’il serait regrettable de ne pas faire contribuer un peu plus les assureurs, qui sont les premiers gagnants lorsque les sapeurs-pompiers interviennent. Il faut aller chercher de nouvelles recettes. En Suisse et ailleurs en Europe, la sécurité civile est uniquement financée par les systèmes assurantiels. Notre amendement I-CF594 leur demande un effort supplémentaire, sans augmenter la charge pour les familles, puisque tous les contrats relevant du quotidien – habitations ou encore automobiles – seront exclus.
M. Éric Woerth (EPR). Il est difficile de traiter la question du financement des départements uniquement à travers le prisme de la TSCA : s’ils sont probablement le niveau de collectivités le plus affaibli sur le plan budgétaire, ce n’est pas seulement en raison des risques naturels. Le financement des dépenses sociales peut représenter jusqu’à 60 % de leurs charges. Il faut s’intéresser à l’ensemble des prérogatives des départements : plutôt que de bricoler, essayons d’inventer un nouveau schéma de financement.
M. Jocelyn Dessigny (RN). J’ai remis l’année dernière, avec Xavier Batut, un rapport sur le financement des Sdis. Nous avons longuement étudié la question de la TSCA : 1,134 milliard d’euros sont reversés à la Cnaf, alors qu’il n’existe plus de lien direct entre la TSCA et cette caisse, qui a par ailleurs un excédent de 1,9 milliard. Nous avons donc proposé de récupérer au profit des Sdis non pas une fraction mais l’intégralité du produit de la TSCA versé à la Cnaf. On pourrait ainsi augmenter les moyens des Sdis d’environ 1,1 milliard sans créer des charges ou des taxes supplémentaires. Je déposerai à cette fin un amendement en séance, et j’espère que nos collègues si attachés à cette question me suivront.
Mme Sandra Regol (EcoS). Monsieur le rapporteur général, pourquoi s’arrêter en chemin quand le recours à un levier qui permettrait d’avancer plus rapidement et concrètement fait l’objet d’une telle unanimité ? Les premiers concernés, nos services d’incendie et de secours, souhaitent qu’on aille dans ce sens. Le système que nous proposons est le plus indolore pour la collectivité, et il permettra enfin d’investir et d’anticiper. Je comprends que vous préfériez votre propre amendement, mais nous pourrons peut-être trouver un accord d’ici à la séance, en espérant qu’un 49.3 ne vienne pas tout effacer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Des amendements identiques au mien ont été déposés par plusieurs groupes et la proposition que nous vous faisons me paraît équilibrée.
Si tous les amendements en discussion commune ont pour objet d’abonder les financements des départements pour aider les Sdis, les recettes supplémentaires ne seront pas juridiquement affectées à ces derniers. Pour atténuer l’ire des départements, nous leur avons donné une part de TSCA, mais il n’existe plus du tout de lien avec les Sdis et les versements n’ont jamais correspondu aux coûts à l’euro près.
Nous vous proposons une solution de compromis qui évitera à nos concitoyens de payer des primes d’assurance encore plus élevées. Je rappelle que les taxes sur les contrats multirisques habitation vont déjà augmenter de 7 % rien que pour alimenter le fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles.
La commission rejette successivement les amendements I-CF594, I-CF422, I-CF1555, I-CF1038, I-CF996, I-CF95 et I-CF1518, puis adopte les amendements I-CF1892, I-CF94, I-CF1354 et I-CF1517.
