Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen des avis sur les contrats d’objectifs et de moyens des sociétés France Télévision, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel (M. Denis Masseglia, rapporteur) 2
– Examen de la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) ; examen et vote sur les crédits des missions :
– Médias, livre et industries culturelles ; Audiovisuel public ; Avances à l’audiovisuel public (M. Denis Masseglia, rapporteur spécial) 6
– Culture :........................................32
- Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial)
- Patrimoine (M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial)
– Présences en réunion................................47
Mercredi
6 novembre 2024
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 045
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
puis de
M. Philippe Brun,
Vice-Président
— 1 —
La commission examine les avis sur les contrats d’objectifs et de moyens des sociétés France Télévision, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel (M. Denis Masseglia, rapporteur)
M. le président Éric Coquerel. Nous débutons avec l’examen des projets de contrats d’objectifs et de moyens (COM) des sociétés France Télévisions, France Médias Monde et Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel (INA).
En application de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la commission des finances et la commission des affaires culturelles, ainsi que la commission des affaires étrangères pour le seul COM de France Médias Monde, peuvent formuler un avis sur les projets de contrats ainsi que sur leurs éventuels avenants.
M. Denis Masséglia, rapporteur. Les projets de contrats d’objectifs et de moyens pour la période 2024-2028 entre l’État et les sociétés de l’audiovisuel public, à savoir France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel, fixent quatre grands axes stratégiques : la transformation numérique, le développement de l’offre pour le jeune public, le maintien d’une offre d’information de référence et le renforcement de la proximité.
Ces COM se distinguent par une trajectoire dynamique des dotations, avec une augmentation qui devait être de 255 millions d’euros en 2028 par rapport à 2024, associée à des efforts de gestion, de maîtrise des coûts et de développement des ressources propres de ces organismes. Une telle trajectoire aurait représenté un véritable tournant après les efforts importants de gains de productivité et de réorganisation réalisés entre 2018 et 2022.
Cet engagement initial de l’État pour une hausse des crédits était une marque de confiance envers les opérateurs et matérialisait la reconnaissance de l’importance des missions de service public qu’ils remplissent. Cet engagement reposait sur le double constat de la nécessité pour ces organismes de s’adapter aux évolutions des technologies et des habitudes de consommation des contenus audiovisuels, et de celle de développer des coopérations et des mutualisations dans la perspective d’une réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public.
Les projets de COM sont le fruit de plus de deux ans de négociation entre les organismes et l’État. Ce sont des documents équilibrés, défendus par les quatre opérateurs. Toutefois, la trajectoire prévue est aujourd’hui remise en cause, de plusieurs façons.
Tout d’abord, le versement des crédits de transformation a cessé depuis avril 2024 : sur les 49 millions d’euros qui restaient prévus après le décret d’annulation qui a déjà supprimé 20 millions d’euros de crédits le 21 février, seuls 19 millions d’euros ont été versés à ce jour.
Ensuite, la trajectoire a été révisée à la baisse dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Ce dernier prévoit de reporter les 30 millions d’euros de crédits de transformation non versés sur 2025 et d’augmenter la dotation socle des opérateurs d’environ 1 %. La trajectoire des COM prévoyait pourtant une augmentation de la dotation socle de 2,5 % et le versement de 67 millions d’euros de crédits de transformation pour les quatre opérateurs.
Enfin, un amendement gouvernemental a été déposé pour l’examen en séance du PLF afin de diminuer encore les crédits de la mission Audiovisuel public, en supprimant l’intégralité des crédits de transformation prévus en 2025 et en réduisant de 20 millions d’eurosles dotations socles des opérateurs.
Je regrette la révision à la baisse des trajectoires financières des COM. Si le contexte budgétaire justifie des efforts importants de réduction des dépenses, il aurait néanmoins été souhaitable que l’État tienne ses engagements. La crédibilité de sa parole s’en trouve affectée, tandis que l’atteinte des objectifs négociés avec les opérateurs est compromise.
La révision d’une trajectoire financière à peine entamée a des effets dommageables sur le processus de négociation des COM ainsi que sur la portée des engagements des parties. La dimension contraignante des COM ne semble pas suffisante, autant pour les opérateurs que pour l’État. Le respect des trajectoires financières prévues aurait permis de préserver un audiovisuel public de qualité, à même de répondre aux défis actuels.
Concernant les objectifs assignés aux opérateurs, je suis favorable aux orientations inscrites dans les projets de COM. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) avait émis un avis favorable en juillet dernier, saluant l’actualisation opportune de certaines grandes missions de service public comme le soutien à la création artistique et intellectuelle, le maintien d’une offre d’information de référence, l’éducation aux médias et à la citoyenneté numérique ou la promotion de la cohésion sociale.
Toutefois, je note le manque de précision des trajectoires associées à certains indicateurs, qui se contentent souvent d’un maintien ou d’une progression, sans quantification permettant de suivre chaque année les avancées réalisées, et parfois sans niveau cible à atteindre à la fin de la période.
Les projets de COM ne détaillent pas non plus suffisamment les rapprochements et les synergies entre les différents opérateurs. Les objectifs inscrits dans les précédents COM n’ayant pas permis des mutualisations rapides, je soutiens la création de structures de gouvernance communes pour les projets de rapprochement. Cela permettrait des avancées concrètes et rapides, par le haut.
Je regrette également que les COM n’abordent pas la question du dialogue social et je souhaite que les organisations syndicales puissent prendre une part plus importante dans leur processus d’élaboration.
Par ailleurs, le calendrier d’élaboration de ces contrats ne permet pas au Parlement de se prononcer en temps utile, la période d’exécution du COM ayant déjà commencé. Plus généralement, le Parlement pourrait être davantage associé au suivi et au contrôle de l’exécution des COM.
Au regard de ces réserves, et plus particulièrement de la révision à la baisse des trajectoires financières en 2024 et 2025, je propose à la commission d’émettre un avis défavorable sur les COM de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde et de l’INA. Je considère ne pas pouvoir donner un avis favorable à des COM reposant sur une trajectoire financière aujourd’hui caduque.
Les moyens nécessaires à l’atteinte des objectifs assignés aux opérateurs n’étant plus garantis, il est impératif que les projets de COM soient révisés. Une nouvelle trajectoire financière, soutenable, devra être établie et l’État devra s’engager fermement à la respecter. Par ailleurs, les objectifs initiaux des projets de COM devront être aménagés, en concertation avec les opérateurs, afin de correspondre aux moyens qui leur seront accordés. À ce titre, les priorités des prochaines années pourraient être redéfinies.
Enfin, je suis favorable à une évolution du cadre législatif afin que les crédits de la dotation socle allouée aux organismes soient versés dans leur intégralité en début d’année ; j’ai déposé un amendement en ce sens. Cela permettrait d’assurer le respect de la trajectoire des COM et contribuerait à l’indépendance des organismes de l’audiovisuel public, en rendant toute forme de régulation infra-annuelle impossible. Une telle évolution permettrait de compléter la réforme du financement de l’audiovisuel public inscrite dans la proposition de loi organique transmise par le Sénat, dont j’ai été nommé rapporteur. Ce texte permettrait de prolonger le système actuel d’affectation d’une fraction de TVA – ou d’une autre imposition de toute nature – et d’éviter une budgétisation. Par ailleurs, cette réforme donnerait plus de poids au vote du Parlement, dont le vote ne pourrait pas être remis en cause en cours d’année.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Philippe Lottiaux (RN). Une privatisation d’une grande partie de l’audiovisuel public est nécessaire. Nous ne soutenons donc pas ces COM.
Mme Constance Le Grip (EPR). Le groupe Ensemble pour la République partage l’avis du rapporteur. Nous sommes attachés au respect des engagements pris par l’État, qui reflètent la confiance qu’il accorde aux sociétés de l’audiovisuel public et l’importance des missions de service public qu’assume un audiovisuel public fort et indépendant – soutien à la création, offre d’information de référence, éducation aux médias. Or les moyens ne sont pas au rendez-vous dans les projets de COM. Le non-versement des crédits de transformation et les annulations de février dernier montraient déjà à quel point ces crédits sont vus comme des variables d’ajustement. Même si nous sommes parfaitement conscients du contexte budgétaire, la crédibilité et le respect des engagements pris comptent. Nous voterons contre ces projets de COM.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’examen des projets de COM de l’audiovisuel public nous donne l’occasion de nous interroger sur la parole de l’État et de souligner la vacuité de notre propre rôle. L’établissement d’un contrat d’objectifs et de moyens est l’aboutissement d’un très long travail entre l’administration et l’audiovisuel public, avec l’implication de nombreux parlementaires. Ces travaux reposaient sur la solidité de la relation contractuelle de l’État. Or celui-ci a déchiré les principales pages des COM avant même que nous ayons pu émettre un avis. Quand il ne reste que des objectifs et très peu de moyens, un COM n’est plus d’un grand intérêt. Cela conduira le groupe socialiste à émettre un avis défavorable de principe à ces projets de contrats, qui sont déjà caducs.
Par ailleurs, nous défendrons des amendements au PLF visant à rétablir la trajectoire des moyens destinés à l’audiovisuel public et à mettre fin à la duplicité sur les crédits de transformation, dont l’absence de versement n’a d’autre but que de faire de la régulation infra-annuelle. Quelle que soit l’issue des travaux sur la proposition de loi organique réformant le financement de l’audiovisuel public, cela augure du pire pour l’avenir.
M. Nicolas Ray (DR). L’audiovisuel public est en pleine transformation technologique de même qu’en pleine réforme de son financement, qui est une question complexe. La suppression de la contribution qui lui était affectée me paraît moins contestable que celle de la taxe d’habitation, car il existe différents canaux d’utilisation de l’audiovisuel public. Le fléchage d’une fraction de TVA ne peut être une solution pérenne en raison des contraintes que pose la loi organique relative aux lois de finance (Lolf). Il est cependant nécessaire de trouver des économies, par exemple en mutualisant les moyens. C’était l’objectif de la proposition de loi réformant l’audiovisuel public. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ces COM.
M. Tristan Lahais (EcoS). Nous émettons un avis défavorable car la nouvelle trajectoire financière de l’audiovisuel public ne lui permettra pas de remplir ses missions de service public.
Mme Sophie Mette (Dem). Le groupe démocrate donnera un avis défavorable.
M. Pierre Henriet (HOR). Les orientations stratégiques des contrats d’objectifs et de moyens pour 2024-2028 négociés entre l’État et les acteurs de l’audiovisuel public méritent d’être saluées pour leur ambition. Toutefois, notre groupe tient à exprimer plusieurs réserves.
Nous regrettons que les financements initialement prévus soient compromis. Les réductions annoncées affaiblissent la crédibilité de l’État et mettent en péril l’atteinte des objectifs fixés. En effet, sans ressources suffisantes, les priorités telles que l’éducation aux médias, l’innovation numérique ou encore les rapprochements structurels entre entités risquent d’être profondément affectées.
Sur le plan de la gouvernance, les COM réaffirment la volonté de mutualiser les ressources et de créer des synergies entre les opérateurs. Le déploiement de la marque commune pour les antennes de proximité ou encore l’ambition d’une gouvernance plus intégrée pour France Info sont des exemples concrets d’une démarche de rationalisation. Toutefois, l’absence d’une structure de gouvernance commune pour superviser ces rapprochements affaiblit le potentiel de ces initiatives.
En matière de suivi, nous partageons également l’avis du rapporteur sur la nécessité de trajectoires précises et de jalons annuels. Actuellement, certains indicateurs, liés notamment aux audiences ou à la consommation numérique, restent trop vagues et ne fixent pas de cibles chiffrées. Or il est essentiel de pouvoir évaluer annuellement l’impact des mesures prises et d’ajuster si nécessaire les actions pour atteindre les objectifs fixés.
En conclusion, le groupe Horizons & indépendants ne soutient pas les orientations stratégiques et les ambitions affichées dans ces COM, tout en rejoignant les préoccupations exprimées par le rapporteur quant à la mise en œuvre effective et au suivi des objectifs.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les projets de COM ne sont pas cohérents avec le projet de loi de finances initiale pour 2025. De plus, même si l’idée d’une holding est pour le moment écartée, la question de la mutualisation se pose : un groupement d’intérêt économique pourrait permettre de mutualiser les achats des opérateurs, par exemple. Par ailleurs, la volonté de développer un service de proximité, notamment pour Radio France, est louable mais les créneaux donnés à l’information régionale sont très étroits, comme on le constate sur France 3. Or les COM ne prévoient pas d’augmenter le nombre d’heures consacrées à l’information régionale. Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT émet un avis défavorable.
M. Frédéric Maillot (GDR). Notre avis sera défavorable, entre autres car les projets de COM manquent de vision pour les régions. Ainsi, à La Réunion, il y a clairement un manque d’ambition et de moyens concrets pour mener à bien la mission audiovisuelle.
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Nous refusons l’affaiblissement de l’audiovisuel public et sa précarisation. La hausse dérisoire des crédits qui lui sont consacrés équivaut en réalité, compte tenu de l’inflation, à une baisse de près de 2 %. Ce recul menace directement la capacité des organismes publics à remplir leurs missions, en particulier en matière de pluralisme, de qualité de l’information et de diversité culturelle. La suppression de la redevance et le financement par l’affectation d’une fraction de la TVA placent l’audiovisuel public dans une dépendance budgétaire dangereuse et ouvrent la porte à des pressions politiques croissantes. Notre groupe émet donc un avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Contrairement à certains collègues, je pense que nous avons plus que jamais besoin d’un service public de l’audiovisuel afin de garantir non seulement le pluralisme de l’information face à la propagande et à la manipulation des médias, mais également l’indépendance vis-à-vis des milieux économiques – à propos de laquelle le Conseil national de la Résistance avait été si vigilant –, l’émancipation et l’éducation populaire.
Le bilan de plusieurs années de politique en la matière n’est pas bon. Nous avons réussi à éviter jusqu’à présent les funestes projets de fusion qui s’étaient formés mais ce qui nous est proposé n’est pas de nature à nous rassurer. Il faut en finir avec les programmes de transformation qui font du budget de l’audiovisuel public une variable d’ajustement et qui mettent à mal l’indépendance des opérateurs. La commission spéciale travaillera sur la question de la pérennité des moyens accordés à l’audiovisuel public. Je sais que la proposition de loi organique adoptée par le Sénat va dans ce sens mais je continue à penser qu’une redevance rénovée aurait été bien plus à même de garantir un financement indépendant. Je voterai donc contre les projets qui nous sont proposés.
M. Denis Masséglia, rapporteur. Je souhaite saluer Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier pour le travail qu’ils ont accompli avant la dissolution sur le financement de l’audiovisuel public, et j’adresse également mes remerciements à Constance Le Grip, à l’époque présidente de la commission spéciale.
Monsieur le président, vous avez abordé le sujet de la disparition des crédits de transformation, au profit des dotations socles. C’est une question que je me suis posée, mais il m’a semblé inopportun de prendre cette décision alors que le dispositif n’a jamais été réellement appliqué et que l’on n’a donc pas pu évaluer l’utilité de ces crédits de transformation. En l’absence d’évaluation, il est toujours difficile de se positionner avec justesse.
La commission émet successivement des avis défavorables aux projets de contrats d’objectifs et de moyens des sociétés France Télévisions, France Médias Monde et Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel.
Puis la commission examine la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Missions Médias, livre et industries culturelles et Audiovisuel public ; compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public (M. Denis Masséglia, rapporteur spécial)
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je commencerai par la mission Audiovisuel public.
