Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Commission d’évaluation des politiques publiques relatives à l’exécution budgétaire des missions Action extérieure de l’État ; Aide publique au développement, du prélèvement sur recettes au profit de l’Union euroépenne et du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers : audition de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, et M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe 2
– Présence en réunion...........................47
Mercredi
21 mai 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 114
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
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La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, procède à l’audition de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, de M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, de M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, et de M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe
M. le président Éric Coquerel. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ordre du jour de notre réunion appelle l’examen des politiques publiques relatives aux missions Action extérieure de l’État ; Aide publique au développement ; au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne et au compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.
J’attire votre attention sur le fait qu’à l’inverse de précédentes CEPP où nous avons reçu des ministres appartenant au même pôle ministériel, dans le cas présent, nous allons avoir une organisation assez particulière de la CEPP, notamment en raison de contraintes d’agenda des ministres, principalement liées au travail parlementaire, donc légitimes, et dont certaines sont intervenues tardivement. Ainsi, M. Jean-Noël Barrot, après son propos liminaire, devra nous quitter pour rejoindre l’Élysée. M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe, M. Tani Mohamed-Soilihi ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, qui nous rejoindra dès qu’il sera libéré de la séance publique au Sénat, tiendront ensuite également un propos liminaire. Puis nous passerons aux propos et questions des rapporteurs spéciaux, aux questions que moi-même et le rapporteur général poserons, avant de passer aux questions des orateurs de groupes, puis aux questions des autres orateurs. M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger, dès qu’il pourra nous rejoindre à l’issue de son audition devant les commissions des affaires étrangères et des affaires économiques, pourra à la fois tenir un propos introductif et répondre aux questions qui auront été posées et qui l’intéresseront. Enfin, M. Jean-Noël Barrot reviendra en toute fin de CEPP pour répondre à une dernière série d’interventions générales des orateurs de groupes, y compris aux questions qui se seront posées pendant son absence.
Je remercie M. le ministre Barrot et l’ensemble du pôle ministériel pour cette mobilisation qui enrichira à n’en pas douter nos échanges au cours de cette CEPP.
Sans plus tarder, Jean-Noël Barrot, vous avez la parole sur l’exécution budgétaire de ces missions.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. J’ai eu l’occasion de m’exprimer régulièrement devant vos collègues de la commission des affaires étrangères hier encore à la même heure, mais c’est la première fois, dans mes fonctions actuelles, que j’interviens devant votre commission et je me réjouis que l’occasion m’en soit donnée aujourd’hui. J’attache une grande importance au rôle du Parlement dans l’action internationale de la France. L’évaluation de l’atteinte de nos objectifs en fait partie. C’est une mission essentielle, car mesurer l’impact et l’efficacité de nos politiques publiques, c’est leur donner davantage de sens.
Je suis heureux de voir que sept ans après sa mise en place, le printemps de l’évaluation est solidement installé dans la vie parlementaire. J’avais contribué avec d’autres, monsieur le président, au lancement de cet exercice et je constate avec plaisir, en reprenant le mot de David Hockney, qui est exposé d’ailleurs en ce moment à Paris, que rien ne peut empêcher le retour du printemps. Je regrette néanmoins que nos échanges ne s’appuient pas davantage sur des rapports rédigés par vos rapporteurs et que les parlementaires ne s’en saisissent pas de manière plus volontariste. Il me semble important que vous puissiez émettre un avis, certes éclairé par le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution budgétaire, mais avant tout fondé sur votre propre appréciation de parlementaires.
Vous pouvez toutefois compter sur mon engagement et celui de l’ensemble des ministres qui interviendront après moi. Ils reviendront respectivement sur la mission Aide publique au développement, la mission Action extérieure de l’État, et sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Mais avant cela, je souhaitais partager avec vous quelques réflexions sur les deux missions budgétaires dont j’ai la responsabilité, Action extérieure de l’État et Aide publique au développement.
En revenant sur l’exercice 2024 et son exécution, je ferai un petit détour par l’exécution 2025 pour vous faire part des choix que nous avons été conduits à faire, et puis je finirai par vous faire moi-même un petit rapport d’évaluation de l’action de notre ministère, un peu à la manière dont je le faisais lorsque, membre de cette commission, j’étais chargé d’un rapport pour le printemps de l’évaluation.
L’exercice 2024 a été marqué par l’agenda de la transformation et l’effort de maîtrise des comptes publics. D’abord, la mise en œuvre de l’agenda de la transformation. L’année budgétaire 2024 était la première année à acter le réarmement complet de notre diplomatie, demandée par le président de la République lors de son discours au Quai d’Orsay le 16 mars 2023. L’agenda de la transformation était nourri par les états généraux de la diplomatie, cet exercice de réflexion collective sur l’avenir de notre diplomatie qui avait été très largement mise à contribution des économies au budget de l’État pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies. L’agenda comprenait 356 propositions articulées autour de cinq priorités : une diplomatie plus agile autour d’un ministère conforté comme pilote interministériel de l’action internationale de la France, une influence renforcée dans une approche partenariale et par une politique de communication internationale plus affirmée, un investissement accru dans la défense des biens communs mondiaux depuis la démocratie jusqu’à l’environnement, une diplomatie plus proche des Français à l’étranger comme dans nos territoires, et puis une attention accrue aux ressources humaines.
Pour atteindre ces objectifs, la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 marquait une augmentation sans précédent de nos moyens : plus 293 millions d’euros, dont une hausse de 240 millions pour la mission Action extérieure de l’État. Le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, était pour sa part maintenu au niveau de 2023, après plusieurs années de forte hausse, à 3,4 milliards d’euros.
C’était donc la première traduction budgétaire de cet agenda de transformation visant à réarmer notre diplomatie et puis le maintien de notre force de frappe en matière d’aide publique au développement qui, comme vous le savez, est un levier considérable pour l’atteinte de nos objectifs de politique publique, y compris des objectifs de politique publique nationaux.
Ce budget était marqué par un effort important de maîtrise des comptes publics. Dès le mois de février 2024, le budget du ministère a été fortement mis à contribution dans le cadre de l’effort de maîtrise des comptes publics, plus de 710 millions de réduction en crédit de paiement, soit une réduction de 10 % du budget. Ces annulations ont principalement porté sur le programme 209, avec 540 millions d’euros de baisse, mais la mission Action extérieure de l’État était également très affectée à travers une annulation de 174 millions d’euros. Un premier effort a donc été demandé dès le mois de février sur la mise en œuvre de cet agenda de transformation. S’y ajoutent, s’agissant de la mission Aide publique au développement, des annulations de 250 millions d’euros en autorisation d’engagement et de 200 millions d’euros en crédit de paiement sur le programme 110, Aide économique et financière au développement.
Ensuite est venu le mois de juillet 2024, qui a accentué la contrainte avec des surgels de 170 millions au niveau de mon ministère, dont 117 millions sur le programme 209, 33 millions sur le programme 105, 5,6 millions sur le programme 151 et 14,7 millions sur le programme 185. L’ensemble de ces mesures de régulation, qui ont porté sur plus de 12 % du budget du ministère, nous ont contraints à opérer des choix à la mi-temps de ce budget 2024. Sur le programme 105, Action de la France en Europe et dans le monde, nous nous sommes fixé deux priorités. La première, c’est la préservation de notre capacité à honorer nos engagements internationaux : contribution obligatoire à l’ONU, à l’Otan, aux organisations internationales, notre part sur les opérations de maintien de la paix et les mesures d’assistance, notamment pour l’Ukraine, et puis les crédits destinés à l’organisation des sommets internationaux, le sommet de la francophonie en octobre 2024, le sommet sur l’intelligence artificielle en février 2025. C’était la priorité absolue.
La deuxième priorité, c’était la préservation des crédits finançant l’agenda de la transformation, avec la mise en place de l’académie diplomatique et consulaire, le renforcement de nos capacités de cybersécurité via la direction du numérique, puis la sécurité des agents et la sécurisation de nos emprises à l’étranger.
L’annulation d’une part importante des crédits additionnels votés en loi de finances initiales nous a obligés, et malgré ces objectifs que nous avons réussi à atteindre parce que nous en avons préservé les crédits, à renoncer à certaines mesures, comme des actions de coopération en matière de sécurité et de défense en Afrique, ou encore des mesures de report des investissements en matière immobilière.
Dans le détail, sur le programme 151, les annulations de crédit n’ont porté que sur une partie de la réserve de précaution, 3,45 millions d’euros sur 9,1 millions d’euros, ce qui nous a permis de poursuivre l’exécution des mesures prévues en loi de finances initiale, et notamment les chantiers de modernisation consulaire : le service France Consulaire, qui est une hotline à destination des Français établis à l’étranger, le registre électronique de l’état civil, l’expérimentation du renouvellement des passeports à distance, le vote électronique. Deux scrutins ont dû être financés en 2024 : les élections européennes, on s’y attendait, les élections législatives anticipées, on ne s’y attendait pas.
Le ministère de l’intérieur n’ayant pas été en mesure de rembourser sa part dans l’organisation de ces dernières, un dégel à due concurrence de la réserve de précaution a été effectué en fin de gestion pour un montant de 4,2 millions d’euros. Puis s’agissant des bourses scolaires, l’exécution 2024 a été proche de 2023. Cela a permis de redéployer une partie des crédits vers le dispositif d’accompagnement des élèves en situation de handicap, qui a bénéficié à 474 élèves contre 300 en 2023. Ce sont ainsi 2,4 millions d’euros qui ont été versés aux familles, alors que les crédits en LFI s’élevaient à 1,5 million d’euros.
Sur ce programme 151, chers aux députés des Français de l’étranger, nous avons veillé à poursuivre les chantiers de modernisation des services publics à destination des Français à l’étranger. On a eu les élections, on les a organisées et bien organisées, j’y reviendrai, puis est venu ensuite le soutien aux élèves en situation de handicap.
J’en reviens maintenant au programme 185 sur l’influence, où les mesures d’annulation et de surgel, 42 millions au total, ont quasiment ramené les crédits à leur niveau de 2023. J’ai toutefois souhaité maintenir les mesures de renforcement de notre réseau de coopération et d’action culturelle ainsi que les programmes de bourse pour attirer les talents internationaux en France, car ce sont des éléments importants de notre politique d’influence. En Afrique pour 10 millions d’euros et en Indo-Pacifique pour 19 millions d’euros, puis pour l’excellence académique et scientifique à hauteur de 10 millions d’euros et les industries culturelles et créatives pour 3 millions d’euros.
L’effort qui nous a été demandé sur ce programme, nous l’avons fait porter sur les opérateurs, conformément aux orientations gouvernementales, ce qui a affecté en particulier Campus France qui disposait de marges de trésorerie qui ont été sollicitées afin de maintenir nos efforts, comme je l’évoquais, sur le réseau de coopération et d’action culturelle et les programmes de bourse.
J’en viens à la mission Aide publique au développement, en particulier le programme 109. Les coupes ont été massives. L’année 2024 marque donc l’interruption de la montée en puissance de notre dispositif d’aide publique au développement (APD), telle qu’elle avait été pensée et lancée depuis 2017, avec une annulation de près d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 950 millions d’euros en crédits de paiement. Ces montants ont dû être imputés en partie sur notre mécanisme de réserve permettant de répondre aux crises humanitaires, ce qui n’est jamais tout à fait souhaitable, mais nous avons néanmoins réussi à faire face aux principales crises.
Les dépenses depersonnel ont fait l’objet d’une mesure d’annulation de 25 millions d’euros en février 2024, absorbée sur les provisions pour fluctuations monétaires, dont nous n’avons pas eu besoin, et nous avons été ainsi en mesure d’exécuter notre schéma d’emploi de 165 nouveaux équivalents temps plein (ETP) déployés sur nos priorités géographiques, l’Indo-Pacifique et l’Afrique, et sectorielles : communication, capacité de négociation et d’analyse.
J’insiste, parce qu’on parle d’un ministère qui regroupe 14 000 agents et cette mesure, que l’on a exécutée en 2024 avec la création de 165 nouveaux ETP, était vraiment au cœur de cet agenda de transformation, coécrit avec les agents du ministère, qui avaient, je le redisais, payé un tribut très lourd aux économies budgétaires des années passées et qui, avec ce ressaut en matière d’effectifs, voyaient en quelque sorte une nouvelle dynamique s’enclencher, avec beaucoup d’espoir placé dans ce réarmement diplomatique.
Je vous ai dit que j’allais faire un détour par l’exécution 2025, puisque les tendances de la gestion 2024 se sont confirmées, voire accentuées, dans la préparation de la loi de finances 2025. Alors que le projet de loi de finances 2026 est en préparation, je voulais partager avec vous la manière dont nous avons dû faire nos arbitrages au moment de la préparation 2025. Nous l’avons fait en prenant garde à ne pas fragiliser notre outil diplomatique dans un environnement international qui exige qu’il soit au contraire déployé sur tous les fronts. Rappelons-nous que l’agenda de la transformation est né du constat posé par nos plus hautes autorités d’un système à bout de souffle, dont les moyens régulièrement reniés avaient conduit à épuiser nos agents et saturer notre fonctionnement.
Notre trajectoire d’équivalents temps plein (ETP), je le disais, qui a été respectée en 2024 avec 165 postes, a déjà été tronquée ou a dû être tronquée substantiellement en 2025, puisqu’on a exécuté 75 créations de postes au lieu des 165 qui étaient prévues et qui devaient nous permettre de déployer notre diplomatie au-devant des menaces pour mieux les contrer.
Cela concerne aussi les moyens de fonctionnement du ministère et de son réseau diplomatique, le troisième réseau mondial. L’année 2024 nous a conduits à reporter des opérations immobilières, des chantiers sur notre infrastructure numérique et la sécurisation de nos emprises.
Les économies recherchées ont tendance à cibler des moyens dits pilotables, mais dans la pratique, cela implique un renoncement pouvant être lourd de conséquences. Je vous donne quelques exemples : le soutien à l’Agence internationale pour l’énergie atomique, seule entité dans le monde en capacité d’examiner les évolutions du programme nucléaire iranien, le déploiement d’experts au sein des institutions de l’Union Européenne qui nous permet de peser sur la préparation des législations européennes, ou encore l’envoi de coopération en Amérique latine pour appuyer la lutte contre le narcotrafic qui chemine vers l’Europe. Nous sommes attentifs également, et je vous invite à l’être avec nous, à ne pas fragiliser le programme budgétaire qui œuvre aux services des Français vivant à l’étranger.
Le programme 151 assure un service public direct à nos concitoyens et sa performance est saluée et documentée, j’y reviendrai dans un instant.
Sur le programme 185, qui nourrit notre réseau culturel et notre diplomatie d’influence, ainsi que sur l’aide publique au développement, il faut prendre conscience des conséquences d’un coup d’arrêt, voire un retrait de notre investissement sur ces actions. Ce sont des outils de puissance douce, de soft power, qui œuvrent pour ancrer le partenariat de la France dans les pays où ils sont implantés, en créant du lien avec les sociétés de ces pays et en générant un attachement que nous voulons durable à la France.
Voilà ce que je voulais vous dire sur l’exécution 2024 dans les grandes lignes, et puis l’exécution de la loi de finances pour 2025 au moment où nous préparons déjà la loi de finances 2026. Mais je voulais quand même terminer par un point sur l’impact, parce que j’ai lancé au sein de ce ministère un travail de fond pour mesurer l’impact de nos actions pour le quotidien de nos compatriotes, parce que les affaires étrangères sont en réalité l’affaire de tous. J’ai demandé à mes services de passer en revue tous les programmes en termes d’impact, et ces travaux nous servent d’ailleurs à préparer le projet de loi de finances 2026, car la seule exigence qui vaille, c’est celle de l’efficacité.
Cette revue montre d’ores et déjà que l’impact de notre action sur le quotidien des Français est déterminant. Ce ministère mène trois grandes missions.
La première, c’est d’assurer le service public des Français à l’étranger, et on l’oublie souvent, alors même que c’est sans doute le service public le mieux géré de France, parce que, vous le voyez, le service public que nous délivrons aux Français de l’étranger pour la délivrance des actes d’état civil, pour la possibilité de voter, et notamment de voter par voie électronique, la possibilité de faire scolariser ses enfants dans un établissement, donne pleine satisfaction. Le premier chiffre, c’est le taux de satisfaction pour les services consulaires dans les réponses qu’on obtient par des usagers eux-mêmes, et c’est 91 %. Je citerai les 2 300 Français détenus à l’étranger qui bénéficient de la protection consulaire de la France, ou encore les 186 femmes victimes de violences qui ont été soutenues en 2024 par le réseau diplomatique et consulaire. Je voudrais aussi citer les 947, donc quasiment 1 000 personnes qui ont été évacuées et mises en sécurité grâce à l’action de nos postes, parce que la situation était tendue ou en raison de catastrophes naturelles. Enfin, je voulais rappeler que 75 % des Français de l’étranger ont voté par voie électronique pour les élections législatives anticipées de 2024, que nous avons délivré 509 000 documents d’identité, ce qui fait du Quai d’Orsay la première mairie de France, et que près de 400 000 élèves sont scolarisés dans le réseau de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger. Cela, c’est pour nos compatriotes établis à l’étranger, un service public qui fonctionne et qui donne pleine satisfaction.
La deuxième mission de ce ministère, c’est de défendre les intérêts de la France et des Français, de mettre en œuvre, par le canal bilatéral, par le canal européen, par le canal multilatéral, les priorités du gouvernement. Je voudrais également vous citer quelques chiffres. L’année dernière, en 2024, la France a été première destination européenne pour les investissements étrangers. Ce n’est pas un hasard, c’est la mobilisation des ambassadeurs, des agents dans les postes, qui permet d’attirer les investissements dans notre pays. Plus de 20 000 entreprises ont été soutenues à l’export, là encore grâce à la mobilisation de nos agents, puis je citerai les 30 000 emplois créés en France par les investissements directs étrangers. Nous travaillons aussi à maîtriser l’immigration illégale et à promouvoir l’immigration choisie, avec l’instruction de 3,5 millions de demandes de visa toutes catégories confondues, et avec 2 millions de visas touristiques délivrés. Nous avons également une contribution en matière de lutte contre les risques sanitaires, avec 6 millions d’enfants vaccinés et 2,5 millions de personnes traitées contre le VIH. Certes, cela s’applique à l’extérieur de nos frontières, mais cela entraîne des conséquences pour nos compatriotes sur le territoire national. En matière de lutte contre le réchauffement climatique, je citerai les 10 millions de tonnes équivalent carbone économisées chaque année, tout au long de la vie des projets d’atténuation que nous finançons. Je mentionnerai enfin les 430 000 étudiants étrangers dans les universités françaises qui contribuent à faire vivre et à solvabiliser, si je puis dire, ces universités. Le million d’étrangers apprenant le français dans notre réseau concourt aussi au rayonnement de la France à l’international.
La troisième mission de ce ministère est d’informer les Français et leurs autorités sur la situation du monde. Là encore, je voudrais partager avec vous quelques chiffres assez marquants et illustratifs. D’abord, ce sont les 22 millions de consultations du site Conseil aux voyageurs qui permettent à nos compatriotes de se déplacer en sécurité à l’étranger. Je voudrais citer également les 30 000 notes diplomatiques produites l’année dernière par notre réseau et qui permettent d’informer les autorités sur la situation du monde, notamment sur les théâtres de crise. Il y a bien évidemment l’information des parlementaires avec les 300 réponses aux questions écrites qui ont été adressées. C’est aussi le conseil juridique, si l’on peut dire, que le Quai d’Orsay apporte à l’ensemble du gouvernement sur les questions juridiques internationales, avec les 20 000 Français placés dans les organisations internationales, les sept juges français placés dans les juridictions internationales. Je cite également les accords et traités signés par la France, 68, l’année dernière.
Cette troisième mission consiste à amener la jeunesse à s’intéresser aux questions diplomatiques et à s’y familiariser. Nous proposons 1 250 stages et volontariats en ambassade et en consulat, 56 000 visas vacances travail sont délivrés chaque année dans 15 pays, 150 élèves, étudiants ou boursiers participant chaque année à l’Académie diplomatique d’été. Nous allons lancer officiellement dans quelques jours la première promotion de la réserve diplomatique qui comptera 250 membres. Voilà quelques chiffres sur notre impact que je voulais partager avec vous.
En conclusion, il importe que nos compatriotes se rendent compte de l’impact de l’action internationale de la France sur leur vie quotidienne. C’est pour cela que je me suis fixé trois priorités : renforcer les liens qui nous unissent aux Français et à leurs élus, affirmer notre présence territoriale et ouvrir grand les portes du Quai d’Orsay.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe. Merci de votre accueil en commission pour ce printemps de l’évaluation. Nous allons parler du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (UE) et de la contribution française au budget européen et au cadre financier pluriannuel (CFP). Je parlerai des retours français au titre du budget de l’UE dans le cadre financier pluriannuel, et ce sera peut-être l’occasion d’évoquer les débats qui débutent au sujet du prochain cadre financier pluriannuel où nous aurons des intérêts français offensifs forts à défendre. J’étais d’ailleurs aujourd’hui à Bruxelles pour assister à un débat sur les questions budgétaires, notamment sur la question des ressources propres. En fin de semaine, le commissaire européen au budget, à la lutte contre la fraude et à l’administration publique Piotr Serafin, sera en France. Nous irons dans le Doubs à la rencontre d’agriculteurs et d’entreprises dans le secteur de l’innovation et de la technologie pour évoquer certaines de nos priorités sur le budget à venir. Nous aurons aussi l’occasion, d’ailleurs, de parler des enjeux de l’architecture du budget européen et je reste à votre disposition pour échanger là-dessus.
Je voudrais d’abord évoquer l’examen du cadre financier pluriannuel actuel, qui court de 2021 à 2027, qui est le plus ambitieux de l’histoire de la construction européenne si on ajoute aux crédits budgétaires votés dans le cadre financier pluriannuel 2021 – 2027, les 807 milliards d’euros du plan de relance et de résilience initié après l’épidémie de Covid-19 et financé via le grand emprunt Next Generation EU. Cela fait 2 100 milliards d’euros en tout, un budget qui est essentiel pour permettre à l’Union européenne de répondre aux défis majeurs auxquels elle fait face.
S’agissant de notre contribution, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne s’est élevé en 2024 à 22,276 milliards d’euros, soit une baisse de 2,6 % par rapport à l’exécution 2023 mais une augmentation de 3 % par rapport aux 21,61 milliards d’euros qui avaient été inscrits en loi de finances pour l’année 2024. L’exécution du prélèvement sur recettes au profit de l’UE est donc en décalage de 667 millions d’euros par rapport à la prévision.
Cette contribution française n’est certainement pas un chèque en blanc à la Commission européenne. Nous nous battons pour maximiser les retours, pour mobiliser le mieux possible les financements et pour défendre nos intérêts. Nous négocions nos intérêts auprès des institutions européennes lors des différentes étapes de négociation du budget. Mais je voudrais dire, au-delà même de la question des retours considérés d’un point de vue purement comptable, que le débat d’aujourd’hui, c’est fondamentalement le débat sur les bénéfices de l’appartenance de la France à l’Union européenne et au marché unique européen.
Il est évident que la France, les entreprises françaises, les agriculteurs français, les étudiants et chercheurs français bénéficient de l’appartenance de notre pays à l’Union européenne et au marché unique, que celui-ci est un facteur de compétitivité pour nos entreprises, un facteur de compétitivité sur la scène internationale, en particulier au moment où nous faisons face à des pressions géopolitiques et commerciales, venant des États-Unis, de Chine et d’ailleurs.
Vous le savez, ce cadre financier pluriannuel permet tout d’abord de financer la politique agricole commune (PAC), dont la France est le premier bénéficiaire, avec 9,5 milliards d’euros par an à travers le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le fonds européen agricole de garantie (FEAGA) pour nos agriculteurs. Je voudrais souligner, puisque nous sommes au début de la négociation du prochain CFP, qu’avec ma collègue Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, nous maintiendrons une ambition forte pour préserver le niveau de vie et de revenu de nos agriculteurs lors du prochain CFP, pour simplifier aussi en profondeur les procédures de la PAC. Nous échangeons à cet égard régulièrement avec le commissaire européen à l’agriculture et au développement rural Christophe Hansen.
Je voudrais souligner que la vision stratégique pour l’agriculture qui a été publiée par la Commission européenne il y a quelques semaines reflète en cela de nombreuses priorités qui ont été exprimées par la France, que ce soit sur la question de la simplification, sur l’idée de passer d’une logique de contrainte à une logique d’investissement et d’accompagnement des agriculteurs, notamment dans la voie de la transition environnementale, que ce soit sur la question de la préservation et de la défense du revenu des jeunes agriculteurs et de l’accompagnement – je sais que le commissaire Hansen en fait une priorité, c’est mon cas aussi – et de la question de la souveraineté alimentaire qui doit s’appuyer d’ailleurs sur la réciprocité et les clauses miroirs dans nos échanges avec nos partenaires commerciaux, notamment sur les questions agricoles. Ce sujet sera bien sûr prioritaire pour nous.
Les fonds de la politique de cohésion dont bénéficie la France s’élèvent à 17 milliards d’euros pour les exercices 2021 à 2027. Dans ce domaine, nous pourrions améliorer nos retours. Je pense notamment aux territoires d’outre-mer et aux régions ultra-périphériques. C’est un intérêt que l’on défend auprès des institutions européennes qui demandera la simplification des procédures du côté européen.
Ce budget européen nous permet, au-delà de la cohésion et de l’agriculture, de financer des priorités dans le domaine de la compétitivité ou encore de la sécurité, sujets sur lesquels les Européens ont intérêt à avancer ensemble, à peser ensemble et à investir en commun. On peut penser, bien sûr, au domaine de sécurité et de défense. Le soutien à l’Ukraine a pris une part absolument fondamentale dans le dernier CFP. Sur le plan humanitaire, nous avons apporté une aide de près de 3,7 milliards d’euros, avec la Facilité européenne pour la paix (FEP), le mécanisme qui est utilisé pour rembourser les livraisons d’armes à l’Ukraine. Les États membres ont contribué au transfert et à l’acquisition conjointe d’armes et de munitions à hauteur de 11,1 milliards d’euros. Sur le plan économique, nous avons donc révisé le CFP au début de l’année 2024 pour permettre l’adoption de la Facilité pour l’Ukraine dotée d’un montant de 50 milliards d’euros dont 17 milliards d’euros de dons et 33 milliards d’euros de prêts.
Nous sommes aussi parvenus à un accord au niveau du G7 sur les prêts à l’Ukraine par l’accélération de l’utilisation des recettes extraordinaires (Extraordinary Revenue Acceleration), financées via les intérêts générés par les avoirs de la Banque centrale russe gelés en Europe. Je cite enfin la mise en place du Fonds européen de la défense (FED) qui bénéficie principalement aux entreprises françaises, ces dernières ayant perçu 20 % des financements en 2023. La défense concerne aussi l’espace, un domaine dans lequel la France a des retours particulièrement élevés, basés sur la performance de nos entreprises et de nos industriels. La priorité, ces prochaines années, sera la mise en place du système satellitaire Iris2 qui nous permettra de disposer d’une solution satellitaire souveraine au niveau européen, essentielle quand on voit le poids qu’a pris Starlink sur la question des satellites et notamment son rôle dans la guerre en Ukraine.
Je voudrais juste vous donner quelques chiffres en termes de retour pour la France sur l’exercice 2023 parce que nous ne disposons pas encore des chiffres des retours sur 2024. L’exercice 2023, je l’avais mentionné lors du débat relatif au prélèvement sur recettes à l’Assemblée nationale, ce sont 16,5 milliards d’euros de retours français apportés par le budget de l’UE dans le cadre du CFP et 12,3 milliards d’euros de versements de l’UE au titre du plan de relance Next Generation EU, ce qui représente 28,8 milliards d’euros au total. La France est évidemment l’un des principaux bénéficiaires au niveau européen de sa participation à l’UE. Au-delà de cette simple dimension comptable, c’est bien sûr un enjeu d’influence pour nous en Europe.
Cette discussion a lieu, je le disais, au début de la négociation du prochain cadre financier pluriannuel, au cours de laquelle nous aurons plusieurs objectifs.
Le premier, c’est de répondre aux risques, soulignés dans le rapport Le Futur de la compétitivité européenne remis par Mario Draghi, de décrochage économique et industriel de notre continent face à nos partenaires et concurrents, en particulier américains. Le rapport souligne la nécessité de mobiliser près de 800 milliards d’euros d’investissements publics comme privés par an pour rattraper notre retard dans le domaine de la transition environnementale, de la technologie, et on pense à des secteurs comme l’intelligence artificielle ou le quantique, ou encore dans le domaine de la défense. Cela passera en partie par une ambition forte sur le budget européen, par la mobilisation par effet de levier des fonds privés que peuvent entraîner un certain nombre d’institutions comme la Banque européenne d’investissement (BEI) ou encore des fonds d’investissement comme le fonds InvestEU qui sont très efficaces, qui ont d’excellents retours au niveau européen, qu’il faudra renforcer et développer. Cela passera bien sûr par l’épargne privée, qu’il faudra savoir mieux mobiliser au niveau européen. Tous les ans, 300 milliards d’euros d’épargne privée en Europe franchissent l’Atlantique pour capitaliser les marchés américains et financer les sociétés américaines. La démarche passera par l’union des marchés de capitaux, la simplification drastique de nos textes, l’harmonisation de nos réglementations, comme les codes de commerce ou encore le droit des affaires.
La condition sine qua non de ce budget, et je sais que plusieurs d’entre vous ont peut-être des questions ou des remarques à ce sujet, c’est la question des ressources propres. En principe, les 27 pays se sont mis d’accord, lors de la négociation du plan de relance Next Generation EU. Aujourd’hui, 80 % du budget de l’Union européenne est financé par les contributions des États membres. Si nous voulons rehausser aussi nos ambitions budgétaires au niveau européen et augmenter la force de frappe financière de l’Union européenne sans avoir à augmenter notre prélèvement, ce qui est notre objectif naturellement, il faudra passer par des ressources propres. La Commission a entamé des réflexions sur ce sujet avec quelques propositions sur les petits paquets, sur la taxe carbone aux frontières, sur les déchets électroniques ou encore la taxe sur les services numériques étrangers, américains, avec notamment la possibilité de taxer les publicités. Ce sont encore des réflexions préliminaires à ce stade qui devront bien sûr faire l’objet d’examens, d’évaluations et de débats entre les États membres, mais c’est une réflexion que nous appelons de nos vœux. Si l’Europe veut vraiment s’affirmer et pouvoir disposer de ressources pérennes, stables, qui ne dépendent pas uniquement de la contribution des États membres pour faire face aux défis géopolitiques, économiques, technologiques ou industriels que nous venons de mentionner, le développement de ressources propres devra vraiment être une condition préalable.
M. Jean-Philippe Tanguy, rapporteur spécial (Affaires européennes). Cela ne vous étonnera pas, mon intervention portera essentiellement sur le financement du prochain cadre financier pluriannuel et son architecture, même s’il y a des questions sur l’exécution passée qui exerceront une influence très importantes sur l’exécution à venir, à savoir l’année prochaine. Il faut bien dire que le financement du budget de l’UE devient de plus en plus une quadrature du cercle. Vous le savez, à partir de 2028, il faudra débourser entre 25 et 30 milliards d’euros par an via le budget de l’UE pour rembourser l’emprunt contracté pour financer le plan de relance Next Generation EU. Ce n’est pas de l’argent qui est tombé du ciel. Si l’on applique la clé de contribution de la France à la ressource du budget de l’UE liée au revenu national brut (RNB), cela représente un coût supplémentaire de 5 milliards d’euros pour la France, puisque pour le moment, vous n’avez pas trouvé de ressources propres. Si l’on reconduit, dans le prochain CFP, les plafonds du CFP actuel qui couvre les années 2021 à 2027, soit 1 220 milliards en 7 ans quand même, le remboursement de l’emprunt Next Generation EU représentera donc plus de 17 % d’un budget annuel moyen de 174 milliards d’euros. C’est trois fois le budget alloué en 2025 au programme européen en matière de recherche, Horizon Europe. C’est l’équivalent de ce que l’Union européenne investira en 2025 pour les fonds en gestion partagée de la politique de cohésion à l’échelle de l’ensemble de l’Union européenne.
En second lieu, monsieur le ministre, vous ne l’avez pas dit dans votre intervention, il conviendra de dépenser la masse énorme des restes à liquider du CFP 2021-2027 qui expliquent la sous-exécution du budget de l’UE et du prélèvement sur recettes à son profit au cours des trois dernières années. Fin 2024, les restes à liquider s’élèvent à 506 milliards d’euros et la Commission européenne reconnaît elle-même qu’ils s’élèveront encore à 323 milliards d’euros au début du prochain CFP. Les sommes sont considérables et vous prévoyez déjà plus d’argent pour des programmes que la Commission européenne n’a pas été capable de mettre en place, d’exécuter et de dépenser.
Ces dépenses qui restent à liquider vont s’ajouter à la reconduction des 1 220 milliards du CFP précédent, qui sont le socle commun du budget de l’UE, vous l’avez reconnu vous-même. Je ne vois donc pas, monsieur le ministre, comment vous pourrez éviter un ressaut de la contribution de la France à l’Union européenne, sauf – et vous l’avez mentionné – en mobilisant les fameuses ressources propres. Mais, monsieur le ministre, les ressources propres, ce sont toujours des impôts au sein du continent européen, sauf si vous faites du protectionnisme – on y reviendra, mais c’est un grand changement de doctrine, dont je me félicite – mais ce sont toujours des impôts et une partie de ces fameuses ressources propres est toujours payée par les Français.
Prenons la fameuse contribution plastique, qui est censée être une ressource propre. La France paie une part plus importante qu’elle ne devrait à la contribution plastique parce que d’autres pays ont encore eu des rabais, en particulier la Pologne. Je ne comprends pas pourquoi la Pologne bénéficie d’un rabais sur sa contribution plastique. Peut-être pouvez-vous nous expliquer pourquoi les Polonais, qui reçoivent tant d’argent de l’Union européenne, ont encore obtenu un rabais.
Vous espérez des ressources propres sur les quotas carbone. Le fameux système européen d’échange des quotas d’émissions (SEQE) devrait rapporter 18 milliards d’euros mais ce système n’est pas encore mis en place. Si l’on prend l’exemple du SEQE 1 – puisque nous parlons du SEQE 2 pour générer ces 18 milliards d’euros, pardon, j’ai oublié de le dire – le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas du tout fonctionné. Je ne parlerai pas des nombreux dysfonctionnements qu’il a rencontrés, pour ne pas être désagréable, mais je rappelle qu’il fonctionne tellement mal que la France doit dépenser un milliard d’euros par an pour le compenser. Pourquoi mettre en place un système qui est censé lutter contre le carbone si, structurellement, les impôts des Français doivent le compenser à hauteur d’un milliard d’euros ? On aurait pu comprendre qu’on le compense un an mais cela fait des années que l’on compense ce milliard d’euros. Ce système ne fonctionne pas. Comme souvent avec l’Union européenne, quand ça ne fonctionne pas, on accélère et on en fait encore plus. Donc le SEQE 2 ne concernera pas seulement les entreprises intensives en carbone mais également les carburants routiers, les combustibles de chauffage, le gaz, le fioul, le charbon, toute la construction et tous les secteurs industriels. Cet argent, monsieur le ministre, n’est pas une ressource qui tombe du ciel. C’est bien l’économie nationale et les ménages qui vont devoir l’alimenter. C’est une hausse, dès 2027, de 15 centimes par litre de carburant routier. Assumez-vous, comme ministre de ce gouvernement, une augmentation de 15 centimes par litre que vous appelez une ressource propre ? Je ne suis pas sûr que les Français l’entendent comme vous l’avez présenté dans votre intervention. Cela concerne tout le monde, et ce n’est pas une analyse du Rassemblement national, c’est dans un article des Échos qui, jusqu’à preuve du contraire, est loin d’être une officine de mes services.
Il reste le protectionnisme. Aujourd’hui, le fameux mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, présenté comme une mesure générale, n’est pas une mesure générale. Cela concerne, et vous le savez, six à sept catégories de produits. Ce sont deux milliards d’euros de ressources propres, dont 500 millions d’euros qui reviendront aux États membres et 1,5 milliard d’euros qui reviendra à l’Union européenne. Mais une fois de plus, c’est de l’argent qu’on aurait pu avoir pour la nation. On peut le donner à l’Union européenne comme on le fait pour les taxes douanières en général mais ce n’est pas une ressource qui « ne coûte rien » aux Français.
Mes questions, au fil de mon analyse, étaient donc nombreuses. Demeurent les questions relatives aux retours français au titre du budget de l’UE. Comment allez-vous garantir pour le prochain CFP le financement de la PAC ? Vous avez commencé à en parler, mais le plus important, c’est la question du rabais, non pas pour défendre une mesure du Rassemblement national, mais la France est le seul pays contributeur net à ne pas avoir de rabais. La position de la France, sauf erreur, monsieur le ministre, est qu’il ne doit plus y avoir de rabais. Cette position est constante depuis deux CFP, et à chaque fois, la France n’a pas de rabais, tous les pays ont un rabais, et pour le moment, on paie même le rabais sur le rabais anglais. Soit on défend les intérêts de la France, soit on ne les défend pas, mais on ne peut pas défendre une position qui ne fonctionne jamais. Je vous remercie.
M. Benjamin Haddad, ministre. D’abord, je n’ai pas mentionné le SEQE 2 comme une ressource propre, c’est vous qui venez de le mentionner. C’est un système que, pour l’instant, la France n’a pas transposé et j’ai évoqué plusieurs possibilités, dont le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Vous avez raison de souligner que le MACF représente entre 1 et 2 milliards d’euros. Certes, cela ne résout pas entièrement la question des ressources propres, mais ce mécanisme s’inscrit dans une logique d’équité commerciale, de protection de l’environnement et d’égalité des conditions de concurrence. Il vise à faire payer les pays tiers pour compenser les différences de standards en matière de décarbonation entre l’Europe et le reste du monde. Vous pouvez qualifier cela de protectionnisme mais il s’agit plutôt d’une forme de commerce plus équitable, basée sur la réciprocité et une forme de clause miroir.
La taxe sur les services numériques a également été évoquée par la présidente de la Commission européenne comme une possible mesure de rétorsion face aux droits de douane américains. Cela s’inscrit dans le cadre de l’instrument anti-coercition, une des réponses potentielles aux droits de douane. Le président de la République et d’autres, notamment le commissaire au budget Piotr Serafin, l’ont mentionnée comme une ressource potentielle pour l’Union européenne. Cette réflexion est d’autant plus pertinente que les négociations au niveau de l’OCDE ont été abandonnées par les Américains. Il serait donc tout à fait légitime pour les Européens d’avancer seuls sur ce sujet.
Il est important de noter que lorsque le président des États-Unis évoque les équilibres commerciaux entre l’Europe et les États-Unis, il se concentre sur les biens et omet de parler des services. Or, nous sommes consommateurs de services numériques, ce qui constitue un levier intéressant à exploiter.
D’autres pistes sont envisagées, bien que leurs montants soient moindres. Il s’agit notamment de la taxation des petits paquets en provenance de Chine, à hauteur de 1 ou 2 euros, ou encore de la gestion des déchets électroniques. Nous réfléchissons également à la mise en place d’un système électronique d’autorisation de voyage (ESTA) européen, similaire à celui rétabli par l’administration Trump pour les citoyens européens se rendant aux États-Unis. L’absence de réciprocité à l’époque était, à mon sens, surprenante. Nous encourageons donc cette réflexion sur ces différents mécanismes.
Concernant la mobilisation des fonds et les retours, c’est effectivement une priorité. J’ai mentionné précédemment l’importance des régions ultra-périphériques dans les politiques de cohésion de l’Union européenne. Nous pourrions également améliorer nos retours dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment via les fonds Horizon Europe. Le gouvernement travaille, en collaboration avec le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, à mieux coordonner les différents acteurs - universités, start-up, secteur de la recherche - pour optimiser l’obtention des fonds européens. Notre stratégie vise à privilégier ces fonds européens avant les fonds nationaux afin d’éviter une double dépense pour la ministre chargée des comptes publics.
Cette démarche nécessite un effort de simplification essentielle pour accompagner nos acteurs et maximiser l’utilisation des fonds européens à notre disposition.
J’aborde la question de l’augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR-UE) pour les prochaines années. Cette hausse était prévisible et s’explique par un retard de décaissement, notamment des fonds de cohésion, dû à notre performance exceptionnelle sur le plan de relance ces dernières années. Cette augmentation se répercutera sur les financements de nos régions et de nos entreprises. Il est important de souligner que cette trajectoire avait été convenue dès le départ dans le cadre financier pluriannuel. Nous assistons donc à la concrétisation d’un scénario anticipé.
Concernant la politique agricole commune, je tiens à préciser notre position sur les discussions préliminaires relatives à la nouvelle architecture du cadre financier pluriannuel. Nous accueillons avec une grande circonspection les propositions actuelles de la Commission visant à fusionner la PAC et les fonds de cohésion. Je tiens à être parfaitement clair : nous nous opposerons fermement à toute tentative de dilution de la politique agricole commune ou de réduction de son budget. Nous resterons extrêmement vigilants face à toute proposition allant dans ce sens. J’exprimerai d’ailleurs cette position sans ambiguïté au commissaire européen au budget Piotr Serafin lors de sa visite en France vendredi.
M. le président Éric Coquerel. Je souhaite aborder une question cruciale concernant Frontex. Cette agence est devenue la plus importante de l’Union européenne, avec un budget qui a connu une croissance exponentielle, passant de 6 millions à 845 millions d’euros entre 2005 et 2023. Il est important de noter que Frontex a fait l’objet d’une plainte pour complicité de crime contre l’humanité. Les associations et ONG présentes aux frontières européennes, particulièrement en Grèce, documentent depuis des années des cas de violences et de tortures qui se produisent en présence de Frontex, ainsi que des naufrages où l’agence ne remplit pas son devoir de sauvetage imposé par le droit maritime international.
Je m’interroge donc sur la pertinence d’une telle contribution française au budget de l’UE si elle sert à financer ce type d’actions ou d’inactions. Une réflexion est-elle en cours sur cette question et sur le rôle de Frontex ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Concernant l’agence Frontex, je tiens à souligner l’importance de son travail. Nous avons renforcé ses capacités et nous continuerons à augmenter ses moyens matériels et humains. Il convient de rappeler que des enquêtes ont été menées, des mécanismes de contrôle ont été mis en place et des changements ont été opérés au sein de la direction de Frontex comme le savent nos collègues du Rassemblement national.
Frontex doit évidemment respecter le droit international mais nous avons besoin d’outils européens pour protéger les frontières extérieures de l’Union européenne et maîtriser notre immigration. Ces dernières années, nous avons considérablement renforcé nos instruments de coopération au niveau européen dans ce but. Outre Frontex, nous mettrons en œuvre le pacte sur la migration et l’asile l’année prochaine, permettant une première sélection des demandeurs d’asile aux frontières de l’Union européenne.
Nous travaillons actuellement avec la Commission européenne à la révision de la directive retour, qui deviendra un règlement pour faciliter les expulsions. En collaboration avec le ministre de l’intérieur et nos homologues européens, nous renforçons les outils de la politique externe de l’Union européenne pour accroître la pression sur les pays de départ qui ne respectent pas leurs engagements de réadmission de leurs ressortissants expulsés. Cela inclut l’utilisation de la conditionnalité sur les visas, les accords commerciaux et l’aide au développement.
Ces enjeux, qui touchent tous les Européens, ne peuvent trouver de solutions qu’à l’échelle européenne. L’exemple de l’Italie démontre que c’est par la coopération, l’utilisation de Frontex en Méditerranée centrale et les partenariats avec les pays de transit et de départ que nous obtenons des résultats concrets. Les solutions nationales isolées, comme celles évoquées avec l’Albanie ou le Rwanda, n’ont jusqu’à présent donné aucun résultat tangible.
Frontex est donc un outil indispensable. Nous avons travaillé ces dernières années à la fois pour renforcer l’agence et pour améliorer ses mécanismes de contrôle, afin qu’elle puisse respecter le droit et défendre efficacement la sécurité de tous les Européens.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En ma qualité de rapporteur général, je souhaite vous poser une question simple, monsieur le ministre. À la suite de l’adoption de la révision à mi-parcours, en février 2024, du cadre financier pluriannuel couvrant la période 2024-2027, quelles sont les implications pour la contribution française ? Des estimations évoquent une augmentation pouvant atteindre 6 à 7 milliards d’euros sur ces quatre années. Pourriez-vous nous fournir des ordres de grandeur précis ?
Par ailleurs, concernant les nouvelles ressources propres annoncées, telles que le mécanisme d’ajustement aux frontières, la taxe sur le plastique et la taxe sur les activités numériques, quel est l’état d’avancement de ces recettes destinées au remboursement des dettes contractées par l’Union européenne pour faire face aux diverses crises politico-militaires ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Concernant l’augmentation de la contribution française, j’ai effectivement évoqué précédemment qu’une hausse est prévue pour les prochaines années. Cependant, il est actuellement impossible de quantifier précisément les conséquences budgétaires nationales, car cela dépendra du rythme de décaissement des fonds de cohésion. Un débat est d’ailleurs en cours sur la réforme de ces fonds, notamment pour envisager une réorientation partielle vers la défense, conformément aux décisions prises lors du conseil extraordinaire du 6 mars sur la défense. Ces décisions incluent des facilités pour les États membres souhaitant investir davantage dans la défense, notamment en excluant certaines dépenses de défense des calculs des procédures de déficit excessif par la Commission européenne. Elles comprennent également le plan Safe (Security action for Europe), un emprunt majeur de 150 milliards d’euros contracté par la Commission européenne, ainsi que la réaffectation potentielle de certains fonds de cohésion.
L’évolution précise au cours des deux prochaines années dépendra de la manière dont les fonds de cohésion seront décaissés, mais aussi d’autres politiques, comme le soutien à l’Ukraine. À ce stade, nous ne disposons pas encore de projections définitives. Néanmoins, je tiens à souligner que cette trajectoire pour le CFP avait été convenue dès le départ par la France et les autres États membres. L’augmentation que nous observerons est donc liée au retard de décaissement initialement prévu.
Quant à la question des ressources propres, que j’ai brièvement abordée précédemment, plusieurs aspects sont à considérer. Notre priorité est de s’assurer que les ressources propres de l’Union européenne n’alourdissent pas la charge fiscale des Européens et ne se substituent pas aux ressources nationales existantes. Dans le débat européen actuel, certains évoquent la taxe sur les transactions financières ou celle sur les billets d’avion, déjà en vigueur en France. Nous devons plutôt rechercher de nouveaux mécanismes qui pèseraient davantage sur les acteurs extérieurs et nos concurrents. C’est pourquoi j’ai mentionné la taxe sur les grands acteurs du numérique, celle sur les petits colis, ou encore le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Je précise que ce dernier ne couvre pas entièrement les besoins en termes de ressources propres mais il illustre le type de mécanisme que nous souhaitons privilégier pour ces ressources.
Concernant les droits de douane en réponse aux mesures américaines, une suspension de quatre-vingt-dix jours est actuellement en vigueur jusqu’à mi-juillet. La Commission européenne, avec notre soutien, mène une double stratégie : négocier une désescalade avec les États-Unis tout en préparant un premier ensemble de droits de douane sur des biens d’une valeur de 95 milliards d’euros. Cette proposition est actuellement à l’étude au niveau du Conseil. Nous envisageons également d’aller plus loin, notamment en utilisant l’instrument anti-coercition. Celui-ci pourrait inclure la taxation des services numériques, des restrictions d’accès à certains marchés publics ou encore la saisie de licences et de propriété intellectuelle. Cependant, ces mesures dépendront de l’évolution des négociations avec les États-Unis.
Nous ne pouvons accepter les droits de douane actuels de 25 % sur l’acier et l’aluminium et de 10 % sur d’autres biens. Ces taux sont injustifiés au regard de l’état actuel des relations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis. Notre objectif est de démontrer notre capacité à assumer un rapport de force, tout en évitant une escalade protectionniste qui ne servirait les intérêts de personne. Les impacts négatifs de ces mesures sont déjà visibles sur les entreprises, les prévisions de croissance et les marchés obligataires américains.
M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Je vous prie de m’excuser pour mon retard, dû à la défense d’un texte au Sénat. Je suis ravi de pouvoir m’adresser à vous aujourd’hui pour cet exercice essentiel à l’efficacité et à la redevabilité de nos politiques publiques. Le ministre Jean-Noël Barrot vous a présenté les grandes lignes de l’exécution budgétaire 2024 et les perspectives pour 2025. Je souhaite apporter des précisions concernant notre politique de partenariats internationaux et notre action en faveur de la francophonie.
La trajectoire des crédits de notre mission Aide publique au développement s’est inversée à partir de février 2024. Cela a entraîné une forte baisse du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, de 45 % en autorisations d’engagement et de 39 % en crédits de paiement entre les lois de finances pour 2024 et 2025. En 2024, notre aide publique au développement déclarée à l’OCDE s’est maintenue à 13,9 milliards d’euros, nous positionnant comme cinquième bailleur mondial. Cependant, la réduction notable de nos crédits en 2025 devrait se traduire par une baisse de notre aide publique au développement cette année.
L’effort budgétaire particulièrement important en 2025 a concerné tous les aspects de notre politique : coopération bilatérale, contributions multilatérales, aide humanitaire et soutien à la francophonie. Je vais vous présenter concrètement des exemples de nos financements pour répondre aux besoins de nos partenaires et servir les intérêts de nos concitoyens. Je souhaite également réaffirmer les choix politiques forts que nous avons faits en 2025 et présenter nos perspectives, conformément aux orientations fixées par le récent Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux.
Sur le plan bilatéral, les crédits des programmes 209 et 110 soutiennent l’activité des opérateurs, dont le groupe de l’Agence française de développement (AFD), à travers le don projet, l’initiative en faveur desorganisations de la société civile (OSC) et la bonification de prêts. En 2024, malgré les mesures budgétaires amorcées, l’AFD a obtenu d’excellents résultats, présentés ce matin à la presse. Avec des crédits alloués par l’État de moins de 2 milliards d’euros, le groupe a signé plus de mille projets pour un total de 12,1 milliards. Il est important de souligner que seuls 15 % de ce montant correspondent à des subventions françaises ou européennes, les 85 % restants prenant la forme de prêts remboursés par nos pays partenaires. Cette activité bancaire constitue l’une des forces de l’AFD, permettant de démultiplier l’impact et l’effet de levier de nos crédits publics au service des objectifs du développement durable.
La diminution des autorisations d’engagement et crédits de paiement décidée en février 2024 a principalement affecté le programme 209, obligeant l’AFD à revoir une partie de son activité et à adopter une gestion plus prudente des versements. Néanmoins, le groupe AFD a su adapter son activité pour atteindre nos objectifs. Permettez-moi d’illustrer cela par trois exemples concrets.
Premièrement, les objectifs de protection de la planète ont été dépassés avec 7,7 milliards de finances climat et 1,2 milliard pour la biodiversité. Sur dix ans, les projets permettront de restaurer ou conserver 80 millions d’hectares d’espaces naturels, soit une fois et demie la surface de la France.
Deuxièmement, l’action du groupe a permis de maintenir notre objectif de concentrer 50 % de nos crédits sur les pays les moins avancés. Grâce aux projets de 2024, 121 millions de personnes bénéficieront d’un accès amélioré à des services essentiels.
Enfin, les projets de l’AFD contribuent au rayonnement de nos entreprises tout en répondant aux besoins de nos partenaires. Un exemple emblématique de ces partenariats gagnant-gagnant est l’achèvement des travaux du barrage de Nachtigal au Cameroun. Construit sous la forme d’un partenariat public-privé entre l’État camerounais et EDF, il fournira près de 30 % de la production d’électricité du pays, créera 23 000 emplois et contribuera significativement à la décarbonation du mix énergétique.
Je tiens à souligner ces chiffres, car nous partageons tous la volonté de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Plus que jamais, l’impact et l’efficacité sont des priorités politiques que nos opérateurs ont pleinement intégrées.
La situation budgétaire actuelle nous impose d’optimiser nos ressources. En 2025, le don projet de l’AFD a subi une nouvelle réduction, nous obligeant à revoir nos priorités. Nous concentrerons nos moyens sur dix objectifs politiques et des zones géographiques prioritaires, conformément aux directives présidentielles. Nos priorités sectorielles concernent notamment le climat, la santé, l’éducation et l’égalité des genres. Géographiquement, nous accordons une attention particulière aux pays vulnérables, avec 60 % de notre effort financier désormais consacré à l’Afrique, à l’Indo-Pacifique et au voisinage européen, ainsi qu’aux zones de crise majeures.
En complément des projets à moyen et long terme du groupe AFD, les fonds équipe France offrent à nos ambassadeurs des outils flexibles pour des actions locales ciblées. En 2024, ces fonds ont notamment soutenu la formation de doctorants marocains en France, la mise en réseau d’acteurs culturels franco-africains, et des initiatives en faveur de la démocratie et de la santé globale en Afrique.
La mission mobilise également l’expertise française au profit des pays partenaires, notamment par le déploiement d’experts techniques internationaux et la réalisation d’études de faisabilité. Ces instruments, gérés par les ambassades et mis en œuvre par Expertise France, sont cruciaux pour établir des partenariats durables avec les autorités locales. Fin 2024, nous comptions 282 experts techniques internationaux sur le terrain, avec le projet d’en déployer une cinquantaine en plus d’ici fin 2025.
Ces experts, spécialisés dans des domaines variés tels que l’intelligence artificielle, le climat, la santé, la gouvernance ou les finances publiques, valorisent l’expertise française auprès des gouvernements et des organisations internationales.
Globalement, sur le programme 209, notre politique de partenariats internationaux bilatérale a été relativement préservée malgré la baisse des crédits en 2025, atteignant 1,273 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,180 milliard d’euros en crédits de paiement. Ces instruments bilatéraux sont essentiels pour atteindre nos trois objectifs principaux : la solidarité face aux crises humanitaires, l’investissement durable pour la protection des biens publics mondiaux et le développement de partenariats stratégiques mutuellement bénéfiques.
En complément de notre action bilatérale, l’investissement dans le canal multilatéral présente des avantages significatifs. Il permet de financer efficacement des enjeux transnationaux et d’orienter les efforts internationaux vers les priorités françaises. Par exemple, l’alliance Gavi a permis de vacciner un milliard d’enfants depuis 2000, tandis que notre engagement auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a renforcé notre position dans le domaine de la santé mondiale.
Malgré l’efficacité de ces outils, notre capacité d’action sur le programme 209 sera limitée en 2025, avec une baisse significative des crédits multilatéraux. Nous maintenons cependant nos engagements sur les grands fonds de santé via le programme 384. Nous procédons actuellement à une évaluation complète de nos contributions au système multilatéral pour en optimiser l’efficacité.
Concernant l’aide humanitaire, nous avons préservé notre capacité d’action à travers divers dispositifs, notamment le fonds d’urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), les contributions aux organismes des Nations unies, et l’aide alimentaire programmée. Le budget 2025 pour l’aide humanitaire s’élève à 500 millions d’euros, en baisse, mais il reste une priorité du programme 209.
Enfin, les crédits d’intervention pour la francophonie ont atteint 76,3 millions d’euros en 2024, incluant une enveloppe exceptionnelle pour le sommet et le festival de la francophonie. Malgré les contraintes budgétaires prévues pour 2025, nous nous efforcerons de maintenir notre engagement dans ce domaine.
En conclusion, bien que nos moyens restent contraints en 2025, nos missions et priorités demeurent claires. Nous continuerons de concentrer nos ressources sur nos objectifs politiques prioritaires, en recherchant constamment des gains d’efficacité à tous les niveaux. Notre politique en faveur de la francophonie et des partenariats internationaux restera un vecteur d’influence pour la France, contribuant à une mondialisation plus équitable, plus sûre et plus durable, tout en protégeant les intérêts des Français face aux défis globaux.
M. Stéphane Hablot (SOC). Je tiens à saluer la transparence dont vous faites preuve et la qualité de vos interventions, qui témoignent d’un véritable exercice démocratique. Concernant les 22 milliards d’euros évoqués précédemment, prélevés sur le budget de l’État au profit de l’Union européenne, une question cruciale se pose : quelle est l’utilité concrète de l’Europe pour nos concitoyens ?
Il est essentiel de souligner que l’Europe doit intervenir là où aucun État ne peut agir seul, que ce soit dans la gestion de la crise ukrainienne, la transition écologique, l’innovation ou encore les mobilités étudiantes. Vous avez d’ailleurs rappelé ces domaines d’action prioritaires.
Concernant l’aide apportée à la Pologne, il convient de rappeler le contexte géopolitique actuel. Nous faisons face à un dirigeant russe qui menace nos démocraties par le biais de cyberattaques et de désinformation. Il est donc impératif de renforcer l’Europe face à ces menaces, comme nous l’avons évoqué lors du traité de Nancy.
J’insiste sur le fait que les milliards investis ne constituent pas un chèque en blanc. Il s’agit bien de combler nos retards technologiques et de développer nos capacités stratégiques. Cependant, la question des ressources propres de l’Union européenne reste en suspens. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur les mécanismes envisagés pour générer ces ressources ? Vous avez mentionné une taxe sur les entreprises du numérique. Pourriez-vous préciser les contours de cette mesure ? Nous sommes disposés à collaborer pour élaborer ces solutions ensemble, monsieur le ministre.
M. Benjamin Haddad, ministre. Je partage fondamentalement votre analyse. Il est crucial de comprendre que notre engagement envers l’Union européenne va bien au-delà d’un simple exercice comptable. Il s’agit de l’influence de la France au sein de l’Union européenne.
C’est précisément pour cette raison que nous nous opposons fermement à la logique des rabais et à une approche purement transactionnelle. L’exemple du Royaume-Uni est éloquent à cet égard. La politique des rabais a progressivement conduit ce pays à l’isolement, aboutissant au Brexit. Aujourd’hui, ce sont les Britanniques eux-mêmes qui regrettent cette décision, qui les a affaiblis sur la scène internationale et a nui à leur compétitivité économique.
Face à l’agression russe contre l’Ukraine, qui menace l’ensemble de l’architecture de sécurité européenne, il est impératif de collaborer étroitement avec nos partenaires et alliés en première ligne, tels que la Pologne, les États baltes et la Roumanie. Les politiques de cohésion de l’Union européenne ont permis la convergence économique de pays autrefois isolés derrière le rideau de fer, les transformant en économies dynamiques et compétitives, comme la Pologne.
Concernant les ressources propres, notamment la taxe sur les services numériques, ce débat est en cours depuis plusieurs années. Initialement, nous envisagions une solution multilatérale avec les États-Unis dans le cadre de l’OCDE mais leur retrait de ces négociations nous a contraints à explorer d’autres options. Parmi les pistes envisagées par la Commission européenne figure une taxe sur les publicités en ligne. Nous devons encore évaluer précisément le mécanisme et les revenus potentiels de cette mesure.
J’encourage vivement les parlementaires nationaux à contribuer à cette réflexion sur les ressources propres à travers vos travaux en commission et vos rapports d’évaluation. Les deux prochaines années constituent une fenêtre d’opportunité cruciale pour avancer sur ce sujet fondamental pour la souveraineté de l’Union européenne, avant la conclusion du prochain cadre financier pluriannuel.
Concernant les droits de douane comme ressource propre, je tiens à clarifier ma position. Effectivement, ils peuvent constituer une ressource propre. Le débat actuel porte sur l’imposition éventuelle de droits de douane en réponse aux mesures américaines, que ce soit sur les 95 milliards de biens ou en allant plus loin pour taxer les services américains. Cette décision dépendra des négociations avec l’administration américaine car nous souhaitons éviter une escalade protectionniste tout en défendant nos intérêts. Si de nouveaux droits de douane étaient instaurés, ils pourraient effectivement devenir une ressource propre pour les pays européens, potentiellement en réduisant la contribution nationale à travers le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR-UE).
M. Charles Rodwell (EPR). Monsieur le ministre, pouvez-vous nous fournir des informations sur l’évolution des dépenses de fonctionnement interne des institutions européennes ? La France réclame-t-elle et met-elle en œuvre un plan de maîtrise de ces dépenses, notamment en ce qui concerne les masses salariales, le régime indemnitaire, les dépenses immobilières et les frais de fonctionnement ? Quelles sont les exigences de la France dans ce domaine ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Absolument. Les dépenses administratives de l’Union européenne sont financées via la rubrique 7 du budget de l’UE, couvrant principalement le traitement des fonctionnaires et agents de l’Union. Il est important de noter que le statut de la fonction publique européenne prévoit un mécanisme d’actualisation automatique annuelle des rémunérations, pensions et indemnités, ce qui n’est pas le cas dans notre système national.
C’est précisément pour cette raison que nous nous sommes opposés à plusieurs reprises aux demandes de crédits supplémentaires de la Commission lors de la révision du CFP. Cette position est d’ailleurs largement partagée par les autres États membres.
Dans le cadre du prochain CFP, nous exigeons une maîtrise rigoureuse des dépenses administratives et une refonte du pilotage des dépenses de personnel. Nous proposons un double plafonnement, à la fois en crédits et en emplois, afin de renforcer les compétences des États membres et du Parlement européen en matière budgétaire.
Ce sujet est d’une importance capitale pour nous, car ces dépenses administratives ont connu une augmentation continue ces dernières années. Le montant actuel s’élève à 11 milliards d’euros. Nous restons vigilants sur cette question et continuerons à plaider pour une gestion plus efficiente des ressources de l’Union européenne.
M. Emmanuel Mandon (Dem). L’examen de l’exécution budgétaire pour 2024 du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne nous amène à nous pencher sur le cadre financier pluriannuel. Vos précisions soulignent l’importance de notre démarche française dans le contexte européen et international actuel.
Concernant le nouveau CFP pour la période 2028-2034, nos réflexions sont naturellement influencées par les enjeux actuels et futurs, notamment le remplacement de la contribution britannique. Dans cette perspective, si le cadre financier n’évolue pas significativement, une augmentation de notre contribution semble probable, ce qui pourrait s’avérer problématique au vu de notre situation financière.
Face à ce défi, la recherche de nouvelles ressources propres représente un enjeu majeur pour la France. Ainsi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous détailler à nouveau la position défendue par notre pays dans l’élaboration de ce nouveau CFP ? Envisagez-vous l’introduction de nouvelles ressources propres ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Il est essentiel de rappeler le contexte général dans lequel s’inscrit cette négociation sur le prochain cadre financier pluriannuel. Le rapport sur le Futur de la compétitivité européenne remis par Mario Draghi met en lumière le risque de décrochage économique et industriel de notre continent face à nos concurrents. Les chiffres sont éloquents : sur les trente dernières années, les États-Unis ont généré deux fois plus de PIB par habitant que l’Europe. En 2008, nos PIB étaient comparables, mais aujourd’hui, l’écart s’est creusé à 30 %, principalement en raison d’une productivité supérieure aux États-Unis, liée à des investissements plus conséquents dans la technologie.
Le rapport remis par Mario Draghi préconise une mobilisation annuelle de 800 milliards d’euros, combinant fonds publics et privés, pour financer la transition verte, les technologies et la défense. Cette stratégie vise à combler notre retard et à renforcer notre souveraineté sur la scène internationale.
Le président de la République a évoqué un doublement de la capacité financière dans son discours aux ambassadeurs. Cela ne signifie pas nécessairement un doublement du budget, mais traduit une ambition forte, notamment dans les domaines de la compétitivité, de la recherche et du soutien à l’innovation. Nous envisageons par exemple de renforcer le fonds Horizon Europe.
Un effort significatif est également prévu pour la défense et le spatial. Actuellement, le budget s’élève à environ 15 milliards d’euros, et nous envisageons de le doubler. Cependant, cette augmentation est assortie de conditions importantes défendues par la France, notamment le principe de préférence européenne. Nous voulons nous assurer que le financement européen de la défense renforce notre industrie européenne de défense autonome, plutôt que de bénéficier aux industries américaine ou sud-coréenne.
Nous défendrons également le soutien à la souveraineté alimentaire de l’Europe, aux agriculteurs et à la politique de cohésion. Ces objectifs seront au cœur de notre position en matière de politique.
Pour atteindre ces ambitions, nous misons sur un CFP ambitieux, mais aussi sur la mobilisation de tous les effets de levier des différents instruments européens. La Banque européenne d’investissement, par exemple, doit devenir plus audacieuse, notamment dans le domaine de la défense où elle a été jusqu’à présent assez prudente malgré l’évolution de son mandat.
Nous souhaitons également renforcer des instruments qui ont prouvé leur efficacité, comme le fonds InvestEU, qui affiche un taux de retour remarquable, multipliant par plus de trente la somme initialement investie.
La réforme et l’approfondissement du marché intérieur européen sont également cruciaux. La Commission européenne prépare des propositions pour accélérer l’union des marchés de capitaux, incluant la titrisation, des produits d’épargne européens et la mise en place d’une autorité de supervision unique au niveau européen. Ces débats, bien que de longue date, trouvent aujourd’hui un écho particulier face à l’urgence de la situation économique et géopolitique.
Concernant l’architecture du CFP, je vous encourage à interroger le commissaire européen au budget, M. Piotr Serafin, sur ce sujet. La Commission européenne envisage une structure offrant plus de flexibilité, permettant notamment de réaffecter des fonds d’une enveloppe à l’autre en fin d’exercice. Bien que nous accueillions favorablement cette réflexion, nous resterons vigilants sur certains points, notamment le respect des priorités définies par les États membres au sein du Conseil. Nous veillerons particulièrement à ce que cette nouvelle architecture ne dilue pas certaines de nos priorités, en particulier la politique agricole commune. Nous maintiendrons une ambition forte pour préserver le revenu de nos agriculteurs, avec un accent mis sur la simplification, le soutien au renouvellement des générations, les investissements plutôt que les contraintes et la réciprocité commerciale. La défense du niveau de vie de nos agriculteurs est non seulement un intérêt pour la France, mais aussi la garantie de la souveraineté alimentaire de notre continent.
Enfin, concernant les ressources propres, j’ai déjà évoqué plusieurs pistes. Je tiens à souligner que c’est une condition sine qua non pour avancer sur le prochain CFP.
M. le président Éric Coquerel. Permettez-moi d’exprimer une réserve quant à la stratégie de répondre aux États-Unis par une augmentation globale des droits de douane. Je crains que cette approche ne pénalise in fine les consommateurs. Je suis plus favorable à des taxes ciblées, notamment sur les Gafam et les produits financiers américains, en attendant la mise en place d’un protectionnisme plus global, basé non pas sur l’origine des produits, mais sur leurs conditions de fabrication, tant sociales qu’environnementales.
J’aimerais aborder un point spécifique concernant ArcelorMittal. Lors d’une récente rencontre à Bercy, il nous a été rapporté que parmi les conditions posées par ArcelorMittal pour honorer son contrat de décarbonation avec l’État, figurait la réduction du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de 25 % à 15 % dès cette année. Bien que ce ne soit pas l’unique condition, ce qui laisse penser qu’il pourrait s’agir d’un prétexte, j’aimerais connaître votre analyse sur cette possibilité. Pensez-vous qu’il soit envisageable d’atteindre ce chiffre ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Je partage votre analyse concernant le premier point. Notre travail actuel avec la Commission européenne vise précisément cet objectif. Nous ne cherchons pas une symétrie absolue avec les produits taxés par les Américains. Au contraire, notre stratégie consiste à cibler des biens, des produits et des secteurs où l’impact sur le consommateur européen sera minimal. Nous privilégions notamment les domaines où une substitution européenne rapide est envisageable. La Commission européenne s’efforce ainsi de maximiser l’impact sur les entreprises américaines tout en minimisant les conséquences pour les Européens.
Parallèlement à ce travail sur les biens, nous réfléchissons à élargir le périmètre d’action. Cela pourrait impliquer, après consultation des États membres au Conseil, l’activation d’outils tels que l’instrument anti-coercition. Notre objectif principal reste néanmoins la négociation en vue d’une désescalade.
Concernant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, je n’ai pas connaissance de la négociation que vous mentionnez. Actuellement, la Commission européenne s’attelle à simplifier le MACF, principalement au bénéfice des PME. Cette simplification vise à alléger la charge administrative qui, bien que marginale en termes de montant, affectait près de 90 % des entreprises potentiellement concernées, principalement des PME pour lesquelles cette charge était particulièrement lourde.
M. le président Éric Coquerel. En attendant l’arrivée de Laurent Saint-Martin, je vais me faire le porte-parole de Corentin Le Fur, qui s’excuse de son absence. Il m’a chargé de le suppéer en sa qualité de rapporteur spécial de la mission Aide publique au développement et du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.
L’exécution budgétaire de la mission Aide publique au développement (APD) est particulièrement décevante au regard des crédits qui avaient été votés en loi de finances initiale. Entre 2023 et 2024, la France a dépensé 750 millions d’euros de moins pour la solidarité internationale, en contradiction avec la loi de finances initiale pour 2024 qui avait prévu une hausse de 360 millions d’euros. Cet écart de 1,1 milliard d’euros entre la prévision et l’exécution s’explique par des annulations record en cours de gestion : 742 millions d’euros en application du décret du 21 février 2024, puis 375 millions d’euros en application de la loi de finances de fin de gestion. Le présent projet de loi d’approbation des comptes propose d’annuler 110 millions d’euros supplémentaires.
Plus que le principe d’une contribution de la mission au redressement des finances publiques, c’est l’ampleur des annulations qui interroge. Alors que la mission APD représente moins de 1 % des dépenses des missions budgétaires de l’État, l’annulation du décret de février a par exemple représenté 7,3 % de l’effort total demandé. Certes, la mission APD avait connu entre 2017 et 2024 une hausse de 120 % de ses crédits de paiement, soit plus 3,1 milliards d’euros, mais l’aide publique au développement est une politique de temps long. Et je plaide pour une redéfinition de nos priorités stratégiques auxquelles correspondrait un budget mieux préservé des aléas de gestion, tels que nous les avons subis en 2024.
Or, au travers de mes déplacements et de mes échanges avec les acteurs de l’APD française, j’ai l’impression que nous essayons, tant bien que mal, de continuer à tout faire avec moins. Je vais donc poser une question simple. Ces baisses de budget qui semblent se confirmer au regard de la loi de finances pour 2025 vont-elles conduire la France à renoncer à intervenir dans certaines géographies, dans certains secteurs ou auprès de certaines organisations internationales ?
Il n’y a rien de pire que le rabot, ce qui a été confirmé à la Commission par les ONG de Coordination Sud que nous avons auditionnées le 7 mai dernier. Je pense que nous devons réfléchir aux priorités que notre aide doit servir et mettre davantage de moyens sur certaines thématiques ou certains pays.
Je pense par exemple à la mobilisation des ressources intérieures. La fiscalité, dont nous débattons tant en France, est le parent pauvre des politiques publiques des pays en développement. Notre action doit être plus vigoureuse dans la matière. Sur ce point précis, je note avec satisfaction que les 30 millions d’euros prévus en loi de finances initiale ont été intégralement consommés, mais cette dotation est trop faible.
Notre action est diluée dans une multitude d’objectifs très divers. Notre opérateur principal, l’Agence française de développement, doit répondre à plus d’une centaine de priorités. Cela est difficilement tenable. C’est pourquoi je me félicite qu’un processus de redéfinition de stratégie soit lancé avec la réunion, le 4 avril dernier, du Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser ce que va changer ce Conseil pour votre ministère ? Pourriez-vous nous confirmer que le Conseil présidentiel sera suivi d’un comité interministériel dédié au développement international ? Quelles seront les orientations que vous défendrez dans ce cadre ?
Je pense que le Parlement devrait également pouvoir débattre d’une nouvelle loi de programmation, étant donné que la loi du 4 août 2021 ne correspond plus à la trajectoire budgétaire actuelle.
Je voudrais, pour finir, évoquer la question de l’aide au développement européen que j’ai pu aborder lors de mon récent déplacement en Guinée et Côte d’Ivoire. La contribution française à l’APD européenne était estimée à 3,1 milliards d’euros pour 2024, en augmentation de plus de 600 millions d’euros par rapport à 2023, alors que dans le même temps, nous l’avons vu, le budget français de l’APD subissait une diminution du même ordre de grandeur. Depuis 2021, en effet, la contribution de la France à l’APD européenne ne transite plus par la mission budgétaire APD, mais par le prélèvement sur recettes (PSRUE). Le montant de la contribution française est donc décorrélé de la politique d’aide au développement et dépend de la trajectoire générale du budget de l’Union européenne. Je ne suis pas sûr que nous ayons gagné en lisibilité et en efficacité.
Il arrive d’ailleurs fréquemment que la contribution française à l’UE soit ensuite versée à des agences multilatérales comme le programme des Nations unies pour le développement (Pnud), ce qui n’a guère de sens et génère des frais de gestion inutiles.
Pourriez-vous nous indiquer quel a été le montant exact pour 2024 de la contribution française à l’APD européenne. Au-delà de ce montant, comment la France intervient-elle en amont dans la définition des orientations européennes et en aval dans leur mise en œuvre concrète par les agences mandatées par l’Union européenne ?
C’est donc Corentin Le Fur qui vous pose ces questions et il sera évidemment attentif votre réponse, monsieur le ministre. Le fait que ce soit un président de la commission des finances, évidemment membre de l’opposition, qui donne sa parole à ce texte venant de Corentin Le Fur, qui est membre du groupe Droite républicaine, montre, je crois, qu’il y a une certaine homogénéité dans notre commission pour poser ces questions.
M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre. Je remercie le député Corentin Le Fur pour ses questions auxquelles je vais répondre. Le Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux (CPPI) du 4 avril dernier a confirmé la pertinence des dix objectifs prioritaires fixés depuis 2023. Ces objectifs, déclinés par nos ambassades selon les contextes locaux, portent sur la transition énergétique, la protection de l’environnement, l’éducation, la santé, l’innovation africaine, les infrastructures stratégiques, la souveraineté alimentaire, les droits humains, les droits des femmes et la gestion des flux migratoires.
Sur le plan géographique, le Conseil a réaffirmé l’importance de nos partenariats avec l’Afrique, l’Indo-Pacifique et le voisinage européen. Les opérateurs de l’État devront ajuster leur présence en conséquence pour optimiser leurs ressources.
Concernant nos contributions multilatérales, hors aide humanitaire, elles se répartissent principalement entre les contributions volontaires aux Nations unies et nos engagements auprès des grands fonds verticaux. En 2024, nous avons alloué 95,8 millions d’euros aux agences onusiennes, un montant stable par rapport à 2023, ciblant nos priorités politiques telles que la santé mondiale, les droits humains, le développement, l’éducation et l’environnement.
Notre contribution aux grands fonds verticaux s’élève à 309,5 millions d’euros en 2024, reflétant les engagements présidentiels. Nous avons notamment investi 224 millions d’euros dans la santé, 23,5 millions dans l’éducation via le partenariat mondial pour l’éducation, et 31,6 millions pour le climat et l’environnement.
Pour 2025, nos contributions multilatérales seront réévaluées dans un contexte de contraintes budgétaires. Nous examinerons leur efficacité et leur alignement avec nos objectifs politiques.
Concernant l’aide publique européenne au développement, la contribution française s’élève à 2,5 milliards d’euros, dont 265 millions sur le programme 209. L’instrument principal de l’action extérieure de l’Union européenne a été simplifié en 2021 pour plus de lisibilité. Avec un budget de près de 80 milliards d’euros pour 2021-2027, il permet de déployer les priorités européennes d’investissement solidaire et durable, en accord avec les objectifs français.
Je précise que la facilité pour l’Ukraine représente 50 milliards d’euros pour 2024‑2027. L’Union européenne développe également des projets stratégiques comme Global Gateway, visant à structurer durablement les échanges internationaux. Un exemple concret est le corridor de Lobito, reliant la RDC, l’Angola et la Zambie, qui améliore la connectivité régionale tout en sécurisant les approvisionnements européens en minerais stratégiques.
M. le président Éric Coquerel. Je donne maintenant la parole à M. Pouria Amirshahi qui supplée le rapporteur spécial Karim Ben Cheikh.
M. Pouria Amirshahi (suppléant M. Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial Action extérieure de l’État). Je vais présenter les éléments transmis par mon collègue Karim Ben Cheikh, absent aujourd’hui. Permettez-moi tout d’abord une remarque liminaire.
L’année 2024 a débuté avec une hausse significative de 9 % des crédits pour la mission Action extérieure de l’État. Cependant, le décret du 21 février a annulé 174 millions d’euros d’un trait de plume. Cette contribution à l’effort affiché de réduction des dépenses publiques apparaît quand même assez élevée. En effet, cette mission ne représente que 0,6 % des crédits du budget général, alors que le décret d’annulation a fait porter presque le triple, en pourcentage, des 10 milliards d’euros d’économies demandées aux ministères.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères annonçait la fin de décennies de réductions budgétaires, promettant un réarmement complet de notre diplomatie, conformément aux engagements du Président de la République à l’issue des États généraux du Quai d’Orsay en mars 2023. Ce plan, qui n’a pas fait l’objet d’une loi d’orientation et de programmation comme nous le demandions, prévoyait une augmentation de 20 % du budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le recrutement de 700 emplois d’ici 2027.
Force est de constater que ce renforcement, déjà modeste au regard d’années de restrictions, n’aura été qu’un vœu pieux. L’exécution des crédits en 2024 est inférieure de plus de 6 % à la loi de finances initiale, et le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle baisse de 200 millions d’euros.
Ma première question est donc la suivante : Monsieur le Ministre, qu’en est-il du réarmement annoncé de notre diplomatie ? Cette question est cruciale alors que nous assistons à une montée des tensions internationales, y compris aux frontières de l’Europe, et que certains de nos alliés historiques semblent remettre en question leur engagement envers l’Union européenne. Qu’en est-il de cette stratégie de réarmement, devenue d’un point de vue géopolitique et d’intérêt national, absolument décisive ?
Concernant la consommation des crédits en 2024, je constate qu’elle n’a atteint que 94 % du montant prévu par la loi de finances. Cette sous-exécution s’explique par le décret d’annulation de 3,3 milliards d’euros mentionné précédemment par Karim Ben Cheikh, ainsi que par les surgels ayant conduit à l’annulation définitive de 272 millions d’euros au total en loi de finances de fin de gestion et dans ce projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes.
Pour le programme 105, dédié à l’action de la France en Europe et dans le monde, l’exécution des crédits a été encore plus faible, avec un écart de -7 % dû aux annulations successives et aux mises en réserve. Je tiens à souligner, comme l’a fait Karim Ben Cheikh à plusieurs reprises, l’importance de cette alerte. Certes, la contrainte a pu être atténuée grâce à des contributions internationales moins élevées que prévues, notamment pour la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) et la Mission de l’organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco). Ces deux opérations de maintien de la paix ont connu un retrait en 2024, ce qui soulève des interrogations, particulièrement au vu de la situation critique que traverse la République démocratique du Congo. De même, le financement de la Facilité européenne pour la paix présente un écart de près de 50 millions d’euros, alors que cet instrument extra-budgétaire de l’Union européenne est crucial pour soutenir l’Ukraine, sujet largement évoqué aujourd’hui.
Je note par ailleurs une sous-exécution de certaines dépenses immobilières, notamment à l’étranger. En France, Karim Ben Cheikh s’interroge sur l’avancement du chantier du Quai d’Orsay 21, qui se prolonge depuis près d’une décennie. Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous éclairer sur l’état de ce projet de modernisation qui semble s’éterniser ?
Concernant le programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, nous observons un écart de presque 5 % par rapport à la loi de finances initiale. Cette réduction a été en partie supportée par les opérateurs que sont l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), Campus France et l’Institut français. Le financement des bourses de mobilité a été réduit de 21 millions d’euros, partiellement mis à la charge de la trésorerie de Campus France. À propos du réseau de l’AEFE, dont l’importance est capitale pour nos compatriotes et pour tous ceux qui ont la chance d’y être scolarisés, où en est la réflexion sur les capacités d’investissement des établissements en gestion directe, particulièrement concernant leur accès à l’emprunt ?
Quant au programme 151 dédié aux Français à l’étranger et aux affaires consulaires, je souhaite soulever deux points cruciaux. Premièrement, la baisse de 10 % des dépenses allouées aux aides à la scolarité suscite l’inquiétude de nombreuses familles. Deuxièmement, le recul de 8 % du montant destiné à nos compatriotes les plus vulnérables via les aides consulaires est préoccupant. Vous vous étiez engagé à donner suite aux assises de la protection sociale des Français à l’étranger. Il est impératif de rappeler que nos compatriotes sont nos premiers ambassadeurs à tous égards, incarnant physiquement, humainement et culturellement la France. Les accompagner constitue une nécessité stratégique, au-delà de la simple empathie envers nos concitoyens.
M. le président Éric Coquerel. Je vous invite, monsieur le ministre Laurent Saint-Martin, à présenter votre propos préliminaire tout en répondant, si possible, aux rapporteurs spéciaux sur les sujets relevant de votre compétence.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger. Je tiens tout d’abord à saluer la qualité du travail et du dialogue régulier que nous entretenons avec Karim Ben Cheikh. Son engagement en tant que rapporteur spécial mérite d’être souligné, d’autant plus que le Printemps de l’évaluation constitue un rendez-vous crucial du contrôle parlementaire de l’exécution budgétaire. Cette démarche, issue de la révision de la loi organique relative aux lois de finances que nous avons menée en 2020, est essentielle pour une compréhension approfondie de l’autorisation budgétaire et une meilleure gestion de nos finances publiques.
Mon propos s’inscrit dans la continuité de l’intervention de Jean-Noël Barrot, bien que je n’aie pu y assister en raison d’une audition simultanée. Je m’attacherai à illustrer les principaux aspects qui ont marqué la gestion 2024, en répondant aux questions soulevées.
Tout d’abord, le budget initial de 2024 portait les ambitions du réarmement de notre outil diplomatique. Cependant, des annulations nous ont contraints à des arbitrages visant prioritairement à préserver les projets de transformation du ministère, parfois au détriment d’autres actions. Nous avons également démontré notre capacité à absorber les aléas de gestion, notamment ceux liés à l’actualité internationale.
L’exécution 2024 des crédits de la mission Action extérieure de l’État a débuté avec une augmentation historique de 11 % des crédits hors titre 2, atteignant 2 360 millions d’euros, soit une hausse de 240 millions d’euros. Cette augmentation concernait principalement le programme 105 (+166 millions d’euros) pour financer les mesures de l’agenda de la transformation. Les programmes 151 et 185 ont également bénéficié de hausses significatives pour la modernisation consulaire et le renforcement de notre politique d’influence.
Cependant, la mission a été mise à contribution dans le cadre de l’effort de redressement des comptes publics. Des annulations de crédits importantes ont été effectuées dès février 2024, totalisant 174 millions d’euros à l’échelle de la mission., dont 134,5 millions sur le programme 105, 11,5 millions sur le programme 151 et 28 millions sur le programme 185. S’y est ajoutée en juillet une mesure de surgel de 37,6 millions d’euros, ces crédits ayant ensuite été annulés dans le cadre de la loi de fin de gestion 2024.
Face à cette situation, nous avons dû procéder à un travail de reprogrammation, visant à préserver les projets de transformation et nos actions prioritaires. Cette approche qualitative vise à assurer à court et moyen terme une meilleure qualité de nos services publics. Nous avons ainsi optimisé l’utilisation des 66,8 millions d’euros de crédits supplémentaires qui ont subsisté après les mesures de régulation budgétaire, dans un esprit de responsabilité.
Il est essentiel de souligner que, malgré les ajustements budgétaires de 2024, nous avons bénéficié d’une augmentation de crédits de 66,8 millions d’euros.
Je vais maintenant vous présenter les actions prioritaires engagées pour chaque programme de la mission.
Concernant le programme 105, le plus conséquent de la mission avec une dotation de 1 474,5 millions d’euros en loi de finances initiale 2024, nous avons consommé 95,9 % des crédits alloués. Nous nous sommes attachés à préserver les moyens dédiés à trois objectifs majeurs : renforcer la sécurité internationale et celle des Français, promouvoir le multilatéralisme et construire l’Europe, et assurer un service diplomatique efficient pour servir l’agenda de la transformation du ministère.
Face aux contraintes budgétaires, nous avons procédé à une réorientation des crédits, en tenant compte prioritairement du contexte international et de la multiplication des crises. Ainsi, nous avons maintenu les crédits du centre de crise et de soutien à hauteur de 5,1 millions d’euros, l’intégralité de nos contributions financières aux organisations internationales s’élevant à 822 millions d’euros, et nos capacités de lutte informationnelle.
L’actualité internationale a guidé nos choix de gestion. Nous avons sanctuarisé les crédits alloués aux grands événements internationaux sur le territoire métropolitain, notamment les Jeux olympiques et paralympiques, le sommet de la francophonie pour un coût total de 10,6 millions d’euros et le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle de février 2025, avec un budget de 11,1 millions d’euros réparti sur 2024 et 2025.
Dans une optique d’attractivité et de promotion de nos atouts économiques et industriels à l’étranger, nous avons préservé les crédits dédiés à la marque France, permettant son déploiement mondial, notamment à travers Choose France et la campagne « Make it iconic ». Malgré les contraintes budgétaires, nous avons maintenu les contributions volontaires versées sur le programme, préservant ainsi notre rang de huitième donateur au système multilatéral.
Initialement annulées à hauteur de 13,5 millions d’euros, ces contributions ont finalement été honorées grâce à un important travail de redéploiement en fin de gestion. Cela a été rendu possible par la sous-exécution de plusieurs postes de dépenses, notamment les contributions obligatoires, à hauteur de 30 millions d’euros, principalement les contributions aux opérations de maintien de la paix, dans le contexte de fermeture de la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali. Par ailleurs, 10,2 millions d’euros de contributions internationales ont permis de financer cent vingt postes de jeunes experts associés dans les organisations internationales.
La mise en œuvre de l’agenda de transformation a été garantie par la préservation des crédits alloués aux ressources humaines, avec une augmentation de 6 % maintenue malgré les coupes. Cela s’est accompagné de la création de la délégation à la solidarité et à l’engagement ainsi que de l’académie diplomatique et consulaire.
Les mesures nouvelles en matière de numérique et de sécurité des postes à l’étranger, dotées de 5 millions d’euros chacune, ont été préservées, permettant le renforcement de notre cybersécurité et le renouvellement des équipements de sécurité à l’étranger, notamment les véhicules blindés. Les crédits de fonctionnement de nos postes diplomatiques et consulaires ont également été maintenus pour faire face à une inflation mondiale deux fois supérieure à l’inflation française.
Néanmoins, nous avons dû faire des choix difficiles. Nous avons annulé une mesure nouvelle au bénéfice de notre coopération de sécurité et de défense, destinée à financer un projet en Afrique qui aura toutefois bénéficié de 30 millions d’euros en 2024. De plus, certaines dépenses d’investissement immobilier, notamment à l’étranger, n’ont pas pu suivre le rythme initialement prévu dans le cadre de l’agenda de la transformation, avec 23 millions d’euros annulés ou surgelés. Cette décision a entraîné une reprogrammation des crédits et un décalage à 2025 de plusieurs opérations, mais cela reste un axe fort de notre réarmement.
Pour le programme 105, l’année 2024 aura donc été marquée par la consolidation des moyens dédiés à l’action de la France en Europe et dans le monde.
Concernant le programme 151, doté de 165,6 millions d’euros en LFI, il illustre la volonté du gouvernement de transformer l’action publique vers un service plus réactif, efficace et proche de nos concitoyens. Nous avons maintenu l’effort de solidarité envers les Français de l’étranger, notamment pour la scolarité de leurs enfants. Sur les 118 millions d’euros initialement prévus pour les bourses scolaires, 105,2 millions d’euros ont finalement été nécessaires. Nous travaillons avec l’AEFE pour améliorer le pilotage de cette aide afin qu’elle bénéficie aux plus nécessiteux.
L’aide aux élèves en situation de handicap a été renforcée de près de 1 million d’euros, atteignant 2,4 millions d’euros au total. Les plus démunis de nos ressortissants bénéficient de différentes formes d’aides pour un budget global de 21,5 millions d’euros en LFI 2024, dont 16,2 millions d’euros d’aides sociales directes.
L’organisation des élections a permis à nos compatriotes du monde entier d’accomplir leurs devoirs civiques. Les élections européennes se sont avérées plus coûteuses que prévu, et nous avons dû organiser des élections législatives non anticipées budgétairement. Leur coût s’est élevé à 5,4 millions d’euros hors titre 2, dont 4,24 millions d’euros relevant de la quote-part du ministère de l’intérieur. Ce dernier n’ayant pas procédé au remboursement des dépenses lui incombant, un dégel partiel de la réserve de précaution a été nécessaire en fin de gestion. Il est à noter que plus de 70 % des Français votant à l’étranger ont choisi le vote électronique, montrant une forte adhésion à ce procédé.
Enfin, la modernisation de l’administration consulaire a bénéficié d’un renforcement de ses moyens. Le service France Consulaire, plateforme d’appel téléphonique pour les Français de l’étranger, a poursuivi son déploiement grâce à 3,8 millions d’euros de crédits en LFI. Il couvre désormais quatre-vingts pays, représentant 59 % des Français de l’étranger inscrits au registre, avec des taux de satisfaction exceptionnels.
Le ministère a également lancé l’expérimentation du renouvellement du passeport à distance au Portugal et au Canada. La modernisation concerne aussi le registre de l’état civil électronique, permettant aux usagers de recevoir des copies et extraits d’actes civils dans des délais considérablement réduits. Notre objectif est de dématérialiser l’intégralité de l’état civil français à l’étranger d’ici juillet 2027.
Je tiens à souligner objectivement que la transformation et la modernisation des services publics pour nos compatriotes expatriés sont souvent exemplaires en termes d’efficacité et de qualité. Cette approche devrait, à mon sens, servir de modèle pour l’ensemble des services publics en France métropolitaine.
Le programme 185, pierre angulaire de notre politique d’influence, a bénéficié d’une dotation de 721,2 millions d’euros en loi de finances initiale 2024, avec un taux de consommation atteignant 99,8 % en fin d’année. Malgré une annulation de crédits de 42 millions d’euros, nous avons maintenu les priorités politiques assignées à ce programme pour 2024. Nos services ont donc procédé à un important travail de réajustement et de réévaluation de nos dépenses.
À l’issue de l’année 2024, nous pouvons nous féliciter du renforcement de notre réseau de coopération et d’action culturelle, ainsi que de nos programmes de bourses dans deux zones géographiques prioritaires : l’Afrique et l’Indo-Pacifique. Nous avons particulièrement mis l’accent sur deux secteurs clés : l’excellence académique et scientifique, ainsi que les industries culturelles et créatives.
Par ailleurs, notre diplomatie économique a disposé d’un budget de 17,1 millions d’euros. Cela s’est traduit par des financements concrets en 2024, notamment le plan de reconquête et de transformation touristique piloté par Atout France, visant à renforcer la compétitivité de notre offre touristique. Nous avons également accordé une attention particulière à la promotion de l’attractivité économique de la France. Cela s’est manifesté par l’organisation du septième sommet Choose France, dont le succès est indéniable avec l’annonce de 20 milliards d’euros d’investissements pour l’édition 2024, ainsi que par l’organisation du pavillon France à l’exposition universelle d’Osaka. Ces efforts ont permis à la France de conserver, pour la sixième année consécutive, sa position de pays le plus attractif d’Europe en termes d’investissements directs étrangers.
Notre troisième objectif consiste à nous concentrer sur la promotion de la régulation et de la normalisation internationales, en contribuant notamment à la lutte contre le crime organisé et à la protection de la propriété intellectuelle de nos entreprises.
Concernant la masse salariale, dans un contexte budgétaire contraint, le ministère a fait l’objet d’annulations de crédits à hauteur de 25,4 millions d’euros. Ces crédits de personnel annulés n’avaient cependant pas vocation à être exécutés. En effet, l’inflation et les risques de change sont couverts depuis 2020 par une provision aux lois de finances, avec la possibilité de mobiliser la réserve de précaution du ministère en cas de perte au change. En 2024, l’appréciation de l’euro a entraîné une sous-exécution des crédits votés, ce qui explique également votre interrogation.
Malgré cette annulation, 2024 a constitué une année de pilotage classique et prudent des emplois et des crédits. Le schéma d’emploi a été exécuté à hauteur des 165 ETP supplémentaires autorisés en loi de finances initiale, conformément à la programmation des effectifs et aux priorités définies lors des conclusions des états généraux de la diplomatie. Il est important de souligner qu’il n’y a pas de réduction des effectifs, notamment dans les consulats à l’étranger, mais plutôt un renforcement significatif.
Le rattrapage du coût de la vie pour les agents de droit local n’a pas été remis en cause, pas plus que les mesures catégorielles initialement prévues, qui ont représenté 11,46 millions d’euros.
Concernant la loi de finances initiale 2025, les crédits alloués au programme 105 sont en diminution de 164 millions d’euros par rapport à la LFI 2024, s’établissant à 1 310,5 millions d’euros. Cette baisse importante de 11 % est notamment due à l’adoption d’un amendement parlementaire à l’issue de la commission mixte paritaire, réduisant notre budget de fonctionnement de 30 millions d’euros, dont 20 millions pour l’immobilier, 5 millions pour la sécurité, et 2,5 millions tant pour le fonctionnement du réseau que pour le numérique.
Je ne peux qu’approuver votre question, Monsieur le Député, mais permettez-moi de vous la retourner : pourquoi la commission mixte paritaire, à laquelle le gouvernement ne participe pas, a-t-elle adopté un amendement imposant cette baisse de 11 % ? Les effets de cet amendement, selon nous insuffisamment documentés, rendent la gestion 2025 particulièrement contrainte. Nos services poursuivent leurs travaux pour tenter de mettre en œuvre cette décision en minimisant son impact sur nos actions prioritaires.
Une part importante des crédits du programme 105 reste consacrée au renforcement de l’influence de la France dans le monde, avec 803,5 millions d’euros alloués au financement des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix. Des incertitudes pèsent sur les appels de fonds de certaines de nos contributions, notamment les opérations de maintien de la paix et la facilité européenne de paix, ce qui nécessite une gestion prudente de nos crédits. Une éventuelle sous-exécution de la facilité européenne de paix pourrait nous permettre d’absorber tout ou partie des réductions décidées en commission mixte paritaire.
Nous préservons les objets prioritaires du programme, à commencer par l’organisation des sommets internationaux. Ainsi, 28,9 millions d’euros ont été alloués au protocole, permettant de financer deux sommets d’envergure : celui sur l’intelligence artificielle et la conférence des Nations unies sur l’océan, qui se tiendra à Nice prochainement.
Le déploiement de l’Agenda de la transformation se poursuit en 2025, avec des moyens préservés pour la sécurité de nos emprises, le fonctionnement de notre réseau et la transformation numérique, malgré les coupes budgétaires décidées après l’adoption de l’amendement parlementaire. La montée en puissance de notre académie diplomatique et consulaire s’accompagne d’une hausse de crédit de 1 million d’euros pour la direction des ressources humaines, soit près de 6 % supplémentaires par rapport à la LFI 2024.
Les crédits alloués à l’immobilier se contractent pour s’établir à 108,3 millions d’euros, mais permettent de poursuivre l’entretien indispensable de notre parc immobilier, tant en France qu’à l’étranger.
Concernant les dépenses de masse salariale, les amendements issus de la commission mixte paritaire (CMP) ont également porté sur les crédits de personnel du ministère, minorés de 4,3 millions d’euros. Cette baisse pourrait constituer une difficulté supplémentaire en gestion, car elle ne sera pas absorbée par les économies attendues.
Enfin, pour le programme 151, une baisse d’environ 10 millions d’euros par rapport à l’année précédente s’explique principalement par l’absence d’élections nationales prévues en 2025. Les moyens financiers consacrés au projet de modernisation et au fonctionnement de l’administration sont renforcés à hauteur de 5 millions d’euros par rapport à 2024, ce qui permettra de financer la modernisation, notamment pour finaliser le registre d’état civil électronique, les solutions de vote par internet et le service France Consulaire.
Les crédits consacrés à l’accès des élèves français au réseau scolaire de l’AEFE ainsi qu’à la langue française sont en baisse de 9 millions d’euros, s’établissant à 111,5 millions d’euros par rapport à la LFI 2024. Une enveloppe de 109,5 millions d’euros permettra de financer les bourses scolaires, ajustée en fonction de la sous-exécution constatée en 2024. En revanche, les crédits alloués à l’accompagnement des élèves en situation de handicap (AESH) sont renforcés à hauteur de 2 millions d’euros, avec 0,5 million d’euros supplémentaires pour répondre à la hausse des besoins constatée l’année précédente.
Concernant le programme 185, on note une diminution de 69,5 millions d’euros pour s’établir à 651,7 millions d’euros. Cette baisse est due à des amendements qui ont réduit la dotation globale de 24,2 millions d’euros. L’intégralité de ces amendements a été répercutée sur la subvention déjà en baisse versée à l’AEFE, rendant le pilotage plus contraint depuis qu’un surgel de 10 millions a été appliqué sur les crédits disponibles.
Pour conclure, dans le prolongement des états généraux, la dotation de fonctionnement aux établissements à autonomie financière a été maintenue à 45,7 millions d’euros. Face à une compétition internationale accrue, nous avons préservé les crédits alloués aux bourses de mobilité étudiante à hauteur de 70,1 millions d’euros. Cependant, les subventions aux opérateurs connaissent une diminution : -8 % pour l’AEFE, -6 % pour l’Institut français et -3 % pour Campus France. Une réflexion est actuellement menée sur le modèle économique de ces opérateurs afin de simplifier leurs missions et d’améliorer le suivi de leurs activités.
Concernant l’AEFE, l’enjeu immobilier devient crucial pour les établissements en gestion directe dans le cadre du plan Cap 2030. Nous collaborons étroitement avec les services du ministère et la ministre chargée des comptes publics pour trouver une solution permettant à l’AEFE de financer sa politique immobilière. Concrètement, nous cherchons à obtenir une dérogation à la problématique d’endettement qui empêche actuellement l’agence de lever des fonds pour moderniser son parc immobilier.
Les principaux éléments à retenir de la gestion 2024 et des perspectives 2025 pour les trois programmes de la mission Action extérieure de l’État sont les suivants : après une année 2024 marquée par un renforcement de nos capacités malgré des annulations de crédits, nous faisons face à une contrainte budgétaire accrue en 2025. Notre ministère s’efforce de poursuivre nos actions prioritaires, ce qui renforce l’exigence dans nos choix et nos priorités. Nous devons aborder cette année avec réalisme tout en restant vigilants, car la préservation de nos moyens est parfois précaire.
Le décret du 25 avril portant annulation de crédits nous rappelle que le pilotage de la gestion 2025 s’annonce également contraint. La défense des moyens de notre appareil diplomatique est désormais l’affaire de tous, à commencer par les Français établis hors de France qui, comme vous l’avez souligné, sont tous ambassadeurs de notre pays à l’étranger.
M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, nous allons maintenant passer aux séries de questions concernant les deux ministres présents.
Je vais commencer par poser deux questions. La première s’adresse à M. le ministre Thani Mohammed-Soilihi. La France a consacré 13,5 milliards d’euros à l’aide publique au développement en 2024, dont 4,67 milliards au titre de la mission APD. Cela fait de notre pays le cinquième pourvoyeur mondial d’aide publique au développement. Il est important de noter que l’écart avec le pays suivant, le Canada, est considérable puisque ce dernier fournit deux fois moins d’aide. Le top 5 des financeurs se démarque nettement, et parmi eux, le retrait américain déstabilise gravement l’édifice, les États-Unis ayant fourni 64,7 milliards de dollars, soit plus de quatre fois le montant de la France. Ce retrait affecte particulièrement les efforts de solidarité dans le contexte de la guerre en Ukraine, du conflit en Palestine et de la lutte contre l’épidémie de VIH/Sida.
Comment justifiez-vous ces baisses qui, entre l’exécution 2024 et le budget 2025, représentent une réduction de plus de 45 % du budget de l’APD, en tenant compte des annulations par décret récentes ? Je vous pose franchement la question : que restera-t-il de l’aide publique au développement dans un an ou deux ? Pensez-vous que cette tendance à la baisse va s’accentuer ?
Ma seconde question s’adresse à M. le ministre Laurent Saint-Martin. Concernant le programme 151 Français de l’étranger, on constate un écart de -106 ETP entre la loi de finances initiale 2024 et l’exécuté, alors même que la population des Français établis à l’étranger a augmenté de 2,8 % entre 2023 et 2024. Cela implique nécessairement soit une réduction du nombre de services assurés par l’État à l’étranger, notamment au sein des consulats et ambassades, soit une dégradation de la qualité du service en demandant à moins d’agents d’effectuer autant de tâches. Comment conciliez-vous la baisse du nombre de postes dans le service public avec l’augmentation de la population à administrer ?
M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre. Votre question rejoint celle laissée sans réponse précédemment, je vais donc pouvoir y répondre simultanément.
La baisse des crédits de la mission APD de 37 % par rapport à 2024 a été votée par la représentation nationale dans un esprit de responsabilité budgétaire. Cet effort budgétaire ne remet pas en cause le bilan de notre action depuis 2017. Notre aide publique au développement a augmenté de plus de 35 % et les crédits des programmes 110 et 209 ont doublé entre 2017 et 2023. En 2024, notre APD est restée stable à 13,9 milliards d’euros, confirmant notre position de cinquième bailleur mondial. L’activité du groupe AFD a même progressé, atteignant 13,7 milliards d’euros selon les résultats présentés aujourd’hui à la presse.
En somme, nous partons d’un niveau très élevé et conservons des moyens importants, même si la baisse de nos crédits nécessite des efforts de priorisation et d’efficacité. En nous concentrant sur les pays les plus vulnérables, les besoins les plus urgents et nos priorités les plus fortes, tout en continuant à améliorer l’efficacité de tous nos instruments, nous maximiserons l’impact de nos financements en 2025.
Ces priorités et l’ambition de notre politique ont récemment été réaffirmées par le président de la République. Au-delà de nos crédits nationaux, nous nous mobilisons pour que l’Union européenne, principal bailleur d’APD au niveau mondial, maintienne une forte ambition dans les domaines humanitaire et de la coopération. J’étais à Bruxelles lundi pour le forum humanitaire européen où j’ai porté ce message aux côtés de nombreux partenaires. Nous y avons également abordé la crise humanitaire et les moyens d’y répondre avec le secrétaire général adjoint des Nations unies.
Je partage votre conviction que la solidarité internationale n’a jamais été aussi nécessaire. Nous continuerons donc de nous mobiliser en vue de la quatrième conférence internationale sur le financement du développement qui se tiendra à Séville début juillet. Nous travaillons activement sur la mobilisation de la fiscalité internationale et des financements privés au service du développement, car l’aide publique au développement traditionnelle ne pourra pas, à elle seule, répondre à l’explosion des besoins, avec ou sans la participation des États-Unis.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je vous remercie, monsieur le président, pour votre question concernant le programme 151. Avant d’y répondre, je souhaite formuler une remarque sur la structure de ce programme. Il serait judicieux de procéder à un nettoyage de la maquette budgétaire, car certaines actions ne relèvent pas directement de ce programme, ce qui nuit à sa lisibilité. J’ai d’ailleurs évoqué ce point auprès de la ministre des comptes publics.
Concernant les écarts d’exécution par rapport à l’autorisation, ils s’expliquent principalement par l’exécution des bourses. Nous avions une autorisation initiale de 118 millions d’euros, réduite à 111,51 millions après application de la réserve, notamment dans un contexte d’inflation généralisée et de perte de change anticipée. Cependant, les besoins réels ont été réévalués à 105,2 millions d’euros, ce qui correspond au niveau d’exécution de 2023. Nous travaillons actuellement avec l’AEFE et mes services pour analyser en détail l’application des critères définis pour les bourses scolaires et comprendre les raisons de cette sous-exécution.
Cette sous-exécution explique également pourquoi l’autorisation 2025 est inférieure à l’autorisation initiale 2024, puisque nous nous sommes alignés sur l’exécution 2024. Concrètement, cela signifie une moindre utilisation de l’enveloppe des bourses scolaires. Il est important d’examiner attentivement cet aspect, non seulement en termes de montants, mais aussi qualitativement, pour comprendre ce que cela implique en termes de public touché, d’élèves inscrits et de profils des familles bénéficiaires.
En ce qui concerne les effectifs, le programme 151 maintient ses ETP. Fin 2024, nous comptions 3 178 ETPT pour ce programme, toutes catégories confondues : titulaires, contractuels, volontaires internationaux et agents de droit local. Nous avons procédé à dix-huit créations nettes d’ETP, dont onze à l’étranger et sept en administration centrale. En 2023, trente-et-une créations de postes de travail par redéploiement ont été effectuées au bénéfice du réseau à l’étranger et des services centraux de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE). Pour 2024, nous prévoyons trente-trois nouveaux postes de travail, dont vingt créations nettes. Cela démontre notre engagement à soutenir le service public face à l’augmentation du public cible que vous avez mentionnée.
Je tiens à souligner que le programme 151 inclut également des augmentations significatives, notamment en termes d’investissement dans la transformation numérique et dans l’accompagnement des enfants en situation de handicap.
M. le président Éric Coquerel. Il convient de rappeler que notre point de départ n’était pas à 0,7 % comme prévu en 2017, mais à 0,55 %. De plus, je tiens à souligner qu’une annulation de crédits a été effectuée par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. En prenant en compte cette annulation, les baisses prévues pour 2025, et en considérant l’inflation, nous constatons une diminution réelle de 45 % du budget. Il est difficile d’envisager maintenir le même niveau de performance avec une telle réduction des moyens.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Avant d’aborder la question de mon collègue Karim Ben Cheikh au ministre Soilihi, je souhaite revenir sur un point avec le ministre Saint-Martin.
Bien que nous ne partagions pas nécessairement la même vision politique, je vous remercie pour votre réponse détaillée et argumentée. Toutefois, je tiens à préciser que la CMP qui nous pénalise résulte d’un amendement porté par des sénateurs de l’Union centriste et des Républicains. Karim Ben Cheikh a d’ailleurs alerté Matignon sur ce risque dès le surlendemain. Je suis favorable à un dialogue critique entre l’exécutif et le législatif, ainsi qu’entre différentes orientations politiques. Il serait judicieux que vous vous adressiez à vos alliés à ce sujet.
Monsieur le ministre Soilihi, permettez-moi une remarque préliminaire concernant l’AFD. Le budget a malheureusement été adopté par le biais de l’article 49.3. Sans cela, nous aurions significativement augmenté ce budget, comme le président de la commission peut en témoigner.
J’en viens maintenant à la question de mon collègue Karim Ben Cheikh. Le rapport annuel de performances sur l’aide publique au développement pour 2024 dresse un constat alarmant. Malgré des engagements internationaux ambitieux et des besoins croissants, cette mission a subi une ponction budgétaire d’un milliard d’euros, dont 742 millions par décret, comme l’a souligné le président Coquerel. Les conséquences sont lourdes : projets reportés, diminution de l’aide bilatérale, et révision à la baisse des contributions internationales dans un contexte déjà tendu.
Karim Ben Cheikh reconnaît la nécessité de maintenir des arbitrages budgétaires cohérents face aux contraintes des finances publiques. Cependant, il faut admettre qu’en actant une baisse aussi brutale, d’au moins 35 % en un an, ce gouvernement fait objectivement le jeu de ceux qui, en France comme ailleurs, mènent une guerre idéologique contre l’aide publique au développement. Nous l’avons constaté avec l’administration Trump et nous le voyons dans les programmes des partis d’extrême droite en France.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’en réduisant aussi drastiquement le budget de la solidarité internationale, votre gouvernement offre un véritable cadeau politique à ceux qui souhaitent mettre fin à la solidarité, à notre diplomatie d’influence et à notre capacité d’agir pour la paix, le climat et la justice sociale ? On évoque souvent la politique de Donald Trump, mais les décisions prises dans le budget 2024 incombent à votre gouvernement. De ce point de vue, il organise un véritable démantèlement budgétaire de l’aide publique au développement.
Quand comptez-vous revenir sur ce qui nous apparaît comme une erreur stratégique ? Dénoncer les annonces américaines est certes juste et nécessaire, comme vous venez de le faire, mais cela ne saurait masquer les renoncements constatés aux engagements internationaux de la France dans le cadre de l’Agenda 2030 pour le développement durable et de l’accord de Paris sur le climat.
Pour conclure, à l’heure où les crises humanitaires, climatiques et géopolitiques s’intensifient, nous nous interrogeons sur les garanties que vous pouvez apporter concernant la sanctuarisation de ces crédits à l’avenir. Comment envisagez-vous de restaurer la confiance de nos partenaires, de nos propres opérateurs et des citoyens engagés dans la solidarité internationale ?
Je vous prie de m’excuser si je ne peux rester physiquement pour écouter votre réponse, mais je vous assure que Karim Ben Cheikh et moi-même y serons très attentifs.
M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre. Dans la loi de finances 2025, la mission APD a été dotée de 5,12 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 4,37 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces montants représentent moins de 1 % du budget total de l’État. Il est important de distinguer ces chiffres du montant total de l’aide publique au développement déclaré à l’OCDE, qui s’élevait à 13,9 milliards d’euros en 2023.
Sur le fond, je pense que nous partageons les mêmes objectifs. C’est pourquoi je vous invite dès à présent à travailler ensemble sur le prochain budget. Dans le contexte de cette crise internationale sans précédent, il est crucial que nous disposions d’une aide publique au développement à la hauteur de nos ambitions et du statut de la France comme puissance d’équilibre. Les crises humanitaires et les défis globaux ne s’arrêtent pas à nos frontières, comme je le rappelle souvent.
Des arbitrages budgétaires responsables ont dû être effectués. Cependant, je nous engage collectivement – représentation nationale, gouvernement, ONG – à œuvrer pour qu’en 2026, nous ayons un budget de l’aide publique au développement conforme à nos aspirations. Le retrait récent de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), bien que postérieur à notre exercice budgétaire, renforce encore davantage cette nécessité.
Je vous ai déjà partiellement répondu sur ce sujet, mais je tiens à réaffirmer mon engagement à poursuivre ce travail afin que nous soyons à la hauteur des enjeux en 2026.
M. Sébastien Humbert (RN). Je vais brièvement intervenir concernant l’aide au développement.
Je tiens à préciser que notre position n’est pas opposée à l’aide publique au développement. Cependant, il est essentiel de rappeler que cette aide provient de l’argent des Français et non d’une source miraculeuse. Par conséquent, les Français doivent en tirer un bénéfice, notamment sur le plan diplomatique, à une époque où l’influence de la France s’amenuise sur la scène internationale.
Il semble parfois aberrant de continuer à financer, via l’aide publique au développement, des pays qui ne nous sont pas favorables. Prenons trois exemples : la Chine, qui semble se moquer de notre situation financière ; l’Algérie, avec laquelle nous manquons de rapport de force diplomatique, notamment pour le renvoi de ses ressortissants jugés dangereux pour notre pays ; les Comores, qui continuent d’envoyer des flux migratoires vers Mayotte, malgré la crise faisant suite au passage du cyclone Chido.
Je tiens d’ailleurs à exprimer ma solidarité envers nos compatriotes mahorais, dont la situation précaire persiste malgré les annonces et visites officielles.
Vous pourriez arguer que l’aide publique au développement se fait principalement sous forme de prêts plutôt que de dons. Certes, mais dans le cas des Comores, il s’agit bien de subventions, donc d’argent gratuit du contribuable.
Enfin, concernant l’aide publique au développement au niveau européen, nous souhaiterions savoir concrètement comment la France supervise, analyse et influence l’utilisation de ces fonds au sein de l’Union européenne.
M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre. Je tiens à vous rassurer : notre aide publique au développement sert les intérêts de la France et de nos concitoyens. Je vais m’efforcer de vous le démontrer.
Concernant la Chine, il est important de préciser qu’aucun euro du contribuable français n’y est directement versé. Les actions de l’AFD en Chine relèvent de prêts, financés sur le marché et remboursés. Il s’agit notamment d’un prêt pour la décarbonation. Une confusion est souvent faite entre l’USAID, qui fonctionne à 100 % par dons, et l’AFD, dont 85 % des activités sont des prêts et seulement 15 % des dons.
Quant aux Comores et à leurs relations avec la France, la situation est plus complexe que vous ne le laissez entendre. Chaque année, 20 000 à 25 000 reconduites à la frontière sont effectuées depuis Mayotte. Certes, l’immigration clandestine s’est intensifiée ces dernières années, mais imaginons la situation si nous n’avions pas ces relations diplomatiques avec les Comores.
La lutte contre l’immigration clandestine s’opère à plusieurs niveaux. À Mayotte même, malgré les perturbations causées par le cyclone, il est impératif de rendre l’île moins attractive pour la migration irrégulière. Cela implique la poursuite de la destruction des bidonvilles, qui constituent un appel d’air pour les personnes en situation irrégulière. Il faut également lutter contre le travail illégal et les reconnaissances de complaisance. Ces efforts sont en cours.
Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas de choisir entre différentes solutions, mais de mettre en œuvre une approche globale et coordonnée. Concernant la situation aux Comores, nous avons effectivement contribué à la construction d’écoles et d’hôpitaux dans le cadre de notre aide au développement. L’enjeu actuel est d’inciter les populations à utiliser ces infrastructures locales plutôt que de se rendre à Mayotte. Ce changement de comportement, après des années d’habitudes ancrées, nécessite un travail de fond conséquent.
Par ailleurs, notre stratégie de lutte contre l’immigration irrégulière doit s’étendre au-delà du simple bras de mer entre Mayotte et les Comores. Nous devons adopter une approche régionale, en travaillant notamment avec les pays sources de ces flux migratoires. En effet, les migrations ne proviennent plus uniquement des Comores ou de Madagascar, mais également du continent africain. C’est pourquoi nous menons actuellement des actions concertées à l’échelle régionale pour obtenir des résultats tangibles.
Concernant les mesures internes, je souhaite insister sur l’importance de la future base navale au nord de Mayotte. Ce projet, dont on parle depuis longtemps, permettrait de gagner 30 à 35 minutes sur le temps d’interception, ce qui est considérable. Actuellement, les intercepteurs partent de Petite-Terre, ce qui entraîne une perte de temps significative avant d’atteindre la zone d’interception. La construction de cette base navale s’avère donc primordiale.
En conclusion, c’est la mise en œuvre simultanée de l’ensemble de ces moyens qui nous permettra de remporter la bataille contre l’immigration clandestine vers Mayotte.
Mme Dieynaba Diop (SOC). Concernant l’aide publique au développement, vous avez rappelé, monsieur le ministre, la baisse significative de 1,3 milliard d’euros qu’elle a subie. Cette réduction s’est logiquement répercutée sur les crédits de la mission d’aide publique au développement. Alors que nous avions initialement prévu 5,9 milliards, l’exécution n’atteint finalement que 4,82 milliards. Les différentes interventions ont expliqué, de votre point de vue, les raisons de cette situation.
Je tiens à rappeler que nous avions collectivement fixé en 2021 l’objectif d’atteindre 0,7 % de notre revenu national brut d’ici 2025 pour l’aide publique au développement. Malheureusement, en raison des coupes budgétaires que nous avons subies, cet objectif est désormais repoussé au minimum à 2030. Les réductions ont été massives, notamment sur le programme 209 qui finance l’aide humanitaire et l’amélioration des conditions de vie des populations les plus vulnérables. Ce programme a été particulièrement affecté, avec 540 millions d’euros annulés en février et un gel supplémentaire en juillet. En conséquence, ce sont les plus fragiles, au sud comme à l’est, qui paient le prix de ces arbitrages budgétaires.
Il est important de noter que les coupes de l’USAID sont intervenues bien avant nos propres arbitrages budgétaires. J’étais personnellement présente au Tchad, dans les camps de réfugiés de Metché et d’Adré, lorsque ces réductions de l’aide américaine ont été annoncées. Dans notre réflexion future, il est crucial que nous prenions en compte cet arrêt brutal de l’aide américaine. Nous sommes confrontés à des crises majeures, de l’Ukraine à Gaza, en passant par le Soudan dont nous avons discuté ce matin en commission. N’oublions pas non plus les crises sanitaires, avec les épidémies de choléra, ainsi que la multiplication des catastrophes naturelles.
Monsieur le ministre, dans ce contexte de crises multiples, alors que la France aspire à jouer un rôle moteur sur la scène internationale et que nous savons à quel point l’aide publique au développement constitue un levier d’influence important et un outil de stabilité et de paix, comment justifier une telle réduction des moyens de notre politique de développement vis-à-vis de nos partenaires ? Pouvez-vous nous expliquer comment vous envisagez de revenir sur cette trajectoire pour 2026 ? Et comment nous, en tant que parlementaires, pouvons-nous y contribuer ?
M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre. Comme vous l’avez rappelé, l’objectif de 0,7 % du RNB a été fixé par la loi organique de 2021. Cependant, dans le contexte budgétaire actuel, le CPPI n’a pas réaffirmé cet objectif, privilégiant une politique davantage axée sur les partenariats. Néanmoins, cet indicateur demeure un élément important de comparaison internationale pour l’aide publique au développement, auquel nous restons très attachés.
Les contraintes budgétaires nous ont poussés à faire des choix, notamment des réductions en matière d’actions humanitaires. Cependant, ces actions ont été relativement préservées dans le budget 2025. J’étais à Bruxelles avant-hier pour poursuivre ce travail de sensibilisation que nous menons au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et pour solliciter également l’échelon européen.
Certes, l’aide publique au développement a subi des coupes franches, mais nous plaidons pour un budget 2026 qui retrouve une trajectoire stable. Dans le contexte budgétaire actuel, cet exercice s’avère complexe. C’est pourquoi j’ai donné rendez-vous à la représentation nationale pour que nous menions le travail nécessaire afin d’éviter de nouvelles coupes lors du budget 2026. Je sais pouvoir compter sur votre soutien. Nous allons poursuivre ces travaux et ces réunions dans cette optique.
Il est également crucial de sensibiliser nos concitoyens, qui s’interrogent parfois sur l’utilité de l’aide publique au développement. Ce matin, lors de la présentation des chiffres de l’AFD, j’ai été rassuré de constater que les sondages confirment que nos concitoyens sont largement favorables à l’aide publique au développement. C’est cette sensibilisation et cette mobilisation que je nous encourage à poursuivre.
M. Emmanuel Mandon (Dem). Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre rappel de l’action de l’AFD et de la pertinence de cet outil de développement indispensable, dont l’intérêt est particulièrement évident dans le contexte actuel. Je note également les efforts déployés pour maintenir un niveau d’intervention dans le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement.
J’aimerais à présent vous interroger sur la coopération décentralisée, c’est-à-dire ces projets mis en œuvre par nos collectivités territoriales à l’étranger. Si quatre-vingt-dix-sept projets ont été soutenus en 2024, nous savons qu’il existe de très nombreuses initiatives à l’échelle de nos villes et villages. On peut évoquer la dynamique des jumelages dans le cadre européen, mais pas uniquement, ce qui démontre que de nombreux concitoyens restent pleinement conscients de notre responsabilité, notamment à l’égard des pays en développement et de l’aide publique au développement. Quel regard portez-vous sur ces initiatives locales ? Quel soutien pouvez-vous encore leur apporter ?
Par ailleurs, je souhaite aborder la question de la francophonie, notamment l’action en faveur du festival de la francophonie 2024 et la mobilisation de l’ensemble des acteurs des territoires qui ont répondu à l’appel à manifestation d’intérêt lancé l’année dernière par le ministère auprès des collectivités territoriales.
Enfin, monsieur le ministre, notre audition vous a déjà permis de nous apporter de nombreuses précisions sur l’exécution des crédits relevant de votre responsabilité. Je souhaiterais revenir néanmoins sur le programme 185 qui rassemble des crédits destinés aux politiques culturelles, linguistiques, universitaires, scientifiques et d’attractivité. Une grande partie de ces crédits est gérée par trois opérateurs, dont l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Pour cette agence, nous le savons, l’enjeu est d’augmenter le nombre d’élèves à accueillir d’ici 2030. Je parle de cet objectif de 700 000 élèves qu’on a pu évoquer dans nos établissements à l’étranger, qu’ils soient en gestion directe, conventionnés ou partenaires. Avec 398 000 élèves accueillis par le réseau à la dernière rentrée, la progression annuelle n’a été que de 1,4 % par rapport à 2023. Autant dire qu’il va falloir accroître l’effort pour accélérer la croissance des effectifs dans les cinq années à venir. Or, j’observe que nous sommes toujours dans la matrice du contrat d’objectifs précédent de l’AEFE 2021-2024. Pouvez-vous nous donner des éléments complémentaires sur la mise en œuvre du prochain contrat d’objectifs ? Est-il encore possible d’atteindre l’objectif ambitieux de 2030 ?
Je voudrais relier en quelques mots la réflexion de mon collègue Frédéric Petit. Aujourd’hui, l’AEFE remplit des missions très diverses, ce qui, peut-être, peut nuire à son efficacité. Ne serait-il pas opportun de la recentrer plus encore sur la compétence de la gestion des établissements et transférer non seulement la compétence développement du réseau vers France Éducation international, mais aussi la compétence Enfants français à l’étranger vers le Centre national d’enseignement à distance (Cned) ? Je vous livre cette idée et je vous remercie.
M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre. Merci beaucoup, monsieur le député, pour votre question sur la coopération décentralisée, pilier essentiel de notre diplomatie, notamment la diplomatie décentralisée. C’est l’ancien sénateur qui vous parle, qui sait à quel point l’apport de nos collectivités est important et cette coopération menée avec eux est essentielle. Cette coopération permet de renforcer les liens culturels, économiques et sociaux entre les territoires, favorisant ainsi une coopération mutuellement bénéfique. Et quand je parle de cela, je parle des jumelages dans tous les domaines, tels que le développement durable, l’éducation, la santé, la gouvernance, l’eau et l’assainissement des déchets. J’ai eu l’occasion de m’en apercevoir lors d’un déplacement en Martinique où il y avait ce genre de coopération avec naturellement les pays, les îles de la zone.
Destinée à soutenir l’ouverture à l’international des territoires français, l’action extérieure des collectivités territoriales est un mode de coopération fondé sur le partenariat entre collectivités territoriales françaises et collectivités territoriales étrangères. En 2024, le mouvement de jumelage a poursuivi sa dynamique avec l’établissement de nouveaux partenariats, en particulier en Ukraine, mais pas seulement. Ce sont plus de vingt nouveaux partenariats depuis le déclenchement de la guerre et près de cent nouveaux projets entre collectivités françaises et étrangères en 2024. Je cite par exemple récent jumelage avec des villes ukrainiennes. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en collaboration avec l’association française du conseil des communes et régions d’Europe (Afccre) a mis en place des programmes visant à faciliter et renforcer les jumelages, notamment avec l’Ukraine. On peut également citer les assises franco-roumaines qui se dérouleront en septembre à Aurillac. En Afrique aussi, les jumelages sont très actifs et les assises franco-malgaches auront lieu à Tananarive en septembre 2024.
Dans ce cadre, monsieur le député, j’aimerais rappeler ici une action à laquelle je donne une importance particulière au sein du ministère que j’ai l’honneur de conduire, c’est l’insertion de nos territoires d’outre-mer dans leur environnement géographique, parce qu’il faut penser à ces territoires également, et donc eux aussi ont vocation à jouer un rôle très important dans cette coopération décentralisée que vous appelez de vos vœux.
Concernant la partie francophone, je tiens vraiment à ce que ces engagements issus du sommet de la francophonie organisé à Villers-Cotterêts puissent vivre. Avec mes collègues, nous sommes vraiment mobilisés pour que ces engagements connaissent une réalité concrète, qu’il s’agisse du collège international de Villers-Cotterêts, de Francothèque, du programme international mobilité employabilité francophone (Pimef). Au sujet de ces seize livrables, je suis à votre disposition pour voir comment nous pourrions accélérer le mouvement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Effectivement, monsieur le député Mandon, vous avez posé la question sur le programme 185 sur la diplomatie culturelle et d’influence. Sur le 185, il faut bien comprendre deux choses. D’abord, c’est au cœur du renforcement du réseau culturel décidé dans le cadre des états généraux de la diplomatie, comme je l’ai dit tout à l’heure. Nous avons les établissements à autonomie financière (+8,2 millions d’euros), les bourses (+6 millions), les crédits d’intervention (+24,3 millions) plus 24,3 millions d’euros. Comme je le disais tout à l’heure au sujet du décret d’annulation du 21 février, nous observons une affectation directe sur le 185 à 27,3 millions d’euros en AE et CP, et puis c’est une part de l’annulation qui a été imputée par la réserve de précautions, le reste a été réparti entre les opérateurs à 5 millions d’euros et les crédits de diplomatie culturelle à 1,6 million d’euros. En février, le surgel, à hauteur de 14,7 millions d’euros, n’a pas directement pesé sur les crédits du programme parce qu’il a été appliqué sur la trésorerie de Campus France et accumulé au titre d’avance du ministère. Et la cible d’exécution en août, qui gelait à nouveau 6,5 millions d’euros dans le cadre des lettres plafond, a pu faire remonter 21 millions au budget général de l’État en fin de gestion. À la fin, ce sont 99,9 % des crédits ouverts qui auront été exécutés hors titre 2.
M. le président Éric Coquerel. Nous retrouvons Jean-Noël Barrot pour les dernières questions.
Tout d’abord, je tiens à exprimer mon profond émoi concernant le tir de sommation essuyé par le diplomate français en visite à Jénine de la part de l’armée israélienne. Je lui apporte mon plein soutien, comme vous l’avez fait dans votre communication sur les réseaux sociaux. Il est important de rappeler que le 16 novembre 2023, un agent du Quai d’Orsay a déjà perdu la vie lors d’un bombardement à Gaza.
J’en viens maintenant à ma question principale. Selon l’ONG Acled (Armed conflict location & event data), la violence politique a connu une augmentation alarmante de 25 % dans le monde entre 2023 et 2024, exposant une personne sur huit à un conflit. Depuis 2019, le nombre de conflits a doublé. Face à cette escalade des tensions internationales, il est préoccupant de constater que la France procède à une réduction budgétaire de 278 millions d’euros initialement prévus pour l’action extérieure de l’État. Cette tendance à la baisse se poursuit en 2025, avec une diminution supplémentaire de 185,8 millions d’euros après prise en compte de l’inflation, ce qui représente une coupe de 5,2 % à l’échelle de la mission.
Dans ce contexte de multiplication des crises mondiales, comment justifiez-vous ce qui apparaît comme un repli de la France sur elle-même ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je vous remercie pour votre message de soutien envers le diplomate en poste au consulat général de France à Jérusalem. Ce dernier, accompagné d’autres diplomates, a essuyé des tirs provenant de soldats israéliens aux alentours du camp de Jénine en Cisjordanie. Je me suis entretenu avec lui récemment. Bien qu’il soit indemne, l’expérience a été particulièrement éprouvante. En conséquence, j’ai convoqué l’ambassadeur d’Israël en France afin d’obtenir des explications détaillées sur cet incident grave qui nécessitait une réaction ferme de notre part.
Concernant votre observation sur l’accroissement de la violence dans le monde, vous avez raison de souligner qu’une personne sur huit est aujourd’hui exposée à un conflit. Dans l’exécution du budget 2024, nous avons veillé à préserver les crédits dédiés à la sécurisation de nos emprises et de nos agents. L’actualité démontre que ces derniers travaillent parfois dans des conditions extrêmement dangereuses.
Nous avons également maintenu notre capacité à assurer la sécurité de nos ressortissants dans des situations critiques nécessitant des évacuations ou des rapatriements. En 2024, près de mille personnes ont ainsi été évacuées. Par ailleurs, notre action dans le domaine humanitaire s’est manifestée par des contributions importantes au profit du Soudan, du Liban, de Gaza et de la Palestine, ainsi que de la Syrie. Ces engagements ont été maintenus malgré les restrictions budgétaires appliquées, notamment sur le programme 209.
Concernant les opérations de maintien de la paix, paradoxalement, malgré la progression de la violence dans le monde, nos contributions ont été moins sollicitées en 2024 que prévu dans la loi de finances initiale. Nous avons donc pu honorer l’ensemble de nos engagements dans le cadre des missions de l’ONU, qu’il s’agisse de maintien de la paix, de surveillance de cessez-le-feu ou d’autres opérations.
M. le président Éric Coquerel. Je vous pose la question de Corentin Le Fur, rapporteur spécial sur l’aide publique au développement.
Monsieur le ministre, l’aide publique au développement a perdu en exécution près de 14 % entre 2023 et 2024. Certains dispositifs ont été fortement réduits. Je pense par exemple à la provision pour crise majeure, - 170 millions d’euros par rapport à la prévision, ou les fonds Équipe France qui sont à la main des ambassades, - 35 millions d’euros par rapport à la prévision.
Alors que les États-Unis, certains pays européens comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ont également annoncé des coupes importantes dans leur budget, la France ne pourrait-elle pas au contraire en profiter pour asseoir son influence par une politique volontariste en matière d’aide internationale ?
À l’issue de la réunion en avril dernier du Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux, quels sont les objectifs concrets que votre ministère a signés à l’aide internationale et comment comptez-vous traduire budgétairement ces orientations ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Effectivement, au cours de l’année 2024, nous avons dû tenir compte des annulations et des surgels budgétaires qui nous ont été demandés. Cette situation nous a contraints à faire des choix et a interrompu la hausse des crédits consacrés à l’aide publique au développement, qui avait connu une augmentation considérable ces dernières années, soutenue politiquement par les deux assemblées lors de l’adoption de la loi de programmation pour l’aide publique au développement.
Nous avons néanmoins veillé à préserver les grandes priorités de la France en matière d’aide au développement, à savoir le climat, la santé et l’éducation. Cela concerne aussi bien l’action bilatérale menée avec la dotation de l’AFD que notre soutien aux organisations internationales ou multilatérales. Notre objectif est de maintenir un niveau d’engagement qui permette à la France non seulement de rayonner dans le monde et de faire preuve de solidarité, mais également de défendre les intérêts des Françaises et des Français.
L’aide publique au développement est un instrument qui nous permet de traiter à la source un certain nombre de problématiques préoccupant nos concitoyens. En matière de santé, par exemple, elle nous permet de contribuer à la vaccination de millions de personnes dans le monde, prévenant ainsi les risques pandémiques. Dans le domaine climatique, notre action accompagne les pays en développement dans la réduction de leur empreinte carbone, contribuant ainsi à améliorer les conditions d’habitabilité de la planète, tant dans ces pays que dans le nôtre.
En ce qui concerne la maîtrise de l’immigration irrégulière, l’action de l’AFD permet aux pays d’origine de se développer, réduisant ainsi les facteurs de départ. Elle aide également les gouvernements de ces pays à se doter d’outils, comme l’état civil, leur permettant de mieux maîtriser leurs flux migratoires, qu’ils soient légaux ou irréguliers. Dans la lutte contre le narcotrafic, notre aide publique au développement et l’action de l’AFD permettent, notamment en Amérique latine, de développer des cultures de substitution qui contribuent à affaiblir ces trafics.
Il est essentiel que nous restions collectivement vigilants. C’est le message que je porte, y compris dans les discussions interministérielles, pour que l’aide publique au développement ne devienne pas une variable d’ajustement budgétaire. Je sais que certains parlementaires y sont sensibles. Cette aide contribue directement à répondre aux préoccupations des Françaises et des Français, et son importance ne doit pas être sous-estimée.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Je souhaite revenir sur la contribution française à l’Union européenne, en particulier sur la partie qui concerne nos agriculteurs via la PAC. Aujourd’hui, nos agriculteurs sont confrontés à une complexité administrative considérable dans leurs démarches. De plus, lorsque leur demande de contribution est acceptée, les versements tardent souvent à arriver, certains attendant depuis deux ans. Bien que les régions soient devenues pour beaucoup des organismes de gestion, des difficultés persistent. Dans le contexte actuel de difficultés pour nos agriculteurs, il me semble crucial de revoir les modalités de ces versements afin de les faciliter.
Par ailleurs, j’ai une question d’actualité concernant les 2 297 Français détenus à l’étranger, selon les chiffres dont je dispose. Je souhaiterais savoir comment sont soutenues les familles de ces détenus et quelle est l’action de la France, notamment en Iran, où des Français sont encore détenus, dont un au sujet duquel l’identité reste inconnue.
Enfin, concernant votre politique d’immigration choisie par opposition à l’immigration illégale, vous nous avez fourni de nombreux chiffres. J’aimerais connaître, parmi ces chiffres, la part des visas de santé. En tant qu’ancienne présidente d’hôpital pendant quinze ans, je suis consciente des difficultés liées aux dettes contractées envers la France dans ce domaine. Pouvez-vous également nous éclairer sur la part des demandes de regroupement familial dans ces chiffres ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je tiens à souligner le rôle de premier plan que joue la France dans la défense des agriculteurs en Europe. Notre pays a toujours refusé de faire des agriculteurs une variable d’ajustement, contrairement à d’autres nations prêtes à des compromis pour soutenir d’autres secteurs industriels. Cette position ferme explique pourquoi, sur les 15 milliards d’euros de fonds européens dont bénéficie la France, 9 milliards, soit les deux tiers, sont alloués à la politique agricole commune.
Vous avez raison de souligner la complexité de cette politique et les difficultés administratives qu’elle engendre pour les agriculteurs bénéficiaires. Face à la légitime colère exprimée par les agriculteurs début 2023, nous nous sommes mobilisés pour obtenir des simplifications significatives dans l’accès aux fonds de la politique agricole commune. La Commission européenne a, pour la première fois et en quelques semaines, présenté ces mesures de simplification sous notre pression. Nous examinons également les possibilités d’action à l’échelle nationale. Bien que cela ne relève pas directement du ministère des affaires étrangères, je sais que la ministre de l’agriculture est résolument engagée dans la débureaucratisation de l’accès à la PAC.
Concernant nos compatriotes détenus à l’étranger, nous distinguons deux catégories. Pour ceux qui ont commis des infractions ou des crimes dans leur pays de détention, nous assurons une protection consulaire comprenant un conseil juridique et des visites de nos représentants diplomatiques. Ce contact humain est particulièrement apprécié lorsque les familles sont éloignées.
La situation est différente pour les personnes détenues arbitrairement ou retenues en otage. C’est notamment le cas de deux de nos compatriotes actuellement en Iran. Jacques Paris et Cécile Kohler sont détenus depuis plus de trois ans dans des conditions indignes, assimilables à de la torture. Face à cette situation, nous avons pris deux mesures importantes. D’une part, nous avons proposé et obtenu des sanctions européennes contre les magistrats responsables de cette politique d’otages d’État. D’autre part, j’ai personnellement déposé plainte vendredi dernier devant la Cour internationale de justice pour violation par l’Iran de son obligation d’accorder la protection consulaire aux personnes détenues sur son territoire.
Pour soutenir les familles des personnes détenues arbitrairement ou retenues en otage, le centre de crise et de soutien du ministère maintient un dialogue régulier avec elles, les informant de la situation et assurant un lien humain essentiel. L’émotion était palpable lors du retour d’Olivier Grondeau d’Iran, notamment lorsqu’il a rencontré l’agent du Quai d’Orsay qui avait servi de point de contact pour sa famille pendant sa détention.
Concernant notre politique de visas, les chiffres que vous avez mentionnés montrent qu’environ deux millions et demi de visas ont été délivrés l’année dernière par les agents du Quai d’Orsay, dont environ deux millions de visas touristiques, en prévision de l’année olympique. La compétence en matière de visas est partagée entre le ministère de l’intérieur et le ministère des affaires étrangères. Pour les visas ordinaires, nos agents dans les postes appliquent les instructions du ministère de l’intérieur, tout en s’appuyant sur leur connaissance approfondie du pays pour prévenir les risques de fraude. Nous avons entamé une collaboration avec le ministère de l’intérieur pour affiner davantage nos dispositifs de lutte contre le contournement et la fraude.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Monsieur le Ministre, comme le temps semble lointain de l’adoption à l’unanimité de la loi de programmation du 4 août 2021 relative à la politique de développement solidaire et à la réduction des inégalités mondiales. D’abord, l’inaction patente de la France pour empêcher qu’un génocide soit commis à Gaza est en rupture totale avec l’objectif général que cette loi contient et avec les principes de notre République. Le président des États-Unis d’Amérique propose de commettre un crime contre l’humanité, la déportation d’un million de Palestiniens en Libye et supprime l’aide humanitaire d’urgence.
La France devrait jouer un rôle décisif dans ce moment particulier en portant l’aide au développement à 0,7 % du revenu national en application de la loi, au lieu de quoi vous aggravez de 211 millions d’euros la coupe de 2 milliards d’euros déjà opérée dans le budget. La baisse de ces dépenses a des effets concrets. Prenons les problèmes de lutte contre la malnutrition. Ce sont, selon Action contre la faim, plus d’un million d’enfants qui risquent chaque année de mourir du fait de ces coupes. Et il en va ainsi également des programmes de santé sexuelle et reproductive.
À force de confrontation à ces aspects concrets, vos mots finissent par sonner creux. Le 7 mars dernier, vous vous êtes engagés à soutenir une diplomatie féministe. Mais l’idée est restée en apesanteur, car le fonds de soutien aux organisations féministes a subi rudement vos coupes budgétaires. Vous avez dit à cette occasion vouloir pérenniser ce fonds. Avec quels moyens et avec quels financements ?
Le rapport sur l’exécution de la mission Aide publique au développement nous apprend qu’elle a été, en 2024, inférieure de 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,1 milliard d’euros en crédits de paiement à la loi de finances.. Pourquoi faire de la solidarité internationale une variable d’ajustement ? En évitant de nous répondre par l’habituel mantra sur la situation budgétaire difficile, laquelle est liée à votre refus de trouver les recettes nécessaires à une politique à la hauteur des besoins, pouvez-vous nous indiquer quels sont les moyens concrets que vous comptez apporter pour l’aide au développement ?
Comment pouvez-vous prétendre défendre la coopération internationale et le multilatéralisme en opérant de tels coups de rabot dans l’aide publique au développement?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je tiens à apporter des précisions sur les points que vous avez soulevés. Tout d’abord, concernant l’objectif de 0,7 % du PIB, il est important de noter que ce chiffre englobe un périmètre bien plus large que celui de la mission d’aide publique au développement. Malgré les réductions budgétaires significatives pour l’exercice 2024 que vous avez mentionnées, notre niveau d’engagement reste supérieur à celui de 2017.
S’agissant du fonds de soutien aux organisations féministes, nous avons veillé à préserver cette ligne budgétaire malgré les contraintes financières importantes. Bien que je ne dispose pas du montant exact, je peux vous assurer que nous avons maintenu son financement. En effet, si la France ne porte pas cette ambition de promouvoir la diplomatie féministe et de soutenir les organisations œuvrant pour les droits des femmes à l’échelle mondiale, peu d’autres pays le feront à notre place.
Concernant l’exécution budgétaire 2024, les décisions d’annulation et de surgel ont effectivement été prises, notamment par le ministère du Budget. Pour la préparation du budget 2025, nous avons dû faire des arbitrages sous contrainte. Dans ce contexte, j’assume pleinement notre choix de préserver la transformation du ministère. Nous le devons aux agents du ministère de l’Europe et des affaires étrangères qui accomplissent un travail remarquable dans des conditions parfois très difficiles. Ces agents étaient arrivés à un point d’épuisement lors de l’ouverture des états généraux de la diplomatie. Il aurait été dommageable de briser l’espoir qu’ils commençaient à retrouver en coupant drastiquement dans les crédits alloués à cet agenda de la transformation.
Mme Dieynaba Diop (SOC). Vous soulevez des points importants concernant l’exécution budgétaire de la mission Action extérieure de l’État. Effectivement, malgré l’augmentation significative de 9 % des crédits en loi de finances 2024, nous avons dû faire face à des annulations et des mesures d’économie supplémentaires. La mission a contribué à hauteur de 1,7 % à l’effort de 10 milliards d’euros demandé aux différents ministères, une proportion supérieure à son poids dans le budget général.
Ces décisions, prises en dehors du cadre parlementaire, ont effectivement été accompagnées d’une sous-consommation importante des crédits, notamment pour les contributions internationales, la coopération universitaire et les dépenses immobilières. Je comprends vos inquiétudes quant à la cohérence de notre action extérieure et l’atteinte portée à l’ambition de réarmement diplomatique.
La Cour des comptes a, en effet, pointé l’absence de planification pluriannuelle et de stratégie claire pour l’allocation des effectifs et des crédits. Le fait que seuls 29 des 165 emplois prévus aient été pourvus par des titulaires illustre les difficultés de ce pilotage par à-coups. Quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour améliorer le taux d’exécution desdits crédits ?
Concernant le pass éducation langue française, son taux d’exécution n’a été que de 38 %. Cet outil, censé être un vecteur fort de notre rayonnement culturel, mérite une attention particulière pour améliorer sa visibilité et son efficacité.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Concernant la sous-consommation des crédits immobiliers, elle s’explique principalement par les annulations de crédits ayant affecté la dotation immobilière et par les aléas géopolitiques nous ayant contraints à reporter ou annuler certaines opérations à l’étranger. Je peux citer à titre d’exemple le report de l’opération de désamiantage des façades de l’ambassade de France à Caracas pour un montant de 2,6 millions d’euros, ou encore l’annulation de la construction de logements à Ouagadougou pour 1 million d’euros.
J’ai donné des instructions précises à mes services pour améliorer l’exécution de nos crédits immobiliers, afin que la consommation corresponde aux besoins réels de maintien en état et de sécurisation de nos emprises. Néanmoins, il faut reconnaître que les aléas géopolitiques peuvent parfois entraver la mise en œuvre concrète de certains travaux.
Quant au pass éducation langue française, l’expérimentation menée en 2024 est en cours d’évaluation. J’ai demandé à mes services de réexaminer ce projet en vue du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, en tenant compte de cette évaluation. Cette démarche répond à une demande forte exprimée par les parlementaires lors de nos débats budgétaires sur le PLF 2025.
M. Emmanuel Mandon (Dem). Je vous remercie pour votre soutien à l’action du ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans la défense des intérêts fondamentaux de la France et de son rayonnement à l’étranger. Votre reconnaissance de l’importance de notre réseau diplomatique, le troisième au monde, est particulièrement appréciée. Ce réseau, entièrement dédié au service de nos compatriotes à l’étranger, joue un rôle crucial dans un contexte international marqué par de redoutables menaces.
Nous partageons votre conviction que l’effort budgétaire doit être maintenu, d’autant plus que d’autres grandes puissances investissent massivement dans leurs outils d’influence. Le plan de modernisation que nous avons engagé pour le ministère répond à cette nécessité.
Concernant les difficultés relevées par la Cour des comptes sur l’exécution des crédits et la planification des investissements immobiliers, nous sommes pleinement conscients des enjeux. Les aléas politiques et les défis de planification, en particulier dans une perspective pluriannuelle, sont des facteurs que nous devons prendre en compte.
Pour remédier à ces difficultés, nous travaillons à l’amélioration de nos processus de planification et de gestion des projets, en tenant compte des contraintes géopolitiques. Nous cherchons à renforcer notre capacité d’anticipation et d’adaptation, tout en maintenant une vision stratégique à long terme. L’objectif est d’optimiser l’utilisation de nos ressources tout en préservant la flexibilité nécessaire pour répondre aux évolutions rapides du contexte international.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Mon ministère a répondu aux observations de la Cour des comptes, bien que nous ne partagions pas l’intégralité de leurs conclusions. La mise en œuvre de l’agenda de la transformation bénéficie d’une gouvernance resserrée sous mon autorité directe. Nous organisons des comités exécutifs à intervalles réguliers et utilisons un tableau de suivi constamment actualisé, qui sert également de base à notre processus de budgétisation.
Concernant les remarques de la Cour des comptes sur les ETP, nous avons établi une programmation pluriannuelle des créations de postes, alignée sur les cinq priorités définies par l’exécutif. Quant à la sous-exécution du budget immobilier en 2024, elle s’explique principalement par les réductions de crédits que nous avons dû effectuer à la suite des annulations budgétaires de février 2024.
J’aimerais apporter deux précisions supplémentaires sur la question des sous-exécutions. Au niveau des programmes, nous avons consommé la quasi-totalité des crédits disponibles après les annulations et le surgel. Ce résultat positif est le fruit du pilotage renforcé que nous avons mis en place. Face aux contraintes imposées par ces annulations et surgels, nous nous sommes efforcés d’optimiser l’utilisation de toutes les ressources à notre disposition.
Au sein des programmes, les sous-exécutions de certaines lignes s’expliquent en partie par des appels de contributions obligatoires moins importants que prévu. Cela concerne notamment les opérations de maintien de la paix, comme je l’ai mentionné précédemment, mais également la facilité européenne de paix, pour laquelle les contributions demandées ont été moindres. S’ajoutent à cela des réductions appliquées à certaines lignes, particulièrement dans le domaine de l’immobilier.
Concernant le pass éducation en langue française, j’ai déjà fourni une réponse à Madame Diop sur ce sujet.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 21 mai 2025 à 16 heures 30
Présents. - M. Pouria Amirshahi, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Emmanuel Fouquart, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Kévin Mauvieux, M. Nicolas Ray, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. David Guiraud, M. Philippe Juvin, M. Mathieu Lefèvre, M. Corentin Le Fur, M. Jean-Paul Mattei, Mme Marianne Maximi, M. Nicolas Metzdorf, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Eva Sas, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Dieynaba Diop, M. Stéphane Hablot