Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

–  Examen de la proposition de loi visant à exclure les heures supplémentaires du calcul du revenu fiscal de référence (n° 753) (M. Corentin Le Fur, rapporteur)              2

  Présences en réunion...........................18

 


Mercredi
29 janvier 2025

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 077

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La Commission examine la proposition de loi visant à exclure les heures supplémentaires du calcul du revenu fiscal de référence (n° 753) (M. Corentin Le Fur, rapporteur).

 

M. le président Éric Coquerel. Nous examinons ce matin la proposition de loi visant à exclure les heures supplémentaires du calcul du revenu fiscal de référence dont M. Corentin Le Fur est le rapporteur et que le groupe Droite républicaine a inscrit comme quatrième texte à l’ordre du jour de la journée qui lui est réservée le jeudi 6 février.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. C’est un grand honneur pour moi de défendre cette proposition de loi. Elle me tient à cœur. Je l’ai mûrie au contact des habitants de ma circonscription, et c’est avant tout pour eux que je l’ai pensée – pour les ouvriers de l’agroalimentaire qui bossent à l’usine ou en abattoir, pour les salariés agricoles, pour les aides-soignantes, pour les aides à domicile, pour les artisans du bâtiment, pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et pour tous ceux qui, par leur travail, font tourner le pays.

 

J’ai la chance d’être élu dans une circonscription populaire, rurale, agricole et ouvrière, avec de belles entreprises. C’est donc un territoire dans lequel il y a de l’emploi. Mais ce sont des métiers difficiles et qui offrent des petits salaires. Chez moi, vivent des Bretons qui savent ce que travailler veut dire, qui savent ce que c'est de se lever aux aurores ou en pleine nuit parce qu’ils font les 2x8 ou les 3x8, qui connaissent le prix de l’effort et du mérite, et qui le payent parfois, hélas, au prix fort avec des troubles musculo-squelettiques. Cette France modeste et besogneuse constate que travailler ne rapporte pas assez, ou que travailler plus revient souvent à payer plus. Nos concitoyens ont le sentiment, à tort ou à raison, d’entretenir ceux qui ne travaillent pas voire, parfois, ne veulent pas travailler. Ils ont aussi le sentiment que parce qu’ils travaillent, les aides sont toujours pour les autres et jamais pour eux.

 

Je suis très attaché à la solidarité. C’est l’honneur de la France. C’est ce que notre société offre de plus noble. Nous pouvons tous connaître des accidents de la vie, des coups durs, des périodes de chômage, et c’est précisément dans ces moments que la solidarité sert. Toutefois, je fais une grande différence entre la solidarité et l’assistanat. En l’occurrence, pour préserver la solidarité et sauver notre modèle social, nous devons combattre l’assistanat en faisant en sorte que le revenu du travail rapporte nettement plus que ceux de l’assistance. Cette proposition de loi de la Droite républicaine vise un double objectif : mieux rémunérer le travail et encourager les heures supplémentaires.

 

Dans ma circonscription de Loudéac-Lamballe, comme un peu partout en France, les entreprises peinent à recruter. Elles nous le disent tous les jours, qu’il s’agisse de boulots à l’usine, dans la restauration, à l’hôpital ou en Ehpad. Souvent, le système tient grâce aux heures supplémentaires qui répondent au besoin des entreprises et augmentent le pouvoir d’achat des familles, pour financer les vacances d’été ou accumuler un petit pécule en vue de payer les études des enfants ou le permis de conduire.

 

Plus de la moitié des salariés les plus modestes effectuent des heures supplémentaires, et c’est parmi les ouvriers que la part des heures supplémentaires dans la rémunération totale est la plus importante. C’est dans les secteurs de la restauration et du bâtiment, et dans les usines que l’on compte le plus grand nombre de salariés effectuant des heures supplémentaires.

Ces heures supplémentaires ont été défiscalisées par le précédent gouvernement. C’était une bonne mesure, que je salue. À défaut, certaines personnes ayant effectué des heures supplémentaires auraient basculé dans l’impôt sur le revenu. Toutefois, cela ne suffit pas, car elles se situent en majorité dans les premiers déciles de revenus. Ce sont donc des Français qui, souvent, ne sont pas imposables ou paient peu d’impôt. En outre, bien que défiscalisés, les revenus tirés de ces heures supplémentaires sont inclus dans le revenu fiscal de référence, lequel conditionne la quasi-totalité des aides et des prestations totales. Du tarif de la cantine au coût de la place en crèche en passant par les critères d’accès au logement social, les aides à la rénovation thermique ou les primes à la conversion vers un véhicule propre, et même l’éligibilité à une bourse scolaire ou à un livret d’épargne populaire : tout notre système d’aide sociale et de prestations repose sur le revenu fiscal de référence qui constitue, de fait, un impôt déguisé – un impôt d’autant plus injuste qu’il frappe en premier lieu les revenus modestes et ceux qui travaillent. Ainsi, nombre de familles qui ont le malheur d’accepter des heures supplémentaires constatent qu’elles sont désavantageuses financièrement, alors même qu’elles sont parfois effectuées au détriment de la vie personnelle.

 

Prenons l’exemple d’une maman, Jessica, qui élève seule sa fille. Ouvrière dans un abattoir, elle a touché 22 500 euros l’an dernier, dont 3 303 euros pour des heures supplémentaires. Or celles-ci l’empêchent de percevoir une bourse pour sa fille au lycée, et la privent donc de 474 euros par an. Ces heures supplémentaires l’empêchent aussi de bénéficier de l’aide juridictionnelle, donc d’une prise en charge des frais de justice dont elle doit s’acquitter dans une procédure contre son ex-mari. Elles l’empêchent également de prétendre aux aides financières de la commune dans laquelle elle réside, qui l’auraient incitée à privilégier des mobilités propres pour un montant pouvant aller jusqu’à 450 euros. Au total, elle perd autant, voire plus, que les 3 000 euros que lui ont rapportés les heures supplémentaires. C’est une injustice.

 

Autre exemple, un couple dont le mari est carreleur et dont la femme fait des ménages s’est rendu compte qu’il n’avait pas intérêt à accepter des heures supplémentaires, car pour gagner quelques centaines d’euros de plus, il ne serait plus éligible au logement social dont il a fait la demande. Résultat des courses, ce ménage refusera de faire des heures supplémentaires ou sera tenté de le faire au noir.

 

Ces exemples, comme de nombreux autres, illustrent l’intérêt de cette proposition de loi. Nous devons faire en sorte que ces personnes ne perdent pas d’une main ce qu’ils gagnent de l’autre. Agissons pour faire en sorte que travailler plus ne rime plus avec payer plus ou avoir le droit à moins. Nous devons collectivement voter cette proposition de loi pour exclure les heures supplémentaires du calcul du revenu fiscal de référence.