Amendement I-CF421 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Nos collègues LR doivent connaître la valeur du sauvé, puisqu’Éric Pauget a notamment travaillé sur cette notion dans un rapport qu’il a remis l’an dernier. Pour rappel, il s’agit de la valeur de ce que l’intervention des sapeurs-pompiers a permis de sauver – vies humaines, biens matériels ou écosystèmes. Il est vrai que nous ne disposons pas encore d’une méthodologie partagée pour produire des chiffres en la matière, mais nous savons que les feux de forêt de l’an dernier en Gironde ont coûté entre 4 et 5 milliards d’euros. Le présent amendement essaie de répartir entre les assureurs les coûts que les Sdis permettent d’économiser, afin que nous puissions mieux nous protéger et anticiper – nous démultiplierons peut-être ainsi la valeur du sauvé.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il existe déjà une taxe sur les compagnies d’assurance pour financer les Sdis : nous venons de parler longuement de la TSCA. La taxe, à l’assiette très large, que vous proposez d’instituer ne ferait que renchérir le coût des assurances, car elle serait répercutée sur leurs clients. Par ailleurs, s’il fallait créer un nouvel impôt de production, je préférerais qu’il permette aux collectivités locales de retrouver un pouvoir de taux. Enfin, il me semble que les amendements que nous venons d’adopter résolvent, pour partie, le problème. Avis défavorable.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Le calcul serait une véritable usine à gaz. Les recommandations que j’ai formulées avec Xavier Batut étaient de commencer par verser 100 % de la TSCA aux Sdis et de ne pas proroger l’exonération totale ou partielle dont bénéficient les véhicules électriques.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1405 de M. Gérault Verny
M. Gérault Verny (UDR). Afin de renforcer l’autonomie budgétaire des collectivités territoriales, l’amendement vise à leur reverser 7 % de la TVA collectée sur leur territoire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La TVA ne peut pas être territorialisée puisqu’elle est payée au siège de l’entreprise. Votre amendement est très inégalitaire : la plupart des communes ne récolteraient rien tandis que d’autres – celles dont dépend La Défense par exemple – verraient leurs ressources exploser. Je vous invite à le retirer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1315 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). Les réseaux de chaleur publics livrant moins de 10 gigawatts et alimentés à plus de 50 % par des énergies renouvelables et de récupération représentent 2 % des livraisons des réseaux de chaleur, soit 400 gigawatts. Ils sont installés dans des zones rurales, des gros bourgs et des petites villes.
L’amendement vise à autoriser les communes à exonérer ces installations de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises pour soutenir ce service public.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Certains outils de production d’énergie renouvelable peuvent déjà bénéficier d’exonérations. Ce n’est pas le cas des réseaux de production de chaleur. Dans la mesure où l’amendement ouvre une possibilité d’exonération, sans compensation, j’y suis favorable.
La commission adopte l’amendement I-CF1315.
Amendement I-CF34 de M. Stéphane Buchou
M. Christophe Plassard (HOR). La difficulté à se loger que connaissent nombre de nos concitoyens est plus aiguë encore dans les zones touristiques, où le taux de résidences secondaires est très élevé. Dans la loi de finances pour 2024, des mesures ont été adoptées pour y remédier : surtaxe sur les résidences secondaires, rééquilibrage de la fiscalité sur les meublés de tourisme. Elles doivent s’accompagner d’une invitation à transformer les résidences secondaires. Tel est l’objet de l’amendement, qui donne aux maires la possibilité d’exonérer de taxe foncière les propriétaires de résidences secondaires lorsqu’ils s’engagent à les destiner à la location à l’année.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Quelle idée baroque ! Pourquoi les résidences secondaires dans les zones tendues devraient-elles donner droit à un avantage fiscal au motif qu’elles sont promises à un locataire ?
M. Christophe Plassard (HOR). À Royan, la moitié des 80 000 résidences sont vides alors que 5 000 personnes attendent un logement. Si 10 % des résidences secondaires inoccupées étaient louées à l’année, nous aurions résolu le problème du logement dans notre territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1168 de M. Michel Castellani
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les établissements d’enseignement supérieur privés sous contrat, à la différence des établissements publics, doivent s’acquitter de la taxe foncière. L’amendement de M. Castellani tend à donner la faculté aux collectivités de les en exonérer. J’y suis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF130 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1823 de M. Emmanuel Mandon
M. Philippe Juvin (DR). Dans un souci de simplification administrative, il est proposé d’exonérer de taxe foncière les immeubles communaux et intercommunaux pour lesquels la collectivité paie la taxe à elle-même.
Mme Sophie Mette (Dem). Le coût pour le budget de l’État de l’amendement, qui a été rédigé en collaboration avec l’AMF (Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité), est nul.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Lorsque des collectivités territoriales sont propriétaires de logements, il est logique qu’elles s’acquittent de la taxe foncière. L’amendement n’est pas neutre financièrement : si une intercommunalité est propriétaire, la commune dans laquelle est sis le logement perdra la part de taxe foncière qui lui revient.