Sans réforme de la Lolf avant le vote de la loi de finances pour 2025, l’audiovisuel public sera financé à partir de l’année prochaine par des crédits budgétaires. C’est évidemment une grande source d’inquiétude pour les organismes, qui craignent des conséquences importantes sur leur réputation et leurs capacités de diffusion.
Le Sénat a très récemment adopté une proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public. Cette réforme est urgente, et nous devons nous accorder sur un mode de financement permettant de préserver l’indépendance de l’audiovisuel public.
Les crédits de la mission Audiovisuel public sont stables, avec une dotation d’un peu plus de 4 milliards d’euros. Mais le Gouvernement prévoit de déposer un amendement en séance pour les réduire de 50 millions d’euros, ce qui reviendrait à supprimer l’intégralité des crédits de transformation et à réduire de 20 millions d’euros la dotation « socle » de chacune des six sociétés de l’audiovisuel public – l’effort le plus important étant demandé à France Télévisions, avec 17,3 millions d’euros.
Après une loi de finances pour 2024 inédite pour l’audiovisuel public, le PLF pour 2025 prévoit une révision à la baisse de sa trajectoire de financement. Celle des projets de COM prévoyait une augmentation brute des dotations publiques de 84 millions d’euros entre 2024 et 2025, et l’augmentation effective est de 2,46 millions d’euros dans le PLF – en fait réduite à zéro si l’on prend en compte la variation des effets fiscaux.
Tout ce qui avait justifié l’engagement de l’État pour une évolution dynamique du financement de l’audiovisuel public reste pourtant d’actualité. Faisant le constat que les missions de service public sont bien remplies – production et diffusion de programmes de qualité ; fiabilité de l’information ; financement de la création – l’État avait souhaité accompagner ses organismes face aux défis de la transformation numérique, du développement de l’intelligence artificielle (IA), de la lutte contre la désinformation, du renouvellement de l’offre pour s’adapter aux jeunes publics et du renforcement de la proximité.
Ainsi, les projets de COM présentaient des objectifs ambitieux, avec les moyens supplémentaires correspondants.
Or l’engagement de l’État a été rompu en 2024, avec l’annulation en février de 20 millions d’euros de crédits de transformation. Le versement de ces derniers s’est arrêté en avril sans que les organismes de l’audiovisuel public en aient été avertis. Sur les 69 millions d’euros prévus, seuls 19 millions d’euros ont été versés à ce jour. La direction du budget prévoit que les 30 millions d’euros restants ne seront finalement pas versés en 2024.
Le contexte budgétaire nécessite certes des efforts importants de tous, mais je regrette que l’État n’ait pas tenu ses engagements. Il y va de la parole du Gouvernement comme de celle du Parlement, qui avait voté ces crédits de transformation pour 2024. Il paraît en effet difficile d’exiger des organismes de l’audiovisuel public des réorganisations majeures dans les prochaines années sans relation de confiance avec leur tutelle.
J’en viens au budget de la mission Médias, livre et industries culturelles, initialement en baisse de 12,2 millions d’euros par rapport à 2024.
Cette diminution des crédits était principalement supportée par le programme 180 Presse et médias, avec près de 30 % de moins pour l’action Soutien à l’expression radiophonique locale. Cette annonce soudaine est regrettable pour les radios associatives, qui jouent un rôle important dans le maintien du lien social – en particulier dans les territoires ruraux et d’outre-mer – et dont le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) représente en moyenne 40 % des ressources. Fort heureusement, le Gouvernement a pris l’engagement de rétablir le FSER à son niveau de 2024. J’ai aussi déposé un amendement en ce sens.
La baisse du programme 180 s’explique également par l’extinction de l’aide temporaire aux réseaux de portage, dans le cadre de la réforme du transport de la presse. Les réflexions en cours sur la réorganisation de la filière de distribution de la presse doivent aboutir à une réforme, devenue indispensable au regard des difficultés systémiques du secteur.
Le Gouvernement a aussi déposé un amendement en séance visant à diminuer de 16,8 millions d’euros le budget de cette mission et nous attendons encore des précisions sur la répartition des baisses de crédits.
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (Médias, livre et industries culturelles). Après des années de gestion catastrophique de nos finances publiques, la bise budgétaire s’est finalement abattue sur la France. Notre priorité doit désormais consister à tout faire pour éviter une crise financière. Quasiment tous les ministères doivent contribuer à l’effort, et cela doit être le cas aussi pour la mission Médias, livre et industries culturelles.
S’agissant des radios associatives, depuis trois ans nous proposions une baisse de 5 millions d’euros des crédits qui leur sont alloués. Je m’interroge sur les hausses successives dont elles ont bénéficié. En effet, parmi les 780 radios subventionnées, si certaines accomplissent parfaitement leur mission, d’autres diffusent des propos qui se situent hors du champ républicain. Il est très urgent de mieux réguler ces radios financées par de l’argent public.
La presse écrite, elle, souffre, c’est vrai, avec de moins en moins de lecteurs et des annonceurs qui fuient vers internet. Néanmoins, le rôle de la puissance publique ne saurait se résumer à distribuer des subventions, tel un guichet. Avec moins d’argent, on pourrait très bien accompagner la transition de la presse vers le numérique. Nous souhaitons que soit relancée la réflexion sur un crédit d’impôt sur le revenu pour les abonnements. Un tel dispositif pourrait remplacer les aides au pluralisme, difficilement lisibles.
La musique et le cinéma ont retrouvé une activité normale après la crise du covid, et nous nous en félicitons. Ces filières doivent elles aussi participer à l’effort collectif. En ce qui concerne le Centre national de la musique (CNM), il s’agit de plafonner les taxes qui lui sont affectées, y compris la taxe sur le streaming musical – que beaucoup de plateformes refusent d’ailleurs toujours de payer. S’agissant du cinéma, nous approuvons la décision de prélever 450 millions d’euros dans la trésorerie du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), ce qui correspond en réalité à reprendre des aides exceptionnelles que celui-ci avait perçues. J’ai également défendu en séance une refonte des Sofica (sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle), ce qui permettrait de rapporter plusieurs dizaines de millions à l’État.
En l’absence de réformes structurelles, je ne peux donner un avis favorable à l’adoption de ces crédits.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF2298 de M. Anthony Boulogne
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement propose de faire des économies sur l’action Aides à la presse.
Contrairement aux critiques de mauvaise foi que nous essuyons chaque année, ce n’est pas un amendement idéologique mais une proposition pragmatique. Dans une démocratie, il n’est pas normal que la presse soit subventionnée par l’État, car cela crée des liens dangereux. La presse doit être libre. Elle doit vivre de ses propres ressources et s’organiser pour garantir son indépendance. Elle n’a pas à demander une aumône à l’État, à renouveler chaque année.
Tout cela crée beaucoup de confusion et contribue au manque de confiance des citoyens, qui ont l’impression que tout ce petit monde repose sur une solidarité qui n’a pas grand-chose à voir avec les valeurs fondamentales qui seules devraient animer la presse.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Si nous voulons une presse indépendante, il faut l’accompagner financièrement. Réduire le soutien de l’État aura des conséquences en la matière. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF748 de M. Philippe Ballard
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Parmi les aides à la presse figure l’aide au portage. J’ai auditionné les entreprises de distribution de la presse, et le moins que l’on puisse dire est que leur fusion n’avance pas à grands pas.
Nous proposons donc de baisser de 2 millions d’euros les crédits de la sous-action Aide au portage de la presse, afin d’accélérer le mouvement de mutualisation – qui est de l’avis de tous tout à fait faisable.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. La distribution de la presse est un sujet critique, puisqu’il y a de moins en moins de livraisons. Néanmoins, il faut continuer à accompagner ce secteur. Des travaux sont menés afin de déterminer quelles sont les transformations nécessaires pour garantir la disponibilité de la presse sur l’ensemble du territoire tout en pérennisant le financement de cette distribution. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF747 de M. Philippe Ballard
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Medi 1, une radio que probablement personne ne connaît dans cette salle, émet depuis Tanger. Au fil des années, la France est sortie de son capital. Cette radio sombre dans les profondeurs du classement des audiences, personne ne la contrôle et personne n’est capable de savoir ce qui se dit exactement à l’antenne. L’amendement propose donc d’économiser 1,6 million d’euros en cessant de la financer.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je m’inscris en faux : Medi 1 est écoutée chaque jour par 3,2 millions d’auditeurs et répond à leurs attentes. Avis défavorable.
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Contrairement à ce que vous dites, monsieur Ballard, cette radio est très écoutée. Les crédits inscrits dans le budget sont destinés à payer les journalistes français qui y travaillent. Le Maroc est un pays francophone et, si nous souhaitons que notre langue continue à être parlée dans d’autres pays, il faut aider des radios de ce type à poursuivre leur activité.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). On comprend vraiment pourquoi nous avons 3 000 milliards de dettes et une situation complètement hors de contrôle.
On apprend donc que l’État français paye 10 000 euros pour chacun des quinze journalistes d’une radio qui émet dans un pays étranger. Je ne vois d’ailleurs pas pourquoi un pays étranger, quel qu’il soit, devrait accepter ça.
Juste avant, on avait entendu que les subventions, c’est l’indépendance. C’est orwellien ! Une subvention implique un contrôle budgétaire de l’État sur une activité, quelle qu’elle soit. On ne peut pas changer le sens des mots. Ce contrôle est en l’occurrence exercé par un État démocratique et républicain, mais cela reste un contrôle étatique.
Mme Stella Dupont (NI). Les médias ne sont pas toujours dans le champ de la concurrence – c’est le cas de certaines des radios locales que nous évoquions. Maintenir la diversité et l’indépendance des médias nécessite absolument un soutien de l’État, afin de ne pas tomber dans des excès que l’on connaît en France ou dans d’autres pays – avec une information qui n’est plus objective ni argumentée et qui ne relève plus d’un travail journalistique.
M. Éric Woerth (EPR). Au vu des questions soulevées par l’exposé sommaire, la meilleure solution serait que le rapporteur spécial procède à un contrôle, ou alors qu’une mission d’information soit créée pour vérifier s’il y a des dérives. C’est ensuite que nous pourrions en tirer des conséquences sur le plan budgétaire, mais ne commençons pas par un amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le rapporteur pour avis, vous indiquez dans votre exposé sommaire que cette radio était détenue à 49 % par la France en 2010. Par quelle entité précisément ? Vous précisez aussi que la Compagnie internationale de radio et de télévision en détient désormais 13,7 %. Est-ce une entreprise publique ? Pourquoi la participation a-t-elle été réduite ?
Le versement d’une subvention exige qu’une convention soit signée pour déterminer les contreparties. Pourriez-vous nous éclairer sur ces dernières ?
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. C’est le Quai d’Orsay qui s’occupe de cette question, dont on voit très bien l’aspect diplomatique.
Une convention a bien été signée. À quoi sert l’argent public versé ? Pour l’essentiel à payer le salaire des journalistes français, dont l’effectif varie entre quinze et dix-sept personnes. J’ai failli aller travailler dans cette radio lorsque j’étais journaliste. : on nous faisait valoir que c’était très bien payé et que l’on disposerait d’une villa avec des domestiques, à Tanger !
Nous sommes bien conscients que l’économie de 1,6 million d’euros que nous proposons ne permettra pas de régler le problème de la dette, mais un peu de contrôle sur les dépenses ne ferait pas de mal, surtout lorsqu’elles financent le train de vie de journalistes français au Maroc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF92 de Mme Sophie Taillé-Polian
M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement propose d’augmenter de 100 millions d’euros les aides à la presse alors que le PLF prévoit cette année encore de les réduire – cette fois de 2 millions d’euros.
Lors des états généraux de l’information, l’ensemble des professionnels ont souligné la crise du modèle économique du secteur, notamment du fait de la baisse des revenus publicitaires. Nous avions également proposé d’instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires de la publicité numérique afin de financer l’augmentation des aides à la presse lors de l’examen de la première partie.
À la différence du Rassemblement national, nous ne considérons pas que la liberté et l’indépendance signifient l’absence de règles. Au contraire, elles supposent de respecter les règles de pluralisme et de déontologie que mettent à mal les financements exclusivement privés qui se développent de plus en plus dans le secteur de la presse.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le financement de cet amendement repose sur l’instauration d’une taxe sur la publicité numérique. Il convient de prendre le temps de bien en évaluer les effets avant de la créer.
Si je souligne l’importance des aides à la presse pour les raisons déjà évoquées, comme la lutte contre la désinformation et la participation au débat démocratique, je considère que votre proposition est prématurée et, surtout, que son financement n’est pas assuré.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le problème central de la presse écrite est effectivement la très forte chute de la diffusion sur support papier et le passage au numérique.
Ce dernier a donné lieu à d’importantes discussions sur les droits voisins. Un accord a été trouvé sur une directive européenne, mais plusieurs patrons de presse m’ont indiqué que ce dernier n’était pas correctement appliqué, alors qu’il s’agit d’un point essentiel pour assurer le financement de la presse en ligne.
Où en sommes-nous de l’application du principe de rémunération des droits voisins ?
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je dispose exactement des mêmes informations. Il serait souhaitable que notre commission ou celle des affaires culturelles se penchent sur le sujet. En effet, dès que l’on commence à poser des questions, on se voit opposer des clauses de non-divulgation des accords entre les différentes plateformes numériques et la presse. Je ne suis pas arrivé à obtenir de chiffres précis ou de copies de contrats. Il s’agit pourtant d’une question très importante pour le financement de la presse en ligne.
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. On peut être d’accord avec l’un des points de l’exposé sommaire : deux tiers des revenus publicitaires sont captés par le numérique. Comme l’ont souligné les états généraux de l’information, on pourrait réorienter une partie de cette richesse vers la presse.
S’agissant des droits voisins, les entreprises de presse ont tout d’abord fait front ensemble devant les géants du numérique, mais elles négocient désormais en ordre dispersé. Ce n’est visiblement pas la bonne solution.
Enfin, à quoi serviraient les 100 millions d’euros supplémentaires que vous proposez ? On n’en voit pas bien l’utilité.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF1169 de M. Frédéric Maillot, II-CF1172 de Mme Soumya Bourouaha, II-CF2358 de Mme Farida Amrani, II-CF2365 de M. Aymeric Caron et II-CF2354 de Mme Farida Amrani (discussion commune)
M. Frédéric Maillot (GDR). Mon amendement d’appel porte sur le fait qu’une part importante des aides directes à la presse est captée par des groupes florissants, propriété de riches hommes d’affaires. En 2023, le groupe LVMH en a été le premier bénéficiaire, avec 12 millions versés au journal Le Parisien. Le groupe Le Monde, propriété du milliardaire Xavier Niel, apparaît dans les cinq premiers bénéficiaires, avec plus de 8 millions.
Il faut rappeler que l’objectif central du programme 180 est de contribuer au pluralisme de la presse. Il est paradoxal qu’une part significative des aides soit versée à des groupes dont la position dominante constitue en elle-même une menace majeure pour ce pluralisme.
Il serait donc urgent d’engager une réforme profonde des aides, d’abord pour tenir compte de la situation économique réelle du propriétaire du titre aidé, ensuite pour que l’aide soit fonction de critères notamment de gouvernance, tels que la présence de salariés dans les organes de direction.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement II-CF2365 propose de créer un Conseil national des médias afin de combler les lacunes de l’Arcom, qui n’arrive pas à assurer le contrôle de ces médias ni à garantir le niveau d’indépendance requis dans une démocratie. En témoignent la méfiance des Français envers les médias et leurs doutes sur leur indépendance.