 

Je salue les amendements du groupe Ensemble pour la République, qui permettent d’encadrer cette proposition pour la rendre moins coûteuse. Je leur donnerai un avis favorable. J’espère que, par ce travail en commun, nous arriverons à voter cette proposition de loi.

 

M. le président Éric Coquerel. Cela ne vous étonnera, je serai opposé à cette proposition de loi. Je suis d’accord avec votre assertion selon laquelle le travail ne rapporte pas assez. En revanche, quand vous considérez que ceux qui travaillent paient ce que vous appelez l’assistanat, je regarderais plutôt de l’autre côté de l’échelle, en l’occurrence ceux qui profitent du travail produit, c’est-à-dire d’une rente qui n’est pas assise sur leur travail mais sur les actions qu’ils possèdent. À cet égard, nos approches sont différentes. Oui, il est important que le travail rapporte plus et que ceux qui travaillent en profitent davantage, mais ce ne doit pas être grâce à la baisse de ce que vous appelez les revenus de l’assistance et que je considère comme des solidarités sociales.

 

Le problème vient du fait que le travail n’est pas assez payé, et non de la rémunération des heures supplémentaires parce qu’il faut travailler plus. Vous évoquez, à juste titre, les troubles dont souffrent les salariés à l’usine ou dans les secteurs de la restauration ou du bâtiment, mais vous proposez qu’ils travaillent encore plus. Moi, je souhaite qu’ils perçoivent des salaires plus élevés. Or, depuis 2017, la part des salaires dans le pouvoir d’achat diminue.

 

Je serai favorable à tout texte qui visera, d’une manière ou d’une autre, à augmenter les salaires, notamment pour les catégories de la population que vous avez évoquées. En revanche, je considère que faire en sorte qu’elles travaillent plus, donc qu’elles s’épuisent encore plus, n’est pas la solution.

 

En outre, cette proposition de loi reviendrait à créer des heures fantômes. Or les cotisations sont du salaire différé. Elles sont la part socialisée des salaires. Ainsi, en les supprimant, vous retirez une part du salaire qui permet les mécanismes de solidarité. J’ajoute que ces heures fantômes bénéficieront d’abord aux cadres, lesquels effectuent le plus d’heures supplémentaires, donc à ceux qui sont un peu plus aisés – sans pour autant être privilégiés. Ainsi, la cible prioritaire que vous pointez n’est pas celle qui sera atteinte.

 

Enfin, faire en sorte que chacun travaille plus dans un contexte de remontée du chômage n’est pas non plus la solution. Or le dernier trimestre 2024 a été marqué par la plus forte augmentation de la décennie sur les catégories A, supérieure à 3 % – et les prévisions font état de 8,5 %. Proposer à ceux qui ont un emploi de travailler plus pour gagner plus ne permettra pas aux personnes privées d’emploi de revenir au travail.

 

En résumé, oui à des lois qui permettent d’augmenter les salaires, non à celles qui permettent de recourir davantage aux heures supplémentaires au détriment de la collectivité, y compris de ceux qui seraient contraints d’y avoir recours.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. Les heures supplémentaires profitent davantage aux plus petits salaires et aux non-cadres. Les chiffres dont je dispose montrent que la moitié des ouvriers effectuent des heures supplémentaires, contre un tiers pour les cadres.

 

La mesure proposée cible la France modeste, ceux qui travaillent pour des petits salaires. C’est la raison pour laquelle je donnerai un avis favorable à l’amendement de Mathieu Lefèvre et du groupe Ensemble pour la République, qui vise à fixer un seuil de référence. Cela permettra d’éviter l’écueil que vous évoquez.

 

Dans ma circonscription, et il faut s’en réjouir, le taux de chômage est assez faible. En revanche, les métiers sont difficiles et les employeurs peinent à recruter. Il faut leur apporter une réponse globale, et je suis favorable, bien sûr, à tout ce qui peut contribuer à augmenter les salaires. Mais cela ne doit pas nuire à la compétitivité des entreprises qui, souvent, ne peuvent pas se permettre de verser des salaires plus élevés. De ce point de vue, les heures supplémentaires sont une bonne solution. Ainsi, avec un système plus favorable pour les heures supplémentaires, nous aiderons ceux qui acceptent de travailler un peu plus. C’est tout l’objet de cette proposition de loi.

 

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

 

Mme Sophie-Laurence Roy (RN). Le revenu fiscal de référence (RFR) est utilisé pour déterminer l’éligibilité à des aides ou avantages fiscaux, comme la prime d’activité, les tarifs sociaux ou certaines exonérations.

 

Les intérêts des livrets réglementés comme le livret A, le livret de développement durable et solidaire (LDDS) et le livret d’épargne populaire sont déjà exclus du RFR. Les heures supplémentaires ne concernent que les salariés et les fonctionnaires aux 35 heures, c’est-à-dire les plus modestes. Quant à l’effet de seuil, il ne concerne pas les cadres. Dès lors, inclure le supplément de salaire dans le RFR fait perdre aux salariés et fonctionnaires les plus modestes les avantages sociaux et les bourses, et entraîne l’augmentation des tarifs de certains services comme la crèche ou la cantine de leurs enfants – et ce n’est pas acceptable.

 

Cette proposition de loi est un levier pour le pouvoir d’achat. Nous savons que la baisse de consommation participe à la situation catastrophique des finances de l’État. Nous devons encourager et soutenir par tous les moyens ceux qui veulent travailler plus. Les heures supplémentaires ne sont pas seulement un outil pour les employeurs. Elles sont aussi une réponse immédiate et directe pour des millions de foyers. En protégeant les heures supplémentaires, nous renforçons le travail, nous augmentons la productivité des entreprises et nous encourageons une dynamique économique bénéfique pour tout le pays. Les recettes fiscales à long terme, générées par une société qui travaille plus et mieux, compenseront largement.

 

Ce texte porte aussi en lui une force politique. Il rassemble et dépasse les clivages idéologiques en se concentrant sur une priorité qui devrait être nationale : celle de récompenser l’effort.

 

Voter ce texte, c’est défendre et encourager les travailleurs. C’est leur dire que nous refusons qu’ils soient pénalisés de quelque façon que ce soit pour avoir choisi de travailler plus. Le Rassemblement national soutient chaque texte qui va dans le sens du pouvoir d’achat des Français, donc évidemment celui-là.

 

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Nous saluons l’intention de M. Corentin Le Fur, qui souhaite revaloriser le travail. C’est ce à quoi nous nous attelons autour de Gabriel Attal, notamment dans le cadre de nos travaux en lien avec la « désmicardisation » : il n’est pas normal que pour permettre à un salarié de gagner 100 euros de plus, un employeur doive verser 400 euros de plus.