M. Philippe Juvin (DR). Il est bien précisé que l’exonération ne vaut que pour la part d’impôt que la collectivité se paie à elle-même.
La commission adopte les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF510 de M. Patrice Martin, puis les amendements identiques I-CF755 de Mme Martine Froger et I-CF1572 de Mme Sabrina Sebaihi.
Amendements identiques I-CF587 de M. Mickaël Bouloux et I-CF999 de M. Jérôme Legavre, amendement I-CF1202 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Jacques Oberti (SOC). Il s’agit de rétablir la possibilité pour les communes d’appeler la taxe foncière dès la première année pour les logements neufs construits sur une parcelle non artificialisée, en supprimant l’exonération de 40 % octroyée pendant les deux premières années.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il y a un paradoxe à prôner le zéro artificialisation nette (ZAN) et dans le même temps à imposer une exonération de taxe foncière.
M. Nicolas Ray (DR). Avant la suppression de la taxe d’habitation, les communes pouvaient refuser l’exonération de taxe foncière pendant les deux premières années pour les constructions nouvelles à usage d’habitation. Aujourd’hui, elles sont contraintes d’accorder une exonération minimale de 40 %.
Il convient de restituer aux communes la liberté de taxer dès la première année si elles le souhaitent.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Bref retour en arrière : avant la suppression de la taxe d’habitation, les communes pouvaient supprimer entièrement l’exonération de TFPB pendant deux ans pour les logements neufs. Depuis le transfert de la TFPB départementale aux communes, la part de 40 % de l’exonération correspond à l’ancienne part départementale de TFPB et ne peut être supprimée sans provoquer une hausse brutale d’impôt.
Les communes peuvent déjà effacer jusqu’à 60 % de l’exonération. La suppression complète de l’exonération pourrait aboutir à de très fortes hausses de TFPB pour certains contribuables alors que les bases ont déjà augmenté fortement.
M. Jacques Oberti (SOC). Puisqu’il s’agit de constructions nouvelles, l’impôt est acquitté pour la première fois. On ne peut donc pas parler d’augmentation.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je soutiens les amendements. La décision de supprimer l’exonération est entre les mains des élus. Les futurs contribuables ne sont pas pris en traître. Cela peut même avoir pour vertu de faire baisser le prix du foncier.
Après avoir rejeté les amendements identiques, la commission adopte l’amendement I-CF1202.
Amendement I-CF688 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). La réhabilitation des friches est aujourd’hui plus coûteuse que la construction neuve, qui devient pour les ménages modestes le seul moyen d’accéder à la propriété.
Afin de lutter contre l’artificialisation des sols, nous devons encourager cette réhabilitation. L’amendement prévoit ainsi une exonération de taxe foncière pour les constructions sur des friches.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exonération entraîne une perte de recettes que l’État devra compenser. Ce n’est pas acceptable.
Le fonds « friches », désormais intégré au fonds Vert, permet déjà de soutenir la reprise de friches. Le montant du fonds Vert a certes été réduit mais il demeure supérieur à l’ancien montant du fonds « friches ».
D’autres outils fiscaux peuvent être plus adaptés, notamment la taxe d’aménagement.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Nous reconnaissons tous les difficultés de financement des collectivités. Depuis la suppression de la taxe d’habitation, la seule marge de manœuvre dont elles disposent est la taxe foncière. Si vous commencez à autoriser les exonérations, vous leur retirez encore des ressources.
