Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Commission d’évaluation des politiques publiques relatives à l’exécution budgétaire de la mission Transformation et fonction publique : audition de M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification              2

  Présence en réunion...........................13


Mardi
27 mai 2025

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 117

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. François Jolivet,

Vice-Président

 

 


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La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, procède à l’audition de M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification

M. François Jolivet, président. Nous entamons l'examen des politiques publiques relatives à la mission « Transformation et fonctions publiques ».

M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. Cette audition me permettra de dresser le bilan de l'exécution budgétaire 2024 de mon ministère et d'en esquisser les perspectives pour 2025 et 2026.

Avec 914 millions d'euros de crédits de paiement exécutés en 2024, le ministère de la transformation et de la fonction publique représente moins de 0,2 % du budget général de l'État. Malgré ce volume budgétaire modeste, notre ministère joue un rôle stratégique et structurant dans l'organisation de l'action publique, puisque nous interagissons avec l'ensemble des ministères et sommes au cœur de la transformation publique, de la numérisation des services, de la rénovation de notre administration et de l'attractivité de la fonction publique.

Nos crédits se traduisent par des réformes concrètes, mesurables et utiles. Prenons tout d’abord l'exemple de l'immobilier de l'État, piloté par la direction de l'immobilier de l’État (DIE). En 2024, nous avons mobilisé 550 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 300 millions d'euros de crédits de paiement (CP) supplémentaires pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments publics. Cet effort représente l'une des plus importantes actions de l'État en matière de sobriété énergétique du parc immobilier administratif.

Nous avons également poursuivi le programme de rénovation des cités administratives, engagé depuis 2018. À chacun de mes déplacements, je rencontre les agents de l'État, pleinement engagés au service de nos concitoyens sur l'ensemble du territoire. Leur offrir des espaces de travail, de restauration et de vie à la hauteur de leur engagement n'est pas un luxe, mais une exigence élémentaire de reconnaissance et de dignité. À cet égard, j'ai récemment inauguré la nouvelle cité administrative d'Agen, dans le Lot-et-Garonne, après trois années de rénovation. Ce projet, financé par l'État à hauteur de 11,7 millions d'euros, a permis de réaliser une économie de 97 % en matière de consommation d'énergie. La rénovation de nos établissements publics améliore les conditions de travail des fonctionnaires et des agents, optimise l'accueil du public, tout en générant des économies d'échelle significatives.

Dans les prochaines semaines, je me rendrai ainsi à Lyon, Toulouse, Rouen et Nantes pour valoriser les investissements de l’État, qui s’élèvent à 323 millions d'euros pour l’année 2024. Je suis également conscient des alertes de certains députés concernant la non-conformité de certains bâtiments publics, notamment dans les territoires insulaires et ultramarins, ainsi que de la répartition inégale des investissements sur l'ensemble du territoire. Nous examinerons attentivement cette problématique.

Le deuxième pilier de notre action concerne la réforme de la fonction publique. Avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), nous avons engagé en 2024 la réforme de la scolarité des instituts régionaux d'administration (IRA) pour renforcer l'alternance, la professionnalisation et la proximité avec les réalités du terrain. Cette réforme est entrée en vigueur dès 2025. Depuis mon arrivée, j'ai ainsi annoncé l'ouverture d'un nouveau site IRA à Nanterre pour répondre aux besoins de formation du bassin d'Île-de-France. Nous avons également décidé la fusion administrative des IRA pour rationaliser la gouvernance, harmoniser les pratiques et amplifier l'attractivité. Le résultat est probant, puisque nous avons enregistré une augmentation de 60 % des candidatures en 2025. Ce signal fort démontre que la fonction publique redevient une destination prisée, et nos ministères bénéficieront du talent des attachés formés dans les IRA.

Le coût de fonctionnement des IRA s'élève à 49,2 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 0,5 million d'euros pour l'organisation des concours. Ces investissements sont pleinement assumés car ils forment les cadres de demain. Je tiens à rassurer les parlementaires en leur indiquant que la fusion des IRA en tant qu'établissements publics ne remet nullement en cause leur ancrage local, puisque toutes les implantations géographiques actuelles seront maintenues.

Le troisième levier d'action concerne la transformation des services pour les usagers. En juillet 2024, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a lancé le label « Service public plus », une reconnaissance officielle de la qualité du service rendu à l'usager. J'ai eu l'honneur de remettre les premières labellisations, notamment à l'Urssaf du Centre-Val de Loire et à la Mutualité sociale agricole (MSA) du Maine-et-Loire.

Parallèlement, nous avons renforcé l'appui au réseau France Services, véritable bras armé de l'État dans les territoires. Nous avons ainsi signé une convention de 3 millions d'euros avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour la formation des conseillers et la réalisation d'audits de qualité et alloué 1,5 million d'euros supplémentaires pour améliorer leur communication et leur visibilité auprès de nos concitoyens.

En novembre 2024, nous avons lancé le dispositif France simplification, permettant aux préfets de faire remonter les freins, les doublons et les éventuelles absurdités réglementaires. En moins de six mois, près de 500 dossiers ont été déposés et la moitié a déjà trouvé une solution concrète. C'est l'illustration d'un État agile, où la transformation part du terrain et se traduit en actions concrètes.

Le quatrième pilier concerne le numérique public. La direction interministérielle du numérique (Dinum) a continué, en 2024, à porter sa vision ambitieuse du numérique avec le programme beta.gouv.fr et en particulier le fonds d'accélération des start-up d'État et de territoire (FAST). Seize projets innovants ont été sélectionnés cette année, portés par des administrations centrales mais également par des collectivités, démontrant que le numérique public est désormais un levier de modernisation pour l'ensemble du secteur public.

Le programme « Entrepreneur d'intérêt général » a permis de recruter vingt-cinq talents en 2024, auxquels s'ajoutent dix profils atypiques mobilisés par l’intermédiaire des crédits du titre 2. Ces experts, principalement issus du secteur privé et de la recherche, contribuent à faire progresser l'innovation au sein des ministères.

Concernant les ressources humaines du ministère, le schéma d'emploi 2024 est légèrement supérieur à la cible, avec cinquante équivalents temps plein réalisés pour un objectif de quarante-huit. Cet écart s'explique par un moindre taux de départ en fin d'année, notamment à la DITP. En parallèle, le plafond d'emploi exécuté reste inférieur au plafond autorisé, témoignant d'un pilotage rigoureux et prudent. Nous avons fait le choix de renforcer les moyens humains de la DITP, notamment dans les laboratoires d'innovation territoriale, pour accompagner les préfectures et les services déconcentrés dans leur démarche de transformation.

Nous avons également poursuivi avec détermination la réinternalisation des prestations de conseil, dans une logique de reconquête de la capacité stratégique de l'État. Après une trop longue période d'externalisation des expertises, parfois par défaut, nous faisons aujourd'hui le choix de redonner à l'État les compétences qu'il allait chercher à l'extérieur. Ce mouvement ne présente pas uniquement des avantages budgétaires, bien que cet aspect soit significatif, puisque nous estimons qu'à chaque création de poste au sein de notre agence de conseil interne, nous réalisons une économie de 100 000 euros par substitution à une prestation externe. Au-delà de cette efficience financière, c'est la qualité du service public qui s'en trouve considérablement améliorée. Nos agents, experts dans leur domaine, possèdent une connaissance approfondie de l'organisation administrative, de ses contraintes et de ses leviers, qu'aucun cabinet extérieur ne peut égaler. C'est pourquoi le développement de cette agence constitue une priorité stratégique pour le ministère, qui s'inscrit dans l’objectif plus large de faire passer l'État de simple commanditaire à acteur de sa propre évolution.

J'insiste sur le fait que la performance budgétaire de nos programmes s'est nettement améliorée, puisque le taux d'exécution des crédits atteint 86,5 % en 2024 contre 82,4 % en 2023. Grâce à une gestion budgétaire rigoureuse, nous avons su dynamiser le pilotage et obtenir une meilleure mobilisation des ministères. Je tiens ici à saluer l'engagement des équipes financières du ministère qui ont intensifié le suivi et les relances, malgré la complexité inhérente à la structure pluriannuelle et interministérielle de certains fonds. Nous avons pris en compte les remarques récurrentes de la commission des finances et nous nous efforçons d'y répondre efficacement.

Concernant ce ministère, l'année 2024 s'est donc révélée efficace sur le plan budgétaire et prévisionnel, avec des réalisations concrètes et de nombreuses transformations d'ores et déjà engagées. Notre ambition, qui reste inchangée pour 2025 et 2026, est de faire de l'État un employeur plus attractif, un acteur plus innovant et un partenaire plus accessible pour les citoyens.

Mme Claire Marais-Beuil, rapporteure spéciale. La mission « Transformation et fonctions publiques », créée par la loi de finances de 2018, vise à accompagner la transformation de l'action de l'État afin d'optimiser les moyens alloués et d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers. La loi de finances pour 2024 lui a alloué 1,254 milliard d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 435 millions d'euros par rapport à 2023, principalement en raison de la priorité accordée aux dépenses de transition énergétique des bâtiments de l'État. En crédits de paiement, le montant s'élève à 1,096 milliard d'euros, relativement stable par rapport à l'année précédente.

La mission a contribué à hauteur de 94,5 millions d'euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement aux annulations de crédit opérées en février dernier. Elle a ensuite fait l'objet d'une annulation supplémentaire de 100 millions d'euros en autorisations d’engagement et de 42 millions d'euros en crédits de paiement dans la loi de finances de fin de gestion.

En 2024, la mission se caractérise par un taux d'exécution relativement satisfaisant en crédits de paiement, avec 914 millions d'euros consommés, soit 83,4 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et 86,5 % du total des crédits ouverts. En revanche, seuls 780 millions d'euros en autorisations d’engagement ont été consommés, soit 62,2 % des crédits ouverts en loi de finances initiale. Cette dégradation du taux d'exécution en AE s'explique principalement par la sous-exécution du programme 348, Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs.

Il convient également de souligner la sous-exécution du programme 349 Transformation publique, qui finance des projets visant à adapter les services publics aux besoins des usagers ou à améliorer les conditions de travail des agents publics. Si 98 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances ont été consommés, seuls 104 millions d'euros ont été engagés, soit un peu plus de 70 % des crédits prévus en loi de finances. Cette situation s'explique essentiellement par des retraits de crédit sur certains projets financés par le fonds pour la transformation de la fonction publique (FTAP), en raison de divergences entre la vie des projets et le terme des contrats de transformation.

Monsieur le ministre, au regard de la sous-consommation récurrente des crédits du FTAP, quelles mesures ont été prises pour renforcer le suivi des projets, notamment ceux classés en vigilance accrue ? Avez-vous révisé les estimations d'économies devant être générées par les projets retenus ?

Concernant le programme 352 Innovation et transformation numérique, dont les crédits ont été transférés cette année au programme 129 Coordination du travail gouvernemental, la loi de finances pour 2024 avait prévu un budget de 74 millions d'euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, contre seulement 11 millions d'euros en 2023. Cette hausse des crédits, qui a bénéficié au fonds d’accélération des start-up d’État et de territoire (FAST), s'est révélée trop ambitieuse et fondée sur des hypothèses de programmation insuffisamment précises. Avec environ 40 millions d'euros annulés au total entre février 2024 et la loi de finances de fin de gestion, ce sont ainsi moins de 50 % des crédits du FAST qui ont été consommés.

Enfin, avec 245 millions d'euros en autorisations d’engagement et 265 millions d'euros en crédits de paiement consommés en 2024, le programme 148 Fonction publique affiche un taux d'exécution de 88,7 % des autorisations d’engagement et 93,8 % des crédits de paiement. La consommation des dispositifs d'action sociale interministérielle a toutefois été inférieure de 17 % à la prévision, démontrant selon la Cour des comptes la nécessité d'améliorer leur prévision. Je constate par exemple une surprogrammation des crédits du chèque-vacances, alors que les critères de ce dispositif avaient été recentrés dès juillet 2023.

Pour conclure, j'évoquerai les IRA qui ont bénéficié de réallocations de crédits initialement prévus pour les dispositifs d'action sociale. Ils ont perçu une subvention pour charges de service public de 57 millions d'euros, soit 10 millions de plus que la prévision de la loi de finances. Monsieur le ministre, alors que la tendance est à la hausse pour le budget et les effectifs des IRA, notamment pour accompagner la réforme de la scolarité, quelles conséquences budgétaires envisagez-vous au projet de fusion de ces opérateurs ?

M. Laurent Marcangeli. La décision de fusionner les cinq établissements publics qui géraient les cinq IRA existants s'inscrit dans notre démarche de simplification. L'article premier de notre projet de loi porte notamment sur la simplification liée à la fusion d'opérateurs et autres agences liées à l'État. Ce travail, initié bien avant ma nomination au gouvernement, vise à regrouper ces cinq établissements en un seul, dans le but de simplifier leur mode de fonctionnement. Parmi les objectifs que nous poursuivons, la simplification est la première opportunité que nous saisissons. Cette fusion peut générer des économies, mais il est important de noter que la création d'un IRA supplémentaire, notamment à Nanterre, a considérablement augmenté le nombre de candidats. Je souhaite souligner notre volonté d'incarner l'efficience à travers cette démarche.