L’Arcom a par exemple décidé le 24 juillet dernier de présélectionner CNews parmi les chaînes qui devraient voir renouvelée leur fréquence TNT, alors que CNews est la chaîne la plus sanctionnée par cette autorité et qu’elle est la seule depuis vingt ans à avoir été condamnée pour racisme.
Pour avoir une démocratie éclairée, on ne peut pas permettre que des médias ne remplissent pas les objectifs de pluralisme.
Ce Conseil national des médias serait composé non seulement de représentants des pouvoirs exécutif et législatif, mais aussi de professionnels et de représentants des citoyens, parce que la démocratie appartient à tous.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). L’amendement II-CF2354 propose de créer un fonds de soutien pour les journalistes et médias victimes de procédures bâillons, ces poursuites abusives qui visent à réduire au silence les journaliste, lanceurs d’alerte ou ONG qui dénoncent des conflits d’intérêts. Une directive européenne a été adoptée en 2024 pour mieux protéger contre ces poursuites, mais elle reste limitée puisqu’elle ne s’applique ni aux cas strictement nationaux, ni aux plaintes pénales.
Les exemples récents de poursuites contre Mediacités, France Inter ou encore Mediapart illustrent bien la gravité de cette menace pour la liberté de la presse. La rentrée 2024 a été riche d’enseignements en la matière, puisqu’un journaliste ayant enquêté sur des soupçons de liens entre la Fédération française des entreprises de crèches et Aurore Bergé, ex-ministre des solidarités et des familles, fait l’objet d’une plainte pour diffamation déposée par cette dernière.
Ce fonds est donc destiné à couvrir les frais judiciaires et autres conséquences des poursuites lancées envers les journalistes et les médias.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. L’argument fondé sur la santé financière des groupes qui détiennent les organes de presse n’est pas pertinent : la survie de ces organes ne peut dépendre de la bonne volonté de groupes qui choisiraient de financer un modèle largement déficitaire.
Par ailleurs, une réforme de la conditionnalité des aides à la presse est en cours. Les pistes de travail consistent à substituer au dispositif de la convention-cadre, qui repose sur des engagements individuels, un système dans lequel tous les éditeurs devraient pour être aidés respecter les mêmes conditions, fixées par des textes normatifs.
Cette réforme doit rendre plus ambitieux les objectifs poursuivis, et les rendre plus visibles pour les citoyens. La question n’est par ailleurs pas tant celle du groupe économique qui détient une entreprise éditrice de presse, qui peut être en déficit, que celle de l’indépendance de la rédaction.
Enfin les aides à la presse ne bénéficient pas seulement aux grands quotidiens nationaux, mais à des acteurs divers : la presse régionale et locale, la presse ultramarine et les services de presse tout en ligne.
Votre critique envers l’Arcom n’est pas justifiée et sa décision concernant C8 et NRJ 12 montre, au contraire, son indépendance. Au demeurant, le législateur a tout loisir de modifier la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication s’il veut modifier les critères d’après lesquels l’Arcom évalue le respect des décisions et des règles déontologiques.
Pour ce qui est, enfin, des procédures bâillons, je vous renvoie aux conclusions des états généraux de l’information, qui recommandent dans leur proposition 5 d’introduire dans la loi une définition juridique précise, qui n’existe pas aujourd’hui, ainsi que des dispositions permettant le rejet rapide des procédures infondées et des sanctions dissuasives en cas d’abus. Le PLF n’est d’ailleurs pas le bon véhicule législatif pour cette réforme.
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Tout d’abord, si nous pouvons avoir des points d’accord avec le Nouveau Front populaire, nous divergeons ici sur les solutions. Nous sommes favorables à un crédit d’impôt pour les abonnements, qui permettrait une plus forte adhésion des lecteurs aux titres qu’ils soutiennent.
Les procédures bâillons sont un vrai problème. Toutefois, si l’on crée un fonds pour venir en aide au journaliste dès le début de la procédure, quel est le mécanisme qui s’appliquera s’il apparaît finalement qu’il s’est trompé dans son enquête ? Devra-t-il rembourser ?
Enfin, j’entends vos critiques à l’égard de CNews, mais que fait l’Arcom face à certains propos inappropriés tenus sur le service public ?
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’Arcom dispose d’un budget important. Si elle connaît un dysfonctionnement, il sera plus facile de le traiter avec les moyens financiers qui lui sont alloués plutôt qu’en créant un nouvel opérateur qui devra encore être financé sur des fonds publics que nous n’avons plus. En matière de dépenses, les amendements que nous examinons sont un vrai concours d’imagination !
Par ailleurs, quelle nécessité y a-t-il à créer un fonds d’indemnisation pour les lanceurs d’alerte puisqu’un tel fonds existe déjà, pour les journalistes comme pour les autres ?
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques II-CF1870 de M. Denis Masséglia, II-CF1955, II-CF1956 et II-CF2050 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, II-CF100 de M. Vincent Descoeur, II-CF1957 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, II-CF2355 de M. Aymeric Caron et II-CF2766 de Mme Valérie Rossi ; amendements II-CF382 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-CF2891 de M. Pierrick Courbon ; amendements identiques II‑CF1166 de Mme Stella Dupont, II-CF2174 de M. Nicolas Ray et II-CF2966 de Mme Béatrice Bellamy ; amendements II-CF91 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-CF2204 et II‑CF2205 de M. Nicolas Ray et II-CF2233 de Mme Caroline Parmentier
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le groupe Ensemble pour la République entend pérenniser le soutien apporté aux radios associatives sur nos territoires tant urbains que ruraux ou d’outre-mer, et propose de rétablir au niveau des précédents budgets les crédits destinés au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale.
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Les quelque 780 radios associatives que nous comptons, bon an mal an, sont quasiment incontrôlées. À côté de toutes celles qui font correctement leur travail et font vivre nos territoires – j’ai reçu le président de l’une d’entre elles, qui emploie dix-sept salariés et a une véritable grille de programmes – d’autres diffusent des propos qui se situent hors du champ républicain.
Les amendements II-CF1955, II-CF1956 et II-CF2050 visent à réduire la baisse des subventions de ces radios qui est inscrite dans le PLF.
M. Fabien Di Filippo (DR). L’amendement II-CF100 vise à rétablir à leur niveau antérieur les crédits destinés au FSER, compte tenu du rôle que jouent les radios associatives locales pour l’information de proximité dans nos territoires, de leur histoire et de leur spécificité dans le cœur des gens.
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). L’amendement II-CF2355 vise à soutenir nos radios indépendantes et associatives, qui jouent un rôle essentiel pour le pluralisme de l’information. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale subit une coupe de plus de 10 millions d’euros, passant à 25,3 millions en 2025. Cette baisse de financement met en péril l’existence même des 770 radios associatives concernées. Or ces radios locales sont plus qu’un simple média : elles sont ancrées dans nos territoires, en métropole comme en outre-mer, et s’engagent pour la diversité culturelle, l’éducation populaire et la lutte contre les fake news. Ce sont également des actrices de l’éducation aux médias, notamment dans nos quartiers populaires ou dans les zones rurales. Leurs 2 850 salariés, dont 270 journalistes professionnels, sont directement menacés par ces coupes, qui induisent un risque de suppression de 800 emplois. Nous sommes donc favorables à l’augmentation des crédits alloués au FSER, afin de conforter ses missions de soutien à nos radios locales.
Mme Valérie Rossi (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés souhaite également que les crédits soient rétablis à leur niveau antérieur, soit 12 millions d’euros supplémentaires. Les 770 radios locales associatives actives sur le territoire national ont une place singulière et significative dans le paysage médiatique, dans la vitalité des territoires et dans le renforcement du lien social – j’en témoigne en tant qu’élue d’un territoire rural où ces radios locales sont indispensables à la pluralité de l’expression démocratique.
M. Tristan Lahais (EcoS). Nous nous félicitons des annonces du Gouvernement, qui rétablirait les 12 millions d’euros qu’il avait supprimés d’un coup de serpe indifférent à la vie associative de notre pays et à la situation des médias locaux. Élu d’un territoire urbain, je sais que ces radios y sont également essentielles pour la pluralité des expressions, de même que pour l’éducation aux médias, qui réclame beaucoup de vigilance de la part des pouvoirs publics. Nous espérons donc que l’engagement gouvernemental sera confirmé dans les semaines qui viennent.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Monsieur le rapporteur spécial, pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement à propos du rétablissement des crédits du FSER ?
Mme Stella Dupont (NI). L’information n’est pas une marchandise et l’indépendance des médias est un gage de liberté d’expression et de liberté de nos démocraties. Le socle de financement public me semble un outil pertinent à cet égard. Le FSER a été fragilisé dans le cadre de ce budget et nous sommes nombreux à proposer la restauration de ses moyens, afin de soutenir les radios locales associatives. En effet, l’absence de financement mettrait en péril la pérennité de ce secteur radiophonique de proximité, qui est non concurrentiel. De fait, la diversité de nos médias induit que certains ne se situent pas dans le champ concurrentiel : sans financement public, leur fin est assurée.
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement II-CF2174 vise à sanctuariser les crédits destinés au FSER. Bien que notre groupe souhaite trouver des économies budgétaires et y contribue, nous tirons ici la sonnette d’alarme, car la baisse de dépenses prévue toucherait nos radios locales, vitales pour l’information de nos concitoyens, qui interviennent dans un système qui n’est pas concurrentiel et qui ont donc besoin d’être soutenues.
Je me réjouis que le ministre revienne sur la réduction de ces crédits. Toutefois, après en avoir parlé avec des radios locales de mon département, il me semble qu’il faudrait peut-être fixer davantage de critères afin de soutenir davantage celles qui jouent un vrai rôle d’information dans nos territoires.
Les amendements II-CF2204 et II-CF2205 sont des amendements de repli, mais j’espère qu’il n’y aura pas lieu de les adopter.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Avis favorable. Je précise seulement, monsieur Ballard, qu’il n’est pas vrai que ces radios ne font l’objet d’aucun contrôle. Elles doivent rendre compte, en amont et en aval, des actions qui les rendent éligibles au fonds de soutien. La représentante de L’Autre radio, basée en Mayenne, dans un territoire rural, m’a même expliqué qu’elle passait au quotidien près d’un tiers de son temps à récolter les documents administratifs qu’elle doit faire remonter aux services de l’État à cet effet. Certes, c’est l’argent du contribuable qui est en jeu, mais cela prend beaucoup de temps. On peut se demander s’il ne faudrait pas simplifier les procédures pour bénéficier du dispositif.
Je rappelle par ailleurs que, lors de la séance de questions au Gouvernement du 29 octobre, M. Laurent Saint-Martin a annoncé la volonté du Gouvernement de revenir aux crédits budgétaires de 2024.
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il est vrai que les radios doivent présenter leur plan d’action quand elles demandent un soutien, puis faire un bilan une fois par an. Il est aussi évident qu’elles jouent un rôle essentiel, en zone rurale comme en zone urbaine. Le problème est le manque de contrôle : l’Arcom nous a confirmé qu’une poignée d’entre elles tiennent à l’antenne des propos séparatistes, ou antiflics. Or, pour que les bandes enregistrées soient saisies, il faut que l’auditeur adresse une demande à l’Arcom, laquelle doit demander la saisie au préfet : comme contrôle, on fait mieux ! Pour le reste, il est évident que l’Arcom ne peut pas contrôler 780 radios et les écouter de six heures du matin à minuit.
Les amendements II-CF1870 et identiques sont adoptés.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement II-CF317 de M. Matthias Renault
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Dans un souci de simplification et de rationalisation en vue de faire des économies, il vise à internaliser le Centre national du livre (CNL). L’amendement II-CF318 proposera la même démarche pour le Centre national de la musique.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le CNL voit déjà ses crédits baisser de 444 000 euros en 2025. Cet établissement fonctionne très bien et je saisis cette occasion de saluer la qualité des personnes qui y travaillent. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF318 de M. Matthias Renault, II-CF2446 de M. Aymeric Caron et II-CF3033 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). L’amendement II-CF446 propose la création d’un fonds de soutien pour le Centre national de la musique, dont les crédits passent de 28,3 millions d’euros en 2024 à 26,95 en 2025, ce qui fait une différence encore plus grande en comptant l’inflation. Ce fonds est indispensable pour permettre au CNM de remplir ses missions en faveur de la diversité musicale, de l’innovation et de la transmission écologique. Tous les genres musicaux pourraient ainsi être équitablement représentés et soutenus.
M. Steevy Gustave (EcoS). Mon amendement vise à rétablir les crédits du Centre national de la musique à leur niveau de 2024. Créé en 2020 dans le contexte de la crise du covid-19, le CNM a pour vocation d'être le centre de toutes les musiques et de garantir la diversité et la liberté de la création musicale. Il soutient les auteurs, compositeurs et artistes en les aidant à se rapprocher des publics. Cependant, ses financements ont été réduits de 1,3 million d’euros et le Gouvernement refuse de relever le plafond de la taxe sur la billetterie qui le finance. Cet amendement contribue donc à soutenir l'exception culturelle musicale française.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le CNM, créé en 2020 sur la base des préconisations de l’actuel président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre, et qui répondait à une demande de la filière, voit ses crédits baisser de 1,3 million d’eurosen 2025. Un amendement que j’avais déposé ici même en première partie en vue de relever les plafonds de la taxe qui lui est affectée n’a malheureusement pas été adopté.
Je suis défavorable à ces trois amendements mais j’espère que, en séance publique, nous pourrons réviser ce plafond avec un soutien plus massif de mes collègues.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avions voté une taxe sur le streaming, qui devait rapporter, si je me souviens bien, 15 millions d’euros. L’un des exposés sommaires cite le chiffre de 9 millions d’euros, expliquant benoîtement que certaines plateformes s’en acquittent – Apple Music, YouTube, Amazon Music, Spotify –, mais ni TikTok, ni Deezer, ni Meta. Il s’agit pourtant d’un impôt : n’existe-t-il pas de moyens de recouvrement forcé ? À qui incombe recouvrement de la taxe streaming ? Comment se fait-il que certains s’en exonèrent ?
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le recouvrement incombe à la direction générale des finances publiques (DGFIP). Il semble en effet que certaines entreprises qui devraient s’acquitter de cette taxe ne le fassent pas. Un débat est également ouvert pour savoir si le recouvrement pourrait être confié au CNM lui-même. Ce dispositif récent, appliqué depuis environ un an, mériterait d’être évalué afin que l’Assemblée nationale et le Gouvernement puissent le rendre plus efficace. De fait, tout ce qui n’est pas perçu, ce sont des crédits qui manquent pour le CNM.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Comment se fait-il que la DGFIP n’ait pas engagé de procédures de recouvrement forcé ?
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. À ce jour, je n’ai pas de réponse.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2360 de Mme Farida Amrani
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Il vise à instaurer la gratuité des prêts de livres dans les bibliothèques et médiathèques municipales, mesure essentielle pour réduire les inégalités sociales en matière d’accès à la culture.
Le Manifeste de l'Unesco sur la bibliothèque publique rappelait en 1994 que les services de la bibliothèque publique sont en principe gratuits. Dans de nombreuses communes, ce principe n’est toujours pas appliqué. Il est temps d’y remédier. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 47 % des ouvriers ne lisent jamais de livre, contre 15 % des cadres supérieurs. L’accès à la lecture est un facteur déterminant de la réussite scolaire et de l’égalité des chances. Les écarts se creusent dès l’enfance et la gratuité des prêts de livres permet d’offrir aux enfants de tous les milieux sociaux un accès à cet outil fondamental de développement.
L’amendement tend également à la création d’un fonds de soutien destiné à aider les collectivités qui rencontreraient des difficultés pour financer cette mesure. Il est temps que la lecture devienne un droit accessible à tous et que nos bibliothèques jouent pleinement leur rôle en faveur d’une démocratie culturelle.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. La loi fait en effet de la gratuité un objectif, qui relève aussi de la responsabilité des collectivités territoriales. L’État fait beaucoup pour les bibliothèques municipales. La dotation générale de décentralisation prévoit ainsi un concours particulier destiné aux bibliothèques, doté de 94,9 millions d’euros dans le PLF 2025, en hausse de 6,5 millions. L’État maintient également en 2025 les crédits destinés à la stratégie nationale en faveur de la lecture dans les territoires, consacrant notamment 5,7 millions d’euros aux crédits d’intervention délégués aux directions régionales des affaires culturelles pour soutenir l’offre de bibliothèques et de médiathèque. Dans le cadre des contrats territoire-lecture et des contrats départementaux lecture, les collectivités pourraient utiliser une partie de ces financements pour assurer la gratuité du prêt. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2444 de Mme Farida Amrani, II-CF3032 de M. Steevy Gustave et II-CF1174 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). L’industrie vidéoludique, qui est l’un des fleurons de l’industrie culturelle française et décisive pour le rayonnement de la France à l’étranger et pour l’accès des jeunes à une certaine culture, devrait avoir son propre centre national du jeu vidéo, sur le modèle du CNC, avec des modes de financement qui pourraient reposer sur des taxes similaires. Ce secteur est le lieu d’enjeux importants, comme le montre la grève chez Ubisoft et Don’t Nod : il faut soutenir ces industries et défendre les salariés.
Une autre question importante est celle de la place des femmes et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les jeux vidéo. Tout cela justifie la création d’un centre national dédié au jeu vidéo et indépendant du CNC.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CF3032 vise à créer un centre national du jeu vidéo, sur le modèle du Centre national du cinéma et de l’image animée.
Le jeu vidéo, reconnu comme un art, touche 38 millions de Français et contribue au rayonnement international de notre pays. Nous proposons de transférer le financement de ce secteur, actuellement géré par le CNC, à un centre dédié. Comme pour la taxe sur les entrées en salle, nous souhaitons instaurer une taxe sur les jeux vidéo pour financer la création française. Il sera ainsi possible de développer des formations universitaires et des bacs professionnels dans ce domaine et d’améliorer la parité, alors qu’en 2022, selon Women in Games, 22 % seulement des professionnels étaient des femmes.
M. Frédéric Maillot (GDR). Le secteur du jeu vidéo connaît une crise, qui se traduit par 13 000 licenciements au niveau international et qui s’étend également chez nous, comme l’illustrent la situation chez Ubisoft ou le plan social engagé chez Don’t Nod. Au vu des dysfonctionnements actuels et malgré deux dispositifs de soutien du CNC, il est urgent de repenser l’investissement de l’État dans ce secteur.
Tout d’abord, les fonds d’aide aux jeux vidéo ne concernaient que 114 projets en 2023, pour une moyenne unitaire de 43 860 euros, alors que 1 257 jeux étaient proposés en production et 776 commercialisés, avec 39 % d’indépendants. De plus, le crédit d’impôt pour le jeu vidéo bénéficie aujourd’hui majoritairement aux géants du secteur.
Cet amendement d’appel vise donc à la création d’un Centre national du jeu vidéo, conçu à l’instar du CNC, qui permettrait une plus grande décentralisation du financement du secteur et faciliterait la surveillance et l’éradication des violences sexistes et sexuelles.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le secteur souhaite-t-il la création d’un centre national du jeu vidéo ? Non. Est-elle nécessaire ? Peut-être, mais dans quel objectif, avec quel financement et quelle vision globale ? Nous n’avons pas encore suffisamment réfléchi à ces questions. En attendant, il convient d’assurer un accompagnement global du secteur du jeu vidéo.
Vous avez évoqué les deux dispositifs en vigueur. Le fonds d’aide au jeu vidéo verse effectivement des subventions de faible montant, puisqu’il s’adresse plutôt aux entreprises en cours de création et à de petites structures. Quant au crédit d’impôt jeu vidéo, il ne bénéficie pas uniquement aux grands groupes puisque plus de cinquante entreprises ont pu en profiter.
Je vous encourage à voter, cet après-midi, les deux amendements que je défendrai dans l’hémicycle. Le premier visera à proroger le crédit d’impôt jeu vidéo jusqu’en 2031 : j’espère qu’à l’inverse de votre vote en commission, vous exprimerez alors votre soutien aux acteurs du secteur. Le second amendement concernera les petites structures, auxquelles vous dites apporter une attention particulière. Je souhaite qu’elles puissent bénéficier d’un soutien financier avant l’octroi de leur agrément provisoire. Il s’agit de permettre aux petits studios de financer l’élaboration du dossier qu’ils présenteront au CNC.
Je donne donc à ces trois amendements un avis défavorable. Je vous invite à engager une réflexion globale sur la manière d’accompagner le développement du secteur, en tenant compte de tous les aspects très importants que vous avez mis en avant.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le groupe Droite républicaine votera contre ces amendements. Il vaudrait mieux verser directement 25 millions aux acteurs du secteur que créer une nouvelle structure, une strate supplémentaire qui entraînerait une déperdition d’argent public.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Je comprends votre argument, mais un centre national du jeu vidéo ne serait pas une strate administrative. Nous le concevons comme un espace de démocratie sociale pour les travailleurs de cette industrie, dont les conditions de travail sont dégradées et qui subissent des plans sociaux. Je serais évidemment favorable à la création de fonds de soutien pour ces salariés, mais il faut aussi penser à la façon d’organiser la filière, de protéger ses travailleurs et de préserver l’exception culturelle française dans le domaine du jeu vidéo. Tout cela passe par la création d’un centre national du jeu vidéo.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2359 de Mme Sarah Legrain
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Cet amendement, qui veut assurer un soutien financier à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les médias, devrait tous nous rassembler.
Alors que quarante femmes ont témoigné des violences qu’elles ont subies de la part de Patrick Poivre d’Arvor, nous avons appris que la police enquêtait déjà sur cet individu en 2005 et que TF1 avait été prévenu. Le mouvement #MeTooMédia a considérablement libéré la parole des femmes, mais il a fallu du temps pour que les victimes soient entendues, crues, et que des mesures soient prises. Aussi paraît-il indispensable de renforcer les moyens consacrés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le secteur des médias.
Hier, lors d’une audition de la commission d’enquête dédiée à ce sujet, des représentants de l’association MeTooMédia nous ont fait part de l’explosion du nombre de témoignages reçus. Ils ont souligné la nécessité de disposer de moyens non seulement pour écouter et accompagner les victimes, mais aussi pour garantir le respect du droit du travail et prendre des mesures de précaution en cas d’alerte. Tous ensemble, nous devrions donc envoyer un message aux associations, qui demandent 2,6 milliards d’euros pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Les conventions encadrant les relations entre l’État et les principaux groupes de presse prévoient des actions de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. La réforme de la conditionnalité des aides permettra d’ailleurs de les renforcer.
Est-ce suffisant ? Je ne le pense pas, il faut aller plus loin. Cependant, est-il opportun de créer un fonds avant que la commission d’enquête dont vous êtes membre ait rendu ses conclusions ? Je préférerais que nous disposions d’abord d’un rapport et de recommandations suffisamment précises pour agir le plus efficacement possible. J’espère que ce rapport arrivera très vite et qu’il contiendra de nombreuses propositions, car le sujet est fondamental.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Vous n’êtes pas sans savoir que la dissolution a interrompu les travaux de la précédente commission d’enquête, et qu’elle vient d’être relancée. Il n’est pas raisonnable de dire aux victimes qu’il est urgent d’attendre un rapport pour donner aux associations qui travaillent déjà sur ce sujet les moyens qu’elles réclament. On m’a fait la même réponse en commission des affaires culturelles, mais mon amendement a quand même été adopté car il est difficile, au vu de la gravité des faits, de s’opposer à une demande budgétaire somme toute assez modeste. Cela ne nous empêchera pas d’étudier, une fois rendues les conclusions de la commission d’enquête, les évolutions législatives nécessaires, ni d’affiner le chiffrage budgétaire car les besoins sont sans doute bien supérieurs aux 10 millions d’euros que je demande.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-CF600 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF2361 de Mme Farida Amrani
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il est proposé de créer un fonds de soutien doté de 5 millions d’euros pour relocaliser les cinémas en centre-ville. Il y a là un enjeu d’aménagement du territoire : alors que les salles de cinéma des métropoles sont dans des complexes situés en périphérie, leur retour dans les centres-villes permettrait à la fois de recréer du lien social et de compenser la perte de tout ou partie des commerces de proximité.
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Je suis ravie que M. le rapporteur pour avis soutienne l’amendement que la commission des affaires culturelles a voté. Il est effectivement urgent de se pencher sur le problème de l’implantation des cinémas.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Nous avons déjà eu cette discussion l’année dernière.
Le CNC soutient les salles de cinéma, notamment d’art et essai. Par ailleurs, des financements spécifiques peuvent être apportés dans le cadre du plan Action cœur de ville, par des prêts bonifiés de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles ou par des programmes de la Banque des territoires. Je rappelle également que l’Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC) est soutenue par le CNC et a signé une convention avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires pour encourager l’implantation des cinémas en centre-ville. L’ADRC intervient notamment en donnant des conseils sur les projets de création, de rénovation ou d’extension des cinémas situés dans les communes du plan Action cœur de ville.
Étant très attaché au principe de libre administration des collectivités territoriales, je ne suis pas sûr que l’État doive se substituer aux communes qui souhaitent faire quelque chose pour ramener un cinéma en centre-ville, d’autant qu’il existe un certain nombre de dispositifs permettant de les accompagner dans leur démarche.
M. le président Éric Coquerel. Nous parlons d’un fonds de soutien : les communes ne seront donc aucunement obligées d’y avoir recours.
M. Fabien Di Filippo (DR). Je n’ai rien contre les amendements d’appel, qui permettent parfois d’évoquer des sujets très intéressants – et celui-ci en est un. Cependant, qui réussirait aujourd’hui à construire un cinéma pour moins de 5 millions d’euros ? Vous voulez donc créer un fonds de soutien, avec tous les coûts de gestion que cela implique, qui ne permettra même pas de construire un seul cinéma ; et s’il ne permet que d’apporter aux communes une aide parmi d’autres, je ne pense pas que l’on puisse aller bien loin. Soit nous adoptons un dispositif de soutien massif, soit il faut y renoncer afin de ne pas amplifier le phénomène du saupoudrage des moyens et de la multiplication des dispositifs, à l’efficacité plus que douteuse mais au coût tout à fait certain.
M. le président Éric Coquerel. Je comprends donc que vous voulez augmenter la dotation de ce fonds…
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Toutes les collectivités n’ont pas accès aux dispositifs d’Action cœur de ville : la candidature est censée être présentée par un établissement public de coopération intercommunale. Le fonds que nous souhaitons créer s’adresse plutôt aux villes qui ne peuvent y participer.
Mme Claudia Rouaux (SOC). Il n’y a pas que des multiplexes, monsieur Di Filippo ! Mon voisin a développé un projet de cinéma à 1 million d’euros – même s’il a finalement dû y renoncer pour des raisons budgétaires.
La commission adopte les amendements identiques .
Amendements identiques II-CF601 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF2362 de M. Aymeric Caron
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Dans le même esprit, la commission des affaires culturelles souhaite créer un fonds de soutien à l’installation de librairies dans les communes rurales, afin de contribuer à la revitalisation de ces dernières.
Ma circonscription rurale compte 120 000 habitants, mais pas un seul cinéma. Vous me direz que je n’ai pas non plus de lycée d’enseignement général…
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Effectivement, il est important et urgent d’aider les librairies. Dans la ville d’Évry-Courcouronnes, qui accueille de nombreux étudiants, on trouve une faculté, mais aucune librairie.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je ne comprends pas bien la position du Rassemblement national. Vous voulez accompagner davantage l’installation de librairies indépendantes dans les territoires ruraux, mais il existe déjà un dispositif pour ce faire, financé par le Centre national du livre dont vous voulez diminuer les crédits. Cela me pose vraiment problème et j’ai besoin d’être éclairé.
M. le président Éric Coquerel. Je précise que M. Ballard a défendu un amendement de la commission des affaires culturelles.
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il s’agit de choix budgétaires : nous entendons modifier la répartition des crédits au sein d’un budget que nous souhaitons effectivement voir globalement diminuer.
La commission adopte les amendements identiques.
Amendement II-CF3031 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). L’industrie du vinyle connaît un renouveau grâce au succès de labels de musique indépendants. Les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les disquaires et les artistes, souvent négligés par l’industrie numérique. Or la crise des matières premières est venue allonger les délais de fabrication et augmenter les coûts. Seuls les géants de l’industrie musicale peuvent y faire face : priorité est donc donnée à la réédition des classiques, au détriment de l’édition de nouveaux disques, et ce sont les petits labels indépendants qui en font les frais. C’est pourquoi nous demandons la création d’un fonds de soutien à l’industrie du vinyle, qu’il convient de revitaliser en soutenant les petits labels.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Libre au Centre national de la musique de mettre en place ce type de dispositif, s’il le souhaite. Je vous invite à lui en parler. Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Il s’agit là d’un cas typique d’éparpillement des subventions. Il existe déjà sept organismes susceptibles d’aider la création et la production musicale – je pense notamment à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), à la Société pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami), à la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), à la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), au Fonds musical pour l’enfance et la jeunesse… Arrêtons de gaspiller l’argent public !
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques II-CF602 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF2363 de Mme Farida Amrani
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. La commission des affaires culturelles propose d’allouer 2,5 millions d’euros à la préservation du cinéma outre-mer. En effet, les soixante salles de cinéma qui y sont implantées cumulent les difficultés : elles font face à des coûts d’exploitation et d’investissement plus élevés que dans l’Hexagone, pour une rentabilité plus faible.
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). J’en profite pour saluer la mobilisation depuis plusieurs semaines de nos concitoyens ultramarins, notamment martiniquais, contre la vie chère.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Nous avons déjà discuté d’un amendement similaire l’année dernière.
Les exploitants de salle de cinéma reçoivent déjà des aides du CNC, qui dispose d’un budget suffisant. Ils bénéficient également de fonds européens et d’une fiscalité avantageuse : le taux de la taxe sur la billetterie est en effet de 5 % dans les outre-mer, contre 10,7 % dans l’Hexagone, tandis que le taux de TVA y est de 2 %.
J’ajoute que nous avons adopté, l’an dernier, une loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer. Ce texte instaure un plafonnement spécifique, à 35 %, du taux de location afin de tenir compte des difficultés objectives de l’exploitation cinématographique dans les territoires ultramarins et de réguler les relations entre exploitants et distributeurs.
Avis défavorable.
La commission adopte les amendements identiques.
Amendement II-CF2270 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Christine Arrighi (EcoS). Nous proposons de créer un nouveau programme intitulé « Aide au déploiement du DAB+ ». Cette nouvelle technologie de radio numérique terrestre garantit aux auditeurs une meilleure qualité d’écoute, mais son installation représente un investissement au coût élevé.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je partage votre volonté d’accélérer le déploiement du DAB+, comme le souhaite d’ailleurs l’Arcom. Je pense cependant que les entreprises privées doivent financer cette évolution sur leurs fonds propres.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Nous en arrivons aux explications de vote sur les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, tels qu’ils ont été modifiés.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je me félicite que des amendements identiques, soutenus par tous les groupes ici représentés, aient été adoptés afin de remettre à niveau la dotation du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, avec 12 millions d’euros supplémentaires. L’accès à la culture doit être garanti à tous les Français, qu’ils vivent dans les outre-mer, dans les centres urbains ou dans les zones rurales.