En outre, depuis l’adoption du ZAN, les friches sont particulièrement recherchées par les investisseurs. Il n’est pas besoin de les promouvoir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1296 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement a pour objet de moduler la TFPB jusqu’à 10 % pour les bâtiments les plus consommateurs d’énergie – ceux dont le diagnostic de performance énergétique est classé en catégorie F et G, voire E à compter du 1er janvier 2025 – afin d’inciter les propriétaires à engager des travaux de rénovation énergétique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La location de tels bâtiments est déjà progressivement interdite. Votre amendement aura pour effet de décourager tout investissement locatif. Et puis, entre nous, une modulation de 10 % ne changerait pas grand-chose.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF326 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). La loi de finances pour 2024 a prolongé pour la période de 2025 à 2030 l’abattement de 30 % sur la taxe foncière sur les logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Mais l’une des conditions posées – l’acquisition des biens avant 1998 – rend le dispositif inopérant. Il est donc proposé de la supprimer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous suggère de demander une évaluation du coût de votre mesure pour l’État, qui verse déjà au titre de la compensation 126 millions d’euros pour 2,14 millions de locaux en 2024.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF325 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Afin de tenir compte des retards de calendrier, il s’agit d’octroyer un délai de trois mois supplémentaires pour la signature des contrats de ville pour bénéficier de l’abattement sur la taxe foncière pour les logements sociaux en QPV dès 2025.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il s’agit d’une mesure technique bienvenue pour faciliter la mise en œuvre d’une politique publique décidée par le législateur.
La commission adopte l’amendement I-CF325.
Amendement I-CF687 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). L’amendement vise à soulager certains ménages modestes qui sont exonérés de taxe foncière mais redevables de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) en les exonérant de cette dernière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La Teom permet de faire un lien utile entre la contribution des habitants de la collectivité et le service rendu.
De plus en plus, les collectivités perçoivent non pas une taxe mais une redevance d’enlèvement des ordures ménagères (Reom), à laquelle votre proposition ne s’appliquerait pas. L’amendement créerait donc une rupture d’égalité entre les citoyens. Je vous invite à le retirer.
M. Corentin Le Fur (DR). J’entends votre argument. Néanmoins, nous devons nous interroger sur le coût astronomique que représente la Teom – ou la Reom – pour de nombreux ménages modestes.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF689 de M. Corentin Le Fur
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) des terrains non exploités destinés à la préservation de la biodiversité entraînerait une perte de recettes locales qui ne serait pas compensée par l’État ; la TFPNB peut constituer jusqu’à 50 % des ressources pour les petites communes rurales.
Les terrains naturels qui ont un intérêt pour la biodiversité – boisés, plantés, en état de régénération, zones humides, zones Natura 2000 – bénéficient déjà d’allégements importants de TFPNB qui peuvent aller de 20 % jusqu’à la totalité de l’assiette.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1052 de M. Manuel Bompard.
Amendement I-CF1170 de M. Michel Castellani
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à l’amendement, au demeurant peu coûteux, qui vise à exonérer de TFPNB pendant dix ans les terrains boisés qui réunissent deux parcelles au moins.
La commission adopte l’amendement I-CF1170.
Amendement I-CF1007 de Mme Marianne Maximi et I-CF762 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement CF762 vise à favoriser la diversification des essences, conformément à la feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique, et à décourager les coupes rases en supprimant dans ce cas l’exonération de TFPNB.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les terrains forestiers bénéficient d’exonérations de TFPNB dont la durée varie selon l’essence concernée – dix ans pour les peupliers, trente ans pour les résineux et cinquante ans pour les autres feuillus.
Vous proposez de conditionner l’exonération des terrains ensemencés, plantés ou replantés au respect des cycles naturels de la sylviculture. Mais les terrains concernés font déjà l’objet de plan simple de gestion (PSG) ou de règlement type de gestion (RTG) qui répondent à cette condition.
Le soutien à la sylviculture passe plutôt par des aides budgétaires : France 2030 comprend ainsi 150 millions d’euros de crédits pour le renouvellement forestier et les aides régionales sont fréquentes.
M. le président Éric Coquerel. Je soutiens les amendements. Le colloque organisé il y a deux ans par les responsables du projet Canopée soulignait les méfaits des coupes rases pour l’environnement et la biodiversité. Nous devons nous assurer que cette pratique reste une exception, ce qui n’est pas encore le cas dans toutes les régions.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il est vrai que les plans de gestion ont permis le plus souvent d’éliminer les coupes rases. Néanmoins, ces pratiques persistent dans certaines régions, en Corrèze par exemple. La suppression de l’exonération permettra de favoriser une forêt durable.
La commission rejette successivement les amendements.