 

En revanche, nous nourrissons des inquiétudes quant au coût de cette proposition de loi, car nous savons à quel point nos finances publiques sont contraintes cette année. Aussi proposons-nous deux amendements pour en limiter l’impact, d’autant que les heures supplémentaires bénéficient déjà d’un régime social et fiscal favorable, que l’on doit à l’ancienne majorité ainsi qu’à la précédente s’agissant du relèvement de 5 000 euros à 7 500 euros du plafond.

 

Il faut aussi mesurer les effets en cascade de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, y compris pour les collectivités territoriales. Certaines dispositions contraindraient les collectivités territoriales à dépenser plus. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Enfin, cette proposition de loi semble présenter aussi un risque juridique. D’abord, peu de revenus sont exclus du revenu fiscal de référence. Ensuite, à salaire identique, deux salariés risquent d’être imposés de façon différente suivant qu’ils aient ou non effectué des heures supplémentaires.

 

En résumé, nous saluons et partageons l’intention de renforcer cet outil que sont les heures supplémentaires, mais nous avons une interrogation à la fois financière et juridique.

 

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Cette proposition de loi du groupe Droite républicaine est le symbole du sarkozysme, qui a fait la démonstration de son échec. Vous reconnaissez que travailler plus pour gagner plus ne suffit pas, mais vous vous entêtez. Vous continuez à promouvoir les heures supplémentaires plutôt que l’augmentation des salaires et le partage du temps de travail. Vous oubliez que faire des heures supplémentaires, c’est moins de temps pour voir ses enfants, moins de temps pour se reposer, moins de temps pour les loisirs.

 

Cette mesure crée une illusion d’équité, en favorisant les heures supplémentaires, mais elle aggrave en réalité les inégalités sociales. Les personnes les plus précaires, souvent en CDD ou à temps partiel et exclues des dispositifs permettant de faire des heures supplémentaires, comme les AESH, ne bénéficieront pas de votre proposition de loi.

 

En valorisant toujours plus les revenus issus du surtravail, on promeut une vision individualiste dans laquelle chacun serait responsable de sa propre réussite, et l’on discrédite l’idée même de solidarité collective.

 

Notre réponse est simple : partage des richesses, partage du temps de travail. Plutôt que de continuer à vouloir que les gens meurent au travail en s’usant à force de faire des heures supplémentaires, défendez avec nous l’augmentation du smic à 1 600 euros net mensuel, l’échelle mobile des salaires, l’indexation des prestations sociales sur l’inflation et l’application réelle des 35 heures hebdomadaires – ces fameuses 35 heures que vous décriez tant et qui ont pourtant permis, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), la création d’au moins 300 000 emplois entre 2000 et 2002.

 

La réforme que vous proposez est un leurre. Vous prétendez lutter contre l’assistanat, mais vous augmentez le nombre d’ayants droit. Nous examinerons, d’ailleurs, une demande de rapport sur le coût de cette mesure. Vous prétendez défendre les plus précaires, mais vous faites progresser le nombre de chômeurs en favorisant les heures supplémentaires et vous accroissez le temps de travail de ceux qui travaillent déjà dur, notamment les ouvriers de l’agroalimentaire. Vous détruisez finalement des emplois. En fait, vous vous délectez du chômage de masse !

 

Pour toutes ces raisons, nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 1er et nous voterons contre cette proposition en l’état.

 

Mme Sophie Pantel (SOC). Je ne vous le cache pas, ce texte nous pose un problème. Nous défendons de longue date la réduction du temps de travail, pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, pour une meilleure répartition du travail parmi les actifs et contre le chômage. Nous l’avons défendue en faisant adopter plusieurs dispositifs comme l’extension des congés payés, l’âge de la retraite ou les 35 heures.

 

Ce texte s’inscrit dans un mouvement clair engagé par Nicolas Sarkozy, celui de la désocialisation des heures supplémentaires. Vous le présentez comme un complément de revenu pertinent pour celles et ceux qui n’auraient pas de revenus suffisants. Pour notre part, nous pensons que le travail doit être payé à sa juste valeur et qu’une semaine normale de travail devrait permettre de vivre correctement, sans avoir besoin de faire des heures supplémentaires ou d’avoir recours à des aides.

 

Pourtant, la réalité s’impose : les salaires ne sont plus suffisants. Et le problème s’est particulièrement accentué depuis sept ans. Le pouvoir d'’achat a stagné, voire baissé, pour 80 % des Français les moins riches, tandis que 1 % a gagné dix à vingt fois plus que les bas revenus. Les dépenses contraintes ont augmenté et près d’un Français sur sept est en situation de privation matérielle selon l’Insee.

 

Certes, ce texte permettra à un certain nombre de nos compatriotes de répondre au critère de seuil et d’avoir accès à des ressources supplémentaires et à des aides dont ils pourraient être exclus. Mais vous éludez un autre problème : rendre des personnes éligibles à certaines aides représente une dépense supplémentaire pour les collectivités territoriales chargées de leur versement. Or vous n’avez pas indiqué de quelle manière vous comptez financer cette mesure. Au-delà de l’habituel gage incantatoire, aucun mécanisme sérieux n’est prévu pour assurer la compensation aux collectivités.

 

Nous souhaitons connaître l’évaluation du nombre de Français concernés et celle du coût de cette mesure pour nos comptes publics. À ce stade, nous envisageons un vote d’abstention. Nous attendons les débats pour nous positionner.

 

M. Nicolas Ray (DR). Notre groupe soutiendra cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la priorité de revalorisation du travail que nous défendons.

 

Je rappelle que notre famille politique a été à l’origine du dispositif des heures supplémentaires défiscalisées qui a permis à des millions de Français d’améliorer leur pouvoir d’achat, tout en améliorant la compétitivité des entreprises, des ouvriers, des employés et des travailleurs du bâtiment ou de l’hôtellerie-restauration. Aussi avions-nous regretté qu’à peine arrivé au pouvoir en 2012, François Hollande supprime ce dispositif de manière idéologique. Celui-ci avait heureusement été réintroduit en 2019, à notre demande, et nous avons augmenté son plafond à 7 500 euros l’an dernier. Pour autant, ce dispositif comprend un angle mort, que cette proposition de loi veut corriger.

 

En effet, les heures supplémentaires continuent d’être prises en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence, dont nous savons qu’il conditionne l’accès à de nombreux dispositifs – bourse scolaire, logement social, tarif de cantine et de crèche. Cette situation est d’autant plus injuste pour les travailleurs les plus modestes, qui ne bénéficient pas de la défiscalisation des heures supplémentaires lorsqu’ils sont sous le seuil d’imposition mais subissent malgré tout leur intégration dans le calcul du RFR.

 

Considérant que travailler plus ne doit pas aboutir à perdre des avantages et du pouvoir d’achat, nous voterons cette proposition de loi, bienvenue et de bon sens.

 

Mme Christine Arrighi (EcoS). Ce texte de loi sur le revenu fiscal de référence porte en réalité sur bien autre chose, notamment les risques liés à son augmentation excessive. Ce sujet nous importe particulièrement, car il touche des aides et des incitations financières à vocation sociale, qui devraient continuer à bénéficier à ceux qui franchissent « de bonne foi » le seuil du RFR.

Il est logique que l’aide soit progressive et diminue avec l’augmentation des revenus. En revanche, il est moins acceptable que des seuils peu clairs et mal définis entraînent des conséquences drastiques. Bien que ce point ne soit pas mentionné dans votre proposition de loi, un lien avec le RFR existe pour de nombreuses aides comme le chèque énergie ou MaPrimeRénov’ – des dispositifs qui nous tiennent à cœur et que nous continuerons de défendre jusqu’au bout du projet de loi de finances pour 2025, face aux coupes à répétition. L’harmonisation de ce paramètre du RFR dans l’attribution des aides est essentielle.

 

Vous proposez de sortir les revenus tirés des heures supplémentaires déjà fiscalisées du calcul du RFR. Cela nous laisse particulièrement sceptiques. Je me focaliserai sur l’angle budgétaire, puisque d’autres consacreront leur intervention à la démonstration de notre opposition politique à cette proposition.

 

En période de grandes interrogations pour la pérennité de nos finances publiques et sociales, cette proposition nous pousse à la prudence. Sans davantage de précision, nous n’avons pas l’intention d’aggraver le mécanisme très controversé des heures supplémentaires défiscalisées. Celles-ci permettent à trop d’employeurs de réduire leurs cotisations sociales – et l’on sait les idées auxquelles cela conduit concernant les retraites – mais aussi d’éviter d’aménager le temps de travail tout en incitant leurs salariés à travailler davantage, au détriment des finances des services publics. Ce dispositif représente un coût énorme pour l’État : 2,2 milliards en 2023, qui compensent l’exonération des cotisations vieillesse.

 

Le groupe Écologiste et social ne pourra donc que s’opposer à votre proposition.

 

Enfin, cessez d’invoquer sans cesse le bon sens pour défendre des textes au sujet desquels tout nous distingue !

 

M. Emmanuel Mandon (Dem). Le présent texte vise à encourager et à valoriser le travail par une amélioration de la défiscalisation des heures supplémentaires, en excluant les revenus tirés de celles-ci du calcul du revenu fiscal de référence.

 

Nous comprenons le premier objectif de cette mesure, puisque le dispositif actuel ne permet pas de valoriser suffisamment l’effort. En effet, les heures supplémentaires sont certes défiscalisées, mais elles sont prises en compte dans le revenu fiscal de référence. Il y a ici une forme d’effet pervers qui nécessiterait sans doute un correctif. Pour quelques heures supplémentaires défiscalisées, les effets de seuil induits par les plafonds de ressources peuvent aboutir à ce que le ménage ne soit plus éligible à une aide ou voie le montant du loyer de son logement social alourdi par un surloyer. Toutefois, en l’état, nous émettons plusieurs réserves à l’égard du dispositif proposé. Nous espérons que nos débats permettront de les lever.

 

Dans la mesure où le RFR est utilisé dans la détermination de multiples obligations fiscales et avantages sociaux sans ciblage, le coût du dispositif pourrait s’avérer très lourd pour nos finances publiques. Cela doit nous alerter compte tenu de la situation exceptionnelle et urgente que nous vivons.

 

Par ailleurs, il convient de rappeler que le RFR a été conçu comme un indicateur financier permettant de mesurer le niveau de revenu réel à partir de la déclaration fiscale de revenus, afin d’attribuer avec équité divers avantages fiscaux et sociaux soumis à condition de ressources. La mesure proposée pourrait donc mettre à mal son objectivité.

 

Je doute que nous ayons, ce matin, le temps et les moyens de corriger ces difficultés.

 

Enfin, la défiscalisation des heures supplémentaires n’a été que partiellement rétablie à partir de 2019. Il conviendrait donc d’effectuer un travail d’expertise plus poussé. Si, selon l’OCDE, la mesure permet de baisser le coût du travail et d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, elle nous paraît mal adaptée à une situation conjoncturelle dégradée. Elle pourrait donc faire l’objet d’un débat plus large.

 

M. Pierre Henriet (HOR). Le groupe Horizons & indépendants partage l’ambition de valorisation des Français qui s’engagent et travaillent davantage. Nous avons toujours défendu le mérite et l’effort, car ils sont au cœur de ce qui fait la force de notre pays. Lors de la discussion du PLF pour 2025, nous avons d’ailleurs proposé et soutenu des mesures ciblées, avec des effets immédiats, pour redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Ces mesures répondent à des besoins précis et urgents, tout en respectant l’impératif d’une gestion budgétaire responsable qui nous oblige.

 

Dans ce contexte, nous reconnaissons que l’intention de cette proposition de loi est louable. Néanmoins, en l’état, elle pourrait représenter un coût de plusieurs milliards d’euros pour les finances publiques. Or, à ce jour, aucune évaluation précise de ces effets économiques et sociaux n’a été effectuée. Ce texte soulève donc des interrogations majeures quant à son coût, son impact réel et ses effets de bord.

 

De plus, le revenu fiscal de référence, qui est au cœur de notre système fiscal et social, joue un rôle fondamental. Il garantit l’équité d’accès aux dispositifs sociaux et fiscaux, qu’il s’agisse du plafonnement des impôts locaux, des aides au logement, ou encore de la modulation des prestations.

 

Notre groupe reste résolument du côté de la France qui travaille. Nous avons la responsabilité de préserver nos équilibres budgétaires et de veiller à la cohérence de nos politiques publiques. Soutenir le mérite et l’effort, c’est aussi garantir un système fiscal et social solide, juste et durable. Aussi conditionnerons-nous notre vote à l’adoption d’amendements permettant d’encadrer la proposition et de réduire son impact sur nos finances publiques tout en soutenant nos concitoyens qui travaillent le plus.

 

M. Michel Castellani (LIOT). Cette proposition de loi nous paraît positive en ce qu’elle corrige une incohérence. Certes, depuis 2019, les exonérations d’impôt sur les heures supplémentaires jusqu’à 7 500 euros ont renforcé la valorisation du mérite et encouragé l’effort. Cependant, en maintenant ces heures dans le calcul du revenu fiscal de référence, on a créé un effet pervers, puisque les foyers sont privés d’un certain nombre de dispositifs essentiels comme MaPrimeRénov’, le livret d’épargne populaire ou les aides à la garde d’enfants. Il est anormal que des revenus complémentaires ponctuels issus du travail privent ceux qui ont fourni les efforts de dispositifs de soutien et d’accompagnement qui, eux, s’inscrivent dans une logique structurelle.

 

Notre groupe soutiendra cette proposition de loi, qui apparaît comme un complément nécessaire.

 

M. Nicolas Sansu (GDR). Tout le monde s’accorde à dire qu’avec les bas salaires et la smicardisation de la France, il y a de plus en plus de travailleurs pauvres. Cette proposition de loi vise à soutenir celles et ceux qui auraient la chance de pouvoir travailler trois ou quatre heures supplémentaires. Or ce n’est pas le cas des caissières à temps partiel. Le vrai sujet est là. En outre, nous sommes dans une société de la rente et de l’héritage, dans laquelle la rémunération du capital a augmenté au détriment de celle du travail. Un rééquilibrage est indispensable.

 

La France a fait le choix de socialiser un certain nombre de services, de risques et de revenus de remplacement – les retraites et la maladie avec la sécurité sociale –, mais aussi des services publics ou de biens et services dans nos collectivités. Il en découle le principe selon lequel chaque heure travaillée doit être fiscalisée et socialisée.

 

La proposition de seuil du RFR va créer une distinction entre les salariés qui perçoivent un revenu avec leur travail et ceux qui l’obtiennent en ayant travaillé un peu plus. Comment remédier à ce problème ? La Droite républicaine est un peu schizophrène, puisqu’elle demande des réductions de dépenses publiques tout en proposant ici une augmentation sans création de nouvelles recettes ! La question est d’abord celle de l’augmentation des salaires, des pensions, des minima sociaux, du smic, du point d’indice des fonctionnaires, de l’échelle des salaires. Ensuite, il sera possible d’augmenter les plafonds des aides et des soutiens que vous mettez en exergue dans votre exposé des motifs.

 

Nous nous opposerons à cette proposition de loi, non pas parce que nous pensons que le travail est bien payé – il ne l’est pas dans notre pays –, mais parce que la question est celle de savoir si l’on décide de s’attaque à celles et ceux qui se gavent, pour permettre aux salariés de s’en sortir avec leur travail.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. Merci pour ces remarques intéressantes, qui montrent votre intérêt pour cette proposition de loi.

 

Madame Lepvraud, monsieur Sansu, madame Pantel, je comprends vos objections. Mais cette proposition de loi ne prétend pas répondre à toutes les questions relatives au travail en France. C’est un outil parmi d’autres qui permettrait de redonner du pouvoir d’achat à des personnes qui travaillent un peu plus. Évidemment, je souhaite moi aussi que les salaires soient plus élevés. Veillons cependant à ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises. De nombreux patrons de petites, moyennes et très petites entreprises (PME et TPE) aimeraient payer un peu plus leurs salariés, mais ne le peuvent pas car le coût du travail est très élevé dans notre pays, ainsi que l’a rappelé M. Lefèvre.

 

Ce texte ne concerne donc que les heures supplémentaires. Je trouve en effet profondément injuste que quelqu’un qui accepte de travailler un peu plus se voie privé du bénéfice de cette rémunération. Je peux vous citer ainsi l’exemple d’un cuisinier, veuf avec un fils à charge, qui souhaitait changer de voiture. Son RFR s’élevait à 17 200 euros et il avait gagné 1 000,20 euros en heures supplémentaires. Mais, du fait de cette augmentation de son revenu, il a perdu le bénéfice des aides à la conversion écologique et du bonus écologique – soit 85 euros par mois. En d’autres termes, ce qu’il avait gagné d’une main, il le perdait de l’autre. Ce problème d’effet de seuil risque de décourager nos compatriotes à travailler et à effectuer des heures supplémentaires. Celles-ci sont pourtant nécessaires alors que de nombreux chefs d’entreprise ne parviennent pas à embaucher.

 

Se pose également un problème de justice et d’éthique : comment accepter que quelqu’un qui accepte de travailler un peu plus, donc de faire un peu plus d’efforts, parfois au détriment de sa vie de famille et alors que cela engendre parfois de la pénibilité, perde d’une main ce qu’il a gagné de l’autre ? La mesure proposée relève donc pleinement de la revalorisation du travail et de la défense de ceux qui travaillent.

 

Bien sûr, cette mesure a un coût. Pour répondre à Mathieu Lefèvre et au groupe EPR, nous avons demandé à la chiffrer mais nous n’avons pas obtenu de chiffrage précis. Le coût serait compris entre 1 milliard et 1,5 milliard. J’entends que ce n’est pas négligeable. Mais la question est de savoir quelle priorité on accorde à la défense du travail et de ceux qui travaillent. Le sujet du pouvoir d’achat est central. Tout le monde le dit : le travail ne paie pas assez. Cette proposition loi apporte une réponse. Vous dites tous vouloir défendre la France qui travaille :  voilà une mesure précise et concrète pour le faire de manière explicite.

 

Le coût de la disposition implique de faire des économies ailleurs. Nous avons d’ailleurs travaillé ensemble à définir des mesures d’économie pour compenser ce montant de 1 milliard à 1,5 milliard, et je suis prêt à poursuivre ces réflexions.

 

Néanmoins, je mesure la difficulté que représente la dette, que Mme Arrighi a rappelée. Aussi, pour réduire ce coût de 1 milliard à 1,5 milliard, je suis également prêt à effectuer des aménagements, notamment celui prévu par l’amendement de Mathieu Lefèvre et du groupe EPR qui propose d’instaurer un seuil pour que cette mesure se concentre en priorité sur les plus petits salaires. C’est d’ailleurs avant tout pour ces travailleurs, qui ne sont souvent pas imposables, que ce texte a été déposé. J’ai entendu vos arguments, monsieur Lefèvre, et je donnerai un avis favorable à vos deux amendements. Cela répondra aussi à l’interrogation de M. Henriet. Nous sommes, nous aussi, préoccupés par l’état de nos finances publiques et nous n’ignorons rien des difficultés budgétaires que traverse notre pays. En l’occurrence, l’adoption de ces deux amendements permettrait de réduire le coût de la mesure et, je l’espère, du texte.

 

S’agissant de la question juridique que vous posez, monsieur Lefèvre, la direction de la législation fiscale, que nous avons intérrogée a levé tout doute. Il n’existe pas de risque juridique d’inconstitutionnalité.

 

Je remercie M. Castellani et le groupe LIOT pour leur soutien qui me va droit au cœur. Je remercie aussi le groupe Droite républicaine pour son soutien, ainsi que le groupe RN. J’espère que nous parviendrons à faire adopter très largement cette proposition de loi. Je le répète, elle témoigne de notre volonté collective d’un peu mieux récompenser le travail, sans nous exonérer néanmoins d’une réflexion sur d’autres sujets.

 

 

Article 1er

 

 

Amendements de suppression CF1 de M. Nicolas Sansu et CF2 de Mme Murielle Lepvraud

 

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Vous prétendez défendre les pauvres, Monsieur le rapporteur, mais avec cette proposition de loi, vous ne défendez que les patrons, le capital et les revenus des plus aisés. Vous auriez pu proposer de partager la richesse que produisent les salariés ; vous suggérez plutôt de faire payer l’État. Vous expliquez que vous voulez défendre les plus modestes et les plus précaires ; mais alors que les cadres travaillent en moyenne 41,5 heures par semaine, contre 35,9 heures pour les salariés, ce sont bien les premiers que vous essayez d’avantager. Vous avancez la compétitivité, or les heures supplémentaires font baisser la productivité. Vous évoquez le prix du travail, de l’effort et du mérite et vous soulignez que travailler ne rapporte pas assez. Cependant le prix du travail se calcule en fonction du nombre d’heures ouvrées ; or vous proposez non pas d’augmenter la rémunération du travail, mais de faire travailler plus longtemps les gens, en les payant toujours aussi mal – et tout en invoquant les corps meurtris. Vous regrettez que trop peu de gens travaillent, tout en refusant de partager le travail, participant ainsi à l’augmentation du chômage. Par-dessus tout cela, votre texte tend à aveugler l’État : en transformant les heures supplémentaires en revenu non déclaré, celui-ci ne pourra plus analyser ce temps de travail ni prendre de mesures en conséquence. Une telle réforme serait contre-productive.

 

Pour ces raisons, le présent amendement tend à supprimer l’article 1er.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. Avis défavorable.

 

La présente proposition de loi a été conçue pour aider les salariés les plus modestes : non imposables, ils ne bénéficient pas de la défiscalisation des heures supplémentaires – que je soutiens par ailleurs. Il s’agit notamment d’aider les salariés de l’agroalimentaire. J’ajoute que j’émettrai un avis favorable sur l’amendement CF4 de M. Mathieu Lefèvre, qui vise à plafonner le revenu concerné, donc à exclure les cadres du dispositif.

 

En décourageant les heures supplémentaires, nous risquons d’inciter à recourir au travail non déclaré, en particulier dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP).

 

Si le texte est adopté, les heures supplémentaires seront exclues du revenu fiscal de référence mais cela ne les empêchera pas d’être enregistrées et déclarées. En revanche, elles n’augmenteront pas mécaniquement le coût de beaucoup de prestations sociales, ni ne diminueront le montant des aides auxquelles pourraient prétendre les personnes concernées.

 

Il s’agit d’une mesure de justice fiscale qui tend à mieux récompenser le travail, donc à l’encourager. J’assume cette position idéologique : je crois profondément au travail, moyen d’ascension sociale, de sociabilité et d’épanouissement, qui favorise la production et la croissance. Il est vertueux. Nous avons intérêt à avoir une société qui travaille, ce qui nécessite effectivement d’améliorer les conditions d’exercice et les rémunérations. Les heures supplémentaires sont essentielles pour améliorer le pouvoir d’achat des personnes les plus modestes. Interrogez-les : c’est souvent grâce à ces heures qu’ils peuvent partir en vacances l’été – à condition qu’ils n’y perdent pas par ailleurs.

 

M. le président Éric Coquerel. Certes, certains ont recours aux heures supplémentaires pour acquitter une partie de leurs dépenses, que le montant des salaires rend de plus en plus difficiles à payer. Mais votre texte aurait pour autre inconvénient de faire exploser le cadre légal du temps de travail hebdomadaire : en rendant les heures supplémentaires toujours plus intéressantes, pour l’entreprise comme pour le salarié, on pousse à y recourir toujours davantage. Or ce sont des heures fantômes.

 

M. Thomas Cazenave (EPR). Je voterai les amendements de suppression.

 

Monsieur le rapporteur, je suis d’accord : il faut favoriser le travail, qui doit payer plus. Mais pour y parvenir, des réformes structurelles sont nécessaires, sur les allégements de charges, comme le recommandent Antoine Bozio et Étienne Wasmer dans leur rapport, sur le travail des seniors, sur la réforme des retraites.

Cependant, votre proposition de loi présente trois inconvénients. D’abord, elle tend à créer une niche au sein du revenu fiscal de référence, alors que nous nous plaignons tous que les niches fiscales sont trop nombreuses. Ensuite, il n’est pas certain qu’il suffise, pour changer les comportements, de créer des exonérations dans le revenu fiscal de référence. Surtout, nous ne pouvons pas nous permettre d’adopter une mesure qui coûte plus de 1 milliard d’euros, quand nous nous plaignons du matin au soir de l’état des finances publiques. Je salue à cet égard Mathieu Lefèvre d’avoir déposé des amendements visant à réduire les conséquences budgétaires du texte.

 

M. Kévin Mauvieux (RN). Les membres du Rassemblement national ont toujours défendu la valeur travail, et le travail en tant que valeur, qu’il faut inculquer aux gens. Le travail permet de s’émanciper – même si certains ici en doutent.

 

Il est vrai que les cadres effectuent plus d’heures supplémentaires que les salariés : lorsque ces derniers en font trop, ils sont perdants, à cause des impôts et parce qu’ils doivent renoncer aux aides qu’ils percevaient pour compléter des salaires trop bas. La Macronie en est responsable : elle gouverne à coups de primes, dont les classes moyennes ne profitent pas car leurs revenus dépassent les plafonds en dessous desquels on bénéficie du chèque énergie, du chèque ceci et du chèque cela. Nous ne pouvons pas fonctionner ainsi ; il faut que le travail paie, y compris et surtout le travail en heures supplémentaires. Je comprends que les députés de la Macronie prennent la parole pour cacher leur matraquage des classes moyennes, qui se traduit par leur volonté de rejeter ce texte. Celui-ci tend à aider les salariés qui ont besoin d’effectuer des heures supplémentaires et qui ont envie de travailler : certains ici considèrent le travail comme une peine de mort, mais ce n’est pas le cas.

 

Chers collègues du groupe Droite républicaine, vous donnez l’impression d’avoir presque honte de défendre votre proposition de loi ; soyez fiers au contraire de soutenir le travail, de vouloir que ceux qui veulent travailler soient correctement payés, sans être taxés, retaxés et surtaxés pour chaque heure effectuée. Il est vrai qu’en France, nous ne travaillons pas suffisamment, mais c’est peut-être parce que cela ne paie pas suffisamment.

 

M. Fabrice Brun (DR). Nous voterons contre ces amendements de suppression. En 2012, François Hollande a fait supprimer le dispositif d’exonération des heures supplémentaires : du jour au lendemain, des centaines de salariés ont vu leur fiche de paie amputée de 100 ou de 150 euros par mois. Or nous parlons des travailleurs les plus modestes qui sont volontaires pour travailler et gagner davantage : les salariés du BTP, de l’agriculture, de l’agroalimentaire. Nous le répétons : travailler plus ne doit pas faire perdre des droits, comme ceux de bénéficier de MaPrimeRénov, du livret d’épargne populaire, des bourses d’études, ni ne doit augmenter les frais de garde des enfants. Ce texte tend à rendre le travail plus rémunérateur, donc à le valoriser, notamment en augmentant l’écart qui sépare les revenus du travail de la solidarité, ce qui constitue un enjeu majeur pour notre société.

 

M. Nicolas Sansu (GDR). Le fondement du débat est idéologique : il s’agit de savoir comment on rémunère le travail et comment on partage la richesse. Le PDG d’une entreprise de pneumatiques installée dans ma circonscription du Cher m’a affirmé que le coût du travail était trop élevé. Dans le même temps, il m’a expliqué que pour un pneu de 100 euros, 15 euros rémunéraient le travail ; le reste paie les intrants, les frais financiers et bancaires, les coûts du capital… Comment faire pour que les salariés perçoivent un revenu décent, pour augmenter leur salaire sans mettre en péril les services publics ni notre modèle social ?

Toute heure doit être fiscalisée et socialisée ; toute heure doit être considérée de la même manière pour le calcul des prestations. Sinon, pourquoi ne pas défiscaliser les revenus à partir de la trentième heure travaillée, ou de la vingt-cinquième ?

 

Monsieur le rapporteur, les aides à domicile qui travaillent dans le secteur associatif et dont le contrat prévoit 27 heures de travail hebdomadaire en effectuent souvent 35. Les heures complémentaires seront-elles éligibles au dispositif ?

 

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Vous dites que cette mesure profitera aux ouvriers de l’agroalimentaire. Alors que l’entrée en vigueur de la réforme des retraites les oblige déjà à travailler deux ans de plus, vous voulez augmenter leur temps de travail hebdomadaire ! Pourtant, vous reconnaissez vous-mêmes qu’ils sont déjà cassés par un travail dur qu’ils ont commencé très jeunes. Quand cela va-t-il s’arrêter ?

 

Vous affirmez que les entreprises ont du mal à recruter mais une étude montre qu’entre 2022 et 2023, les profits de l’industrie agroalimentaire ont plus que doublé, passant de 3,1 à 7 milliards d’euros. La solution, c’est d’augmenter les salaires, pas de faire travailler davantage les ouvriers.

 

Enfin, les AESH, les accompagnants d’élèves en situation de handicap, ne sont pas concernés, puisqu’ils ne peuvent pas travailler en heures supplémentaires.

 

Mme Christine Arrighi (EcoS). Monsieur le rapporteur, il existe plein d’autres solutions pour soutenir le pouvoir d’achat des Français : par exemple, augmenter le smic, investir massivement dans les transports et dans de nombreux dispositifs, comme MaPrimeRénov’.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. Les personnes dont nous parlons sollicitent des heures supplémentaires, qui sont donc effectuées volontairement. C’est fondamental. Il est cohérent que les personnes qui acceptent de travailler plus gagnent plus, or c’est l’inverse qui se produit.

 

Je comprends le discours de la gauche, qui est idéologiquement cohérent. Je ne le partage pas mais il est respectable. Il n’en va pas de même de votre intervention, monsieur Cazenave. J’entends l’argument du coût : je soutiendrai les amendements qui tendent à réduire les conséquences budgétaires. J’ai du mal en revanche à concevoir que vous votiez avec les députés LFI et communistes contre une proposition de loi visant à mieux rémunérer le travail des plus modestes. En outre, elle est susceptible d’augmenter les recettes fiscales et de lutter contre le travail dissimulé.

 

Comme vous, Monsieur Cazenave, je suis préoccupé par l’état de nos finances publiques; nous pouvons travailler ensemble à réduire le coût des agences et des opérateurs de l’État ou à trouver d’autres mesures communes. Il est néanmoins essentiel de faire un geste financier pour les plus modestes et pour ceux qui travaillent. J’ai soutenu le rétablissement de l’exonération fiscale des heures supplémentaires, mais beaucoup de nos compatriotes n’en profitent pas, parce qu’ils ne sont pas imposables. La présente proposition de loi permettrait de compléter le dispositif. Bien entendu, la question est beaucoup plus vaste : il ne s’agit que d’une mesure parmi d’autres, pour mieux rémunérer le travail.

 

Il est vrai, madame Lepvraud, que le dispositif ne s’appliquera pas aux AESH. Avec des parlementaires de tous les bords, je travaille à mieux les rémunérer, pour qu’ils perçoivent un salaire décent, et pour faire de l’inclusion scolaire une priorité, grâce à un soutien financier.

 

Monsieur Sansu, je connais les difficultés des aides à domicile, notamment du travail invisible. J’y travaille également avec des parlementaires de tous les groupes. Cette proposition de loi ne résoudra pas les problèmes de toutes les catégories de travailleurs ; il faudra en voter d’autres.

 

Monsieur Mauvieux, je ne comprends pas votre remarque : les membres du groupe Droite républicaine sont tellement fiers de cette proposition de loi que nous l’avons inscrite à l’ordre du jour de notre niche parlementaire ; nous en avons fait une priorité, parce qu’il nous tient à cœur de consentir un geste pour la France qui travaille. Beaucoup d’entre nous l’avons défendue ; il faut maintenant traduire nos discours en acte en la votant.

 

Je comprends que la mesure soulève des questions et qu’on veuille travailler à l’améliorer, mais la balayer d’un revers de main en votant des amendements de suppression me paraît irrespectueux envers toutes les personnes qui en bénéficieraient : elles ne comprennent pas que parce qu’elles travaillent, elles n’ont droit à rien ou doivent payer toujours un peu plus plus.

 

 

La commission rejette les amendements.

 

 

Amendement CF5 de Mme Christine Arrighi

 

Mme Christine Arrighi (EcoS). Le présent amendement tend à obtenir un rapport relatif aux conséquences économiques et budgétaires des exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires. Bien qu’attractif à court terme, le dispositif en vigueur soulève des questions. Premièrement, il repose sur un mécanisme de compensation publique dont le coût budgétaire est estimé à 2,2 milliards d’euros pour 2024 ; cela fragilise le système de solidarité, en particulier le système de retraite. Deuxièmement, comme la Cour des comptes l’a relevé en mai 2024, il n’atteint plus la cible initiale, mais il accroît la concurrence entre les salariés en poste et les demandeurs d’emploi.

 

Il s’agit donc d’éclairer le Parlement sur les conséquences des exonérations, notamment pour les politiques de rémunération et le dialogue social dans les entreprises, et sur les éventuelles solutions alternatives pour protéger les salariés concernés. Cela est nécessaire pour garantir que le dispositif sera équitable, efficace et financièrement soutenable, et pour éviter de décider dans l’urgence. Nous voulons adopter une démarche responsable, fondée sur des données probantes, dans l’intérêt des finances publiques et des travailleurs.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. Je ne suis pas opposé à l’élaboration d’un rapport, néanmoins il serait plus opportun de demander sa remise après un délai qui s’ouvre avec l’entrée en vigueur de la loi, afin de tenir compte du temps nécessaire à la publication des décrets. De plus, un délai de trois mois serait trop bref pour disposer des données nécessaires pour juger de l’intérêt de la mesure.

 

Je vous propose de retirer votre amendement, sinon j’émettrai un avis défavorable. Toutefois, je pourrais me prononcer favorablement sur une version remaniée lors de l’examen en séance publique.

 

M. Éric Woerth (EPR). Je suis très opposé à ce texte. Il ajoute de la complexité. Il était nécessaire d’exonérer les heures supplémentaires et l’exonération portait sur les revenus directs. Agir sur les conséquences indirectes du revenu, revient à pénétrer dans le maquis social qui prévoit une aide, donc des conditions de ressources, pour à peu près tout. Il ne faut pas tout mélanger : on ne peut pas annuler le revenu supplémentaire perçu directement dans le calcul visant à l’obtention de certains droits. Il ne faut pas confondre les sujets ; on ne comprend plus rien. Je préférerais une mesure plus simple. Si le budget pouvait supporter une dépense fiscale – ce que je ne crois pas –, mieux vaudrait baisser les impôts de production pour donner du tonus aux entreprises, qui en ont bien besoin, que de créer un système kafkaïen.

 

M. Emeric Salmon (RN). Je ne comprends pas pourquoi vous envisagez de donner un avis favorable en séance, monsieur le rapporteur, alors que cet amendement réécrit et modifie totalement l’article 1er. Pour notre part, nous voterons contre car nous soutenons toutes les mesures qui favorisent le travail.

 

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Nous soutenons cet amendement, car il est important d’informer la représentation nationale et nos concitoyens sur le coût global des heures supplémentaires avant d’élargir les mesures qui les concernent. La défiscalisation et l’exonération de cotisations de ces heures constituent à la fois un financement déguisé pour les entreprises et une perte de recettes colossale pour les finances publiques et la sécurité sociale. De plus, la multiplication et la normalisation des heures supplémentaires freinent la lutte contre le chômage en revenant insidieusement sur les 35 heures hebdomadaires.

 

M. Fabrice Brun (DR). Nous sommes opposés à cet amendement qui dénaturerait l’excellente proposition de loi. Il a beaucoup été question du coût de la mesure, mais pas des recettes fiscales attendues. Or le déficit de 2024 tient avant tout au ralentissement de l’activité économique et à la diminution des recettes fiscales. Favoriser les heures supplémentaires, c’est favoriser le travail, la productivité, l’activité économique et par conséquent les recettes fiscales, issues notamment de la TVA.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. Je suis favorable par principe à tout ce qui contribue à la bonne information du Parlement, mais les modalités prévues par cet amendement ne me semblent pas adaptées. J’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.

 

J’ajoute que ce n’est pas parce qu’on défend la baisse des impôts de production qu’on doit s’interdire de voter une mesure pour la France qui travaille. L’administration fiscale sait faire. Le système français est certes complexe, mais ce n’est pas cette disposition qui y changera grand-chose. Il s’agit même d’une mesure d’efficacité, puisqu’en incitant à faire davantage d’heures supplémentaires, elle augmentera le volume global de travail. Les entreprises y trouveront leur compte – je l’assume – puisque leurs salariés seront plus enclins à accepter des heures.

 

Il est profondément injuste que des travailleurs non imposables voient leurs aides diminuer ou leurs dépenses augmenter parce qu’ils acceptent des heures supplémentaires. D’un point de vue éthique, c’est véritablement choquant.

 

La commission rejette l’amendement.

 

 

Amendements CF3 et CF4 de M. Mathieu Lefèvre

 

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Il s’agit de rendre la proposition de loi compatible avec l’état des finances publiques, d’une part en reportant son entrée en vigueur à 2026, pour la faire porter sur les revenus de 2025, d’autre part en la plafonnant à un revenu fiscal de référence défini par décret, pour en réduire le coût.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. Ces amendements sont frappés du sceau du bon sens. L’état des finances publiques me préoccupe autant que vous et justifie que nous limitions le coût de la mesure.

 

Après vérification, il s’avère que les cadres ont réalisé 172 heures supplémentaires en moyenne en 2023, contre 192 heures pour les ouvriers. Les ouvriers en font donc plus et y trouvent un complément de revenus significatif.

 

M. le président Éric Coquerel. À en croire le gouvernement, la question des finances publiques se posera au-delà de 2025, puisque l’objectif est de ramener le déficit sous le seuil de 3 % en 2027. Si vous estimez, comme M. Cazenave, que la mesure ne doit pas s’appliquer en 2025 en raison de son coût, votre argument vaut aussi pour les années suivantes.

 

M. Emeric Salmon (RN). L’amendement CF4 donne tout pouvoir au gouvernement en lui confiant le soin de fixer le plafond par décret. Si M. Cazenave redevenait ministre des comptes publics, il pourrait choisir un plafond qui rendrait la proposition de loi inopérante et ferait disparaître cette aide pour les travailleurs. Comme nous défendrons toujours le travail, nous voterons contre cet amendement.

 

M. Corentin Le Fur, rapporteur. Je crois à la coconstruction et au travail en commun. Nous pouvons œuvrer utilement ensemble, à condition de ne pas camper sur nos positions et de faire un pas vers l’autre de sorte que la mesure soit acceptable pour les finances publiques. Si cela permet d’adopter la proposition de loi, nous y gagnerons tous. Nous serons vigilants à l’égard du décret, mais ayons confiance ; il permettra de viser les travailleurs qui touchent les plus petits salaires, ce qui est bien notre objectif. Avis favorable.

 

La commission adopte successivement les amendements.

 

 

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

 

Article 2

 

 

La commission adopte l’article 2.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 29 janvier 2025 à 9 heures 30

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Jean-Didier Berger, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Fabrice Brun, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Fouquart, M. Christian Girard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Corentin Le Fur, M. Jérôme Legavre, M. Thierry Liger, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Yaël Ménaché, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Nicolas Metzdorf, M. Paul Midy, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Éric Ciotti, M. Charles de Courson, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Emmanuel Tjibaou, M. Gérault Verny

Assistait également à la réunion. - Mme Murielle Lepvraud