Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, du rapport d’information sur l’impact de la politique du dédoublement et de la fermeture de classes dans l’enseignement public du premier degré de M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial de la mission Enseignement scolaire 2
– Examen, en commission d’évaluation des politiques publiques, du rapport d’information sur le montant, l’évolution et la justification des règlements d’ensemble de Mme Mathilde Feld et M. Nicolas Sansu, rapporteurs spéciaux de la mission Gestion des finances publiques : lutte contre l’évasion fiscale 17
– Présence en réunion................................25
Mercredi
18 juin 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 130
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
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La Commission examine, en commission d’évaluation des politiques publiques, le rapport d’information sur l’impact de la politique du dédoublement et de la fermeture de classes dans l’enseignement public du premier degré de M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial de la mission Enseignement scolaire.
M. le président Éric Coquerel. Notre ordre du jour appelle l’examen des différents thèmes d’évaluation retenus par les rapporteurs spéciaux dans le cadre du Printemps de l’évaluation. M. Anthony Boulogne, en tant que rapporteur spécial de la mission Enseignement scolaire, a choisi comme thème d’évaluation l’impact de la politique du dédoublement et de la fermeture de classes dans l’enseignement public du premier degré.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial de la mission Enseignement scolaire. Permettez-moi, en guise de préambule, de rappeler les éléments qui ont motivé le choix de ce thème d’évaluation. Le code de l’éducation, en son article L. 111-1, précise que « Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative ». À ce titre, le ministère de l’éducation nationale assure une juste répartition des moyens alloués aux élèves en tenant compte « des différences de situation, notamment en matière économique, territoriale et sociale ».
C’est dans ce cadre que s’inscrit l’éducation prioritaire, qui se donne pour objectif principal d’assurer les conditions réelles d’une égalité des chances entre tous les élèves, qu’ils soient favorisés ou défavorisés, urbains ou ruraux. Au regard du travail que j’ai mené dans le cadre du Printemps de l’évaluation, force est de constater que les dispositifs de l’éducation prioritaire, ne répondent que partiellement aux objectifs qui leur ont été fixés, en excluant largement la ruralité du bénéfice des mesures. La politique menée tend à rigidifier la carte de l’éducation prioritaire, empêchant de fait toute réallocation des moyens au profit des territoires ruraux, eux aussi en difficulté. En conséquence, le rapport que je présente propose des pistes de réforme et d’amélioration pour mieux prendre en considération les besoins éducatifs des élèves situés dans des territoires en difficulté.
Mesure phare de l’éducation prioritaire, initiée en 2017 sous l’impulsion du Président de la République, la politique de dédoublement des classes visait à limiter à douze élèves les effectifs des classes de CP et CE1 au sein des établissements scolaires en réseau d’éducation prioritaire (REP) et REP+. Cette mesure a depuis été élargie aux classes de grande section de maternelle. L’objectif poursuivi par le dédoublement est clair : améliorer l’accompagnement des élèves en difficulté en limitant la taille de leur classe et ainsi réduire les écarts de résultats avec le reste de la population scolaire.
En dépit des promesses gouvernementales et d’un surcoût en emplois estimé par la Cour des comptes à 800 millions d’euros par an pour 16 000 équivalents temps plein (ETP), le dédoublement n’est toujours pas effectif dans de nombreuses classes. Les représentants du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc) nous ont alertés sur des cas de classes dédoublées comptant jusqu’à 16 élèves dès la rentrée, du fait du manque d’enseignants.
Concrètement, les établissements ont dû, pour dédoubler les classes, réutiliser des salles non prévues pour l’enseignement, séparer en deux des salles par une cloison, ou installer des constructions modulaires pour accueillir les élèves. Certains établissements ont été contraints d’installer deux classes dans la même salle, engendrant ainsi des tensions entre les enseignants. En outre, le dédoublement en grande section de maternelle a parfois conduit à surcharger les classes des petites sections. À l’évidence, le caractère artisanal de la mise en œuvre du dédoublement par le ministère n’est pas à la hauteur des enjeux éducatifs de cette politique.
L’efficacité d’une politique publique se mesurant à ses résultats, intéressons-nous maintenant aux effets du dédoublement sur la réussite des élèves. Cette politique s’avère bénéfique à court terme pour la progression des élèves, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) ayant démontré que les élèves ayant bénéficié du dédoublement ont progressé davantage que ceux qui n’en ont pas bénéficié. On enregistre ainsi une diminution des écarts de performances en français et en mathématiques au bénéfice des élèves de l’éducation prioritaire. Cependant, les bénéfices apportés par le dédoublement sont temporaires et tendent à disparaître lors du retour en classe pleine en CE2. Les progrès s’estompent et les écarts de performances se creusent de nouveau entre les élèves en éducation prioritaire et le reste des élèves.
La rigidité de la carte de l’éducation prioritaire a été évoquée de manière récurrente lors de nos auditions. Cette carte, qui détermine les établissements scolaires bénéficiant de l’éducation prioritaire, n’a fait l’objet d’aucune révision depuis 2015, faisant fi des évolutions socio-économiques. De nombreuses écoles présentant un indice de position sociale des élèves (IPS) faible ne sont pas intégrées au sein des REP. On parle d’écoles orphelines, dont les élèves connaissent pourtant des difficultés sociales équivalentes à ceux de l’éducation prioritaire. Selon le rapport de la mission Territoires et réussite rendu en 2019, le phénomène des écoles orphelines concernait 471 écoles, dont 20 % sont situées en zone rurale, principalement en rural éloigné.
Plus que d’une mise à jour, la carte de l’éducation prioritaire a besoin d’une révision pour la rendre plus juste. À cet égard, il importe, premièrement, d’en finir avec le système de rattachement des écoles aux collèges pour la labellisation de l’éducation prioritaire, qui ne prend absolument pas en considération les caractéristiques sociales et économiques des écoles rattachées au réseau et empêche d’identifier individuellement les écoles nécessitant un appui spécifique. Deuxièmement, il est indispensable que la politique d’éducation prioritaire réponde aux difficultés bien réelles de la ruralité. Or, nous en sommes loin.
Selon les chiffres de la Cour des comptes, 99 % des collèges REP+ et 81,5 % des collèges REP sont situés à proximité d’un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Toujours selon la Cour des comptes, trente-et-un départements plutôt ruraux n’ont aucun collège REP+ et on ne compte plus que neuf REP ruraux, dont aucun n’est renforcé. L’orientation urbaine de cette politique traduit certes une concentration des difficultés sociales dans certains quartiers et zones urbaines, mais il demeure primordial que les moyens puissent être réorientés pour mieux prendre en charge les difficultés des territoires ruraux.
Il ne s’agit nullement de démanteler la politique d’éducation prioritaire, ni de supprimer les dépenses d’éducation en faveur des quartiers et zones urbaines pour les transférer vers les campagnes. Il convient plutôt, et mon rapport s’y emploie, de distinguer les territoires qui bénéficient légitimement de moyens supplémentaires d’éducation en raison de leurs difficultés, ceux qui n’ont plus besoin de ce soutien, et enfin les zones aujourd’hui exclues qui doivent faire l’objet d’un soutien accru de l’État.
Rénover la politique d’éducation prioritaire en prenant en considération les besoins de la ruralité permet de répondre à deux défis majeurs. Le premier concerne l’attractivité du métier d’enseignant en zone rurale. La Cour des comptes constate un écart important en matière d’attractivité pour les postes en REP+. Dans le même temps, les établissements situés dans le rural isolé font face à un déficit de candidatures. Cette situation s’explique par les avantages matériels accordés à l’éducation prioritaire : rémunération accrue et moyens d’enseignement plus importants. L’effet cumulé de l’ensemble des dispositifs favorables à l’exercice en éducation prioritaire rend difficile une sortie du système pour les enseignants qui en bénéficient. Le système actuel empêche donc la réallocation des moyens au profit d’établissements en difficulté et ne favorise aucunement le renouvellement des équipes pédagogiques.
Le second défi de l’école rurale concerne la réussite scolaire des jeunes. Plusieurs études mettent en lumière des écarts marqués en termes de parcours scolaire entre le milieu rural et le milieu urbain. La réforme de l’éducation prioritaire doit permettre de réduire cet écart en réallouant des moyens supplémentaires pour la ruralité. Je souligne que le tissu éducatif rural est également lourdement impacté par les fermetures de classes qui entraînent une surcharge des classes restantes. Ne bénéficiant pas des moyens de l’éducation prioritaire, certaines écoles rurales se retrouvent avec des effectifs surchargés. Cette conséquence directe des fermetures de classes, souvent déconnectées des réalités locales, met à mal les dynamiques de développement mises en place par les maires. J’insiste sur le fait qu’aucune étude n’a été réalisée sur les conséquences des fermetures de classes, que ce soit sur le taux d’encadrement des élèves, la transmission des savoirs fondamentaux, les résultats des élèves ou le climat scolaire. Il est inacceptable que des classes continuent à être fermées sans que l’on mesure les conséquences de ces décisions pour les élèves et pour les enseignants.
J’en viens aux recommandations formulées dans le cadre de ce rapport. Premièrement, il est urgent de renforcer la formation de nos enseignants sur les spécificités de l’enseignement en classe dédoublée, en insistant particulièrement sur la maîtrise des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter.
Deuxièmement, la carte de l’éducation prioritaire doit être révisée en passant à un système de labellisation des écoles fondé sur leurs caractéristiques sociales et économiques propres, et en prenant en compte un indice d’éloignement pour mieux inclure la ruralité.
Troisièmement, il nous semble nécessaire, dans l’attente de cette révision, d’instaurer un moratoire sur les fermetures de classes pour éviter les fermetures brutales qui touchent de nombreuses communes, notamment rurales. Il faut organiser les opérations de carte scolaire du premier degré selon un rythme triennal.
Quatrièmement, prévoir des mesures de sortie progressive des enseignants de l’éducation prioritaire constitue également une idée de bon sens. Une piste à explorer consiste à fixer une durée maximale d’enseignement de dix ans en REP et REP+.
Enfin, il est essentiel que les décideurs publics puissent disposer d’informations précises sur l’impact des fermetures de classes. Je propose ainsi que la réalisation d’une telle étude soit confiée à la Depp.
M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial. Je partage votre position concernant la nécessité d’un moratoire sur les fermetures de classes, problématiques non seulement dans les départements ruraux, mais également dans tous les départements qui souffrent d’inégalités, comme la Seine-Saint-Denis dont je suis issu.
Votre rapport présente une appréciation assez négative des dédoublements de classes, en dépit de l’existence d’études scientifiques qui démontrent l’inverse, à l’image de celles menées par Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire.
Vous signalez d’abord que le dédoublement ne permet pas aux élèves concernés d’atteindre des résultats aux évaluations aussi élevés que ceux des élèves hors éducation prioritaire. Pourtant, vous rappelez bien que les élèves ayant bénéficié du dédoublement ont progressé davantage que ceux scolarisés dans des écoles aux caractéristiques sociales et scolaires similaires, mais ne bénéficiant pas du dédoublement. On peut donc supposer que, sans ce dispositif, l’écart entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire aurait été plus important.
Ensuite, vous mettez en avant des difficultés liées au retour à des classes d’effectifs ordinaires en CE2. Sur ce point précis, ne pensez-vous pas que ce constat s’explique plutôt par un manque d’enseignants et donc par un nombre d’élèves par classe trop important ? Je rappelle que la France n’est vraiment pas parmi les pays les mieux classés de l’OCDE à ce niveau, ni même parmi les pays de l’Union européenne.
Vous considérez par ailleurs que le dédoublement de classes se fait au détriment des écoles rurales. Sur ce point, nos analyses divergent. Je ne crois pas, pour ma part, qu’il soit judicieux d’opposer ainsi écoles rurales et urbaines. La difficulté réside plutôt dans le fait que le Gouvernement a tenté de réduire au maximum le coût de ce dispositif et a diminué les moyens de l’Éducation nationale. Je rappelle qu’en tenant compte de l’inflation, le budget de l’éducation nationale a diminué de 1,4 milliard d’euros entre la loi de finances pour 2023 et la loi de finances pour 2024, et que 3 786 postes ont été supprimés en 2024. Ne faudrait-il pas, au contraire, encourager le dédoublement tout en réduisant le nombre d’élèves par classe dans l’ensemble du territoire ?
Ma deuxième question porte sur le coût du dispositif. Vous considérez qu’il s’agit d’une politique coûteuse, puisque la Cour des comptes a estimé son coût à 800 millions d’euros par an. Pourtant, une note du Conseil d’analyse économique de mai 2023 présente une estimation de l’efficacité économique des mesures de dédoublement. Elle indique que le dispositif est autofinancé, puisqu’il induit des gains de qualification et donc une hausse des recettes. Pour le secondaire, 1 euro investi engendrerait 7,70 euros de bénéfices futurs pour les jeunes concernés. Au lieu d’être coûteux, ne pensez-vous pas que le dédoublement constitue un investissement rentable ?
Enfin, si je souscris à l’idée d’un moratoire sur la fermeture des classes, je considère que cette question ne saurait être traitée sans s’interroger sur l’attractivité du métier d’enseignant. Je rappelle qu’à la rentrée 2024, il manquait 3 200 enseignants. Je regrette que ce sujet ne soit pas abordé dans votre rapport. La seule réflexion que vous présentez concerne la restauration de l’autorité du maître, et non le statut et les conditions de travail des enseignants, y compris en termes de revenus. Or la rémunération des enseignants français est largement inférieure à celle de leurs homologues étrangers, comme l’a démontré une étude de l’OCDE. Pour renforcer l’attractivité du métier, n’est-il pas plutôt nécessaire d’augmenter leur rémunération ?
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. J’aimerais d’abord préciser que les chiffres mentionnés dans mon rapport sont issus des données officielles de la Depp, notamment d’un rapport datant de 2021. Ce sont sur ces données que se fonde mon constat relatif à l’impact du dédoublement sur les REP+ par rapport aux établissements hors éducation prioritaire.
Je tiens à préciser que mon propos ne consiste pas à remettre en cause le dédoublement des classes en REP et REP+, mais à évaluer les résultats de cette politique au regard de l’investissement fourni, notamment en termes d’acquisition des savoirs fondamentaux dans le premier degré. Je souligne d’ailleurs que son coût, évalué par la Cour des comptes à 800 millions d’euros, n’inclut pas les investissements consentis par les collectivités territoriales.
Ma préoccupation porte sur le fait que les communes rurales et leurs écoles se trouvent désavantagées par ce système de dédoublement. En effet, l’affiliation des écoles se fait par rattachement à un collège, sans considération directe des problématiques spécifiques à chaque établissement. L’IPS est certes pris en compte, mais les facteurs d’éloignement et les difficultés propres à chaque commune et à chaque école sont ignorés. Nous constatons donc une carence manifeste concernant le dédoublement pour la ruralité.
La question de la réallocation des moyens se pose également, puisque la carte de l’éducation prioritaire n’a pas été actualisée depuis 2015. Certaines écoles n’ont peut-être plus vocation à y figurer tandis que d’autres, notamment en zone rurale, devraient y être intégrées. C’est pourquoi nous préconisons une mise à jour de cette carte de l’éducation prioritaire, démarche qui n’est actuellement pas engagée.
Je crois que nous pouvons nous accorder sur un point, monsieur le Président : la rémunération des enseignants représente un facteur déterminant pour l’attractivité des postes. Le métier d’enseignant doit effectivement gagner en attractivité, mais je souligne que, dans le cadre de l’éducation prioritaire, les enseignants bénéficient déjà d’une bonification salariale et de ressources supplémentaires, ce qui renforce l’attractivité des établissements concernés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ayant consacré vingt-cinq ans de ma carrière aux questions éducatives dans le département de la Marne, je m’étonne, monsieur le rapporteur spécial, que vous n’abordiez pas un sujet essentiel : la problématique du regroupement des écoles, particulièrement en secteur rural.
J’ai parcouru mon département pendant des années pour convaincre les élus que les petites écoles à une ou deux classes ne pouvaient offrir aux élèves une éducation de qualité comparable à celle dispensée dans des groupes scolaires de six à huit classes, dotés d’équipements adaptés. On entretient l’illusion commode qu’il faut maintenir une école dans chaque commune, avec des structures à une ou deux classes. Cette approche est vouée à l’échec et ne garantit pas la qualité des enseignements. Je sais que cette position heurte certaines sensibilités, mais je l’ai défendue, et notre département figure probablement parmi ceux qui ont le plus procédé à des regroupements en zone rurale.
L’un des leviers d’amélioration de l’éducation consiste précisément à avoir le courage d’expliquer cette réalité aux élus et surtout aux parents d’élèves. Dans cette démarche, je me suis particulièrement appuyé sur les mères de famille, qui suivent généralement de plus près la scolarité des enfants et qui ont réussi, dans de nombreux secteurs, à convaincre leurs représentants élus de l’intérêt des regroupements.
Vous évoquez la question des affectations des enseignants. Mon expérience m’a démontré que les regroupements favorisent justement la stabilité des équipes pédagogiques, contrairement aux écoles à une ou deux classes. J’ai toujours été frappé par l’absence de politique nationale de regroupement des écoles. Actuellement, ces initiatives relèvent d’inspecteurs d’académie en coordination avec les départements et les intercommunalités, mais demeurent des démarches locales. Ne serait-ce pas un facteur déterminant pour améliorer la qualité de l’enseignement en zone rurale ?
Les écoles REP en zone rurale sont peu nombreuses, certes, mais elles existent – il y en a d’ailleurs une dans mon canton. L’IPS de ces écoles est d’ailleurs du même ordre que dans les écoles REP des zones urbaines. À cet égard, il convient de s’interroger sur la taille des classes. Certains experts affirment qu’il n’y a pas de différence significative sur les résultats scolaires pour des classes comptant entre dix et vingt élèves. En-dessous de ce seuil, on observerait des effets positifs et au-dessus, des effets négatifs. Si cette assertion s’avère fondée, il conviendrait de repenser notre organisation.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. La question des regroupements dépasse le périmètre de mon rapport, mais constitue effectivement une problématique majeure pour nos communes rurales. L’isolement rural pose des défis considérables pour le maintien d’une ou deux classes dans une école de village, avec un impact financier non négligeable pour les communes. Un critère fondamental à prendre en compte est celui du transport scolaire. Nous constatons que les regroupements sont souvent imposés sans considération suffisante du temps de trajet des enfants, ce qui peut affecter leurs capacités d’apprentissage.
À mon sens, une approche différenciée selon les spécificités territoriales s’impose. Je considère que la réorganisation de la carte de l’éducation prioritaire, tenant compte des caractéristiques propres à chaque établissement et de l’IPS, constituerait un instrument pertinent pour évaluer l’opportunité des regroupements. L’intégration du critère d’éloignement, que j’évoque dans mon rapport, s’avère essentielle dans cette réflexion.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il me paraît essentiel d’associer regroupement et réorganisation du temps scolaire, en remettant notamment en question les pauses méridiennes de deux heures. J’ai personnellement négocié des pauses réduites à une heure quinze, permettant aux enfants de déjeuner sereinement tout en regagnant leur domicile plus tôt. Cette approche ne fait pas l’unanimité, notamment auprès des parents actifs, mais nous avons mis en place dans ces structures intercommunales des espaces d’accueil fonctionnant parfois jusqu’à dix-neuf heures, moyennant une contribution modeste.
C’est l’ensemble du dispositif qu’il convient de repenser. L’objection principale concerne en effet les temps de transport scolaire, déjà problématiques avant tout regroupement. Grâce au système que j’ai instauré, ces délais ont été considérablement réduits, les trajets n’étant plus nécessaires qu’en début et fin de journée, sachant que 90 % des familles optent pour la restauration scolaire.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. Je ne suis pas défavorable au principe des regroupements, mais je considère qu’il convient d’examiner leur opportunité au cas par cas, et en tenant compte du critère de l’éloignement. Vous dites que 90 % des familles optent pour la restauration scolaire, il me semble que ce chiffre ne vaut pas dans tous les établissements, ce qui justifie précisément une approche individualisée des regroupements.
M. Alexandre Sabatou (RN). Monsieur le rapporteur spécial, la lecture de votre rapport éclaire parfaitement les raisons pour lesquelles, dans ma circonscription de l’Oise, nous continuons de faire face à des menaces de fermeture de classes. De nombreux habitants des zones rurales ressentent profondément cette impression désagréable que toutes les politiques sont pensées et conçues pour les grandes agglomérations. Ce sentiment d’abandon n’est pas une simple perception subjective, votre rapport confirme qu’il s’agit d’une réalité tangible vécue quotidiennement dans nos villages.
Vous dressez un constat lucide et implacable de la politique de dédoublement des classes en éducation prioritaire : un dispositif coûteux, inéquitable et fondamentalement déconnecté de la réalité de nos territoires ruraux. On invoque l’égalité républicaine, mais dans les faits, nous assistons à l’émergence de deux France : celle des centres urbains qu’on subventionne généreusement et celle des campagnes qu’on sacrifie méthodiquement.
Le plus préoccupant est que, comme trop souvent, cette politique n’a jamais fait l’objet d’une évaluation rigoureuse. Le Gouvernement l’a imposée selon sa méthode habituelle : une gestion technocratique hors-sol, dictée par les tableaux Excel du ministère, sans considération pour les réalités du terrain. Le résultat, que vous exposez clairement, est édifiant : près de 16 000 ETP mobilisés pour un surcoût annuel de 800 millions d’euros. Pour financer ce dispositif essentiellement urbain, on a supprimé dans la précipitation le dispositif « Plus de maîtres que de classes », qui permettait justement un accompagnement plus souple et plus intelligent dans toutes les communes, y compris les plus rurales.
Monsieur le rapporteur, ne pensez-vous pas qu’au lieu de supprimer brutalement ce dispositif, il aurait été judicieux d’en évaluer préalablement les effets afin de déterminer s’il constituait une réponse éducative plus pertinente que le dédoublement ?
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. Le rapport établit très clairement que le développement de l’éducation prioritaire en France s’est opéré au détriment de la ruralité. Actuellement, seuls neuf REP existent en milieu rural, ce qui représente une proportion infime. En d’autres termes, 99 % des REP+ sont concentrés dans les QPV ou à proximité des QPV.
Le dispositif « Plus de maîtres que de classes » a été interrompu de façon extrêmement brutale, sans qu’aucune évaluation ne le justifie. Toutefois, la réintroduction d’un tel dispositif impliquerait nécessairement un coût financier significatif, un aspect que nous ne pouvons ignorer dans le contexte budgétaire actuel.
La question fondamentale soulevée par mon rapport se rapporte à la possibilité, pour les zones rurales, de bénéficier d’une attention équivalente à celle portée aux zones urbaines. C’est précisément l’objet de la recommandation numéro deux du rapport, qui propose une modification substantielle de la carte d’éducation prioritaire et l’instauration d’une nouvelle labellisation intégrant pleinement les spécificités rurales.
M. le président Éric Coquerel. Permettez-moi d’intervenir sur un point. Monsieur Sabatou, suggérer l’existence d’une opposition binaire entre départements ruraux et zones urbaines, c’est méconnaître profondément l’hétérogénéité au sein même des départements urbains. Il y a davantage de similitudes entre la Seine-Saint-Denis et certains départements ruraux qu’entre la Seine-Saint-Denis et Paris, par exemple.
J’approuverais volontiers la proposition de M. le rapporteur spécial d’étendre les dispositifs d’éducation prioritaire aux zones rurales, si elle ne supposait pas de réduire les moyens alloués à des départements urbains tout aussi défavorisés. J’entends bien que vous ne proposez pas exactement cela, mais je constate que certains s’efforcent d’opposer entre elles les populations défavorisées, celles des périphéries urbaines et celles des départements ruraux. Je ne peux y adhérer.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je partage entièrement, monsieur le Président, vos observations concernant cette prétendue opposition entre rural et urbain. Cette dichotomie n’est absolument pas pertinente dans le cadre de notre débat.
Monsieur le rapporteur spécial, votre rapport présente selon moi des lacunes importantes en termes de recommandations, particulièrement concernant les moyens alloués à l’éducation nationale. Ce point constitue véritablement l’enjeu central : les fermetures de classes résultent d’une approche purement comptable, typique de la méthode du Gouvernement, qui privilégie les tableaux Excel au détriment d’une analyse fine des réalités territoriales.
J’aimerais revenir sur le débat concernant les regroupements de classes, à propos duquel je ne peux souscrire à la position de M. le rapporteur général. De nombreuses familles font délibérément le choix de s’installer dans des villages ruraux, souvent parce qu’elles sont contraintes de quitter les grandes métropoles pour des raisons financières. La présence d’une école de proximité, permettant d’accompagner les enfants à pied chaque matin, constitue précisément l’un des facteurs déterminants de cette installation. La fermeture d’une classe ou d’une école représente donc une catastrophe absolue pour ces familles. Sans compter les efforts considérables déployés par les maires de ces communes pour renforcer l’attractivité de leur territoire, efforts anéantis par la disparition de ce qui constitue souvent le dernier service public présent.
La question des transports est également déterminante. Lorsqu’une famille choisit une commune dotée d’une école, c’est aussi pour des raisons pratiques de mobilité. Par ailleurs, la problématique des infrastructures, bien que ne relevant pas directement du périmètre du ministère de l’éducation nationale, mérite une attention particulière. Nous constatons une absence totale de prise en compte des réalités matérielles lors des réorganisations. Lorsqu’on ferme une classe pour, par effet de vases communicants, concentrer davantage d’élèves ailleurs, on néglige souvent la capacité d’accueil des locaux existants. Une classe initialement prévue pour vingt-deux élèves se trouve contrainte d’en accueillir vingt-neuf sans disposer de l’espace nécessaire. Aussi je suggère d’inclure dans vos recommandations, monsieur le rapporteur spécial, un inventaire systématique des infrastructures disponibles préalablement à toute décision de fermeture.
Enfin, et de manière générale, il me paraît essentiel de recommander une approche ascendante plutôt que descendante : abandonner ces réformes imposées d’en haut pour privilégier une construction locale de la carte scolaire, en concertation étroite avec les maires et les parents d’élèves.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. Soyons parfaitement clairs : je ne réclame pas la suppression des dispositifs REP+, car certaines écoles en ont manifestement besoin. Je propose plutôt de réallouer certains moyens des réseaux d’éducation prioritaire vers la ruralité qui présente également des besoins spécifiques.
Je rejoins vos observations, madame Feld, sur l’attractivité des territoires ruraux. L’école constitue en effet trop souvent le dernier service public présent dans ces zones, où de nombreuses familles s’installent parce qu’elles sont chassées des centres urbains par le coût de l’immobilier. La présence d’un établissement scolaire participe donc incontestablement à l’attractivité de ces territoires.
Des regroupements ne sauraient être décidés sans un examen des situations au cas par cas, mais la priorité doit rester la préservation des classes dans la ruralité. Parallèlement, il convient d’assurer que les moyens alloués aux écoles REP+ demeurent dans ces établissements, tout en permettant que ceux attribués à certaines écoles REP, qui n’auraient plus vocation à conserver ce statut, puissent être réorientés vers des écoles rurales. Cela nécessiterait d’établir une nouvelle labellisation, établissement par établissement, plutôt que de maintenir le rattachement systématique à un collège.
En termes de transport scolaire et d’éloignement, il est indispensable de limiter au maximum les trajets imposés aux enfants. Un élève qui effectue 45 minutes de transport n’arrive manifestement pas dans les mêmes dispositions d’apprentissage qu’un autre ayant parcouru cinq minutes à pied avec ses parents. Cette différence impacte nécessairement l’acquisition des savoirs fondamentaux, particulièrement déterminante dans le premier degré.
Enfin, les dédoublements de classe ont effectivement un impact sur les infrastructures, mais cet aspect relève principalement de la compétence des collectivités territoriales. Mon rapport se concentre spécifiquement sur les implications budgétaires pour l’État. Je ne dispose pas de données précises sur le coût des mises aux normes et de l’adaptation des locaux. En revanche, j’ai pu relever l’insuffisance d’indicateurs relatifs à ces dédoublements, notamment concernant leur efficacité sur les savoirs fondamentaux.
Mme Céline Hervieu (SOC). Le dédoublement des classes dans l’éducation prioritaire a permis de réduire les effectifs de vingt-quatre à vingt-deux élèves par classe dans l’élémentaire, diminuant ainsi l’écart avec la moyenne européenne qui, je tiens à le rappeler, s’établit à dix-neuf élèves par classe. Cette amélioration résulte directement de la présence d’enseignants supplémentaires devant les élèves.
Au-delà des chiffres, il convient d’examiner les faits. Monsieur le rapporteur spécial, vous dressez manifestement un bilan négatif de cette mesure, alors que plusieurs études ont précisément démontré l’amélioration des conditions d’apprentissage à la faveur du dédoublement. Ces travaux attestent d’un meilleur climat de classe, conduisant à un temps d’exposition aux apprentissages plus important, et d’une réduction sensible de l’écart entre les élèves de l’éducation prioritaire et les autres, notamment en lecture.
Des améliorations sont certes nécessaires : déployer plus efficacement le dispositif, renforcer son pilotage, améliorer la formation pour faire évoluer les pratiques pédagogiques, et s’assurer que les dédoublements sont réellement effectués, c’est-à-dire avec une salle par classe. Ce constat appelle effectivement une analyse nuancée.
Cependant, votre rapport verse, comme à l’accoutumée avec l’extrême-droite, dans la démagogie et le manichéisme en dénigrant une mesure d’égalité des chances. Cette critique ne repose pas sur son inefficacité supposée, mais sur une conception de la politique éducative qui semble opposer les enfants entre eux, comme s’il fallait choisir entre les enfants des villes et ceux des campagnes, entre les enfants des banlieues et les autres.
Alors je tiens à vous rassurer, monsieur le rapporteur spécial : à Paris, 500 postes ont été supprimés en trois ans, et nous avons subi la suppression ou la recentralisation de 180 classes cette année, et ce dans l’académie prétendument la mieux dotée de France. Voyez, la casse de l’école publique se produit également dans les grandes académies, en zone urbaine et à Paris.
Le problème fondamental de l’éducation nationale réside dans l’accumulation de réformes sans réflexion sur leur effectivité ou leur évaluation. Il en va du dédoublement des classes comme des classes de niveau : ces dispositifs sont fondés sur de bonnes intentions, mais ne bénéficient d’aucune mise en œuvre sur le terrain.
Votre approche idéologique de l’éducation ne vous sert qu’à dénigrer l’éducation prioritaire. Nous, socialistes, considérons qu’il est possible de construire une école publique pour tous, un lieu d’apprentissage et d’émancipation pour l’ensemble des élèves dans tout le territoire, sans les opposer entre eux. Cette ambition exige des moyens et une véritable volonté politique que nous ne trouvons ni du côté du Gouvernement, ni du côté du Rassemblement national.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. Je ne vois nulle part dans ce rapport une volonté d’opposer les populations urbaines et rurales. Nous estimons parfaitement légitime d’évaluer des politiques éducatives prioritaires sans mettre en concurrence les villes et les campagnes. En revanche, nous établissons un constat clair : les zones rurales sont effectivement désavantagées dans le cadre de l’éducation prioritaire.
Nous ne préconisons aucunement de retirer des moyens aux établissements existants, mais suggérons plutôt de réallouer certaines ressources, notamment dans les REP et non les REP+, car certains établissements sont sortis du champ de l’éducation prioritaire sans que cela soit reflété dans la carte actuelle. Parallèlement, des écoles rurales ne peuvent accéder au statut REP en raison des critères de la carte de l’éducation prioritaire. Je ne perçois donc pas l’opposition que vous évoquez, madame Hervieu.
Il n’a jamais été question non plus de supprimer les dédoublements de classes. Nous reconnaissons pleinement leurs bénéfices sur les savoirs fondamentaux, particulièrement en mathématiques, un peu moins en français, comme l’attestent clairement les travaux de la Depp. Il apparaît cependant que ces avancées s’estompent à l’arrivée en CE2. Dès lors, faut-il dédoubler toutes les classes jusqu’à la terminale ? Vous conviendrez que cela serait irréalisable, tant en termes de recrutement que de financement public.
Notre analyse objective révèle simplement que certaines écoles sont plus défavorisées que d’autres dans l’allocation des moyens, notamment en zone rurale, sans pour autant opposer les différents territoires. Je ne comprends donc pas vos critiques sur l’orientation du rapport, qui ne cherche aucunement à créer des antagonismes. Nous plaidons uniquement pour une réallocation plus pertinente des ressources, qui n’exclut évidemment pas l’allocation de moyens supplémentaires à l’éducation dans son ensemble.
M. Emmanuel Mandon (Dem). En tant qu’élu d’un département comportant de nombreuses communes rurales, je mesure l’importance capitale de l’école pour la vie de nos villages et des quartiers de nos villes : l’accès à l’école constitue un moyen essentiel de réduction des inégalités entre les territoires.
Je reconnais l’engagement constant des maires pour la sauvegarde de cette institution scolaire qui demeure une conquête fondamentale de la République. C’est précisément sous cet angle que je rejoins les observations du rapporteur spécial concernant la nécessité d’une évaluation précise des effets potentiels des dédoublements de classes. Nous devons impérativement écouter les acteurs de terrain, particulièrement les élus, premiers responsables de la vie de leurs écoles, avant toute décision de réorganisation, et nous garder de toute approche purement technique, voire technocratique, d’autant que les dépenses éducatives ne représentent pas une simple charge de fonctionnement, mais un véritable investissement d’avenir.
Il nous faut cependant reconnaître que la gestion nationale, vue de Paris, conduit trop fréquemment à adopter une autre perspective. Le dédoublement doit donc constituer un progrès considérable dans la lutte contre l’échec scolaire, ce qui nécessitera un travail encore plus fin d’adaptation aux réalités locales.
Le maintien d’une vie collective, aussi dense que diverse dans nos territoires, passe indéniablement par l’école. Ces constats devraient nous dissuader de recourir à des solutions automatiques fondées sur des critères figés lorsqu’il s’agit d’évaluer les différentes options pédagogiques.
Il convient néanmoins d’être raisonnable et de prendre acte des réalités démographiques et sociales. Le déclin des naissances produit déjà des effets sur le taux d’encadrement, légèrement supérieur dans les zones rurales par rapport à la moyenne nationale. Ce mouvement va certainement se poursuivre. Dès lors, plutôt qu’un moratoire, nous estimons nécessaire de nous adapter aux évolutions démographiques pour améliorer la situation des classes moins chargées, avec une coordination nationale et territoriale permettant d’ajuster la carte scolaire aux spécificités locales des bassins de vie, en liaison étroite avec les communes. Sur ce constat, le groupe Les Démocrates ne s’opposera pas à la publication du rapport, sans pour autant adhérer à l’ensemble de ses conclusions.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. La mission première de l’éducation nationale consiste en effet à garantir à tous nos enfants un accès égal à l’éducation. Nous connaissons les difficultés socio-économiques particulières qui affectent certaines zones urbaines ou rurales. L’objectif du dédoublement vise justement à réduire ces inégalités afin de renforcer l’enseignement des savoirs fondamentaux dans le premier degré.
Je maintiens fermement ma position relative au moratoire sur les fermetures de classes. J’ai pris dans mon rapport l’exemple de la Meurthe-et-Moselle, où dans une circonscription à caractère rural, nous avons subi des fermetures de classes brutales et souvent sans concertation avec les maires ou les élus locaux. Les directions académiques des services de l’éducation nationale prennent parfois des décisions trop abruptes concernant les fermetures de classes. Dans ma circonscription, une école a subi successivement un regroupement puis deux fermetures.
Étant donné que les regroupements ne fonctionnent pas toujours, un moratoire s’impose le temps de réviser la carte de l’éducation prioritaire pour passer à un système de labellisation des écoles.
M. François Jolivet (HOR). Je me réjouis que l’on aborde enfin la question démographique. Pour répondre à Mme Hervieu qui évoquait les fermetures de classes à Paris, le prix des logements dans la capitale conduit inévitablement à une situation où peu de jeunes peuvent s’y installer, fonder une famille et scolariser leurs enfants. Paris est sans doute condamnée à devenir une ville essentiellement peuplée de retraités et de personnes fortunées.
À propos de votre recommandation sur le moratoire, monsieur le rapporteur spécial, permettez-moi de faire remarquer que les moratoires sont souvent invoqués à l’approche d’une campagne électorale pour neutraliser un sujet qu’on préfère ne pas aborder durant celle-ci.
Votre rapport ne mentionne pas la notion essentielle de classes multi-niveaux. Dans mon territoire, dans l’Indre, certaines classes en zone rurale accueillent quatre ou cinq niveaux différents, avec seulement douze à quatorze élèves, et parfois un seul élève dans un niveau. Chacun comprendra aisément que l’absence d’émulation en classe pénalise considérablement l’enfant isolé dans son niveau.
Dès lors, plutôt que réclamer un moratoire, ne serait-il pas préférable que l’État établisse quelques règles claires, comme un maximum de trois niveaux par classe et un minimum de quinze élèves ? Dans mon département, la moyenne s’établit à 19,2 élèves par classe, mais en zone rurale, elle tourne plutôt autour de quinze, avec parfois quatre ou cinq niveaux différents, situation difficilement gérable pour les enseignants.
Lorsqu’une classe de regroupement pédagogique intercommunal (RPI) ne compte plus que sept élèves, comme c’est le cas dans ma circonscription, que fait-on ? Nous savons que cette situation compromet l’avenir éducatif des enfants. Vous avez pris soin d’omettre dans votre rapport qu’une fermeture d’école ne peut être décidée sans l’autorisation du maire. Poussée à l’extrême, cette logique pourrait conduire à maintenir une classe avec un seul élève et un enseignant si le maire s’oppose à sa fermeture. Or l’école du village, ce n’est pas l’école de monsieur le maire.
Je crois que nous nous engageons dans une forme de démagogie en renonçant à fixer des règles claires. Si nous établissions des critères relatifs au nombre d’élèves par classe et prenions en compte le nombre de niveaux, nous pourrions mieux organiser l’ensemble du réseau éducatif. À cet égard, les zones rurales sont fragilisées par ces classes à multi-niveaux, et il est impératif d’en tirer les conséquences.
M. le président Éric Coquerel. Je me permets d’ajouter, à titre d’information, que l’Indre ne dispose qu’actuellement d’aucun médecin scolaire en exercice.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. Une évaluation de l’efficacité des classes multi-niveaux est effectivement nécessaire.
La baisse démographique est une réalité indéniable. Notre pays connaît effectivement une diminution du nombre d’élèves scolarisés, phénomène qui s’amplifiera dans le premier degré puis le second degré. Je l’observe également dans mon département et particulièrement dans les zones rurales. Il n’est nullement question d’ignorer cette évidence.
En ce qui concerne les fermetures d’écoles, le maintien des écoles rurales nécessite certes la fixation de seuils minimums d’élèves, mais ces décisions doivent impérativement se prendre en concertation avec les élus locaux et en tenant compte des réalités territoriales. Dans certains cas, maintenir une école avec deux classes de quinze élèves chacune peut s’avérer pertinent si l’alternative implique des temps de transport excessifs pour les enfants. Ces spécificités territoriales, ainsi que les investissements déjà réalisés, justifient parfois le maintien de la dernière classe de la dernière école dans un village.
M. François Jolivet (HOR). Il est en effet possible de maintenir des classes à quatorze élèves, mais lorsque six niveaux y cohabitent, nous conduisons ces enfants à l’échec. C’est là le véritable enjeu. À cet égard, je déplore aujourd’hui l’absence de directives précises du ministère de l’Éducation nationale.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. Je partage entièrement votre position sur ce point. Il est effectivement impossible de gérer efficacement cinq ou six niveaux par classe. Malheureusement, nous ne disposons pas de données suffisantes sur cette question.
M. Nicolas Sansu (GDR). Monsieur le rapporteur spécial, la volonté de fracturer et d’opposer les différentes composantes du système éducatif transpire de votre rapport. Cette approche est préjudiciable à tous les enfants, quelle que soit leur école.
Vous remettez en cause l’efficacité des dédoublements de classes, ce qui n’est pas acceptable. Ma circonscription comprend quarante-sept communes présentant une grande diversité de configurations : certaines comportent des QPV et des réseaux d’éducation prioritaire, d’autres sont de très petites communes avec des écoles à classe unique, tandis que d’autres encore ont mis en place des RPI. Cette position d’observateur privilégié me permet d’apprécier à la fois la diversité des situations et l’exigence commune pour la réussite scolaire des enfants. Elle me permet aussi de constater ce fait : malgré les dédoublements, le nombre d’élèves par classe en zone urbaine demeure supérieur à celui des zones rurales.
Aussi, l’idée selon laquelle la suppression des classes dédoublées améliorerait la situation en milieu rural constitue une erreur manifeste. Nous faisons face à deux problématiques distinctes : un déficit global de moyens d’une part, et des enjeux d’organisation d’autre part, comme l’ont justement souligné MM. de Courson et Jolivet. L’école n’est pas l’école du maire, comme l’a rappelé M. Jolivet avec une certaine rudesse, mais une institution vouée à la réussite de tous les enfants.
Je salue votre proposition, monsieur le rapporteur spécial, de maintenir les effectifs d’enseignants, initiative qui permettra les ajustements nécessaires partout où des besoins se manifestent. En revanche, je m’étonne de votre recommandation concernant la sortie progressive des enseignants de l’éducation prioritaire au bout de dix ans. Si des enseignants s’épanouissent dans ces contextes exigeants, pourquoi les contraindre à partir ? Les règles de mutation existantes leur offrent déjà cette liberté de choix que vous défendez par ailleurs. Laissons-leur donc la possibilité de choisir leur lieu d’exercice, en fonction de leur ancienneté et de leurs souhaits, selon le système de points en vigueur à l’Éducation nationale.
En définitive, ce rapport me paraît incompréhensible et ne semble avoir d’autre finalité que de creuser un fossé entre monde rural et monde urbain, démarche que je considère comme délétère.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. Les intentions de ce rapport sont à l’exact opposé de la lecture que vous en faites. L’enjeu consistait à évaluer les politiques de dédoublement en éducation prioritaire ainsi que les fermetures de classes. À cet égard, je formule des recommandations parfaitement claires où l’on ne saurait voir une volonté de retirer à l’un pour donner à l’autre, au nom de quelque idéologie.
Je recommande, entre autres, de renforcer la formation continue des enseignants dans les classes dédoublées, de réviser la carte de l’éducation prioritaire en instaurant un système de labellisation des écoles fondé sur leurs caractéristiques socio-économiques propres, intégrant un indice d’éloignement, d’instaurer un moratoire sur les fermetures de classes et de confier à la Depp la réalisation d’une étude sur l’impact des fermetures de classes. Je ne perçois, dans aucune de ces recommandations, l’opposition et les discriminations que vous me reprochez.
Il n’y est pas non plus question de remettre en cause le principe des dédoublements, mais d’interroger leur efficacité au regard de leur coût, qui est significatif. Sur ce point, les données fournies par la Depp et nos propres évaluations sont claires : après les classes dédoublées, lorsque les élèves réintègrent des classes à effectif normal, leur niveau n’a pas tendance à augmenter, mais à chuter.
Je réfute formellement toute intention d’opposer urbain et rural. Notre démarche consiste à établir un état des lieux des politiques de dédoublement et d’éducation prioritaire, afin d’évaluer l’opportunité d’une révision incluant une labellisation par école, ainsi que l’élaboration d’une politique adaptée aux zones rurales. Il n’a jamais été question de priver les zones urbaines des dispositifs existants.
Enfin, j’estime que la sortie progressive des enseignants de l’éducation prioritaire et la fixation d’une durée maximale d’enseignement dans ces établissements sont à même de favoriser la revitalisation et le renouvellement des équipes pédagogiques.
Mme Marina Ferrari (Dem). La proposition d’un moratoire sur les fermetures de classe suscite légitimement des interrogations face à une réalité démographique préoccupante. Nous constatons une diminution de 350 000 élèves entre 2017 et 2023, et une chute du taux de natalité de 7 % entre 2022 et 2023, représentant 48 000 naissances en moins. Cette tendance démographique défavorable impose le regroupement des moyens pédagogiques pour garantir l’efficience de notre système éducatif dans l’intérêt des enfants.
Au-delà de la démographie, il convient de prendre en compte les regroupements pédagogiques, la disponibilité des postes et les difficultés de recrutement rencontrées dans certains secteurs, ce qui nous éloigne considérablement d’une approche purement comptable concernant les fermetures de classe. Je tiens à souligner que ces décisions s’effectuent désormais très fréquemment en concertation avec les maires des communes concernées.
Je partage l’analyse de M. le rapporteur général concernant la nécessité de favoriser davantage les regroupements pédagogiques, qu’ils prennent la forme d’une école unique ou de classes par niveau réparties sur différentes communes. Ces deux modèles d’organisation démontrent leur efficacité.
Monsieur le rapporteur spécial, pourriez-vous préciser votre intention derrière votre proposition de labellisation des écoles ? S’agit-il d’allouer des moyens supplémentaires ? La logique sous-jacente à ce dispositif me paraît difficile à appréhender.
Par ailleurs, avez-vous évalué l’impact actuel du développement de l’instruction en famille ? Je l’observe particulièrement dans les écoles de montagne, et cette situation n’est pas nécessairement liée au temps de travail. J’ai constaté, dans certaines stations de montagne, des cas où le maintien d’écoles était compromis par l’insuffisance d’effectifs due à la scolarisation en famille.
M. Anthony Boulogne, rapporteur spécial. Nous ne disposons pas d’éléments d’analyse sur l’impact l’instruction à domicile, un phénomène dont nous constatons effectivement le développement, mais qui excède le cadre de notre rapport.
Je n’ai pas d’objection de principe aux regroupements pédagogiques. Toutefois, j’estime qu’ils doivent s’appuyer sur des critères précis, notamment la distance de transport pour les élèves et les moyens financiers à engager. La construction d’une nouvelle école engendre des coûts significatifs, et nous devons disposer d’études d’impact rigoureuses. Il convient de déterminer s’il est financièrement plus judicieux de maintenir une école dans un village ou d’édifier un ensemble scolaire regroupant de nombreux enfants. Tout dépend du modèle éducatif que nous privilégions : souhaitons-nous oui ou non préserver l’école au cœur de nos villages ?
Ma deuxième recommandation consiste à réviser la carte de l’éducation prioritaire en substituant au système actuel une labellisation des écoles fondée sur leurs caractéristiques socio-économiques spécifiques. Le dispositif actuel s’articule autour d’un collège de référence, ce qui génère des incohérences dans des quartiers en évolution sociale où certaines écoles bénéficient de moyens supplémentaires en raison de leur rattachement à un réseau d’éducation prioritaire, alors que ce statut ne reflète plus nécessairement leur réalité. Cette approche me semble obsolète, car certains établissements présentent des indicateurs sociaux comparables aux écoles classées en REP+, sans pour autant bénéficier de ce statut.
La labellisation directe des établissements selon leurs propres indicateurs permettrait une allocation plus équitable des ressources. L’intégration d’un indice d’éloignement répondrait aux besoins spécifiques des territoires ruraux isolés, souvent exclus des dispositifs prioritaires. Cette refonte vise à corriger les inégalités d’accès aux ressources tout en soutenant la diversité territoriale.
La commission autorise, en application de l’article 146 alinéa 3 du règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information.
Puis la commission examine, en commission d’évaluation des politiques publiques, le rapport d’information sur le montant, l’évolution et la justification des règlements d’ensemble de Mme Mathilde Feld et M. Nicolas Sansu, rapporteurs spéciaux de la mission Gestion des finances publiques : lutte contre l’évasion fiscale.
Nous accueillons à présent Mme Mathilde Feld et M. Nicolas Sansu, rapporteurs spéciaux de la mission Gestion des finances publiques : lutte contre l’évasion fiscale, pour la présentation de leur rapport d’information sur le montant, l’évolution et la justification des règlements d’ensemble.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial de la mission Gestion des finances publiques : lutte contre l’évasion fiscale. Notre évaluation porte sur la pratique controversée des règlements d’ensemble, qui consiste en un règlement amiable global de la procédure de rectification fiscale, permettant une atténuation tant des droits initialement retenus que des pénalités. Cette pratique représente un coût considérable, estimé à environ 1,8 milliard d’euros cette année. Plus préoccupant encore, le recours à ce mécanisme s’accroît constamment : de 116 règlements conclus en 2019, nous sommes passés à 312 en 2024, avec des modérations toujours plus importantes, et ce, en l’absence totale d’encadrement législatif.
La Cour des comptes soulignait déjà en 2018 que cette procédure ne s’appuyait sur aucun fondement juridique clairement identifié et ne faisait l’objet d’aucun encadrement spécifique. Force est de constater que peu de choses ont évolué depuis. Par ailleurs, les informations disponibles sur ce sujet demeurent extrêmement limitées : quelques articles de presse généralistes et à peine trois pages dans un rapport annuel transmis au Parlement. Le règlement d’ensemble présente donc toutes les caractéristiques d’une véritable boîte noire.
Après deux mois d’auditions, nos interrogations persistent. L’administration fiscale n’offre qu’une définition particulièrement succincte du règlement d’ensemble : un accord global prévoyant une réduction des droits par rapport à l’interprétation initialement retenue. Cette procédure se distingue de la simple transaction prévue par le livre des procédures fiscales, laquelle n’autorise pas une telle atténuation des droits, mais uniquement des pénalités. Ce mécanisme a été instauré en 2004 par une simple note de service de l’administration fiscale, complétée par une seconde note plus précise en 2019, que nous avons pu consulter. Sur le plan juridique, aucune disposition légale ou réglementaire n’encadre véritablement cette pratique, ce qui justifie notre première recommandation d’établir un cadre législatif approprié.
Par sa nature secrète, le règlement d’ensemble apparaît comme une pratique exceptionnelle, réservée aux grandes entreprises et aux contribuables les plus fortunés. Il constitue un privilège implicite financé par la collectivité, ce qui contrevient au principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Notre pacte social n’admet pas d’inégalités devant la loi fiscale ni l’existence de dispositifs dérogatoires conçus sur mesure pour une minorité favorisée. Cette situation contribue indéniablement à affaiblir notre pacte social et fiscal.
Si les syndicats, les universitaires, les ONG et même les représentants de l’administration fiscale divergent quant à la nécessité même de ce mécanisme, la plupart s’accordent sur un point : le manque criant d’encadrement et le déficit d’informations et de transparence qui l’entoure. Ce flou n’est pas uniquement législatif. L’administration fiscale elle-même, pourtant directement concernée, souffre du même déficit d’information. De nombreuses questions que nous lui avons adressées sont restées sans réponse : combien de contribuables sont suivis par la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) ? Quelle est la répartition géographique des règlements d’ensemble ? Quelle est la typologie précise des litiges fiscaux qui aboutissent à ces accords ?
Une question a particulièrement retenu notre attention : l’origine des opérations ayant conduit à la conclusion d’un règlement d’ensemble. Sur ce point encore, l’administration fiscale s’est trouvée dans l’incapacité de nous répondre. Citons cet exemple frappant, observé en 2024 : quarante règlements d’ensemble ont été conclus par les sociétés d’un même groupe. Il paraît difficile de ne pas y voir une négociation sur un prix de transfert, hypothèse que l’administration a d’ailleurs confirmée sans pouvoir fournir de chiffres précis. Une meilleure information sur ce sujet permettrait d’interroger la philosophie de certains aspects de notre fiscalité, qui paraît pour le moins discutable.
Un tel dispositif, qui entraîne une atténuation de plusieurs millions, voire centaines de millions, d’euros de droits chaque année ne peut rester opaque ni être décidé dans la discrétion feutrée d’un bureau de Bercy, à la manière de diplomates négociant autour d’un tapis vert. Aussi, lever cette opacité constitue une nécessité démocratique fondamentale. C’est précisément l’objet de notre deuxième recommandation.
Notre troisième recommandation vise à encadrer et clarifier la pratique des règlements d’ensemble, à la faveur d’une analyse par un service compétent de la direction générale des finances publiques (DGFiP) des quelque trois cents dossiers concernés.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale de la mission Gestion des finances publiques : lutte contre l’évasion fiscale. L’information contenue dans le rapport annuel transmis au Parlement concernant les règlements d’ensemble demeure largement insuffisante : à peine deux feuilles sur une vingtaine de pages et trois sur les 184 pages d’annexe. Ces maigres informations ne sont disponibles que grâce à l’adoption d’un amendement déposé par Mme Pirès Beaune au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2020. Pourtant, les modérations accordées dans ce cadre s’avèrent considérablement supérieures à celles consenties par le biais de remises ou de transactions à titre gracieux, puisqu’elles représentent un manque à gagner moyen d’un milliard d’euros chaque année pour l’État.
Aucune information n’a pu nous être communiquée sur cette pratique pour les années antérieures à 2020, ce qui signifie que durant plus de quinze ans des règlements d’ensemble ont été menés dans le plus grand secret. Cette situation laisse craindre une fiscalité à deux vitesses : celle des contribuables ordinaires qui acquittent le montant affiché sur leur avis d’imposition, et celle des grands contribuables qui savent structurer des revenus complexes et négocier leurs impôts avec l’aide d’avocats fiscalistes. Nous y voyons une menace réelle pour le consentement à l’impôt, nous éloignant des principes de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Rappelons cette évidence fondamentale : payer ses impôts constitue un acte citoyen indispensable au fonctionnement de notre société et garantit des services publics de qualité pour tous. Pour que chaque citoyen y consente pleinement, le système doit se montrer irréprochable. Il devient donc impératif de définir un cadre législatif applicable aux règlements d’ensemble, car le recours croissant à ce dispositif et les justifications avancées suscitent de profondes inquiétudes. Nous entendons y parvenir à la faveur de nos première, deuxième et quatrième recommandations. L’administration a elle-même reconnu que, faute de temps et de moyens suffisants, certaines propositions de rectification notifiées pouvaient s’avérer fragiles, et que le règlement d’ensemble permettait alors de garantir une rentrée fiscale face à un contentieux à l’issue incertaine. Cette situation n’est pas acceptable.
Premièrement, nous considérons que cette difficulté n’est pas sans lien avec les moyens humains de la DGFiP, qui ont été sacrifiés ces vingt dernières années, et dont les crédits ont encore été amputés de 108 millions d’euros en 2024. Notre sixième recommandation porte précisément sur ce point. Par ailleurs, le management par objectifs pratiqué par certaines directions se révèle totalement inadapté lorsqu’il s’agit d’instruire des dossiers longs et très techniques. Les agents doivent disposer du temps nécessaire pour mener leurs contrôles sans être contraints d’accélérer la procédure. Nous voulons imposer, par notre septième recommandation, que la justesse du recouvrement prime systématiquement sur son délai d’exécution.
Deuxièmement, nous estimons essentiel que les différentes directions de l’administration fiscale puissent accéder à des informations consolidées afin d’harmoniser et de mutualiser les pratiques entre services. Ces données devraient porter sur le profil socio-économique et le nombre de contribuables ayant déjà bénéficié d’un règlement d’ensemble et qui en bénéficient à nouveau. Cette mesure permettrait d’éviter que le recours à ce dispositif ne devienne une pratique anticipée et provisionnée par les contribuables concernés, risque particulièrement préoccupant au vu de l’évolution du nombre de règlements depuis 2019, qui a triplé en cinq ans.
Troisièmement, en matière de transparence, il est indispensable de connaître le montant des dix modérations consenties les plus élevées chaque année. Nous avons en effet constaté que les montants moyens présentés dans le rapport au Parlement se trouvent considérablement faussés par l’existence de très importants règlements d’ensemble. Pour illustrer ce phénomène, en 2024, un seul règlement d’ensemble faisait l’objet à lui seul d’une modération de près d’un demi-milliard d’euros. Nous avons également observé que les dix plus importantes modérations accordées par l’administration fiscale représentent à elles seules 77 % du montant total des modérations consenties annuellement.
Notre cinquième recommandation se rapporte à la collecte exhaustive des données, qui constitue une exigence minimale pour permettre aux services fiscaux d’évaluer plus rigoureusement la situation des contribuables et de limiter au maximum le recours aux règlements d’ensemble, qui doit redevenir véritablement exceptionnel. Il est impératif de documenter cette pratique au regard du droit. L’administration fiscale a le devoir de rechercher l’égalité de tous les citoyens face à l’impôt, quelles que soient les contraintes temporelles. L’abandon du contentieux, considéré comme trop chronophage et trop risqué, crée en réalité un cercle vicieux qui empêche la production de jurisprudence, rendant ainsi progressivement la voie contentieuse de plus en plus incertaine.
Par ailleurs, l’administration nous a signalé que certains contribuables se soustraient délibérément à leurs obligations déclaratives ou ne s’y conforment que tardivement, privant ainsi les services fiscaux du temps nécessaire à l’analyse approfondie des éléments disponibles. Nous considérons fermement que la possibilité de conclure un règlement d’ensemble dans ces conditions ne devrait en aucun cas être offerte à ces contribuables. C’est le sens de notre huitième recommandation.
En conclusion, si les règlements d’ensemble sont susceptibles de présenter un intérêt dans certains cas très spécifiques, il devient urgent d’encadrer et de documenter cette pratique opaque qui s’avère extrêmement coûteuse pour l’État.
M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie, madame et monsieur les rapporteurs spéciaux. Vous mentionnez dans votre rapport que l’administration fiscale justifie les règlements d’ensemble, entre autres, au motif qu’« en présence de dossiers complexes, les règlements d’ensemble permettent de garantir des recettes fiscales à l’État, à l’inverse d’un contentieux à l’issue incertaine au cours duquel l’État pourrait non seulement ne percevoir aucune recette, mais être par ailleurs tenu d’indemniser le contribuable ». Disposez-vous de données quantifiant le nombre de contentieux perdus par l’administration fiscale ainsi que les montants concernés ? Quel regard portez-vous sur ce jugement de l’administration fiscale ? L’administration valide-t-elle prématurément ces issues incertaines ?
Plus profondément, ne faudrait-il pas plutôt s’interroger sur les raisons qui rendent cette issue incertaine, autrement dit sur les conditions permettant à des contribuables, assistés par des avocats fiscalistes particulièrement compétents, de contourner l’impôt ou, du moins, de pratiquer une optimisation fiscale à la limite de la légalité ? Il me semble que l’on peut appréhender ce problème par deux versants : d’un côté, le manque de volonté de l’administration, de l’autre, l’insuffisance de ses moyens ou l’existence de dispositions légales ou réglementaires permettant trop facilement à certains contribuables bien conseillés d’échapper à un contentieux pourtant justifié.
Ma deuxième question porte sur les principaux bénéficiaires du dispositif. Votre rapport met en évidence une double concentration : d’une part en termes de revenus, puisque ce dispositif bénéficie aux contribuables disposant de revenus élevés ; d’autre part, une concentration des montants sur un petit nombre de dossiers, puisque 70 à 80 % du montant total concerne les dix décisions les plus importantes accordées par l’administration. Vous précisez qu’en 2023, sur 277 décisions, 139 concernaient l’impôt sur les sociétés, soit plus de la moitié, et 32 portaient sur les taxes sur les chiffres d’affaires. Avez-vous réussi à déterminer le coût de ces décisions pour chaque type d’impôt en termes de recettes fiscales, tant pour les entreprises que pour les particuliers ?
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Notre crainte est que le recours de plus en plus systématique à cette procédure ne devienne prévisible pour les entreprises et qu’elles n’intègrent désormais l’existence de cette procédure totalement opaque dans leur stratégie.
Le problème fondamental réside dans l’absence de critères transparents concernant le choix de l’administration fiscale de recourir à un règlement d’ensemble. C’est pourquoi nous soupçonnons que la question des moyens entre en jeu, conduisant par facilité à notifier des montants surévalués pour ensuite négocier jusqu’à parvenir à un accord.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. D’après les informations communiquées par la DGFiP, l’administration remporte 90 % des contentieux engagés. Concernant les règlements d’ensemble, si le contribuable donne son accord, la procédure aboutit systématiquement. L’administration ne peut donc recourir au contentieux qu’en l’absence d’accord à l’issue des négociations.
Néanmoins, l’administration reconnaît également une fragilité significative sur certains dossiers, particulièrement en matière de prix de transfert. Face à cette incertitude, l’administration préfère parfois adopter une position de départ élevée, réclamant par exemple un milliard d’euros, pour finalement accepter de récupérer 300 millions d’euros, car elle peine à déterminer avec précision le montant des droits exigibles.
Nous nous trouvons dans une situation relativement approximative, ce qui pose un véritable problème de principe, d’autant que l’OCDE a établi des directives concernant les prix de transfert. Il est absolument stupéfiant de constater que l’impôt sur les sociétés repose essentiellement sur cette question des prix de transfert, sujet qui demeure extrêmement flou. La constitution d’une jurisprudence solide dans ce domaine me paraît donc fondamentale, car cet enjeu s’inscrit pleinement dans la problématique plus large de la fiscalité internationale.
M. le président Éric Coquerel. Je ne suis pas certain que l’administration fiscale se résout uniquement par commodité à des règlements d’ensemble. Il me semble que le problème fondamental réside dans le fait que l’administration fiscale, confrontée à certains dossiers pourtant sur des prix de transfert, qu’elle juge fragiles, préfère s’orienter vers cette solution.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. Dans tous les cas, je n’accuse absolument pas l’administration de manquer à ses obligations. Je pense qu’elle fait face à des aléas juridiques bien réels et souffre actuellement d’une incapacité à prouver certains éléments. Le risque, en allant au contentieux, consiste à tout perdre et à créer une jurisprudence extrêmement défavorable. L’administration fiscale cherche donc un équilibre.
J’ajoute un point important : le règlement d’ensemble n’éteint pas les poursuites éventuelles, contrairement à une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Cependant, les plus importants règlements d’ensemble s’accompagnent souvent d’une tentative de cumul avec la CJIP afin de se prémunir contre toute difficulté ultérieure. Cette question constitue un autre sujet qui mériterait, à mon sens, une révision législative.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Permettez qu’à mon tour je clarifie mon propos, afin d’éviter tout malentendu. Lorsque je parle de facilité, je fais référence aux moyens dont dispose l’administration fiscale. Celle-ci ne dispose pas, par exemple, d’une cellule dédiée à l’évaluation de la qualité des règlements d’ensemble ou à l’étude d’approches alternatives, notamment concernant la possibilité d’engager des contentieux en s’appuyant sur des données plus solides.
Mme Marina Ferrari (Dem). Cette clarification est bienvenue, madame la rapporteure spéciale, car le rapport paraît beaucoup plus sévère, voire incriminant pour le ministère de l’économie et des finances, comme s’il existait une chape de plomb autour de ces procédures. Aussi je vous sais gré d’avoir précisé que l’administration fiscale n’était pas mise en cause dans son travail, ni dans sa probité. Il serait d’ailleurs opportun de le réaffirmer, car nous avions une perception assez ambivalente entre la présentation du rapport et vos déclarations.
Nous partageons votre avis sur la nécessité de définir un cadre juridique plus précis. J’aimerais connaître vos propositions concrètes à ce sujet, considérant que l’article L55 du livre des procédures fiscales constitue déjà une amorce en définissant le règlement comme l’une des options possibles.
Plusieurs points m’interpellent à propos de la liste des informations enrichies que vous proposez. Le montant des dix modérations consenties les plus élevées me paraît pertinent, sous réserve du strict respect du secret fiscal. Quant au nombre de contribuables ayant déjà bénéficié d’un règlement d’ensemble et qui en bénéficient à nouveau, il serait judicieux, me semble-t-il, de limiter cette possibilité à une seule occurrence afin d’éviter toute systématisation. Je crois que nous pourrons trouver un terrain d’entente sur ce point.
Je comprends l’intérêt de connaître les motifs pour lesquels l’administration a recours aux règlements d’ensemble. En revanche, je m’interroge sur la pertinence des données régionales. Les informations sur le profil socio-économique des bénéficiaires me semblent révéler une approche potentiellement idéologique, comme si un certain niveau de patrimoine suscitait automatiquement une suspicion. J’émets donc quelques réserves à ce sujet.
Votre mention de la territorialisation soulève également des questions. Je ne perçois pas la valeur ajoutée d’une analyse portant sur la répartition de la pratique des règlements d’ensemble dans le territoire.
Concernant les moyens de l’administration fiscale, vous évoquez la création d’une unité spécialisée. Est-ce vraiment nécessaire, considérant la grande diversité des dossiers à traiter ? L’administration centrale, compte tenu des montants en jeu, doit déjà examiner attentivement certains dossiers. Par ailleurs, le recours à l’intelligence artificielle pourrait considérablement faciliter ce travail.
Quant à l’augmentation de ces procédures, ne faudrait-il pas y voir un indice positif d’un contrôle plus efficace et d’une meilleure lutte contre la fraude ? L’intervention croissante des lanceurs d’alerte, phénomène fort bienvenu, pourrait également expliquer cette hausse des signalements et, par conséquent, l’augmentation de ce type de procédures. Disposez-vous d’éléments concrets sur ce point ?
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. Concernant les critères de transparence, deux aspects méritent notre attention. D’abord, nous nous intéressons aux dix plus importantes modérations dans le but de mettre en évidence la concentration des règlements d’ensemble. Certes, un contribuable disposant de moyens modestes peut solliciter un règlement d’ensemble, mais, dans les faits, ces procédures concernent essentiellement des personnes morales. Quand nous évoquons 450 millions d’euros de modération, il s’agit généralement d’entreprises.
Nous souhaitons connaître l’origine précise de ces règlements. Si, comme on nous l’indique, il s’agit principalement de prix de transfert, cela nous renseigne sur la manière dont l’administration fiscale traite cette problématique pour éviter les contentieux. Voilà la véritable question. Nous voulons également nous assurer que les droits réclamés et les pénalités appliquées respectent les normes habituelles, d’autant que ces informations essentielles n’apparaissent pas dans les rapports actuels.
Quant à l’encadrement juridique, une note tente aujourd’hui d’harmoniser les pratiques. Il convient de rappeler que jusqu’en 2019, la seule note en vigueur était extrêmement succincte. Les procédures variaient considérablement selon les directions régionales des finances publiques ou les directions nationales spécialisées, qu’il s’agisse de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) ou de la DNVSF. Sans verser dans la caricature, nous frôlions parfois des négociations de marchands de tapis. C’est pourquoi il est temps d’établir un cadre clair et contraignant. Les dispositions contenues dans la note actuelle pourraient parfaitement figurer dans un décret, ce qui leur conférerait une véritable force juridique, bien supérieure à celle d’une simple note adressée aux services fiscaux.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. Je souhaite simplement répondre à votre observation sur la possible corrélation entre l’augmentation du nombre de règlements d’ensemble et l’amélioration des contrôles. Malheureusement, comme nous l’avons souligné dans notre rapport, nous ne disposons d’aucune information sur l’évolution historique des règlements d’ensemble entre 2004 et 2020. Cette absence de données rend extrêmement difficile toute réponse précise à cette question.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. Depuis l’adoption de l’amendement Pires-Beaune, nous disposons au moins d’un montant global et donc d’une moyenne. Nous n’avons pas d’autres informations, néanmoins il est certain que les règlements d’ensemble permettent, quoi qu’on en dise, de réduire l’impôt de certains contribuables. Rappelons que le règlement d’ensemble intervient après l’établissement des droits exigés par l’administration fiscale, droits normalement dus. Le contribuable qui sollicite un règlement d’ensemble demande donc explicitement une négociation, alors que celui qui ne fait pas cette démarche s’acquitte intégralement des droits réclamés par l’administration.
Ne nous voilons pas la face : ce mécanisme figure parmi les dispositifs qui permettent d’alléger l’imposition, notamment pour certains grands groupes. Il n’est pas acceptable que cette procédure se déroule dans l’opacité. Je ne prétends pas que l’administration a systématiquement raison, j’affirme simplement que la transparence est indispensable.
J’insiste sur ce point parce que je me suis récemment penché sur le pacte Dutreil. Un article paru aujourd’hui dans Les Échos révèle que son coût réel s’élèverait à 4 milliards d’euros et non 800 millions d’euros comme annoncé. La transparence et l’accès à l’information sont donc fondamentaux pour préserver le consentement à l’impôt. C’est précisément l’enjeu majeur de notre rapport : comment éviter que ces procédures n’apparaissent comme une forme de connivence, sinon une forme de copinage entre l’administration et des contribuables fortunés ayant les moyens de s’offrir les services d’avocats fiscalistes ?
M. François Jolivet (HOR). Je m’interroge d’abord sur la nature juridique du dispositif du règlement d’ensemble. S’agit-il de ce que nous appelons les transactions fiscales ? Je crois comprendre que non, mais la différence revêt une importance symbolique considérable.
Ensuite, le rapport indique que l’entreprise constitue le fait générateur de la demande. Or, j’ai cru comprendre que l’administration fiscale était elle aussi, en certaines circonstances, susceptible d’être à l’origine de la démarche. En effet, la notification des droits n’exclut nullement un dialogue avec le contribuable contrôlé concernant les montants. Cette réalité mérite d’être soulignée.
Par ailleurs, je rappelle que vous-même, monsieur le président, ainsi que le rapporteur général de la commission des finances, disposez d’un accès à ces documents. Cela signifie que notre parlement n’est pas totalement privé d’information, même si cet accès demeure confidentiel. C’est précisément pour cette raison que je ne remets pas en cause l’action de l’administration fiscale sur ce sujet.
Enfin, j’ai bien noté le souhait exprimé dans le rapport d’inscrire la note de juin 2004 dans un cadre plus formel. Un célèbre avocat fiscaliste parisien qualifie cette procédure de « prétorienne ». À cet égard, il serait particulièrement instructif de connaître le cheminement décisionnel de l’administration lorsqu’elle accepte de procéder à un règlement d’ensemble. En outre, il importe de déterminer si le personnel politique peut intervenir et s’immiscer dans l’instruction d’une telle demande.
Mme Mathilde Feld, rapporteure spéciale. La différence fondamentale avec la transaction réside dans son champ d’application : le règlement d’ensemble porte simultanément sur les droits et sur les pénalités, tandis que la transaction concerne exclusivement les pénalités.
M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial. La transaction présente une autre caractéristique distinctive : elle éteint les poursuites futures, ce qui n’est pas le cas du règlement d’ensemble.
La demande de règlement d’ensemble émane effectivement du contribuable, qui sollicite l’administration fiscale pour engager un processus après qu’il a reçu notification des droits exigibles. Le contribuable dispose de plusieurs options : demander une transaction, solliciter un règlement d’ensemble ou requérir un dégrèvement complet. En règle générale, les contribuables concernés ne sont pas démunis en termes de conseil juridique, et il convient de rappeler que ces procédures interviennent généralement à la suite d’un contrôle, autrement dit d’un redressement fiscal.
Vous soulevez, monsieur Jolivet, la question de l’intrusion du politique dans les contentieux entre l’administration fiscale et les contribuables. Il n’y a qu’un parlementaire issu des rangs du groupe Horizons qui pourrait imaginer que le pouvoir politique influe sur l’administration… Les contribuables concernés par les règlements d’ensemble ne sont pas éloignés des sphères des pouvoirs, et savent bien si et comment il est possible d’influer sur l’administration fiscale. Mais pour notre part, nous n’avons pas imaginé, par principe, qu’un tel cas de figure se présente.
À cet égard, je considère personnellement qu’il n’est pas sain de médiatiser certains règlements d’ensemble. Lorsqu’un ministre signe publiquement un accord avec une grande entreprise, cela donne véritablement l’impression d’un maquignonnage. Cela dit, nous ne pensons pas que ce soit là le problème fondamental.
Le véritable problème réside dans l’incertitude jurisprudentielle. L’administration a besoin de sécurisation juridique pour les droits qu’elle exige et qu’elle transmet aux contribuables. Notre objectif, en demandant davantage d’informations, moins d’opacité et un meilleur encadrement, vise précisément à sécuriser l’action administrative.
Constater que 71 % des droits font l’objet d’une modération soulève de sérieuses interrogations. L’administration doit bénéficier d’une meilleure sécurisation juridique. Si un règlement d’ensemble doit advenir, il paraît normal de supprimer les pénalités et d’accorder une légère diminution des droits. Mais il est inconcevable d’aboutir à des réductions aussi considérables que celles que nous constatons.
M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie, madame et monsieur les rapporteurs spéciaux, pour ces observations pertinentes qui contribuent à sécuriser l’action de l’administration fiscale.
La commission autorise, en application de l’article 146 alinéa 3 du règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information.
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 18 juin 2025 à 15 heures
Présents. - M. Anthony Boulogne, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, M. François Jolivet, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Alexandre Sabatou, M. Nicolas Sansu
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Paul Mattei, M. Nicolas Metzdorf, Mme Naïma Moutchou, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou
Assistait également à la réunion. - Mme Céline Hervieu