Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) 2
– présences en réunion...........................48
Samedi
19 octobre 2024
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 023
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel, Président
— 1 —
La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
Article 24 : Réintégration des amortissements admis en déduction dans l’assiette de la plus‑value imposable réalisée lors de la cession de locaux ayant fait l’objet d’une location meublée dans le cadre d’une activité exercée à titre non professionnel
Amendement de suppression I-CF1305 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). La réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value des locations meublées à titre non professionnel sera totalement contre-productive : alors que le secteur du logement a désespérément besoin d’une relance, elle contribuera à créer les conditions d’une fiscalité confiscatoire sur l’investissement locatif de longue durée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 24 permet de corriger une anomalie fiscale majeure dénoncée ces dernières années par l’Inspection générale des finances (IGF), par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) et par notre collègue Annaïg Le Meur à l’issue de la mission que lui a confiée le Gouvernement. Il est normal que les amortissements censés traduire la dépréciation du bien soient pris en compte au moment du calcul de la plus-value. En effet, le régime de la location meublée non professionnelle (LMNP) offre un double avantage fiscal dans le traitement des amortissements, lequel ne bénéficie ni aux propriétaires de logements loués vides ni aux loueurs de logements meublés exerçant à titre professionnel. Il n’y a pas de risque de grippage du marché immobilier, car le régime LMNP ne représente que 13 % du marché locatif et demeure très avantageux. L’article 24 rééquilibre la fiscalité pour encourager plutôt la location de logements vides – de long terme, donc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF902 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous vous proposons de distinguer les locations de courte durée de celles de longue durée et de conserver, pour celles-ci, les avantages du statut LMNP. On trouve notamment dans cette catégorie les résidences pour étudiants et seniors.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les dispositions de l’article 24 doivent s’appliquer à l’ensemble du régime LMNP.
M. David Amiel (EPR). Il est important d’adopter cet amendement car, si l’exposé des motifs vise les meublés de tourisme, l’article en lui-même concerne l’ensemble des locations meublées non professionnelles. En l’état, il risquerait de mettre à l’arrêt la commercialisation des résidences pour étudiants et seniors, alors que nous traversons une crise aiguë du logement.
La commission adopte l’amendement I-CF902.
Amendements identiques I-CF618 de M. Laurent Panifous et I-CF1014 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit de limiter les dispositions de l’article 24 aux locations meublées n’excédant pas trente nuitées.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable pour les mêmes raisons qu’évoquées précédemment.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1601 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie (DR). Cet amendement du groupe Droite républicaine vise à sécuriser l’équilibre financier des investissements réalisés en LMNP avant le 1er octobre 2024 en les excluant du nouveau dispositif. Il s’agit de ne pas mettre en difficulté les investisseurs déjà engagés et de ne pas modifier les règles en cours de jeu.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Les dispositions de l’article 24 devraient contribuer dès l’an prochain à un rééquilibrage du régime fiscal de la location de meublés avec celui de la location de logements vides dont ont besoin nos concitoyens. D’après le Gouvernement, elles auront un rendement de 200 millions d’euros dès 2025.
Mme Véronique Louwagie (DR). En l’état actuel, ces dispositions ne vont pas accroître le nombre de logements sur le marché mais au contraire dissuader les propriétaires sous statut LMNP de céder leurs biens. C’est la raison pour laquelle je propose de distinguer le stock du flux de logements.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avons bien fait d’adopter l’amendement visant à exclure de l’article 24 les résidences pour étudiants et seniors. Mais l’adoption de celui-ci irait à l’encontre de l’objectif du Gouvernement, qui vise à augmenter le nombre de locations de longue durée.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 24 modifié.
Après l’article 24
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF528 de M. François Jolivet.
Amendements I-CF523 de M. Hendrik Davi, I-CF280 et I-CF279 de M. Inaki Echaniz, I-CF1059 de Mme Marianne Maximi, I-CF1226 de M. Nicolas Ray, I-CF166 de M. Paul Molac, I-CF1617, I-CF281, I-CF554 et I-CF1618 de M. Inaki Echaniz, I-CF1058 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1893 de M. Charles de Courson (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous proposons de sortir les locations meublées du régime fiscal des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Les bénéfices réalisés dans ce cadre seraient désormais imposés selon le régime foncier réel et microfoncier. Pour attirer les loueurs vers ce régime, le plafond du revenu brut annuel serait relevé à 30 000 euros et l’abattement porté à 40 %. Seules les locations de longue durée doivent être encouragées, la multiplication des meublés touristiques rendant difficile l’accès au logement.
M. Inaki Echaniz (SOC). Notre groupe propose de prolonger le travail transpartisan mené sur la fiscalité du logement et de mettre en œuvre une mesure issue du rapport d’Annaïg Le Meur. Il s’agit, pour favoriser la location de longue durée, de porter à 50 % l’abattement fiscal. Cette mesure ne coûterait rien à l’État car elle serait compensée par la réduction de l’abattement dont bénéficient les propriétaires de meublés de tourisme. Pour les meublés non classés, nous proposons en effet d’abaisser l’abattement à 30 %, de même que pour les meublés classés ordinaires – avec un bonus pour les gîtes ruraux, les meublés situés dans les stations de ski et les maisons d’hôtes. Ces mesures figurent à l’article 3 de la proposition de loi (PPL) visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, pour laquelle une commission mixte paritaire (CMP) est convoquée le 28 octobre prochain. Par sécurité, nous souhaitons néanmoins qu’elles soient aussi inscrites dans le projet de loi de finances (PLF).
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement que je propose vise à corriger une erreur de procédure survenue au Sénat, relative à l’imposition des meublés classés.
S’agissant des autres amendements de la discussion, je ne suis pas favorable à l’exclusion des locations meublées du régime BIC mais plutôt à l’alignement progressif des deux régimes ; c’est ce que prévoit l’article 24. Quant aux niveaux de l’abattement, il est cohérent avec le coût moyen des charges. En le portant à 40 % ou à 50 %, on en fait un avantage fiscal qui pourrait coûter jusqu’à 500 millions d’euros à l’État.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF523 et adopte l’amendement I-CF279.
En conséquence, l’amendement I-CF280 tombe.
Elle rejette successivement les amendements I-CF1059, I-CF1226 et I-CF166.
Elle adopte l’amendement I-CF1617.
En conséquence, les amendements I-CF281, I-CF554, I‑CF1618, I-CF1058 et I‑CF1893 tombent.
Amendements I-CF1619 et I-CF317 de M. Inaki Echaniz (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Le rapport d’Annaïg Le Meur montre que, grâce à la déduction des amortissements, 68 % des propriétaires de meublés de tourisme au régime réel ne payent pas d’impôts sur leurs revenus locatifs : c’est une niche fiscale particulièrement avantageuse, qu’il convient d’interroger !
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Restons cohérents avec nos votes précédents.
M. Inaki Echaniz (SOC). L’article 24 va corriger la possibilité d’amortir deux fois un bien, pendant sa détention et au moment de sa cession ; c’est très bien. Mais il se trouve que les propriétaires de meublés de tourisme peuvent amortir leurs charges et, ainsi, ne pas payer d’impôt sur leurs revenus locatifs.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le dispositif que vous proposez de remettre en cause relève du droit commun. Les amortissements d’une entreprise sont une charge déductible des bénéfices réels, comme l’ensemble des charges. Or la location meublée est une activité commerciale. Une telle exception créerait un précédent ; elle n’est pas acceptable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans la mesure où la location meublée relève du régime BIC, il est cohérent de maintenir la faculté de déduire les amortissements. Une diminution importante de la rentabilité du régime LMNP risque de détourner les propriétaires du foncier et de les pousser vers d’autres types d’investissements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF412 de Mme Béatrice Piron
Mme Béatrice Piron (HOR). Cet amendement vise à rétablir de façon temporaire, pour l’année 2025, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt relatifs à l’acquisition ou à la construction de l’habitation principale. Cette mesure instaurée par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (loi Tepa) de 2007 avait permis à de nombreux ménages de devenir propriétaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. « Ce crédit d’impôt n’est pas pris en compte par les banques dans le calcul de solvabilité de leurs clients. […] On dépense 3 milliards d’euros sans que les banquiers intègrent cet élément. » Voilà le bilan que le secrétaire d’État au logement Benoist Apparu tira en 2010 de cette mesure qui fut supprimée l’année suivante. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF615 de M. Laurent Panifous, amendements identiques I-CF46 de M. François Jolivet, I-CF414 de Mme Béatrice Piron, I-CF620 de M. Laurent Panifous et I‑CF1018 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)
M. François Jolivet (HOR). La niche fiscale Pinel doit disparaître le 31 décembre 2024. Nous proposons que puissent en bénéficier les signataires de contrats de réservation – et non pas seulement d’actes d’acquisition – signés avant cette date. Pour le secteur de la promotion immobilière, il serait préférable que le dispositif s’arrête progressivement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Le Pinel n’est pas la solution ; tous les acteurs ont d’ailleurs anticipé sa disparition progressive. Ne le réinventons pas.
M. François Jolivet (HOR). Il s’agit simplement de débloquer des opérations de promotion dont on estime le nombre à 2 500, et qui pourraient aboutir à la construction de 8 000 logements.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je soutiens cet amendement qui ne prolongerait le dispositif que de trois mois, pour des contrats déjà signés.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne comprends pas la nécessité d’une telle mesure alors que les opérateurs ont tous pris en compte la fin du Pinel, dont ils ont été informés il y a plus de deux ans.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF817 de Mme Cyrielle Chatelain
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement, travaillé avec la Fondation Abbé Pierre et la Fédération des acteurs de la solidarité, vise à prolonger le dispositif Loc’Avantages jusqu’à 2030 et à transformer l’avantage fiscal en crédit d’impôt. C’est essentiel pour garantir l’accès au logement très social, notamment au cœur des agglomérations.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Le dispositif, qui arrive à échéance le 31 décembre, a coûté 5 millions d’euros et bénéficié à 1 825 ménages. La réduction d’impôt est calculée en fonction du montant du loyer : plus celui-ci est bas, plus elle est élevée. Cela permet déjà des réductions de loyers substantielles dans le parc locatif privé.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il me semble important, justement, de prolonger ce dispositif qui répond à une véritable urgence. Il y avait encore 2 000 enfants à la rue à la rentrée ! Il faut tout faire pour le « logement d’abord ». Nous proposons d’aider les propriétaires de logements vacants à les mettre en location à des loyers très sociaux en transformant la réduction d’impôt – qui ne bénéficie pas à ceux qui ont les plus faibles revenus – en crédit d’impôt. Ce dispositif n’a été jugé ni inutile, ni inefficace !
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1060 de M. Éric Ciotti, I-CF1063 de M. François Piquemal, I‑CF331 de M. Inaki Echaniz et I-CF1065 de Mme Mathilde Feld (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement transpartisan vise à prolonger la progressivité de la taxe sur les logements vacants (TLV) au-delà de la deuxième année, en fonction de la durée de la vacance. La mobilisation des logements vacants est en effet l’un des multiples leviers à actionner pour préserver les sols de l’artificialisation tout en répondant de manière juste et efficace à la crise du logement.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il y a en France 3 millions de logements vacants, alors que 4 millions de personnes sont mal logées ou à la rue. Qu’attend-on pour agir ? En attendant la réquisition des logements vacants, nous vous proposons une solution de compromis : imposer plus lourdement les multipropriétaires qui accumulent les logements en vacance à des fins de pure spéculation. Cette mesure, qui ne concernera qu’un multipropriétaire sur dix et potentiellement 2 millions de logements vacants, bénéficiera à l’ensemble des Français : avec des logements plus nombreux sur le marché, il s’exercera une pression à la baisse sur le montant des loyers.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1060, qui vise à abroger la TLV, n’est pas raisonnable : il entraînerait une perte sèche de 200 millions d’euros pour l’État et nous priverait d’un outil utile dans la lutte contre la vacance abusive. Quant aux augmentations proposées par les autres amendements, elles me semblent excessives. Je vous rappelle que nous avons adopté hier un amendement prévoyant la généralisation de la TLV à toutes les communes de la France. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.
M. Inaki Echaniz (SOC). Ce qui est excessif, c’est le nombre de logements vacants ! Le dispositif actuel n’est pas assez dissuasif. Il est vrai que nous prévoyons un niveau très important de taxation, mais au bout de la quatorzième année de vacance ! Les logements concernés tombent en désuétude. Après tout ce temps, un propriétaire qui ne souhaite pas être taxé n’aura qu’à vendre son bien ou le mettre en location.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques I-CF1066 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1293 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (EcoS). La région parisienne est touchée par la spéculation immobilière, comme d’autres agglomérations. Or la loi instaurant l’encadrement des loyers n’est pas toujours respectée. À Paris, pas moins de 36 % des bailleurs sont hors la loi. Au prétexte d’un complément de loyer, ils imposent en moyenne un surcoût de 2 000 euros à leurs locataires. Nous proposons d’instaurer, dans les zones soumises à l’encadrement, une taxe sur les loyers excédant le loyer de référence.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On ne crée pas une taxe pour sanctionner une pratique illégale. Si l’administration a connaissance de propriétaires ne respectant pas la loi, elle doit les sanctionner. Les amendes de 5 000 à 15 000 euros prévues par les textes existants sont suffisantes.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Une pénalité de 5 000 euros est dérisoire car de nombreux propriétaires engrangent bien plus avec les augmentations illégales de loyer : payer l’amende leur revient moins cher. Un autre amendement que j’avais déposé en ce sens a été jugé irrecevable parce que je m’étais trompé en fléchant la recette, mais celui-ci est utile, car la politique de contrôle n’est pas assez dissuasive.
La commission rejette les amendements identiques.
Amendement I-CF1001 de Mme Estelle Youssouffa
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le montant du prêt à taux zéro (PTZ) et les conditions de son remboursement dépendent du coût de l’opération, de la composition du foyer, de ses ressources, de la localisation géographique du bien, du caractère neuf ou ancien du logement concerné. Le montant est égal à un pourcentage du coût total de l’opération, dans la limite d’un plafond.
On peut proposer d’étendre le PTZ dans le neuf à tout le territoire : le département de Mayotte, qui n’est pas en zone tendue, pourra donc bénéficier du PTZ dans le neuf comme dans l’ancien, mais si on veut étendre la portée du dispositif dans un territoire, mieux vaut agir sur la quotité de financement pris en charge ou le plafond de l’opération, qui pourraient bénéficier aux personnes aux revenus modestes, alors que la suppression du plafond de ressources bénéficierait à des personnes ayant davantage de moyens pour se loger. La mesure proposée est donc inadaptée. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1599 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1208 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Nicolas Ray (DR). Ces amendements visent à rétablir le dispositif du prêt à taux zéro tel qu’il avait cours avant son recentrage sur les habitations collectives dans la loi de finances pour 2024. Afin de répondre à la crise du logement, marquée par un effondrement de la construction et les grandes difficultés qu’éprouvent nos concitoyens pour se loger, ils tendent à élargir l’application du PTZ à l’ensemble du territoire. En effet, un grand nombre de communes, notamment rurales, sont exclues du dispositif actuel. L’adoption de cette mesure serait un signal important. En outre, le prêt à taux zéro assure des ressources à l’État – entre 25 000 et 30 000euros pour chaque logement neuf financé.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable au retour au dispositif antérieur à 2024, mais celui-ci doit être borné dans le temps. Je vous invite donc à retirer ces amendements au profit de mon amendement I-CF1891, borné à 2027.
M. Inaki Echaniz (SOC). L’adoption de cet amendement ferait tomber mon amendement I-CF556, qui propose un dispositif similaire, mais amélioré et soutenu par la Fédération française du bâtiment. Il tend en effet à étendre le PTZ à toutes les zones, notamment dans le neuf mais, à la place de l’exonération de donation proposée par M. Jolivet, nous proposons de rendre le PTZ accessible à tous les primo-accédants dans le neuf sans limitation de revenus. Ce dispositif est borné à deux ans afin de donner un coup de fouet à l’accession à la propriété et à la construction du neuf pendant ce délai. Pour ce qui concerne l’ancien, nous conservons le même dispositif, mais avec le barème de revenus habituel.