Concernant les sous-exécutions et les projets pluriannuels, il me semble impératif de réévaluer régulièrement nos politiques publiques. Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances que nous allons élaborer ensemble prochainement, nous devrons tenir compte des évaluations que vous avez mentionnées sur l'ensemble de ces missions. Cette approche s'inscrit dans le processus de refondation de l'action publique que nous avons initié le 21 février dernier, avec l'objectif de disposer des informations nécessaires pour dresser un bilan. Certaines initiatives fonctionnent, d'autres non, et nous devrons donc réévaluer certaines missions à la hausse et d'autres à la baisse, supprimer des missions et en créer d’autres. Tout ceci s'inscrit dans le cadre de la refondation de l'action publique que nous avons engagée à travers l'évaluation et l'auto-évaluation demandées par le premier ministre le 21 février dernier. Dans les semaines à venir, nous aurons l'occasion de dresser le bilan de l'ensemble de ces missions auxquelles vous faisiez référence. Dans le contexte des discussions budgétaires à venir, il est évident que nous devrons prendre des décisions collectivement. Le gouvernement formulera ses propositions avec toute la transparence et la détermination nécessaires.

Mme Claire Marais-Beuil, rapporteure spéciale. Je prends note de vos propos. Cependant, vous n'avez pas répondu à ma question concernant les chèques-vacances. Pouvez-vous apporter des éclaircissements sur la baisse que j'ai évoquée ?

M. Laurent Marcangeli. Une réforme relative aux droits à la retraite dans la fonction publique a entraîné une diminution de 91 millions d'euros. Pour l'année 2024, 85 000 agents représenteront une consommation importante, s'élevant à 25,2 millions d'euros.

M. François Jolivet, président. Le ministère que vous dirigez actuellement a une dimension très transversale, puisque vous interagissez avec l'ensemble des autres ministres. L'action publique et la gestion de la fonction publique au sein de chaque ministère relèvent souvent de la responsabilité d'un secrétaire général ou d'un secrétaire général adjoint. Ces agents, qui travaillent intensément au quotidien, s'efforcent de répondre aux besoins de toutes les administrations centrales de leur ministère, en termes de ressources humaines, de moyens techniques et financiers, pour soutenir le travail des agents publics. Lorsque l'on s'entretient avec ces personnes, on constate que la vision à long terme de la fonction publique à l'horizon 2050, englobant les trois versants (hospitalier, territorial et d'État) ne peut émaner que de vous.

J'aimerais donc vous interroger sur votre vision prospective, au-delà de 2030 et jusqu'en 2050. Après plusieurs mois d'expérience à ce poste, pourriez-vous nous faire part de cette vision ? Cela me semble essentiel, car la fonction publique est souvent ballottée entre réformes et contre-réformes, sans véritable perspective à long terme. Pourriez-vous nous exposer brièvement votre vision ?

M. Laurent Marcangeli. Depuis ma prise de fonction il y a presque cinq mois, j'ai effectivement l'opportunité d'avoir une vision transversale des missions exercées par notre État à travers les trois versants que sont la fonction publique d'État, hospitalière et territoriale.

Dès mon arrivée, j'ai dû me concentrer sur la préparation d'un budget dans des circonstances exceptionnelles, avec un gouvernement prenant ses fonctions deux jours avant Noël, à la suite du renversement de son prédécesseur par l'Assemblée nationale. Nous avons dû agir dans l'urgence pour réaliser des économies, dont certaines, comme la réduction à 90 % du paiement des arrêts maladie ordinaires, ont eu un impact significatif sur nos agents publics.

J’ai parallèlement proposé aux organisations syndicales représentatives et aux employeurs territoriaux et hospitaliers un dialogue et un agenda social visant à définir les contours du service public à l'horizon 2050, ce qui traduit la nécessité d'une vision à long terme et d’une préparation approfondie. Parmi les nombreux sujets essentiels abordés, se trouvent la rémunération des agents, la dimension de l’État, l'égalité femmes-hommes, la protection fonctionnelle, le logement des agents ou encore la qualité de vie au travail. Notre approche consiste à traiter ces questions l’une après l’autre, en cherchant des solutions concrètes. Par exemple, une loi sur le logement des agents publics, issue de la proposition du député David Amiel, sera bientôt débattue à l'Assemblée nationale.

Même si notre objectif est de rendre la fonction publique plus attractive et enviable pour les générations futures, nous devons également relever le défi de « faire mieux avec moins ». Mon expérience m'amène à questionner l'architecture même de l'État et des ministères. Par exemple, associer la simplification et la transformation de l'action publique au ministère de la fonction publique peut parfois créer des tensions, notamment face aux réticences syndicales concernant certaines transformations telles que l'intégration de l'intelligence artificielle.

Il me paraît judicieux de repenser l’architecture gouvernementale de manière plus pérenne, au-delà des changements de périmètres ministériels qui accompagnent chaque nouveau gouvernement. Cette réflexion sur la structure même de l’État me semble aussi importante que les réformes et projets spécifiques.

Je tiens enfin à souligner que la nature transversale du ministère de la fonction publique peut parfois entrer en conflit avec d'autres ministères, puisque nous sommes responsables des fonctionnaires dans tous les secteurs, ce qui peut parfois rendre l’action publique moins lisible, sans pour autant remettre en question l'existence même du ministère.

M. Anthony Boulogne (RN). L'objectif premier du programme 348 est de contribuer à la modernisation du parc immobilier de l'État, notamment par le financement de la rénovation des cités administratives. Au nombre de cinquante-six, ces cités regroupent divers services publics au bénéfice des citoyens, tout en assurant la présence de l'État dans les territoires. La rénovation de ces structures est impérative, puisque le parc immobilier est vieillissant, particulièrement énergivore et inadapté à l'accueil des personnes à mobilité réduite. Les projets de rénovation visent à réaliser des économies d'énergie, à améliorer l'efficience énergétique et à optimiser l'utilisation des surfaces, conformément aux observations de la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire.

L'ambition affichée par le gouvernement se heurte cependant à la réalité des moyens financiers engagés, puisqu’en 2024, ce sont 228 millions d'euros qui n'ont pas été exécutés pour les opérations de rénovation des cités administratives et d'autres bâtiments de l'État. Cette situation s'explique en partie par 59 millions d'euros d'économies décidées par le décret d'annulation des crédits de février 2024 et la loi de finances de fin de gestion. Néanmoins, la Cour des comptes souligne que cette sous-exécution des crédits budgétaires révèle principalement la fragilité des hypothèses de programmation des dépenses nouvelles. Il est impératif que l'État honore ses engagements en matière de rénovation des cités administratives. À ce titre, nous ne pouvons que déplorer l'abandon des projets à Brest, Melun et Tours.

Aussi, la sous-exécution significative des crédits en 2024 a-t-elle, selon vous, entravé la poursuite des chantiers de réhabilitation ? Ensuite, à la lumière des observations de la Cour, pouvez-vous nous garantir une programmation plus solide des dépenses pluriannuelles engagées dans la rénovation des cités administratives ?

M. Laurent Marcangeli. Je tiens à vous faire part de mon expérience personnelle en tant qu'ancien maire d'une ville de 75 000 habitants. Dans cette fonction, j'ai proposé un projet de cité administrative quasiment clé en main à l'État, projet qui a malheureusement été victime d'annulations et de révisions. Force est de constater que le programme 348 a particulièrement souffert des efforts budgétaires nécessaires en 2024 pour maintenir notre trajectoire de redressement des comptes publics. Je déplore cette situation, notamment concernant les projets que vous avez mentionnés. De nombreux projets ont toutefois été menés à bien avec succès, notamment à Agen, Bordeaux, Colmar, Lyon, Metz, Nantes et Soissons en 2024. Je crois fermement en ce modèle d'investissement qui vise à simplifier la vie de nos concitoyens en unifiant les lieux d'accueil.

Ce programme répond également à l'impératif de transition environnementale car, contrairement aux idées reçues, la pollution atmosphérique ne provient pas uniquement des véhicules, mais également des bâtiments.

Ces investissements permettent également de stimuler l'économie locale en offrant des opportunités de travail au tissu économique local, tout en améliorant l'accès aux services publics pour nos concitoyens. Bien que nous devions parfois revoir nos ambitions à la baisse en raison des contraintes budgétaires, l'effort doit être poursuivi.

Je souhaite également insister sur l'importance de l'accessibilité de nos bâtiments publics. L'État joue un rôle prépondérant dans ce domaine et les cités administratives sont au cœur de ces enjeux. Nous avons un retard à rattraper, notamment par rapport à la loi de 2005 dont nous célébrons le vingtième anniversaire cette année. Cet engagement doit rester une priorité pour l'État.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le programme 352, dans la mesure où, dans le budget 2025, une part importante des crédits relevant de ce programme a été reprise par la Dinum. Cela nous a conduits à réduire une partie des crédits alloués à la transformation numérique de l’État, domaine dans lequel de nombreux progrès restent à accomplir.

Quelle est, en dehors de ceux affectés à la Dinum, la vocation des crédits restants sur ce programme 352 ? Par ailleurs, s’agissant du fonds destiné à accélérer le financement des start-up d’État, que finance-t-il précisément, quels sont les objectifs poursuivis et quelle est la finalité de ce dispositif ? Bien que les montants engagés ne soient pas pléthoriques, des sommes significatives y sont néanmoins consacrées.

Je dois prochainement participer à un rapport élaboré dans le cadre du secrétariat général pour l’investissement (SGPI) portant sur le financement des start-up nationales, distinctes des start-up d’État, et il me semblerait donc intéressant d’établir une comparaison entre ces deux approches.

M. Laurent Marcangeli. Je tiens à souligner l'importance de développer une véritable souveraineté numérique, priorité qui m'est apparue clairement dès mon arrivée au gouvernement. Nous devons y consacrer les moyens nécessaires car nous sommes actuellement vulnérables et parfois en retard. Cet enjeu est essentiel tant sur le plan économique, stratégique, industriel et commercial que pour notre sécurité et notre position sur l'échiquier mondial.

La Dinum monte en puissance, notamment en termes de compétences. Ce matin même, j'étais présent au salon « Choisir le service public » à Nanterre, un événement d'information et d'orientation destiné aux étudiants et aux personnes en recherche d'emploi ou de réorientation professionnelle. Ce salon réunissait une centaine de stands représentant l'ensemble des ministères, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, offrant ainsi un véritable carrefour des métiers du service public. Le fait qu'un grand nombre de postes soient ouverts dans le domaine du numérique, et ce dans chaque ministère, témoigne de l'ampleur du travail qui nous attend dans ce domaine.

Il convient en outre de noter que des fusions de programmes ont eu lieu, ce qui peut expliquer certains décalages.

Concernant les start-up d'État que vous avez évoquées, nous devons effectivement approfondir notre réflexion sur leur financement et leur développement. Votre futur rapport sur le financement des start-up nationales sera certainement précieux pour établir des comparaisons et enrichir notre approche en la matière. Dès mon arrivée au ministère, j'ai prôné une intelligence artificielle de confiance, sous contrôle de l'État, avec les règles que cela implique. J'ai également insisté sur la nécessité d'une surveillance et d'un suivi rigoureux des grands projets numériques. J’ai enfin souligné l'urgence de déployer rapidement un véritable réseau interministériel de l'État en matière de numérique, car nous accusons un retard certain dans ce domaine.

Ces objectifs nécessiteront probablement une redéfinition de certains programmes. Je tiens à préciser que nous avons la possibilité de nous appuyer sur des entreprises françaises qui ont démontré leur compétence et leur talent dans ce domaine, avec qui il peut être judicieux de contracter. C'est d'ailleurs le sens du projet que nous défendons avec Clara Chappaz, ministre déléguée au numérique.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je ne comprends pas pourquoi nous n’établissons pas davantage de liens entre les différents opérateurs de l’État, alors même qu’il existe un opérateur financé par l’État dans le cadre du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui est l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi), où sont recrutés des profils de haut niveau. Vous avez évoqué, tout à l’heure, le recrutement de dix chercheurs. Or à l’Anssi, nous disposons de véritables spécialistes en matière de sécurité informatique, si bien que je ne saisis pas pourquoi les interactions entre les opérateurs de l’État ne sont pas plus nombreuses. Je souhaite attirer votre attention sur le fait que nous possédons, en interne, des expertises que nous finançons, et qu’il serait peut-être opportun de mettre en relation avec la Dinum.

M. Laurent Marcangeli. Les agents de la Dinum proviennent généralement de l'Anssi. Je partage cependant votre point de vue, et c'est la raison pour laquelle j'ai pleinement souscrit au message porté par le premier ministre le 21 février dernier, visant à mieux définir le périmètre de notre État, à identifier ce que nous devons regrouper, fusionner, redéployer et repenser.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Bien que la mission « Transformation et fonctions publiques » porte en elle la promesse d'un État moderne, sobre et plus juste, tant pour ses agents que pour ses usagers, le constat dressé par la Cour des comptes révèle cependant un écart croissant entre les intentions affichées et les effets concrets. D'un côté, nous avons des ambitions louables telles que la transition écologique des bâtiments, le renforcement des IRA, la modernisation numérique, l'amélioration de l'accès à la haute fonction publique. De l'autre, nous sommes confrontés à des réalités bien moins reluisantes telles que des autorisations d'engagement exécutées à seulement 58 %, des annulations massives de crédits et des projets peinant à démontrer leur efficacité.

Le fonds pour la transformation de l'action publique (Ftap), censé être le fer de lance de cette modernisation, voit ses crédits fondre, avec des écarts allant jusqu'à 112 millions d'euros entre les prévisions et les réalisations. Concernant le programme « Fonctions publiques », nous constatons une sous-exécution chronique de l'action sociale, des places non pourvues en prépas talents et des inefficacités budgétaires au sein des IRA, ce qui remet en question la sincérité même de la programmation.

Dans le domaine immobilier, la mesure « Transition énergétique 2024 » se trouve paralysée par un calendrier irréaliste et une dépendance excessive aux cofinancements, alors même que la performance énergétique demeure un enjeu majeur de la transition écologique.

Face à ces constats, pourquoi persistez-vous à prévoir des montants manifestement irréalistes, année après année, alors même que la Cour des comptes et le Parlement documentent leur sous-exécution systématique ? Envisagez-vous de réformer les conditions de financement du programme 348, relatif à la performance et à la résilience du parc immobilier de l'État et de ses opérateurs, afin d'assurer une exécution réaliste des projets de rénovation énergétique ?

Le programme 148, dédié à la fonction publique, illustre parfaitement le décalage croissant entre les objectifs affichés et la réalité de la gestion. Les crédits de l'action sociale interministérielle sont systématiquement sous-consommés et réorientés en fin d'année pour combler des déficits ailleurs. Quels moyens comptez-vous mobiliser pour rendre enfin sincères les crédits alloués à l'action sociale interministérielle, afin qu'ils cessent de servir de variable d'ajustement budgétaire ?

Enfin, comment envisagez-vous de renforcer l'efficacité et la mesure d'impact des projets du Ftap, à l'heure où les économies réelles s'éloignent considérablement des prévisions initiales ?

M. Laurent Marcangeli. Bien que je sois ici pour défendre l’exécution budgétaire de l'année 2024 que je n'ai que peu connue, ayant pris mes fonctions le 23 décembre dernier, je m'efforcerai de répondre à vos questions avec précision.

Il est en effet regrettable qu'un certain nombre d'engagements pris n'aient pu être tenus, notamment en raison des efforts d'économies budgétaires imposés par nos résultats décevants en matière de déficits publics.

Vous avez évoqué un sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui, sans mon intervention, n’existerait plus aujourd’hui, qui est celui des prépas talents. J'ai veillé à ce qu'une loi soit inscrite en urgence sur le temps gouvernemental. Cette loi a été débattue à l'Assemblée nationale et au Sénat, puis votée à l'unanimité des deux chambres, permettant ainsi la pérennité du dispositif. Ce matin même, à Nanterre, j'ai rencontré des élèves de ces prépas qui m'ont une nouvelle fois exprimé leur gratitude pour cette initiative.

Concernant le Ftap, il a accompagné 150 projets depuis 2018, représentant un investissement de 808 millions d'euros. Les résultats en termes d'économies sont probants, puisque nous avons réalisé 512 millions d'euros d'économies annuelles récurrentes, confirmées par une enquête réalisée en 2024. Les porteurs de projets ont déjà réalisé 430 millions d'euros d'économies à ce jour. Bien que des emplois aient été supprimés, d'autres ont été redéployés sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, permettant d'absorber un volume d'activité plus élevé. De plus, 93 millions d'euros de recettes annuelles supplémentaires récurrentes ont été générés grâce aux projets financés.

Nous sommes toutefois conscients que des améliorations sont possibles. Dans le cadre de la révision de nos politiques publiques, il conviendra probablement d'adopter une approche plus humble dans les chiffres annoncés en loi de finances, afin de réduire l'écart entre les prévisions et les résultats effectivement obtenus en fin d'exercice budgétaire.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Concernant la sincérité budgétaire, il ne s'agit pas d'une analyse subjective, mais d'une comparaison factuelle entre les prévisions et les réalisations. Par ailleurs, il est impossible de se dédouaner en invoquant des responsabilités individuelles successives face aux constats établis. En tant que membre du gouvernement, vous êtes comptable de la continuité de l'action gouvernementale que vous incarnez.

M. Laurent Marcangeli. Madame la députée, je ne suis pas de ceux qui se dérobent, comme en témoigne ma présence ici. Assumer la responsabilité gouvernementale dans le contexte politique actuel est un défi considérable. Concernant l'action sociale interministérielle, nous avons alloué 102 millions d'euros aux prestations individuelles en 2024, incluant notamment les chèques vacances. De plus, 31 millions d'euros ont été consacrés à l'accueil en crèche et près de 10 millions d'euros au maintien à domicile. Bien que ces montants puissent sembler insuffisants, ils représentent un effort significatif en matière d'action sociale au sein de mon ministère.

Mme Sophie Mette (Dem). Nous saluons les efforts de votre ministère pour faire de la transformation de l'action publique un levier d'adaptation et de modernisation de l’État. La mission « Transformation et fonctions publiques » concrétise cette ambition à travers des dispositifs structurants tels que le Ftap, les crédits destinés à la rénovation énergétique des bâtiments de l'État, et le programme d'appui à l'innovation et aux transformations numériques.

Cependant, malgré une hausse significative des crédits ouverts en AE, le taux d'exécution n'atteint que 60 %, une baisse considérable par rapport aux 80 % de l'année précédente. Cette sous-exécution est principalement due au programme 348, dédié à la transition énergétique du parc immobilier. Quelles mesures envisagez-vous pour éviter de telles sous-exécutions à l’avenir ?

Par ailleurs, concernant le programme 368, nous constatons une augmentation des effectifs, notamment pour recruter vingt nouveaux consultants au sein de l’agence de conseil interne de la DITP, dans un contexte de réduction du recours aux cabinets de conseil externes. Dix-neuf de ces postes ont déjà été pourvus. Au-delà des économies annoncées de 100 000 euros par recrutement, pouvez-vous nous éclairer sur l'impact concret de ces embauches en termes de réduction effective du recours aux cabinets externes ? Quels sont les profils et les affectations de ces consultants internes ? Enfin, quelles sont vos perspectives pour renforcer davantage l'autonomie de l'État vis-à-vis des cabinets de conseil externes ?

M. Laurent Marcangeli. Je suis particulièrement attaché à ce que l’État se dote des moyens nécessaires pour assumer ses missions sans recourir systématiquement à des prestations extérieures. Lors de l'annonce, par le premier ministre, d'une réflexion stratégique sur nos futurs réseaux de transport, nous avons, par exemple, choisi d'organiser les ateliers de consultation et de travail en interne, à la DITP, plutôt que de faire appel à un prestataire externe. Cette décision s'est avérée judicieuse et efficace. Les recrutements que nous opérons nous permettront ainsi, à l’avenir, d’organiser en interne un certain nombre d’opérations que nous externalisions auparavant.

Cette stratégie de renforcement des compétences internes aura certes un coût initial, mais je suis convaincu qu'à long terme, sur plusieurs exercices budgétaires, l'État gagnera en autonomie et en efficacité, réduisant ainsi sa dépendance aux prestataires externes pour des missions qu'il peut assumer lui-même.

Concernant le faible taux de réalisation que vous mentionnez, il faut prendre en compte les difficultés inhérentes à certains projets immobiliers. Des obstacles fonciers ou des complications dans la mise en œuvre des projets peuvent entraîner des retards, voire des inexécutions budgétaires d'un exercice à l'autre. Il convient également de rappeler que ce secteur a été fortement impacté par les annulations de crédits de l'année 2024.

M. François Jolivet, président. M. le ministre je vous remercie pour l’ensemble de vos explications.


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mardi 27 mai 2025 à 21 heures

 

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Anthony Boulogne, Mme Marie-Christine Dalloz, M. François Jolivet, Mme Claire Marais-Beuil, Mme Sophie Mette

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Mathieu Lefèvre, M. Jean-Paul Mattei, M. Nicolas Metzdorf, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou