Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi contre les fraudes aux moyens de paiement scripturaux (n° 884) (M. Daniel Labaronne, rapporteur)              2

  Examen pour avis de l’article 5 de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (M. Denis Masseglia, rapporteur pour avis)              3

  Présence en réunion...........................12


Lundi
31 mars 2025

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 096

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi contre les fraudes aux moyens de paiement scripturaux (n° 884) (M. Daniel Labaronne, rapporteur)

Le tableau ci-après récapitule ses décisions

 

 

N° Amdt

 

 

Place

 

 

Auteur

 

 

Groupe

 

 

Position du rapporteur

 

 29

 PREMIER

 M. LABARONNE Daniel

 EPR

 Favorable

 8

 PREMIER

 Mme ARRIGHI Christine

 EcoS

 Favorable

 21

 PREMIER

 Mme BUFFET Françoise

 EPR

 Défavorable

 28

 PREMIER

 M. LABARONNE Daniel

 EPR

 Favorable

 18

 PREMIER

 M. BILONGO Carlos Martens

 LFI-NFP

 Défavorable

 34

 PREMIER

 Mme BRULEBOIS Danielle

 EPR

 Défavorable

 9

 PREMIER

 Mme ARRIGHI Christine

 EcoS

 Défavorable

 7

 PREMIER

 M. FOUQUART Emmanuel

 RN

 Défavorable

 22

 ap PREMIER

 Mme BUFFET Françoise

 EPR

 Favorable

 10

 ap PREMIER

 M. RENAULT Matthias

 RN

 Défavorable

 31

 2

 M. LABARONNE Daniel

 EPR

 Favorable

 11

 ap 3

 Mme ARRIGHI Christine

 EcoS

 Défavorable

 35

 ap 3

 Mme BRULEBOIS Danielle

 EPR

 Défavorable

 5

 ap 4

 Mme BRULEBOIS Danielle

 EPR

 Défavorable

 33

 ap 4

 Mme BRULEBOIS Danielle

 EPR

 Favorable

 36

 ap 4

 M. BEN CHEIKH Karim

 EcoS

 Défavorable

 32

 Titre

 M. LABARONNE Daniel

 EPR

 Favorable

 

Puis la Commission examine, pour avis, l’article 5 de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (M. Denis Masseglia, rapporteur pour avis)

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons à l’examen pour avis de l’article 5 de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, qui sera examinée au fond par la commission des affaires culturelles dès demain.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. À ma demande, notre commission s’est saisie pour avis de l’article 5 de cette proposition de loi. Ce dernier prévoit de créer des conventions stratégiques pluriannuelles (CSP), qui remplaceraient les actuels contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus entre l’État et les organismes qui composent l’audiovisuel public. Cet article traite donc également de l’allocation des ressources de ce secteur, ainsi que du rôle du Parlement dans la détermination de sa stratégie et de son financement.

Un point très bref sur l’ensemble du texte : il prévoit de réformer la gouvernance de l’audiovisuel public grâce à la mise en place d’une holding, France Médias, composée de plusieurs filiales – France Télévisions, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). France Médias Monde devait initialement en faire partie, mais le gouvernement a décidé la semaine dernière de l’en exclure, comme le souhaitait la commission des affaires étrangères.

J’en viens à l’article dont nous nous sommes saisis.

Certains points ont particulièrement appelé mon attention.

Il s’agit tout d’abord du rôle et de l’information du Parlement en ce qui concerne la stratégie et le financement de l’audiovisuel public. L’article 5 prévoit en effet de reproduire le système actuel de consultation pour avis des commissions compétentes des deux assemblées, laquelle porterait désormais sur les projets de CSP et non plus de COM. Or cette solution n’est pas satisfaisante en l’état, car on risque d’en rester encore une fois à des documents de pilotage peu contraignants et pour lesquels l’avis exprimé par les commissions n’est pas toujours effectivement pris en compte.

De plus, la constitution d’une holding aura nécessairement pour conséquence de diminuer le rôle du Parlement, puisque le budget de cette dernière sera désormais global. Le Parlement doit pouvoir peser davantage et exercer un contrôle sur le respect du contenu des CSP, notamment en ce qui concerne la clé de répartition prévue entre les différentes filiales de la holding. J’ai déposé deux amendements pour permettre aux commissions des finances des deux assemblées, à la majorité des trois cinquièmes, de s’opposer à la signature d’une CSP ou bien de la dénoncer si elles la jugent caduque en raison d’un écart trop important entre la trajectoire financière annoncée et sa réalisation.

Par ailleurs, je souhaite que le Parlement soit informé du coût des réorganisations entreprises par France Médias. L’étude d’impact transmise par la DGMIC (direction générale des médias et des industries culturelles) la semaine dernière indique que la constitution de cette holding aura lieu sans augmentation de la masse salariale, en ayant recours au personnel déjà employé. Toutefois les mutualisations et réorganisations auront nécessairement un coût à court et moyen terme. Le Parlement doit en être informé et c’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement demandant un rapport sur ce point.

Enfin, cet article prévoit de plafonner les recettes tirées de la publicité et du parrainage pour France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, y compris dans le domaine numérique. Ce plafond figurerait d’ailleurs dans les futures CSP.

Je suis opposé au plafonnement des recettes publicitaires liées au numérique. Les différentes études sur le marché de la publicité numérique montrent en effet que les principaux concurrents de l’audiovisuel français sont les Gafam. Un tel plafond bénéficierait donc avant tout à ces multinationales, et non aux acteurs français privés de l’audiovisuel. Il existe déjà un plafond de recettes publicitaires pour les antennes traditionnelles de Radio France et je suis pour le statu quo.

S’agissant de France Médias Monde, le plafonnement des recettes publicitaires n’aurait pas de sens, car ses médias sont morcelés et ne font pas une concurrence significative à des acteurs français.

La publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions fait quant à elle déjà l’objet d’un cadre contraignant. Compte tenu de l’importance des ressources publicitaires –  entre 15 et 20 % de son budget – et des efforts financiers importants demandés à cette société – notamment avec l’annulation d’une partie de ses crédits en 2024 et la baisse de ces derniers en 2025 –, la mise en place un tel plafond n’est pas souhaitable.

Certains amendements proposent de supprimer l’article 5. Je rappelle que la saisine de notre commission porte seulement sur les CSP qui seront conclues avec France Médias, et non sur la pertinence de la création de cette dernière.

M. le président Éric Coquerel. Créer une société holding France Médias qui détiendrait la totalité du capital et définirait les orientations stratégiques de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA n’est pas une idée nouvelle. Elle avait été évoquée dès 2015 dans un rapport parlementaire, puis reprise par le candidat Nicolas Sarkozy en 2016, l’objectif avancé étant de rationaliser le fonctionnement de l’audiovisuel public. Le projet avait été mis à l’ordre du jour en décembre 2019 puis abandonné du fait du covid. Il a ensuite été remis sur les rails en 2023.

Ce texte est destiné, nous dit-on, à renforcer l’audiovisuel public. Je suis pour ma part opposé à cette proposition. On ne peut pas dire que le système actuel de gouvernance de l’audiovisuel public fragilise ce dernier. France Télévisions est le premier groupe audiovisuel français, quatre Français sur cinq regardent ses chaînes chaque semaine et Radio France est également une référence dans son secteur.

En revanche, la réforme fait peser une menace. Sous prétexte de rationalisation et de concentration, on a affaibli les hôpitaux publics et je crains qu’on aboutisse au même résultat pour l’audiovisuel public. Je rappelle que son budget a baissé depuis 2017. Il a été encore réduit de 150 millions d’euros en 2025 avec l’adoption du projet de loi de finances grâce au 49.3. Et le moins que l’on puisse dire est que la suppression de la contribution à l’audiovisuel public en août 2022 et son remplacement par l’affectation d’une fraction du produit de la TVA n’ont pas garanti la prévisibilité et la stabilité des recettes.