M. le président Éric Coquerel. Vous appelez donc à ne pas voter pour les amendements en discussion, mais pour le vôtre.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il n’est pas raisonnable de supprimer la condition de ressources. Avis défavorable à tous ces amendements. Ralliez-vous plutôt à mon amendement I-CF1891, raisonnable et borné dans le temps.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle rejette l’amendement I-CF556 de M. Inaki Echaniz.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1017 de Mme Véronique Louwagie.
Amendement I-CF1788 de M. Daniel Labaronne
M. Daniel Labaronne (EPR). Afin d’accélérer le développement des BRS, les baux réels solidaires, cet amendement vise à en élargir le champ des bénéficiaires.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis plutôt favorable, ou de sagesse. Il s’agit en effet d’une amélioration du BRS, dont les conditions de ressources sont maintenues et raisonnablement relevées.
M. Inaki Echaniz (SOC). C’est un bon amendement, que je soutiendrai. Je regrette toutefois, monsieur le rapporteur général, que vous n’ayez pas émis d’avis favorable sur les amendements déposés hier à propos du BRS.
M. le président Éric Coquerel. En votant tout à l’heure pour votre amendement, monsieur Echaniz, je n’avais pas vu qu’il ne prévoyait pas de condition de ressources. Celui de M. Labaronne en fixe une.
Le BRS n’est pas un mauvais système, toutefois je conteste le fait que, pour les villes, il soit intégré au quota de logement social – mais c’est un autre problème.
La commission adopte l’amendement I-CF1788.
Amendement I-CF1891 de M. Charles de Courson, faisant l’objet du sous-amendement I-CF1906 de M. Jean-Pierre Bataille, amendements identiques I-CF271 de M. Stéphane Peu et I-CF1363 de M. François Jolivet (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1891 est celui que j’annonçais tout à l’heure, identique à ceux de nos collègues du groupe DR, mais borné dans le temps.
M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement I-CF271 vise à un dézonage généralisé du PTZ, qui s’appliquerait ainsi à l’ensemble du territoire national, dans le neuf comme dans l’ancien, ce qui est particulièrement utile dans un contexte de taux d’intérêt nominaux plus élevés que par le passé.
M. François Jolivet (HOR). Ces amendements ont été discutés dans un cadre transpartisan et j’y suis favorable. Il faut être conscients que la mise en œuvre du PTZ commencera vraisemblablement à partir de mai 2025, car les interfaces bancaires ont besoin de trois à quatre mois pour se mettre en place.
Monsieur le rapporteur général, vous précisez dans l’exposé des motifs de votre amendement que ce dispositif sera ouvert aux maisons individuelles. Cela remet-il en question le dispositif qui s’appliquait au logement en maisons en bandes, avec quelques règles pour accompagner l’application de la loi ZAN – zéro artificialisation nette ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’invite notre commission à se rallier à mon amendement I-CF1871 et à ne pas voter les amendements identiques. Le mien, qui ne porte que sur le neuf, est plus raisonnable. Avis défavorable, par ailleurs, au sous-amendement, dont l’adoption rendrait mon amendement identique aux deux autres.
Le sous-amendement I-CF1906 est retiré.
M. Inaki Echaniz (SOC). Le volet logement du Conseil national de la refondation avait produit plusieurs idées allant dans le bon sens, dont Mme Borne n’a pourtant repris aucune, hormis le resserrement du PTZ et la suppression du dispositif Pinel. Depuis lors, nous dénonçons le resserrement du PTZ et nous constatons que l’ex-majorité, la droite et d’autres groupes rejoignent les positions du Parti socialiste et du Nouveau Front populaire (NFP) propos du PTZ. C’est donc aujourd’hui une victoire du bon sens pour la primo-accession au logement. Je vous invite donc à nous écouter plus souvent : cela nous évitera de perdre un an ou deux.
M. François Jolivet (HOR). J’invite à voter contre l’amendement du rapporteur général qui réduit l’application du PTZ au logement neuf, car c’est une attaque en règle contre la ruralité, contre l’augmentation du stock de logements, contre les DMTO, les droits de mutation à titre onéreux, et contre les départements. J’invite, en revanche, à voter pour les amendements identiques.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne me rallie absolument pas à l’amendement du Parti socialiste sur le PTZ, dispositif dont plusieurs études de l’Inspection générale des finances ont montré qu’il était très coûteux pour les finances publiques et que son efficacité était toute relative. Je pense en effet que le resserrement que nous avions décidé en 2024 était une bonne option. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous n’étions pas tout à fait d’accord sur ce point dans le rapport sur le financement du logement que j’ai eu le plaisir de corédiger avec Charles de Courson.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons cette disposition, qui figure dans le programme du Rassemblement national.
Toutefois, je ne comprends pas pourquoi, chaque année, le projet de loi de finances est transformé en projet de loi sur l’immobilier, de telle sorte que nous passions presque une journée entière sur des amendements très techniques dans ce domaine, où chacun défend sa position. Les questions sont intéressantes, mais les problèmes de politique de logement que nous rencontrons depuis tant d’années méritent une discussion à part entière. C’est comme si j’avais déposé à l’article 4 tous mes amendements sur le nucléaire ou sur l’énergie : nous y aurions passé deux jours, alors que cela ne relève pas spécialement de la discussion budgétaire.
Chacun de nos groupes dispose de niches parlementaires et nous pouvons travailler à des lois transpartisanes : nous pourrions concevoir une grande loi sur l’immobilier, pour laquelle chacun pourrait préparer ses arguments techniques. En revanche, nos discussions sur l’immobilier dans le projet de loi de finances doivent paraître très décalées à nos concitoyens, alors que d’importantes questions budgétaires restent à traiter. Cette remarque n’est une attaque contre personne, mais un conseil d’ordre général.
M. le président Éric Coquerel. Peut-être la situation du logement est-elle si dramatique que nous ne pouvons pas attendre une loi sur le logement qui ne vient pas.
M. Nicolas Ray (DR). Le groupe Droite républicaine soutiendra l’amendement de M. Jolivet. Il importe en effet de lutter contre la vacance de logements et les logements dégradés, en particulier dans les zones rurales, où ils sont nombreux. On observe partout en France un problème de logement et le coût de la rénovation est parfois aussi important que celui de la construction neuve. En outre, même si nous déplorons le ZAN, il nous faut être en cohérence avec cette règle qui limite la construction et il faut donc absolument élargir à l’ancien le dispositif du PTZ.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je souscris aux propos de M. Tanguy sur le fait que nous passions beaucoup de temps sur le logement et que nous aurions dû avoir une loi ad hoc. Cependant, il y a urgence, car le niveau du logement est très bas.
Monsieur Labaronne, de nombreux rapports d’instituts économiques concluent à l’inefficience de cette niche fiscale qu’est le crédit d’impôt recherche, sur lequel nous avons eu hier une longue discussion, mais nous ne tenons pas compte pour autant de ces rapports.
Notre groupe soutiendra l’amendement de M. Jolivet, et non pas celui du rapporteur général, parce que chaque fois que nous faisons une différence entre l’urbain et le rural, nous enfonçons un coin dans la cohésion du territoire.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le groupe Les Démocrates soutiendra également l’amendement de M. Jolivet. Dans le PTZ, l’important n’est pas le taux zéro, mais le fait que ce prêt, souvent in fine, permet de constituer un apport personnel dans un schéma d’acquisition. C’est donc un très bon outil, qui permet de boucler des financements pour les primo-accédants. Nous ne devons pas faire de différence entre l’urbain et la ruralité.
M. le président Éric Coquerel. Personnellement, je voterai pour. Le PTZ pose toutefois un problème, car il ne fait pas baisser le prix de vente de l’immobilier. La situation de nombreux primo-accédants est dramatique, en raison du coût du crédit et des garanties qu’on leur demande, qui avantagent ceux qui disposent d’un apport personnel. Je suis par ailleurs sensible à la nécessité de ne pas traiter différemment la ruralité et les territoires urbains. Surtout, il est urgent qu’une grande loi sur le logement remette les choses à plat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. On peut certes toujours étendre le champ de la mesure. Toutefois, le coût de mon amendement est déjà de 1 milliard d’euros à terme et l’extension du dispositif à l’ancien ajouterait à peu près autant. Je me suis centré sur le minimum, afin d’augmenter plus rapidement le nombre de logements aux normes.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF1891 et adopte les amendements identiques I-CF271 et I-CF1363.
Article 25 : Sécurisation du régime des bons ou droits de souscription d’actions et des titres acquis en exercice de ceux-ci
Amendement I-CF1902 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à revenir sur l’interdiction posée par l’article 25 d’inscrire des droits ou bons de souscription ou d’attribution et des titres souscrits en exercice de ceux-ci sur un plan d’épargne en actions (PEA), un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises (PEA-PME), un plan d’épargne entreprise (PEE), un plan d’épargne interentreprises (PEI) et un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (Pereco).
L’objectif est de favoriser l’actionnariat salarié en permettant de cumuler le cadre fiscal avantageux des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) et la possibilité de bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue pour les gains générés sur les PEA et PEA-PME ouverts depuis plus de cinq ans, uniquement sur la partie patrimoniale du gain, afin d’éviter que le gain de nature salariale n’échappe à l’impôt.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1279 de M. Paul Midy
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, car les BSPCE bénéficient d’un régime fiscal favorable, avec application du PFU, le prélèvement fiscal unique, sur les gains dont une partie correspond à un gain salarial, ce qui est dérogatoire du droit commun. Une condition de présence dans l’entreprise de trois ans s’applique pour que le gain salarial bénéficie d’une imposition réduite à 12,8 %, au lieu de 30 %. Vous proposez de réduire ce délai à un an, or il est déjà dérogatoire d’appliquer le PFU à un revenu qui relève de la catégorie des salaires.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Si je comprends le but de l’amendement de correction du rapporteur général, je ne comprends pas celui que poursuit le Gouvernement dans cet article. En l’absence d’un ministre, et la majorité ne défendant visiblement pas ce budget, quelqu’un est-il capable de nous l’expliquer ? Je pourrais poser cette question sur de nombreux articles, mais celui-ci mérite particulièrement que nous nous la posions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le but du Gouvernement était de favoriser le développement de cette forme d’intéressement que sont en particulier les BSPCE. Je regrette néanmoins son refus de la possibilité d’inscrire ces produits dans le cadre d’un PEA. La question est complexe et l’amendement que j’avais déposé à cette fin a été rejeté.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1855 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination entre le code général des impôts et le code de commerce à propos des modalités d’émission des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise. Il correspond à une précision apportée par la direction de législation fiscale prévue initialement pour apparaître dans le dispositif.
La commission adopte l’amendement I-CF1855.
Amendement I-CF1280 de M. Paul Midy
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, car les BSPCE bénéficient déjà d’un régime fiscal favorable, avec application du PFU sur les gains dont une partie correspond à un gain salarial, ce qui est dérogatoire du droit commun. Des conditions s’appliquent par ailleurs pour les entreprises émettrices, qui doivent avoir moins de quinze ans, être non cotées ou avoir une capitalisation boursière de moins de 150 millions d’euros, et avoir un capital détenu pour 25 % au moins par des personnes physiques.
L’amendement propose de porter ce taux à 15 %, alors qu’il est déjà fixé avec souplesse, sans qu’il soit tenu compte des parts détenues par certaines structures comme les sociétés de capital-risque, les sociétés de développement régional, les sociétés financières d’innovation ou les fonds communs de placement à risque, les fonds communs de placement dans l’innovation et les fonds d’investissement de proximité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1278 de M. Paul Midy
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le régime a été conçu pour les jeunes entreprises afin de compenser leur faible surface financière. La durée de quinze ans me semble bien calibrée et il n’y a donc pas lieu de la modifier. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1281 de M. Paul Midy
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1513 de M. Gérault Verny
M. Gérault Verny (UDR). Cet amendement, qui vise à favoriser la transition écologique, l’actionnariat salarié et le progrès technique, a donc de quoi satisfaire l’ensemble de la commission.
Si un salarié peut souscrire des BSPCE sur une société, il ne peut aujourd’hui pas le faire pour la société contrôlante. Or, dans de nombreux secteurs, une société peut créer des filiales distinctes contrôlées par une même entité – c’est par exemple le cas d’une start-up qui, dans le domaine de l’aviation, séparerait ses activités de recherche et développement en créant deux filiales consacrées respectivement aux néocarburants et aux moteurs, toutes deux contrôlées par une même société. L’amendement tend à corriger cette anomalie en permettant de souscrire des BSPCE directement au niveau de la société contrôlante, à condition que les sociétés filles respectent les conditions applicables en la matière.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement tend à assouplir le régime actuel, qui est déjà très favorable. Mieux vaut en rester aux dispositions existantes.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 25 modifié.
Article 26 : Instauration pour les grandes entreprises d’une taxe sur les réductions de capital consécutives au rachat de leurs propres titres
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement de suppression I-CF1403 de M. Gérault Verny.
Amendement I-CF541 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement vise à créer une véritable taxe sur les rachats d’actions, à un taux de 4 %, applicable aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions. Contrairement à la proposition du Gouvernement, cette taxe est directement assise sur la valeur d’acquisition des actions, c’est-à-dire la valeur de marché, et non pas sur leur valeur comptable, c’est-à-dire la valeur à l’émission.
Les rachats d’actions, opérations par lesquelles les entreprises rachètent leurs propres actions sur le marché, ont considérablement augmenté en France et à l’international ces dernières années. En 2023, les sociétés cotées du CAC40 ont distribué plus de 97 milliards à leurs actionnaires, dont 30 milliards sous forme de rachats d’actions.
La taxe que propose le Gouvernement est très insuffisante, car elle repose sur la réduction de capital, et non sur les opérations de rachat. Elle porte donc sur la valeur nominale de l’action, et non sur sa valeur de marché. À titre d’exemple, la valeur nominale de l’action L’Oréal est de 20 centimes, alors que sa valeur de marché est de 372 euros. La taxation proposée par le Gouvernement n’est donc qu’une mesure de façade, une mesure cosmétique. L’amendement I-CF541 propose d’en fixer le taux à 4 %, et l’amendement de repli I-CF542 à 2 %. Nous ne pouvons pas faire moins que les États-Unis, qui taxent déjà les rachats d’actions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En droit américain, la taxe n’est pas assise sur la valeur nominale, mais sur la valeur de marché. Mme Sas soulève un vrai problème, car le Gouvernement a en effet opté pour une taxation selon la valeur nominale.
Nous examinerons prochainement un amendement que j’ai déposé en vue de demander un rapport à ce propos. Comme notre collègue, j’envisageais initialement d’asseoir la taxe sur la valeur de marché, mais évidemment avec un taux beaucoup plus faible, de l’ordre de 1 % comme aux États-Unis, or cela entrerait en contradiction avec la directive européenne « mères-filiales », car l’adoption de l’amendement conduirait à taxer des bénéfices déjà taxés entre les mains des filiales des groupes qui rachètent leurs actions.
Je propose donc le retrait de ces amendements au profit de celui par lequel je demande un rapport demandant au Gouvernement de trouver une solution technique pour retenir la valeur de marché plutôt que la valeur nominale. Pour ma part, je n’ai pas trouvé la solution.
M. le président Éric Coquerel. Je m’exprimerai en faveur de l’amendement. La taxation des rachats d’actions est un serpent de mer dont j’entends parler depuis deux ou trois ans. On nous l’avait annoncée dans le cadre des dialogues de Bercy voilà deux ans et, finalement, la mesure proposée ne changeait pas grand-chose. Vous demandez maintenant un rapport pour y voir clair, mais nous voyons clair : à la différence des dividendes, les rachats d’actions échappent à l’impôt. C’est en quelque sorte le pire du pire en matière de capitalisme financiarisé, car cela consiste, pour une entreprise, à spéculer elle-même sur ses actions pour produire un profit qui échappe à l’impôt. Le taux de 1 % que propose le Gouvernement est purement cosmétique par rapport à l’ampleur du problème. Emmanuel Macron avait employé à ce propos une expression plus que critique.
La proposition du Gouvernement rapportera 200 millions : il serait plus que raisonnable d’appliquer un taux de 4 % à la valeur d’acquisition et je soutiens donc fortement cet amendement.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je m’inscris en faux face à une telle analyse. Le capital des entreprises a été lourdement taxé et on va maintenant taxer la trésorerie qu’elles utilisent pour racheter des actions, alors que cette démarche profite aux salariés dans le cadre des plans d’épargne salariale. Ainsi, le rachat d’actions auquel a procédé Total a profité très largement à ses salariés. Enfin, les rachats d’actions sont très encadrés par l’AMF, l’Autorité des marchés financiers.
Ces programmes envoient sur les marchés un message indiquant que l’entreprise a des perspectives positives. Je vous mets donc en garde contre une accumulation de signes très défavorables qui pèseront très lourdement sur le capital et sur la trésorerie des entreprises. D’un point de vue macroéconomique, cette mesure sera délétère.
Mme Eva Sas (EcoS). Monsieur Labaronne, les opérations de rachat d’actions sont un usage improductif de bénéfices destiné non à investir dans l’entreprise ou développer l’emploi ou les salaires, mais uniquement à augmenter la valeur des actions pour l’actionnaire. Vous ne pouvez pas vous cacher derrière le développement de l’emploi ou l’investissement pour l’avenir. Le président Macron lui-même avait déclaré que ces opérations étaient néfastes pour l’économie réelle.
J’entends les arguments du rapporteur général, mais je demande quand même à voir, car si c’est possible aux États-Unis, ce doit pouvoir l’être aussi en France. Pour donner un signal, notre commission doit voter une véritable taxe sur les rachats d’actions. Le président de la commission s’est déclaré favorable à l’amendement I-CF542, qui propose une taxe à 2 %, ce qui me paraît très raisonnable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La véritable taxe sur les rachats d’actions que présentera tout à l’heure mon collègue Matthias Renault, à laquelle le Rassemblement national tient beaucoup et que Marine Le Pen avait longuement évoquée à l’occasion des élections de 2022, est la pire des spéculations, comme vous l’avez dit, monsieur le président.
Monsieur Labaronne, vous avez raison quant aux intentions initiales, mais cet instrument a été dévoyé par une certaine finance, comme d’autres instruments financiers l’ont été, conduisant nos économies au pire en 2008. Pis encore : en cas d’attaque spéculative ou de problème boursier, des milliards d’euros peuvent disparaître du jour au lendemain comme s’ils n’avaient jamais existé, au lieu d’être investis ou placés en trésorerie ou en épargne, ce qui est très différent.
Nous ne voterons pas l’amendement de Mme Sas – non que nous ne poursuivions pas le même objectif, mais parce que notre amendement est beaucoup plus dur que le sien. Nous voulons en effet récupérer 33 % de ces programmes de rachat, en vue d’éteindre cette pratique toxique pour l’économie.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je rappelle que notre commission avait adopté un amendement prévoyant une taxe de 1 %. J’entends le risque européen que vous évoquez. Toutefois je crains que, si nous demandons un rapport, la mesure ne soit pas opérante immédiatement.
Il existait d’autres pistes qu’une taxe, par exemple un droit d’enregistrement – j’ignore toutefois quel vecteur fiscal nous pourrions adopter. Je suis favorable à l’élaboration d’un rapport, afin d’éviter les effets de bord et le renouvellement de la mauvaise expérience que nous a valu la taxe de 3 % qui a été déclarée inconstitutionnelle.
M. Philippe Brun (SOC). Rappelons la réalité des chiffres : la France est championne d’Europe des rachats d’actions, en particulier pour les sociétés du CAC40, avec 33 milliards de rachats d’actions en 2023, particulièrement concentrés sur deux sociétés : TotalEnergies et BNP Paribas. Ces rachats ont pour seul but de manipuler le cours de Bourse afin de le faire augmenter artificiellement. C’est inacceptable, car c’est de l’argent qui ne va pas à l’investissement – autant le verser en dividendes, car c’est presque plus légitime !
La taxe sur les rachats d’actions bénéficie d’un large soutien dans notre commission. Elle doit être aussi opérante que possible, et c’est ce que permet l’amendement de Mme Sas.
Je rappelle en outre qu’avant 1998, les rachats d’actions étaient interdits en France, et que notre économie ne s’en portait pas plus mal. Taxer les rachats d’actions est sain pour la finance en particulier et pour l’économie en général.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les rachats d’actions vont encore plus loin que les dividendes en termes de capitalisme financiarisé. De fait, si les dividendes ne produisent pas de valeur, n’aident pas les entreprises et n’ont pas d’autre effet que d’engraisser toujours les mêmes, les rachats d’actions ont le même effet, voire pire. Il est donc temps de les taxer, car les revenus du capital le sont très peu. Nous avons déposé un amendement, qui sera examiné plus tard, proposant une taxation à 3 %, et je soutiens celui de Mme Sas, car nous souhaitons que cette taxe soit adoptée. Une partie monstrueuse des dividendes passe en rachat d’actions – 30 milliards en 2023 et 25 milliards l’année précédente. Tout le monde est conscient de ce problème, jusqu’à Thomas Cazenave, qui est loin d’être communiste et qui se disait prêt à travailler à mieux encadrer les rachats d’actions. Si des gens comme lui sont conscients de ce problème, c’est qu’il est particulièrement important et que nous devons pouvoir aller assez loin dans ce domaine.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’observe qu’une taxation sur la valeur de marché des actions plutôt que sur leur valeur faciale rencontre des obstacles juridiques. Ne faudrait-il donc pas revenir sur la réforme de 1966 ? Avant cette date, il était interdit à une entreprise de racheter ses actions. Après des modifications progressives, le législateur a fini par complètement libéraliser le code de commerce en la matière en 1998.
L’an dernier, aux États-Unis, les entreprises ont racheté leurs actions pour l’équivalent de 850 milliards d’euros. C’est colossal. En France, le montant des rachats d’actions n’a été que de 33 milliards d’euros ; or l’assiette de la taxation sur la valeur faciale des actions retenue par le Gouvernement n’est que de 2,5 milliards. C’est un écart considérable, d’un coefficient supérieur à 12, car, pour certaines entreprises, l’écart entre la valeur faciale d’une action et sa valeur de marché est de 1 à 3 000.
Pour compenser cette base extrêmement faible, le Gouvernement a choisi un taux de taxation élevé, 8 %, et a inclus les primes d’émission dans l’assiette. Toutefois, le produit attendu de la taxe reste epsilonesque, de 200 millions d’euros.
Nous sommes coincés juridiquement. L’arme atomique serait de revenir sur la libéralisation du droit engagée dans les années 1990. J’ai donc déposé un amendement afin que cette piste soit étudiée, parmi d’autres. Je ne demande pas pour autant la suppression du présent article.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF542 de Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement de repli prévoit une taxe sur la valeur faciale des actions rachetées d’un taux très raisonnable, 2 %.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1673, I-CF1458, I-CF1460 et I-CF1457 de M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault (RN). Alors que notre contre-budget prévoit de nombreuses et puissantes baisses d’impôts, cette commission multiplie les taxes de manière déraisonnable.
Quelques taxes, rares, sont certes vertueuses, comme celle sur le rachat d’actions, phénomène qui n’a aucune justification économique même pour un esprit libéral, et qu’il faut bien distinguer des plans d’épargne en actions destinés aux salariés. En 2023, le montant des rachats d’actions s’élevait à 30 milliards. Or le Gouvernement n’entend taxer que la valeur nominale de ces titres, avec un rendement faible.
Nous proposons donc, avec l’amendement I-CF1673, de taxer ces actions à leur valeur de rachat, comme c’est le cas aux États-Unis, avec un taux dissuasif de 33 %. Le rendement serait donc très élevé la première année, mais faible les suivantes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si les dirigeants des entreprises distribuent des dividendes à leurs actionnaires, les plus fortunés d’entre eux seront soumis au prélèvement forfaitaire unique, dont le taux est de 30 %. Les entreprises préfèrent donc contourner l’impôt sur le revenu, à travers un rachat d’actions.
Pour neutraliser les rachats d’actions, nous pourrions donc les taxer à 30 % ou 33 %, comme vous le proposez et comme j’avais songé à le proposer. Mais nous nous heurterions alors à la réglementation européenne « mères-filiales », si bien que je ne peux émettre un avis favorable.
Il nous reste donc soit à utiliser l’arme atomique en rétablissant l’interdiction du rachat d’actions par les sociétés, soit à instaurer des droits d’enregistrement sur les rachats d’actions, comme le propose M. Mattei.
M. Jean-Didier Berger (DR). Pour éviter les dévoiements évoqués, j’ai déposé un amendement visant à aligner le taux de la taxe sur le rachat d’actions sur celui de la flat tax, à 30 % – sans anticiper que notre commission voterait pour augmenter ce taux. Je continue de trouver le taux de 30 % préférable pour ces deux taxes.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cette proposition a une valeur morale. Nous sortons d’une période d’hyperinflation et d’abus de la part d’entreprises qui ont bénéficié de taux de profit importants, voire de superprofits. Puisque nous ne pouvons pas les taxer de manière rétroactive, nous devons nous montrer malins pour récupérer l’argent de nos 66 millions de concitoyens. Ceux-ci ont conscience qu’une petite minorité s’est fait de l’argent sur leur dos et que même si l’État de droit est indispensable, certains en abusent.
Le gouvernement précédent s’était déjà moqué du Parlement en proposant un dispositif de taxation de la rente inframarginale qui était bidon – tout le monde le savait, y compris vous, monsieur le rapporteur général –, puis, à l’heure de constater que celui-ci nous avait fait perdre 17 milliards d’euros, en prétendant nous faire pleurer dans les chaumières. Il nous faut désormais aller au clash, pour récupérer l’argent des Français et financer des baisses d’impôt.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF1660 de M. Mathieu Lefèvre
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous retrouvons ici le débat sur la taxation du rachat des actions à leur valeur de marché. Mon devoir est de vous avertir que c’est une impasse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1304 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Une taxe sur le rachat d’actions doit surtout permettre d’éviter que des sociétés cotées recourent à ce type d’opération pour augmenter artificiellement le cours de leurs titres. Nous proposons donc de limiter le champ d’application de cette taxe aux sociétés cotées. Nous préserverons ainsi l’actionnariat salarié.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je comprends bien que la question de la valeur se pose différemment dans les sociétés cotées, qui ont une valeur de marché, et dans les sociétés non cotées, qui n’en ont pas. Cela n’empêche pas toutefois d’instaurer un mécanisme de taxation valable pour les deux.
Je rappelle par ailleurs que certaines grandes entreprises telles que la CMA CGM ne sont pas cotées. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1459 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Cet amendement de repli vise à élargir l’assiette de la taxe. Elle s’appliquerait aux entreprises à partir de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et non pas à partir de 1 milliard. Nous reprendrions ainsi la borne retenue pour la taxe « Gafa ».
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce seuil, apprécié à partir du chiffre d’affaires consolidé ou individuel, permet d’assujettir la grande majorité des entreprises ayant recours à des rachats d’actions. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1310 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). Nous proposons d’étendre l’exception d’application de la taxe à l’ensemble des opérations de rachat de titres au profit des salariés, y compris aux opérations réalisées en dehors des outils légaux d’intéressement des salariés. Ainsi, la taxe ne restreindrait pas le recours à l’actionnariat salarié par les entreprises, quelle que soit sa forme.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans la rédaction actuelle de l’article, la taxe ne s’applique pas aux rachats d’actions pour les salariés. Votre amendement aurait l’effet inverse de celui recherché, car il conduirait à appliquer la taxe à certains d’entre eux. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1114 de Mme Natalia Pouzyreff
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous demandez d’exonérer les opérations de réduction du capital visant à compenser les augmentations de capital réalisées pour renforcer l’actionnariat salarié. Or cette demande est satisfaite par le texte. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1309 de Mme Félicie Gérard
Mme Félicie Gérard (HOR). La taxe prévue à cet article vise les opérations de réduction de capital menées par les plus grandes entreprises au moyen du rachat de leurs propres titres auprès de leurs actionnaires puis de leur annulation au plan juridique. Or elle risque de s’appliquer aux opérations de retrait d’un associé d’une société à capital variable, dont les objectifs et les effets sont très différents. Cela réduirait l’intérêt de recourir à ce type de structure sociétale. Notre amendement vise à l’éviter, en les excluant du champ de la taxe.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Demande de retrait. Le retrait d’un associé d’une société à capital variable est déjà exclu du champ de la taxe. Vous pourrez déposer le même amendement en séance publique, si vous souhaitez obtenir la confirmation du ministre.
M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous m’assurer qu’aucune des dispositions relatives à la taxation du rachat d’actions que nous avons votées ne concerne les petits porteurs, à travers par exemple les ventes et rachats d’actions d’un PEA, qui sont tout à fait normales ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Oui. Seules les entreprises sont concernées.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1632 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Comme Mme Sas tout à l’heure, nous proposons de modifier l’assiette de la taxe sur le rachat d’actions, pour qu’elle porte non sur la valeur nominale des actions, mais sur leur valeur de rachat. C’est un amendement de repli.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF1632.
Amendement I-CF410 de M. Nicolas Sansu
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre amendement aurait pour effet de comptabiliser les primes intégralement lors de la première réduction de capital et ne pas les comptabiliser lors des suivantes. Ce serait un jeu à somme nulle par rapport à ce que prévoit l’article. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1668 de M. Mathieu Lefèvre.
Amendement I-CF1675 de M. Jean-Didier Berger, amendements identiques I-CF543 de Mme Eva Sas et I-CF1298 de M. Aurélien Le Coq, amendements I-CF1678 de M. Nicolas Ray, I-CF128 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1900 de M. Philippe Brun (discussion commune)
M. Jean-Didier Berger (DR). Je propose d’aligner le taux de la taxe sur le rachat d’actions sur celui de la flat tax, dans une synthèse des souhaits de tous les groupes présents. Nous pourrions ainsi éviter les dévoiements actuels et multiplier par quatre les recettes prévues pour cette taxe.
Mme Eva Sas (EcoS). Nous proposons ici de taxer le rachat d’actions sur leur valeur faciale, mais avec un taux triple de celui prévu par le Gouvernement. Le rendement passerait ainsi de 200 millions d’euros à 600 millions.
M. Nicolas Ray (DR). Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement de M. Berger. Le taux de la taxe passerait de 8 % à 16 %
Mme Véronique Louwagie (DR). Il s’agit également d’un amendement de repli par rapport à celui de M. Berger. Le taux de la taxe serait de 12,8 %, soit un taux identique à celui de l’impôt sur le revenu compris dans la flat tax.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le problème est que l’assiette prévue, la valeur faciale, n’est pas représentative – dans certains cas limites, elle est 3 000 fois inférieure à la valeur du marché. Ce n’est pas en modifiant le taux de la taxe que l’on résoudra le problème. Même si ces débats sur les taux sont intéressants, mon avis est donc défavorable.
La solution est de revenir sur l’autorisation des rachats d’actions, accordée en 1966, ou de créer des droits d’enregistrements spécifiques pour ces rachats, comme le propose M. Mattei.
La commission adopte l’amendement I-CF1675.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement I-CF1113 de Mme Natalia Pouzyreff
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous proposez d’appliquer une taxation réduite quand les actions sont rachetées pour être distribuées aux salariés. Mais la taxe prévue à cet article ne concernera pas ces rachats, ni le rachat d’actions sans réduction de capital visant à régulariser les cours.
L’amendement est retiré.
Amendement I-CF1299 de Mme Marianne Maximi
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La taxe devrait s’appliquer aux rachats de capitaux réalisés à partir du 1er janvier 2024, et non à ceux réalisés à partir de la date de dépôt du texte, le 10 octobre 2024.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une telle disposition risque d’être annulée, au motif qu’elle constituerait une taxation rétroactive, donc inconstitutionnelle. Soyons prudents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1886 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Demandons un rapport au Gouvernement sur les pistes que nous avons évoquées : l’arme atomique de l’interdiction des rachats d’actions par les sociétés ; la création de droits d’enregistrements sur ces opérations ; la taxation de la valeur de marché. Peut-être que d’autres pistes apparaîtront, pour éviter que cette taxe ne se résume à de la poudre aux yeux, comme c’est le cas actuellement.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons cette demande de rapport. Ce que fait le Gouvernement n’est pas bien. Sa taxe sur le rachat d’actions n’est que de la poudre aux yeux, car son rendement ne serait que de 100 millions ou 200 millions d’euros, soit 0,33 % du montant des rachats visés en 2024, 30 milliards d’euros.
C’est une insulte aux électeurs, alors que, lors des dernières élections européennes et législatives, ils se sont prononcés fortement contre les dérives de la finance et pour davantage de justice fiscale et que M. Barnier, ainsi que les partis qui le soutiennent un jour sur deux, prétendent traiter ces problèmes.
Constatons en revanche que, sur cette question, le Rassemblement national s’est bien comporté avec la gauche, et que la gauche s’est bien comportée avec le Rassemblement national.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne voterai pas cet article, car ni l’État ni le Parlement ne doivent s’immiscer dans la gestion des entreprises, qui doivent être libres d’utiliser leur trésorerie comme elles l’entendent.
Cette taxe affaiblira la souveraineté industrielle de notre pays. En rachetant leurs actions, les entreprises en font monter le cours, ce qui rend plus difficile les attaques spéculatives de fonds vautours ou d’entreprises étrangères, américaines notamment, qui disposent d’une trésorerie abondante, car elles peuvent utiliser leurs fonds comme elles l’entendent.
Avec cette taxe, vous désarmez donc les entreprises françaises face à des attaques spéculatives, ou menées par des concurrents et nuisez ainsi à notre souveraineté économique, financière et industrielle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Votre argument est inopérant. Une entreprise qui rachète 10 % de ses actions – c’est le plafond pour ce type d’opération – augmentera mécaniquement la valeur individuelle de ses actions, mais cela ne changera pas sa valeur d’ensemble en bourse. Observez les marchés !
La commission adopte l’amendement I-CF1886.
Elle adopte l’article 26 modifié.
Après l’article 26
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette amendement I-CF1049 de M. Aymeric Caron.
Amendements I-CF961 de M. Matthias Tavel, I-CF965 de Mme Marianne Maximi, I‑CF966 de M. Éric Coquerel et I-CF1662 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Ces amendements visent à instaurer une taxe sur le rachat d’actions mieux-disante que celle prévue à l’article 26. L’amendement I-CF961 prévoit un taux de 10 % ; les amendements de repli I-CF965 et I-CF966 prévoient respectivement un taux de 4 % et de 1 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF961 et adopte l’amendement I-CF965.
En conséquence, les amendements I-CF966 et I-CF1662 tombent.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Confirmez-vous que nous venons de voter un impôt distinct de celui prévu à l’article 26 ?
M. le président Éric Coquerel. Oui, c’est un impôt supplémentaire, d’un taux de 4 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les deux impôts ont en outre la même assiette, puisque nous avons voté pour que l’impôt prévu à l’article 26 porte sur la valeur de marché. Il aurait fallu retirer ces amendements, car ils étaient satisfaits.
Amendements identiques I-CF580 de M. Mickaël Bouloux et I-CF987 de M. David Guiraud
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rendement de la TTF – taxe sur les transactions financières – est stable en 2023 et 2024, à 1,1 milliard d’euros. Ces dernières années, l’affectation de 528 millions du produit de la taxe au fonds de solidarité pour le développement a été sanctuarisée.
Vous proposez d’augmenter le taux de cette taxe, mais ce serait risqué car son assiette est volatile et sensible aux signaux. Nous devons éviter des effets d’éviction similaires à ceux de la taxe sur le trading à haute fréquence, qui ont conduit à la délocalisation de ces opérations, notamment en Grande-Bretagne.
Vous proposez en outre de modifier l’assiette de la TTF. La loi de finances pour 2017 visait déjà à l’élargir aux opérations intrajournalières. La mesure, impossible pour des raisons techniques, a été abandonnée l’année suivante.
En 2017, la Cour des comptes avait invité à généraliser la taxe au niveau européen avant d’envisager d’en étendre le champ aux produits dérivés. Cette approche européenne doit primer.
Loin de frapper la finance, la taxe proposée serait répercutée par les opérateurs sur les investisseurs et donc sur les épargnants, qui paient des frais auprès des intermédiaires financiers. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques I-CF1434 de M. Éric Coquerel et I-CF1841 de M. Karim Ben Cheikh
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Cet amendement des groupes du Nouveau Front populaire vise à renforcer l’efficacité de la taxe sur les transactions financières, en élargissant son assiette aux opérations intrajournalières, comme l’avait décidé le Parlement en 2017 ; en augmentant son taux nominal, qui passerait de 0,3 % à 0,6 % et, surtout, en centralisant son recouvrement auprès de la DGFIP – direction générale des finances publiques –, qui s’appuierait sur les registres tenus par l’Autorité des marchés financiers – AMF.
Actuellement, ce sont les prestataires de services d’investissement qui renseignent eux-mêmes le montant des transactions réalisées et qui définissent eux-mêmes si elles entrent dans le champ des exemptions. La Cour des comptes avait souligné l’insuffisance de cette modalité de collecte ; nous proposons d’y remédier. Le gain atteindrait entre 1 et 3 milliards d’euros, selon les économistes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Toutefois, comme la Cour des comptes l’a souligné, le mode de recouvrement actuel de la TTF manque de transparence ; je m’interroge d’ailleurs sur sa constitutionnalité. Votre proposition, à cet égard, me semble bonne.
Je vous invite à retirer votre amendement et à déposer, d’ici à l’examen du texte en séance publique, une demande de rapport sur la faisabilité du transfert de la collecte de la TTF vers la DGFIP, car ce type de processus, en cours pour d’autres taxes, est complexe.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Je vous remercie de le souligner, le choix de confier la collecte à Euroclear France pose problème. Cette solution avait été retenue faute du temps nécessaire pour en développer une autre. Depuis, l’AMF s’est dotée d’un puissant outil informatique lui permettant d’obtenir des informations sur toutes les transactions réalisées. Comme le souligne le professeur Capelle-Blancard, une collaboration entre DGFIP et AMF serait un gage parfait d’expertise, de fiabilité et d’indépendance et participerait à l’unification du recouvrement fiscal autour de la DGFIP.
La commission adopte les amendements identiques I-CF1434 et I-CF1841.
En conséquence, les amendements I-CF1268 à I-CF1754 tombent.
Amendement I-CF1721 de M. Bruno Fuchs
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour les raisons évoquées précédemment, je demande le retrait de cet amendement. Nos collègues Fuchs et Mattei en sont conscients : il n’est pas opportun de décider brutalement du transfert du recouvrement de la taxe sur les transactions financières. Cette opération est une bonne idée, mais il serait plus prudent soit d’en décaler l’entrée en vigueur, soit de demander un rapport au Gouvernement sur la faisabilité technique et le temps que prendrait un tel changement.
L’amendement I-CF1721 est retiré.
M. le président Éric Coquerel. Je rappelle que les amendements I-CF1008 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1078 de M. David Guiraud, I-CF1073 de Mme Alma Dufour et I‑CF1067 de M. Manuel Bompard sont tombés du fait de l’adoption d’un amendement portant article additionnel après l’article 3.
Amendement I-CF1726 de M. Guillaume Garot
M. Charles de Courson, rapporteur général. Mon avis est défavorable sur cet amendement. Les publicités comparatives sont déjà très encadrées par le droit de la consommation. Elles sont d’ailleurs doublement imposées au titre de la taxe sur certaines dépenses de publicité – avec un taux d’environ 1 % – et de la taxe locale sur la publicité extérieure.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1727 de M. Guillaume Garot
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement a le même objet que le précédent. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1069 de M. David Guiraud
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement a également le même objet. Par conséquent, même avis.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF209 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement, travaillé avec la Fédération nationale des courses hippiques, vise à soutenir la filière équine et hippique. Alors qu’elle assure des missions de service public, qu’elle procure des ressources à nos collectivités locales ainsi qu’à nos finances publiques et qu’elle crée de nombreux emplois dans nos territoires, cette filière connaît en effet des difficultés en raison du développement des jeux en ligne. L’idée est d’autoriser de nouveaux paris sur des courses passées ou déjà commencées, afin d’enrichir l’offre et d’accroître les recettes fiscales affectées à la filière – le cadre fiscal du pari hippique demeurerait, lui, inchangé. Je précise que seules seraient autorisées les courses hippiques réelles, et non les courses virtuelles.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Parier sur des courses déjà commencées ou déjà achevées est interdit en France, ce qui conduit les joueurs à miser sur un marché parallèle. Nous nous posons la même question dans d’autres domaines : ne faudrait-il pas encadrer la pratique et l’autoriser en France ?
Je ne suis pas défavorable à cette idée, mais je crains que l’amendement ne soit considéré comme un cavalier budgétaire, l’administrateur que j’ai interrogé à ce sujet m’ayant confirmé que c’était probable. L’idée mérite d’être approfondie.
M. Éric Woerth (EPR). Je suis favorable à l’amendement. La filière hippique représente plusieurs milliers d’emplois partout dans le pays, s’autofinance et rapporte de l’argent à l’État ; il ne faut pas la déséquilibrer. La France est d’ailleurs l’un des derniers pays à avoir préservé cette activité et à ne pas avoir tué les courses hippiques.
Si, comme l’indique le rapporteur général, cet amendement n’a probablement pas sa place au sein du PLF, il serait intéressant que nous entamions une discussion avec les ministres du budget et de l’agriculture.
Lorsque, en 2010, j’ai conduit l’ouverture des paris en ligne, j’ai agi pour la raison évoquée par le rapporteur général : quand on ne peut maîtriser un marché illégal, il est parfois préférable de l’internaliser et de le réguler. C’est ainsi qu’est née l’Autorité de régulation des jeux en ligne, à laquelle a succédé l’actuelle Autorité nationale des jeux. Nous aurons d’ailleurs certainement une discussion comparable un peu plus tard au sujet des casinos, Mme Duby-Muller ayant déposé un amendement à ce sujet.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je demande la parole pour revenir un instant sur les deux taxes sur les rachats d’actions que nous avons adoptées. Je ne voudrais pas que la multiplication des dispositifs nuise à leur compréhension et, surtout, qu’elle soit utilisée par nos adversaires pour nous reprocher d’avoir été excessifs. J’ai bien compris qu’un 49.3 était envisagé au nom de la responsabilité budgétaire et de la lutte contre un déficit qui continue d’augmenter et il ne faudrait pas qu’une mauvaise excuse puisse être invoquée. Nos compatriotes ne doivent pas être abusés par un sentiment de panique fiscale.
La commission adopte l’amendement I-CF209.
Amendements I-CF1245 et I-CF1248 de M. Boris Tavernier
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement I-CF1245 vise à créer une taxe sur la publicité pour les produits alimentaires dont le score nutritionnel est mauvais. J’y suis défavorable, car le Nutri-score ne relève pas du pouvoir législatif : il est fixé par arrêté. Cette disposition serait donc contraire à l’article 34 de la Constitution ; c’est au Parlement de définir l’assiette d’un impôt.
Quant à l’amendement I-CF1248, qui tend à appliquer une taxe aux produits comportant une trop grande part de sucres ajoutés, j’estime qu’il serait plus efficace de renforcer l’information des consommateurs, de s’appuyer sur une approche partenariale avec les producteurs et de justement utiliser le Nutri-score, qui contribue réellement à l’amélioration de la qualité nutritionnelle des produits et, surtout, à la responsabilisation du consommateur. Je ne crois pas qu’une nouvelle taxe influerait sur le comportement des acheteurs.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1051 de M. Gabriel Amard.
Amendement I-CF1263 de M. François Ruffin
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement de mon collègue Ruffin a pour objectif de rendre le sport plus accessible, quels que soient les revenus et les éventuels handicaps des participants. Rappelons que 71 % des enfants de parents à bas revenus ne sont inscrits à aucune pratique sportive, contre 38 % des enfants de parents à hauts revenus – sachant que les problématiques liées à l’absence d’accessibilité universelle aggravent fortement la situation. Nous proposons donc de relever à 20 % le taux de prélèvement sur les paris sportifs en ligne, à 16 % sur les paris sportifs commercialisés en réseau physique et à 12 % sur les jeux de loterie, afin de financer le sport populaire et son accessibilité universelle.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dû par la Française des jeux et les opérateurs de paris sportifs en ligne, le prélèvement sur le produit des paris sportifs s’applique sur la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées aux gagnants. L’amendement vise à porter le taux de ce prélèvement de 6,6 à 16 % pour les paris sportifs commercialisés dans le réseau physique de distribution, de 10,6 à 20 % pour les paris en ligne, et de 5,1 à 12 % pour les jeux de loterie, soit de très fortes augmentations.
Il conviendrait donc de mener une concertation avec la Française des jeux et les opérateurs de paris et loteries afin d’évaluer les répercussions de telles hausses sur leur modèle économique.
De plus, dans la mesure où la part des prélèvements affectés à l’Agence nationale du sport fait l’objet d’un plafond très inférieur à leur produit, je crains que l’amendement ne soit inefficace. Pour les paris sportifs, le produit s’élève à 181 millions d’euros et le plafond à 34 millions. Pour les loteries, le produit est de 246 millions, pour un plafond de 71 millions. Pour que votre proposition soit opérationnelle, il vous faudrait donc également remonter ces plafonds, qui sont fixés dans un article ultérieur du PLF. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à cet amendement.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, j’estime que c’est un excellent amendement. Alors que les dépenses du ministère des sports sont appelées à baisser, taxer ce type d’activités, qui ne coûtent rien à l’État, me semble une excellente chose si nous voulons tirer profit de l’héritage des Jeux olympiques.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF843 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Charles de Courson, rapporteur général. La contribution à l’aide juridique, instituée entre 2011 et 2013 et que cet amendement vise à rétablir, faisait l’unanimité contre elle, des avocats jusqu’aux magistrats. J’ajoute que, dans le contexte actuel, il n’y a pas lieu d’alourdir les charges administratives qui pèsent sur nos tribunaux en prévoyant un nouveau droit de timbre. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1528 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement de mon collègue Delautrette vise à instaurer une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) « amont » sur les produits en plastique mis sur le marché, mais qui ne font partie d’aucune filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) ou de récupération – une situation qui concerne la majorité des déchets plastiques faisant l’objet d’un stockage. De plus, les metteurs sur le marché de ces produits ne contribuent aucunement à la gestion des déchets, même quand ils sont couverts par une filière de recyclage. Cette charge repose sur les collectivités, qui doivent assurer la collecte et le traitement des déchets par leurs installations et s’acquitter de la TGAP sur ces opérations. L’amendement tend donc à responsabiliser les producteurs concernés, en établissant une écocontribution, dont le montant serait de 0,03 euro par unité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Selon moi, la responsabilisation des producteurs devrait plutôt passer par la création de nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs ; la loi sur l’économie circulaire en avait créé une douzaine.
De plus, à l’inverse de l’écocontribution, qui finance directement les efforts d’une filière en faveur de l’écoconception et du traitement des déchets, la TGAP abonde le budget général de l’État. La contribution d’une TGAP « amont » aux progrès de l’écoconception serait donc plus aléatoire que celle d’une écocontribution.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1543 de M. Stéphane Delautrette
Mme Estelle Mercier (SOC). Cet autre amendement du groupe Socialistes vise à inciter les collectivités à réduire leur stockage de déchets en prévoyant, pour celles qui y parviennent, une réfaction de TGAP.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le premier problème de cet amendement est qu’il ne se limiterait pas à introduire une réfaction pour les collectivités performantes : il modifierait le tarif de la TGAP de manière rétroactive. De plus, le dispositif proposé ne s’insérerait pas dans la version du code des douanes qui sera en vigueur à partir du 1er janvier prochain.
Par ailleurs, la TGAP est une taxe comportementale qui vise à changer structurellement les pratiques. Alors qu’il faut maintenir une tarification qui incite à la réduction des déchets et à leur valorisation, je me demande si votre proposition ne favoriserait pas les dépôts sauvages. Sans compter que stocker 50 % de déchets en moins par rapport aux niveaux de 2010 n’est pas nécessairement l’assurance d’une bonne gestion.