M. le président Éric Coquerel. Je note que la commission est allante en matière sociale mais qu’elle reste très frileuse en matière d’écologie.
Amendement I-CF1015 de M. Éric Coquerel
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Tout le monde s’accorde à dire que les collectivités territoriales manquent de ressources et d’autonomie. La suppression de la taxe d’habitation dont la Macronie se félicite tant en est en partie responsable.
Nous proposons donc de rétablir la taxe d’habitation pour les 20 % des contribuables les plus riches. Cela rapportera 8 milliards d’euros aux collectivités et cela permettra de retisser le lien entre les administrés, l’impôt et leur commune.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rétablissement de la taxe d’habitation représenterait un coût considérable pour des millions de foyers, de l’ordre de 20 milliards d’euros.
Je rappelle qu’avant sa suppression, 20 % des Français ne payaient pas la taxe d’habitation et 20 % ne payaient qu’un montant plafonné à 3,4 % de leur revenu fiscal de référence.
Je regrette comme vous la perte d’autonomie fiscale des collectivités consécutive à cette réforme et pire encore la rupture du lien entre le contribuable et l’électeur, surtout dans les communes qui comptent de nombreux locataires. Cependant, il est préférable de trouver une autre solution que de rétablir un impôt dont l’assiette – les valeurs locatives – est injuste et ne correspond plus à la réalité du marché.
Enfin, il faudrait profondément revoir les flux financiers entre l’État et les collectivités si l’amendement était adopté car les recettes de celles-ci ont largement évolué.
En l’état, l’amendement n’est pas satisfaisant. Avis défavorable.
M. Matthias Renault (RN). J’ai une question pour la gauche : avez-vous fait l’addition des mesures que vous proposez – augmentation de taxes et impôts en tout genre ?
On a l’impression d’une grande loterie, totalement déconnectée de la réalité. Mais ce n’est pas un jeu, nous sommes législateurs.
M. le président Éric Coquerel. La commission a jusqu’à présent voté 50 milliards de recettes supplémentaires avec votre assentiment ou au moins votre abstention.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement est limité aux 20 % des plus riches donc il devrait rapporter environ 8 milliards, mais c’est encore énorme.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF131 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit du pendant de l’amendement I-CF130 pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Il est proposé d’exonérer les communes ou intercommunalités de ladite taxe dès lors qu’elles la payent à elles-mêmes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne comprends pas dans quels cas votre amendement trouverait à s’appliquer. Quelles collectivités possèdent une résidence secondaire ?
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF481 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Certains fonctionnaires, du fait des missions qui leur sont confiées et de sujétions de service, peuvent être mobilisés à tout moment. Ils peuvent alors se voir attribuer par leur administration un logement concédé par nécessité absolue de service sans que celui-ci ne soit un avantage en nature.
L’amendement, inspiré par des exemples dans ma circonscription, vise à exonérer de taxe d’habitation le logement occasionnel des fonctionnaires qui est occupé non par choix personnel mais par nécessité de service.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans quels cas un logement occasionnel pour des fonctionnaires serait-il assujetti à la taxe d’habitation, qui touche les résidences secondaires ? Je ne vois pas. Faites-moi part des exemples sur lesquels vous vous appuyez.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF563 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). L’amendement, demandé par des élus locaux de tous bords, vise à porter de 60 % à 100 % le plafond de la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Il s’agit d’un outil sans caractère confiscatoire que les maires sont libres d’utiliser et d’assumer face à leurs électeurs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le zonage des communes éligibles a été largement étendu l’année dernière.
En ce qui concerne la hausse de la majoration, je recommande la prudence. Dans certaines communes qui comptent parfois plus de 50 % de résidences secondaires, leurs propriétaires pourraient faire valoir qu’ils coûtent bien moins cher à la collectivité qu’un résident permanent. C’est un débat périlleux. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF643 de M. Éric Coquerel et I-CF1316 de M. Stéphane Delautrette, amendement I-CF1294 de Mme Danielle Simonnet, amendements identiques I-CF645 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1631 de M. Tristan Lahais (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Les maires, élus par les résidents permanents, prennent leurs responsabilités selon la situation propre à la commune. Certains résidents secondaires profitent pleinement des infrastructures payées par les résidents permanents. Il est normal qu’ils contribuent aux investissements nécessaires pour la commune.
Je ne comprends votre opposition à une mesure de bon sens, facultative de surcroît.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Laissons les communes fixer librement le taux de majoration. Dans nombre d’entre elles, en particulier sur le littoral ou dans les métropoles, l’explosion du nombre de résidences secondaires et de meublés touristiques est à l’origine de la pénurie de logements pour les résidents permanents et les travailleurs. Cette évolution est néfaste sur le plan social et écologique.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Depuis le début de nos débats, rares ont été les amendements en faveur du logement adoptés. Ce serait l’occasion d’y remédier.
Mme Eva Sas (EcoS). À Paris ou à Rennes, la demande de logements est si forte qu’il n’est pas acceptable que certains logements restent inoccupés. L’amendement donne aux collectivités la faculté d’augmenter le taux de la majoration pour décourager l’achat de résidences secondaires. Certains propriétaires ne seront peut-être pas ravis, monsieur le rapporteur général, mais les familles en difficulté sont trop nombreuses pour que nous restions passifs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les amendements portent sur le zonage, d’une part, et sur le taux de majoration, d’autre part.
S’agissant du premier, je plaide pour le statu quo car il a été étendu l’année dernière. Quant au second, il n’est pas raisonnable de le porter à 100 % voire à 300 %.
Enfin, je rappelle que les maires ne sont pas élus par les seuls résidents permanents. Les propriétaires d’une résidence secondaire peuvent choisir de s’inscrire sur les listes électorales de la commune où celle-ci est située.
Le taux de résidences secondaires est de 33 % en Corse et dans les Hautes Alpes, il est parfois supérieur à 50 %. Il ne faut pas sous-estimer les risques de déstabilisation.
Avis défavorable.
M. Éric Woerth (EPR). Les seuls à payer un impôt local aujourd’hui sont les propriétaires de résidences secondaires, qui consomment un peu moins de services publics que les habitants. Ces derniers pourraient parfois se féliciter de cette contribution.
Dans les communes avec de nombreuses résidences secondaires, le foncier a longtemps appartenu aux habitants. À un moment donné, les élus locaux et les habitants ont accepté de jouer la carte des résidences secondaires, et il n’y a rien de choquant à cela.
Arrêtez de vous en prendre aux résidents secondaires et de les considérer comme des habitants de seconde zone !
M. Inaki Echaniz (SOC). L’extension du zonage est un moyen de rompre avec la politique curative, qui est toujours en retard sur la situation dans les territoires. La zone détendue aujourd’hui sera tendue demain.
Si les résidents secondaires ne sont pas contents de la décision du maire, ils s’inscrivent sur les listes électorales et votent contre lui lors de l’élection suivante.
Le clivage sur l’amendement est moins politique – il est soutenu par des élus de droite – que géographique. Ceux qui vivent dans les aires urbaines ne se rendent pas compte de la situation dans les territoires. Les habitants ne peuvent plus se loger là où ils ont toujours vécu. Des infirmières qui travaillent à l’hôpital de Bayonne font deux heures de route pour aller soigner des patients car elles ne trouvent pas de logement, tout cela pour que certains passent de bonnes vacances à Saint-Pée-sur-Nivelle. Ça suffit !
La commission adopte les amendements identiques I-CF643 et I-CF1316 puis rejette les autres amendements.
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Information relative à la commission
La commission a désigné M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial sur les crédits de la mission Culture : Création ; Transmission des savoirs et valorisation de la culture.
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du vendredi 18 octobre 2024 à 14 heures 30
Présents. - M. David Amiel, M. Pouria Amirshahi, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Eddy Casterman, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fernandes, M. Marc de Fleurian, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Corentin Le Fur, M. Jérôme Legavre, Mme Christine Loir, Mme Véronique Louwagie, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Paul Midy, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, Mme Lisette Pollet, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth
Excusés. - Mme Marina Ferrari, M. Moerani Frébault, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - M. Inaki Echaniz, Mme Gisèle Lelouis, M. Paul Midy, M. Jimmy Pahun, Mme Sandra Regol