Je crains fort que ce projet affaiblisse l’audiovisuel public, car il repose sur une volonté de réduire les coûts et les effectifs. Il y a aussi le risque de rendre ce dernier plus vulnérable aux pressions des puissances économiques et politiques ou, pour aller vite, de revenir à l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française).

Nous ne sommes même pas assurés que cette réforme produira des économies, sachant que le coût d’adaptation des structures de France Télévisions lié à la création de la holding s’élève déjà à plus de 190 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, je suis opposé à cette proposition.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Cette proposition de loi est très éloignée de la réforme de l’audiovisuel public proposée par le Rassemblement national. Nous souhaitons en effet privatiser l’audiovisuel public. L’État n’a pas vocation à être un acteur majeur des médias et la pluralité et l’indépendance de l’information passent par une ouverture au secteur privé. Cela garantirait un paysage médiatique plus diversifié, plus dynamique et mieux adapté aux attentes des citoyens.

Par-delà cet objectif de long terme, cette proposition de loi doit être modifiée.

D’une part, nous demandons que les médias intervenant à l’étranger, et en particulier France Médias Monde, ne fassent pas partie de la holding. Ils remplissent en effet une mission stratégique en contribuant au rayonnement international de la France et ne peuvent être traités de la même manière que le reste de l’audiovisuel public.

D’autre part, dans l’attente d’une privatisation, nous devons garantir un contrôle réel du Parlement sur l’audiovisuel public. Il est essentiel que l’utilisation des fonds publics soit transparente et que les représentants de la nation puissent exercer leur pouvoir de contrôle sur ces dépenses. Cela permettrait d’assurer une gestion plus rigoureuse et une véritable responsabilité démocratique. C’est ainsi que nous pourrons moderniser et libérer le paysage audiovisuel, tout en réalisant des économies budgétaires colossales afin de ménager l’argent des contribuables français.

M. David Amiel (EPR). Notre approche est très différente de celle qui vient d’être décrite, car nous croyons en l’audiovisuel public. Nous pensons qu’il est important que l’information, la culture et le divertissement ne soient pas aux mains des seules chaînes privées, qu’il s’agisse de télévision ou de radio.

Nous sommes aussi en désaccord avec votre analyse, monsieur le président. Nous considérons en effet que, face aux changements liés à l’émergence du numérique, à l’évolution des usages et au déclin de l’audience de certaines chaînes de télévision et radios, il est nécessaire de réorganiser le fonctionnement de l’audiovisuel public – pas pour des raisons budgétaires, mais pour reconquérir le public et faire face à la concurrence des plateformes numériques étrangères, en particulier américaines.

L’article 5 joue de ce point de vue un rôle central, puisqu’il remplace les traditionnels COM par des CSP conclues entre l’État et la future société France Médias. Par-delà les modifications techniques, c’est un élément essentiel de la philosophie du texte.

En outre, cette proposition dispose que le financement de l’audiovisuel public repose principalement sur une ressource de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte de l’inflation, afin de permettre les investissements nécessaires. J’en profite pour saluer l’engagement constant de Denis Masséglia depuis plusieurs années pour remplacer la redevance par une ressource pérenne.

En garantissant un cadre plus stable et plus lisible, l’article 5 apporte une réponse concrète aux défis actuels et futurs de l’audiovisuel public. C’est pourquoi nous émettrons un avis favorable à son adoption.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). En décembre dernier les macronistes ont imposé une réforme du financement de l’audiovisuel public dont personne ne voulait, en prétextant de l’urgence. Aujourd’hui, on nous présente un projet de réforme de sa gouvernance, avec la création d’une holding appelée France Médias.

Quelles en seront les conséquences sur le financement du secteur ? Le budget ne sera plus attribué directement à chaque entité mais à cette nouvelle structure, qui sera chargée de la répartir ensuite entre ses filiales tout en se finançant elle-même.

C’est bien entendu un abandon de souveraineté budgétaire pour le Parlement. Jusqu’à présent, nous pouvions débattre des crédits et choisir leur répartition en fonction des missions spécifiques de chaque entité. Après la réforme, nous ne pourrons plus rien décider, la répartition des moyens étant confiée à la holding – échelon bureaucratique supplémentaire qui ne manquera pas d’absorber des ressources au détriment de la mission première du service public. Tout cela aura lieu à distance du contrôle démocratique et la décision reviendra en dernier ressort au gouvernement.

Une équation budgétaire implacable est devant nous : un budget constant, une nouvelle structure et, inévitablement, des économies ailleurs. Sur quoi porteront-elles ? Évidemment sur l’emploi et sur la production, avec moins d’équivalents temps plein et plus d’externalisation. Ainsi, Radio France, qui était jusqu’ici un modèle de production intégrée, basculera vers le système en vigueur à France Télévisions, où les émissions sont confiées à des sociétés privées qui, à elles seules, captent un tiers du budget. C’est en réalité une mauvaise gestion des deniers publics. La dérive commerciale éloigne des missions fondamentales du service public. L’uniformisation et l’appauvrissement des contenus est garantie au tournant. Nous avons ainsi déjà pu constater que les coupes budgétaires ont mené à l’abandon des émissions de radio en direct nocturnes, ce qui prive des milliers de personnes d’une compagnie essentielle.

Derrière les chiffres, il y a bien sûr plus de 15 500 salariés, auxquels il faut ajouter les intermittents du spectacle. Toute la filière sera touchée en cascade.

Au fond, vous proposez un retour à l’ORTF, avec un audiovisuel public inféodé à l’État car dépendant de lui pour son financement. Cela va à l’encontre des principes mêmes de l’Emfa (European Media Freedom Act), qui exige des ressources suffisantes, durables et prévisibles pour garantir l’indépendance éditoriale.

Au vu des conséquences des récentes annulations de crédits sur le budget de l’audiovisuel public, nous n’avons aucun doute sur le sens de cette réforme.

Mme Sophie Pantel (SOC). Ce texte renaît de ses cendres sans aucune concertation ni étude d’impact, et sans que la question du financement soit réglée.

Notre groupe votera contre cette proposition de loi et contre l’article 5, car ils sont synonymes de réduction budgétaire. Alors même que le financement de l’audiovisuel public est incertain, la mise en place de la holding va nécessiter des crédits à court terme, tandis qu’à long terme les besoins nouveaux contribueront à réduire les moyens destinés à l’information et aux programmes.

Sous prétexte d’accélérer les synergies, on va fragiliser l’audiovisuel public. Alors que celui-ci marche sur deux jambes, faire fi de leurs spécificités en créant une nouvelle structure risque d’être contre-productif.

En outre, ce texte menace de mettre à mal l’indépendance du service public de l’audiovisuel. Son pluralisme et sa diversité actuels sont précieux, car ils concourent à une information fiable et vérifiée. La multiplicité des structures et la pluralité des antennes garantissent l’indépendance. En Hongrie, Viktor Orbán a créé une holding unique qui est désormais un organe de propagande

Ce qui nous est proposé revient à mettre fin au modèle français. On entend toujours dire qu’il faut créer une BBC à la française, mais c’est oublier que celle-ci a vu son budget réduit de 30 %, a supprimé 1 800 emplois et a perdu beaucoup d’audience.

M. Amiel a dit à juste titre qu’il fallait faire face aux défis du numérique. Mais, pour cela, attaquons-nous plutôt aux plateformes. Comme l’a relevé Sibyle Veil, il ne faudrait pas faire de l’audiovisuel public un malade imaginaire.

Pour toutes ces raisons, nous sommes fermement opposés à cette proposition.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Notre groupe s’oppose bien entendu à cette proposition de loi.

On nous vend une holding mais, comme elle est exécutive, ce sera en fait une fusion. En outre, le fonctionnement de cette structure est très opaque et cache un objectif de réduction des coûts.

Alors que l’examen du texte en commission des affaires culturelles commencera demain, le gouvernement n’a toujours pas déposé ses amendements. Nous en sommes réduits à travailler sur un document qui n’est pas le bon. Le gouvernement et Mme Dati soutiennent très fortement cette proposition, sans pour autant nous dire ce qu’ils souhaitent exactement. C’est hallucinant.

Je remercie le rapporteur pour avis d’avoir demandé à la commission des finances de se saisir de l’article 5 : cela permet au moins de débattre de manière un peu plus transparente, même si le gouvernement avance dans l’opacité la plus absolue.

Comme il l’a souligné, ce texte va réduire les pouvoirs du Parlement, puisque la fusion nous privera d’une vision claire du financement des différentes filiales et que nous n’aurons plus notre mot à dire sur la répartition des enveloppes entre celles-ci.

Dans notre rapport d’information sur les projets de COM pour la période 2024-2028, Céline Calvez et moi-même avions demandé qu’un projet de loi de programmation soit déposé, afin d’avoir un vrai débat démocratique. Au vu de l’enjeu que représente l’information dans la nouvelle situation géopolitique, la moindre des choses serait que le Parlement discute de manière approfondie des missions et des moyens de l’audiovisuel public.

Je ne souhaite pas que l’on plafonne les recettes tirées de la publicité. Cela dit, avec Mme Calvez nous avions également souhaité que l’on fixe un objectif de diminution de la publicité, le service public devant promouvoir la sobriété et une société qui sort de l’hyperconsommation.

Rien ne va dans l’article 5 comme dans l’ensemble de cette proposition de loi. Nous nous y opposerons donc.

Mme Sophie Mette (Dem). France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA devant être regroupés dans une société holding intitulée France Médias, cet article prévoit de remplacer les quatre COM conclus avec chacune de ces entités par une CSP conclue entre France Médias et l’État, pour une durée de trois à cinq ans. Le même dispositif serait également appliqué à Arte-France.

Si ces CSP sont censées permettre de définir des priorités transversales pour l’audiovisuel public, leur modèle suscite toutefois plusieurs interrogations. Ainsi, avec un processus aussi unifié, nous n’avons aucune certitude que la signature des CSP permettra de s’assurer que chaque entité de France Médias bénéficiera des moyens nécessaires à son bon fonctionnement. Pas ou peu de garde-fous sont prévus, et nous le déplorons.

C’est pourquoi nous considérons avec beaucoup d’intérêt l’amendement du rapporteur pour avis prévoyant que les projets de CSP devront faire l’objet d’un vote par les commissions des finances des deux assemblées, sur le modèle de la procédure de l’article 13 de la Constitution.

Par ailleurs, je m’interroge sur le coût de cette proposition de loi pour les finances publiques. L’étude d’impact indique que celui de la holding serait nul. Avez-vous abouti au même constat, monsieur le rapporteur pour avis ? En réalité, ne faut-il pas s’attendre à un coût administratif important, comme c’est toujours le cas lorsque l’on crée une holding concernant des entités de plusieurs centaines de salariés ?

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Madame Marais-Beuil, nous avons un désaccord majeur : vous êtes pour la privatisation de l’audiovisuel public et nous y sommes opposés. Alors que les ingérences étrangères se multiplient, il est important d’avoir un audiovisuel public fort et de qualité – ce qu’il est actuellement. Nous souhaitons donc le renforcer et accompagner sa transformation plutôt que le privatiser. Quant à France Médias Monde, le gouvernement a déjà annoncé être favorable à l’exclusion de cette entité de la nouvelle holding et il déposera des amendements en ce sens.

M. Amiel a considéré très justement qu’il fallait accompagner l’audiovisuel public. Ses programmes sont de très grande qualité, mais l’audience est vieillissante. Il faut donc aussi essayer d’attirer un public plus jeune. Comme l’a indiqué Laurence Bloch, il faut pour cela développer le numérique. La création de la holding permettrait de mettre en œuvre une stratégie numérique transversale dans l’audiovisuel public.

Je vais répondre de manière globale aux députés du Nouveau Front populaire, car ils ont développé sensiblement les mêmes arguments. Vous avez raison, chers collègues, s’agissant de la capacité du Parlement à influer sur la répartition des moyens entre les différentes entités de l’audiovisuel public. C’est la raison pour laquelle je serais très surpris si vous ne votiez pas les amendements que j’ai déposés sur ce point. Nous devons en effet pouvoir donner notre avis et contrôler chaque année l’utilisation des deniers publics affectés à l’audiovisuel public.

Mme Mette a évoqué le coût de la réforme. Cette dernière consistant simplement à réaffecter quelques personnes au sein de la holding, le coût, s’il y en a un, sera relativement faible. Je m’interroge en revanche sur les conséquences de la stratégie de transformation, notamment en matière numérique. Transformer une structure a un coût et les COM prévoyaient d’ailleurs d’y affecter des budgets. J’ai donc déposé un amendement demandant la remise d’un rapport dans deux ans, afin de savoir combien ont coûté les réorganisations au sein de France Médias.

 

 

Article 5 : Création des conventions stratégiques pluriannuelles et allocation des ressources de l’audiovisuel public

 

Amendements de suppression CF1 de M. Aurélien Saintoul et CF20 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Mon amendement propose de supprimer l’article qui remplace les COM par des CSP. Cette mesure est en effet l’une des conséquences de la création de la holding, à laquelle nous sommes opposés.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Supprimer cet article montrera au gouvernement combien nous sommes mécontents de ces dispositions, qui rabotent encore plus les droits du Parlement. Nous aurons le loisir de le réécrire au cours de la suite de nos débats.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. L’article 5 a seulement pour objet de définir le cadre des CSP, qui ont vocation à remplacer les COM. Supprimer cet article pour faire passer un message au gouvernement est malvenu. Je regrette que vous souhaitiez ainsi empêcher notre commission de débattre de la mise en place de CSP qui protègent l’audiovisuel public.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 5 est supprimé et les autres amendements tombent.

 

 

Après l’article 5

 

Amendement CF3 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à instaurer une redevance progressive, qui serait une solution pérenne garantissant la prévisibilité, la stabilité et le dynamisme du financement de l’audiovisuel public.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Je regrette que le Nouveau Front populaire ne souhaite pas doter le Parlement des outils lui permettant de contrôler l’action du gouvernement. Une fois encore, monsieur Saintoul, vous proposez toujours plus d’impôts ; je suis défavorable à ce matraquage des Français.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CF13 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Compte tenu de la volonté du NFP d’empêcher le Parlement d’exercer son pouvoir de contrôle de l’action du gouvernement, cet amendement, qui vise à demander un rapport d’évaluation du coût des réorganisations effectuées par la holding France Médias Monde, ne présente plus d’intérêt ; je le retire.

L’amendement est retiré.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je le reprends.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CF2 de M. Aymeric Caron

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à demander un rapport d’évaluation du coût des réorganisations effectuées par la holding ; puisqu’il est satisfait, je le retire. Si la réorganisation est effectuée à moyens constants, comme vous le dites, elle se fera au détriment des services existants. Il est donc illusoire de penser qu’elle n’aura aucun effet sur la production.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CF5 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Par cet amendement, nous demandons un bilan exhaustif de la représentation des territoires ultramarins dans l’audiovisuel public. La chaîne dédiée à ces territoires a été fermée il y a quelques années ; en contrepartie, la visibilité des outre-mer devait être renforcée dans l’ensemble de l’audiovisuel public, mais il n’en est rien.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Votre défense de cet amendement me donne presque envie de crier : vous demandez un bilan de la représentation des outre-mer dans l’audiovisuel public alors que vous venez de rendre caducs tous les amendements de M. Steevy Gustave qui allaient précisément dans ce sens et auxquels j’étais favorable : l’amendement CF25 visant à intégrer aux CSP des engagements financiers en faveur de la visibilité des outre-mer – sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement ; l’amendement CF33 qui avait pour objet le renforcement de la continuité territoriale de l’audiovisuel ; l’amendement CF40 tendant à établir un bilan des indicateurs de suivi servant à mesurer la visibilité des territoires ultramarins dans la programmation de l’audiovisuel public. Vous ne faites preuve d’aucune cohérence !

J’étais même favorable à l’amendement CF32 de Mme Taillé-Polian visant à renforcer les missions de l’audiovisuel public dans le traitement médiatique de l’urgence écologique. Pour les mêmes raisons, il ne pourra pas être appliqué.

M. le président Éric Coquerel. C’est un avis défavorable ?

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. La commission s’apprête à rendre un avis favorable sur un amendement qui ne se rattache plus rien !

Demande de retrait.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes opposés à cette proposition de loi, qui prenait auparavant la forme d’un projet de loi – on ignore d’ailleurs toujours si le gouvernement compte l’amender. En toute logique, nous sommes opposés à la rédaction de l’article 5, qui laissait au Parlement un rôle encore plus congru que dans la version précédente. Nous assumons donc le vote des amendements de suppression.

Mme Céline Calvez et moi-même avons proposé d’élaborer une loi de programmation de l’audiovisuel public, pour en redéfinir les missions et les moyens. Si vous la souteniez, nous pourrions débattre de tous ces sujets, en prenant le temps nécessaire.

En tout état de cause, je ne regrette pas d’avoir contribué à la suppression de l’article 5 dans le cadre de la consultation de la commission des finances. Il ne faut ni minimiser ni majorer le poids et le sens de ce vote.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. L’article 5 vise à donner à la commission des finances le pouvoir de valider ou d’invalider la stratégie de l’audiovisuel public. Vous pouvez toujours refaire l’histoire, il reste que vous venez de rejeter ce pouvoir de validation ! Assumez que le Nouveau Front populaire ne souhaite pas que le Parlement se saisisse de sa mission de contrôle de l’action du gouvernement !

M. le président Éric Coquerel. Monsieur le rapporteur pour avis, vous connaissez les règles du jeu : certains députés, majoritaires aujourd’hui, ne sont pas favorables à cette proposition de loi ; vous pouviez vous attendre à ce qu’ils suppriment l’un de ses articles ! En séance, les députés du bloc central seront peut-être davantage mobilisés et vous défendrez plus efficacement votre position.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Nous sommes en désaccord sur un point crucial : vous êtes favorables à l’affaiblissement du Parlement quand je suis favorable à son renforcement.

M. le président Éric Coquerel. C’est un peu caricatural !

La commission adopte l’amendement.

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du lundi 31 mars 2025 à 16 heures

Présents. - M. David Amiel, M. Éric Coquerel, M. David Guiraud, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, Mme Sophie Mette, Mme Sophie Pantel, Mme Sophie-Laurence Roy, Mme Eva Sas, Mme Sophie Taillé-Polian

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Charles de Courson, M. Corentin Le Fur, M. Jean-Paul Mattei, M. Nicolas Metzdorf, Mme Christine Pirès Beaune, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou

Assistaient également à la réunion. - M. Erwan Balanant, M. Aurélien Saintoul, Mme Danielle Simonnet