Enfin, l’État a déjà prévu des mesures d’accompagnement afin que les collectivités puissent faire face à la hausse progressive de la TGAP, en réduisant, en 2021, le taux de TVA à 5,5 % pour les prestations de gestion des déchets, en renforçant les obligations des producteurs, ou encore en créant une dizaine de filières REP.
Voilà pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1076 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Déléguer notre alimentation à d’autres était une « folie », a dit Emmanuel Macron au cœur de la crise du covid. Pourtant, au-delà des mots, la folie continue. La Commission européenne s’apprête à signer un accord pour l’importation de dizaines de milliers de tonnes de bovins et de volailles depuis les pays du Mercosur, où les animaux sont élevés dans des fermes-usines 15 000 fois plus grandes que celles qui existent en France, où ils sont nourris avec des produits interdits chez nous, et où il n’y a pas de traçabilité. Tout cela n’est rien d’autre qu’une concurrence déloyale vis-à-vis de nos éleveurs, qui n’en voient pas le bout. Les éleveurs bovins sont les plus pauvres de tous les agriculteurs. Un quart d’entre eux vit sous le seuil de pauvreté et nous allons les tuer si nous signons ces accords de libre-échange. Le présent amendement vise donc à rétablir des droits de douane. On ne peut à la fois affirmer soutenir les éleveurs et autoriser la Commission européenne à passer de tels accords.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement est contraire au règlement européen du 29 avril 2004 qui prévoit que les redevances perçues à l’occasion des contrôles vétérinaires des importations d’animaux ne peuvent excéder les coûts supportés par les autorités compétentes qui en sont responsables. La méthode de calcul des redevances doit d’ailleurs être rendue publique et être transmise à la Commission européenne. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons volontiers cet amendement et pourrions nous-mêmes en déposer de similaires, car la filière bovine n’est pas la seule à vivre une situation catastrophique : il y a aussi la volaille. Cela étant, cette proposition prouve l’incohérence de votre coalition politique ! Votre mesure, monsieur Maudet, irait à l’encontre de tout ce qu’ont approuvé les socialistes ou les Verts au sujet des traités européens, et qui fait que nous ne sommes plus souverains sur le plan commercial. J’y insiste, les socialistes et les Verts ont accordé le vote à la majorité qualifiée à nos prétendus partenaires européens qui, sur les questions commerciales, sont plutôt nos adversaires. Bienvenue dans la réalité !
La commission adopte l’amendement I-CF1076.
Amendement I-CF1091 de M. Aurélien Le Coq
M. David Guiraud (LFI-NFP). Cet amendement vise à accroître les droits de douane sur les produits israéliens, eu égard à la poursuite du génocide à Gaza, à la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie, aux crimes de guerre perpétrés au Liban et aux menaces réelles et concrètes qui pèsent sur les soldats français – les nôtres ! – engagés au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Nous avons tout intérêt à cesser toute importation d’armes ainsi que toute relation commerciale avec Israël. Compte tenu des menaces qui, je le répète, pèsent sur nos compatriotes franco-libanais et sur nos soldats, rehausser les droits de douane me semble être la moindre des choses pour appeler Israël à se calmer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable sur cet amendement. Dans le cadre de l’union douanière, les droits de douane sont fixés à l’échelle européenne. Une telle mesure devrait donc être défendue par les parlementaires européens et non par des députés nationaux.
M. Matthias Renault (RN). Cet amendement est la preuve d’un clientélisme sans limite. J’ajoute, pour la bonne information des personnes qui nous regardent, que le but de ce type d’interventions est de réaliser une capture vidéo et de la diffuser sur TikTok et les réseaux sociaux. Le groupe LFI-NFP en produit de manière industrielle, les prises de parole de ses membres étant même calibrées à cette fin.
M. David Amiel (EPR). Cet amendement illustre la méthode employée par de nombreux députés du groupe LFI-NFP, qui ne peuvent passer une journée sans alimenter la haine d’Israël et, à travers elle, l’antisémitisme qui, en France, atteint des niveaux exceptionnels. C’est votre obsession ! Nous le voyons au travers de cet amendement qui n’a rien à voir avec le budget, mais tout à voir avec votre stratégie politique délétère qui met en danger nombre de nos concitoyens.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Sachez d’abord que je n’avais aucunement l’intention de faire de cette intervention une capsule vidéo. (Exclamations.)
Ensuite, quand vous parlez de clientélisme, ayez au moins le courage de dire au profit de qui, car j’y vois une sortie raciste de votre part.
Quant à la mesure que nous proposons, j’estime, au contraire, qu’elle a toute sa place dans le débat parlementaire et budgétaire, puisqu’il s’agirait d’une hausse des droits de douane.
Voici le titre d’une tribune parue hier : « Citoyens israéliens, nous appelons à une pression internationale pour qu’Israël cesse le massacre ». Si cela, c’est du clientélisme, c’est que vous avez perdu une petite partie de votre humanité !
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF480 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement vise à favoriser la reconstitution d’un champion national de l’hydroélectricité. Nous souhaitons qu’à terme, l’ensemble des installations hydroélectriques, qui sont financées par les factures des Français, entrent dans le giron d’EDF. Pour ce faire, nous proposons d’introduire une redevance dont les acteurs privés de cette filière auraient à s’acquitter. Le but assumé est de favoriser EDF, entreprise du service public, contre ses concurrents qui n’ont pas à faire des profits sur le bien public.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je précise d’abord que les centrales hydroélectriques n’appartiennent pas à EDF, mais à l’État, EDF n’en étant que le concessionnaire.
Ensuite, les acteurs autorisés à exploiter des installations hydrauliques leur appartenant sur les cours d’eau du domaine public s’acquittent déjà des redevances domaniales, fixées dans l’acte d’autorisation.
Enfin, la mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne que vous évoquez dans l’exposé sommaire ne concerne pas les installations hydrauliques placées sous le régime de l’autorisation, c’est-à-dire dont la puissance installée est inférieure à 4,5 mégawatts et qui n’appartiennent pas à l’État. La mise en demeure concerne les installations publiques, dont la gestion est systématiquement confiée à EDF.
Pour ces trois raisons, mon avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement
Amendement I-CF532 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement vise à créer un bonus-malus relatif au bruit pour les deux-roues et les trois-roues motorisés. Le bruit est le deuxième facteur environnemental causant le plus grand nombre de problèmes de santé derrière la pollution atmosphérique, le cumul des pollutions étant d’ailleurs très important. Le bruit généré par les deux-roues motorisés arrive même en tête des bruits les plus gênants. Rappelons à cet égard que les motos peuvent émettre jusqu’à 80 décibels, contre 74 pour les voitures.
Le produit de la taxe ici proposée serait affecté au soutien de l’électrification du parc de deux-roues et de trois-roues.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il est contraire à l’article 34 de la Constitution de renvoyer le barème d’une taxe à un décret. Il revient au Parlement de fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement d’un impôt. Dans le cas contraire, il s’agit d’un cas d’incompétence négative du législateur. Rien que pour cette raison, j’invite à repousser l’amendement.
M. Emmanuel Fouquart (RN). Le bruit excessif est une infraction prévue par le code de la route. Il suffit donc de faire appliquer la loi, voire de proposer des journées de sensibilisation sur cette nuisance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1077 de M. David Guiraud
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement de mon collègue Guiraud tend à supprimer les taxes et les droits de timbre relatifs aux titres de séjour et à leur renouvellement, ainsi qu’aux cartes d’identité. Leur montant peut en effet atteindre 425 euros dans le cas d’un titre de séjour d’un an donnant la possibilité de travailler.
De la même manière, nous proposons de supprimer ces frais pour l’obtention d’une carte de travailleur temporaire, dont la validité est de moins d’un an et dont le montant est passé de 19 euros en 2019 à 225 euros actuellement.
Ces taxes ne visent en effet qu’à renforcer les difficultés et à précariser celles et ceux qui le sont déjà.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Pour la délivrance d’un titre de séjour, son renouvellement ou la fourniture d’un duplicata, les taxes s’élèvent à 200 euros. Quant aux demandes de naturalisation, elles coûtent 55 euros, montant perçu au bénéfice de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Je ne crois pas qu’il soit sage de réduire les moyens des services des étrangers. Je vous renvoie au rapport spécial que j’avais rédigé à ce sujet : j’estime qu’il convient même d’augmenter les taxes, car certains services de préfecture ne parviennent plus à délivrer les titres dans les délais prévus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1254 de M. Éric Ciotti
M. Gérault Verny (UDR). Dans un contexte où certains pays refusent d’émettre les laissez-passer consulaires nécessaires à la bonne exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), le présent amendement vise à armer le ministère de l’intérieur en lui permettant de prendre par voie de décret, au titre de l’article L. 151-2-1 du code monétaire et financier, des mesures de rétorsion. Cet amendement permettrait de corriger une anomalie qui nuit à la sécurité de nos compatriotes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement vise à autoriser la création, par décret, d’une taxe de 33 % sur les mouvements de capitaux, les règlements, les exportations d’or et autres mouvements matériels de valeurs, laquelle s’appliquerait aux pays exécutant moins de 90 % des délivrances de documents de voyage. Sur la forme, l’amendement priverait le législateur de son pouvoir de définition de l’impôt. À cela s’ajoute que vous ne définissez pas ce que sont les mouvements matériels de valeurs. Enfin, sur le fond, pensez-vous que l’introduction d’une telle taxe freinerait les flux migratoires ? Je vous suggère de retirer l’amendement et de l’affiner d’ici à l’examen du texte en séance. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je ne sais pas si cet amendement anticipe une prochaine loi immigration, mais cela m’inquiète.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1858 et I-CF1866 de M. Charles de Courson, I-CF188 de M. Philippe Juvin et I-CF1783 de M. Thomas Cazenave (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements visent à encadrer plus strictement la vente des sachets de nicotine. Pour ceux qui ne le connaissent pas, ce produit, qui fait l’objet d’un taux de TVA de 20 %, s’achète dans le commerce et se place entre la lèvre et la gencive. Cette substance est très nocive et il n’est pas normal qu’elle ne soit ni assujettie à un droit d’accise, comme pour les autres produits du tabac, ni interdite aux mineurs. Il s’agit donc d’amendements de santé publique.
Le I-CF1858 tend à fixer l’accise à 22 euros par kilo dans un premier temps, avant de l’augmenter progressivement à 44 euros puis à 66 euros par kilo d’ici à 2027. Je précise qu’une boîte de vingt sachets contient entre 8 et 16 grammes de substance à consommer et qu’elle est vendue au prix d’environ 7 euros. L’accise serait donc comprise entre 18 et 35 centimes par boîte. Les sachets de nicotine ne sont pour l’heure qu’un produit émergent en France, mais s’ils connaissent une pénétration similaire à celle observée sur d’autres marchés, le produit de cette accise pourrait atteindre à terme 200 millions d’euros.
Quant à mon autre amendement I-CF1866, il contient le même dispositif, mais vise aussi à confier aux buralistes un monopole sur la vente de ces sachets, afin de mieux contrôler leur interdiction aux mineurs. Cette option présente des avantages et des inconvénients, mais elle a ma préférence.
M. Philippe Juvin (DR). Les sachets de nicotine contiennent un mélange de cellulose et de nicotine extraite du tabac. Cette substance ne relève d’aucun cadre réglementaire particulier, alors qu’elle fait évidemment partie des produits du tabac. Une loi de 2023 tend à encadrer l’action des influenceurs les concernant, mais il est vrai qu’une fiscalisation permettrait de mieux surveiller la consommation et de nous aligner sur nos voisins, qui ont déjà instauré une taxation adaptée. Pour ma part, je propose de fixer l’accise à 22 euros par kilo.
M. David Amiel (EPR). L’amendement I-CF1783 de mon collègue Cazenave va dans le même sens. Nous souhaitons lutter contre la prolifération de ces produits qui s’adressent souvent à des mineurs et qui peuvent constituer pour eux une porte d’entrée vers un tabagisme excessif. C’est la raison pour laquelle nous proposons à la fois de les fiscaliser et de confier aux buralistes le monopole de leur vente, afin de l’interdire aux mineurs.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les dispositifs proposés par ces quatre amendements étant similaires, lequel nous conseillez-vous d’adopter, monsieur le rapporteur général ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vais retirer l’amendement I-CF1858 pour la clarté du débat.
Les amendements I-CF1866 et I-CF188 prévoient tous deux le même montant d’accise et le monopole des buralistes, mais seul le premier inclut une progressivité des prélèvements.
Quant à l’amendement I-CF1783, il poursuit le même objectif, mais pâtit de quelques imprécisions. En effet, les sachets de nicotine que l’on trouve dans le commerce ne sont pas destinés à être ingérés : comme je le disais, ils se placent entre la joue et la gencive et la nicotine libérée est absorbée par la muqueuse buccale. De plus, le produit de l’accise ne serait que de 20 centimes par boîte.
L’amendement I-CF1858 est retiré.
La commission adopte l’amendement I-CF1866.
En conséquence, les amendements I-CF188 et I-CF1783 tombent.
Amendement I-CF1865 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les autorités de santé et de nombreuses études scientifiques présentent les cigarettes électroniques comme une aide au sevrage tabagique. Or les produits de vapotage ne sont pas sans risque et ne doivent pas être destinés à des non-fumeurs ou à des mineurs.
Si ces produits sont réglementés, la directive européenne sur les produits du tabac et les produits connexes ayant été transposée dans le code de la santé publique, ils ne sont pas taxés car la directive relative aux taux des accises applicables aux tabacs manufacturés ne prévoit pas de cadre fiscal harmonisé pour les cigarettes électroniques. Pourtant, dix-neuf pays européens ont déjà fiscalisé ce produit, pour des montants allant de 0,10 euro par millilitre en République tchèque à 1,04 euro par millilitre, pour certains liquides, en Suisse. Le Luxembourg applique un droit de 0,12 euro, l’Italie un droit compris entre 0,09 et 0,13 euro, la Belgique un droit de 0,15 euro, l’Allemagne un droit de 0,20 euro… Au demeurant, la révision en cours de la directive européenne sur les droits d’accise prévoit la création d’une catégorie fiscale dédiée à ces liquides dans les prochaines années.
Afin de mettre fin à cette exception fiscale française, mon amendement vise à taxer spécifiquement les produits de vapotage. L’instauration d’un droit d’accise de 0,15 euro par millilitre devrait avoir un impact modéré sur les prix, ce qui préserverait l’accès à la cigarette électronique des 3,5 millions de consommateurs de ce produit et éviterait un retour de ces derniers, dont beaucoup sont d’anciens fumeurs, à la cigarette traditionnelle – un risque que soulignait récemment la commission des affaires sociales du Sénat. Le produit de ce droit d’accise est estimé entre 150 et 200 millions d’euros par an.
La commission adopte l’amendement I-CF1865.
Amendement I-CF1416 de Mme Christine Arrighi
M. Charles Fournier (EcoS). Nous proposons une refonte du tarif de solidarité, composante de la taxe sur le transport aérien de passagers, en alignant le barème de la classe économique sur le niveau allemand et en doublant ce barème pour obtenir le montant de la taxe en classe premium. Cette mesure serait budgétairement efficace, puisqu’elle permettrait de percevoir 2,5 milliards d’euros supplémentaires par an et de combler ainsi une partie du manque à gagner lié aux exonérations fiscales du transport aérien, dont le montant total est estimé à plus de 9 milliards. Elle serait socialement juste, puisque le montant payé dépendrait de la situation financière des passagers, les aéronefs d’affaires et les classes supérieures accessibles aux ménages les plus aisés étant taxés davantage. Enfin, elle serait écologiquement utile, puisque les tarifs seraient modulés selon que les vols sont des courts, des moyens ou des longs courriers.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le Gouvernement a annoncé qu’il déposerait, en séance, un amendement en ce sens dont le produit annuel serait de l’ordre de 1 milliard d’euros. Le président de la commission et moi-même avons demandé au ministre de nous transmettre cet amendement le plus tôt possible afin que nous puissions en discuter en amont. J’espère qu’il ne sera pas déposé au dernier moment, auquel cas nous n’aurions pas le temps de l’examiner. Le sujet est délicat, d’autant que se pose la question des collectivités d’outre-mer et de la Corse. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). Je maintiens mon amendement car il me paraît bien plus raisonnable d’envisager une recette de 2,5 milliards qu’un rendement de 1 milliard. Du reste, j’ai pris en compte la spécificité des outre-mers en les excluant du champ d’application de ma proposition.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1072 de Mme Marianne Maximi et I-CF1854 de M. Mickaël Bouloux.
Amendement I-CF1747 de M. Emmanuel Maurel, amendements identiques I-CF49 de M. Fabrice Brun et I-CF1125 de M. Michel Castellani, amendement I-CF52 de M. Fabrice Brun (discussion commune)
M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement I-CF1747 vise à porter de 3 % à 6 % le taux de la taxe sur les services numériques, dite taxe Gafam. En effet, les géants du numérique paient un impôt effectif deux fois moins élevé que les entreprises traditionnelles. Le comportement des Gafam, qui tirent parti de la libre circulation des capitaux au sein de l’Union européenne en rapatriant leurs profits en Irlande ou au Luxembourg, aboutit à une situation absolument intolérable où un chiffre d’affaires de plusieurs milliards ne produit que quelques dizaines de millions de rentrées fiscales. Pour avoir étudié ce sujet lorsque j’étais député européen, je peux vous dire que c’est totalement délirant ! Un doublement du taux de la taxe Gafam, qui porte sur le chiffre d’affaires des sociétés et dont le rendement est estimé à 800 millions en 2024, apporterait à l’État des recettes supplémentaires. Une telle mesure me paraît juste, nécessaire et susceptible d’être comprise par le plus grand nombre.
M. Nicolas Ray (DR). Dans le contexte budgétaire actuel, chaque secteur doit participer à l’effort. Nous proposons donc de relever légèrement le taux de la taxe Gafam, à laquelle sont soumises des entreprises en plein essor. L’amendement I-CF49 vise à porter ce taux de 3 % à 5 % du chiffre d’affaires, tandis que l’amendement de repli I-CF52 prévoit un taux de 4 %.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Nous sommes, nous aussi, favorables à un taux de 5 %, comme le propose notre amendement I-CF1125.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce serait déjà bien de passer de 3 % à 5 %. Le surproduit serait alors de l’ordre de 500 millions d’euros.
Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF1747 et adopte les amendements identiques I-CF49 et I-CF1125.
En conséquence, l’amendement I-CF52 tombe.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1253 de M. Éric Ciotti.
Amendement I-CF163 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Eva Sas (EcoS). Nous proposons de soumettre à une contribution additionnelle, dont le taux serait de 2 % de la masse salariale annuelle, les entreprises dont l’écart salarial entre les femmes et les hommes dépasse un seuil de tolérance fixé à 5 %. Ce seuil a été déterminé en fonction des écarts observés dans des entreprises responsables, où des efforts pour l’égalité ont permis de ramener les différences de salaires à des niveaux plus proches de la parité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je pense que chacun partage l’objectif de réduire, si ce n’est de supprimer, les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes à niveau égal d’ancienneté et de compétence. La taxe que vous proposez pose toutefois quelques difficultés.
Les entreprises de plus de cinquante salariés doivent tenir un index de l’égalité professionnelle. Celles qui constatent des écarts indus ont l’obligation de définir et d’atteindre des objectifs de progression, avec des sanctions, en cas de manquement, pouvant atteindre 1 % des rémunérations versées.
Par ailleurs, votre taxe concerne toutes les entreprises alors que nous ne disposons pas d’outils pour contrôler les plus petites d’entre elles. Les comparaisons sont plus difficiles lorsque le nombre de salariés est faible.
Pour renforcer les obligations des entreprises dans ce domaine, le droit du travail me semble être un meilleur outil que la fiscalité. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF164 de Mme Marie-Charlotte Garin
M. Charles de Courson, rapporteur général. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF165 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Eva Sas (EcoS). Il s’agit de renforcer l’application de la loi Copé-Zimmermann, qui impose un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance. Certaines entreprises ne respectent toujours pas cette obligation légale, freinant ainsi l’accès des femmes à leurs instances de gouvernance. Aussi proposons-nous d’instaurer une taxe additionnelle, au taux de 3 % de la masse salariale annuelle, pour les entreprises ne respectant pas ce quota, ce qui revient à créer un mécanisme de sanction financière en cas de non-respect de la parité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La France se place au premier rang européen et mondial en matière de féminisation des conseils d’administration. En effet, la loi Copé-Zimmerman a déjà assorti de sanctions extrêmement fortes le non-respect du quota : les nominations irrégulières sont entachées de nullité, de même que les délibérations votées par les conseils comprenant des membres irrégulièrement nommés, et le versement des jetons de présence aux membres de ces conseils est temporairement suspendu. Ces sanctions sont, à mon sens, bien plus dissuasives qu’un prélèvement supplémentaire. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Article 27 : Intégration des communes anciennement classées en zone de revitalisation rurale dans le nouveau zonage France ruralités revitalisation et prorogation du dispositif d’exonérations fiscales et sociales dans les bassins d’emploi à redynamiser
La commission adopte l’article 27 non modifié.
Article 28 : Prorogation de l’expérimentation des clubs de jeux à Paris
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement de suppression I-CF647 de Mme Marianne Maximi.
Amendement I-CF1464 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). L’interdiction des casinos à Paris et dans un rayon de 100 kilomètres autour de la capitale résulte d’une vieille législation datant du XIXe siècle, qui a favorisé l’émergence de cercles de jeux clandestins, lieux de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. L’expérimentation des clubs de jeux à Paris, que le Parlement a votée en 2017 et que l’article 28 du présent PLF prévoit de poursuivre, est vertueuse, dans la mesure où l’activité de sept clubs de jeux à Paris a fait rentrer 60 millions d’euros dans les caisses de l’État. Je propose de l’élargir en autorisant les machines à sous au sein de ces clubs, ce qui favorisera leur attractivité et dynamisera leur activité, source de rentrées fiscales. Paris est la seule capitale européenne sans casino ; il est dommage de se priver ainsi de recettes fiscales en empêchant les touristes de s’adonner à leur passion.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Si nous autorisons les machines à sous dans ces clubs de jeux, ils deviendront des casinos. D’ailleurs, 95 % du résultat de ces derniers provient des machines à sous, les tables de jeux ne représentant que 4 % à 5 % du chiffre d’affaires. Un seul casino est autorisé dans l’agglomération parisienne, à Enghien-les-Bains – c’est le plus grand de France. Ainsi, en défendant votre amendement, vous posez implicitement la question suivante : faut-il supprimer le monopole de fait dont bénéficie, en région parisienne, le casino d’Enghien ?
L’article 28 ne fait que prolonger l’expérimentation votée il y a quelques années. J’observe d’ailleurs que certains de ces clubs de jeux ouverts à titre expérimental ont refermé leurs portes… Nous attendons donc avec impatience la remise, en avril 2025, du rapport sur cette expérimentation.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
M. Matthias Renault (RN). J’assume de vouloir transformer, dans le cadre de l’expérimentation, les clubs de jeux en casinos, considérant que l’interdiction datant de la fin du XIXe siècle n’est plus justifiée et que le tourisme pourrait dynamiser l’activité de ces établissements.
M. Éric Woerth (EPR). Un équilibre a visiblement été trouvé en interdisant les casinos à Paris et en autorisant l’ouverture de cercles de jeux, dont l’activité est mieux encadrée. Ne le dénaturons pas !
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 28 non modifié.
Après l’article 28
Amendement I-CF483 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement habituel du Rassemblement national vise à rendre leur vraie nature aux bâches qui couvrent les monuments historiques en travaux. Si le mécénat est bienvenu, il est insupportable de voir des biens publics dénaturés par des publicités en tout genre pour des biens commerciaux sans aucun rapport avec l’entretien du patrimoine. Montrer aux Français et aux étrangers qui viennent avec plaisir visiter Paris, et ont parfois beaucoup investi dans leur voyage, des bâtiments dénaturés par des grandes marques multinationales me paraît très loin des valeurs et de la culture françaises. Un peu de décence ! Paris n’est pas un centre commercial !
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’administration peut autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage sur des monuments historiques. Les recettes perçues par le propriétaire du bâtiment – généralement l’État – sont affectées par le maître d’ouvrage au financement des travaux. Vous proposez de n’autoriser que des bâches décoratives, avec mention du mécène, et d’affecter les recettes à l’État. Or ces bâches, qui ne sont que temporaires, me semblent être un bon moyen de financement des rénovations. Je considère votre amendement comme un amendement d’appel à l’adresse du Gouvernement, qui n’a pas réellement sa place en loi de finances, comme vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même dans l’exposé sommaire.
M. Éric Woerth (EPR). Ne faisons pas de la suradministration ! La bonne nouvelle, quand il y a des bâches, c’est qu’il y a des travaux – la situation serait pire s’il n’y en avait pas et que le bâtiment tombait en ruine. Les publicités affichées, qui ne sont pas choquantes, permettent de financer les travaux.
M. le président Éric Coquerel. Cet amendement soulève un vrai problème. Au fil du temps, la réglementation a été dénaturée : la décoration a été progressivement reléguée sur les côtés de la bâche tandis que le message publicitaire s’est imposé en grand. La loi d’exception mise en place pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 a encore empiré les choses. Ce débat renvoie à notre conception de la place de la publicité dans l’espace public. Pour ma part, je ne suis pas favorable à cette agression permanente.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai fait évoluer mon amendement pour prendre en compte les remarques de collègues de tous bords, y compris du camp présidentiel. Je propose donc d’autoriser l’affichage du nom du mécène, mais cela semble encore poser problème…
Non, monsieur Woerth, la Conciergerie, le Louvre et l’Opéra Garnier n’étaient pas en train de tomber en ruine. Si LVMH et Nike y font afficher des publicités pour leurs produits, c’est parce qu’ils en tirent un gros bénéfice. Je ne suis pas sûr que leur intérêt pour le mécénat pèse plus lourd que leur volonté de placer leur marchandise. Remettons un peu de mesure dans cette pratique devenue insupportable ! Je ne vois pas ce qu’il y a d’excessif à revenir à l’esprit de la loi. Le jour où LVMH permettra de financer la rénovation d’une petite chapelle au fin fond de la Somme, je ferai à cette entreprise des excuses publiques – mais je ne suis pas sûr que cela arrive l’année prochaine…
La commission adopte l’amendement I-CF483.
Amendements I-CF962, I-CF980 et I-CF1013 de M. Éric Ciotti
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’exposé sommaire de l’amendement I-CF962 évoque une privatisation d’Orange. Il est vrai que l’article 34 de la Constitution dispose que le transfert d’une entreprise du secteur public au secteur privé relève du domaine de la loi, mais une telle opération mériterait peut-être une loi spécifique, et non un simple article voté au détour des débats budgétaires. Du reste, il ne s’agirait ici que de céder une participation minoritaire, l’État possédant un peu plus de 13 % et Bpifrance un peu plus de 9 % du capital d’Orange. Cet amendement n’a donc pas de portée. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
II – RESSOURCES AFFECTÉES
A – Dispositions relatives aux collectivités territoriales
Article 29 : Fixation pour 2025 du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des variables d’ajustement
Amendements I-CF651 de M. Jérôme Legavre, I-CF1685 et I-CF1730 de M. Tristan Lahais, amendements identiques I-CF569 de M. Stéphane Delautrette, I-CF655 de Mme Marianne Maximi, I-CF1131 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1394 de Mme Sophie Pantel et I-CF1692 de M. Tristan Lahais (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Notre amendement I-CF651 vise à alerter la représentation nationale quant à l’évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités territoriales. L’apparente stabilité n’est qu’une illusion d’optique : en 2022, la dotation a baissé pour la moitié des communes ; en 2023, elle a encore diminué pour 10 % d’entre elles, de même qu’en 2024, pour 20 % d’entre elles. Si l’on tient compte de l’inflation, la DGF a en réalité baissé pour la totalité des collectivités ; si la dotation avait suivi l’inflation depuis 2014, celles-ci auraient touché 70 milliards d’euros de plus de la part de l’État.
J’insiste sur ce chiffre pour que le bloc présidentiel et l’extrême droite, une fois de plus très alignés, comprennent à quel point leur discours stigmatisant les collectivités est insupportable, d’autant que ces moyens ne sont pas accordés à objectifs constants, puisque de nouvelles missions ont été confiées aux collectivités. Il faut trouver des solutions, faute de quoi des cantines scolaires, des centres communaux d’action sociale (CCAS) et des maisons de quartier vont devoir fermer… J’espère vraiment que les députés du bloc présidentiel et du Rassemblement national assumeront leur position dans leur circonscription et expliqueront pourquoi ils mettent à mal les services publics locaux.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nos amendements I-CF1685, I-CF1730 et I‑CF1692 visent à revaloriser la DGF versée aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux départements à hauteur de l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation depuis 2018, 2024 ou 2025.
La situation est très préoccupante : les collectivités sont prises à la gorge, asphyxiées. Malgré l’apparente stabilisation de la DGF depuis 2018, la conjoncture économique s’est fortement dégradée. Les collectivités ont dû faire face aux nombreux défis qui ont touché les ménages les plus fragiles et les acteurs économiques, qu’il agisse de la crise sanitaire ou de la forte inflation. Tous les services publics locaux, les cantines, les Ehpad, les transports et les infrastructures ont été affectés. À ces causes conjoncturelles s’ajoutent des mesures catégorielles que les collectivités ont dû assumer sans compensation de l’État – je pense par exemple à l’augmentation du point d’indice, aux mesures du Ségur, ou encore à l’augmentation du RSA.
Les collectivités jouent un rôle indispensable de bouclier social et d’investisseurs dans la transition écologique. L’augmentation de DGF est donc indispensable.
M. Jacques Oberti (SOC). L’amendement I-CF569 vise à revaloriser la DGF à hauteur de la hausse du coût de la vie. Cette mesure ne serait encore qu’imparfaite, puisque l’indice du « panier du maire » augmente généralement d’un point de plus que l’indice des prix à la consommation.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’amendement I-CF1131 est identique à celui que vient de défendre M. Oberti. Je vous soumettrai dans un instant l’amendement de repli I‑CF1130. La DGF doit être au moins maintenue en 2025 au même montant qu’en 2024.
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement I-CF1394, travaillé avec Départements de France, prévoit de revaloriser la DGF départementale à hauteur de l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation pour 2025.
Après quatre années de baisse de la dotation puis un gel de cette dernière depuis 2018, l’effet ciseaux joue à plein. Du reste, les départements sont dans une situation particulière puisque certaines de leurs dépenses ne peuvent être prévues ou anticipées : ainsi, la décision d’un plan d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou le placement d’un enfant sur décision d’un juge s’imposent à eux. Il y va du maintien des politiques publiques en matière de solidarité territoriale et de solidarité humaine.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tous ces amendements visent à augmenter le montant de la DGF. Or la situation des comptes publics est catastrophique : le déficit atteindra 6,1 % du PIB en 2024 et le tendanciel est de 6,9 % pour 2025, même si nous espérons revenir à 5,2 % ou 5 % l’année prochaine. La dette continue d’augmenter : elle représentera 112,9 % du PIB en 2024.
Dans ce contexte, il faut regarder les choses en face. Les trois blocs de collectivités territoriales sont dans une situation différente. Les départements sont les plus en danger, comme en témoigne le grand nombre d’amendements qui les concernent : quatorze d’entre eux seront en déficit de fonctionnement en 2025 si rien n’est fait.
Je vous propose de maintenir le montant de la DGF tel qu’il est, c’est-à-dire gelé, car il n’est pas anormal que les collectivités participent à l’effort. En revanche, je défendrai à l’article 32 un amendement visant à abonder de 466 millions le fonds de sauvegarde des départements. Ce montant est assez proche des 500 millions que vous réclamez pour la DGF départementale, mais une majoration de cette dernière profiterait au bloc communal et à tous les départements alors que certaines de ces collectivités vont encore relativement bien. La solution du fonds de sauvegarde me semble donc plus adaptée.
Quant au bloc communal, il se porte mieux. L’épargne brute des communes, qui correspond à leur capacité d’autofinancement, a augmenté de 5,7 % entre août 2023 et août 2024, tandis que leurs dépenses d’investissement ont progressé de 10 % pendant la même période – il faut dire que nous sommes en haut du cycle électoral. Dès lors, il me semble raisonnable de ne pas augmenter le montant global de la DGF, car cette hausse bénéficierait à tous sans prendre en compte la situation de chacun.
Je donne donc à tous ces amendements un avis défavorable, en vous donnant rendez-vous à l’article 32, lorsque nous discuterons du fonds de sauvegarde des départements.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part je suis favorable aux amendements, qui visent à régler un vrai problème qui ne date pas d’aujourd’hui. Les explications du précédent gouvernement, qui a pointé du doigt la responsabilité des collectivités pour expliquer l’évolution du déficit public, me laissent songeur… L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) estime que le manque à gagner des collectivités a été de 70 milliards d’euros entre 2014 et 2024. Par ailleurs, le Parti de gauche considère, à l’appui de données issues de l’enquête sociale de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), de l’Insee et de la Cour des comptes, que les collectivités ont été privées de 250 milliards, du fait de la non-compensation de transferts de compétences et de suppressions de taxes ou d’impôts locaux, ainsi que de la baisse de 30 milliards de la DGF et de la désindexation de cette dernière par rapport à l’inflation. Chacun conviendra qu’un trou financier très important a été creusé ces dix dernières années.
Que la DGF soit indexée sur l’inflation me semble être un minimum pour que les départements puissent continuer à assumer leur rôle. Ce n’est pas aux collectivités territoriales de payer les déficits dont elles ne sont responsables que pour une part infime, puisqu’elles sont tenues d’équilibrer leur budget de fonctionnement et que tout le monde compte sur elles pour investir. Il y a là un paradoxe difficilement acceptable.
M. Éric Woerth (EPR). Il n’y a pas un enfer qui serait l’État et un paradis qui serait les collectivités locales. La situation est un peu plus compliquée que cela ! Les gestionnaires de collectivité, qui ne sont plus très nombreux à l’Assemblée nationale en raison de l’interdiction du cumul des mandats, le savent très bien.
La DGF a augmenté au cours des années passées – pas au niveau de l’inflation, certes, parce que tout ne peut pas être indexé sur l’inflation. Le vrai problème ne réside pas dans le montant de la dotation, mais dans ses composantes. Elle est devenue de plus en plus complexe du fait de nombreuses décisions prises par le passé, il y a parfois trente ou quarante ans, si bien que plus un seul élu ne comprend aujourd’hui à quoi il a droit. Nous avons eu avec M. Laignel des discussions comme il n’en faut plus, au cours desquelles l’État et les collectivités locales se sont passé le mistigri. Aussi devons-nous tout remettre à plat, dans le cadre d’une concertation avec les élus locaux visant à inventer un nouveau système de financement des collectivités. Chacun prendra alors ses responsabilités. Lorsque les départements sous-financent les dépenses sociales, notamment l’aide sociale à l’enfance, c’est leur choix, qu’ils ne doivent pas justifier par un système de financement insuffisant.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Depuis plusieurs jours, nous avons réussi, par nos votes, à dégager quelques moyens financiers. Aussi est-il possible de revaloriser la DGF d’un montant correspondant au moins à l’inflation – c’est même nécessaire si nous ne voulons pas que les collectivités se trouvent en grande difficulté.
Mme Sophie Pantel (SOC). J’appelle votre attention sur les effets d’une non-indexation de la DGF. La solidarité entre départements, qui s’exerce dans le cadre d’un fonds de péréquation, serait remise en cause car, pour la première fois, de gros départements percevant jusqu’alors des DMTO importants connaissent des difficultés.
Sans une indexation de la DGF et un abondement du fonds de sauvegarde, plus de cinquante départements seront en difficulté l’année prochaine. Ces deux mesures sont nécessaires, faute de quoi on ne fera que mettre un pansement sur une jambe de bois.
Mme Véronique Louwagie (DR). Les interventions de nos collègues montrent les problèmes que rencontrent certaines collectivités, notamment les départements. Présidente de la commission des finances du conseil départemental de l’Orne, j’éprouve des difficultés à boucler le budget pour 2025 à cause du déploiement en année pleine de certaines mesures et de la baisse des DMTO.
Il est temps d’aborder la question de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, dans l’optique d’assurer une véritable décentralisation. Le système ne fonctionne plus et l’État ne pourra pas toujours abonder le manque de recettes locales, surtout dans sa situation budgétaire actuelle ; dans le même temps, les collectivités doivent remplir leurs missions. Nous sommes à la croisée des chemins et nous devons reconstruire les relations entre l’État et les collectivités.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’indexation de la DGF demandée représente un coût légèrement inférieur à 500 millions. Je vous propose plutôt de consacrer cette somme à aider les départements en difficulté. Je partage les propos de nos collègues Louwagie et Woerth et je vous invite à relire le récent rapport de ce dernier, « Décentralisation : le temps de la confiance », dans lequel il recommande d’affecter aux départements une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG). Je souhaite aller plus loin en territorialisant cette mesure, afin de répondre au constat dressé par Mme Louwagie sur l’impossibilité d’ajuster les dépenses et les recettes même en faisant preuve de la plus extrême rigueur.
M. le président Éric Coquerel. Une partie de la TVA a déjà été transférée et vous proposez de suivre la même orientation pour la CSG, prélèvement qui n’a pas été conçu pour financer les départements et qui, en outre, n’est pas progressif.
M. Éric Woerth (EPR). Il faut lire sérieusement le rapport, lequel ne propose pas de prendre au hasard une partie du produit de la CSG et vise justement à abandonner le fractionnement de la TVA.
M. le président Éric Coquerel. Je dis simplement que la CSG n’a pas été prévue pour cela.
M. Éric Woerth (EPR). La CSG a une dimension sociale, domaine qui recoupe la compétence principale des départements.
M. le président Éric Coquerel. Elle est surtout liée au budget de la sécurité sociale.
La commission rejette successivement les amendements I-CF651, I-CF1685 et I‑CF1730.
Elle adopte les amendements identiques I-CF569, I-CF655, I-CF1131, I-CF1394 et I‑CF1692.
Amendement I-CF1130 de M. Jean-Pierre Bataille
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au I‑CF1131, qui vient d’être adopté. La DGF sera donc revalorisée à hauteur de la prévision d’inflation figurant dans le PLF, à savoir 1,8 %. Je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF656 de M. Aurélien Le Coq.
Amendements identiques I-CF1147 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1188 de Mme Martine Froger et I-CF1569 de M. Philippe Brun, amendements identiques I-CF1148 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1189 de Mme Martine Froger et I-CF1573 de M. Philippe Brun, amendement I-CF1496 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’amendement vise à maintenir la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Année après année, cette compensation ne cesse de diminuer, ce qui grève le budget des régions.
M. Laurent Baumel (SOC). Dans le malheur général que le désengagement budgétaire de l’État produit sur les finances locales, les régions souffrent moins que les départements mais leur niveau d’épargne brute ne cesse de diminuer. Notre amendement s’oppose à la nouvelle baisse de la DCRTP.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Mon amendement de repli vise à limiter la baisse de la DCRTP.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’article 29 fixe le montant de la DGF et pérennise l’augmentation de 320 millions des fonds de péréquation obtenue en 2024. Ce sont les collectivités qui permettent le maintien de ce montant. Le PLF agit sur plusieurs variables d’ajustement dont certaines concernent les départements, alors que tout le monde reconnaît qu’il s’agit du niveau de collectivité le plus en difficulté. Cette politique n’est pas bonne et n’offre aucune visibilité globale sur les moyens des collectivités.
Monsieur Cazeneuve, j’ai retrouvé les propos que vous avez tenus l’année dernière en commission et je maintiens que vous avez menti. J’avais déclaré mon opposition aux amendements de Mme Louwagie, de M. Tanguy et de M. Reda qui visaient à revenir sur la revalorisation des valeurs locatives indexées sur l’inflation et mon soutien aux propos du rapporteur général d’alors, à savoir vous-même.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’objet de l’ensemble de ces amendements est de réduire les prélèvements sur les variables d’ajustement. Celles-ci reposent sur sept éléments pour un montant de 3,738 milliards d’euros dans la dernière loi de finances. Le PLF les réduit de 487 millions d’euros pour financer le dynamisme des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, à l’instar des quelques prélèvements sur recettes (PSR) qui se trouvent en augmentation – à hauteur de 337 millions – liée notamment au dynamisme des compensations des allègements de fiscalité locale.
Le texte ne touche pas à la dotation « carrée » des départements, variable d’ajustement qui reste à 362 millions d’euros. La DCRTP des départements subit une baisse modeste de 39 millions d’euros par rapport à son montant de 1,204 milliard d’euros. La réduction de la DCRTP touche principalement le bloc communal, à hauteur de 200 millions d’euros – la dotation passe de 1,129 milliard d’euros à 928 millions d’euros –, et les régions, où elle se contracte de 467 millions d’euros à 278 millions d’euros.
Ces baisses financeront notamment les remboursements de suppressions, d’abattements et de réductions d’impôts locaux décidés par l’État, donc je ne peux pas soutenir les amendements.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je ne peux pas vous suivre car tous les départements ne perçoivent pas de DCRTP ni ne bénéficient d’un fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Ceux qui les touchent sont les départements les moins favorisés : en ponctionnant les variables d’ajustement, on attaque la solidarité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le FDPTP est mal nommé car il ne concerne que le bloc communal et ne comporte aucune part départementale. Les départements ventilent simplement les aides entre les communes. En outre, la réduction de leur montant ne dépasse pas 57 millions d’euros.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Et moi je ne peux pas vous suivre, monsieur le rapporteur général, car les régions essuient trois punitions : la non-indexation de la DGF, le recul de la DCRTP et le gel du produit de la TVA.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Tout d’abord, il n’y a plus de DGF pour les régions, elle a été remplacée par une part du produit de la TVA.
Sur le fond, nous touchons là à la question du soutien aux collectivités territoriales : soit nous aidons toutes les collectivités, soit seulement celles qui en ont vraiment besoin. Il me semble que l’État doit choisir la seconde option. Les finances de certains départements sont actuellement dans le rouge : la représentation nationale devrait décider d’une aide spécifique pour ces collectivités en abondant le fonds de péréquation. Si on augmente le montant total de la DGF, on accroît le soutien aux collectivités en bonne santé financière, que l’on retrouve principalement dans le bloc communal. Quand les moyens viennent à manquer, notre responsabilité politique est d’aider celles qui ont des problèmes et non de soutenir tout le monde.
M. le président Éric Coquerel. La DGF n’est pas une aide, mais une compensation de transferts de compétences. Elle n’a pas pour but de réduire les inégalités : si nous voulions la transformer en ce sens, il nous faudrait repenser complètement le système et instaurer une fiscalité propre. Une telle approche modifierait en profondeur l’organisation territoriale et même celle de la République.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 29 modifié.
Article 30 : Modulation des conditions d’attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)
Amendements de suppression I-CF332 de M. Stéphane Delautrette, I-CF660 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1140 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1206 de M. Nicolas Ray et I‑CF1423 de Mme Christine Arrighi
Mme Sophie Pantel (SOC). Nous souhaitons supprimer l’article 30 qui baisse le taux et réduit l’assiette du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), afin de soutenir l’économie locale et de préserver la commande publique, essentielle dans tous les territoires, particulièrement dans les zones rurales.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Les collectivités locales réalisant 58 % de l’investissement public, une baisse de 2 points du FCTVA diminuera les capacités d’autofinancement des prochains investissements, donc le produit de la TVA.
M. Nicolas Ray (DR). L’article 30 prévoit de baisser le taux de remboursement du FCTVA et de réduire son périmètre. Je veux bien que les collectivités fassent des efforts – j’ai ainsi refusé de soutenir l’indexation totale de la DGF –, mais il faut préserver l’investissement, source de dépenses utiles et d’emplois.
Le changement des règles constitue également un mauvais coup pour les collectivités ayant déjà prévu leur plan de financement, d’autant que nous arrivons à la fin des mandats locaux de la période 2020-2026.
Revenir sur l’élargissement du fonds aux opérations d’entretien des bâtiments et de la voirie n’est pas acceptable : l’instabilité pose problème et la distinction entre les dépenses d’investissement et de fonctionnement est très ténue – j’ai pu éprouver cette difficulté par le passé en tant que comptable public.
Enfin, la grêle a endommagé de nombreux bâtiments, dont la remise en état entrera dans les dépenses de fonctionnement des collectivités : ces dernières ont besoin d’être soutenues, d’où la nécessité de maintenir le niveau actuel du FCTVA.
M. Charles Fournier (EcoS). Les collectivités locales effectuent presque 60 % de l’investissement public. Leur rôle sera déterminant dans la période difficile dans laquelle nous entrons. L’attaque contre le FCTVA ébranlera les collectivités, d’autant que celles-ci ont déjà planifié leurs investissements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le FCTVA n’est pas, contrairement à ce que l’on dit, un remboursement de la TVA : le dispositif repose sur le produit d’un taux réduit de 1,25 %, reversé à l’Union européenne, et sur une assiette qui ne correspond pas au montant de la TVA acquittée, puisque toutes les subventions des administrations publiques nationales y sont soustraites. Ainsi, le taux de 16 % est bien plus faible si on le rapporte à l’ensemble des investissements des collectivités locales.
Rapporteur général, je tente de trouver des compromis : le Gouvernement propose de diminuer le taux de remboursement de 16,404 % à 14,85 %, soit une baisse de 1,55 point, qui correspond à une économie de 800 millions d’euros par rapport à l’estimation des investissements éligibles en 2025. Je vous propose de maintenir le montant du FCTVA, qui atteint 7,104 milliards d’euros ; dans ce cadre, il est envisageable de réduire quelque peu le taux de remboursement pour le fixer à 15,41 %, ce qui représente une baisse d’environ 1 point.
L’avis est défavorable sur les amendements.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’article 30 est très dangereux : les gouvernements successifs ont toujours lutté pour conserver le principe même du FCTVA, qui n’est pas une compensation. Si on veut préserver l’investissement et l’activité économique, il faut refuser d’entrer dans l’engrenage de la modification du FCTVA. Voilà pourquoi, nous souhaitons supprimer cet article.
La commission adopte les amendements I-CF332, I-CF660, I-CF1140, I-CF1206 et I‑CF1423.
En conséquence, l’article 30 est supprimé et les autres amendements tombent.
Article 31 : Stabilisation en valeur au titre de 2025 des fractions de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectées aux collectivités locales
Amendements de suppression I-CF565 de Mme Sophie Pantel, I-CF665 de Mme Marianne Maximi, I-CF1141 de M. Jean-Pierre Bataille et I-CF1758 de M. Tristan Lahais
Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement vise à supprimer l’année blanche de TVA prévue dans le PLF. Le transfert d’une partie de la TVA vers les départements a toujours été présenté comme une opération avantageuse pour ces derniers en raison du dynamisme du produit de cette taxe. Avec l’année blanche, c’est une nouvelle promesse qui n’est pas respectée.
Mme Eva Sas (EcoS). Le Gouvernement présente l’article 31 comme une réforme garantissant la stabilité des transferts de TVA aux collectivités locales en 2025 et améliorant la prévisibilité des recettes locales. Néanmoins, le document « Évaluations préalables des articles du projet de loi » semble plutôt indiquer qu’il s’agit d’une mesure de pure économie, d’un montant estimé à 1,2 milliard l’année prochaine. Le Gouvernement procédant déjà à de nombreuses coupes dans les concours financiers aux collectivités locales, nous souhaitons supprimer cet article.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le produit de la TVA est désormais réparti entre les collectivités locales, la sécurité sociale et l’État. En 2024, 52,5 milliards d’euros sont reversés aux collectivités territoriales et plus de 60 milliards d’euros abondent la sécurité sociale : le budget de l’État ne perçoit plus que 45 % à 46 % du produit de la TVA, ce qui constitue un changement énorme, opéré en moins de six ans par la suppression d’impôts locaux et d’exonérations de cotisations sociales.
La prévision du produit de la TVA me semble surévaluée dans le PLF : elle s’établit à 106 milliards d’euros pour l’État alors que la prévision actualisée n’atteint que 96 milliards d’euros. La désindexation des compensations versées aux collectivités locales a rompu le lien avec l’évolution du produit de la TVA nette.
Il me semble que le maintien d’un reversement de 52,5 milliards d’euros aux collectivités locales n’est pas négligeable dans le contexte actuel. L’écart de 1,2 milliard d’euros me semble sous-évalué par rapport aux hypothèses gouvernementales, mais l’ordre de grandeur est le bon.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Autant on peut comprendre la critique portée à l’encontre de l’article 30, qui changeait les règles du jeu entre les collectivités et l’État, autant l’article 31 pose clairement pour principe le partage de l’effort. Il me semble que cette approche est conforme à l’intérêt général. Moins d’argent pour les collectivités locales signifie certes moins de services et d’investissements, mais l’économie de 1,2 milliard renforcera les services et les investissements de l’État. Ce jeu à somme nulle est un moyen de faire participer les collectivités territoriales à l’effort commun.
À nos collègues du groupe Socialistes qui donnent des leçons depuis quelques heures, je tiens à leur rappeler que la seule période de baisse en euros des dotations de l’État aux collectivités territoriales s’est produite durant le quinquennat de François Hollande.
M. Philippe Juvin (DR). Que les collectivités territoriales doivent participer à l’effort, cela va de soi et personne ne s’opposera à cette exigence. Les collectivités ont en effet vécu une période très noire sous François Hollande, époque au cours de laquelle toutes les lois présentées comme décentralisatrices étaient en réalité des lois de centralisation. Néanmoins, l’instauration du transfert d’une partie du produit de la TVA était la contrepartie de la disparition presque totale de toute fiscalité autonome des collectivités : l’article 31 écorne le contrat de confiance signé entre les collectivités et l’État.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous approuvons l’effort demandé aux collectivités locales par cette mesure sur la TVA. Nous avons soutenu l’indexation de la DGF car nous avons estimé qu’elle était soutenable grâce à de nouvelles ressources et économies, mais on ne peut pas raser gratis à tous les articles. J’alerte les membres de l’opposition sur le fait que le refus de toute nouvelle économie pourrait semer une confusion dont pourraient bénéficier le Premier ministre, très discret sur le budget, et les partis qui le soutiennent. Qui trop embrasse, mal étreint.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques I-CF1568 de M. Philippe Brun et I-CF1715 de M. Michel Castellani, amendements I-CF1146 de M. Michel Castellani, I-CF1679 et I-CF1677 de M. Matthias Renault (discussion commune)
M. Matthias Renault (RN). L’amendement I-CF1679 propose d’économiser 600 millions sur la fraction de la TVA versée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le processus d’intercommunalisation, qui s’est effectué à marche forcée, devait dégager des économies d’échelle grâce à la mutualisation des moyens, or c’est l’inverse qui s’est produit. La taille des collectivités, les charges de personnel et le développement des compétences facultatives et optionnelles – l’existence même de telles compétences devrait d’ailleurs faire l’objet d’un débat – ont connu une très forte inflation alors que la proportion d’agents au contact de la population est plus faible que dans les petites communes. Nous avons voté une augmentation de la DGF de 500 millions et il est opportun de répartir l’effort entre les différents niveaux de collectivité : donnons moins aux intercommunalités et davantage aux petites communes.
Le second amendement vise à demander un effort de 500 millions d’euros aux régions. Le saupoudrage des aides aux entreprises et l’enchevêtrement des compétences entre les collectivités nous semblent peu efficaces. Nous défendons à terme la suppression des régions.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Deux amendements visent à diminuer la part de la TVA transférée et trois ont pour objet de l’augmenter par rapport à ce que prévoit le texte, sans toutefois maintenir le niveau de 2024.
L’amendement I-CF1679 vise à réduire de 5 % le produit de la TVA affecté aux EPCI. Les intercommunalités percevant actuellement 13,5 milliards d’euros, la baisse s’élèverait à 600 millions d’euros. Le I-CF1677 a pour objet d’appliquer la même diminution aux régions : celles-ci recevant 5 milliards d’euros de TVA au titre de la compensation de leur ancienne dotation globale de fonctionnement (DGF), la contraction de leurs recettes atteindrait 250 millions d’euros. Le cumul de ces deux amendements représenterait une économie de 850 millions d’euros. Je ne peux pas soutenir ces amendements qui n’opèrent aucune distinction entre les communes.
Quant aux amendements qui visent à indexer les fractions de la TVA transférées aux collectivités territoriales sur l’inflation, j’y suis défavorable. La loi n’a pas posé une telle règle, elle a seulement instauré une indexation sur l’évolution de la TVA nette. La prévision de cette dernière est de 210 milliards d’euros en 2024 et de 216 milliards d’euros en 2025, soit une hausse de 3 %. La part de l’État progresse de 96,1 milliards d’euros à 106,2 milliards d’euros grâce à la stabilité du produit affecté à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales, respectivement de 57,5 milliards d’euros et de 52,5 milliards d’euros.
J’émets un avis défavorable à l’ensemble des amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle rejette l’article 31.
Article 32 : Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales
Amendements identiques I-CF1132 de M. Jean-Pierre Bataille et I-CF1395 de Mme Sophie Pantel
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons déjà approuvé une hausse de la DGF de 500 millions d’euros. Dans un souci de clarté, il convient de ne pas adopter ces deux amendements.
Les amendements sont retirés.
Amendements I-CF1676, I-CF1630, I-CF1690 et I-CF1684 de M. Kévin Mauvieux
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le Rassemblement national propose diverses économies dans ces quatre amendements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis opposé à une plus grande diminution des dotations de compensation des pertes de taxe professionnelle et des prélèvements sur recettes (PSR) affectés aux collectivités territoriales.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF938 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement vise à abonder la dotation globale d’autonomie au bénéfice de la Polynésie française. Le montant du fonds pour la reconversion de l’économie de la Polynésie française (FREPF) n’a pas été augmenté depuis sa création en 1996, alors que l’inflation cumulée s’élève à près de 50 % depuis cette date. Nous proposons une mesure de rattrapage.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom), que touche notamment la Polynésie française, a progressé de 258 millions d’euros en 2019 à 367 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 42 % en quatre ans. Plus largement, la DGF par habitant est bien supérieure dans les territoires d’outre-mer qu’en métropole : elle s’établissait ainsi à 247 euros outre-mer en 2022 contre 165 euros dans l’Hexagone ; en Polynésie française, elle atteignait même 278 euros. L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF674 de M. Aurélien Le Coq
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement vise à compenser aux collectivités locales le coût des dernières revalorisations salariales de la fonction publique territoriale.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous souhaitez créer un PSR de 1,35 milliard d’euros destiné à compenser l’augmentation du point d’indice dans la fonction publique territoriale. Si nous adoptions une telle mesure, jusqu’à maintenant inédite, il n’y aurait plus qu’à étatiser les fonctionnaires territoriaux.
En outre, vous proposez une solution de court terme quand il faudrait changer de paradigme et créer de véritables instances de concertation entre l’État, les collectivités et les représentants des fonctionnaires territoriaux. Compenser a posteriori les effets de décisions prises de manière centralisée et sans consultation des collectivités n’est pas de bonne politique.
L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF731 de M. Aurélien Le Coq
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de mettre en œuvre un plan de reconstruction pour Kanaky Nouvelle-Calédonie.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Beaucoup de mesures ont été prises pour soutenir la Nouvelle-Calédonie après les manifestations qui ont secoué ce territoire, parmi lesquelles le financement du chômage partiel, à hauteur de 50 millions d’euros, des prêts d’urgence – notamment une avance remboursable de 100 millions d’euros du Trésor et un prêt de 50 millions d’euros de la Banque des territoires –, une subvention spécifique pour le soutien de la province Sud, à hauteur de 4,2 millions d’euros, et le financement de la reconstruction des établissements scolaires et des autres bâtiments publics. Au total, le soutien apporté à la Nouvelle-Calédonie s’élève, pour l’instant, à plus de 400 millions d’euros, et il va encore croître.
Je vous invite donc à retirer l’amendement et à interroger le Gouvernement sur les mesures à venir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF681 de M. Éric Coquerel
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les coûts accumulés par les collectivités au cours des dernières années sont importants, en particulier celui lié à la revalorisation de 4,6 % du RSA en 2024. Nous proposons donc de compenser aux départements, qui sont pris à la gorge, le coût en année pleine de cette revalorisation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous soulevez un véritable problème mais, pour soutenir les départements dont la situation financière est difficile, il me paraît préférable d’abonder, d’un montant équivalent à celui que vous proposez, le fonds de sauvegarde, qui permet de cibler ceux qui en ont le plus besoin – c’est l’objet de l’amendement que je vais défendre dans un instant. Avis défavorable, donc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1901 de M. Charles de Courson, amendements identiques I-CF567 de Mme Sophie Pantel, I-CF1139 de M. Jean-Pierre Bataille et I-CF727 de Mme Marianne Maximi (discussion commune)
M. Charles de Courson, rapporteur général. Comme je l’indiquais à l’instant, nous proposons que l’État abonde de 466 millions d’euros le fonds de sauvegarde des départements. Ce montant, estimé en accord avec Départements de France, correspond à l’aide dont les départements les plus en difficulté ont besoin pour rétablir leur situation financière.
De fait, depuis deux ans, la situation des départements s’est dégradée, notamment à cause de la très forte chute – de 22 % en 2023 et d’environ 20 % en 2024 – des recettes liées aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO). De nombreux départements se retrouvent ainsi en grande difficulté pour boucler leur budget pour 2025, et quatorze d’entre eux afficheront même un déficit de fonctionnement si rien n’est fait. Il s’agit donc d’une mesure de solidarité.
Mme Sophie Pantel (SOC). Mon amendement est analogue à celui du rapporteur. J’insiste néanmoins sur le fait que nous devons agir sur les causes des difficultés rencontrées par les départements si nous voulons mettre fin à cette spirale et éviter de devoir abonder chaque année le fonds de sauvegarde. Il nous faut rapidement prendre à bras-le-corps la problématique du financement des collectivités.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous invite à voter l’amendement I‑CF1901, qui est un peu plus généreux que les autres.
La commission adopte l’amendement I-CF1901.
En conséquence, les amendements I-CF567, I-CF1139 et I-CF727 tombent.
L’amendement I-CF1520 de M. Jean-Pierre Bataille est retiré.
Amendement I-CF1002 de Mme Estelle Youssouffa
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable à cet amendement qui tend à soutenir le département de Mayotte pour la prise en charge des mineurs non accompagnés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF664 de M. Benjamin Lucas-Lundy
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit d’instaurer un prélèvement sur les recettes de l’État au titre du soutien communal à l’aide au départ en voyage scolaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. Croyez-vous franchement que ce soit le rôle de l’État de subventionner les communes pour qu’elles organisent des voyages scolaires ? Ces opérations, je le sais pour avoir été maire pendant 38 ans, sont cofinancées par les familles et les communes ou les intercommunalités.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF471 de Mme Céline Hervieu
M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit de renforcer les moyens dédiés au contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant par les services départementaux de protection maternelle et infantile (PMI), en faisant en sorte que le nombre des équivalents temps plein (ETP) dédiés à ce contrôle soit porté de 55,6 à 150.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant est une compétence des départements, à qui il revient donc de s’organiser pour que ce contrôle soit effectif. Il est vrai que la situation est très variable d’un département à l’autre, mais certains d’entre eux y parviennent très bien. Ainsi, dans la Marne, deux ou trois structures ont été fermées. Avis défavorable.
M. Éric Woerth (EPR). Cette question est très importante car elle est au cœur de l’enjeu du financement des départements. Soit on opte pour une recentralisation en matière de protection maternelle et infantile à l’aide sociale à l’enfance (ASE), afin de garantir l’égalité de traitement des enfants sur l’ensemble du territoire ; soit on laisse cette compétence aux collectivités mais on leur donne davantage de moyens pour leur permettre de l’exercer, en recourant à une dotation de solidarité, qui couvrirait 40 % à 50 % du coût, et à une fraction de CSG.
En tout état de cause, c’est un débat que nous devons avoir, car nous ne pouvons pas laisser évoluer ainsi ce service public auquel l’État ne participe plus qu’à travers la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et la médecine scolaire, et dont les départements ne cessent de dénoncer l’absence de financement.
M. Éric Coquerel (LFI-NFP). Je souscris à vos propos, au vu de la situation qui prévaut dans mon département.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 32 modifié.
Après l’article 32
Amendement I-CF217 de M. Nicolas Sansu
M. Emmanuel Maurel (GDR). Afin de protéger certains ménages qui ne peuvent parfois s’acquitter d’une taxe foncière dont le montant excède 5 % de leurs revenus, nous proposons d’instaurer un mécanisme de dégrèvement, à l’instar de ce qui se faisait jadis pour la taxe d’habitation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Un dégrèvement, je le rappelle, est compensé par l’État ; la décision ne relève pas des collectivités. J’estime, pour ma part, qu’il faut respecter l’autonomie fiscale, ou ce qu’il en reste, du bloc communal.
Du reste, des allègements sont déjà prévus pour les personnes vulnérables ; je pense notamment à l’exonération et au dégrèvement d’office pour les personnes modestes en fonction du revenu fiscal de référence ou pour les personnes âgées vulnérables. Par ailleurs, la taxe foncière est calculée en fonction de la valeur locative, comme l’était la taxe d’habitation. Enfin, l’État est le premier contribuable local puisqu’il verse près de 10 milliards d’euros de dégrèvements et de compensations d’exonérations, soit près de 6 % des recettes de la fiscalité locale. Nous ne renforcerions donc pas l’autonomie fiscale des collectivités territoriales si nous adoptions votre amendement. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF650 de M. David Guiraud, I-CF658 de Mme Marianne Maximi, ainsi que les amendements I-CF787 et I-CF1024 de Mme Isabelle Santiago.
Amendements identiques I-CF101 de M. Vincent Descoeur et I-CF568 de Mme Sophie Pantel
Mme Sophie Pantel (SOC). Il s’agit de compenser aux départements le coût lié à l’extension du Ségur de la santé. Je précise que le ministre de l’économie lui-même a reconnu devant la commission des affaires sociales que le coût du Ségur n’avait pas été compensé par l’État.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1614 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons d’octroyer une dotation exceptionnelle de 50 millions d’euros à la collectivité de Corse car, depuis 2009, le montant de la dotation de continuité territoriale perçue par celle-ci est figé et n’évolue plus selon l’inflation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le gel de la dotation de continuité territoriale perçue par la collectivité de Corse affecte d’autant plus ses ressources que les coûts d’exploitation du service public de transport maritime et aérien ont fortement augmenté, à la suite notamment de l’inflation née du conflit ukrainien et de l’explosion des prix du carburant. Dans ce contexte, la loi de finances pour 2024 a majoré, de manière exceptionnelle, la dotation de continuité territoriale à hauteur de 40 millions d’euros, après l’aide exceptionnelle de 33 millions d’euros qui avait été prévue dans la loi de finances rectificative pour 2022.
Je suis favorable à l’amendement, mais je regrette que le Gouvernement ne soit pas intervenu, comme nous le lui avions demandé, dans le projet de loi de finances pour nous éviter d’avoir à compléter cette dotation chaque année.
La commission adopte l’amendement I-CF1614.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du samedi 19 octobre 2024 à 9 heures
Présents. - M. David Amiel, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Philippe Brun, M. Eddy Casterman, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Benjamin Dirx, M. Nicolas Dragon, M. Inaki Echaniz, M. Emmanuel Fouquart, M. Charles Fournier, Mme Félicie Gérard, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Jérôme Legavre, Mme Christine Loir, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Emmanuel Maurel, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, Mme Julie Ozenne, Mme Mathilde Panot, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, Mme Lisette Pollet, M. Nicolas Ray, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth
Excusés. - Mme Marina Ferrari, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - M. Moerani Frébault, M. Jimmy Pahun, Mme Béatrice Piron