Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Commission d’évaluation des politiques publiques relatives à l’exécution budgétaire des missions Écologie, développement et mobilité durables et Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : planification écologique : audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche              2

  Présence en réunion...........................16


Mercredi
28 mai 2025

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 121

session ordinaire de 2024-2025

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


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La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, procède à l’audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

M. le président Éric Coquerel. Notre ordre du jour appelle l’examen des politiques publiques relatives à la mission Écologie, développement et mobilité durables et au compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale et à la partie de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales consacrée à la planification écologique. Je cède la parole à Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Permettez-moi tout d’abord de vous témoigner de ma pleine mobilisation et disponibilité pour ce Printemps de l’évaluation. Il s’agit d’une démarche essentielle pour nos finances publiques et pour la transparence qu’exigent nos concitoyens. Cette mission permet au gouvernement de vous présenter l’usage que nous avons fait des crédits mobilisés en 2024, mais également de faire un point d’étape sur les politiques publiques qui ont été déployées en matière écologique.

L’année 2024 a été une année particulière, marquée initialement par une volonté inédite de soutien aux politiques environnementales, portée notamment par la Première ministre de l’époque, Élisabeth Borne, mais également par des réajustements nécessaires au regard de la responsabilité budgétaire qui s’imposait à chaque ministère, compte tenu du contexte dégradé des finances publiques. Nous n’avons cependant pas dévié de notre objectif d’assurer des moyens cohérents en crédits et en emplois pour poursuivre nos politiques au service de l’environnement, de nos concitoyens et des territoires. Mais la vérité commande de dire que les budgets ne sont pas toujours d’une lisibilité parfaite.

La mission Écologie, développement et mobilité durables (EDMD) participe à la mise en œuvre de très nombreuses politiques publiques. Elle couvre la protection de la biodiversité, la prévention des risques naturels et technologiques, l’information géographique et météorologique, la mer, la pêche, mais aussi le Fonds vert porté conjointement avec mon collègue François Rebsamen, les crédits consacrés aux transports portés par Philippe Tabarot, les crédits consacrés à l’énergie et notamment le programme 345 Service public de l’énergie, et certains dispositifs comme le chèque énergie, qui relève de Marc Ferracci.

Mon champ d’action ministériel actuel comprend également pour 2025 le sujet de la forêt, porté par le programme 149 rattachée à la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. Cette inclusion participera à une mise en synergie pour 2025 des moyens de l’État dans la préservation et la gestion des ressources naturelles, dans l’intérêt de tous les territoires. Dans la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances (LFI) pour 2024, les crédits de la mission EDMD se sont élevés à 24,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 21,6 milliards d’euros de crédits de paiement (CP).

Cela représente une diminution par rapport à la programmation 2023, qui est essentiellement liée à la sortie progressive des boucliers tarifaires individuels, des mesures conjoncturelles du fait de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sur les prix de l’énergie. Cette budgétisation 2024 traduit une augmentation inédite des crédits d’intervention en faveur de l’écologie. J’établis donc une différence entre les politiques de soutien au pouvoir d’achat des entreprises et des ménages qui ont été portées par le bouclier énergétique, en forte diminution dans la trajectoire 2024, et les dispositifs d’intervention qui visent à porter des politiques en faveur de l’écologie, en forte augmentation.

À titre de comparaison, avant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron en 2017, les crédits correspondants à la mission qui avait à peu près les mêmes contours s’élevaient à 11 milliards d’euros. Ces crédits ont donc à peu près doublé, preuve indéniable que, depuis huit ans, nous avons investi de manière massive et inédite dans la transition énergétique et écologique dans notre pays.

L’exécution 2024 a été marquée par des efforts importants demandés notamment dans le cadre des annulations de février 2024, de 2 milliards d’euros en AE et 2,2 milliards en CP, avec des efforts particulièrement ciblés sur MaPrimeRénov’ et le Fonds vert. Ensuite, pour la première fois depuis une quinzaine d’années, les effectifs du ministère ont bénéficié d’un schéma d’emplois positif en 2024.

Les opérateurs ont aussi bénéficié de renforcement d’effectifs, notamment l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux. Cela nous a permis d’entamer un début de repyramidage attendu depuis longtemps. Un plus grand nombre d’emplois ont pu être ouverts dans les territoires. Ces évolutions étaient indispensables pour assurer la cohérence entre nos ambitions et les moyens dégagés. Il faudrait pouvoir les poursuivre pour assurer nos missions et soutenir nos priorités de lutte contre le dérèglement climatique, l’érosion de la biodiversité et les pollutions.

En responsabilité, les services ont su poursuivre la mise en œuvre des politiques publiques. Le programme 113 a en particulier fait l’objet d’annulations marquées, mais la mise en place de la stratégie nationale biodiversité a été marquée par une avancée importante avec une exécution un tiers plus élevée que celle de 2023.

S’agissant du programme 181, face aux aléas climatiques, des redéploiements internes ont permis une utilisation plus juste permettant de répondre aux urgences les plus pressantes. Le fonds Barnier a connu une exécution historique, avec 237 millions d’euros en CP, témoignant de l’ampleur croissante des besoins.

S’agissant des opérateurs du programme 159 – le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), Météo France – un dégel limité de la réserve de précautions et des efforts en gestion des opérateurs ont permis d’assurer la soutenabilité du programme. Le programme 174 a su financer sa sur-exécution des dispositifs de guichet d’aide au verdissement des véhicules par des redéploiements importants tout au long de l’année. Ces redéploiements sont le résultat d’une gestion efficace au vu des exécutions constatées. Ils proviennent majoritairement de la sous-exécution constatée sur le dispositif MaPrimeRénov’, d’une réduction de la trésorerie de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et d’une réorientation des certificats d’économie d’énergie (C2E) vers les actions les plus efficaces (soutien au déploiement des bornes, appel à projets poids lourds).

Malgré une annulation et un surgel, les crédits du programme 205 ont permis de gérer efficacement de front les dépenses usuelles, dont les exonérations de charges, des aides de crise toujours importantes, notamment le plan d’action cétacés, et la poursuite d’investissements majeurs dans le renouvellement de la flotte des affaires maritimes.

S’agissant du Fonds vert pour les collectivités, la gestion déconcentrée et le fonctionnement adaptatif et pragmatique ont permis d’engager la quasi-totalité des crédits, soit 1,6 milliard d’euros d’AE. Il a été tenu compte des spécificités territoriales et des priorités régionales. L’application du principe de fongibilité est restée pertinente au niveau des régions qui ont pu adapter leur accompagnement aux collectivités au regard du flux de dossiers déposés et de la nature des opérations engagées sur leur territoire.

En conclusion, l’année 2024 a été assez complexe, mais tous les outils ont été utilisés pour permettre une gestion au plus près de nos besoins et faire en sorte de ne pas laisser les citoyens et les collectivités locales sans solution. Le sérieux de la gestion a également été au rendez-vous, comme ce bilan l’illustre.

M. Tristan Lahais, rapporteur spécial (Écologie, développement et mobilité durables : Paysages, eau et biodiversité ; Prévention des risques, Expertise, information géographique et météorologie, Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et des mobilités durables, Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires . La loi de finances initiale pour 2024 a alloué 8,05 milliards d’euros en AE et 6,61 milliards d’euros en CP aux programmes 113, 159, 181, 217 et 380. Au total, 85 % des AE et 88 % des CP prévus par la loi de finances initiale ont été consommés avec un taux d’exécution variant selon les programmes de 99 % pour le programme 117 à 51 % pour le programme 380.

Étant intervenu déjà la semaine passée sur les programmes 217 et 380 lors de l’audition de M. François Rebsamen, nous concentrerons notre propos sur les programmes 113, 159 et 181. Le programme 159 connaît le taux d’exécution le plus élevé des trois programmes, c’est-à-dire près de 98 % (505 millions d’euros). Le plus important mouvement de crédits concerne le décret d’annulation du 21 février 2024, qui a annulé plus de 11 millions d’euros en AE et en CP. Cette réduction est certes moindre que pour d’autres programmes, mais demeure préoccupante pour le programme portant sur les subventions pour charge de services public de Météo France, de l’IGN et du Cerema.

En effet, les compétences de ces organismes sont cruciales pour la mise en œuvre de la politique française d’adaptation au changement climatique. Par ailleurs, leur expertise est indispensable aux collectivités territoriales qui manquent d’ingénierie et ont besoin de continuer à disposer de leur solide expertise. J’ajoute que votre collègue chargée des comptes publics, Madame Amélie de Montchalin, a défendu la fusion ou suppression d’un tiers des opérateurs de l’État. C’est pourquoi, Madame la ministre, je serais curieux de savoir quelles sont vos intentions vis-à-vis de ces trois opérateurs que j’ai mentionnés.

Par ailleurs je profite de votre présence pour vous interroger sur les perspectives d’exécution de la loi de finances pour 2026. En effet à peine celle-ci a-t-elle été adoptée par le Parlement que le décret du 25 avril 2025 est venu annuler des crédits pour l’ensemble des programmes 113, 159, 181, 217 et 380. Ce sont 172,57 millions d’euros en AE et 171,86 millions d’euros en CP qui ont été annulés. Pourriez-vous nous donner le détail ou l’économie générale des mesures de réduction de crédit et préciser les politiques qui seront impactées ?

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale (Écologie, développement et mobilité durables : Paysages, eau et biodiversité ; Prévention des risques, Expertise, information géographique et météorologie, Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et des mobilités durables, Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires). Les budgets de l’écologie sont les premières victimes de chaque saignée que le Gouvernement effectue en cours d’année sur les dépenses publiques. Pas plus tard que le mois dernier, 171 millions d’euros de crédits étaient encore annulés sur les programmes relevant du rapport Paysages, eau et biodiversité, dont nous sommes rapporteurs.

Comme mon collègue Tristan Lahais, je voudrais insister sur le sujet des opérateurs. Le programme 159 qui porte les budgets de Météo France, de l’IGN et du Cerema n’a toujours pas retrouvé en 2024 le niveau de dépenses de 2020. Pourtant ces opérateurs accompagnent les collectivités et les ménages face aux changements climatiques et sont indispensables à l’atteinte de nos objectifs environnementaux. Je pense par exemple à l’Ademe qui accompagne les projets de réseaux de chaleur, de biomasse, de géothermie, de solaire thermique, de méthanisation, de récupération de chaleur fatale des collectivités et des entreprises. Je pense aussi à l’Office français de la biodiversité, qui garantit la préservation de nos espaces protégés partout en France et qui est victime d’attaques répétées. Nous aimerions, Madame la Ministre, vous entendre plus souvent prendre la défense de ces agents.

Un autre grand écart insoutenable de votre politique environnementale concerne la loi Duplomb soutenue par le gouvernement, qui prévoit de réintroduire un néonicotinoïde tueur d’abeilles et consacre aux méga-bassines un caractère d’intérêt général majeur. Elle vise aussi à faire pression sur l’un de vos opérateurs, l’OFB, pour qu’il saisisse le moins possible la justice. N’y a-t-il pas une contradiction absurde à, d’un côté accorder de nouveaux permis à polluer, et, de l’autre, investir dans des programmes de restauration de la biodiversité et de préservation de l’eau ?

Allez-vous vous opposer réellement à la proposition de loi Duplomb ? Pouvez-vous nous donner votre appréciation sur les opérateurs de l’État – notamment l’Ademe, le Cerema, Météo France et l’OFB – et sur la qualité de leur travail ? Comment expliquez-vous que les annulations de crédit frappent prioritairement les politiques d’adaptation et de préservation de l’eau et de la biodiversité à l’heure où nos concitoyens sont durement confrontés aux conséquences du dérèglement climatique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je n’ai pas ménagé mon temps pour soutenir les opérateurs, qui sont experts, compétents, et qui effectuent leur travail comme je leur demande.

La proposition de loi de Monsieur Duplomb a été très largement réécrite au Sénat et n’a malheureusement pas fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale. Comme je m’en suis ouverte au Sénat, l’article 1er ainsi que les articles 3 et suivants me conviennent. Ce que vous affirmez sur les méga-bassines ou sur les pressions à l’encontre de l’OFB ne figure pas dans ce texte. S’agissant de l’article 2, ma position est constante : la réintroduction de l’acétamipride ne me semble pas être une bonne idée. Néanmoins, cet article a été très largement remanié. Cette réintroduction interviendra donc par dérogation et sous des conditions strictes.

Nous aurions probablement pu aller plus loin si nous avions conduit ce débat à l’Assemblée nationale. Je regrette que l’accumulation d’amendements ait rendu impossible ce débat, mais espère qu’en commission mixte paritaire, les députés pourront porter des modifications. Je fais confiance aux parlementaires pour porter un juste regard et utiliser les travaux qui ont été menés dans les commissions du développement durable et des affaires économiques.

S’agissant des suppressions de crédits, aucune suppression n’a été supérieure à la mise en réserve initiale. C’est bien dans le cadre de la gestion des budgets que nous avons été capables d’annuler des crédits que nous avions placés par précaution en réserve. Il n’y a pas eu de ciblage particulier des politiques écologiques. À ce sujet, grâce à des mouvements d’enveloppe, nous avons pu aller bien plus loin sur l’électrification des véhicules que ce que prévoyait le budget initial.

M. Matthias Renault, rapporteur spécial (Écologie : Affaires maritimes, pêche et aquaculture). L’exercice 2024 a été marqué par une sur-exécution des crédits dévolus aux affaires maritimes et aux ports adoptés en LFI pour 2024. Celle-ci avait ouvert 442 millions d’euros en AE et 405 millions d’euros en CP sur l’ensemble du programme 205 et de l’action 43 du programme 203. Au terme de l’exercice 2024, un total de 621 millions d’euros en AE et 476 millions d’euros en CP ont été consommés, soit un taux d’exécution respectivement de 140 % et 118 %, habituel en raison de l’importance des fonds de concours.

L’année 2024 a été marquée par une sérieuse dégradation de l’état des finances publiques, qui a conduit à une série de mesures visant à limiter la consommation de crédits. En particulier, le fonds d’intervention maritime (FIM) s’est vu amputé de 5,2 millions d’euros en AE et de 3,1 millions d’euros en CP. Plusieurs engagements n’ont pu être tenus pour des lauréats. Pourtant, le FIM était très attendu par de nombreux acteurs maritimes. Quels projets ont été affectés par la diminution des crédits du FIM ? Leurs porteurs ont-ils pu trouver des sources de financement alternatives ou ont-ils dû renoncer à ces projets ?

L’action 43 est concernée par d’importants fonds de concours versés par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), en faveur des investissements dans les infrastructures portuaires. J’avais formulé il y a quelques mois dans mon rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2024 des critiques au sujet du choix opéré par l’État de soutenir les investissements des ports, non par le biais de crédits budgétaires discutés et adoptés par nous-mêmes parlementaires, mais par la voie de fonds de concours sur lesquels nous n’avons aucun contrôle.

En ce sens, je me félicite que la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de simplification de la vie économique ait adopté un amendement supprimant l’AFITF. L’Assemblée nationale s’est par la suite en séance publique opposée au rétablissement de l’Agence, confirmant donc sa suppression à compter du 1er janvier 2026. Madame la ministre, qu’envisagez-vous pour le financement par l’État des investissements dans les infrastructures portuaires, une fois que l’Agence aura été supprimée ?

Ensuite, l’exécution budgétaire chaotique de l’action 43 lui a retiré 5 millions d’euros de crédits budgétaires, qui ont été imputés sur la compensation des dépenses de dragage des ports. Je rappelle que le dragage est une opération indispensable pour assurer l’accès aux ports des navires à fort tirant d’eau. Devant être effectué quotidiennement, il a pour finalité d’éviter l’ensablement et l’envasement en retirant les sédiments. J’avais montré dans mon dernier rapport spécial que le taux de couverture par l’État des dépenses engagées par les grands ports maritimes pour leurs opérations de dragage est passé de 100 % en 2019 à 64 % en 2024, alors que l’État est supposé compenser aux ports leurs dépenses en la matière. Êtes-vous satisfaite de cette trajectoire inquiétante qui empêche les ports de réaliser leurs investissements en faveur de la transition écologique et met en péril leur soutenabilité financière ?

Enfin, j’attire votre attention sur la dynamique de la dépense fiscale liée à la taxation au tonnage, qui permet aux entreprises dont le chiffre d’affaires provient pour au moins 75 % de l’exploitation de navires de commerce de bénéficier d’un calcul de l’impôt sur les sociétés sur la base du tonnage des navires qu’elles exploitent, indépendamment du bénéfice réel réalisé. Cette dépense a diminué de 89 % sur l’exercice 2024 par rapport à 2023 et fait l’objet d’une forte volatilité d’une année à l’autre. Cela confirme que les montants très élevés enregistrés il y a quelques années étaient exceptionnels et ne justifiaient pas la suppression définitive de la taxation au tonnage, qui créerait une distorsion de concurrence insupportable pour les armateurs français avec le risque que la flotte, notamment celle du groupe CMA CGM, change de pavillon.

La bonne solution pour taxer plus justement les surprofits est plutôt la contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transports maritimes prévue par l’article 50 de la LFI pour 2025,même s’il m’aurait semblé idoine d’en doubler le taux. Quel est l’avis du gouvernement sur une éventuelle pérennisation de cette contribution exceptionnelle qui permettrait d’éviter toute remise en cause de la taxation au tonnage à l’avenir ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le fonds d’investissement maritime est pérennisé dans le Fonds vert. Il n’y a donc pas de pertes de dossier entre l’année 2024 et l’année 2025. La ligne est de l’ordre de 15 millions d’euros.

Ensuite, les investissements portuaires relèvent de la responsabilité de mon collègue Philippe Tabarot, que vous avez déjà auditionné.

S’agissant de la taxation au tonnage et de la contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transports maritimes, je rappelle que l’activité du transport maritime se caractérise par une très forte cyclicité, notamment des revenus. Dans une vie antérieure, j’ai fait partie de l’équipe qui a contribué à restructurer CMA CGM alors qu’elle était au bord du dépôt de bilan en 2009, après un effondrement des tarifs et une baisse des volumes.

La taxe au tonnage est la manière qui a été utilisée par un certain nombre de grands pays disposant d’armateurs pour les taxer. L’évolution de cette taxation doit être maniée avec une grande vigilance, compte tenu de la très grande volatilité par nature du secteur. Par définition, une contribution exceptionnelle doit demeurer « exceptionnelle ». Nous travaillons ce sujet dans le cadre plus large de la construction du budget 2026, qui impliquera des efforts collectifs, pour tous. Ce point n’est pas encore tranché à l’heure actuelle.

M. le président Éric Coquerel. Mes deux premières questions portent sur Météo France. Les phénomènes climatiques extrêmes figurent parmi les principaux indicateurs que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) considère comme des motifs d’inquiétude (Reasons For Concern, RFC). Sans un service public de météorologie performant et équipé, nous ne pourrons pas faire face. Je m’interroge sur les baisses d’emploi chez Météo France. La Cour des comptes note que le plafond d’emplois, après avoir largement baissé en 2023 (-90 équivalents temps plein ou ETP), n’a augmenté que de 18 ETP en 2024.

Mais un plafond d’emplois n’est qu’un maximum. L’essentiel concerne l’exécution, soit le nombre d’emplois effectivement pourvus. Or la Cour des comptes s’alarme « qu’une vigilance particulière doit être accordée à l’exécution 2024, car les chiffres n’ont pas été fournis par le ministère en matière d’exécution ». Disposez-vous du nombre d’emplois effectifs pour Météo France en 2024, c’est-à-dire le nombre d’ETP exécutés ?

Ensuite, la Cour des comptes souligne qu’entre 2017 et 2024, le plafond d’effectifs de Météo France a été abaissé de 388 ETP, soit -13 % selon les données de la Cour. Ces coupes dans les effectifs placent Météo France sur le podium des opérateurs les plus attaqués au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables depuis le début du premier mandat d’Emmanuel Macron. Cette dynamique de baisse des moyens de Météo France, entretenue par les divers gouvernements de M. Macron, va-t-elle se poursuivre en 2025 et les années suivantes ?

Je pose ces questions depuis 2017, ayant été le rapporteur de cette mission. Malheureusement, ces pertes d’emplois se sont à chaque fois concrétisées et à chaque reprise, j’ai annoncé que Météo France allait se retrouver considérablement handicapée dans ses prévisions et notamment dans les prévisions de risques extrêmes. Malheureusement, tout montre que cela a bien été le cas.

Ma troisième question porte sur la baisse des moyens alloués à la biodiversité, qui confirme que le Gouvernement ne pourra probablement pas tenir la stratégie nationale établie dans ce domaine (SNB). Ici aussi, la Cour des comptes a formulé des commentaires clairs. D’abord, « malgré une augmentation théorique des crédits en 2024, les restrictions budgétaires ont freiné l’exécution des dépenses, notamment pour la biodiversité. L’augmentation des subventions pour charge de service public (SCSP) traduit davantage un effet de compensation qu’un réel renforcement des moyens ». Ensuite, selon la Cour, « la gestion 2025 devra concilier la mise en œuvre de la SNB 2030 avec des contraintes budgétaires persistantes, notamment sur les financements de l’eau et de la biodiversité ».

Selon les données de votre propre ministère, en 2023, 16 % des espèces évaluées dans la liste rouge nationale sont éteintes ou menacées. En France hexagonale, entre 1989 et 2021, les populations d’oiseaux ont chuté de 33 % à 36 %. Selon un rapport de l’Inspection générale des finances de novembre 2022, il faudra par an presque un milliard d’euros en 2027 pour respecter la SNB, soit plus 39 % par rapport au niveau de 2021. Le Gouvernement assume-t-il de renoncer aux objectifs en matière de biodiversité en n’y consacrant pas les moyens suffisants ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. S’agissant de Météo France, les exécutions se sont établies en 2023 à 2 524 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et à 2 565 ETPT en 2024. Le rebond nous place donc au niveau de l’exécution 2022. Vous vous inquiétez également de la poursuite de cette trajectoire pour 2026. Les arbitrages n’étant pas effectués, je ne suis pas en situation de vous répondre à cette question. Chacun devra produire sa part d’effort. En revanche, je ne partage pas votre point de vue sur la qualité des prévisions. Aujourd’hui, les prévisions de Météo France à trois jours sont de meilleure qualité que les prévisions à un jour il y a dix ans. Les modélisations ont été améliorées, les calculateurs ont été remplacés. Météo France fait partie des meilleurs opérateurs au monde.

Entre 2023 et 2024, les crédits consacrés à la biodiversité ont rebondi de 30 % en exécution. Les moyens consacrés à la protection de la biodiversité augmentent également au travers des agences de l’eau. De plus, la SNB ne repose pas sur ce seul programme et je précise que nous disposons également de crédits conséquents de l’Union européenne (UE), qui sont malheureusement insuffisamment mobilisés dans les régions. Sur certains fonds européens, les niveaux de mobilisation sont ainsi inférieurs à 10 %, alors que la France représente environ 15 % de la population européenne.

La mobilisation du secteur privé s’effectue au travers des crédits biodiversité, un dispositif qui a été salué lors de la COP de Cali. Nous avons aligné les crédits pour les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR). Ils permettent d’être utilisés dans le cadre de projets conduits par des aménageurs ou des entreprises, au titre de leurs compensations.

En résumé, il n’est pas question de renoncer à nos objectifs en matière de biodiversité. Le rapport sur l’état de l’environnement démontre d’ailleurs les progrès qui ont été réalisés sur un certain nombre de secteurs. Je pense notamment en matière d’agriculture à la progression du biocontrôle, à la réintroduction réussie ou la réapparition d’un certain nombre d’espèces. J’ajoute que l’Europe est le seul continent à avoir augmenté de 20 points la part d’espèces pêchées de manière durable dans ses eaux. S’il reste énormément à faire, les politiques publiques engendrent des impacts positifs, mesurables et mesurés.

M. le président Éric Coquerel. Je rappelle néanmoins que l’Inspection des finances estime qu’il faudra par an presque un milliard d’euros pour respecter la SNB.

Ensuite, je contredis vos propos concernant Météo France et pourrai vous fournir des études à l’appui. Le problème n’est pas lié à la qualité des prévisionnistes, qui émettent d’ailleurs des alertes en interne depuis des années. Les calculateurs dont vous parlez sont construits sur des modèles établis pour une situation qui s’est largement dérégulée d’un point de vue météo. Or des prévisionnistes sont essentiels pour signaler les différences entre les prévisions des modèles et la situation réelle. Si leur nombre diminue, l’opérateur se trouve pénalisé pour avertir des dangers extrêmes.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Ma première question concerne la gestion de vos crédits, et notamment le problème des reports. Ainsi, la Cour des comptes écrit dans sa note d’exécution budgétaire 2024 que « les reports de crédit 2023 vers 2024 de la mission se sont élevés à 3,2 milliards d’euros en AE et 1,3 milliard d’euros en CP, et que le montant de ces reports continue à croître depuis 2021, s’expliquant par une consommation moindre qu’espérée en fin de gestion. En conséquence, la loi de fin de gestion pour 2024 a entraîné des annulations nettes de crédit de presque 1,9 milliard d’euros en AE et de 340 millions d’euros en CP ».

Au regard de la multiplication des annonces publiques, politiques et gouvernementales et de la volonté du gouvernement de réduire le budget de votre ministère en cours d’exécution, peut-on encore parler de programmation budgétaire s’agissant de la mission Écologie, développement et mobilité durables? Quel sera l’état de l’exécution 2025 par rapport à fin 2024 et à la LFI pour 2025 ? Enfin, étant donné le pilotage particulièrement restrictif des crédits de la mission dont vous avez la charge, comment redonner une certaine crédibilité dans la fixation des plafonds de crédit ?

Ma deuxième question concerne les provisions pour litiges. La Cour des comptes estime que ces provisions représentent 10 milliards d’euros. Cela concerne principalement le contentieux engagé par EDF à l’encontre du décret relatif à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) en 2022. Ainsi, 8,2 milliards d’euros ont été provisionnés à 100 %. Mais par ailleurs, les autres litiges non provisionnés cumuleraient 3,4 milliards d’euros de requêtes à la fin 2024 contre 2 milliards d’euros à la fin 2023, une fois isolé le contentieux EDF. Les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables sont-ils suffisants pour faire face à ces contentieux ? Comment s’échelonnerait dans le temps le risque de décaissement en cas de condamnation de l’État ? Disposez-vous de suffisamment de provisions pour y faire face ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les reports sont de moins en moins nombreux. À titre d’exemple, le Fonds vert n’a pas connu un seul report entre 2023 et 2024. Les efforts budgétaires sur les programmes créent cette augmentation des reports, qui ne sont pas excessifs au regard des aléas.

Dans l’exécution budgétaire, nous avons été en mesure de faire preuve d’une certaine souplesse puisque nous avons pu faire transiter en 2024 près de 500 millions d’euros entre le budget de MaPrimeRénov’ et le budget d’électrification des véhicules. Nous avons complètement accompagné, mois par mois, le fait que les politiques n’avaient pas la même dynamique.

S’agissant des provisions pour litiges, vous mentionnez d’abord le litige de l’Arenh. Je me permets de signaler que l’entreprise EDF est 100 % publique, l’État étant son unique actionnaire. En consolidé, la transaction demeure in fine entre les mains de l’actionnaire.

M. Charles de Courson, rapporteur général. EDF n’appartient pas au périmètre des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale. Si vous perdez ce contentieux, les comptes seront plombés.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les acteurs envisagent la question en consolidé, notamment notre capacité à nous financer à long terme, a fortiori pour le nouveau programme nucléaire. Il ne s’agit pas de la ligne qui me préoccupe le plus.

En dehors de ce contentieux, la part du risque contentieux provisionné a été augmentée, passant de 15 % en 2023 à 18 % en 2024. De plus, l’évaluation comptable des provisions pour litiges fait l’objet de règles interministérielles. Ainsi, les litiges pour lesquels la demande est inférieure à 1 million d’euros sont provisionnés de manière forfaitaire. Pour les autres, une estimation du risque que l’Etat soit condamné ou transige est réalisée. Lorsque le risque est estimé supérieur à 50 %, le contentieux est provisionné dans une proportion qui paraît cohérente avec le niveau de risque. Notre capacité de faire face à cette diversité de contentieux est cohérente avec notre budget. Il ne s’agira pas de débourser du jour au lendemain les 3 à 4 milliards d’euros dont vous parlez.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous déplorons une baisse de 352 millions des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables en prenant en compte l’inflation ; une coupe budgétaire de 100 millions d’euros dans les crédits Paysages, eau et biodiversité et une perte sèche de 500 millions des crédits affectés au soutien sur l’agriculture. Il faut également relever une division par deux des crédits ouverts pour MaPrimeRénov’ par rapport à 2024 ; une baisse de moitié des aides à l’électrification du parc automobile et des engagements pour les crédits du Fonds vert. Nous regrettons en outre une annulation de crédits de 549 millions d’euros décidée par le décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits, une coupe encore supplémentaire de 140 millions d’euros des crédits dédiés au soutien à l’agriculture par les mêmes décrets, une suppression de 15 millions d’euros des crédits de l’Agence Bio, soit les deux tiers de sa dotation directe.

Dans le même temps, nous assistons à une perte croissante en termes de biodiversité. Les objectifs de réduction des émissions en CO2 de la France ne sont pas atteints, loin de là. Vous allez réintroduire un poison néonicotinoïde avec votre coup de force sur la loi Duplomb et l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) vient à l’instant d’être vidé de sa substance en hémicycle dans le texte sur la simplification de la vie économique qui est porté par votre Gouvernement. Le projet écocidaire de l’A69 vient de reprendre, le droit de l’environnement est méthodiquement détricoté depuis plusieurs mois.

Au regard de cette régression majeure sur tous les sujets écologiques, sur les plans budgétaire ou législatif, quelle évaluation établissez-vous de votre propre bilan ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La répétition de mensonges ne crée pas des vérités. Le budget de ma mission était de l’ordre de 11 milliards d’euros en 2017. Il est désormais supérieur à 20 milliards d’euros, soit une augmentation de 100 %. Je connais peu de politiques publiques qui puissent se prévaloir d’une augmentation aussi massive de ses moyens.

Ensuite, vous prétendez que la France ne tiendrait pas ses objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre. Il existait un contentieux sur ce sujet, qui était lié au retard pris sous le quinquennat du président Hollande, car la trajectoire n’avait pas été tenue entre 2013 et 2018. Les gouvernements successifs, sous l’égide du Président de la République, ont réussi à rattraper le retard pris sous le quinquennat précédent et nous sommes désormais en ligne avec les objectifs concernant les émissions de gaz à effet de serre. Je vous renvoie vers les conclusions du juge, qui a été très clair en la matière. Il est donc faux de dire que nous serions en retard sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Nous avons porté plus de 2 millions d’euros d’accompagnements au titre de la rénovation thermique au cours de ces dernières années. Nous avons porté des centaines de milliers de changements de véhicules pour des véhicules moins polluants, qu’il s’agisse de l’adoption de Crit'air 2 ou de Crit'air 1, qui sont trois fois moins polluants que les Crit'air 3. Aujourd’hui, 22 % des ménages optent pour une motorisation hybride ou électrique. Ces opérations ont été soutenues par des politiques publiques.

Aujourd’hui, les think tanks internationaux et les grandes organisations considèrent que l’Europe est le continent le plus ambitieux en matière de résultats et que la France figure parmi les dix pays les plus avancés en la matière. Encore une fois, beaucoup reste à faire, mais il faut parallèlement reconnaître quand un pays agit, prend des engagements. La France était en avance sur la réduction de la pollution plastique. La France a pris des mesures inédites en matière de forage fossile, mais aussi sur les néonicotinoïdes. Aucun autre pays européen ne dispose d’une réglementation qui aille aussi loin.

En conséquence, je pense qu’un peu plus de mesure dans l’appréciation de la performance serait la bienvenue. Je porte un regard lucide sur l’action, mais j’aimerais que l’on reconnaisse les avancées assez importantes qui ont été réalisées et le courage dont ont fait preuve les majorités successives pour porter des mesures.

M. le président Éric Coquerel. Si je peux me permettre, il convient de veiller à l’usage de mots comme « mensonges ». Je vous rappelle que les CP sur la politique environnementale ont baissé de 2,5 milliards d’euros entre la LFI 2024 et la LFI 2025, hors contribution au service public de l’électricité. J’ajoute que Jean Pisani-Ferry estime que plus de 37 milliards d’euros sont nécessaires chaque année d’ici 2030 pour atteindre les objectifs en matière de climat. Restons modérés.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Alors que l’urgence s’intensifie chaque jour, la mission Écologie, développement et mobilité durables ne voit pas son budget s’améliorer, sans parler de la baisse de 2 milliards d’euros de budget pour l’année. Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous nous inquiétons de l’évolution de cette mission budgétaire, pourtant indispensable pour les décennies à venir. MaPrimeRénov’, l’électrification des véhicules et le Fonds vert sont les victimes d’une politique budgétaire trop peu ambitieuse, alors que ces dispositifs soutiennent l’adaptation et la construction d’un monde plus vertueux pour demain. Il est donc de notre devoir d’accompagner les Français dans la transformation des modes de vie.

En l’occurrence, l’UE a mis en place le Fonds social pour le climat, permettant la création d’une enveloppe de 65 milliards d’euros pour financer le développement d’une écologie sociale au sein des États membres. Dans ce cadre, la France pourrait bénéficier de 7 milliards d’euros sur sept ans, notamment pour mener des actions comme le financement de MaPrimeRénov’, le soutien de la prime à la conversion pour le remplacement du parc automobile, la création d’un leasing social pour l’électrique, mais aussi la contribution aux frais de transport public, ou le soutien aux petites entreprises éligibles à une telle enveloppe.

Pouvez-vous nous détailler l’état d’avancement de la construction du plan social pour le climat ? Quand prévoyez-vous de présenter ce plan ? Envisagez-vous d’y associer le Parlement, les associations et la société civile ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous remercie de mentionner le Fonds social pour le climat. Il suppose de conduire une discussion de transposition sur le nouveau système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne, appelé ETS2. En effet, l’activation de l’ETS2 permettra de générer ce Fonds social pour le climat. La discussion parlementaire n’ayant pas encore eu lieu, il m’est donc difficile de répondre à cette question.

En revanche, je souligne que ces systèmes – l’ETS1 étant en place – contribuent aussi à financer des politiques de décarbonation, avec un moindre impact budgétaire. Par exemple, l’ETS sur le transport maritime nous permettra de financer la décarbonation de ce secteur, grâce à un montant de 90 millions d’euros dès cette année. En outre, il faut également évoquer la puissance de mécanismes comme les certificats d’économie d’énergie ou la responsabilité élargie des producteurs (REP).

La politique écologique dispose donc d’un certain nombre de leviers extra-budgétaires mais non négligeables.

M. Tristan Lahais (EcoS). Vous avez souligné que la France était à la hauteur des engagements pris en matière de réduction des gaz à effet de serre et de ses politiques d’adaptation. Les stratégies que nous avons élaborées sont effectivement assez conséquentes et en cohérence avec les objectifs issus notamment des accords de Paris.

Néanmoins, il existe une asymétrie entre ces stratégies et les moyens pour les mettre en œuvre. Depuis deux jours, bien qu’interpellé à de nombreuses reprises dans l’hémicycle sur les intentions gouvernementales sur le ZAN, le ministre n’a jamais pris la parole pour répondre et évoquer l’engagement du Gouvernement à conserver cette politique hautement importante du point de vue environnemental. Il en va de même pour le Fonds vert.

De fait, l’écologie demeure bien souvent la variable d’ajustement des difficultés budgétaires. À cet égard, et sans polémiquer, pouvez-vous nous expliquer pourquoi M. Rebsamen, ministre en charge de la décentralisation, a présenté le rapport 380 sur le Fonds vert ? Cela préfigure-t-il une internalisation dans le droit commun du Fonds vert et donc sa disparition au profit de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ?

Nous notons par ailleurs avec intérêt vos propos selon lesquels les agences précitées dans nos interventions au titre de notre rôle de rapporteurs spéciaux n’étaient pas concernées par les suppressions potentielles en 2026. Nous entendons à tout le moins qu’il s’agit là d’un souhait de votre part.

Ensuite, au moment de la conférence des présidents qui a précédé le vote de la motion de rejet proposée par ceux qui en étaient eux-mêmes les auteurs, nous étions favorables à un temps de parole limité et au retrait de nombreux amendements pour permettre à l’hémicycle de se prononcer et de débattre. Ce choix n’a malheureusement pas été retenu.

Enfin, nous souhaiterions que le Parlement et les collectivités territoriales soient associés aux stratégies d’économie circulaire aujourd’hui en discussion au ministère, dans le contexte troublé que connaît aujourd’hui le réseau Envie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. François Rebsamen a effectivement présenté le Fonds vert au titre des collectivités locales, dans la continuité de ce qu’avaient effectué Christophe Béchu ou Catherine Vautrin. Vous avez effectivement raison de mentionner qu’une refonte des trois dispositifs DETR, DSIL et Fonds vert avait été discutée sous le gouvernement Barnier. Il ne s’agit pas de ma recommandation, et je ne crois pas trop m’avancer en indiquant que cette idée ne semble pas d’actualité. En revanche, il existe une interrogation sur le verdissement de la DETR et de la DSIL. Quoi qu’il en soit, tel est mon souhait.

S’agissant des agences comme l’Ademe, l’OFB et le Cerema, je ne vous ai pas indiqué explicitement qu’elles ne seraient pas appelées à disparaître. Pour ma part, je souhaite leur maintien et je ne crois pas qu’il existe de projet les concernant de la part du Gouvernement.

Concernant l’économie circulaire, je partage votre souhait d’une large concertation sur l’évolution des REP. J’ai pris des décisions sur la REP Bâtiment (PMCB) et la REP Textile, à travers une réallocation de financement pour permettre de soutenir certains acteurs en aujourd’hui difficulté. Nous sommes attachés à ce que l’économie circulaire intervienne en France et en Europe, pour éviter des boucles extra-européennes et antiécologiques. Mon équipe est prête à échanger avec vous à ce sujet.

Mme Sophie Mette (Dem). Je souhaite vous faire part d’une série d’observations sur la mission Écologie, développement et mobilité durables et d’une question au sujet du programme 380, qui porte les crédits alloués au Fonds vert. Pour évaluer l’efficacité d’un tel dispositif, le point central reste la détermination de sa capacité à réduire concrètement les émissions de CO2 des bâtiments publics. Des efforts notables ont été effectués en la matière au cours de l’année 2024, malgré un contexte budgétaire difficile.

Il s’agit d’abord des efforts de suivi, en premier lieu avec le développement systématisé d’études thermiques préalables, pour évaluer le gain énergétique prévisible. Il s’agit ensuite des efforts d’exigence, avec le rehaussement à 40 % du seuil de réduction des consommations énergétiques pour les projets de rénovation des bâtiments publics locaux. Il s’agit enfin des efforts de recentrage, avec une attention particulière pour les bâtiments scolaires, qui bénéficient d’une enveloppe dédiée de 500 millions d’euros. Toutefois, alors que la rénovation énergétique des bâtiments scolaires représente un enjeu fondamental au regard de leur caractère énergivore et du poids qu’ils représentent dans l’ensemble du parc des collectivités locales, il convient de poursuivre ces efforts.

Selon la Cour des comptes, en 2024, 364 dossiers ont été déposés pour 101 millions d’euros d’aides accordées sur une enveloppe totale de 500 millions d’euros, soit un montant assez insuffisant. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le niveau d’aides accordées est si faible, et nous indiquer quelles mesures vous envisagez de mettre en place pour améliorer la situation dès l’exercice budgétaire en cours ?

Une autre question porte sur le programme 149 de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. La Cour des comptes indique qu’aucun indicateur dans le rapport annuel de performance ne permet pour l’instant de mesurer le renouvellement forestier en réponse au changement climatique, alors que le plan de reboisement issu de France Relance vise le suivi des écarts de forêts reboisées. Votre ministère envisage-t-il de mettre en place des mesures pour mieux suivre ce mouvement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les éléments dont je dispose sur la rénovation des bâtiments publics ne correspondent pas au tableau négatif que vous dressez. La dynamique est extrêmement soutenue et se poursuit aujourd’hui en 2025. Nous avons recentré le dispositif pour accroître la qualité des projets et les niveaux d’économie d’énergie. L’argent doit être investi dans le sens d’une bonne adaptation.

La Caisse des dépôts atteste que les gains obtenus sur les factures d’énergie permettent de financer la partie de remboursement des taux d’intérêt sur les prêts et de réduire le niveau de subvention. Avec ce soutien, j’ai obtenu de la Caisse des dépôts une augmentation de 2 milliards d’euros de ces accompagnements, qui sont fongibles entre le soutien aux projets Eau et les projets de rénovation thermique. Je souhaite évidemment aller plus loin lors des années à venir en combinant les subventions et les prêts de la manière la plus efficace possible, pour diminuer l’impact sur les finances publiques tout en offrant un accompagnement bien orienté pour l’activité locale.

S’agissant du renouvellement forestier, le rapport de performance aborde effectivement un nombre limité d’indicateurs à vocation pérenne, comme les surfaces ou les documents de gestion durable. Cette politique difficile, car elle doit être alignée. Les pépiniéristes doivent être disponibles, la saison doit se prêter au renouvellement forestier. Il suffit que le budget soit déporté de quelques mois, par exemple par une motion de censure, pour nous retrouver dans une saisonnalité défavorable. Au-delà de la saisonnalité, nous sommes également dépendants de la météo. L’année dernière a par exemple connu une forte pluviométrie. Nous sommes également confrontés à un problème d’équilibre sylvo-cynégétique : la trop forte présence des cervidés observée aujourd’hui pose un problème sur pérennité des replantations. Il faut effectivement continuer à accompagner les forestiers, mais également nous interroger sur les points bloquants, au-delà des aspects budgétaires.

Mme Eva Sas (EcoS). Madame la ministre, vous avez indiqué tout à l’heure à ma collègue Claire Lejeune que des mensonges répétés ne faisaient pas une vérité. Simultanément, vous avez répondu à mon intervention en indiquant que la reconnaissance d’intérêt général des méga-bassines ne figurait pas dans la proposition de loi Duplomb. Cependant, l’article 5 de la proposition de loi Duplomb issue du Sénat indique : « Les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associées qui poursuivent à titre principal une finalité agricole sont présumés d’intérêt général majeur ». Je pense donc que vous pourriez revoir les propos que vous avez tenus précédemment.

Ensuite, vous avez affirmé que la France était en ligne avec sa trajectoire sur les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, il ne vous a pas échappé que la réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2024 n’a été que de 1,8 %, alors que le Haut conseil pour le climat estime qu’il faut atteindre au moins 5 %.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je précise que cette réduction était de 5,8 % en 2023. Nous sommes exactement au trait en la matière. Nous avons été capables de baisser les émissions en 2020 comme de nombreux pays de pays, mais nous n’avons pas rebondi en 2021, nous avons baissé nos émissions de gaz à effet de serre en 2022 de 2,7 %, puis de 5,8 % en 2023 et de 1,8 % en 2024. Ces données ont été factuellement établies et validées par un juge. J’ajoute que notre puits carbone diminue également. Il faut être sérieux.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie.

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 28 mai 2025 à 18 heures

 

Présents. - M. Anthony Boulogne, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Tristan Lahais, Mme Sophie Mette, M. Matthias Renault, Mme Eva Sas

 

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. François Jolivet, M. Mathieu Lefèvre, M. Thierry Liger, M. Philippe Lottiaux, Mme Yaël Ménaché, M. Nicolas Metzdorf, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Chantal Jourdan, Mme Claire Lejeune