Les crédits de la mission n’ont pas beaucoup évolué et restent équilibrés. J’invite donc l’ensemble de mes collègues à les adopter.
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Le groupe Rassemblement national est défavorable à ces crédits, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
Mme Constance Le Grip (EPR). Quant à nous, nous suivrons les préconisations du rapporteur spécial et voterons ces crédits.
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Certes, nous avons trouvé des points de convergence majeurs, s’agissant notamment du soutien aux radios locales – nous nous félicitons que les 12 millions d’euros disparus aient été rétablis. Cependant, les aides à la presse demeurent trop tournées vers les grands groupes, renforçant une concentration médiatique qui met en péril l’indépendance et l’équilibre de l’information. Ce budget ne fait rien pour corriger cette injustice flagrante. Il sacrifie encore le pluralisme, dans une logique d’austérité et de concentration des médias. Nous voterons contre.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Globalement, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Il y a un décalage entre vos discours et les orientations budgétaires que traduisent vos votes sur les différents amendements. Nous voterons donc contre ces crédits, en espérant que nous pourrons rattraper les choses en séance publique.
M. Nicolas Ray (DR). Les crédits de cette mission sont assez équilibrés. Nous saluons l’effort réalisé en matière de maîtrise des dépenses : nous avons en effet repoussé la plupart des amendements prévoyant de nouvelles dépenses en tous genres. Je me félicite surtout que nous ayons garanti le fonctionnement du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. Pour toutes ces raisons, le groupe Droite républicaine votera en faveur des crédits.
M. Steevy Gustave (EcoS). Les crédits de cette mission subissent des coupes budgétaires très dommageables. Nous avons remporté une petite victoire concernant les radios locales, mais cela n’est pas suffisant. Nous voterons contre.
Mme Sophie Mette (Dem). Quant à nous, nous voterons pour, dans la mesure où les crédits n’ont pas augmenté trop fortement.
M. François Jolivet (HOR). Nous voterons également ces crédits.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le groupe LIOT votera pour.
M. Frédéric Maillot (GDR). La petite victoire remportée pour les radios locales n’est pas suffisante pour emporter notre soutien. Nous voterons contre.
La commission rejette les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles.
Après l’article 60
Amendement II-CF88 de Mme Sophie Taillé-Polian
M. Tristan Lahais (EcoS). Nous proposons de conditionner les aides publiques versées aux entreprises de presse d’information politique et générale par une exigence de transparence quant à l’identité de leurs actionnaires.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je signale qu’en rejetant les crédits de la mission, la commission des finances vient de rendre caducs le soutien budgétaire apporté aux victimes de violences sexistes et sexuelles ainsi que l’augmentation de 12 millions d’euros des crédits du FSER. Je le regrette.
M. le président Éric Coquerel. L’amendement relatif à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles avait été rejeté.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. S’agissant de l’amendement II-CF88, je ferai les mêmes remarques que l’année dernière. Sur la forme, je ne comprends pas bien la distinction opérée entre les dirigeants d’une société actionnaire et les personnes physiques qui la contrôlent. Sur le fond, les informations demandées sont facilement accessibles sur internet, et de nombreux rapports en font d’ailleurs état – je pense notamment aux travaux de la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias en France, ou encore à ceux de Julia Cagé. Plutôt que de laisser entendre que l’actionnaire décide de la ligne éditoriale du titre de presse, il vaut mieux s’assurer de l’indépendance des journalistes. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF89 de Mme Sophie Taillé-Polian
M. Tristan Lahais (EcoS). Il s’agit de conditionner les aides publiques par le maintien des emplois, en particulier de ceux des journalistes, dans les rédactions. Les entreprises de presse d’information politique et générale devraient ainsi consacrer au moins 35 % de leur chiffre d’affaires à leur masse salariale et employer au moins 50 % de journalistes professionnels.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le critère du pourcentage du chiffre d’affaires consacré aux charges de personnel me paraît hasardeux. La distribution et le transport peuvent représenter jusqu’à la moitié des coûts de production. Le coût des fonctions support peut avoisiner le montant des frais de rédaction. Le coût du papier et du tirage est également très significatif, notamment pour les belles revues. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF90 de Mme Sophie Taillé-Polian
M. Tristan Lahais (EcoS). Monsieur le rapporteur spécial, vous venez d’indiquer que l’enjeu n’était pas de connaître les actionnaires d’une entreprise de presse, mais plutôt de s’assurer qu’il n’y ait pas d’ingérence dans le travail des journalistes. C’est précisément l’objet de l’amendement II-CF90, qui vise à conditionner les aides à la presse par la mise en place d’un mécanisme d’agrément : les journalistes auraient le droit de refuser la nomination, par l’actionnaire, d’un directeur de la rédaction qui ne leur conviendrait pas.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Nous avons déjà débattu l’année dernière de cette question légitime.
Les aides à la presse sont déjà conditionnées par le respect d’un certain nombre d’obligations fixées dans des conventions-cadres conclues entre les entreprises de presse et l’État. Ces obligations portent notamment sur l’éducation aux médias, sur la protection de l’environnement, sur l’égalité femme-homme, ainsi que sur l’établissement de bonnes pratiques professionnelles à l’égard des vendeurs-colporteurs et porteurs de presse, des photojournalistes, des agences de presse et des pigistes.
Il faut déjà tirer les conséquences des états généraux de l’information, qui ont fait émerger l’idée d’une publication, par l’Arcom, de lignes directrices et d’une méthodologie permettant un examen à 360 degrés du pluralisme, au cas par cas, dans le cadre d’une analyse multifacteurs.
Pour ce qui est de l’agrément, il ne me semble pas opportun de donner tout pouvoir aux journalistes d’une rédaction, car les actionnaires, qui investissent leurs capitaux, doivent garder un certain pouvoir sur la gestion économique de l’organe de presse. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2888 de Mme Farida Amrani
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Nous demandons un rapport évaluant les menaces qui pèsent sur les journalistes, tant en France qu’à l’étranger, et proposant des solutions concrètes pour garantir la liberté de la presse et améliorer la protection de ces journalistes.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Nous abordons à présent l’examen des crédits de la mission Audiovisuel public.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF698 de M. Bruno Clavet
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Avis défavorable. Je m’oppose aux baisses de crédits qui réduiraient la capacité de l’audiovisuel public de mener à bien sa mission.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF695 de M. Philippe Ballard, II-CF3043 et II-CF3044 de M. Nicolas Ray, II-CF2188 de M. Jocelyn Dessigny, II-CF93 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-CF3042 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. L’amendement II-CF695 tend à diminuer de 100 millions d’euros les crédits affectés à France Télévisions. En effet, en contournant, grâce au parrainage, l’interdiction qui lui est faite de diffuser de la publicité après vingt heures, le groupe public prive les chaînes privées de fonds dont elles ont besoin pour se renforcer et affronter les géants du numérique – or, si nous voulons conserver notre souveraineté audiovisuelle, nous devons absolument accélérer ce processus de concentration.
M. Steevy Gustave (EcoS). Nous proposons, par l’amendement II-CF3042, de relancer la chaîne France Ô, dont France Télévisions a cessé de diffuser les programmes à compter du 24 août 2020. En contrepartie, les outre-mer devaient bénéficier d’une plus grande visibilité sur les antennes nationales de France Télévisions mais, quatre ans plus tard, on peine à voir en quoi cet engagement a été tenu.
De 2010 à sa fermeture, la chaîne a toujours souffert de moyens insuffisants – ils représentaient moins de 1 % du budget de France Télévisions. Par ailleurs, alors qu’en 2020, France 4 était également menacée, seule France Ô a été fermée, au motif qu’elle était une « chaîne ghetto ». Sa fermeture a rompu un lien vital entre nos cultures. La visibilité des outre-mer sur les autres chaînes publiques est largement insuffisante, puisqu’elle se limite à une programmation d’une semaine par an, intitulée Cœur Outre-mer.
Il est donc essentiel de réexaminer la décision prise en 2020 pour donner aux outre-mer leur juste place et offrir un avenir digne à leur population. C’est pourquoi nous proposons d’abonder les crédits de France Télévisions de 30 millions d’euros afin de réactiver France Ô sur le canal 19 de la télévision numérique terrestre (TNT), qui demeure disponible.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Tout d’abord, il faut rappeler que les entreprises du secteur privé ne souhaitent pas la privatisation de l’audiovisuel public, qui renforcerait la concurrence qu’elles se livrent pour attirer des budgets publicitaires en baisse. Au demeurant, nous avons un audiovisuel public de grande qualité, grâce à ses salariés, à qui j’apporte mon soutien, car ils doivent être affectés par les propos qui sont tenus ce matin.
Monsieur Gustave, je partage votre volonté de renforcer la visibilité des outre-mer, mais relancer France Ô n’est financièrement pas possible. Je défends le projet initial, qui consistait à exposer l’outre-mer dans l’ensemble de l’audiovisuel public plutôt que de le confiner sur une chaîne spécifique. La renégociation des contrats d’objectifs et de moyens (COM), qui sera nécessaire alors que la trajectoire financière est devenue caduque, pourrait être l'occasion d'y intégrer des indicateurs relatifs à l'outre-mer. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
M. Frédéric Maillot (GDR). Si je vous ai bien compris, vous estimez que l’actualité, la culture, les problématiques des outre-mer, avec nos sœurs et nos frères martiniquais qui sont en train de protester dans la rue contre le coût de la vie – bref, que la vie de 2,7 millions de Français ne mérite pas plus de visibilité. Savez-vous que beaucoup d’habitants de l’Hexagone sont incapables de situer les territoires d’outre-mer sur une carte ? En supprimant France Ô, on a supprimé un peu de la France d’outre-mer dans l’Hexagone.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : j’estime que la visibilité des outre-mer doit être beaucoup plus importante sur les chaînes existantes et que cette nécessité doit être intégrée dans les projets de COM. En revanche, nous n’avons pas les moyens financiers de relancer France Ô.
M. Steevy Gustave (EcoS). Sans vous faire dire ce que vous n’avez pas dit, certains silences sont éloquents. En tant que producteur audiovisuel, j’ai dénoncé la fin de France Ô en 2010, puis j’ai décidé de faire confiance à France Télévisions. Or la place que celle-ci réserve aux outre-mer est honteuse. On réduit la Martinique au zouk et à une fête dans « Le grand échiquier » : c’est scandaleux. Nous sommes des Français à part entière et, en tant que tels, nous méritons une chaîne dédiée, et non des petits programmes par-ci par-là. Il y va du respect des populations.
Les amendements II-CF3043 et II-CF3044 étant retirés, la commission rejette successivement les autres amendements.
Amendements II-CF2299 de M. Anthony Boulogne, II-CF3045 et II-CF3046 de M. Nicolas Ray, II-CF696 de M. Philippe Ballard, II-CF2190 et II-CF2194 de M. Jocelyn Dessigny, et II-CF94 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)
M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Chaque année, Radio France dépasse le plafond de recettes publicitaires de 42 millions d’euros qui lui est imposé, sans être sanctionnée par l’Arcom. Par l’amendement II-CF696, nous proposons donc de réduire les crédits affectés à Radio France de 23 millions d’euros, soit un montant équivalent à celui du dépassement qui est prévu pour 2024.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Mes deux amendements sont de repli : ils visent, pour les mêmes raisons, à diminuer les crédits affectés à Radio France respectivement de 10 millions et de 5 millions d’euros.
M. Tristan Lahais (EcoS). L’amendement II-CF94 tend à affecter 9 millions d’euros supplémentaires à Radio France pour réduire la précarité des personnels et garantir l’information de qualité à laquelle ont droit nos concitoyens.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. L’amendement II-CF2299 vise en fait à supprimer le programme 374, ce qui reviendrait à privatiser Radio France. J’y suis farouchement défavorable, pour les raisons pour lesquelles je défends l’audiovisuel public, et je suis défavorable aux autres baisses de crédits proposées par le Rassemblement national. J’ajoute que Radio France n’a jamais atteint, sur le linéaire, le plafond de recettes publicitaires de 42 millions d’euros, et que la volonté de limiter ses recettes publicitaires sur le volet numérique afin de préserver les radios privées n’a pas de sens, car le marché de la publicité digitale ne se limite pas aux chaînes de radio ou de télé et que sa croissance permet à tous les acteurs d’en capter une partie.
Les amendements II-CF3045 et II-CF3046 étant retirés, la commission rejette successivement les autres amendements.
Amendements II-CF95 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-CF2081 de Mme Béatrice Piron (discussion commune)
M. Tristan Lahais (EcoS). L’amendement II-CF95 tend à augmenter de 6,9 millions d’euros les crédits alloués à France Médias Monde.
Mme Béatrice Piron (HOR). Nous proposons, quant à nous, d’allouer deux petits millions supplémentaires à France Médias Monde, dont les crédits sont réduits de 6,9 millions d’euros par rapport aux prévisions du COM pour 2025. Ce faisant, nous lui permettrions de maintenir ses missions récurrentes et de financer son plan de transformation numérique.
France Médias Monde, qui produit 200 heures de contenus quotidiens en 21 langues, a vraiment besoin de ce petit coup de pouce, sans quoi elle devra supprimer des postes. À titre de comparaison, 2 millions d’euros, c’est le tiers de l’enveloppe consacrée aux correspondants à l’étranger de France 24.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je regrette, comme vous, que la trajectoire financière des projets de COM n'ait pas été respectée. Les missions de France Médias Monde à l'international doivent être défendues, car il s'agit d'un outil de rayonnement de la France et de lutte contre la désinformation. Cependant, je cherche à préserver les crédits inscrits au projet de loi de finances. Avis défavorable.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Monsieur le rapporteur spécial, vous mentionnez la lutte contre la désinformation, qui serait devenue l’un des principaux objectifs du ministère des affaires étrangères, mais France Médias Monde n’a plus les moyens d’y participer ! Et je ne parle même pas du rayonnement de la France. Nous prenons part à cette lutte mondiale avec un budget qui représente les deux tiers de celui de la BBC, environ un quart de celui des médias américains et la moitié de celui des chaînes russes. Si nous voulons nous maintenir à leur niveau, il faut à tout le moins défendre les crédits de France Médias Monde, voire les augmenter. N’oublions pas que Trump vient d’être élu !
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Il est vrai que nous sommes engagés dans une guerre informationnelle mondiale dont nul, ici, n’ignore les enjeux ni les lignes de force. Nous devrions donc tous, notamment ceux qui se disent patriotes et défenseurs de la francophonie ou de l’influence de la France, être partisans d’une augmentation considérable du budget de France Médias Monde. Comment peut-on, dans le contexte actuel, désarmer la voix singulière de notre pays, diffusée en de nombreuses langues et dans presque tous les pays du monde ? Je suis convaincu que le Gouvernement reconnaîtra son erreur et augmentera le budget en conséquence. La question concerne tant la commission des affaires étrangères que celles des finances et des affaires culturelles.
M. Michel Castellani (LIOT). Un mot de soutien au service public de l’information : en Corse, le programme télévisuel ViaStella et la radio RCFM sont tous deux au cœur de la vie sociale. Ils jouent un rôle d’information essentiel dans tous les domaines. Il me paraît important de soutenir ces organes d’information plutôt que de les brimer.
Mme Béatrice Piron (HOR). France Médias Monde, le plus petit budget de l’audiovisuel public français, avec une part de 7 %, est pourtant la société dont les crédits ont subi la baisse la plus importante : 2,2 %, ce qui est considérable. En adoptant l’amendement II‑CF2081, nous limiterions cette baisse au niveau de celle subie par les autres sociétés de l’audiovisuel public.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Le Gouvernement déposera en séance publique un amendement qui vise à supprimer les crédits de transformation de l’audiovisuel public prévus pour 2025, ceux de France Médias Monde ayant déjà été réduits en 2024. Ma position est claire et équilibrée : soyons responsables, abstenons-nous, dans cette période compliquée, d’augmenter les crédits de l’audiovisuel public, mais demandons à Bercy de consentir le même effort et de renoncer à supprimer les crédits de transformation et à réduire les dotations socles.
M. le président Éric Coquerel. Pour information, l’amendement auquel vous faites allusion a d’ores et déjà été déposé par le Gouvernement : il porte le numéro II-1307 et tend à réduire les crédits de l’audiovisuel public de 50 millions d’euros, dont 1 million pour France Médias Monde. Mieux vaut prévenir que guérir : jouons notre rôle de parlementaires en adoptant ces amendements et en faisant en sorte que le Gouvernement retire le sien.
La commission rejette l’amendement II-CF95.
Elle adopte l’amendement II-CF2081.
Amendement II-CF96 de Mme Sophie Taillé-Polian
M. Tristan Lahais (EcoS). Nous proposons de compléter de 700 000 euros la dotation de l’Institut national de l’audiovisuel.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Comme précédemment, je souhaite que le Gouvernement renonce à réduire les dotations et que nous nous abstenions de les augmenter.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2172 et II-CF2173 de Mme Sophie Mette (discussion commune)
Mme Sophie Mette (Dem). Ce sont des amendements de soutien à TV5 Monde.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je comprends votre volonté de soutenir TV5 Monde, qui participe au rayonnement de la francophonie. Cependant, le PLF prévoit déjà une augmentation de 1 % de la dotation de cette entité, pour laquelle le versement de crédits de transformation n'était pas prévu. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CF2172.
En conséquence, l’amendement II-CF2173 tombe.
Amendements identiques II-CF1860 de Mme Constance Le Grip et II-CF2889 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Constance Le Grip (EPR). Il s’agit de transférer les crédits du Programme de transformation vers les dotations socles des différentes entités de l’audiovisuel public. Force est en effet de constater que les crédits de ce programme, créé par la loi de finances de 2024, sont considérés par le Gouvernement comme une variable d’ajustement budgétaire : le décret d’annulation de février 2024 les a amputés de 20 millions d’euros, puis leur versement a été suspendu. Dès lors qu’ils n’ont pu faire la preuve de leur pertinence ou de leur intérêt, il est prématuré de décider de leur avenir. Toutefois, puisque le Gouvernement compte les annuler purement et simplement par un amendement en séance publique, nous devons prendre nos responsabilités et les intégrer dans le budget des organismes.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). On ne peut pas dire que les crédits de transformation n’ont pas été utilisés efficacement – et c’est bien le problème, du reste : les sociétés de l’audiovisuel public ont pris les engagements que devaient financer ces crédits. Ceux-ci avaient le goût de la contractualisation, mais ils sont en réalité voués à la régulation infra-annuelle, art dans lequel Bercy excelle. Il est nécessaire d’adopter ces amendements pour rétablir la crédibilité des contrats d’objectifs et de moyens.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Les crédits de transformation devaient s’établir à 69 millions d’euros en 2024 et 74 millions d’euros en 2025. Lors du dernier Printemps de l’évaluation, la rapporteure spéciale Constance Le Grip avait, à juste titre, déploré l’annulation de 20 millions d’euros. Sur les 49 millions d’euros restants pour 2024, seuls 19 ont été versés. Pour 2025, le Gouvernement a déposé un amendement pour réduire les crédits inscrits dans le PLF.
Je suis en désaccord avec la méthode : lorsqu’on prend des engagements, on les tient. Il y va de l’image de l’État. Je serai donc défavorable en séance à l’amendement du Gouvernement, même dans notre contexte budgétaire. Mais je m’oppose aussi aux amendements qui vont dans le sens inverse.
M. le président Éric Coquerel. Je soutiens pleinement les amendements. Au-delà du volume de crédits, c’est la méthode même qui pose problème. Ces crédits de transformation sont au bon vouloir de l’exécutif. Non seulement cela contrevient à l’indépendance des services publics, mais cela complique considérablement l’élaboration des budgets des sociétés. Il faut donc en revenir à un budget global qui ne soit plus dépendant des décisions de l’exécutif.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, les amendements II-CF2979 de M. Frédéric Maillot, II-CF2352 de M. Aymeric Caron, II-CF97 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-CF2980 de Mme Soumya Bourouaha tombent.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission Audiovisuel public.
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. Je propose de voter en faveur des crédits de la mission. Je prends note de la volonté de la commission d’intégrer les crédits de transformation dans la dotation socle. J’avais plaidé pour une évaluation préalable, mais je ne suis pas arc-bouté sur cette position. Je n’ai pas de blocage à l’égard des amendements adoptés par la commission. Nous avançons dans le bon sens.
Mme Constance Le Grip (EPR). Le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de ces crédits. Nous croyons en un audiovisuel fort et indépendant. Nous avons fait preuve de responsabilité budgétaire en rejetant les amendements les plus dépensiers. Nous avons également fait un geste fort en intégrant les crédits de transformation dans les dotations socles.
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Nous refusons de voir l’audiovisuel public affaibli et précarisé. La hausse dérisoire de 0,06 % du budget, qui, une fois corrigée de l’inflation, est une baisse de près de 2 %, menace directement la capacité des organismes publics à remplir leurs missions, en particulier en matière de pluralisme, de diversité culturelle et de qualité de l’information.
En votant contre ces crédits, nous voulons envoyer un signal fort. Il est urgent d’assurer un financement pérenne et indépendant de l’audiovisuel, de préserver son caractère public ainsi que de garantir les emplois et les conditions de travail des salariés.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés votera contre les crédits.
M. Nicolas Ray (DR). L’équilibre auquel nous sommes parvenus au terme de l’examen des amendements est plutôt satisfaisant. Nous voterons en faveur des crédits.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La commission des affaires culturelles vient d’émettre un avis négatif sur les conventions d’objectifs et de moyens des sociétés de l’audiovisuel public en raison de l’insuffisance desdits moyens. Ce manque de ressources entrave le fonctionnement des entreprises mais aussi l’exercice de leurs missions de service public, qui sont fondamentales pour la lutte contre la désinformation ainsi que pour le rayonnement de notre culture et le soutien à sa diversité.
Les crédits ne sont pas à la hauteur des ambitions. C’est la raison pour laquelle nous les rejetterons.
Mme Sophie Mette (Dem). Nous voterons en faveur de ces crédits qui assurent un audiovisuel fort. Nous notons avec satisfaction le soutien à France Médias Monde et à TV5 Monde.
M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et apparentés votera les crédits de la mission et remercie le rapporteur spécial pour la qualité de son travail.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le groupe LIOT votera en faveur de la mission après l’adoption de plusieurs amendements bienvenus.
M. Frédéric Maillot (GDR). Nous voterons contre les crédits de la mission.
La commission rejette les crédits de la mission Audiovisuel public.
Présidence de M. Philippe Brun, vice-président de la commission
Après l’article 59
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF2351 de M. Aymeric Caron, II-CF2353 de Mme Farida Amrani et II‑CF2890 de M. Aymeric Caron.
M. Philippe Brun, président. Nous en venons au compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public
La commission rejette les crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.
Après l’article 64
Amendement II-CF3078 de M. Denis Masséglia
M. Denis Masséglia, rapporteur spécial. La commission des affaires culturelles a adopté un amendement ayant un objet similaire : le versement des crédits en début d’année et non à un rythme mensuel. Le but est d’assurer l’indépendance de l’audiovisuel public et de prémunir les sociétés contre toute réduction de leurs crédits en cours d’exercice, leur donnant ainsi une visibilité.
L’amendement de la commission des affaires culturelles s’inscrit cependant dans le cadre de la budgétisation, à laquelle je suis opposé. J’anticipe pour ma part l’adoption prochaine de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, qui doit mettre fin au financement par des crédits budgétaires. Je propose donc le versement dès le début de l’année aux organismes de l’audiovisuel public de l’intégralité de la taxe qui leur sera affectée.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous soutenons avec force cet amendement. Il est indispensable d’assurer aux sociétés de l’audiovisuel public une visibilité au moins annuelle sur leurs crédits, et d’éviter ainsi les annulations qu’elles ont connues l’année dernière.
Mme Constance Le Grip (EPR). Nous soutenons également cet amendement qui devrait protéger les sociétés de l’audiovisuel de certains risques budgétaires auxquels elles ont été exposées par le passé.
La commission adopte l’amendement.
Mission Culture (MM. Jean-René Cazeneuve et M. Philippe Lottiaux, rapporteurs spéciaux)
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial (Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Avec 2,7 milliards d’euros en crédits de paiement, le budget des programmes 131 Création, 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture et 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture a été préservé. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, les crédits augmentent de 86,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) – soit 3,2 %, donc un peu plus que l’inflation – et de 6,7 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Les crédits de la mission sont globalement stables, à 3,9 milliards d’euros.
Dans le contexte budgétaire, il nous faut nous réjouir du maintien des crédits de la culture à leur plus haut niveau, en hausse de 1 milliard d’euros par rapport à 2017. J’insiste cependant sur le fait que ces crédits ne peuvent à eux seuls résumer l’effort de l’État en faveur de la culture. Selon le jaune annexé au PLF, cette année encore, ce sont près de 10 milliards d’euros qui sont dédiés à la culture.
Je tiens à saluer le déploiement du plan Culture et ruralité, avec dix mesures dans deux programmes de la mission. Alors qu’un tiers des Français vivent en milieu rural, ses objectifs – valoriser la culture locale, soutenir les acteurs de proximité, faciliter la mobilité des artistes, des œuvres et des publics, et enfin mieux accompagner les porteurs de projets – sont fondamentaux. Chacun ici reconnaîtra que l’accès à la culture est assez différent dans les métropoles et dans nos territoires ruraux.
Outre ce dispositif qui constitue une ligne directrice de la mission, voici les grandes orientations pour 2025.
Les crédits du programme 131 progressent de 3,2 % en AE et sont stables en CP. Ils financent les aides aux festivals qui font vivre nos territoires ruraux, lesquelles sont maintenues au niveau de 2024, avec 32 millions d’euros – j’ai une petite pensée pour Jazz in Marciac ; 9 millions d’euros sont consacrés à la poursuite du plan « mieux produire, mieux diffuser », où 1 euro financé par l’État correspond à 1 euro minimum financé par les collectivités territoriales ; le soutien à l’emploi artistique et aux artistes auteurs bénéficie de 72 millions d’euros ; les dotations aux opérateurs sont en hausse de 6 millions d’euros.
S’agissant du programme 361, les crédits augmentent de 3,4 % en AE et diminuent de 2,1 % en CP dans un contexte budgétaire contraint. Grâce à un effort partagé, des mesures nouvelles sont financées : 7 millions d’euros pour le plan Culture et ruralité ; 5 millions d’euros en faveur de l’éducation artistique et culturelle en temps scolaire. Je soutiens le pass culture, dont la réussite est réelle, comme en témoigne le nombre croissant de bénéficiaires, ce qui est plutôt rare en matière de service public. Je serai cependant attentif aux inflexions que certains pourront proposer sur son utilisation. Par ailleurs, les crédits en hausse permettent d’envisager des investissements structurants dans les établissements nationaux de l’enseignement supérieur culturel.
Enfin, les crédits du programme 224 progressent de 3 %, du fait notamment de la hausse des crédits de la masse salariale, du financement de la protection sociale complémentaire ainsi que de la valorisation du glissement vieillesse technicité.
La stabilité des crédits est une marque de responsabilité dans un contexte contraint. Je souhaite insister sur l’importance du soutien public à la culture, partagé entre l’État et les collectivités territoriales. Plus de la moitié des financements publics proviennent des collectivités territoriales L’État ne peut se substituer aux collectivités, même si certaines se désengagent, je le constate, et réduisent une partie de leurs subventions.
Avant de conclure, je voudrais saluer le travail collectif de nos collègues, qui ont déposé un nombre raisonnable d’amendements. En revanche, j’observe une opposition assez radicale, scindée en deux blocs : d’un côté, le Nouveau Front populaire propose tout simplement de doubler les crédits de la culture ; de l’autre, le Rassemblement national propose d’en supprimer à peu près 500 millions d’euros, sans autre explication que la rationalisation des dépenses, ce qui évidemment porterait une atteinte importante à une politique publique qui est à l’honneur de notre pays.
J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 131, 224 et 361.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial (Patrimoines). Les crédits du programme 175 s’inscrivent dans la continuité de 2024, du moins en crédits de paiement. En hausse de 7 millions d’euros, ils s’établissent à 1 201 millions d’euros, répartis entre Monuments historiques et patrimoine monumental, pour 492,8 millions d’euros, Architecture et sites patrimoniaux, pour 37,8 millions d’euros, Patrimoine des musées de France, pour 441,9 millions d’euros, Patrimoine archivistique, pour 50,9 millions d’euros, Acquisition et enrichissement des collections publiques, pour 9,7 millions, et Patrimoine archéologique, pour 167,7 millions d’euros.
On note en revanche une forte baisse des autorisations d’engagement, de 23,1 %, essentiellement liée au fait que les crédits du schéma directeur technique du centre Pompidou ont été inscrits en 2024. Cependant, cette diminution pose problème pour les travaux à réaliser à Versailles, nous y reviendrons.
Le programme comporte treize dépenses fiscales pour un montant estimé de 326 millions d’euros, soit une hausse de 34 millions d’euros. Certaines de ces dépenses mériteraient d’être mieux évaluées, voire d’évoluer à la marge pour être plus efficientes.
Je relève plusieurs motifs de satisfaction : les grandes dotations sont maintenues. Elles permettent de lancer ou de mener à bien des projets importants – Centre Pompidou, archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, château de Gaillon, cathédrale de Nantes, tours de La Rochelle, reconversion du site de Clairvaux. En outre, 12 millions d’euros sont consacrés au plan de sécurité des cathédrales appartenant à l’État.
Il demeure cependant des points d’inquiétude. Tout d’abord, comme le soulignait la Cour des comptes, nous devons faire face à un volume très important de crédits de paiement pour mener en parallèle plusieurs grands projets. Le reste à payer sur des opérations engagées s’élève à 1 043 millions d’euros.
Ensuite, plusieurs projets doivent être suivis de près. D’abord, les autorisations d’engagement pour mener à bien les travaux du château de Versailles ne sont pas suffisantes – elles baissent de 18 millions d’euros. Ensuite, il convient de veiller à la maîtrise du coût du schéma directeur technique du centre Pompidou ainsi qu’à la bonne réalisation du schéma directeur culturel, pour lequel le centre doit trouver de l’ordre de 200 millions d’euros de ressources propres. Des efforts importants sont faits en ce domaine, notamment grâce à des coopérations internationales qu’il faut saluer, mais tout n’est pas encore bouclé. Le devenir de l’appel à manifestation d’intérêt pour le site de Clairvaux, pour lequel 13 millions d’euros sont inscrits cette année, est une source de préoccupation tant l’opération est complexe et potentiellement coûteuse. Enfin, pour achever la seconde phase de Villers-Cotterêts, il faut trouver un opérateur pour construire un hôtel et plus globalement assurer l’équilibre du fonctionnement du site.
À cela s’ajoutent plusieurs problèmes structurels, parmi lesquels le trop faible montant des crédits d’entretien du Centre des monuments nationaux, qui ne lui permettent pas d’effectuer les interventions nécessaires pour les 110 monuments dont il a la charge. L’État est donc amené parfois à mener en urgence des opérations d’investissement lourdes, comme c’est le cas cette année pour les tours de La Rochelle.
Deuxièmement, en raison de son déficit structurel, l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) ne peut pas faire face à toutes les prescriptions de diagnostic et les délais s’allongent. Faute de solution budgétaire, peut-être faudra-t-il revoir à la baisse le nombre de prescriptions.
Troisièmement, les besoins d’entretien du petit patrimoine local, notamment religieux, ne sont pas satisfaits alors que nombre de monuments sont en péril ou en mauvais état.
Quatrièmement, on peut regretter que le plan « sécurité cathédrales » ne soit pas étendu aux anciennes cathédrales n’appartenant pas à l’État.
Certes, l’État ne peut pas tout, comme on l’entend parfois. Il convient néanmoins de trouver les moyens de protéger et de valoriser le patrimoine. Parmi les pistes à explorer, je mentionnerai : le soutien des agences d’ingénierie départementales aux petites communes, qui ont un réel besoin d’accompagnement ; la suppression de la taxation du loto du patrimoine, afin que l’intégralité des recettes profite immédiatement à nos monuments ; ou le renforcement de certains dispositifs fiscaux en faveur des propriétaires privés de monuments historiques.
Je vous invite à vous abstenir sur les crédits du programme Patrimoines. Mon avis est susceptible d’évoluer favorablement si l’annonce de crédits supplémentaires pour répondre aux besoins que j’ai mis en exergue se confirmait.
Article 42 et état B
Amendement II-CF3035 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à réduire de 3,7 % la subvention pour charges de service public du musée du Louvre. En effet, en janvier 2024, le prix du billet a augmenté de 30 %, passant de 17 à 22 euros, ce qui nuit au service public offert à la population, en particulier en matière d’inclusion. Cette hausse des recettes aurait dû au moins permettre d’alléger la contribution de l’État.
On ne peut pas solliciter à la fois le contribuable et l’usager. Il n’y a donc pas de raison d’augmenter encore les crédits alloués au musée du Louvre.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Les crédits du Louvre restent stables pour 2025, ce qui veut dire que l’inflation n’est pas prise en compte. En parallèle de l’augmentation de 2024, un système de jauge des visiteurs a été instauré et des projets de rénovation ont été menés, notamment dans deux salles souterraines. Avis défavorable donc, même si le renforcement des ressources propres de plusieurs institutions doit être un objectif.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF852 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). L’amendement vise à générer une économie de 565 000 euros en gelant les subventions pour charges de service public aux opérateurs de l’État en matière de patrimoine culturel et d’architecture.
Les opérateurs de l’État ont vu leur subvention reconduite à l’identique, à l’exception de deux qui ont bénéficié d’une augmentation : le musée Picasso pour 500 000 euros et la cité de l’architecture et du patrimoine pour 65 000 euros. Tous les opérateurs doivent participer à l’effort de redressement budgétaire.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. L’augmentation est justifiée par les travaux du Centre d’études Picasso, consacré aux archives liées à l’artiste, qui doit ouvrir l’année prochaine. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF2262 de Mme Caroline Parmentier
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Avis favorable. Cet amendement appelle à réfléchir à l’évolution des ressources propres de certains musées, afin de réduire leur dépendance financière vis-à-vis de l’État. Les subventions publiques ne peuvent pas augmenter indéfiniment.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CF2141 de M. Idir Boumertit
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Avis défavorable. La gratuité est déjà largement pratiquée dans les musées, on ne saurait aller au-delà.
La commission rejette l'amendement.
Suivant les avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF2160 de M. Idir Boumertit et II-CF2142 de M. Raphaël Arnault.
Amendements II-CF2323 de M. Charles Alloncle et II-CF3003 de M. Jérémie Patrier-Leitus (discussion commune)
M. Gérault Verny (UDR). L’amendement II-CF2323 propose de réduire de 150 millions d’euros le budget alloué au spectacle vivant, qui, souvent, n’est pas de grande qualité, et d’augmenter de 75 millions d’euros le budget alloué au patrimoine, qui est dans un état de dégradation avancé.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (Patrimoines). Nous proposons de créer un fonds de sauvegarde et de valorisation du patrimoine religieux, financé par un droit d’entrée de 5 euros pour les visiteurs de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Je suis conscient que le sujet est polémique, mais il mérite une réflexion. L’État accorde déjà des ressources importantes à l’entretien des 71 000 lieux de culte que compte le pays ; la ministre de la culture vient encore d’annoncer 300 millions d’euros supplémentaires pour le patrimoine. Les collectivités locales mobilisent elles aussi des fonds pour entretenir leur patrimoine religieux, aux côtés des mécènes privés ou de la Fondation du patrimoine. Mais cela ne suffit pas : les églises rurales, en particulier, sont en péril. Mon amendement permettrait d’y affecter 50 millions d’euros.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Je suis favorable à l’amendement II-CF2323, même si je regrette qu’il ne détaille pas davantage les économies qu’il propose de réaliser. En revanche, j’émets un avis défavorable sur le II-CF3003, bien que j’y sois favorable sur le fond. En effet, le sujet est trop important pour être traité à l’occasion d’un amendement au PLF. Il faudrait au préalable réviser la loi de 1905, recueillir l’avis de la Conférence des évêques de France, affectataire des édifices, et réfléchir à une extension du droit d’entrée à d’autres lieux de culte, comme plusieurs collectivités locales pourraient en faire la demande.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je suis atterrée par l’amendement II-CF2323 : comment peut-on envisager de réduire le soutien au spectacle vivant ?
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. J’insiste sur le fait que le II‑CF3003 est un amendement d’appel. Il est important de réfléchir à la manne financière que pourraient représenter les 15 millions de visiteurs annuels de Notre-Dame pour entretenir le patrimoine religieux. J’entends que les lieux de culte doivent être accessibles gratuitement, mais Notre-Dame de Paris est aussi un lieu touristique.
M. Philippe Juvin (DR). Je comprends votre intention de mieux entretenir le patrimoine religieux, mais votre proposition obligerait à revoir la loi de 1905, dont l’article 17 est on ne peut plus clair : « La visite des édifices et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance. »
Mme Constance Le Grip (EPR). Il ne me paraît absolument pas opportun de faire payer l’entrée de Notre-Dame, même si je suis consciente qu’il faut trouver des ressources supplémentaires pour restaurer le patrimoine religieux, en particulier dans les villes moyennes et les villages. Cela mériterait, en tout cas, un vrai débat de société.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. La loi de 1905 prévoyait surtout que l’accès aux cultes soit gratuit, ce que garantit mon amendement en exemptant les pèlerins de droit d’entrée. De nombreux lieux de culte pratiquent déjà un accès payant en France, comme l’abbaye du Mont-Saint-Michel, la basilique de Saint-Denis, la Sainte-Chapelle – qui est, certes, désacralisée – ou encore, avant l’incendie, les tours de Notre-Dame, son trésor et sa crypte.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes nombreux à considérer que le patrimoine mérite davantage de crédits, sachant que 23 % de nos monuments historiques sont en mauvais état ou en péril, sans qu’il me paraisse du reste important de préciser s’ils sont religieux ou non. La commission des affaires culturelles et de l’éducation a voté un amendement en ce sens, mais avec une visée plus large, en appelant bien sûr à lever le gage.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nul ne peut nous accuser de ne pas vouloir financer le patrimoine. Nous estimons toutefois que la responsabilité en incombe à l’État. Le groupe La France insoumise est défavorable à la logique de mécénat qui contraint de plus en plus les établissements à trouver des financements propres, et qui explique d’ailleurs que le patrimoine se détériore. Imposer un droit d’entrée à Notre-Dame nous paraît tout aussi dangereux. Comment distinguer un touriste d’un croyant qui vient assister à un culte ? Les lieux dont nous sommes fiers parce qu’ils font partie de notre patrimoine national doivent être financés en dehors de toute marchandisation ; nous prônons même une gratuité plus large, comme en témoignent nos amendements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Faire payer un droit d’entrée dans les églises supposerait de modifier l’article 17 de la loi de 1905. Agissons avec prudence. Vous dites vouloir exempter les pèlerins, mais les offices religieux ne sont pas fréquentés par des pèlerins, mais par des croyants : comment les distinguerez-vous des simples visiteurs ? Faudra-t-il fermer les églises au culte quand elles sont ouvertes aux touristes, et inversement ? Le sujet mérite une réflexion plus approfondie. Je vous invite donc à retirer vos amendements.
M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis. Le code de la propriété publique prévoit depuis 2006 la possibilité d’organiser des visites payantes dans les lieux de culte, et cela se pratique déjà. Il en est de même à l’abbaye de Westminster, à la Sagrada Familia et dans les cathédrales et les églises italiennes, où l’on peut assister librement au culte ou payer l’entrée en tant que visiteur. Une grande partie de notre patrimoine religieux est dans un état lamentable ; or il est à 75 % la propriété de communes de moins de 3 000 habitants. L’argent de l’État et des communes ne saurait suffire à le restaurer. Il serait dommage de se priver des recettes de touristes chinois et américains, qui trouvent par ailleurs normal de payer l’entrée dans d’autres monuments.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2040 de M. Philippe Lottiaux
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. L’État a lancé un plan « sécurité cathédrales » de 12 millions d’euros, qui fonctionne bien et présente l’avantage d’identifier les crédits consacrés spécifiquement à la sécurité. Nous proposons de l’étendre aux anciennes cathédrales n’appartenant pas à l’État, comme celles de Lyon, Vézelay ou Lisieux, qui relèvent du budget des collectivités territoriales.
La commission rejette l'amendement.
Suivant les avis du rapporteur spécial, la commission adopte les amendements identiques II-CF593 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF99 de Mme Sophie Taillé-Polian.
Amendement II-CF98 de Mme Sophie Taillé-Polian, et amendements identiques II‑CF594 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF2139 de M. Raphaël Arnault (discussion commune)
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Mon amendement propose d’abonder le fonds incitatif et partenarial de 6 millions, afin de soutenir les collectivités territoriales dans l’entretien et la valorisation du patrimoine local.
Premières propriétaires de biens immobiliers culturels, les collectivités – en majorité des petites communes – détiennent 41 % des monuments historiques protégés, mais n’ont pas les moyens de les entretenir. Les directions régionales des affaires culturelles manquent elles aussi de moyens humains pour les accompagner, en particulier en matière d'ingénierie. Elles ont pourtant une mission de conseil, d'expertise scientifique et technique ainsi que d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Ne laissons pas les élus locaux assister à la lente dégradation de ce patrimoine ; aidons-les à le sauvegarder.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. J’approuve ces amendements sur le fond mais mon avis est défavorable, car ils sont satisfaits par le vote de l’amendement II-CF593.
La commission rejette l'amendement II-CF98.
Elle adopte les amendements identiques II-CF594 et II-CF2139.
L’amendement II-CF2042 de M. Philippe Lottiaux est retiré.
Amendements II-CF2169 et II-CF2168 de Mme Sophie Mette (discussion commune)
Mme Sophie Mette (Dem). Nous souhaitons augmenter les moyens alloués au plan Action cœur de ville afin de valoriser le patrimoine des petites communes.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Des moyens existent – et ont été renforcés – pour soutenir le patrimoine des petites communes. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir une ligne spécifique dans le plan Action cœur de ville. Avis défavorable.
Mme Claudia Rouaux (SOC). Il faut prendre la mesure des restaurations nécessaires. Ne serait-ce que pour les cinquante-huit communes de ma circonscription, elles se chiffrent à 20 millions d’euros. Les moyens que nous prévoyons ici sont de toute façon bien inférieurs aux besoins des communes qui voient leurs églises s’effondrer.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2127 de M. Raphaël Arnault
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. J’avais déposé un amendement similaire en 2023. Depuis, la direction générale des patrimoines et de l’architecture nous a indiqué qu'au regard du contexte de resserrement budgétaire, l’Association nationale pour l’archéologie de collectivité territoriale et l’Assemblée des départements de France n’avaient pas souhaité donner suite à une démarche d’augmentation des crédits. Je ne serai pas plus royaliste que le roi : avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CF2145 de M. Raphaël Arnault
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Le PLF prévoit de maintenir le budget de l’Inrap au niveau de 2024, ce qui ne permettra pas à ce dernier de remplir correctement ses missions. La ministre de la culture semble pourtant avoir fait de la préservation du patrimoine une priorité. L’Inrap fait face à une situation particulière : la majorité de ses archéologues ont été embauchés à sa création et s’apprêtent à prendre leur retraite. Afin de revaloriser ses métiers et de lui permettre de recruter de nouveaux archéologues, nous proposons d’augmenter de 5 millions sa subvention pour charges de service public. Cette disposition avait été adoptée l’année dernière, avant d’être balayée par le 49.3.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. L’Inrap souffre d’un déficit structurel de 10 millions d’euros. La baisse des constructions réduit certes le besoin de diagnostics, mais il est nécessaire d’augmenter sa subvention. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2199 et II-CF2197 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous souhaitons développer les missions d'identification des biens culturels ayant fait l’objet d’une appropriation illicite, en particulier lors de la colonisation, et des restes humains présents dans les collections publiques, en vue de leur restitution aux États étrangers et aux collectivités d’outre-mer qui en font la demande.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Les biens culturels ayant fait l’objet d’une appropriation illicite doivent faire l’objet d’une loi-cadre ; attendons de connaître le chiffrage qui sera fait à cette occasion.
Par ailleurs, les restes humains sont conservés par le Muséum national d’histoire naturelle, qui ne dépend pas du ministère de la culture. Son budget s’établissant à 165 millions d’euros, je ne suis pas certain que 2 millions d’euros supplémentaires soient nécessaires. Avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Le rapport Sarr-Savoy de 2018 évoque jusqu’à 70 000 objets africains qui pourraient être à restituer, mais aussi une montagne de difficultés juridiques. Il est donc prématuré d’affecter des crédits à cette mission : cela ne correspond pas à un besoin immédiat.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Si, il y a un besoin immédiat. Les collections de nos musées abritent des milliers d’objets de différentes natures et provenances dont nous avons besoin de mieux connaître l’histoire et le mode d’acquisition. Faute de moyens humains pour les recenser, ils restent au fond des réserves alors que des communautés d’outre-mer et des pays étrangers les réclament.
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Il est urgent de dégager des moyens pour cette mission. Une loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques a été votée l’année dernière ; elle doit notamment permettre de traiter le sujet des crânes de résistants algériens tués au XIXe siècle. Le manque de moyens empêche d’expertiser les biens pour identifier leurs ayants droit et les restituer, et ainsi faire table rase du passé pour pouvoir avancer. Il est temps de rendre ce qui ne nous appartient pas.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques II-CF597 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF122 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Ces amendements ne sont pas à leur place ici. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CF2201 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il s’agit de créer un dispositif d’aide au spectacle vivant dédié au surtitrage et aux matériels destinés aux personnes sourdes ou malentendantes. Le fonds dont dispose le ministère de la culture à cet effet est notoirement insuffisant et ne permet pas à toutes les compagnies de se doter de tels équipements. Il est urgent d’y remédier.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. L’accessibilité des spectacles aux personnes en situation de handicap doit être généralisée. C’est d’ailleurs un objectif présent dans toutes nos politiques publiques. Mais je crois que, plutôt que d’abonder le fonds du ministère de la culture, il conviendrait de demander aux acteurs du monde culturel de faire un effort en la matière.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le travail que j’ai mené avec Alexandre Holroyd, ancien rapporteur de la présente mission, a démontré que les crédits du ministère de la culture étaient insuffisants pour répondre aux demandes de tous les établissements culturels.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2140 de M. Raphaël Arnault, II-CF778 de Mme Sandra Regol et II-CF598 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (discussion commune)
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). De nombreux dispositifs sont destinés à permettre l’accès à la culture des personnes malentendantes et malvoyantes, tels que les livres faciles à lire et à comprendre, les séances de cinéma relax, réservées aux personnes ayant un handicap mental, ou l’usage du braille. Cela a un coût. Le PLF affecte 2 millions d’euros de crédits déconcentrés aux associations œuvrant pour l’accès à la culture et à la pratique artistique des personnes en situation de handicap. Au regard des besoins identifiés, nous proposons d’augmenter ces crédits de 1 million d’euros.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les personnes malvoyantes ou non voyantes ont peu de choix en matière de lecture, et pour cause : la production d’un livre en braille coûte en moyenne 700 euros ; son prix de vente par les associations qui les éditent se situe aux alentours de 70 euros. Est-il normal qu’une partie de la population française n’ait pas accès à la lecture en raison de l’insuffisance des crédits ? L’amendement II-CF778 vise à accroître les fonds alloués aux associations de 1 million d’euros, ce qui est une faible somme au regard du prix unitaire d’un ouvrage.
M. Frédéric Maillot (GDR). Le constat est sidérant : 52 % des personnes en situation de handicap jugent l’accès à la culture difficile. Nous devons rendre les œuvres culturelles et la pratique artistique plus accessibles – une association d’aveugles de La Réunion m’a demandé d’insister fortement sur ce point. Je propose d’abonder de 500 000 euros le programme Patrimoines pour développer la traduction des documents des musées en facile à lire et à comprendre, ce dont les petites structures n’ont souvent pas les moyens.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Demande de retrait. Les amendements II-CF778 et II-CF598, relatifs à l’usage du braille, me paraissent davantage relever de la mission Médias, livre et industries culturelles, tandis que l’amendement II-CF2140 concerne des politiques transversales – car chacun doit accomplir un effort pour renforcer l’inclusion.
Mme Sandra Regol (EcoS). Je considère, pour ma part, que ces amendements sont à leur place au sein de cette mission.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. L’amendement II-CF598 concerne spécifiquement les musées. En effet, les grands établissements disposent de l’expertise et des fonds nécessaires pour développer la traduction en facile à lire et à comprendre – le Louvre, par exemple, l’a fait – mais les petits musées n’en ont pas les moyens. Cet amendement avait déjà été adopté en 2023, mais n’avait pas été retenu après application du 49.3. Je maintiens l’avis favorable donné l’année dernière.
La commission rejette successivement les amendements II-CF2140 et II-CF778.
Elle adopte l’amendement II-CF598.
Suivant l’avis de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF71 de Mme Soumya Bourouaha.
Amendement II-CF2196 de Mme Sophie Taillé-Polian
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous proposons de créer un musée national dédié à l’histoire des colonisations. En effet, aucun espace muséal ne traite spécifiquement de cette question pourtant essentielle dans notre histoire. Cette proposition avait été émise notamment par Robin Reda dans un rapport d’information sur le racisme.
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Défavorable. Un certain nombre d’institutions développent des projets en ce sens, tels que le palais de la Porte dorée, qui consacre une place centrale à la décolonisation dans le cadre de son exposition permanente et d’expositions temporaires, ou le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Votre projet trouverait peut-être plus sa place au sein d’un musée plus général de l’histoire de France.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2263 de Mme Caroline Parmentier
M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel vise à relancer le débat sur la création d’une maison de l’histoire de France. Ce projet, qui a été évoqué il y a quelques années, doit être replacé au cœur du débat. Il suppose de déterminer un lieu, en lien avec les Archives nationales, une structure juridique, et un mode de financement.
M. Frédéric Maillot (GDR). Mme Taillé-Polian n’a pas tort car les musées, s’ils traitent de la colonie, n’évoquent pas spécifiquement la décolonisation ; les musées de La Réunion se penchent sur l’esclavage, mais non sur la personne esclavisée. Nous nous battons pour la reconnaissance des véritables héros de la colonisation et de l’esclavage, autrement dit de nos marrons.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Collègues du Rassemblement national, si vous passiez un peu moins de temps à déposer des amendements pour réduire les crédits de la mission Culture, vous sauriez que beaucoup de musées sont dédiés à l’histoire de France, tels le musée de l’immigration – qui, ne vous en déplaise, fait partie de notre histoire – ou de nombreux musées locaux. Lorsque vous proposez la création d’un grand musée de l’histoire de France destiné à susciter l’émerveillement devant les réalisations de notre civilisation, je pense que cela cache une autre ambition, qui est d’écrire votre fameux roman national. Je lance l’alerte car on connaît votre rapport à l’histoire et à la science ainsi que la chasse que vous menez aux universitaires et aux intellectuels qui développent de nouveaux courants historiques et historiographiques.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Monsieur Lottiaux, vous me disiez que l’histoire des colonisations pourrait s’inscrire dans le cadre plus large d’un musée de l’histoire de France, mais je doute que les historiens de la colonisation et de la décolonisation se retrouvent dans la citation de Charles de Gaulle placée en exergue de votre exposé sommaire, qui évoque la France « meurtrie de guerres et de révolutions […] mais redressée, de siècle en siècle, par le génie du renouveau. » Ce n’est pas cette histoire qu’il faut raconter mais la véritable histoire de la France, y compris dans ses liens avec les colonies. Il faut aborder la difficile question de la décolonisation et de la constante colonialité qui existe encore dans notre pays.
M. Philippe Juvin (DR). Je ne partage pas du tout votre avis, chère collègue. L’histoire de France, c’est ce legs qui fait que, malgré nos différences, nous sommes attachés à des valeurs communes. C’est cette phrase de Renan : « Ce qui constitue une nation […], c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir ». C’est ce que disait Bonaparte : « De Clovis au Comité de salut public, j’assume tout. » La France n’est pas une page blanche et pour notre part, nous sommes fiers de notre histoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2300 de M. Anthony Boulogne
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Je suis défavorable aux amendements qui, à l’instar de celui-ci, proposent une baisse significative des crédits. Il faut saluer la politique culturelle de notre pays, qui lui permet de rayonner dans le monde.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF702 de Mme Caroline Parmentier.
Amendement II-CF704 de Mme Caroline Parmentier
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Madame Legrain, pour en revenir à la création d’un musée de l’histoire de France, je ne vois pas en quoi ce projet dissimulerait un dessein antirépublicain sachant que le concept de roman national, qui émane de Guizot, est un pilier de la IIIe République. C’est absolument grotesque.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avis défavorable sur cet amendement. Un certain équilibre a été trouvé, puisque les crédits budgétaires progressent de 3 %, ce qui n’est pas négligeable.
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Nous sommes passés vite sur l’amendement précédent du Rassemblement national, mais il visait tout de même à réduire de 137 millions d’euros le budget de fonctionnement des opéras et des théâtres. On parle sans cesse de la langue de Molière et de la belle culture française, mais l’extrême droite les charcute comme personne n’avait osé le faire jusqu’ici. J’aimerais savoir ce que pensent les électeurs du Rassemblement national de ce type de mesures, qui dévoilent la réalité de son programme.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF740 de Mme Caroline Parmentier
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement vise à rationaliser les dépenses de la culture, ce qui n’a rien à voir avec un charcutage. La culture n’est pas également partagée sur le territoire. Les personnes privilégiées ont les moyens de se rendre à l’opéra, au théâtre, dans les centres-villes, et de payer le juste prix de l’accès à la culture. Il n’y a pas de raison qu’elles fassent financer leurs billets par des contribuables qui ne voient jamais la scène d’un théâtre ni n’ont la moindre occasion d’entendre la voix d’un chanteur lyrique.
Vous faites croire que défendre la culture, c’est permettre aux membres des classes aisées d’acheter des billets bon marché, vous employez de grands mots, vous criez au charcutage, mais vous ne vous demandez jamais pourquoi, après cinquante ans de politique culturelle, il n’y a jamais eu une telle fracture entre les citoyens qui n’ont jamais droit à rien et ceux qui ont droit à tout et se font financer leurs privilèges par les premiers. Sans doute n’est-ce pas une préoccupation de la gauche.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Les crédits de paiement de l’ensemble de la mission sont relativement stables, inflation comprise. Un effort de rationalisation est demandé, mais réduire de manière très significative le budget, comme le propose cet amendement, marquerait un recul considérable pour la politique culturelle.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Monsieur Tanguy, vous montrez votre méconnaissance profonde du spectacle vivant. Votre amendement vise à réduire de 42 millions d’euros les crédits destinés à ce secteur, qui connaît une crise historique, et qui est précisément constitué d’un grand nombre de structures situées au plus près des territoires. Ces crédits ne sont pas destinés au bourgeois parisien, mais permettent à toutes et tous, dans l’ensemble du pays, d’accéder au spectacle vivant. Cela dit, vous aviez déjà crié haro sur les intermittents du spectacle, contredisant au passage la position des commissaires aux affaires culturelles membres de votre parti… Les amendements que vous proposez ne visent qu’à des suppressions sèches de crédits, vous ne proposez même pas de faire autre chose avec. Vous avez un vrai problème avec la culture, vous devriez arrêter de vous en revendiquer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF703 de Mme Caroline Parmentier
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La culture en France n’a jamais eu autant de moyens : si elle est en crise, c’est donc que l’argent a été mal utilisé. Par ailleurs, nous ne considérons pas que la culture doive, par essence, être subventionnée, ce qui nous différencie d’une certaine gauche. La culture, surtout lorsqu’elle revendique son caractère vivant, ne doit pas être sous respirateur artificiel.
La France insoumise a diffusé une fausse vidéo au sujet des intermittents du spectacle qui m’a mis en cause, ce qui m’a conduit à déposer plainte auprès de la gendarmerie – j’ai été menacé physiquement à Montdidier. Pourtant, sans mettre du tout en cause les intermittents du spectacle, j’avais simplement expliqué que le régime dont ils relevaient ne permettait pas de contractualiser correctement avec eux en respectant leur travail et que des lobbies puissants, bénéficiaires de fortes subventions, utilisaient ce régime pour ne pas payer aux intermittents ce qu’ils leur devaient. Vous mentez sans cesse, vous faites des vidéos manipulatrices qui me font dire le contraire de ce que je dis, et vous y revenez encore ici, finissant par croire à votre propagande – comme d’autres que vous prétendez combattre ailleurs. C’est scandaleux.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Avis défavorable.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Je ne vois pas le rapport avec l’amendement en discussion, qui vise à couper les dépenses de soutien à l’emploi et à l’accompagnement professionnel des artistes. Vous dites que vous les défendez, mais vous taillez encore dans les crédits.
Pour vous, lorsqu’on a de l’argent, on peut se payer de la culture, et sinon on n’y a pas accès puisque ce secteur ne doit pas être subventionné. Les personnes précaires n’auraient-elles pas ce droit, elles aussi, n’est-ce pas là la condition de l’émancipation et la vision que l’on doit avoir en matière de politique culturelle ? Vous n’avez aucune vision en ce domaine. En vérité, vous détestez la culture. Je n’ai pas compris cette histoire de plainte, je ne sais pas si cela me concerne, mais je persiste à dire que vous avez attaqué le régime des intermittents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF3047 de M. Nicolas Ray
M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à réduire les subventions pour charges de service public accordées à l’établissement public du Mobilier national. La hausse de 4 millions d’euros qui lui est accordée dans le PLF est liée à la création du pôle public des métiers d’art, qui se traduira par la réunion du Mobilier national et de l’établissement public de Sèvres. Afin de lutter contre le mille-feuilles administratif et dans un objectif de rationalisation des dépenses, nous proposons de geler cette augmentation.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. On peut imaginer que le regroupement de deux établissements permette de réaliser des économies, même si ce type d’opération entraîne souvent un surcoût dans un premier temps. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2158 de Mme Sarah Legrain, II-CF2159 de M. Idir Boumertit, II‑CF2143 et II-CF2157 de Mme Sarah Legrain (discussion commune)
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Ces amendements visent à soutenir la création, en réponse aux alertes lancées par le secteur. Les fonds alloués au pass culture, notamment, ont peu d’effets sur la vitalité de la création et du spectacle vivant.
L’amendement II-CF2157 en particulier a pour objet de créer une mission visant à garantir la liberté de création. En effet, dans notre pays, des spectacles sont attaqués, des chanteurs, des artistes sont intimidés. On essaie de faire annuler des représentations. La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques a engendré du harcèlement en ligne, contraignant des artistes à porter plainte. La diversité culturelle est attaquée – ainsi Zaho de Sagazan est-elle bannie des chaînes de Bolloré parce qu’elle a dit du mal de lui. Nous devons nous emparer de cette question, car la liberté d’expression et de création est en jeu. Les échanges que nous avons dans cette commission avec certains groupes, notamment d’extrême droite, confortent cette conviction.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Le doublement des crédits du programme Création, proposé par l’amendement II-CF2158, ne me paraît pas adapté. Je rappelle que le budget de la culture s’élève à 1,4 % du PIB, contre une moyenne, en Europe, de 1,1 à 1,2 %. Nous menons une réelle et ambitieuse politique de soutien – le budget a augmenté de près de 1 milliard d’euros depuis 2017. Nous défendons donc l’exception culturelle, mais il ne saurait y avoir d’exception budgétaire, la contrainte financière s’appliquant aussi à ce secteur. Avis défavorable sur les trois premiers amendements.
S’agissant de l’amendement II-CF2157, je soutiens, tout comme vous, la liberté d’expression mais j’ai plutôt le sentiment qu’en France, on a la possibilité de créer. Le spectacle dont vous avez parlé est la preuve qu’il existe une vraie liberté d’expression et de création. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF3023 et II-CF3030 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CF3023 vise à augmenter les crédits du fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Ce dispositif a fait ses preuves ; il permet notamment de résorber la précarité de l’emploi dans le secteur culturel. Une hausse des crédits de 19 millions d’euros permettrait de revenir à la dotation qui lui était initialement versée en 2017, soit 90 millions d’euros.
L’amendement II-CF3030 est un repli à 6,5 millions d’euros.
M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial. Le monde entier nous envie le statut des intermittents du spectacle. Les crédits du Fonpeps sont stables, après avoir augmenté très significativement en 2024. En tout état de cause, lorsque des crédits complémentaires sont nécessaires, ils sont mobilisés en gestion. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 6 novembre 2024 à 9 heures
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Laurent Baumel, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, Mme Mathilde Feld, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, Mme Perrine Goulet, M. Emmanuel Grégoire, M. David Guiraud, M. Steevy Gustave, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Tristan Lahais, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Corentin Le Fur, M. Jérôme Legavre, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, M. Didier Padey, Mme Christine Pirès Beaune, M. Charles Rodwell, Mme Claudia Rouaux, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Vincent Trébuchet, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Mathieu Lefèvre, Mme Yaël Ménaché, M. Nicolas Metzdorf, M. Charles Sitzenstuhl
Assistaient également à la réunion. - Mme Farida Amrani, M. Raphaël Arnault, M. Philippe Ballard, M. Idir Boumertit, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, Mme Sarah Legrain, M. Frédéric Maillot, M. Jérémie Patrier-Leitus, Mme Béatrice Piron, Mme Sandra Regol, Mme Valérie Rossi