Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen du projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (n° 711) (M. Charles de Courson, rapporteur général) 2
– Présences en réunion...........................26
Jeudi
12 décembre 2024
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 065
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La Commission examine le projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (n° 711) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
M. le président Éric Coquerel. Nous examinons aujourd’hui le projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, adopté en conseil des ministres hier, pour lequel nous avons auditionné les ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin hier après-midi.
Ce projet est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique lundi prochain, 16 décembre, à seize heures. Le délai de dépôt des amendements pour la séance publique a été fixé à ce samedi 14 décembre à treize heures.
Je rappelle que, même si son intitulé ne comporte pas les mots « loi de finances », il s’agit bien d’un texte relevant des catégories de lois de finances prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Comme le relevait le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 79-111 DC du 30 décembre 1979, un tel texte « constitue un élément détaché, préalable et temporaire » de la loi de finances de l’année.
L’emploi, par l’article 45 de la loi organique, des termes « autoriser à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année » permet également de définir en creux tout ce qu’un tel projet ne peut pas faire. Comme il est question des seuls impôts existants, un tel projet ne saurait inclure de dispositions créant un nouvel impôt ; et comme il est question de continuer à percevoir, un tel projet ne saurait proposer de réforme des impôts existants.
Pour effectuer le contrôle de recevabilité des amendements déposés sur ce projet, j’ai pris en compte ce cadre organique particulier.
Il est vrai qu’en décembre 1979, lors de l’examen par le Parlement du seul projet de loi spéciale de ce type qui ait été déposé et examiné jusqu’à présent, certains des amendements examinés proposaient la création de nouveaux impôts ; d’autres amendements examinés proposaient la modification substantielle de caractéristiques d’impositions existantes. Toutefois, ce précédent doit être considéré avec beaucoup de circonspection. En effet, avaient également été discutés à cette occasion des amendements induisant une diminution des recettes publiques non gagés, donc manifestement irrecevables, ce qui fait douter de l’effectivité de leur examen au titre de la recevabilité financière. En tout état de cause, aucun amendement n’ayant été adopté lors de l’examen, le Conseil constitutionnel, saisi du projet de loi adopté, n’avait pas eu l’occasion de juger si les dispositions proposées par les parlementaires auraient eu leur place dans un tel texte.
En outre, il peut être tiré argument de la rédaction de l’article 45 de la LOLF que le projet de loi spéciale constitue une solution de repli à l’examen de la seule première partie du projet de loi de finances initiale avant la fin de l’année. En effet, l’option de la loi spéciale peut être activée plus tardivement, jusqu’au 19 décembre, alors que la demande d’un vote distinct de la première partie du projet de loi de finances doit intervenir avant le 11 décembre. Cela plaide pour considérer que le projet de loi spéciale est une voie étroite, et non une façon détournée d’avoir des débats de première partie du projet de loi de finances. Il ne saurait y être question d’autre chose que d’assurer la continuité fiscale et budgétaire pour un temps limité.
L’avis rendu ce lundi 9 décembre 2024 par le Conseil d’État sur les questions d’interprétation de l’article 45 de la LOLF qui lui étaient posées par le gouvernement va en ce sens.
J’ai considéré que, dans la mesure où l’avis du Conseil d’État relevait que l’autorisation de continuer à percevoir les impôts « doit être regardée comme emportant également la reconduction des prélèvements sur recettes » (PSR), le fait de proposer par amendement d’expliciter le montant des PSR ainsi reconduits était possible. Il convenait toutefois que les montants proposés par amendement n’excèdent pas, pour les PSR relatifs aux collectivités, les montants fixés pour l’exercice 2024. Il convenait également que ces montants soient déterminés uniquement et de façon explicite jusqu’au vote de la loi de finances pour 2025. C’est la raison pour laquelle seul un amendement relatif au montant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR-UE) a été déclaré recevable.
De même, pour les amendements proposant de préciser le montant des plafonds d’emprunt de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et des caisses du personnel ferroviaire et des mines, j’ai considéré que, dans la mesure où les ministres avaient expliqué hier que l’absence de détermination dans l’article 3 d’un plafond d’emprunt offrait la possibilité de continuer à contracter des emprunts pour assurer la continuité du financement, les amendements visant à préciser un tel plafond n’étaient pas irrecevables, dès lors qu’il y était explicitement mentionné que ce plafond était applicable jusqu’au vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Pour les amendements concernant l’actualisation du barème de l’impôt sur le revenu, j’ai privilégié une lecture différente de celle préconisée par le Conseil d’État.
Le projet de loi spéciale a un objet conservatoire : il s’agit de permettre qu’un cadre fiscal inchangé par rapport à celui qui existait en fin d’année soit maintenu en début d’année suivante pour permettre de discuter, lors de l’examen du projet de loi de finances de l’année qui n’interviendrait qu’en début d’exercice, dans des conditions identiques à celles qui préexistaient lors de l’automne précédent.
J’ai considéré que des amendements proposant d’actualiser le barème de l’impôt sur le revenu, dans la limite de l’indexation sur l’inflation qui est proposée chaque année en loi de finances, respectaient cette exigence de prolongation du cadre fiscal existant en 2024. Il ne s’agit pas tant d’introduire des règles fiscales nouvelles que d’assurer des conditions d’imposition économiquement semblables à celles qui s’appliquaient en 2024, en maintenant à l’identique le périmètre des personnes assujetties à l’impôt.
L’articulation du projet de loi spéciale avec les impositions locales renforce le caractère justifié de cette approche de la recevabilité des amendements relatifs au barème.
En effet, du seul fait que le dernier alinéa de l’article 1518 bis du code général des impôts prévoit, depuis 2018, une revalorisation annuelle des valeurs locatives cadastrales en fonction de la variation annuelle de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) établie par l’Insee entre novembre de l’année n-2 et novembre de l’année n-1, l’adoption de l’article 1er du projet de loi spéciale garantira, sans autre précision à introduire dans le texte, que les valeurs locatives cadastrales seront effectivement revalorisées en 2025 pour la perception des taxes foncières, de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et des autres taxes assises sur les valeurs locatives cadastrales.
J’ai considéré que, de même qu’il permettait la revalorisation des valeurs locatives cadastrales, le projet de loi spéciale devait également permettre de garantir la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu.
Tous les amendements relatifs au barème de l’impôt sur le revenu n’étaient pas recevables pour autant. Certains d’entre eux n’étaient pas gagés et méconnaissaient ainsi les règles habituelles de recevabilité financière. D’autres étaient bien gagés et proposaient un barème indexé sur l’inflation, mais ils omettaient de préciser que la modification proposée n’était applicable que jusqu’à la loi de finances pour 2025. La précision figure de façon systématique dans les articles du projet de loi spéciale, en cohérence avec le texte de l’article 45 de la LOLF. Elle permet de garantir juridiquement que la première partie de la loi de finances pour 2025 ne sera pas bloquée par ce qui serait voté en loi spéciale, aucun contribuable ne pouvant contester le fait que la loi de finances pour 2025 pourra faire évoluer les choses par rapport à ce que nous allons voter. Les auteurs des amendements qui auraient omis cette précision pourront les rectifier en vue de la séance publique.
En revanche, de façon plus générale, les amendements qui proposaient des modifications substantielles des règles fiscales, que ce soit sur l’exonération de taxe foncière, les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ou le régime de taxation du gazole non routier (GNR) pour les travaux agricoles, n’étaient pas recevables.
Je me permets d’ajouter que, pour toutes ces mesures fiscales, il est loisible de proposer des réformes non seulement en première partie du projet de loi de finances, mais aussi dans un projet de loi ordinaire ou dans une proposition de loi. Ces textes pourraient être débattus en début d’année prochaine, indépendamment du calendrier fixé pour l’examen et l’adoption du projet de loi de finances pour 2025, s’ils étaient rapidement déposés et inscrits à l’ordre du jour de notre Assemblée.
Dans un communiqué de presse publié à la suite de la réunion d’hier, j’ai indiqué que plusieurs sujets identifiés par les ministres démissionnaires comme susceptibles de poser problème dans l’attente de l’adoption d’un projet de loi de finances – comme le crédit d’impôt pour congé des agriculteurs, l’extension du prêt à taux zéro (PTZ) et le crédit d’impôt collection – pourraient ainsi faire l’objet d’un projet ou d’une proposition de loi qui serait inscrite à l’ordre du jour dès le 13 janvier 2025 en vue de son adoption rapide. L’option est juridiquement possible et politiquement souhaitable, ces mesures ayant été adoptées à la quasi-unanimité dans les deux chambres. J’écrirai en ce sens au premier ministre, à qui la décision revient.
Enfin, comme d’ordinaire, les amendements relatifs aux conditions d’utilisation des titres-restaurant proposaient des dispositions qui n’avaient pas leur place en loi de finances. Ils étaient donc également irrecevables. Je signale qu’une proposition de loi sur la question a été adoptée par notre assemblée et transmise au Sénat, lequel l’a déjà examinée en commission. Lors de la conférence des présidents de mardi dernier, la présidente de l’Assemblée nationale a annoncé qu’elle s’adresserait à son homologue du Sénat pour que le texte soit inscrit le plus rapidement possible à l’ordre du jour du Sénat.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La loi spéciale est très encadrée, puisque l’article 45 de la LOLF concerne seulement l’autorisation de « continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année » sur la base de l’état du droit en 2024.
Sur trente-cinq amendements déposés, seuls neuf ont été déclarés recevables par le président, dont ceux concernant l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu. Cela me paraît contraire à la Constitution. Pourquoi avoir retenu l’actualisation du barème de l’impôt sur le revenu et non celle du barème des droits de mutation à titre gratuit ou celle des seuils de la TVA, qui ne sont pas non plus prévues par la loi ? Si l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu figurait dans la loi, le problème ne se poserait pas, mais elle est traditionnellement décidée chaque année en loi de finances.
L’avis du Conseil d’État confirme cette analyse de bon sens : « La finalité de la loi spéciale […] est de permettre qu’interviennent, en temps utile, c’est-à-dire avant le début de l’exercice budgétaire à venir, les seules mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, dans l’attente de l’adoption de la loi de finances initiale de l’année. » Le problème tient dans l’application de ce principe, tant pour les dépenses que pour les recettes.
En ce qui concerne les dépenses, nous aurons recours aux services votés. C’est au gouvernement d’en apprécier les plafonds. Les ministres ont confirmé, lors de l’audition d’hier, que des décrets seraient pris dans la limite des montants fixés par mission et par programme en 2024 et que toute mesure nouvelle était écartée.
Le débat est permis concernant les recettes. Le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales est limitatif. De ce fait, il est couvert par l’article 1er du texte sur la base de 2024, et aucune mesure nouvelle n’est possible, ni à la hausse ni à la baisse. En revanche, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est évaluatif, puisqu’il s’agit d’un engagement international ; inscrire 22, 23 ou 24 milliards d’euros ne change rien.
M. le président Éric Coquerel. Il arrive que le rapporteur général et moi ne soyons pas d’accord. Les seuils relatifs aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), à la TVA ou à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne sont pas réévalués chaque année de manière systématique, contrairement au barème de l’impôt sur le revenu. Si l’on considère que l’impôt existant renvoie au périmètre des contribuables, l’absence de réévaluation du barème pose un problème qu’il est nécessaire de corriger. C’est la raison pour laquelle j’ai déclaré ces amendements recevables. J’estime être dans l’esprit de la loi organique dont il est, au reste, difficile de tirer une jurisprudence, étant donné que la procédure de la loi spéciale n’a servi qu’une seule fois.
M. David Amiel (EPR). Chacun ici est favorable à l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu. En tout état de cause, la mesure sera votée bien avant le mois de septembre, date à laquelle son absence aurait des conséquences pour les Français. La question est de savoir quel véhicule législatif est le plus adapté : le projet de loi de finances ou le projet de loi spéciale ?
J’ai du mal à comprendre l’argument du président Coquerel concernant la recevabilité des amendements. En effet, le barème de l’impôt sur le revenu n’est pas indexé chaque année sur l’inflation. Dans le projet de loi de finances pour 2025, nous avions voté pour cette mesure, contrairement au groupe La France insoumise – je ne lui en fais pas reproche, car il s’agit d’une position politique ; toutefois, l’épisode démontre que le débat a bien lieu chaque année. Par ailleurs, en 2012 et en 2013, le barème de l’impôt sur le revenu n’avait pas été indexé sur l’inflation. C’est d’ailleurs l’argument qui fonde l’avis du Conseil d’État, dont j’ai du mal à comprendre que vous vous écartiez.
M. le président Éric Coquerel. Je n’ai pas invoqué une automaticité de l’indexation du barème à l’inflation ; j’ai dit que le projet de loi spéciale visait à reconduire l’impôt existant en 2024, or je considère l’impôt sur le revenu sous l’angle du périmètre des contribuables assujettis. La question ne se pose pas pour la taxe foncière, par exemple, pour laquelle les bases font l’objet d’une révision automatique.
« L’impôt existant », c’est celui de 2024, pas de n’importe quelle année. J’estime qu’il est nécessaire d’apporter cette modification pour faire en sorte que le périmètre des contribuables assujettis à l’IR reste identique à celui de 2024. En revanche, la révision périodique se fait différemment pour d’autres impôts.
M. David Amiel (EPR). Dans ce cas, pourquoi le raisonnement ne s’appliquerait-il pas aux crédits d’impôt ?
M. le président Éric Coquerel. Aucun amendement proposant de proroger jusqu’au vote de la loi de finances pour 2025 des crédits d’impôts expirant fin 2024 n’a été déposé en commission. Je n’ai donc pas eu à en juger.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je n’irai pas par quatre chemins, monsieur le président : votre comportement me choque profondément. Nous faisons la loi ; nous pouvons naturellement décider de changer la Constitution ou la LOLF, mais en attendant, nous avons l’impérieuse obligation de respecter ces textes et de nous montrer exemplaires dans ce domaine.
Je suis choqué que vous agissiez comme juge et partie. Vous portez des coups de boutoir à la Constitution, en ne respectant pas son article 40 – certes, ce n’est pas tous les jours, mais vous l’avez déjà outrepassé de manière évidente à deux reprises, sur la proposition de loi relative à EDF et sur la réforme des retraites ; vous recommencez sur ce projet de loi.
Je suis d’autant plus choqué que votre action se limite à cet impôt en particulier. Que penseront les agriculteurs dont le crédit d’impôt pour les exploitations certifiées de Haute Valeur environnementale (HVE) disparaîtra le 1er janvier ? Pourquoi ne pas appliquer la révision à tous les crédits d’impôt ? Cette dissymétrie n’a pas de sens.
Je le répète : il n’y a pas d’autre urgence que votre volonté de faire de la petite politique. Nous n’aurons aucune difficulté à adopter cette mesure, que nous défendons et que le PLF prévoyait, dans le budget que nous examinerons en début d’année prochaine. Il n’y aura aucun problème d’effet ni de rétroactivité puisque le solde de l’impôt sur le revenu est payé en septembre.
En clair, vous violez la Constitution – je pèse mes mots. C’est d’une gravité extrême parce que vous êtes président de la commission des finances. Nous respectons tous cette fonction ; elle revient de droit à un député de l’opposition, mais cela ne peut vous servir de prétexte pour en abuser.
M. le président Éric Coquerel. Jean-René Cazeneuve, votre intervention est à l’image de l’un de vos tweets récents. J’avais noté que vous n’étiez plus rapporteur général, pas encore que vous étiez président du Conseil constitutionnel, j’ai dû rater un épisode – je vous réponds sur le ton avec lequel vous avez engagé cette polémique. Vous vous permettez de juger ce qui serait constitutionnel.
Vous liez ma décision sur la recevabilité à d’autres passées. Toutes celles que j’ai prises étaient fondées sur des arguments de constitutionnalité, que j’ai exposés lors des débats. S’agissant des propositions de loi que vous citez en particulier, l’usage voulait que des textes ainsi gagés soient recevables, au nom de l’initiative parlementaire. Votre avis est différent, cela ne vous donne pas le droit de penser qu’il est définitif.
Vous m’accusez d’être juge et partie. Je ne comprends pas très bien. Comme David Amiel l’a souligné, nous souhaitons tous indexer le barème de l’IR en 2025. L’objectif est de sécuriser le dispositif. Hier, les ministres nous ont indiqué qu’il y aurait un danger si la modification du barème n’était pas adoptée avant la fin du premier trimestre. Nous pourrions donc avoir besoin de la disposition proposée si ce délai était dépassé. Je ne suis pas juge et partie, je n’agis pas ainsi pour soutenir une mesure que vous soutenez également – je ne vous ferai pas l’injure de penser que vous vous opposez à l’indexation du barème. Vous comme moi pensons qu’il ne faut pas inquiéter les Français : la loi de finances sera votée rapidement, ce qui permettra d’appliquer en 2025 le barème qui y figurera. Je me félicite que tout le monde s’accorde là-dessus, puisque cela n’a pas toujours été le cas au cours des débats, certains ayant affirmé que 300 000 personnes de plus seraient assujetties à l’IR. J’en parle en connaissance de cause : plusieurs d’entre nous avons été confrontés à cette information donnée dans les médias.
David Amiel a posé une question précise, j’ai essayé de lui répondre. Je regrette qu’une fois de plus, Jean-René Cazeneuve, vous me contredisiez au titre de je ne sais quelle autorité, sans même expliquer pourquoi les arguments que j’avance ne vous semblent pas recevables. Mais c’est désormais une constante : vous profitez de la moindre occasion pour remettre en question la légitimité du président de la commission des finances. Je suis désolé que nous ayons de tels rapports.
Mme Perrine Goulet (Dem). Je ne reviendrai pas sur le fond. La réindexation n’est pas automatique chaque année : une fois sous la droite, en 2011, et une fois sous la gauche, en 2012, la revalorisation n’a pas eu lieu. Pour moi, elle doit donc être discutée lors de l’examen du projet de loi de finances ; elle n’a pas sa place ici. Vous avancez la notion de périmètre, monsieur le président, mais vous savez très bien que le périmètre de l’IR évolue chaque année, puisque des contribuables en sortent ou y entrent, en fonction de leurs revenus. Par ailleurs, la notion vaudrait également pour les crédits d’impôt, il serait donc problématique de les exclure du dispositif.
Par ailleurs, il n’est pas du tout impératif de procéder dès maintenant à cette revalorisation. Si nous adoptons en janvier ou en février un texte qui la prévoit, il sera applicable au moment du paiement du solde de l’impôt. Nous prendrions donc le risque d’affaiblir la fiabilité juridique du projet de loi pour faire un coup politique, en réaction aux effets de la censure. Le bricolage que vous voulez faire sur les crédits d’impôt le montre bien.
Enfin, avec tout le respect que nous vous devons, monsieur le président, je suis très embêtée, car vous êtes le garant de la bonne application de la LOLF. Or celle-ci est très claire : la loi spéciale autorise le gouvernement à continuer de percevoir les impôts existants. Nous devons donc nous arrêter à l’IR en vigueur, sans y toucher.
Pour conclure, j’aimerais que vous établissiez par écrit votre doctrine de l’application de l’article 40. En effet, depuis plusieurs mois, elle varie en fonction des signataires des amendements et des propositions de loi. Ainsi, nous saurons à quoi nous en tenir et pourrons, par exemple, déposer des amendements relatifs aux crédits d’impôt d’ici à la semaine prochaine.
M. le président Éric Coquerel. Ce que vous dites, madame Goulet, est totalement faux. Donnez-moi une seule preuve que mes décisions sont variables.
Mme Perrine Goulet (Dem). Sur EDF ou sur les retraites, par exemple.
M. le président Éric Coquerel. Absolument pas. Une telle insinuation m’étonne de vous.
Mme Perrine Goulet (Dem). Dans ce cas, précisez votre doctrine par écrit, pour que chacun soit fixé.
M. le président Éric Coquerel. Vous prétendez que la censure aurait provoqué une situation dont nous essayerions de nous sortir.
Mme Perrine Goulet (Dem). Ça saute aux yeux !
M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas du tout le cas. D’ailleurs, l’argument n’est pas fondé : même avant la censure, lorsque nous avons débattu des possibles effets d’une loi spéciale, j’avais dit d’une part qu’un PLF serait voté rapidement et qu’il n’y aurait donc pas d’incidences, d’autre part qu’il faudrait réfléchir à la question du périmètre de l’impôt sur le revenu.
J’ai fait un communiqué de presse pour envisager des problèmes concrets que les ministres ont soulevés, notamment le PTZ et la situation des agriculteurs. J’ai indiqué qu’il existait une voie législative pour adopter les mesures attendues sans attendre un PLF. Je suis stupéfait que vous ne trouviez pas l’idée intéressante, et que vous vous contentiez de qualifier cette proposition de bricolage. Ce type de discussions permet décidément de révéler certaines choses regrettables.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). David Amiel a raison de souligner que la non-indexation du barème n’emportera pas de conséquences dès le mois de janvier. Toutefois, certains ont tenu avant la censure un discours anxiogène qui prétendait le contraire. Nous sommes désormais tous d’accord sur ce point – tant mieux.
En revanche, le PLF pour 2013, sous la présidence de François Hollande, n’a pas été le seul à ne pas prévoir d’indexation du barème au cours des cinquante dernières années. Le cas s’est également présenté sous Sarkozy. Surtout, pour être honnête, il aurait fallu ajouter qu’en 2012, nous avons relevé le montant de la décote, justement pour préserver les contribuables les plus modestes.
Mme Véronique Louwagie (DR). Les députés du groupe Droite républicaine soutiennent, s’il était nécessaire de le rappeler, l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu.
Le rapporteur général l’a précisé : la loi spéciale est très encadrée. L’avis du Conseil d’État est d’ailleurs clair et précis. Le Conseil estime que l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu n’a pas sa place en loi spéciale, puisqu’elle constitue une modification de nature politique, qui affecte les règles de détermination de l’impôt.
Nous devons nous conformer à nos principes institutionnels. Déposer de tels amendements, les déclarer recevables voire les voter porte un coup qui affaiblit nos institutions, en provoquant l’application de dispositions inconstitutionnelles.
Vous avez évoqué, monsieur le président, la révision des valeurs locatives. Elle est automatique parce que nous, députés, avons voulu qu’il en soit ainsi, et l’avons inscrit dans la loi. En revanche, nous avons décidé de ne pas prévoir l’indexation automatique du barème de l’impôt sur le revenu. Au reste, je ne crois pas que des députés aient déposé des amendements en ce sens. Nous avons donc clairement établi cette distinction. Il est particulièrement choquant de contrevenir à notre décision par une disposition anticonstitutionnelle.
Il ne s’agit pas, dites-vous, de parer aux impacts négatifs que la censure aurait finalement sur les Français. Or ces amendements démontrent l’inverse : la censure, qui a conduit à une absence de budget, aura bien des conséquences pour les Français.
Vous proposez d’examiner un texte ad hoc en début d’année parce que vous avez une inquiétude, que je partage, concernant le délai nécessaire pour adopter un nouveau projet de loi de finances. En effet, l’examen d’un PLF et d’un PLFSS prend environ trois mois, ce qui nous mènerait à début avril. Toutefois, présenter un texte en début d’année serait discriminatoire car de nombreux aspects de la vie des Français sont concernés : pourquoi apporter des réponses à certains mais pas à d’autres ?
Enfin, pouvez-vous nous dire si les amendements qui seront éventuellement adoptés seront intégrés dans le texte, comme dans un texte non budgétaire ? S’agissant d’une loi spéciale, je souhaite une réponse claire.
M. le président Éric Coquerel. J’ai fait hier cette proposition pour répondre à des cas très précis – le crédit d’impôt pour congé des agriculteurs et le crédit d’impôt collection – cités par les ministres. Selon eux, le fait d’attendre l’adoption d’une loi de finances pendant plusieurs semaines peut mettre en danger le dispositif. Dès lors qu’une voie juridique existe et que les deux chambres ont déjà donné leur accord, cela peut aller vite. D’autres sujets poseront sans doute le même problème, et je regarderai avec intérêt les propositions en ce sens, par exemple en ce qui concerne les crédits d’impôts.
Je n’ai pas déposé cet amendement parce que je suis gêné par la motion de censure, pas plus que je ne le fais pour mettre en difficulté des collègues ou des groupes qui estimeraient qu’il est anticonstitutionnel et qui, pour cette raison, saisiraient le Conseil constitutionnel. Je pense que cet amendement est recevable car il tient compte du périmètre de l’impôt existant. Je n’ai pas encore entendu d’argument démolissant mon raisonnement.
En Conférence des présidents, tous les groupes – à part le Modem – n’étaient pas exactement sur la position qui est en train d’être défendue, selon laquelle ce serait une façon de se désolidariser de la motion de censure. Chacun a certes le droit de réfléchir. J’espère juste que cela n’est pas dû au fait qu’ils veulent à tout prix démontrer que la motion de censure nous gêne aux entournures.
Il a été clairement indiqué hier par les ministres qu’en cas de recours devant le Conseil constitutionnel, seule l’indexation proposée par amendement pourrait être annulée, sans que cela mette en danger l’intégralité du texte. Cela permettrait en outre d’établir une jurisprudence sur cette question.
Enfin, s’agissant d’un projet qui entre dans la catégorie des projets de loi de finances, les amendements adoptés par la commission sont redéposés en séance au nom de celle-ci et c’est le texte du gouvernement qui vient en discussion.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). J’ai l’impression que la panique s’empare de nos collègues macronistes qui, ayant du mal à accepter le fait d’avoir été censurés, décident de brutaliser nos institutions tous azimuts (Exclamations). Gardez votre calme, chers collègues. Nous pouvons avoir des débats sereins, sans que vous vous en preniez au président de la commission.
Vous nous expliquez qu’il n’y a finalement pas de problème pour indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation alors que, le 4 décembre, Laurent Saint-Martin, ministre du budget, affirmait qu’en cas de vote de la censure, 18 millions de Français verraient leur impôt augmenter et que 400 000 d’entre eux entreraient dans l’impôt. Nous prenons donc acte de ce revirement mais reconnaissez que vous avez indûment agité des peurs.
La comparaison entre l’impôt sur le revenu et les crédits d’impôts n’est pas pertinente. Quand le législateur décide que tel crédit d’impôt doit prendre fin à telle date, il est normal que sa prorogation ne soit pas automatique. On peut comprendre que l’on décide de le proroger dans un nouveau projet de loi de finances, mais il est impensable de le faire dans un projet de loi spéciale, parce qu’on ne peut pas revenir sur la volonté du législateur dans un tel texte.
La situation est différente pour l’impôt sur le revenu. Il s’agit de faire en sorte qu’il soit prélevé dans les mêmes conditions et selon le même périmètre que l’année dernière. Il serait dès lors invraisemblable que des personnes qui n’étaient pas assujetties l’année dernière se retrouvent dans l’obligation de payer l’impôt sur le revenu cette année. Nous pouvons débattre de cette question mais ne prétendez pas que cet amendement est objectivement anticonstitutionnel, car c’est faux.
M. Tristan Lahais (EcoS). Le groupe Écologiste et social votera pour le projet de loi spéciale. Il s’agit d’un texte technique qui permet de financer l’activité des services publics. Cela étant, il ne se substitue pas au projet de loi de finances. Il sera nécessaire d’en adopter un le plus vite possible, au besoin en réduisant un peu son périmètre, avec l’engagement d’en débattre ultérieurement dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR).
Nous regrettons que le pouvoir élyséen procrastine à nouveau dans la nomination d’un premier ministre, nous empêchant ainsi de nous mettre très rapidement au travail. Nous avions pu constater, l’été dernier, combien cette lenteur avait retardé l’Assemblée nationale dans l’examen du projet de loi de finances. Il est bien normal qu’on puisse vous répondre quand vous agitez les peurs sur la question de l’impôt sur le revenu car nous souhaitons rassurer les Français sur cette question.
On peut avoir une interprétation différente de la vôtre s’agissant de la reconduction des impôts existants. La notion de valeur réelle, parfaitement admise en finances publiques, oppose les euros courants aux euros constants. Il est scientifiquement établi que pour déterminer une valeur réelle, il faut tenir compte de l’inflation. La reproduction des impôts exige donc leur indexation sur la valeur réelle, c’est-à-dire sur l’inflation.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Sans esprit polémique, on peut légitimement penser que le barème de l’impôt sur le revenu sera indexé l’an prochain car il existe un consensus sur ce point. Mais ma question est juridique : si quelqu’un dépose une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant l’inflation retenue pour indexer le barème de l’impôt sur le revenu et que le Conseil censure cette disposition, ne fait-on pas courir un risque juridique majeur à nos concitoyens ?
Par ailleurs, le périmètre de l’impôt sur le revenu évolue : chaque année, certaines personnes y entrent tandis que d’autres en sortent. Personne ne peut croire que le nombre de contribuables sera identique d’une année sur l’autre. De plus, on pourrait vous objecter que nous n’indexons pas les seuils d’éligibilité au taux réduit de l’impôt sur les sociétés. Votre amendement ne peut donc qu’inquiéter les Français.
M. le président Éric Coquerel. Je veux vous rassurer concernant les QPC : celles-ci ne concernent que les atteintes aux droits et aux libertés. Cela ne s’applique donc pas à la procédure des lois de finances, qui ne peut connaître qu’un contrôle a priori.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Il y a des QPC en matière fiscale. Si le taux de l’inflation est contesté par un contribuable, que ferons-nous ?
M. le président Éric Coquerel. La procédure budgétaire parlementaire ne peut être invoquée pour plaider une atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Un quart des QPC sont de nature fiscale.
M. le président Éric Coquerel. Oui, mais elles portent sur le fond ; la question qui nous occupe, relative à la place de la disposition dans le projet de loi spéciale, n’est pas comparable.
M. Thomas Cazenave (EPR). Votre argument principal, monsieur le président, repose sur un concept, ou plutôt sur une astuce : celle du périmètre. Or, par définition, un impôt, c’est un taux et une base – et non un périmètre. L’amendement que vous avez déposé tend à modifier la base de l’impôt sur le revenu. Il me semble pourtant que l’avis du Conseil d’État est très clair : il n’est possible dans ce projet de loi spéciale que d’autoriser à continuer à percevoir les impôts existants. Je le répète, votre amendement tend à modifier la base de l’impôt sur le revenu, donc à le modifier.
Je pense d’ailleurs que c’est parce que vous avez tout à fait conscience de la fragilité de votre raisonnement que vous introduisez ce concept de périmètre, qui n’en est pas un. À cet égard, Mathieu Lefèvre a opportunément montré que ce raisonnement ne tenait de toute façon pas, étant donné que, chaque année, des personnes entrent dans l’impôt ou en sortent.
En clair, en modifiant la base de cet impôt, votre amendement contrevient à l’article 45 de la LOLF, et donc à la Constitution. Les libertés que vous prenez créent, selon moi, un précédent dangereux en matière de recevabilité des amendements.
M. le président Éric Coquerel. Nous ne sommes pas d’accord, mais au moins nous parlons du fond. Je poursuivrai le débat avec vous.
Mme Félicie Gérard (HOR). Le groupe Horizons & indépendants est évidemment favorable à l’indexation du barème de l’IR sur l’inflation et nous n’avons eu de cesse de dénoncer le fait que la censure allait empêcher cette mesure. Cependant, mardi, le Conseil d’État a précisé qu’amender un projet de loi spéciale était inconstitutionnel, un tel texte ne devant comprendre d’autres mesures que celles nécessaires, de manière urgente, au fonctionnement de l’État. Étant donné que nous ne voulons pas agir de manière inconstitutionnelle, nous souhaitons avoir l’avis de la présidente de l’Assemblée nationale avant de nous prononcer sur cet amendement et les autres qui ont été déposés. Dans cette attente, nous nous abstiendrons.
M. le président Éric Coquerel. La présidente de l’Assemblée donnera son avis sur la recevabilité des amendements qui seront déposés en vue de la séance, je répondrai avec précision à M. Cazenave par écrit et, d’une manière générale, soyez assurés que je prends vos arguments au sérieux et que vous pouvez m’interpeller d’ici à l’examen du texte en séance.
M. Philippe Brun (SOC). Ce qui est en train de passer est assez étrange. Nous l’avons dit, il y avait un autre choix possible que celui de la loi spéciale, qui ne nous semble pas pertinent. En effet, l’article 45 de la LOLF prévoit deux procédures. Celle de la loi spéciale est la seconde ; la première, qui aurait tout à fait pu être utilisée, était l’adoption de la première partie du projet de loi de finances. Il fallait que la demande en soit faite avant le 11 décembre, nous sommes le 12, mais c’eût été beaucoup plus sage. Et je précise qu’un gouvernement démissionnaire en avait bien la possibilité, comme en atteste une note du secrétariat général du gouvernement.
Si nous avions fait ce choix, nous n’aurions pas tous les problèmes que nous avons. Il ne nous manquerait pas 10 milliards d’euros de recettes exceptionnelles et le problème de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu ne se serait pas non plus posé. J’y insiste, le choix de recourir à une loi spéciale a été fait de manière unilatérale et il est source de grandes difficultés, relatives aux fameux crédits d’impôt dont nous avons parlé hier, à ces recettes exceptionnelles dont nous avons besoin, à certains secteurs, comme le secteur agricole, ou encore aux cercles de jeux, qui devront fermer le 1er janvier.
Comment faire pour nous en sortir ? L’amendement visant à indexer le barème de l’impôt sur le revenu ne nous semble pas poser de problème. En effet, il est évident qu’il n’y aura pas soixante députés ou sénateurs pour saisir le Conseil constitutionnel de la question de sa conformité avec la Constitution. De plus, pour des raisons de procédure, aucune QPC ne sera probablement reçue. En effet, un contribuable qui voudrait contester cette disposition par ce biais devrait le faire dans des délais très courts, entre le 1er janvier et la promulgation du PLF pour 2025, ce qui devrait avoir lieu fin janvier ou début février. Les dispositions étant régularisées ex post, il y a donc peu de chances que cela se produise. Et quand bien même ce serait le cas, les QPC ne peuvent concerner que les droits et libertés que la Constitution garantit. On ne peut ainsi demander par une QPC l’annulation d’une disposition fiscale au motif qu’elle ne respecterait pas l’article 40 de la Constitution ou une autre exigence procédurale. L’amendement du président Coquerel ne pose donc, selon nous, aucun risque constitutionnel. Je ne vois d’ailleurs même pas quel motif d’inconstitutionnalité pourrait être invoqué, dans la mesure où la loi organique n’interdit pas d’amender un projet de loi spéciale.
Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte les yeux ouverts, et en demandant au futur gouvernement et à notre commission de trouver des solutions pour qu’il n’ait pas à s’appliquer. L’article 47 de la Constitution permet également d’adopter le budget par ordonnances : il faudrait voir, le cas échéant, quelles mesures pourraient être reprises pour assurer la continuité de l’État. Et il est aussi possible, comme le suggère le président Coquerel, de prendre des mesures de continuité grâce à des propositions de loi ciblées, sur lesquelles le Conseil d’État n’aurait pas à rendre un avis et qui pourraient être adoptées dès la rentrée parlementaire en janvier.
Voilà ce qui doit, selon moi, nous mobiliser : assurer la continuité de nos services publics, de notre économie et du prélèvement de l’impôt.
M. Daniel Labaronne (EPR). Dans son avis, le Conseil d’État indique que l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu et la reconduction des crédits d’impôt dont la loi avait prévu l’extinction au 31 décembre 2024 « ne sont pas au nombre des dispositions ayant leur place en loi spéciale ». Pouvez-vous donc nous expliquer, monsieur le président, pourquoi votre amendement relatif à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu a été jugé recevable, contrairement au CF18 de M. Ciotti, relatif au crédit d’impôt pour congé des agriculteurs, et plus particulièrement des éleveurs ? Comment expliquer cette différence de traitement alors que les deux dispositions ont été considérées de la même façon par le Conseil d’État ?
M. le président Éric Coquerel. Cet amendement visait non seulement à proroger le crédit d’impôt, mais aussi à en changer les règles.
M. Daniel Labaronne (EPR). Ce n’est pas vrai : cet amendement vise simplement à le proroger. Voici ses termes : « À la première phrase du premier alinéa du I [de l’article 200 undecies du code général des impôts], les mots “entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2024” sont supprimés. » Et plus loin, l’échéance de 2024 est remplacée par celle de 2028.
M. le président Éric Coquerel. J’ai l’amendement sous les yeux et je confirme que l’amendement tend non seulement à proroger le crédit d’impôt, mais à changer les règles du dispositif en allongeant la durée du congé.
Mme Perrine Goulet (Dem). L’amendement CF21 vise seulement à modifier l’échéance d’un avantage fiscal.
M. le président Éric Coquerel. Premièrement, et cela n’a rien à avoir avec le fait que M. Ciotti est l’auteur des amendements auxquels vous faites référence, si vous souhaitez contester ma position sur la recevabilité d’un amendement que vous avez déposé, il n’y a aucun problème pour m’interpeller d’ici à l’examen du texte en séance ; j’y suis toujours ouvert.
Deuxièmement, je maintiens que l’amendement CF18 vise non seulement à proroger le dispositif, mais aussi à en changer les caractéristiques.
M. Jean-Didier Berger (DR). Sans vous faire de procès d’intention, monsieur le président, je souhaite comprendre votre logique. Si, comme vous le dites, la censure n’emporte pas de conséquences, pourquoi vouloir apporter des correctifs ? Et s’il n’y a pas d’urgence à intervenir sur la question de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, pourquoi le faire dès aujourd’hui ?
Par ailleurs, connaissez-vous avec certitude la date à laquelle le PLF pour 2025 sera voté et savez-vous exactement ce qu’il contiendra ? J’ai regardé ce que les signataires des amendements visant à indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu ont voté lorsque cette disposition, qui figure à l’article 2 du PLF pour 2025, a été discutée. Or aucun membre des groupes LFI-NFP – certains ayant même voté contre –, ÉcoS et GDR ne l’ont soutenue. Comment pouvez-vous donc garantir que cette mesure sera approuvée ultérieurement alors que vous l’avez rejetée il y a quelques jours ?
Toujours sur le fond, quelle est votre définition du « périmètre » ? Nous avons esquissé une réponse, mais est-ce pour vous une liste, ou un nombre, de contribuables ? Si je suis votre raisonnement, est-ce que, au fond, voter l’impôt dans les mêmes conditions ne nécessiterait pas plutôt de maintenir le même produit, les mêmes exceptions et les mêmes niches ?
Tout cela démontre que, comme quand il s’agit de modifier la Constitution, nous ne devrions toucher à cette loi spéciale que d’une main tremblante.
M. le président Éric Coquerel. C’est votre interprétation. Je vais vous répondre, comme vous m’y invitez, sur le fond et non sur la recevabilité des amendements. Dans tous les médias, en commission et en séance, j’ai toujours répété que la censure et la loi spéciale ne mettaient pas en danger plus de 300 000 contribuables – affirmation qui a été répétée à l’envi, y compris par le ministre chargé des comptes publics. En effet, la loi spéciale est destinée à assurer la transition vers l’adoption du projet de loi de finances et non à être pérennisée pour l’année 2025 dans son ensemble. Sa fonction de transition est d’ailleurs explicitée dans l’exposé des motifs du texte. C’est pourquoi j’ai toujours pensé et affirmé que ceux qui faisaient peur aux gens avec cela avaient tort.
Par ailleurs, notons que la seule fois où une loi spéciale a été déposée, nous ne sommes pas allés au bout de la réflexion sur ce qu’un tel texte autorise sur le plan constitutionnel. Il me semble donc intéressant de clarifier la jurisprudence en la matière – sous le contrôle de la présidente de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel.
Hier, les ministres que nous avons auditionnés ont indiqué que le PLF devrait être adopté au cours du premier trimestre 2025. Je pense que ce sera le cas, quoique cela dépende des débats politiques, mais il est aussi possible que nous nous retrouvions un jour sans budget à cette échéance. Face à cette éventualité, je répète qu’il me semble intéressant de clarifier la jurisprudence, car j’estime que la notion d’« impôts existants » requiert que nos concitoyens soient touchés par l’impôt exactement de la même manière que l’année précédente. Si des contribuables qui ne payaient pas l’impôt sur le revenu se retrouvent à le payer, cela voudra dire qu’il ne peut être considéré comme l’impôt existant.
Voilà le cheminement de ma pensée et ma réponse à vos questions – sachant que vous pouvez ne pas être d’accord avec moi.
Quant à ne toucher à la loi spéciale que d’une main tremblante, vous conviendrez que nous n’avons fait que peu d’usage de cette procédure jusqu’à présent. Dès lors qu’une interprétation est possible, ce qui me semble le cas – même si je reconnais que ma position peut être contredite –, j’estime que le jeu en vaut la chandelle. Si je suis démenti par la présidente de l’Assemblée nationale ou par le Conseil constitutionnel à la suite d’un recours de certains d’entre vous, au moins aurons-nous clarifié les choses et cela ne me posera pas de problème particulier.
M. Matthias Renault (RN). On ne peut pas qualifier les amendements d’anticonstitutionnels dès lors que la question n’a pas été tranchée par la jurisprudence. Chacun peut donc avancer ses arguments ; quant à nous, nous considérons, d’une part, que ces amendements visent à maintenir le périmètre fiscal, d’autre part, que l’indexation annuelle du barème de l’impôt sur le revenu est une norme quasi constante sous la Ve République. En tout état de cause, c’est au Conseil constitutionnel de trancher : que ceux qui contestent la constitutionnalité des amendements le saisissent.
D’aucuns jugent scandaleuse la décision du président de la commission des finances. Mais elle s’inscrit dans la continuité de celle qui a été prise en 1979 par le président de la commission des finances et le président de l’Assemblée nationale d’alors, qui avaient déclaré recevables des amendements analogues.
En fait, vous êtes politiquement ennuyés, car si ces amendements étaient adoptés, vous ne pourriez pas faire de la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu un argument en faveur de l’adoption du prochain projet de loi de finances.
Enfin, ce qui est choquant, ce n’est pas que ces amendements aient été déclarés recevables, c’est que vous ayez dit sur tous les plateaux de télévision que 18 millions de Français verraient leur impôt augmenter.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). C’est vrai !
M. Matthias Renault (RN). Non, puisque vous reconnaissez par ailleurs que, dans tous les cas, la situation sera sécurisée avant le 1er avril. Cessez donc de dire tout et son contraire.
Quant aux mesures concernant les agriculteurs ou la prolongation au-delà du 31 décembre de l’expérimentation des clubs de jeux, elles pourraient faire l’objet d’un projet de loi ou d’une proposition de loi transpartisane que nous pourrions adopter d’ici à la fin de l’année, à condition, bien entendu, qu’un gouvernement ait été nommé.
M. Erwan Balanant (Dem). Nos débats me paraissent lunaires et inutiles. Soyons simples, et sécurisons notre démarche. La LOLF nous permet, grâce au projet de loi spéciale, de faire la soudure avec le prochain projet de loi de finances, donc de prélever l’impôt et d’assurer la continuité des politiques publiques d’ici à son adoption.
Il est vrai que le risque que représenterait une QPC n’est pas évident, car la jurisprudence est assez précise en matière fiscale. Mais pourquoi avoir un tel débat alors que tout le monde semble s’accorder sur la nécessité de revoir le barème de l’impôt sur le revenu pour 2025 ? Nous perdons du temps ! Pourquoi instiller le doute dans les esprits alors que le consensus existe ?
Monsieur le président, je ne comprends pas l’intérêt politique de votre démarche. Pourquoi ces mesures dilatoires ? Réglons plutôt la question lors du prochain projet de loi de finances, dans le cadre d’une discussion sereine et sérieuse.
M. le président Éric Coquerel. Premièrement, si je propose cette mesure, c’est parce qu’elle me paraît juste et nécessaire, et non pas, comme ce que pensent certains membres du bloc central, pour atténuer les effets de la motion de censure : je l’assume totalement. Et j’affirme – je suis ravi, du reste, que presque tous les membres du bloc central le reconnaissent – qu’il n’y a pas de risque pour la suite.
M. Erwan Balanant (Dem). Il y en aurait si votre amendement était adopté !
M. le président Éric Coquerel. Deuxièmement, ce n’est pas de ma faute si ma proposition a suscité un aussi long débat – ce n’était pas mon souhait.
Troisièmement, si le Conseil constitutionnel – et je ne ferai à personne le reproche de le saisir – jugeait que cette mesure n’est pas conforme à la Constitution,…
M. Erwan Balanant (Dem). Quelle perte de temps !
M. le président Éric Coquerel. …sa décision n’empêcherait pas l’application des autres dispositions de la loi spéciale. Enfin, vous avez très bien dit ce qu’il en était d’une éventuelle QPC.
Il est tout de même paradoxal que nous ayons un débat aussi vigoureux alors que nous approuvons tous le projet de loi spéciale.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je souhaite obtenir une précision, en vue de la séance publique : confirmez-vous que les amendements relatifs aux crédits d’impôt qui ne viseraient à modifier que la date sont recevables ?
M. le président Éric Coquerel. Je les examinerai selon la même logique…
M. Daniel Labaronne (EPR). Selon quels principes et quelle doctrine ?
Mme Perrine Goulet (Dem). Il faut réunir le bureau !
M. le président Éric Coquerel. J’ai compris que, derrière cette question, il y a un travail de déstabilisation, et je trouve les insinuations de certains politiquement très blessantes.
Monsieur Labaronne, je n’ai accepté que les amendements qui prévoyaient explicitement une application jusqu’au vote de la loi de finances. C’est ainsi que certains des amendements relatifs à la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu, dont celui déposé par M. Jean-Philippe Tanguy, ont été déclarés irrecevables, car ils ne comportaient pas cette précision.
En ce qui concerne les crédits d’impôt, soit les amendements déposés ne prévoyaient pas leur application jusqu’au vote de la loi de finances, soit ils en modifiaient les paramètres.
M. Erwan Balanant (Dem). Les paramètres ou le périmètre ?
M. le président Éric Coquerel. Ils modifiaient les règles existantes pour ces crédits d’impôt. Et pour l’amendement CF21, il prévoyait la reconduction du crédit d’impôt jusqu’à la fin 2025, et non jusqu’à l’adoption de loi de finances. Je l’ai donc déclaré irrecevable, en application du principe que je viens de vous exposer.
Si certains amendements doivent être examinés à la lumière de ce principe d’ici à la séance publique, je les examinerai.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Lors de la Conférence des présidents, les onze groupes se sont déclarés favorables au projet de loi spéciale. Tout le monde s’accorde également sur l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu telle qu’elle figurait dans le projet de loi de finances.
Si je maintiens qu’il ne faut pas adopter un amendement d’indexation dans le cadre du projet de loi spéciale, c’est parce qu’un tel amendement serait anticonstitutionnel. L’argument du périmètre constant, développé par notre président, n’est pas défendable, pour deux raisons. Premièrement, la situation de chaque individu évolue. Deuxièmement, une partie des crédits et des réductions d’impôt est limitée dans le temps, jusqu’au 31 décembre 2024 ; ils ne pourront donc pas être appliqués rétroactivement puisqu’ils auront disparu. La sagesse commande donc d’attendre le prochain projet de loi de finances et, pour ce qui est des dispositions urgentes, d’adopter un projet de loi portant diverses dispositions d’ordre financier (DDOF). – ce qui peut être fait très rapidement.
J’appelle votre attention sur le fait que, selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, les crédits et les réductions d’impôts ne pourront pas être appliqués pour la période comprise entre le 1er janvier et l’adoption du projet de loi de finances – disons fin mars. En effet, il s’agit de mesures incitatives : on ne peut pas donner un tel avantage fiscal pour des faits passés.
Pour ces différentes raisons, je vous demande d’être raisonnables : cessons de nous déchirer puisque nous sommes tous d’accord, et attendons un projet de DDOF ou la prochaine loi de finances.
Article 1er : Autorisation de percevoir les impôts existants
Amendement CF10 de M. Nicolas Metzdorf
M. Nicolas Metzdorf (EPR). D’une main tremblante, j’ai déposé cet amendement rédactionnel d’appel pour vous alerter sur la situation délicate dans laquelle se trouve la Nouvelle-Calédonie. La censure du gouvernement nous place dans une position difficile car nous attendions avec impatience l’adoption du projet de loi de finances pour 2025, qui devait contribuer non seulement à redresser nos institutions mais aussi à venir en aide aux entreprises et aux salariés touchés par les émeutes du 13 mai. Nous ne pouvons hélas pas adopter d’amendements spécifiques pour la Nouvelle-Calédonie dans la loi spéciale. Les ministres auditionnés hier ont ouvert des pistes dans le cadre de son exécution, mais les sommes envisagées ne correspondent pas aux attentes locales.
Je compte donc sur un soutien massif des parlementaires lorsque nous examinerons le projet de loi de finances. Je le précise, car j’ai été étonné que la gauche s’oppose au projet de loi de finances de fin de gestion, qui comportait des crédits grâce auxquels nous pourrons tenir jusqu’à la fin de l’année. Je ne voudrais pas qu’un tel vote se renouvelle, car la Nouvelle-Calédonie a besoin d’une union nationale.
Je retire, bien entendu, l’amendement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’allais vous le proposer, non seulement parce qu’il n’a pas de portée mais aussi pour une raison d’ordre rédactionnel. En effet, pour qu’une loi de finances puisse être qualifiée d’initiale, elle doit avoir été suivie d’une loi de finances rectificative ou d’une loi de finances de fin de gestion.
M. le président Éric Coquerel. J’ai proposé, dans mon communiqué de presse, que, pour répondre à ce type de demandes, on examine en urgence, à partir du 13 janvier, des projets de loi ad hoc. Malheureusement, il n’est pas possible d’étendre une telle proposition à la Nouvelle-Calédonie, car cela nécessiterait l’ouverture de crédits, ce qui doit passer par un projet de loi de finances.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous avons voté, à la quasi-unanimité, des crédits de 1,1 milliard d’euros dans la loi de finances de fin de gestion. Toutefois, cela ne règle le problème que jusqu’au 31 décembre. L’idée de recourir à un texte portant diverses dispositions d’ordre financier est l’une des voies possibles. Sous la IVe République, la loi de finances pour 1953 avait été votée le 7 février, et la loi de finances pour 1955 au mois de mai. Je pense que nous avons une chance d’y arriver d’ici à la fin du premier trimestre.
M. Nicolas Metzdorf (EPR). Le projet de loi de finances de fin de gestion n’a pas été voté à l’unanimité, ce que je regrette, alors qu’il concernait en grande partie la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, sur le milliard d’euros qui a été budgété en faveur de la Nouvelle-Calédonie, seuls 230 millions iront directement à ses institutions et à ses entreprises, le reliquat servant à financer les forces de l’ordre. Ces crédits ne nous permettront donc pas de tenir jusqu’en mars ou en avril, contrairement à ce que certains ont dit.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article additionnel après l’article 1er : Revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu
Amendements identiques CF27 de M. Éric Coquerel, CF25 de M. Aurélien Le Coq, CF26 de Mme Eva Sas et CF28 de M. Philippe Brun
M. le président Éric Coquerel. Avant que nous en venions à la présentation de ces amendements, M. Tanguy a demandé la parole.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je demande, sur le fondement de l’article 44 du règlement, un vote par scrutin sur l’amendement CF27. Je suis très choqué par l’ambiance qui règne au sein de notre commission. S’il y a bien quelqu’un ici qui pourrait faire le mauvais joueur et empêcher le président d’exercer ses fonctions, c’est moi, car j’aurais pu les exercer moi-même. Mais je respecte les personnes, les scrutins et la démocratie. Je vous rappelle qu’Éric Coquerel a été élu et réélu. Je n’ai jamais vu, dans quelque commission que ce soit, les macronistes mettre en cause un président de commission comme ils l’ont fait ici, d’autant plus depuis que vous êtes ultraminoritaires. Au fond, les institutions ne vous conviennent que lorsque vous en exercez le contrôle, directement ou, indirectement, par le biais de pantins.
M. le président Éric Coquerel. J’ai reçu la demande de scrutin de M. Tanguy sur l’amendement CF27, formulée en application du deuxième alinéa de l’article 44 du règlement. M. Tanguy ayant reçu la délégation d’un député souffrant, huit députés en sont signataires, ce qui représente plus d’un dixième des membres de la commission. J’essaie d’éviter qu’on ouvre la boîte de Pandore des scrutins mais M. Tanguy a maintenu sa demande, malgré mes tentatives pour l’en dissuader. Nous procéderons donc à un vote par appel nominal.
Venons-en aux amendements. Je propose de considérer que la longue discussion préalable que nous avons eue aura également servi à les présenter. Votre avis, monsieur le rapporteur général ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à la disposition proposée sur le fond, mais pas dans ce texte. Elle pourrait trouver sa place soit dans un projet de DDOF, soit dans la prochaine loi de finances. Si nous votions cet amendement aujourd’hui, je maintiens que cela créerait un problème, à tout le moins pour les crédits et réductions d’impôt. On peut ne pas être toujours d’accord avec le Conseil d’État, mais je vous mets en garde sur l’aspect constitutionnel. Les parlementaires n’ont pas le monopole de la saisine du Conseil constitutionnel : cette prérogative est partagée avec le président de la République, le premier ministre et les présidents des assemblées. Il ne serait pas raisonnable de voter aujourd’hui cette disposition, alors que nous pourrions l’adopter ultérieurement de manière consensuelle. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Depuis quelque temps, on a pris l’habitude de considérer qu’on ne peut pas adopter un texte lorsqu’il existe un risque d’inconstitutionnalité. En l’occurrence, le seul risque serait que le Conseil constitutionnel censure ce dispositif précis, mais pas le texte dans son ensemble. Nous ne devons pas systématiquement chercher à anticiper la décision que pourrait prendre le juge constitutionnel, selon qu’on privilégie telle ou telle interprétation. C’est le rôle de cette juridiction que de se livrer à cette interprétation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’ai simplement dit que cet article additionnel risquait d’être annulé.
M. le président Éric Coquerel. Vous avez parlé de risque.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Oui, c’est un risque constitutionnel, mais qui ne s’étend pas à la loi dans son ensemble.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). L’article additionnel que vous proposez est-il identique à celui qui figurait dans le projet de loi de finances ? En particulier, appliquez-vous le même taux d’inflation ? Les modalités de prélèvement à la source sont-elles exactement les mêmes ? Qu’en est-il de la décote de l’impôt sur le revenu ? Revalorisez-vous les seuils qui ouvrent droit au quotient familial ?
M. le président Éric Coquerel. C’est un copié-collé du dispositif qui avait été présenté en projet de loi de finances. La seule différence tient au fait de préciser que cette disposition s’applique jusqu’à l’adoption de la loi de finances, conformément à l’objet temporaire de ce projet de loi spéciale.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Si cet amendement était adopté et que le Conseil constitutionnel ne le jugeait pas conforme, demanderait-on aux Français qui ont échappé à l’impôt de le payer ? Quelles seraient les conséquences concrètes de la censure par le juge constitutionnel ? En voulant se faire plaisir, on crée une insécurité juridique, qui me semble malsaine, sur l’application de cette mesure. Aux termes de l’article 45 de la LOLF, je le rappelle, nous ne faisons qu’autoriser l’État à continuer à percevoir les impôts, pas plus.
M. le président Éric Coquerel. Si le Conseil constitutionnel censurait cette disposition, nous pourrions néanmoins adopter en loi de finances une disposition équivalente. Nous sommes tous d’accord pour considérer qu’elle devra s’appliquer en avril.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Ce n’est pas tout à fait un copié-collé puisque vous indiquez que le barème s’applique aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier, jusqu’à l’entrée en vigueur de la prochaine loi de finances. C’est de nature à créer une certaine incertitude juridique pour le contribuable, car le barème est susceptible d’être remis en cause par la loi de finances. La prochaine loi de finances – si tant est qu’elle soit adoptée par notre assemblée – devra-t-elle prévoir un nouveau barème de l’impôt sur le revenu ou reprendre celui-ci ? C’est une question juridique.
M. le président Éric Coquerel. La loi de finances le confirmera ou non : c’est la logique même de ce projet de loi spéciale et c’est pourquoi j’ai déclaré irrecevables les amendements n’indiquant pas qu’ils s’appliqueraient jusqu’à la prochaine loi de finances.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Quel est l’intérêt de cette disposition, en ce cas ?
M. le président Éric Coquerel. Nous espérons tous que la loi de finances sera adoptée rapidement, mais nous n’en avons pas la certitude. En votant cette disposition, nous aurons l’assurance que l’impôt prélevé jusque-là sera bien l’impôt correspondant à un barème revalorisé. En outre, cela garantit que le législateur de la loi de finances n’aura pas les mains liées.
Mme Eva Sas (EcoS). Je ne comprends vraiment pas la polémique qui est alimentée par le groupe Ensemble pour la République depuis une heure et demie. Vous lancez une controverse sur un amendement qui, au pire, est inutile et, au mieux, sécurisera nos concitoyens et dégonflera une polémique à laquelle vous avez entendu donner de l’ampleur avant la motion de censure. Le vote de cet amendement rassurerait tous nos concitoyens. Il montrerait que l’ensemble des forces politiques souhaitent indexer le barème de l’impôt sur le revenu. Cessez de polémiquer inutilement et de faire traîner les débats : ce n’est pas responsable vis-à-vis des citoyens qui nous écoutent.
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous sommes favorables à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu mais il nous paraît irresponsable d’intégrer cette mesure à la loi spéciale compte tenu du risque constitutionnel et de l’insécurité juridique que cela entraînerait – le rapporteur général l’a clairement indiqué.
Depuis la tenue de la Conférence des présidents, un fait important est intervenu : la publication de l’avis du Conseil d’État. Madame Sas, c’est vous qui créez une polémique sur cet avis, qui engendrez le trouble et de l’insécurité juridique, alors que le Conseil d’État a adopté une position claire. Chers collègues du groupe Écologiste et social, vous n’avez pas voté, rappelons-le, en faveur de l’article 2 du PLF en séance publique, qui prévoyait l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui rend la situation assez cocasse.
M. le président Éric Coquerel. Certes, l’avis du Conseil d’État constitue un élément nouveau. Toutefois, lors de la Conférence des présidents, aucun président de groupe – à l’exception de M. Mattei, pour le Modem, qui a exprimé des réserves – n’a estimé que la mesure proposée aurait pour objet, en quelque sorte, d’excuser la motion de censure. Or, c’est un argument que plusieurs d’entre vous ont employé depuis le début de la réunion.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme je l’ai dit hier, nous soutenons cet amendement. Du reste, alors que le président de la commission a déclaré irrecevable un de mes amendements – j’en ai compris la raison –, je ne me suis pas roulé par terre, je n’ai pas non plus crié au scandale. D’un côté, il y a des personnes qui respectent la commission et le Parlement ; de l’autre, il y en a qui veulent toujours avoir raison même lorsqu’elles ont tort et même lorsque les Français leur ont donné tort.
Votre vision du Conseil d’État atteste de votre mauvaise foi. Le Conseil d’État a une double nature : dans le cadre du soutien juridique et légistique qu’il apporte au gouvernement, il rend un avis ; lorsqu’il agit comme une juridiction, il rend une décision de justice. Hier, le Conseil d’État a rendu un avis. Vous jouez sur cette double nature en faisant croire – comme vous l’avez fait ce matin sur un média qui vous est souvent favorable – que nous contesterions une décision de justice, alors que nous ne faisons que donner un avis sur un avis. Si cela ne vous dérange pas de vous soumettre à des personnes qui ne sont pas élues, sachez que, pour ma part, je ne me soumettrai jamais à une autorité non élue.
M. le président Éric Coquerel. Nous passons donc au vote par appel nominal des membres de la commission.
Votent pour :
M. Rodrigo Arenas, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Élie Califer, M. Eddy Casterman, Mme Gabrielle Cathala, M. Éric Coquerel, M. Emmanuel Grégoire, M. Tristan Lahais, M. Aurélien Le Coq, M. Jérôme Legavre, Mme Claire Marais-Beuil, Mme Yaël Ménaché, M. Jacques Oberti, Mme Julie Ozenne, Mme Christine Pirès Beaune, M. Matthias Renault, M. Aurélien Rousseau, M. Alexandre Sabatou, Mme Isabelle Santiago, Mme Eva Sas, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Jean-Philippe Tanguy
Votent contre :
M. Charles de Courson, M. Daniel Labaronne
S’abstiennent :
M. David Amiel, M. Erwan Balanant, M. Jean-Didier Berger, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Benjamin Dirx, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, Mme Constance Le Grip, M. Mathieu Lefèvre, Mme Véronique Louwagie, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Emmanuel Maurel, M. Nicolas Metzdorf, M. Nicolas Ray, M. Charles Rodwell
Le résultat du scrutin est donc le suivant :
Nombre de votants : 46
Pour : 25
Contre : 2
Abstention : 19
La commission adopte les amendements identiques.
Après l’article 1er
Amendement CF31 de M. Philippe Brun
M. Charles de Courson, rapporteur général. Lors de l’examen du PLF pour 2025, nous avons longuement débattu du montant du PSR-UE. Selon l’analyse du Conseil d’État, l’autorisation de percevoir les ressources emporte reconduction des prélèvements sur recettes. Si le Conseil d’État se trompait sur ce point, le PSR-UE n'en trouverait pas moins son fondement dans les engagements internationaux de la France. Nous ne saurions donc nous dérober à notre obligation au motif que le projet de loi spéciale n’y fait pas référence.
En effet, le PSR-UE est versé sur le fondement de la loi du 8 février 2021 autorisant l’approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne. En 2025, le montant du PSR-UE serait de 23,1 milliards d’euros, conformément à l’accord trouvé entre le Conseil et le Parlement européen, le 16 novembre 2024, lors du comité de conciliation. Ce montant a été formellement adopté par le Conseil le 25 novembre et par le Parlement européen le 27 novembre 2024. Avis défavorable, l’amendement est satisfait.
L’amendement est retiré.
Article 2 : Autorisation de l’Etat de recourir à l’emprunt
Amendement CF32 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 2 du projet de loi spéciale a pour objet d’accorder au ministre chargé des finances l’autorisation de « procéder à des emprunts à long, moyen et court termes libellés en euros ou en autres devises […] ».
Le dispositif proposé est plus réduit que celui figurant à l’article 41 du projet de loi de finances pour 2025 : il ne comporte aucun plafonnement, ni de la variation nette de la dette négociable d’une durée supérieure à un an ni de l’encours total de dette autorisé pour chacun des budgets annexes. Lors de son audition, le gouvernement a effectivement indiqué qu’il estimait que de telles dispositions, fixant un cadre économique et budgétaire pour l’année, ne sauraient figurer que dans la loi de finances de l’année.
Il est pour le moins paradoxal qu’une autorisation donnée par une loi qui ne comporte que les mesures nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ne soit pas plafonnée. Cela permettrait un recours à l’emprunt au-delà des strictes hypothèses couvertes par la loi spéciale.
La LOLF nous impose de fixer des plafonds, sans lesquels cet article risquerait d’être censuré pour incompétence négative du législateur. Je propose donc d’assortir l’autorisation d’emprunter de plafonds, fixés à leur niveau prévu par la loi de finances pour 2024 – ce qui est suffisant dans l’attente du prochain PLF –, dans un souci de cohérence avec l’article 1er.
M. David Amiel (EPR). Je ne comprends pas pourquoi on devrait fixer le montant du plafond d’endettement alors que l’esprit de la loi spéciale commande de ne pas fixer de montants s’agissant tant des dépenses, puisqu'il s’agit de reconduire les services votés, que des recettes, puisqu’il s’agit de continuer à percevoir les impôts.
Ne risquons-nous pas de fragiliser l’ensemble du projet de loi ? Il ne s’agit pas d’un projet de loi de finances ordinaire qui comporterait un tableau d’équilibre.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à rendre l’article conforme au 8° et au 9° du I de l’article 34 de la LOLF qui disposent respectivement que la première partie de la loi de finances « comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’État prévues à l’article 26 » et « fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an ainsi que, pour chaque budget annexe, le plafond de l’encours total de dette autorisé ».
Dès lors, le projet de loi spéciale, qui est un projet de loi de finances, doit prévoir ces plafonds. Je propose de reprendre ceux prévus pour 2024. Il s’agit d’une simple précaution.
M. Jean-Didier Berger (DR). Ne faut-il pas fixer un plafond qui nous permettrait d’emprunter en vue d’atteindre le niveau global de recettes perçues en 2024 ? Vous présumez que la TVA ne s'effondrera pas en 2025. Mais imaginons que les autres recettes s’effondrent. Que pourrions-nous alors faire hormis recourir à l’emprunt ? Fixer le niveau d’endettement à zéro ne garantit pas d’avoir des recettes suffisantes pour faire fonctionner l’État de la même façon qu’en 2024.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans le cadre des projets de loi de finances, les plafonds sont fixés pour une année. Or nous ne savons pas quand sera voté le PLF pour 2025 – par exemple, la loi de finances pour 1925 avait été adoptée au mois de juillet 1925. Les plafonds de la loi de finances pour 2024 sont suffisants en attendant le vote du PLF pour 2025 d’ici à quelques mois, bien que le ministre chargé du budget et des comptes publics n’ait pas su nous donner le montant des crédits se rapportant aux services votés.
L’article 2, tel qu’il est rédigé, ne respecte pas la LOLF qui impose de fixer un plafond.
M. Philippe Brun (SOC). Le mieux est ici l’ennemi du bien. Imaginons une situation de blocage qui durerait – même si nous ne le souhaitons pas. Si les mois passent et que nous ne pouvons pas recourir à l’emprunt en raison de cet amendement, nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer. Nous ne devrions donc pas l’adopter. Je comprends le raisonnement du rapporteur général, mais la LOLF n’impose pas une telle obligation en ce qui concerne la loi spéciale. Le groupe Socialistes votera contre cet amendement, afin que la loi spéciale soit efficace au cas où la situation ne se débloquerait pas.
M. Erwan Balanant (Dem). Je salue la sagesse de M. Brun et son souhait de respecter à la lettre la LOLF et la Constitution, mais pourquoi n’avez-vous pas fait de même tout à l’heure, sur les amendements relatifs au barème de l’impôt sur le revenu ? Malheureusement, votre position est inutilement teintée de visées politiques.
S’il nous arrive de voter des dispositions – notamment pénales – qui risquent l’inconstitutionnalité, c’est parce que nous jouons notre rôle de législateur et que le Conseil constitutionnel tranche. Or nous parlons ici de procédure ; ce n’est pas la même chose. Je ne comprends pas pourquoi nous devrions jouer les apprentis sorciers en matière de procédure.
M. le président Éric Coquerel. L’amendement du rapporteur général a des défenseurs et des détracteurs, mais personne n’a brandi l’argument de l’irrecevabilité. J’estime pour ma part qu’il est recevable, car la loi organique n’interdit en rien de fixer un plafond.
M. Charles de Courson, rapporteur général. J’essaie de faire mon travail de rapporteur général, et je vous avertis d’un problème : l’article 2 ne me paraît pas conforme à la loi organique. Dès lors que nous débattons d’une loi de finances, comme c’est le cas, nous devons fixer un plafond, sans quoi nous courrons un risque d’annulation pour incompétence négative – autrement dit, nous n’aurons pas appliqué correctement la loi organique. Le vote de mon amendement éviterait cet écueil. C’est une précaution juridique.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l’article 2 non modifié.
Article 3 : Régimes et organismes de sécurité sociale habilités à recourir à des ressources non permanentes
Amendements CF33 et CF34 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’article 3 pose deux problèmes. Pour rappel, ses dispositions figuraient dans le PLFSS pour 2025 qui a été rejeté.
Premièrement, a-t-on le droit d’inscrire des autorisations d’emprunt pour des organismes de sécurité sociale dans une loi de finances ? Le Conseil d’État ne répond pas par la négative – non sans hésitation –, estimant que cela peut être nécessaire pour assurer le versement régulier des prestations qui relèvent des caisses de protection sociale. Rappelons également que selon les dispositions organiques relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ces lois doivent obligatoirement prévoir des autorisations et mentionner des plafonds. Or le texte que nous examinons n’est pas un projet de loi spéciale de financement de la sécurité sociale, puisque la loi organique ne prévoit malheureusement pas un tel dispositif.
Deuxièmement, le gouvernement ne propose pas un plafond pour chacune des quatre caisses – la caisse essentielle étant l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Dans le PLFSS, le gouvernement avait porté de 45 à 65 milliards d’euros le plafond d’emprunt de l’Acoss, car celle-ci accorde des prêts aux caisses déficitaires, dont la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Or d’après les informations qui nous ont été communiquées, l’Acoss sera en rupture de paiement dès avril ou mai si nous maintenons le montant de 2024, de 45 milliards d’euros.
Il me semble que nous pouvons inscrire des autorisations d’emprunt dans ce projet de loi spéciale, quitte à prendre un risque d’inconstitutionnalité. Je propose que nous nous calions sur le PLFSS – mais lequel ? Celui qui a été voté en 2024 ou celui qui a été repoussé en 2025 ? Je vous présente les deux solutions. Retenir les plafonds d’un texte repoussé est discutable du point de vue démocratique. Retenir ceux de 2024 nous permettra de tenir seulement trois ou quatre mois. Nous pouvons espérer que dans ce délai, une loi de financement de la sécurité sociale aura été votée. Je plaide donc plutôt pour cette solution pour les quatre caisses – c’est-à-dire l’amendement CF34.
M. le président Éric Coquerel. En théorie, l’autorisation d’emprunt de l’Acoss n’a pas sa place dans une loi spéciale. Vous êtes prêt à prendre le risque de plafonner l’emprunt ; je le suis d’ailleurs aussi, pour assurer la continuité. Mais quand il s’agit d’indexer le barème de l’impôt sur l’inflation, le risque vous paraît insurmontable ! Permettez-moi de noter que cette appréciation des risques est assez subjective.
M. Matthias Renault (RN). Les dispositions de l’article 3 ne sont prévues ni par la Constitution, ni par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Le Conseil d’État juge toutefois qu’elles sont indispensables pour assurer la continuité des services publics. Dans les deux cas dont nous avons discuté, le barème de l’IR et l’Acoss, nous pouvons donc interpréter la Constitution avec un certain pragmatisme.
Nous sommes favorables à l’inscription de plafonds, mais il reste à savoir si et quand une loi de financement de la sécurité sociale sera adoptée. Pour éviter la déroute des caisses et dans l’attente d’un nouveau PLFSS, nous voterons pour la fixation des plafonds au niveau de 2024.
M. le président Éric Coquerel. Le PLFSS et le PLF ne sont pas de même nature, car le PLFSS fixe des objectifs. En l’occurrence, la seule information vraiment nécessaire est le plafond de l’emprunt.
M. David Amiel (EPR). Si nous acceptons de prendre un risque pour l’article 3 mais pas pour l’indexation du barème de l’impôt sur l’inflation, c’est tout simplement parce que nous suivons l’avis du Conseil d’État. Il est on ne peut plus clair : « Le Conseil d’État constate, au vu des informations transmises par le Gouvernement, que, eu égard à leur équilibre financier actuel et en l’absence d’autorisation de recourir à des ressources non permanentes, les organismes concernés ne seraient plus en mesure d’assurer la continuité des paiements et remboursements des prestations sociales. Il considère que leur interruption serait de nature à porter atteinte aux principes constitutionnels de protection de la santé et d’accès à des moyens convenables d’existence ». C’est pour cette raison que l’on peut mentionner la capacité d’endettement de l’Acoss dans la loi spéciale, même si les textes ne l’exigent pas.
Par ailleurs, nous voterons contre l’amendement du rapporteur général pour la même raison que nous avons rejeté l’inscription d’un plafond pour les dépenses de l’État. Nous considérons que la capacité d’endettement est garantie par la version initiale de l’article 3 du projet de loi spéciale, et qu’y introduire un élément chiffré – le seul du texte – risquerait de fragiliser la loi et son exécution.
M. le président Éric Coquerel. Je me réjouis d’entendre que vous vous fondez sur l’avis du Conseil d’État, qui ne vaut toutefois pas décision de justice.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 3 non modifié.
Elle adopte l’ensemble du projet de loi spéciale modifié.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du jeudi 12 décembre 2024 à 15 heures
Présents. - M. David Amiel, M. Rodrigo Arenas, M. Erwan Balanant, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Elie Califer, M. Eddy Casterman, Mme Gabrielle Cathala, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Benjamin Dirx, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. Emmanuel Grégoire, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Jérôme Legavre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Emmanuel Maurel, Mme Sophie Mette, M. Nicolas Metzdorf, M. Jacques Oberti, Mme Julie Ozenne, Mme Christine Pirès Beaune, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Aurélien Rousseau, M. Alexandre Sabatou, Mme Isabelle Santiago, Mme Eva Sas, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusés. - Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Yaël Ménaché, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou